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21.03.2025 à 17:39

Au Liban et en Syrie, Israël pousse son avantage stratégique par-delà sa frontière

Coline Laroche              

Alors que le Moyen-Orient traverse une phase de reconfiguration géopolitique dans le sillage de l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, les stratégies des puissances régionales ont été profondément bouleversées. La défaite militaire du Hezbollah au Liban, prélude à la nomination d’un nouvel exécutif, et la chute du régime Assad en Syrie, sont deux marqueurs majeurs du changement de paradigme que connait la région. Cette recomposition se déroule dans un contexte plus large de réaffirmation de la politique de puissance et de remise en cause du multilatéralisme, promue notamment par Washington. Au vu de ces changements structurels, Israël poursuit le développement d’une profondeur stratégique au Liban et en Syrie, s’appuyant notamment sur une stratégie du maintien du statu quo de l’autre côté de sa frontière septentrionale via le déploiement de troupes. Cette stratégie répond au tournant maximaliste qu’a pris la politique coloniale israélienne. Tel-Aviv poursuit ses frappes aériennes et son offensive terrestre à Gaza sur fond de négociations pour la poursuite d’un cessez-le-feu fragile à Doha, dont les dernières ont fait plus de 500 morts en date du 21 mars selon le ministère de la Santé du Hamas, tandis que l’opération « Mur de fer » lancée en Cisjordanie a déjà fait plus de 40 000 déplacés. Occupations militaires au Liban et en Syrie Au Liban, alors que l’accord de cessez-le-feu du 27 novembre 2024, signé sous l’égide des États-Unis et de la France, prévoyait un retrait israélien du territoire en 60 jours, Tel-Aviv a annoncé maintenir cinq positions jugées « stratégiques ». Les autorités israéliennes justifient leur présence par le fait que l’armée libanaise n’a pas encore rempli sa part de l’accord, à savoir le démantèlement militaire du Hezbollah au sud du fleuve Litani. Le ministre de la Défense israélien, Israël Katz, a par ailleurs annoncé qu’il avait reçu le « […]

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Texte intégral (2095 mots)

Alors que le Moyen-Orient traverse une phase de reconfiguration géopolitique dans le sillage de l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, les stratégies des puissances régionales ont été profondément bouleversées. La défaite militaire du Hezbollah au Liban, prélude à la nomination d’un nouvel exécutif, et la chute du régime Assad en Syrie, sont deux marqueurs majeurs du changement de paradigme que connait la région. Cette recomposition se déroule dans un contexte plus large de réaffirmation de la politique de puissance et de remise en cause du multilatéralisme, promue notamment par Washington.

Au vu de ces changements structurels, Israël poursuit le développement d’une profondeur stratégique au Liban et en Syrie, s’appuyant notamment sur une stratégie du maintien du statu quo de l’autre côté de sa frontière septentrionale via le déploiement de troupes. Cette stratégie répond au tournant maximaliste qu’a pris la politique coloniale israélienne. Tel-Aviv poursuit ses frappes aériennes et son offensive terrestre à Gaza sur fond de négociations pour la poursuite d’un cessez-le-feu fragile à Doha, dont les dernières ont fait plus de 500 morts en date du 21 mars selon le ministère de la Santé du Hamas, tandis que l’opération « Mur de fer » lancée en Cisjordanie a déjà fait plus de 40 000 déplacés.

Au Liban, alors que l’accord de cessez-le-feu du 27 novembre 2024, signé sous l’égide des États-Unis et de la France, prévoyait un retrait israélien du territoire en 60 jours, Tel-Aviv a annoncé maintenir cinq positions jugées « stratégiques ». Les autorités israéliennes justifient leur présence par le fait que l’armée libanaise n’a pas encore rempli sa part de l’accord, à savoir le démantèlement militaire du Hezbollah au sud du fleuve Litani. Le ministre de la Défense israélien, Israël Katz, a par ailleurs annoncé qu’il avait reçu le « feu vert » de Washington pour maintenir des troupes au Liban.

