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11.12.2025 à 17:34

La Maison de Marthe et Marie, en croisade contre l’avortement

Sarah Bosquet
Une trentaine de personnes tout sourire, dont trois jeunes femmes, bébé au bras, posent devant une magnifique échoppe rénovée. Le 26 septembre 2025, la Maison de Marthe et Marie inaugure sa […]
Texte intégral (4400 mots)

Une trentaine de personnes tout sourire, dont trois jeunes femmes, bébé au bras, posent devant une magnifique échoppe rénovée. Le 26 septembre 2025, la Maison de Marthe et Marie inaugure sa onzième « colocation solidaire », un logement de 270 mètres carrés, dans la commune du Bouscat (Gironde), au nord de Bordeaux, gérée par le maire Patrick Bobet (Les Républicains, LR). Sur les réseaux sociaux, l’association, qui propose des hébergements à des mères et des femmes enceintes « vulnérables », affiche sa proximité avec la municipalité. À la découpe du ruban ce jour-là, Maël Fetouh, adjoint à la cohésion sociale. C’est «la première acquisition» foncière de l’association, achetée à la Société de Saint-Vincent-de-Paul, une organisation de bienfaisance catholique. La Maison de Marthe et Marie est déjà active à Paris, Courbevoie et Garches, Lille, Rouen, Lyon, Marseille, Nantes et Strasbourg. Alors que les grandes villes pâtissent du manque d’hébergements d’urgence, elle réussit à faire valoir un projet « innovant » dans le domaine – sans mentionner ses autres objectifs, dont celui de lutter contre l’avortement.

Un accueil sélectif

« Depuis notre création, 225 mamans ont été accompagnées dans nos colocations », se réjouit sur son site internet l’association, qui affiche les prénoms des « 225 bébés des Maisons de Marthe et Marie ». Le principe du projet, lancé en 2010 : rassembler dans de mêmes logements des jeunes femmes volontaires (étudiantes ou actives) souhaitant vivre « une aventure humaine extraordinaire» avec des femmes enceintes ou de jeunes mères, « de la naissance jusqu’au 1 an de l’enfant », pour « reconstruire [leur] avenir» grâce aux professionnelles de l’association. Le tout en échange d’un « loyer modéré» – 320 euros, par exemple, dans la colocation de Rouen. Une condition qui exclut de fait les femmes en situation de grande précarité. 

Car si, officiellement, l’association accueille toute « femme enceinte en difficulté », et ce « sans distinction, notamment de nationalité, de langue, de religion, d’âge, de ressources ou de situation sociale », d’autres restrictions existent.

« Moi, j’étais dans une situation d’urgence, car je devais quitter ma résidence étudiante, mais si je n’avais pas eu de titre de séjour en règle, la Maison de Marthe et Marie ne m’aurait pas acceptée », témoigne Nadia*, qui a intégré la colocation lyonnaise en 2023, alors qu’elle venait d’arriver en France pour ses études.

Interrogée par La Déferlante, la directrice de l’association, Amélie Merle, reconnaît que ni les femmes étrangères sans titre de séjour ni celles vivant avec des «troubles psychiatriques» ou des «addictions» ne peuvent être accueillies dans les maisons. « On n’a pas de veilleurs de nuit, de surveillance 24 h/24. Donc une maman qui serait dépendante, toxicomane, serait clairement en danger chez nous, et son enfant aussi. Comme une maman qui aurait des fragilités psychiatriques [sic] importantes», explique-t-elle. Alors que le réseau entend s’inscrire dans la lutte contre la pauvreté des familles monoparentales, « à 82 % tenues par des mamans solos », précise-t-elle, ces critères limitent de fait le nombre de bénéficiaires.

Capture d’écran du compte instagram lamaisondemartheetmarie.

