30.04.2025 à 19:57
Urgence Palestine, la dissolution de trop
Texte intégral (501 mots)
Emmanuel Macron a été porté au pouvoir par les voix de millions de personnes qui ont voté pour faire barrage à l’extrême droite.
Il n’aura eu de cesse d’insulter ceux qui ont permis son élection, notamment en utilisant une loi votée par le Front Populaire en 1936 pour mettre fin à la violence des groupes de combat et des ligues d’extrême droite qui faisaient régner la terreur et avaient tenté un coup d’état en 1934.
En 2025, son gouvernement se sert de cette loi pour tenter de dissoudre Urgence Palestine, le cœur battant de la lutte contre un génocide mené par l’extrême droite israélienne devenu le modèle de tous les fascistes occidentaux. Bruno Retailleau dissout Urgence Palestine en meme temps que la Jeune Garde, groupe antifasciste au lendemain de l’assassinat islamophobe d’Aboubakar Cissé , poignardé sauvagement dans un lieu de culte, au lendemain de l’assassinat d’une jeune lycéenne par un admirateur d’Adolf Hitler.
Il n’y a pas besoin de longues analyses : les dissolutions ont d’abord concerné les associations musulmanes, dans un contexte où la deshumanisation islamophobe battait déjà son plein. Elles ont donc été accueillies dans l’indifférence. Elles ont ensuite concerné les écologistes conséquents, dont les actions massives et populaires mettaient en péril des projets capitalistes démentiels qui mènent partout l’humanité à sa perte.
La dissolution d’Urgence Palestine est logique dans le contexte de la victoire idéologique provisoire de l’extrême-droite française, dont le macronisme est le valet tremblant. Depuis un an et demi, Urgence Palestine est en France le cœur battant de la résistance au nihilisme génocidaire, comme la Palestine est le pays de coeur de toutes celles et ceux qui espèrent encore en l’humanité. Urgence Palestine, dès octobre 2023 n’a pas été seulement un mouvement parmi d’autres, mais le nom de l’antifascisme, le cri de ralliement, le centre névralgique de toutes les énergies positives pour un autre monde possible.
On ne peut dissoudre une atmosphère, même en empêchant les gens de respirer avec des lois mortifères. Comme tous les régimes autoritaires en fin de règne, le macronisme crée lui même les conditions de sa chute. L’islamophobie n’est jamais une diversion, mais depuis le début du génocide en Palestine , elle est devenue le seul moteur du régime.
Très logiquement, l’antifascisme qui se lève est en partie palestinien et musulman : Urgence Palestine rallie vastement, et la plus grande défaite des forces fascistes et macronistes du nationalisme français vieillissant , c’est de voir la jeunesse et leurs propres enfants aux côtés de l’ennemi intérieur que désignent leurs grands parents.
On ne dissout pas le Printemps.
03.04.2025 à 09:26
Zemmour et Pétain: en temps de génocide, que vaut la mémoire des victimes de Vichy ? ?
Texte intégral (1836 mots)
Il y eut autrefois des survivants et survivantes de l’extermination des Juifs d’Europe pour inviter des victimes algériennes de Papon à la barre lorsque celui-ci eut à répondre des crimes commis au nom de l’État français sous Vichy. Ce fut historique, car en vertu de la loi d’amnistie votée par la jeune Vème République créée pour mater l’insurrection algérienne, Papon était protégé de toute poursuite concernant les crimes contre l’humanité et la torture en Algérie.
Certes, aucune des associations actuelles de lutte contre l’antisémitisme n’invitera des Palestiniens de France ou des musulmans au pourvoi en cassation que formera Eric Zemmour contre une décision qui ne lui semble encore pas assez laxiste dans la France d’aujourd’hui : 10 000 euros d’amende pour avoir tenu des propos négationnistes d’un niveau inimaginable sur de grands médias il y a quinze ans, c’est encore trop à ses yeux. L’Histoire, le respect des victimes de la France vichyste servile devant le nazisme, devançant les désirs des SS, à leur grande surprise parfois, on s’en fiche en 2025. Monsieur Zemmour n’a dit qu’un mensonge, finalement très mesuré, en affirmant que Pétain a sauvé des Juifs, quand les sionistes au pouvoir en Israël en sont à proclamer que ce sont les arabes qui ont poussé Hitler à exterminer les Juifs, quand des assassins et des génocidaires portent une étoile jaune en allant à l’ONU, profanant ainsi la mémoire des victimes juives de Hitler à qui cette étoile ne donnait, certes, que le pouvoir d’être fichées, traquées, interdites d’éducation, de travail, de s’asseoir sur les bancs, spoliées de leurs biens puis exterminées. Pas celui de commettre un génocide tout en se promenant aux Nations Unies pour y éructer des insanités racistes.
Finalement, Zemmour présentant le bourreau en chef de Vichy comme un sauveur de Juifs, en quoi est-ce le problème d’une musulmane ?
Pourquoi voler sa Shoah à Yvan Attal ? Sincèrement, je m’en passe fort bien, et je n’aimerais certes pas en venir à faire rougir de honte toute ma famille et susciter la colère de toute ma communauté en osant m’approprier les victimes du colonialisme pour ma petite boutique politique sanglante. Mais tout le monde n’a pas les mêmes valeurs.
Et l’on pourrait, à l’heure où les Palestiniens sont menacés de déportation ou d’extermination, en termes très clairs par Israël acter simplement des faits : la lutte contre l’antisémitisme en France en 2025, la législation antiraciste comme le discours public à ce sujet sont devenus le fer de lance de la répression contre celles et ceux qui contestent non pas la mémoire de crimes contre l’humanité, mais des crimes contre l’humanité en train d’être commis. Lorsque Serge Klarsfeld, dont les travaux sont justement la cible de Zemmour dans cette affaire, applaudit l’extrême-droite avec ferveur, la boucle historique semble bouclée et ne nous concerner en aucun cas.