En plus de conserver certaines positions, Israël poursuit sa campagne d’assassinats de dignitaires du Hezbollah. Le 7 mars, l’État hébreu a lancé sa plus grande salve de missiles depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu. Malgré cette présence militaire, les autorités israéliennes ont annoncé, le 11 mars, la tenue de négociations quadripartites avec la France et les États-Unis, débouchant sur la création de trois groupes de travail conjoints : l’un pour traiter des positions israéliennes au Liban, un autre pour les litiges frontaliers, et un dernier pour la question des détenus libanais. Cependant, les déclarations récentes du ministre de la Défense israélien et du Premier ministre Benyamin Netanyahou vont à l’encontre d’un éventuel retrait. Les deux dirigeants ont déclaré que les forces israéliennes resteront indéfiniment stationnées sur les cinq points dans le sud du Liban, et ce, indépendamment des négociations sur les litiges frontaliers.

L’occupation territoriale du Sud-Liban fait écho à la stratégie adoptée en Syrie au lendemain de la chute de Bachar Al-Assad. Le 8 décembre 2024, le gouvernement israélien a annoncé qu’il mettait fin à l’accord de cessez-le-feu signé en 1974 avec les autorités damascènes qui établissait une zone démilitarisée sur les hauteurs du plateau du Golan. Peu de temps après cette annonce, des troupes israéliennes se sont positionnées dans la zone démilitarisée qui surplombe le sud de la Syrie. Depuis, Tel-Aviv multiplie les frappes aériennes visant des positions et des entrepôts militaires dans le sud du pays. Le 18 mars, les forces israéliennes ont mené une vague de bombardements au Sud, ciblant des bases de l’armée syrienne dans la région de Deraa, à la frontière jordanienne, causant la mort d’au moins trois civils. À l’instar de sa stratégie au Liban, Tel-Aviv plaide pour une démilitarisation complète du sud de la Syrie.

La pression militaire sur le régime de Damas s’accompagne d’une rhétorique de soutien aux minorités, notamment la communauté druze syrienne. Représentant environ 3 % de la population, les druzes sont majoritairement situés dans le sud du pays, notamment à la frontière israélienne, région dans laquelle, durant la guerre civile, de nombreux groupes armés ont développé une autonomie de facto. La rhétorique de protection de la minorité druze a été historiquement utilisée par l’État hébreu pour diviser la communauté palestinienne de Cisjordanie sur des critères confessionnels. Les druzes d’Israël comptent environ 150 000 personnes et jouissent d’une identité reconnue, participant également à l’appareil militaire du pays.

Dans ce contexte, la communauté druze israélienne joue un rôle central, ayant envoyé à plusieurs reprises de l’aide alimentaire aux druzes syriens. En parallèle, les autorités israéliennes exercent une pression sur celles de Damas. Au lendemain d’affrontements entre les forces de sécurité syriennes et une milice druze dans la ville de Jaramana, située dans la banlieue sud-est de Damas, le ministre israélien de la Défense a menacé de « frapper » le régime si ce dernier portait atteinte aux druzes. Ces déclarations sont d’autant plus performatives que la Syrie a été récemment traversée par de violents affrontements sectaires dans les régions de Lattaquié et Tartous, mettant en lumière les difficultés du nouveau régime à préserver la stabilité du pays et à contrôler la myriade de groupes armés qui y prospèrent.

Damas, qui vient d’adopter une déclaration constitutionnelle provisoire qui « protège la liberté de croyance et le statut des sectes religieuses », a réagi aux déclarations israéliennes en rencontrant les dirigeants de la province de Soueïda, majoritairement druze, afin de discuter de la représentation de la communauté au sein de l’État central. Selon les médias arabes Al-Jazeera et Al-Arabiya, un accord similaire à celui signé avec les forces autonomes du Nord-Est – qui amorce une feuille de route visant à intégrer ses institutions civiles et militaires – serait sur le point d’être signé. Mais la communauté druze demeure susceptible de se fracturer sur son intégration à l’État, ouvrant une brèche qu’Israël pourrait exploiter. Si certains ont d’ores et déjà hissé le nouveau drapeau syrien à Soueïda, l’une des principales autorités spirituelles de la communauté, Hikmat al-Hijri a rejeté tout accord avec les autorités damascènes. En parallèle, Tel-Aviv semble continuer d’instrumentaliser les représentants de la communauté, ayant accueilli ce 14 mars une délégation de leaders druzes syriens en pèlerinage, ce que le Conseil des dignitaires de la communauté druze, instance religieuse libanaise, a dénoncé.