Pour se faire connaître de leur public cible, les représentantes de l’association se rapprochent des associations de terrain et des professionnel⸱les du champ médico-social. À Rouen, elles ont sollicité des salariées du Centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) et du Planning familial, des infirmières et des médecins des centres de Protection maternelle infantile (PMI), des assistantes sociales ou encore des associations spécialisées dans l’hébergement d’urgence. L’objectif avancé par l’association ? Tisser des « partenariats », d’après sa directrice, pour bénéficier d’appuis qualifiés en cas de besoin, les volontaires en colocation avec les jeunes mères n’étant pas spécifiquement formées. « Maintenant que je travaille dans la protection de l’enfance, je me rends compte que certaines choses n’allaient pas et qu’on aurait dû les faire remonter, comme des situations de négligence vis-à-vis des enfants, parfois livrés à eux-mêmes », concède Olivia*, ancienne volontaire.

Ces propositions de partenariats servent aussi, pour l’association La Maison de Marthe et Marie, à ce que les professionnel·les en question leur adressent des femmes. Une fiche de poste pour un recrutement de responsable d’antenne à Lyon, datée de 2014, mentionne, dans les missions à assurer, le développement d’un « réseau de prescripteurs de femmes enceintes (associations, PMI, maternité, AS [assistante sociale]) ». Sauf que, lors des discussions, les représentantes de l’association ne mentionnent ni leur socle idéologique ni l’écosystème réactionnaire dans lequel celle-ci évolue.

La genèse d’un projet anti-IVG

Derrière une vitrine « laïque et apolitique », comme le déclarent les statuts de l’association, se cache une organisation à laquelle on peut reprocher ses positions anti-avortement. Ainsi, dès 2017, les élu·es de gauche du conseil régional d’Île-de-France s’appuient sur un article de l’hebdomadaire catholique conservateur Famille chrétienne de 2015, référençant La Maison de Marthe et Marie comme l’une des « associations pro-vie » « qui disent non à l’IVG [interruption volontaire de grossesse] » en accompagnant « les femmes enceintes en situation de détresse à mener à terme une grossesse imprévue ». En 2022, un autre article, publié cette fois sur le site d’information proche du Vatican Aleteia, répertorie la structure parmi d’autres associations qui viennent en aide aux mères « à qui la société présente l’avortement comme la seule issue possible ». La Maison de Marthe et Marie, qui ne nous a pas répondu à ce sujet, est également référencée parmi les « mouvements pro-vie » par le Réseau Vie, association implantée dans le département du Rhône, qui « promeut et défend la vie de la conception à la mort naturelle, en étant fidèle à l’enseignement de l’Église catholique »

À l’origine du projet : Aline DardElle n’a pas répondu à nos sollicitations., sage-femme lyonnaise « touchée par la détresse et l’isolement de certaines femmes enceintes et émerveillée par leur courage et leur volonté de donner naissance à leur enfant malgré les difficultés », explique le site de l’association. Catholique, elle choisit le nom de l’association en référence aux personnages bibliques de Marthe et Marie, qui « accueillent Jésus ». Au tout début, une équipe se fédère autour de l’association Tom Pouce 78, cofondée par le généticien Jérôme Lejeune, connu internationalement pour son action au service des trisomiques, mais aussi pour ses positions défavorables à toute intervention sur le vivant. La Fondation Jérôme Lejeune, qui lui a survécu, se positionne contre l’euthanasie et organise chaque année la Marche pour la vie, qui rassemble à Paris les opposant·es à l’interruption volontaire de grossesse.

La Maison de Marthe et Marie est aussi soutenue par l’association Lazare – des colocations entre sans-abri et jeunes actifs, ou encore l’association catholique Magnificat-Accueillir la vie, qui accompagne des femmes enceintes. Peu à peu, d’autres partenariats se nouent avec des associations catholiques, financées par la galaxie du milliardaire d’extrême droite Pierre-Édouard Stérin (lire l’encadré ci-dessous), comme à Nantes en 2018 avec Marraine & Vous, qui accueille aussi des mères isolées, et les Associations familiales catholiques du 44 (AFC). Ces dernières, ouvertement anti-IVG, apportent de « multiples » soutiens aux colocations de Marthe et Marie, comme nous confirme Benoît Hautier, le responsable de la communication de l’organisation :« Chaque AFC est invitée à quêter pour des associations qui viennent en aide aux familles en difficulté, dont l’association Marthe et Marie, qui fait un travail admirable. » Une quête dont bénéficie aussi le site IVG.net, dans le viseur du gouvernement en 2016 pour délit d’entrave à l’IVG.    