Mais comme tout le monde, les musulmans ont le droit à l’Histoire, à la transmission de la vérité, surtout sur le sujet des génocides commis par les Européens. Et ce droit, nous l’avons, même si les sionistes nous le dénient, eux qui, par la voix de leurs associations et de leurs avocats, ont reproché à notre frère Elias d’Imzalene d’être allé devant le Mémorial des Insurgés du ghetto de Varsovie. Cela a fait partie des griefs soulevés par les avocats de la LICRA et de l’Observatoire Juif de France, car se recueillir pour les insurgés armés du Ghetto, c’était reconnaître ses propres projets antisémites violents, selon eux.
Notre Frère a été condamné à cinq mois de prison avec sursis pour avoir dit “Intifada”. Ses avoirs sont gelés, la spoliation des biens par le pouvoir exécutif s’ajoute à une condamnation, pathétique tentative de le priver de moyens et de soutiens avant l’appel.
Pour avoir nié les crimes commis par le maréchal Pétain et sa clique venue de tout le champ politique français, Zemmour, après six ans de procédure et deux relaxes, écope d’une amende que son mouvement paiera sans souci. Il le lui doit bien, car Zemmour, comme tous les négationnistes, sait ce qu’il gagne à aller volontairement au procès dans un pays qui s’est toujours montré très complaisant avec eux. La promotion de son récit.
Un récit qui va bien au-delà des seuls intérêts de l’extrême droite officielle en cette période où la France, ses intellectuels appointés, ses écrivains, ses polémistes, et une grande partie du champ politique, hurlent à la mort contre les Palestiniens avec Israël, par amour des Juifs disent ils. Pour être crédible, ce récit doit effacer le passé, impérativement : il faut faire oublier la participation de la France au génocide antisémite.
Pétain, le héros de la boucherie nationaliste de la Première Guerre mondiale, encensé par Macron pour sa première vie, doit être petit à petit exonéré de la seconde.
Alors, prétendre partout qu’il a sauvé des Juifs et surtout sur C News, c’est important. Les faits sont têtus et terriblement dégradants pour la France éternelle amie des Juifs dont on nous rebat les oreilles toute la journée, même au regard des autres pays européens sous la domination nazie. Il y eut deux pays dans lesquels une collaboration d’état fut officiellement acceptée : la France et le Danemark. Mais au Danemark, immédiatement, les autorités firent savoir aux nazis que les Juifs danois ne seraient pas déchus de leur citoyenneté. Les nazis acceptèrent cette décision-là jusqu’à mi-1943, où ils opérèrent des rafles massives. À ce moment, le gouvernement danois démissionna en bloc. En France, le premier statut des Juifs est décrété dès le 3 octobre 1940. Il n’y pas eu la moindre protection des Juifs français, les seuls dont Zemmour parle et pour cause.
Lorsqu’il tente d’inventer une “protection ” des Juifs français en arguant, avec une abjection absolue, que seuls des Juifs “étrangers “, moins humains sans doute, furent arrêtés par la police française, puis exterminés pendant la rafle du Vel d’Hiv, il oublie un léger détail de l’histoire : 3000 enfants nés de parents juifs étrangers, mais français, furent arrêtés. L’amende de 10 000 euros infligée à Zemmour estime donc à 3 euros et 30 centimes la mémoire de chaque enfant juif français raflé. Et à rien celle des autres : les étrangers, qui, il est vrai, étaient déjà l’objet de lois contre les immigrés de plus en plus dures à la fin de la 3ᵉ République et objets de campagnes xénophobes puissantes.
L’enjeu politique est là, en ce qui nous concerne : en 2025, la remise en cause du droit du sol est une banalité lamentable. Les camps d’internement des étrangers, en majorité musulmans, ne cessent de s’agrandir et font partie d’un quotidien européen, celui qui traite comme des criminels, des hommes, des femmes et des enfants qui n’ont pas eu la décence de mourir noyés dans la Méditerranée. En 2025, même des députées visées comme palestiniennes et musulmanes sont menacées de déchéance de nationalité par des Ministres. En 2025, on ne répète pas la Shoah, on se contente de répéter l’histoire de France, celle qui amena la République et des socialistes à rejeter dans la catégorie des sous-humains même celui qui fut leur dirigeant le plus brillant, Léon Blum, et à voter les pleins pouvoirs aux ancêtres politiques de Zemmour, couchés devant les nazis.
En 2025, il n’y a pas à voler sa Shoah à Yvan Attal, il y a simplement à s’approprier l’Histoire, car elle est la nôtre.
Les mensonges de Zemmour, il faut le savoir, s’appuient sur une seule œuvre, celle d’Alain Michel, historien et rabbin en Israël : Alain Michel est un homme qui affirme que l’on ne peut librement faire de la recherche sur la Shoah et Vichy en France, que la “doxa “règne. Ça vous rappelle les discours négationnistes ? C’est normal, monsieur Alain Michel est un précurseur dans le domaine des amitiés franco-israéliennes, il ne se cache pas d’avoir rencontré le gendre de Pierre Laval et d’avoir été sensible à ses arguments.
Face à la démence des discours fascistes, face à l’union pour tous les génocides, nous avons l’Histoire à préserver : celle d’un pays profondément coupable et éternellement dans le déni de ses crimes, capable de se présenter en patrie de la lutte contre l’antisémitisme pour condamner des musulmans qui luttent contre un génocide, alors même que la France est une des patries de l’antisémitisme, dont les nazis lurent avec avidité les intellectuels.