Au Liban, une telle stratégie – déjà utilisée en direction des chrétiens du sud durant la guerre civile – est inopérante. La communauté druze, qui représente environ 5 % de la population, est historiquement proche des mouvements nationalistes arabes et est sensible à la question palestinienne. Son leader emblématique, Walid Joumblatt, a d’ailleurs dénoncé les tentatives israéliennes de « fragmenter la région ». Ce dernier est par ailleurs proche du nouveau gouvernement syrien, ayant été le premier haut dignitaire libanais à se rendre à Damas après la chute du régime de Bachar Al-Assad.

L’État hébreu peut néanmoins jouer sur la pression sécuritaire qu’il impose à l’exécutif libanais pour déstabiliser le pays. En février, les autorités israéliennes ont menacé de frapper l’aéroport international de Beyrouth si ce dernier laissait atterrir des avions en provenance d’Iran. En conséquence, les nouvelles autorités libanaises ont interdit aux avions iraniens de se poser au Liban, provoquant la colère des partisans du Hezbollah dans la banlieue sud de Beyrouth. Ces derniers dénonçaient ce qu’il considéraient comme une soumission du nouveau gouvernement aux diktats israéliens.

Face aux pressions israéliennes, les nouvelles autorités libanaises semblent désireuses d’accélérer le processus de désarmement du Hezbollah au Sud. Le sujet a notamment fait l’objet d’un débat lors d’un Conseil des ministres le 13 mars sous l’impulsion de ministres opposés au parti chiite. Toutefois, le nouvel exécutif doit veiller à préserver un certain équilibre avec le Hezbollah, qui conserve une forte assise populaire au sein de sa communauté. Ainsi, la résolution de la question des armes de la milice pourrait bien passer par la mise en place d’une « stratégie de défense nationale », devant mener à une intégration des armes du Hezbollah dans les forces armées régulières. De plus, l’affaiblissement militaire du Hezbollah a amené certains de ses dirigeants à saluer la mise en place d’un dialogue qui pourrait légitimer leur arsenal.

De son côté, Israël refuse tout autant la légitimation des armes du Hezbollah que le développement d’une armée nationale forte à sa frontière, quand bien même elle seule permettrait un désarmement effectif de la milice chiite. Tel-Aviv dispose de différents leviers pour s’assurer une armée faible à sa frontière nord. En 2010 et 2014, des initiatives franco-saoudiennes pour fournir l’armée libanaise en équipements avaient déjà été en partie bloquées par Israël. De plus, les forces libanaises, sous équipée et en sous-effectif, sont extrêmement dépendantes de l’aide états-unienne, qui représente plus de 90 % de son approvisionnement en équipements. Là aussi, Israël dispose de relais pour faire pression sur le forces régulières libanaises. Le 5 mars, un élu américain ferveur de l’État hébreu a déposé un projet de loi visant à conditionner toute aide fournie à l’armée libanaise à la révocation par le nouveau gouvernement de la légitimité du Hezbollah.

L’hubris des dirigeants israéliens au Liban et en Syrie est galvanisé par une conjoncture géopolitique propice à l’affirmation de sa puissance. Le fait que les États-Unis de Donald Trump, soutien résolu à la politique coloniale israélienne, soit un acteur influent dans les dynamiques politiques syriennes et libanaises, constitue une aubaine pour la politique régionale israélienne. Cependant, les récentes révélations de pourparlers directs entre l’administration Trump et les représentants du Hamas sont susceptibles de préoccuper les dirigeants israéliens, leur rappelant que si Washington est un partenaire instable pour les Européens, il peut également l’être pour Israël. De quoi inviter l’État hébreu à une forme de prudence stratégique ou, à l’inverse, tenter d’avancer ses pions un maximum pour profiter du momentum.

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20.03.2025 à 16:56

Livre blanc de la défense : comment l’Europe compte-t-elle se réarmer ?