Soirée et pot de départ organisé·es entre les colocataires de la Maison Lazare et de la Maison Marthe et Marie à Nantes,
Crédit : Thomas LOUAPRE / Divergence

En 2011 ouvre une première colocation de Marthe et Marie à Lyon, en partenariat avec l’association Lazare et le diocèse, avec qui persistent des liens étroits. Les femmes accueillies sont ainsi invitées aux laudes célébrées tous les matins avec le cardinal Philippe BarbarinL’ancien archevêque de Lyon a démissionné en 2020. Poursuivi pour non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineur·es, il a été condamné en première instance, puis relaxé en appel et par la Cour de cassation. – publiquement opposé à l’avortement et au mariage pour tous·tes –, lequel vient directement bénir des bébés dans la maison, comme indique le rapport 2017 « Église en périphérie », lancé par les évêques de France.

Pleinement impliqué dans le projet, le mari de la fondatrice, Aline Dard, François-Xavier Dard, prend en charge les ressources humaines en 2014. Il est alors consultant au cabinet Ecclésia RH, qui assure œuvrer au « rayonnement des institutions chrétiennes » et grâce auquel sont aujourd’hui recrutées les responsables d’antenne de la Maison de Marthe et Marie. « Aujourd’hui, Aline est maman de six enfants. Elle est, avec François-Xavier, membre d’honneur de notre association », précisait en 2021 la newsletter célébrant les 10 ans de la Maison de Marthe et Marie. En 2023, François-Xavier Dard participait à une formation pour la très conservatrice congrégation des Frères de Saint-Jean, une communauté religieuse secouée la même année par un scandale de violences sexuelles. Toujours en 2023, le couple Dard figurait parmi les « intervenants prestigieux » des rencontres des AFC à Lisieux. 

Un tour d’horizon des personnes passées par le conseil d’administration (CA) de l’association montre également l’orientation catholique conservatrice et anti-avortement du projet : nombre de membres entretiennent des liens étroits avec des organisations dites « pro-vie » et anti-LGBTQIA+. On trouve ainsi, depuis 2018, Matthieu et Guillemette de Penfentenyo, qui partagent sur leurs réseaux sociaux des posts (supprimés au cours de notre enquête) de La Manif pour tousRenommée en 2023 Le Syndicat de la famille, La Manif pour tous est un collectif né en 2012 en opposition au projet de loi pour l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe, adopté en 2013., du groupuscule masculiniste des Hommen contre le « mariage gay », des publications contre la prétendue « théorie du genre » à l’école, ou encore de l’organisation anti-IVG Alliance VitaCette association catholique se positionnant contre le mariage homosexuel et l’IVG a été créée par Christine Boutin en 1993 sous le nom Alliance pour les droits de la vie, puis renommée Alliance Vita en 2011.. Une structure dont est membre depuis plus de dix ans Jeanne Bertin-Hugault, présidente de Marthe et Marie de 2016 à 2018, et responsable depuis 2023 de SOS Bébé. Cette ligne d’écoute anti-IVG, financée par Alliance Vita, fut visée, en 2016, pour délit d’entrave à l’IVG. Violaine Roger, également ancienne membre du conseil d’administration de Marthe et Marie, est assistante sociale à l’Institut Jérôme Lejeune.

Derrière l’étiquette apolitique de l’association se cachent ainsi des profils très engagés dans la sphère catholique. C’est également le cas de la psychologue Anne-Laure Parmentier-Penchenat, à qui est confiée en 2014 la supervision de la colocation parisienne, désormais responsable de l’antenne de Bordeaux-Le Bouscat. En 2012, cette psychologue, qui n’a pas répondu à nos demandes d’interview, était la plus jeune des candidates de l’Oise membre du Parti chrétien-démocrate de Christine Boutin, à se présenter aux législatives. Dans les priorités de son programme, présenté en 2012 dans une interview (supprimée au cours de notre enquête) sur le site Liberté et politique, figure : « Protéger la famille durable en définissant le mariage dans la Constitution comme l’union d’un homme et d’une femme. » Elle s’y disait également « fermement opposée au mariage homosexuel », désireuse d’« aider les femmes enceintes en difficulté par la création de maisons maternelles dans chaque département » pour « prévenir l’avortement »

L’« engagement spirituel » des volontaires

Dans la colocation du Bouscat, en Gironde, comme dans l’ensemble des Maisons, les volontaires prient quotidiennement « pour les femmes accueillies et pour la vie ». « On m’a demandé un engagement spirituel, l’association étant clairement catholique », confirme Mathilde*, qui a récemment été volontaire dans une colocation d’Île-de-France. 