Faut-il préciser que même si l’histoire des génocides n’était pas un savoir, mais une arme de guerre, nous ne la volerions désormais à personne et surtout pas aux sionistes ? De droite ou se disant de gauche, leur seule préoccupation, affichée fièrement, est, aujourd’hui, le destin d’un état génocidaire. Leur seul projet : attaquer l’antisionisme, avec le pouvoir macroniste, avec les fascistes, en s’acharnant, non seulement sur les musulmans, mais également sur les Juifs antisionistes à longueur de tribune, en leur déniant même le droit de faire vivre dans des colloques la mémoire de l’extermination des Juifs d’Europe, ou de projeter des films qui disent la vérité sur les nazis. La vérité historique, sa transmission aux masses ? Ils s’en moquent, donc.
Dans ce contexte historique, la lutte contre l’antisémitisme n’est pas un devoir pour les musulmans. Personne en France n’a à dicter aux victimes d’un racisme d’état, qui, à bien des égards, imite ce qu’il a toujours su faire, le devoir de faire autre chose que se défendre. Par contre, notre devoir et notre intérêt sont de préserver la mémoire de la sombre histoire française, de sa collaboration à un génocide, industrialisé froidement, sur son propre sol. Sombre histoire qui ne s’est jamais interrompue, juste exportée.
31.03.2025 à 19:33
Lettre ouverte à ceux qui attaquent le chercheur du CNRS François Burgat
Texte intégral (3834 mots)
Lettre ouverte à ceux qui attaquent le chercheur du CNRS François Burgat
Christophe Oberlin 26 mars 2025
Alors qu’un génocide est en cours en Palestine occupée, les appuis occidentaux de l’Etat d’Israël font feux de tout bois.
En France, pays clé, l’existence de lobbys est légale, ce qui est normal. Ce qui l’est moins, c’est que la Justice s’en trouve parfois encombrée voire instrumentalisée. Le comble serait que les chercheuses et chercheurs les plus compétents soient entravés dans leur recherche, voire condamnés personnellement.
J’ai été victime, moi-même, il y a treize ans, d’une tentative d’intimidation utilisant le chantage à l’antisémitisme. La tentative s’est soldée par l’échec du lobby qui m’attaquait, assorti d’une jurisprudence allant à l’encontre du Conseil de l’Ordre des médecins qui s’était laissé instrumentaliser. Mais la force d’un lobby, tant qu’il est alimenté, est de ne pas se décourager.
Aujourd’hui, dix ans plus tard, le chantage classique à l’antisémitisme a pris une autre forme. Il s’appuie sur un nouvel Esprit des lois, inquiétant. On prétend combattre « l’atteinte aux valeurs de la République », « l’incitation à la haine », « l’apologie de terrorisme ». Avec un champ d’application tout trouvé : l’une des valeurs de la République française serait de soutenir notre allié Israël, de promouvoir son amour pour cet Etat, et de considérer toute déclaration contraire comme une apologie de terrorisme. C’est exactement ce dont se plaint une association lobbyiste européenne à l’encontre de François Burgat, éminent chercheur aux travaux de notoriété internationale. L’allégation est proprement ridicule, mais le lobby par définition n’a pas peur du ridicule, c’est aussi à cela qu’on le reconnait. Ce qui est troublant, c’est que la plainte ait été estimée recevable par un parquet.
Alors, penseront certains, ce n’est pas si grave car, dans notre pays, l’Université et la Recherche, sont solides et indépendantes du pouvoir. Ce ne fut pas toujours le cas : on se souvient avec horreur de l’appui apporté par le monde académique à la colonisation, par le biais de travaux « scientifiques » sur l’inégalité des races humaines, l’instrumentalisation du génial Darwin à travers un « darwinisme social » meurtrier, celle moins connue du visionnaire français Alfred Binet, apôtre du dépistage et du traitement de la dyslexie des enfants, honteusement transformé aux États-Unis en « QI ».
Alors aujourd’hui, pas d’instrumentalisation politique de la science ? Eh bien si. Avec une cible toute trouvée : les Arabes, les musulmans, l’islam. Avec quels moyens ?
Certains Instituts flagorneurs, certaines thèses de sciences sociales amalgamant de soi-disant « prescriptions religieuses » pour tuer avec certains territoires supposés perdus. Peu importe que de telles thèses aient été scientifiquement démontées[1], l’allégeance « académique » de certains.nes au pouvoir actuel suffit à conseiller les ministres, à justifier l’usage de l’outil judiciaire. Les meilleurs chercheurs sont vulgairement attaqués, tandis que leurs publications sont ignorées. Car le lobby est ignorant, c’est aussi à cela qu’on le reconnait.
Pour ceux qu’un peu plus de lecture n’effraie pas, qu’ils trouvent ici la relation de mon audience, en appel, devant la chambre nationale du Conseil de l’Ordre des médecins, le 11 octobre 2016.
Lorsque j’ai été mis en cause par le Conseil de l’Ordre, en première instance et avec mon avocate, nous avons pensé que l’Ordre avait commis une grosse faute en me trainant devant sa juridiction disciplinaire. Et nous avons parlé en droit pour permettre à la Chambre de s’en tirer avec les honneurs. La première instance n’était pas politique. Nous nous sommes évertués à expliquer au jury que les positions politiques sur le sujet israélo palestinien n’avaient pas à être discutées devant une instance ordinale. Et en particulier n’avaient pas à faire l’objet d’une plainte initiée par le Conseil de l’Ordre à la suite du « signalement » d’un lobby. Quand je discute la légitimité d’un Etat juif à majorité juive, il s‘agit d’une opinion personnelle que le Conseil de l’Ordre n’a pas à contester. C’est une opinion exprimée en dehors de mes fonctions[2]. Quand le Conseil de l’Ordre porte plainte contre moi, et que l’avocat du Conseil de l’Ordre, qui est en même temps l’avocat du CRIF, choix peu adroit de la part du Conseil de l’Ordre, s’offusque que « le Dr Oberlin conteste la nature juive de l’Etat d’Israël », cela voudrait dire que l’Ordre aurait derrière lui les 200 000 médecins français : c’est tout à fait excessif.