Coline Laroche              

« L’ère des dividendes de la paix est révolue », tels sont les mots d’Ursula Von der leyen à la présentation du Livre blanc de la défense européenne devant la Commission le 19 mars dernier. Depuis le début de la guerre en Ukraine et le désengagement progressif des États-Unis dans le budget de l’OTAN, l’Europe fait face aux retards qu’elle accumule en matière de capacité de défense. Intitulé « Readiness 2030 », ce texte entre en résonnance avec le plan « ReArm Europe », et annonce la feuille de route à suivre afin de correctement identifier les besoins d’investissements et assurer une allocation optimale des ressources du continent. Malgré tout, cet engagement clair pour l’autonomisation stratégique de l’Europe n’est pas sans défis. L’urgence parviendra-t-elle à effacer les nombreux désaccords des différents pays membres sur les questions économiques ? Dans quelles mesures, un financement qui se focalise sur le soutien de l’industrie nationale, ne compromet-il pas la coordination d’une politique européenne de défense commune ? Quels sont les pays qui profiteront le plus des aides accordées ? Comment faire de la préférence européenne, un raisonnement applicable en matière de défense ? Entretien avec Federico Santopinto, directeur de recherche à l’IRIS, en charge du Programme Europe, stratégie et sécurité.

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« L’ère des dividendes de la paix est révolue », tels sont les mots d’Ursula Von der leyen à la présentation du Livre blanc de la défense européenne devant la Commission le 19 mars dernier. Depuis le début de la guerre en Ukraine et le désengagement progressif des États-Unis dans le budget de l’OTAN, l’Europe fait face aux retards qu’elle accumule en matière de capacité de défense. Intitulé « Readiness 2030 », ce texte entre en résonnance avec le plan « ReArm Europe », et annonce la feuille de route à suivre afin de correctement identifier les besoins d’investissements et assurer une allocation optimale des ressources du continent. Malgré tout, cet engagement clair pour l’autonomisation stratégique de l’Europe n’est pas sans défis.

L’urgence parviendra-t-elle à effacer les nombreux désaccords des différents pays membres sur les questions économiques ? Dans quelles mesures, un financement qui se focalise sur le soutien de l’industrie nationale, ne compromet-il pas la coordination d’une politique européenne de défense commune ? Quels sont les pays qui profiteront le plus des aides accordées ? Comment faire de la préférence européenne, un raisonnement applicable en matière de défense ?

Entretien avec Federico Santopinto, directeur de recherche à l’IRIS, en charge du Programme Europe, stratégie et sécurité.

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20.03.2025 à 12:03

Une diplomatie arabe à l’épreuve : réponse stratégique ou aveu de faiblesse ?

Coline Laroche              

La présentation du « plan Trump » le 5 février 2025, consistant à déplacer la population de la bande de Gaza afin d’en prendre le contrôle et la transformer en station balnéaire, a rapidement suscité de vives réactions à l’international. Face aux nombreux rejets des pays arabes, le président états-unien a rétropédalé, bien qu’il ait tout de même considéré son plan comme « la voie à prendre ». Cependant, la valeur-choc de ces déclarations a néanmoins eu un avantage pour Donald Trump, en incitant les pays arabes à établir une contre-proposition. Ces derniers ont alors témoigné de leur activisme quant au sort des Palestiniens à travers trois réunions consécutives. Dans quelle mesure la contre-proposition arabe au « plan Trump » traduit-elle une volonté d’affirmation des États arabes, tout en révélant leurs limites ? Les pays arabes face au sort des Gazaouis L’Arabie saoudite a décidé de s’emparer de cette question en organisant une première réunion à Riyad le 21 février 2025. Rassemblant le Qatar, les Émirats arabes unis, l’Égypte, la Jordanie, le Koweït et Bahreïn, cette dernière a servi de prémisse au sommet de la Ligue des États arabes, annoncé dans les jours suivants. Après de multiples reports, ce sommet s’est finalement tenu le 4 mars 2025, lors duquel l’Égypte a pu proposer son plan et recevoir l’approbation des membres de la Ligue. Le Caire n’a eu d’autre choix que de s’impliquer, son territoire étant désigné comme terre d’accueil dans le « plan Trump », aux côtés de la Jordanie.   Après avoir fermement rejeté l’idée de déplacer les gazaouis, ce « plan arabe » distingue deux phases menant à la solution à deux États. La première se concentre sur les urgences, avec un budget de 5 milliards de dollars, et la seconde s’attèle à une reconstruction massive s’étalant jusqu’à […]

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Texte intégral (2174 mots)

L’Arabie saoudite a décidé de s’emparer de cette question en organisant une première réunion à Riyad le 21 février 2025. Rassemblant le Qatar, les Émirats arabes unis, l’Égypte, la Jordanie, le Koweït et Bahreïn, cette dernière a servi de prémisse au sommet de la Ligue des États arabes, annoncé dans les jours suivants.