Une « spiritualité » qui se répercute sur les femmes accueillies, reconnaissait en 2016 Stéphanie Saboly, alors directrice de l’association, puis présidente depuis 2022, dans une interview à Aleteia : « Nous ne l’avions pas prévu au départ, mais il existe une véritable dimension d’évangélisation. Certaines mamans, d’abord intriguées, ont choisi de demander le baptême pour leur enfant. » En 2015, Famille chrétienne décrivait ainsi des temps de prière communs entre femmes accueillies et volontaires, qui ont toutes voulu « défendre concrètement la vie ».

Recrutées essentiellement dans des réseaux catholiques, les volontaires ont des profils plutôt homogènes. Ancienne scout, Olivia, qui a fait partie de la colocation parisienne, a entendu parler de l’association « par le bouche-à-oreille dans le milieu catho ». Quant à Mathilde, « catholique très engagée dans [son] église », qui a connu l’association par le cabinet Ecclésia RH, elle remarque que « beaucoup de volontaires étaient anti-avortement ». « C’était un sujet peu abordé entre nous, car il pouvait y avoir des désaccords », poursuit-elle.

Un lobbying « pro-vie » financé par des fonds privés

Le projet anti-IVG de l’association se lit aussi dans ses soutiens financiers. Parmi les partenaires historiques de la Maison de Marthe et Marie, outre la Fondation Lejeune et Alliance Vita, on trouve aussi le fonds de dotation Stella Domini, qui, selon une enquête diffusée sur ArteAude Favre et Sylvain Louvet, Citizen facts. Avortement : la croisade en ligne des anti-IVG, Arte, 2021, disponible en ligne., finance des organisations anti-IVG comme IVG.net. Prônant « un mécénat de conviction », ce fonds est partenaire de la Nuit du bien commun, soirée caritative cofondée par le milliardaire d’extrême droite Pierre-Édouard Stérin. La Maison de Marthe et Marie en a été lauréate pas moins de sept fois : à Paris en 2019, 2020 et 2024, où elle a récolté respectivement 116 400, 90 125 et 100 000 euros ; en 2022 à Rouen (25 270 euros), en 2023 à Marseille (81 400 euros), en 2024 à Bordeaux et en 2025 à Lyon. En 2024, elle a par ailleurs reçu 110 700 euros, pour l’ouverture d’une maison d’accueil dans les Hauts-de-Seine, de la part du Parvis solidaire – autre soirée caritative co-organisée par Obole, l’entreprise derrière La Nuit du bien commun, et la Fondation Sainte-Geneviève, qui émane, elle, du diocèse de Nanterre. 

Lire aussi : Carte des associations financées par la galaxie Pierre-Édouard Stérin

Un projet d’habitat à Paris, incluant une colocation de la Maison de Marthe et Marie, a également perçu 250 000 euros de la Fondation Notre-Dame. L’association est en outre soutenue par une myriade d’autres structures de philanthropie privées, comme la Fondation Saint-Irénée (qui la finance chaque année, à raison de 30 000 euros en 2025) ; la Fondation S612 de Lifento, placée sous l’égide de la Fondation de France ; AXA Atout Cœur, qui affirme avoir fait en 2025 un don de 1 500 euros et réalisé des « actions solidaires » avec l’association, « dont des visites de musée avec ses bénéficiaires » ; la Fondation Monoprix, qui dit avoir apporté son soutien en 2020 et 2023 mais dont« le partenariat est clos » ; la Fondation RATP (qui n’a pas répondu à nos sollicitations) ; ou encore le Fonds L’Oréal pour les femmes, partenaire de la Maison de Marthe et Marie entre 2020 et 2023, qui a décidé d’arrêter leur financement parce « le positionnement politique anti-IVG de cette association n’était pas en adéquation avec les valeurs du fonds et allait à l’encontre de ses missions », nous a‑t-on répondu. 