Nous pensions que dans sa sagesse la première instance sous la présidence d’un juge issu des tribunaux administratifs, allait faire comme le Défenseur des droits[3] et classer l’affaire. Or ce n’est pas le cas, donc nous sommes contraints aujourd’hui de parler politique.
Je voudrais vous lire quelques textes, qui ne sont pas des pièces ajoutées au dossier, mais simplement des textes écrits par certaine personnalités et qui reflètent fidèlement mes convictions. Vous pouvez me les attribuer.
« Je sais qu’il y a des gens qui, sans me connaitre, me haïssent. Le pire c’est que certains sont de bonne foi. Car ce qu’ils savent de moi, ce sont des propos déformés et non mes positions réelles. J’ai eu la tentation face à un tel tir de barrage de ne plus m’exprimer sur le sujet. Certains amis me l’ont conseillé pour me protéger. Après avoir longuement hésité, j’ai décidé de ne pas me taire car il n’y a aucune raison qu’on ne puisse pas traiter, avec des désaccords mais librement et sereinement ce sujet. Le débat sur le Proche-Orient ne doit pas être dramatisé, doit être sorti de l’ornière, des insultes, des menaces, de la diabolisation, pour revenir dans un cadre démocratique et il est capital de ne pas céder au chantage visant à l’étouffer [4]».
Le mot est prononcé, le mot chantage. Comme l’a rappelé maitre Devers, je vais trois fois par an depuis quinze ans en Palestine.
Je ne vais d’ailleurs pas faire de la chirurgie humanitaire « qu’en Palestine », comme cette question un peu vicieuse m’est posée régulièrement.
Et j’observe qu’Israël est un bateau qui fait eau de toutes parts. Avec une population à l’intérieur de frontières de 1967 qui est dépressive, des soldats et des soldates qui n’en peuvent plus de passer trois ans à faire leur service militaire. J’étais à Gaza la semaine dernière, j’ai encore passé deux heures à la sortie par Tel Aviv à être fouillé par des jeunes gens de 20 ans qui m’ont demandé de baisser mon pantalon, tout comme à une infirmière de bloc opératoire qui était avec moi et qui est âgée de quatre-vingt ans. L’état psychologique de ces jeunes m’inquiète.
Pour la situation internationale d’Israël au niveau de l’ONU, ce n’est guère mieux. Imaginez une association de pêcheurs à la ligne dont un membre indélicat pêcherait à la dynamite. On lui délivrerait un blâme, et s’il récidivait on l’exclurait. Voici un Etat, Israël, qui n’a respecté aucune des dizaines de résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU concernant ses exactions.
Protestation du jury qui m’oblige à hausser le ton pour continuer.
Excusez-moi Mme la présidente, je suis un enseignant, je sais parler en public, je vais faire vite, mais si vous m’interrompez cela va rallonger un peu ma présentation.
Autrement dit que reste-il comme outil aujourd’hui en France[5] pour soutenir Israël ? Il nous reste le chantage à l’antisémitisme.
« Prétendre que cet antisémitisme est en montée ne représente aucunement une situation réelle mais une opération de stigmatisation. Cette opération est un fusil à deux coups. Elle vise d’une part la jeunesse noire et arabe et de l’autre ceux qui la soutiennent et se trouvent presque tous hostiles à la politique des gouvernements israéliens successifs. Il est essentiel d’empêcher ces gens-là de nuire car ils écrivent parfois des livres et peuvent de temps à autre faire entendre leur voix. Pour tenter de les réduire au silence on va les accuser eux aussi d’antisémitisme et peu importe si cette accusation est totalement absurde[6] ».
Interruption par la présidente.
Je vais continuer et vous parler du Conseil de l’Ordre, de ceux qui m’ont jugé en première instance, des personnes qui sont censées me donner des leçons de morale.
Il ne s’agit pas de leçon de morale dit la présidente.
Réponse : Si, la déontologie c’est de la morale.
La présidente : Nous n’allons pas statuer sur ce que vous allez dire.
Réponse : Je le sais très bien mais aujourd’hui vous m’avez contraint à parler de ces choses-là.
« Tous ces procédés, si tirés par les cheveux qu’ils soient, finissent par former une rhétorique d’intimidation » – c’est ce que vous êtes en train de faire – « dont le seul but est de coller à l’adversaire l’étiquette antisémite avec l’idée qu’une fois appliquée, on ne pourra plus s’en défaire comme le capitaine Hadock avec son célèbre sparadrap. » Alain Badiou a même de l’humour.
« Hormis l’hypothétique désir de défendre les juifs, on peut se poser la question de ce qui pousse certains intellectuels à user de la très grave accusation d’antisémitisme. Ces raisons sont diverses, on peut en dégager le fond commun : soutien à l’ordre existant, collusion avec le pouvoir en place, anticommunisme historique, conviction que l’armée américaine est le dernier rempart des libertés, défense de l’Etat d’Israël, sans compter un bien compréhensible souci d’autopromotion ».
« Alors il faut comme toujours tenir bon. Et rendre coup pour coup, disent Alain Badiou et Éric Hazan, rien n’est plus important que d’avoir notre propre idée de ce qui dans les dispositions et les combats du monde contemporain a valeur universelle. Si nous sommes sur ce point de vue invulnérables dans la pensée, les inquisiteurs sauront que nous nous sentons entièrement libres de tenir leurs vaticinations non comme un péril pour nous mais comme un symptôme supplémentaire de leur indignité ».
Or les exemples d’indignité ne manquent pas dans notre affaire. Je vais vous en citer quelques-uns.