Après de multiples reports, ce sommet s’est finalement tenu le 4 mars 2025, lors duquel l’Égypte a pu proposer son plan et recevoir l’approbation des membres de la Ligue. Le Caire n’a eu d’autre choix que de s’impliquer, son territoire étant désigné comme terre d’accueil dans le « plan Trump », aux côtés de la Jordanie.  

Après avoir fermement rejeté l’idée de déplacer les gazaouis, ce « plan arabe » distingue deux phases menant à la solution à deux États. La première se concentre sur les urgences, avec un budget de 5 milliards de dollars, et la seconde s’attèle à une reconstruction massive s’étalant jusqu’à 2030 avec un budget de 48 milliards de dollars.

Enfin, une session exceptionnelle de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) a eu lieu le 7 mars 2025 à Djeddah pour que ce plan « devienne à la fois un plan arabe et un plan islamique », selon le ministre égyptien des Affaires étrangères.

Bien que cette initiative soit portée par l’ensemble des pays en question, elle reste tout de même fragile par les divergences qui y persistent.

Illustrées par l’absence des officiels saoudiens et émiratis au sommet de la Ligue arabe, elles sont particulièrement prégnantes au sujet du rôle du Hamas. À ce titre, le communiqué de la Ligue des États arabes demeure flou en affirmant que l’organisation « ne devrait plus diriger Gaza ni constituer une menace pour Israël ». Cette déclaration sous-entend un effacement de son statut militaire, mais ne pose pas clairement les conditions de son futur politique. À ce titre, le Hamas a d’ailleurs consenti à s’abstenir de participer à la commission administrative chargée de superviser l’enclave.

Le Qatar, en raison de ses liens avec l’organisation, et l’Arabie saoudite, au nom d’un certain pragmatisme, refusent d’exclure le Hamas de tout processus politique et appellent plutôt à une mise en retrait. Cette position se justifie par le fait que l’organisation garde une certaine emprise sur Gaza et pourrait faire échouer le plan s’il était trop à son désavantage. De leur côté, les Émirats arabes unis maintiennent leur opposition aux mouvements proches des Frères musulmans, dont le Hamas fait partie, et privilégient une gouvernance assurée par l’Autorité palestinienne, malgré une incrédibilité persistante auprès des Palestiniens.

Au-delà de ces divergences stratégiques, il convient de distinguer les États directement confrontés à Israël et ceux qui ne l’ont pas été. Pour les   premiers, ils tendent à privilégier la gestion de leurs enjeux internes et sont amenés à limiter leur engagement pour éviter toute déstabilisation politique.

La Syrie, confrontée aux défis d’une transition politique inclusive, doit également faire face aux tentatives de déstabilisation de l’État hébreu, notamment par l’instrumentalisation de sa minorité druze. Tout en cherchant à ménager Israël, le président intérimaire, Ahmed al-Charaa, se concentre principalement sur l’exigence du retrait des troupes israéliennes de son territoire.

Également, le Liban reste figé dans un cessez-le-feu fragile avec Israël, où l’armée israélienne poursuit des opérations quotidiennes. Sa marge de manœuvre reste ainsi restreinte, alors qu’il est engagé dans une négociation sur le tracé de la frontière avec son voisin au sud.

Indéniablement, les positions des pays du Golfe sont ainsi plus confortables, en étant même courtisées par la diplomatie états-unienne.

En ce sens, bien que Donald Trump ait voulu relancer le projet de normalisation israélo-saoudienne, l’Arabie saoudite a assumé un certain leadership autour de Gaza.  L’ambassadeur d’Israël aux États-Unis avait déclaré que ce projet était « plus proche que jamais » le 29 janvier 2025. Or, le 7 octobre 2023 a contraint la diplomatie saoudienne à durcir sa position en se positionnant en faveur d’un État palestinien sous les frontières pré-1967 avec Jérusalem-Est comme capitale. Riyad apparaît alors comme un verrou à la normalisation à l’échelle régionale : si elle venait à s’y résoudre, cela ouvrirait la voie aux autres pays arabes.

Tenants d’une ligne plus modérée, les Émirats arabes unis n’ont pas fermement condamné le « plan Trump », contrairement à Riyad.

Au-delà d’un front aux contours incertains, la deuxième limite fondamentale du « plan arabe » tient dans l’absence de soutiens extérieurs.