Capture d’écran du compte instagram lamaisondemartheetmarie

De nombreux soutiens institutionnels

En plus de cette manne de fonds privés, l’association a réussi à obtenir le soutien de plusieurs collectivités territoriales. Parmi elles : la région Île-de-France, qui lui a versé plus de 141 000 euros entre 2017 et 2023. Sa présidente, Valérie Pécresse (LR), a même assisté en 2018 à l’inauguration de la colocation parisienne. La région Pays de la Loire a aussi généreusement mis la main à la poche, en votant l’octroi de 10 000 euros chaque année, de 2019 à 2023 – soit deux fois plus que la subvention octroyée au CIDFF en 2019.

Du côté des départements – au titre de leur compétence en matière d’action sociale et de promotion des solidarités –, nous avons repéré les financements du Nord (6 500 euros entre 2018 et 2021) et de Loire-Atlantique (8 000 euros entre 2020 et 2023). La Caisse d’allocations familiales (CAF) de Loire-Atlantique confirme par ailleurs avoir soutenu l’association à raison de 10 000 euros par an pendant trois ans pour ses « actions de soutien à la parentalité et de prévention des violences intrafamiliales ».  

Contactées, les dix villes où sont installées des colocations nous ont toutes assuré ne pas financer l’association. La mairie de Nantes signale une demande de subvention reçue en 2021, à laquelle elle n’a pas donné suite.

Un des soutiens les plus surprenants, et sans commune mesure, est celui de la ville de Paris, dont les services nous avaient pourtant assuré, en mars 2025, qu’ils n’avaient « pas connaissance » de l’association, alors qu’une colocation y a ouvert dans le 11e arrondissement en septembre 2014. Surtout, la ville d’Anne Hidalgo a accordé deux subventions importantes pour une nouvelle colocation. En 2023, un projet de délibération signée par la maire de Paris atteste d’une aide de 301 159 euros en 2018, puis d’un montant complémentaire de 400 000 euros en 2023. Soit plus de 700 000 euros au total. Une somme colossale, qui doit permettre la rénovation d’un ancien monastère, situé dans le 6e arrondissement. Un projet que La Maison de Marthe et Marie cogérerait avec la très catholique Association pour l’Amitié (à l’initiative de « colocations solidaires » entre ex-SDF et volontaires) et l’association Simon de Cyrène, qui propose des colocations à des personnes handicapées – toutes deux sont financées par la galaxie de Pierre-Édouard Stérin. Interrogée par La Déferlante, la mairie de Paris explique que« la subvention […] n’est pas accordée à l’association mais au bailleur social 3F, qui réalise le centre d’hébergement » et soutient : « S’il devait être avéré que cette association appartient aux réseaux de l’extrême droite traditionaliste et anti-IVG, la Ville s’engage à reprendre attache avec le bailleur et le propriétaire du foncier pour reconsidérer le choix du futur gestionnaire. » En 2025, un premier acompte de 46 000 euros a été versé au bailleur.

Pour ces rénovations, La Maison de Marthe et Marie aurait également reçu 277 134 euros de l’État et a perçu 200 000 euros de la région, « versés directement à 3F Résidences », précisent les services de Valérie Pécresse. Derrière ce projet d’ampleur, qui devrait voir le jour en 2027 : le diocèse de Paris, dont l’archevêque, Laurent Ulrich, bénissait en personne la première pierre du chantier, le 22 septembre 2025. Selon le compte-rendu d’une réunion d’information sur le projet, qui s’est tenue en novembre 2024, les Sœurs de la Visitation ont fait apport de leur monastère en 2012, afin que celui-ci poursuive « sa vocation de lieu évangélique ». Loin de l’affichage prétendument « aconfessionnel » de La Maison de Marthe et Marie, qui fait désormais l’objet de plusieurs alertes suite à nos questions. Lors du prochain Conseil de Paris, qui aura lieu à partir du 16 décembre, plusieurs élu·es du groupe Les Écologistes, parmi lesquels Chloé Sagaspe, Jérôme Gleizes et Fatoumata Koné, déposeront un vœu relatif au financement de La Maison de Marthe et Marie, demandant d’étudier « tous les moyens d’action pour empêcher l’installation de ce gestionnaire actuellement retenu sur le site du 110–110 bis, rue de Vaugirard ». Le 1er décembre, Patrick Bloche, Jacques Baudrier et Léa Filoche, adjoint·es à la mairie de Paris, ont en outre adressé un courrier au préfet de la région Île-de-France, annonçant « interpeller le bailleur 3F Résidences pour savoir si l’association La Maison de Marthe et Marie est bien confirmée comme gestionnaire d’un des centres d’hébergement ». Avant d’alerter : « Si tel est le cas, nous demanderons expressément au diocèse et au bailleur de revoir leur position, faute de quoi la Ville de Paris reconsidérera son financement de l’opération. »