Cette fameuse enquête administrative qui a été annoncée dans la presse[7], qui a fait que pour la première fois on a cité mon nom dans tous les journaux nationaux et toutes les télévisions, de manière globalement hostile[8]. Un an après que cette enquête ait été initiée, j’ai interrogé le président de l’université Vincent Berger[9], le doyen Benoit Schlemmer, l’administration : ils m’ont dit « on ne sait pas » ! Ils ne m’ont pas dit qu’il y avait eu un non-lieu, ils m’ont dit « on ne sait pas » ! Je suis allé au siège de l’université, j’ai ouvert mon dossier administratif : pas une trace !
Quand je suis allé à Gaza on m’a pEh bien oui, ils étaient 86 sur 90 ont bien rosé la seule question vraiment intelligente « les étudiants ont-ils bien répondu ? » épondu. Ils ont donné les définitions des crimes de guerre relevant de la Cour Pénale Internationale, avec les arguments pour appuyer chaque crime et notamment la nécessité d’une investigation indépendante pour juger du caractère intentionnel. Les copies d’examen, je pense qu’elles sont conservées par l’université, vous pouvez les consulter.
Tout ça n’est pas très glorieux pour Vincent Berger qui était le président de l’université qui a écrit dans la presse que c’était « une atteinte à la laïcité ». Benoit Schlemmer qui a affiché un communiqué me condamnant dans la cour de la faculté[10], apporté immédiatement par les étudiants.
Le professeur Robert Haiat est quelqu’un pour lequel j’ai beaucoup de respect en tant que cardiologue, j’ai utilisé ses très bonnes questions quand je préparais l’internat. Mais l’Association des Médecins Israélites de France[11] qu’il préside se prétend « apolitique », alors que son site précise qu’elle invite à débattre « les personnalités les plus prestigieuses du monde politique », que l’association est « présente sur tous les fronts de l’action en faveur d’Israël ». Le Pr Haiat n’a jamais été convoqué pour enfreinte à la déontologie ! Le changement de qualification entre « plainte » et « doléance » évite au professeur Haiat de se confronter avec moi [12]pour discuter d’égal à égal, tranquillement, argumenter, pas plus que madame C[13].
Mme Kahn Bensaude : j’ai été effaré d’apprendre le passé de cette dame qui a été vice-présidente puis présidente de la chambre disciplinaire de l’Ordre des médecins.[14]
Tentative d’interruption par la présidente. Le rapporteur se lève outré…
Je suis désolé je vais en parler car il était absolument inadmissible que quelqu’un ait couvert pendant des années et mis sous le coude des plaintes de femmes agressées sexuellement en consultation par un médecin le Dr Hazout. Des plaintes relatant des faits commis dès les années 1980. En 2014 le Dr Hazout a été jugé aux assises comme c’est normal quand on a commis un crime, et le viol est un crime. Aujourd’hui le Dr Hazout est en prison. Et Mme Kahn Bensaude ose, au nom du Conseil de l’Ordre, porter plainte contre moi[15] pour des entorses à la morale ! le Conseil de l’Ordre en 2012 a été condamné dans cette affaire. Mme Bensaude aurait dû démissionner au minimum.
Tentative d’interruption.
J’entends terminer mon intervention comme je l’entends.
Donc ce n’est pas acceptable de se faire donner des leçons de morale par des personnes qui ont commis des actes d’une gravité extrême, qui ont été complices de recel de crimes, car le viol aujourd’hui en France est un crime.
Ariel Tolédano[16]. C’est amusant de se faire donner des leçons de morale par quelqu’un qui fait de la phlébologie esthétique avenue des Champs Elysées…
Tentative d’interruption
Son site internet comporte une rubrique « titres universitaires » alors qu’il n’en a pas. Un médecin qui se fait de la publicité médicale, interdite à ma connaissance par la déontologie. Et il fait même de la publicité, dans le cadre du traitement des jambes lourdes, pour l’application de boues de la Mer morte !
Tentative d’interruption
C’est assez amusant et je dois dire que cette histoire prêterait à rire s’il ne s’agissait pas en réalité d’un conflit extrêmement meurtrier. J’ai vu encore lors de mon séjour récent à Gaza des gens qui vivent dans des maisons en carton, gorgées d’humidité et de cafards.
J’y ai vu des handicapés mentaux enchainés parce qu’ils habitent en bordure de la frontière et s’ils s’en rapprochent errants ils vont se faire mitrailler. Ceci est une affaire extrêmement grave.
Mais au milieu il y a un peu d’humour et je remercie Mr Tolédano de nous donner l’occasion de rire un peu.
Par ailleurs Mr Tolédano, c’est tout à fait intéressant, …
Tentative d’interruption
… m’avait posé la seule et unique question en provenance du jury ce jour-là : « Auriez-vous posé une question sur les crimes commis par le Hamas ? » Je lui ai répondu par l’affirmative, mais lui-même m’aurait-il trainé devant une juridiction si j’avais posé une question mettant en cause la Somalie, le Soudan ou le Hamas ?
Il y a ici effectivement, nous en sommes conscients, un outil qui est utilisé qui est le chantage à l’antisémitisme. Avec des attaques non pas sur les idées, car aucun opposant ne veut venir débattre, mais des attaques contre les personnes. C’est quelque chose qui existe, j’en suis conscient, je ne suis pas un héros, ma carrière est derrière moi. Mais j’assume complètement ce que je viens de vous dire, et je prétends même continuer.
J’ai été interdit de parole à l’université de Freiburg en Allemagne. La personne qui m’avait invité, un médecin, a porté plainte. Lors de l’audience au tribunal, le président de l’université a cru bon de faire venir comme témoins deux vieux professeurs juifs de l’université. Et ces professeurs ont parlé du génocide. L’effet a été très mauvais sur le jury, car ce n’était pas le sujet, et l’université de Freiburg a été condamnée. Un an après j’ai pu donner ma conférence dans les locaux de l’université de Freiburg.