Le plan élaboré repose en effet sur l’appui de fonds étrangers, dont l’Union européenne et la Banque mondiale à hauteur de 15 milliards de dollars, aux côtés de l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar. D’ailleurs, à la suite de la réunion de l’OCI, son conseil a exhorté la communauté internationale et les institutions financières internationales et régionales à apporter rapidement le soutien nécessaire au plan

Bien qu’Antonio Costa, président du Conseil européen, était présent au sommet de la Ligue arabe, l’initiative n’a pas reçu de soutien officiel de la part de la Commission européenne. Cette retenue s’explique par la volonté d’éviter l’ouverture d’un nouveau front avec le président américain, à l’heure où l’Europe tente de se mobiliser autour de la défense de l’Ukraine. En dépit de cette prudence, la France s’est timidement associée à la démarche arabe et présidera aux Nations unies, conjointement à l’Arabie saoudite, une conférence sur la solution à deux États en juin 2025.

La politique étrangère déclarative et transactionnelle du président Donald Trump fige la question palestinienne en refusant de laisser émerger une contre-proposition. Son plan est d’ailleurs plutôt à considérer comme une suggestion, qui ne prend pas en compte deux réalités fondamentales : les gazaouis ne souhaitent pas quitter l’enclave et les pays arabes refusent de les accueillir.  

Malgré un rejet du « plan arabe », l’administration états-unienne maintient une position ambivalente. Le 13 mars 2025, Donald Trump a affirmé qu’il n’y aura pas d’expulsion des Palestiniens, sans pour autant renoncer à leur départ, au moins temporairement. De son côté, Steve Witkoff, l’envoyé spécial des États-Unis au Moyen-Orient, a qualifié ce plan de « premier pas de bonne foi » et contenant des  « caractéristiques convaincantes ».  De plus, l’émissaire entretient une négociation indirecte avec le Hamas pour parvenir à la libération des otages états-uniens.

Cependant, le « plan arabe » est voué à être rejeté par Tel-Aviv, qui ne montre aucun intérêt pour la reconstruction de Gaza et privilégie le transfert de ses habitants. Les déclarations de Donald Trump quant à ces derniers ont été reçues comme un feu vert aux propositions les plus radicales. Elles se matérialisent par le plan du ministre des Finances d’extrême droite Bezalel Smotrich qui souhaiterait expulser 5 000 personnes par jour pendant une année entière pour parvenir au transfert de l’ensemble des gazaouis.

À cela s’ajoutent les bombardements israéliens du 18 mars, qui marquent une rupture avec un cessez-le-feu déjà fragile, alors que sa deuxième phase peinait à se dessiner. Israël semble désormais déterminer à accentuer la pression appliquée sur la population palestinienne. Ceci afin de légitimer l’argument de Trump selon lequel le déplacement des Palestiniens est primordial, l’enclave étant inhabitable. Cette stratégie permet également de maintenir une pression accrue sur la frontière égyptienne via le Sinaï, alors que l’Égypte tente d’obtenir des soutiens internationaux pour le « plan arabe ».

Parallèlement, ces attaques répondent à des considérations politiques internes : la menace d’un Parlement dissous si le budget de l’État n’est pas voté avant la fin du mois de mars. Ainsi, le Premier ministre Netanyahou assure sa survie politique en obtenant le retour du parti Otzma Yehudit, et son leader Itamar Ben Gvir, au sein de la coalition gouvernementale. Ce dernier avait quitté le gouvernement en janvier afin de dénoncer le cessez-le-feu conclu avec le Hamas.

Les accords d’Abraham, signés sous le premier mandat de Donald Trump, n’ont finalement pas amené la paix au Moyen-Orient et la question palestinienne est plus centrale qu’elle ne l’a été depuis de nombreuses années. Les soutiens des administrations Biden et Trump à la politique israélienne contraire au droit international n’ont fait qu’exacerber les volontés les plus extrêmes. Ce constat s’élargit également à la Cisjordanie, où Donald Trump a levé des sanctions à l’égard de colons israéliens.  Cet appui au but de guerre illusoire d’éradiquer le Hamas empêtre le conflit dans lequel les extrémismes palestiniens et israéliens se répondent.

Dans ce contexte, les pays arabes, qui défendent par période les droits des Palestiniens, se retrouvent dans un dialogue de sourds avec le président Trump, incapables de faire avancer toute option viable.

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