Capture d’écran du site https://www.martheetmarie.fr/ à propos du site Vaugirard à Paris

*Les prénoms ont été modifiés à la demande des personnes.

Au cœur du plan Périclès

En juillet 2024, le quotidien L’Humanité révèle un document, rédigé en automne 2023 par l’équipe du milliardaire ultraconservateur Pierre-Édouard Stérin, qui a fait fortune avec les coffrets cadeaux Smartbox. Le texte fixe les points d’étapes du plan Périclès (pour Patriotes, enracinés, résistants, identitaires, chrétiens, libéraux, européens, souverainistes), qui prévoit le déploiement d’« environ 150 millions d’euros sur les dix prochaines années via le financement ou la création de projets ». L’objectif : favoriser, grâce à l’injection de fonds dans divers médias et structures associatives, la diffusion d’une idéologie réactionnaire visant à contrer « les maux principaux [du] pays – socialisme, wokisme, islamisme, immigration ». Et créer ainsi les conditions d’une victoire électorale du Rassemblement national aux municipales de 2026, et d’une alliance entre la droite et l’extrême droite à la présidentielle de 2027. 

Cette enquête a été réalisée avec le concours du Fonds pour une presse libre dans le cadre de l’appel à projets : « Extrême droite : enquêter, révéler, démonter ».

04.12.2025 à 17:54

💝Oh oh oh

La Déferlante
💡Des livres pour les adultes… 🎁 Deux bandes dessinées, de la part de Lucie Geffroy Lucie est corédactrice en chef de La Déferlante et veille sur les sorties de bandes […]
Texte intégral (2462 mots)

💡
Des livres pour les adultes…

🎁 Deux bandes dessinées, de la part de Lucie Geffroy

Lucie est corédactrice en chef de La Déferlante et veille sur les sorties de bandes dessinées.

Vieille

Dans la rue, personne ne la voit, elle est vieille, elle est moche et a des poils sur le nez. Avec Vieille, l’autrice de bande dessinée Delphine Panique dresse le portrait d’une vieille dame revêche à souhait qui trimballe son caddie et ses sarcasmes dans la ville. Alternant réflexions (pas si) absurdes sur la mort et tendres digressions sur sa vie de femme, elle renvoie chacun·e à sa propre finitude et interroge la place des femmes âgées dans notre société. Un pur bijou de sensibilité et de poésie.

👵🏼 Delphine Panique, Vieille, Misma, 2025, 19 euros

Une obsession

Il faut parfois accepter de se perdre pour mieux se trouver. C’est dans le décor d’une Venise fantasmée que Nine Antico propose une enquête minutieuse sur son obsession pour les garçons, sa quête de l’orgasme et les affres de son désir. En racontant avec une rare honnêteté plusieurs moments clefs de sa vie sexuelle, comme autant de flashs surgis du passé, elle décortique la zone grise du consentement. Au fil des pages, c’est aussi une formidable ode au dessin comme outil d’émancipation qui s’écrit. Un puissant voyage intérieur.

🍑 Nine Antico, Une obsession, Dargaud, 2025, 29,95 euros

🎁 Un récit anthropologique, de la part d’Amélie Bonnin

En plus d’être une talentueuse réalisatrice, Amélie est notre directrice artistique.