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[1] Margot Dazey, Enquêter sur des mouvements islamistes. Enjeux conceptuels, méthodologiques et épistémologiques d’une approche centrée sur l’idéologie, Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée [En ligne], 155 (1/2024) | 2024, mis en ligne le 04 décembre 2023, consulté le 20 décembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/remmm/20611 ; DOI : https://doi.org/10.4000/remmm.20611
[2] Témoignage étudiant.
[3] Plainte du Conseil de l’Ordre classée sans suite le 28 mai 2014.
[4] Est-il permis de critiquer Israël ? Pascal Boniface, Robert Laffont Paris 2003, p 224.
[5] La France dispose du droit de veto au Conseil de sécurité.
[6] L’antisémitisme partout – Aujourd’hui en France, Alain Badiou et Eric Hazan, la Fabrique, Paris 2011
[7] Le 14 juin 2012
[8] La presse étrangère a été unanimement favorable, curieux ?
[9] Qui n’a pas répondu
[10] Il « partage l’émotion légitime » suscitée par une question de droit humanitaire tirée du Rapport Goldstone sur la guerre de Gaza 2008-2009. Voir https://www.youtube.com/watch?v=xQbcd8Zar8U
[11] Membre du CRIF, elle y dispose de trois délégués au sein de l’Assemblée générale, et d’un représentant au Comité directeur
[12] Ce qui est la règle lorsqu’un médecin porte plainte contre un confrère. Ici c’est la Conseil de l’Ordre qui a repris à son compte la plainte.
[13] Plainte anonyme ou anonymisée ?
[14] Enquête sur les mandarins de la médecine – Le Conseil de l’Ordre : protections, affaires et gaspillages, René Chiche, Editions du Moment, Paris 2013
[15] Comme elle a fait condamner pour diffamation un médecin qui s’était plaint à l’Ordre du viol de sa femme par le Dr Hazout !
[16] L’un des juges en première instance
26.03.2025 à 09:33
Sommes-nous vraiment tous des terroristes ?
Texte intégral (1606 mots)
“Islamiste ou pas, bon ou méchant,
si on transige sur l’Etat de droit pour les autres on le paye soi-même ou des proches un jour“
Si les erreurs judiciaires ne correspondaient pas aux errements de l’opinion publique, elles seraient vite réparées.
Mais les raisonnements, contraires à tous les principes fondamentaux en démocratie, qui ont conduit Abdelhakim Sefrioui à être placé quatre ans à l’isolement, au titre de sa complicité présumée avec l’assassinat de Samuel Paty, avant d’être condamné à 15 ans d’incarcération, sont malheureusement très partagés en France.
Quels sont les faits exacts qui lui sont reprochés ? Il ne connaissait pas l’assassin de Samuel Paty, et celui-ci n’a vu aucune de ses vidéos. Il n’y a donc pas eu la moindre association entre eux.
“Rappelle-moi vite, un malade a assassiné le professeur”, s’est-il exclamé en apprenant le crime, sans savoir que son téléphone était sur écoute. Et, en garde à vue, ses premiers mots ont été : “ Si j’avais pu donner ma vie pour protéger le professeur (…) j’aurais donné ma vie ”.
Abdelhakim Sefrioui est militant contre l’islamophobie. Comme tous les militants, il a appliqué un principe simple : croire celle qui s’adressait à lui en se disant victime et la défendre avec toute sa force de conviction.
On peut naturellement critiquer cette démarche qui fonde le combat de tous les activistes, musulmans ou non. Mais elle est commune et rarement reprochée à d’autres acteurs du débat public : lorsqu’il n’y a pas si longtemps, toute la classe politique et médiatique s’émut pour une jeune fille qui se disait victime d’une grave agression antisémite dans le RER (1), laquelle se révéla fausse, beaucoup de ceux qui applaudissent aujourd’hui la condamnation d’Abdelhakim Sefrioui ne s’excusèrent pas d’avoir défendu cette jeune fille et tiré d’immédiates conclusions politiques. Et ils avaient des raisons de prendre son parti, car en matière antiraciste et antisexiste, toutes les statistiques montrent que les mensonges sont excessivement rares. La foi dans la parole de la victime, réelle ou supposée, est donc bien légitime. Évidemment, les conclusions politiques précises qu’on tire de cette parole sont autre chose.
Dans l’affaire du RER D, de nombreux acteurs aujourd’hui très actifs contre les musulmans ont immédiatement crié à la validation de leur thèse islamophobe sur le « nouvel antisémitisme ».
Abdelhakim Sefrioui, lui, a simplement demandé des sanctions administratives et légales contre un enseignant dont il s’inquiétait des pratiques pédagogiques qui lui avaient été rapportées et dont le comportement avait déjà été signalé à l’inspection : d’une part, ce qui semblait être une volonté non pas de critiquer des croyances religieuses, mais d’insulter spécifiquement la religion musulmane à travers exclusivement des caricatures du prophète de l’islam ; d’autre part, et de façon plus caractérisée encore, l’exclusion d’élèves musulmans en tant que musulmans.
Voilà donc condamné non pas un bourreau mais un critique ; non pas un homme qui a assassiné, mais un homme qui s’est indigné et mobilisé pour que soit prise une mesure légale face à ce qu’il estimait être une injustice. Et voilà que, dans une confusion que ne renieraient pas les régimes les moins démocratiques, l’un devient synonyme de l’autre : l’indigné devient l’assassin, la critique, une mise à mort. Imagine-t-on un instant ce genre d’équivalence appliqué à un contexte où les personnes incriminées ne seraient pas musulmanes ? Les syndicalistes qui pourfendaient nominativement et régulièrement “les grands patrons”, les anti-militaristes qui dénonçaient “les généraux” n’ont jamais – et c’est heureux – été tenus pour responsables des assassinats dont ceux-ci ont été victimes de la part de groupes comme Action Directe.
Nous tous qui avons condamné, y compris avec virulence, les pratiques islamophobes de Charlie Hebdo, sommes-nous donc tous des “terroristes” ? Il semble que oui, a cru pouvoir dire la Cour d’assises spéciale de Paris.
Car nous sommes en 2025. Le simple fait de comparer un militant musulman contre l’islamophobie à un activiste contre l’antisémitisme ou à un syndicaliste non-musulman génère des cris d’indignation et prend valeur de scandale.
L’atmosphère surchauffée par une extrême-droite aux portes du pouvoir a, en effet, érigé en norme la déshumanisation et la mise au ban systématiques d’une catégorie de droits humains : ceux des musulmans.
Pour condamner Abdelhakim Sefrioui, au prétoire comme dans l’opinion publique, un seul argument semble suffir : Samuel Paty a été assassiné de manière atroce… par un musulman. Fin du débat.
Mais si l’on défend l’universalisme des principes, et les règles de base de l’Etat de droit, force est de constater que la violence et le crime d’un homme ne sauraient justifier la condamnation à l’identique d’individus parfaitement étrangers à ce crime… excepté si le criminel est musulman.
Le tueur du marché de Noël de Magdebourg était un islamophobe convaincu, abonné aux comptes de nombreuses personnalités d’extrême-droite françaises et allemandes. Il interagissait de longue date dans cette sphère virtuelle. Personne, pour autant, n’y sera poursuivi pour association de malfaiteurs terroristes.
En remontant un peu plus loin, il est établi que Brenton Tarrant, l’assassin de masse de la mosquée de Christchurch ( 51 morts et 49 blessés ), avait voyagé en France, contacté et fait des dons au Bloc Identitaire et se déclarait inspiré par cette mouvance. De même, l’assaillant de la mosquée de Bayonne qui fit deux blessés graves en 2019 commentait sur Riposte Laïque et avait été candidat du RN. Riposte Laïque n’a pour autant jamais été poursuivie, quand bien même trouve-t-on sur le site des apologies explicites des tueurs suprémacistes comme Tarrant. Tout juste le site fait-il parfois l’actu lorsqu’il en vient à menacer les juges et les avocats dans l’affaire des assistants parlementaires du Rassemblement National.
Mais, en droit, le crime des tueurs suprémacistes blancs reste leur crime. Et pas celui de ceux qui ont pourtant été en contact soit simplement politique et indirect, soit même direct avec eux.
C’est heureux ! Quand bien même on a la plus profonde répugnance politique pour l’extrême-droite, quand bien même on la combat de toutes ses forces dans le débat démocratique. En démocratie justement, l’on est coupable seulement de ses actes.
Les sept semaines de procès d’Abdelhakim Sefrioui ont démontré, qu’à aucun moment, il n’avait agi ou inter-agi avec l’homme qui a assassiné Samuel Paty. Il doit donc être acquitté en appel.
L’ensemble des acteurs des droits humains, l’ensemble des défenseurs de la démocratie doivent aujourd’hui se mobiliser pour un procès juste et non dicté par la rumeur, l’émotion et le ressentiment.
Cela va nécessiter d’affronter la meute fasciste. Ce n’est pas simple.
Mais…“Islamiste ou pas, bon ou méchant, si on transige sur l’Etat de droit pour les autres, on le paye soi-même ou des proches un jour”. (Alex Robin, LDH PACA, répondant à Sam Abramovitch)
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(1) En jullet 2004, une jeune femme, Marie Leblanc affirme avoir été agressée avec sa fille de 13 mois par des arabes et des noirs dans le RER D , en présence d’une vingtaine de passagers. Des croix gammées auraient été taggées sur son ventre sans susciter aucune réaction.
De la présidence de la République aux députés socialistes, en passant par des chercheurs comme Pierre André Taguieff, tout le monde dénonce ce “nouvel antisémitisme”. Mais la police établit en 48 heures que la jeune femme a inventé cette histoire.
On trouvera ici un article de Mogniss Abdallah où figurent beaucoup de citations de l’époque, attestant de la virulence qui se manifesta. Cette affaire est celle qui permit aux défenseurs de la théorie du “nouvel antisémitisme” de percer dans l’espace médiatique.
Après la révélation du caractère mensonger des propos de la jeune femme en détresse psychologique aigue qui voulait attirer l’attention de son compagnon et pas de la France entière, Jacques Chirac affirma “ne pas regretter sa réaction “.Dominique Strauss Kahn, député ” Un coup monté ? Cela ne changerait rien au fait que c’est la 10ème ou 20ème aggression de ce genre”.
Alain Jacubowicz , avocat, président de la LICRA, ex-président du CRIF Rhône Alpes eut ces mots forts justes “Il est préférable de s’indigner à tort, et de bonne foi , plutôt que se taire”
28.02.2025 à 17:09
L’Indigène, le beau geste et les saluts génocidaires
Texte intégral (1225 mots)
Quand la musulmane fait un beau geste, en France, on l’accusera de faire un salut nazi. Il vaut mieux le savoir et ne pas perdre de temps.
Travaillant sur le neo-nazisme néo-nazisme, je me suis demandé pourquoi Houria Bouteldja était allée chercher Otto Strasser, référence underground de l’internationale suprémaciste blanche de l’après-guerre et pendant des décennies, pour le citer dans une intervention publique qui “fait polémique” comme dit la presse islamophobe quand elle fait destruction politique .
On ne joue pas avec le feu sans maîtriser le feu et peu de gens, en France, ont pris le temps de s’intéresser aux manifestes laissés pas les tueurs de masse héritiers du néo-nazisme, de Breivik aux réplicants de Brenton Tarrant.
Quand on le fait, on éprouve cette terreur intime : ceux qui sont passés à l’acte définitif ont exactement les mêmes théories générales que l’extrême-droite mainstream, désormais hégémonique et au pouvoir. Mais avant d’engager leur vie en semant la mort, beaucoup font aussi ce que le haineux des réseaux sociaux ne fait pas, sauf si on fait un beau geste, lui envoyer un MP. Je suis très barbare parfois, j’ai ce geste-là, écrire au soit-disant beauf à 30 abonnés pour le traiter en grand militant.
Alors vient l’expression de la détresse existentielle. Celle que dit Tarrant, lorsque, déçu par le voyage initiatique en France, il oppose la solennité des cimetières de la guerre de 14-18 et le parking du supermarché. Le supermarché : lieu d’une tuerie de masse raciste à El Paso commise par un jeune homme qui a écrit des pages troublantes sur la dévastation des paysages américains et le non-sens de la production capitaliste et de la vie professionnelle qu’on lui avait promise comme Eldorado.
Houria Bouteldja cite Strasser exactement au bon moment, exactement à propos de cette détresse, et chacun peut le vérifier dans son texte. Une phrase “Vous commettez l’erreur fondamentale de nier l’âme et l’esprit, de vous en moquer et de ne pas comprendre que ce sont eux qui animent toute chose“.
À qui parle Strasser le nazi ?
Aux communistes de son époque, dont la majorité a déjà commencé à sombrer dans ce qui sera le stalinisme mondial, son rêve de fer, mais aussi sa proposition de militantisme aliéné. Il parle aux communistes sans âme, effectivement, à ceux qui ne savent plus rêver des grands soirs, à ceux qui ont remplacé le messianisme originel propre à l’existentialisme révolutionnaire du 19ᵉ siècle par le pseudo-réalisme tactique.
À vrai dire, Strasser parle aussi à son frère Gregor, engagé dans le réalisme nazi, celui qui fera alliance avec la droite conservatrice et les grands patrons pour prendre le pouvoir et assassiner les ordures nazies, mais révolutionnaires : la SA.
Donc Strasser dit une banalité, mais de taille. Et Houria Bouteldja fait le travail antifasciste, elle va chercher comment les nazis ont conquis les masses au lieu de les regarder de haut comme le fait la gauche qui perd d’aujourd’hui.
Cette gauche qui a ri pendant au moins dix jours d’un nazi déguisé en buffle, quand les nazis ont réussi à monter à l’assaut du Capitole avec Donald Trump. Apparemment le ridicule n’a pas tué Trump, l’insoutenable légèreté de l’être antifasciste social-démocrate n’a pas détruit les nazis.
Comme nous sommes désormais dans le monde où ils ont provisoirement gagné, cette même gauche lâche, impuissante et désormais soumise, va attaquer Houria Bouteldja et pas les nazis. De la même façon qu’elle attaque aussi des colloques sur l’histoire de l’extermination des Juifs d’Europe en prétendant lutter contre le négationnisme. C’est la même mécanique du geste, et pour preuve, l’attaque contre le colloque de Tsedek a été justifiée notamment par le fait qu’il était enregistré par des musulmans et des arabes.
Théorème du moment : “À chaque beau geste du musulman, le musulman, dans la France d’extrême droite, sera accusé de faire un salut nazi et frappé.”
À cela, il y a beaucoup de réponses possibles. Pour ma part, je n’en ai pas de française. Pas pour le moment. Pour le moment, mon âme collective est liée à celle des masses musulmanes mondiales. L’islam est universaliste et naturellement pour les convertis de fraiche date, la profondeur de la foi s’accompagne de la joie immense de faire partie d’un tout. Joie naïve, mais la naïveté est une arme face au fascisme. Je pense mondial et que nous, petite communauté mais extrêmement brillante et courageuse, ne pouvons penser notre sort indépendamment de celui des autres.
“La libération des Palestiniens est notre libération” a répondu Perspectives Musulmanes à Otto Strasser.
Évidemment, Houria Bouteldja le dit aussi toute la journée et son organisation le dit en actes. C’est la raison pour laquelle des génocidaires idéologiques, qui s’allient dans la rue aux patriotes macronistes français, qui votent Glucksmann attaché à acheter des avions de guerre avec les sous des prolétaires, viennent faire des cirques invraisemblables et prétendre que les décoloniaux sont l’aile avancée du trumpisme. Évidemment, c’est le QG décolonial qui va animer le parc d’attraction américain à Gaza.
Dans ce contexte hallucinatoire qui n’a qu’un seul but, la mort fantasmée des musulmans et musulmanes, dans ce contexte où nous n’avons pas le temps de tout faire, je n’ai pas le temps de ne pas être d’accord sur telle ou telle stratégie communautaire. Et j’ajouterai : Honte à ceux qui prennent le temps, lorsque justement la foudre islamophobe tombe sur certains d’entre nous.
Ceux-là ont bien peu d’âme. Les Frères Strasser n’en avaient pas non plus, à vrai dire, ils n’avaient que l’Esprit du Mal, celui qui anime notre moment historique terrible, un génocide sur une planète qu’on épuise.
Les musulmans rêvent quand même. Ça énerve beaucoup la partie de la gauche qui ne rêve plus, c’est pour cela qu’il est aussi reproché à Houria Bouteldja de dire bismillah devant un public non musulman dans des textes sur la Sorcière.
Le beau geste ne nous est jamais pardonné.
On s’en fiche, je crois, on Rêve et voilà. Beaucoup de Rêves, beaucoup d’avant-gardes et à la fin, les Lignes de Crêtes font une surface, un Pays imaginaire, notre Destin français.