Le livre que j’offre tout le temps s’intitule Croire aux fauves, de Nastassja Martin. Il m’a saisie de manière absolue et puissante, alors même que je ne savais pas du tout où je mettais les pieds. C’est l’histoire (vraie) d’une anthropologue qui tombe nez à nez avec un ours, quelque part dans les montagnes du

Kamtchatka, en Russie. C’est la rencontre entre une femme et un animal, la découverte d’un territoire et des croyances qui l’habitent… C’est profond inattendu, extraordinaire et inoubliable. Un voyage.

🌨 → Nastassja Martin, Croire aux fauves, Gallimard, 2024, 7,99 euros

🎁 Un roman, de la part d’Alice Béja

Alice est maîtresse de conférence à Sciences Po Lille, spécialiste des États-Unis, et membre de notre comité éditorial.

Elba est née dans un asile psychiatrique pour femmes à Naples. De là, elle observe et côtoie celles que l’on considère comme des folles, qui bien souvent y sont enfermées pour avoir refusé d’être des mères et des épouses. Décrivant la répression, la mise à l’écart des femmes, puis le mouvement de fermeture des asiles, elle interroge la frontière toujours floue entre « folie » et « normalité » ainsi que les normes sociales qui la définissent.

❤️‍🔥 → Viola Ardone, Les Merveilles, trad. Laura Brignon, Albin Michel, 2024, 22,90 euros

🎁 Un essai poétique, de la part de Sarah Benichou

Sarah est journaliste indépendante et membre de notre comité éditorial.

Dans ce récit mi-autobiographique, mi-politique, l’autrice retrace la façon dont le colonialisme français et le sionisme ont méthodiquement détruit les mondes « juifs musulmans » au point qu’on en nie, aujourd’hui, l’existence. Ciselé comme un bijou, ce texte fait résonner les mots et les images, l’intime et le politique, les archives et les souvenirs, la prose et la poésie, offrant une respiration salvatrice au milieu du confusionnisme contemporain qui oppose « Juifs » et « Arabes » pour accompagner la destruction de la Palestine. Un livre court, exigeant et accessible, qui fait du bien au cœur des enfants des diasporas maghrébines en France, et ouvre l’esprit des autres.

💍 → Ariella Aïsha Azoulay, La Résistance des bijoux. Contre les géographies coloniales, trad. Jean-Baptiste Naudy, Rot-Bo-Krik, 2023, 15 euros

🎁 Une méthode créative, de la part de Marion Pillas

amie chère.

Artiste queer franco-libanaise, Nathalie Sejean s’intéresse depuis plusieurs années aux mécanismes créatifs et à l’impact des œuvres sur nos représentations du monde. Dans La Méthode carnet d’idées, elle nous explique, exemples à l’appui, comment, avec un crayon et un carnet, nous pouvons « gouverner le monde, sans utiliser l’intelligence artificielle ». Car plus nous serons nombreux·ses à collecter nos idées et nos curiosités, « plus nous développerons notre capacité individuelle et collective à […] construire une société qui nous enchante et dans laquelle nos singularités sont encouragées à être exprimées ».

🐜 → Nathalie Sejean, La Méthode carnet d’idées, La Fourmi, 2025, 20 euros

🎁 Un guide pour les parents, de la part d’Emmanuelle Josse

Corédactrice en chef de La Déferlante, Emmanuelle est aussi éditrice à La Déferlante Éditions.

Dernier paru de notre maison d’édition, Grandir sans tabou donne tous les outils aux parents pour entamer avec leurs enfants un dialogue serein sur les relations affectives, la sexualité, le corps et le consentement. Illustré de cas pratiques et ponctué de témoignages d’expertes et d’experts, il est, selon nous – et en toute objectivité ! –, le cadeau parfait à offrir à toutes celles et tous ceux qui sont en contact avec des enfants. La preuve, même Quoi de mum, la newsletter des parents féministes le recommande chaudement (scrollez, c’est tout en bas !).

🐤 → Claire Marcadé Hinge et Marianne Marty-Stéphan, Grandir sans tabou. Comment parler de sexualité avec les enfants, La Déferlante Éditions, 2025, 17,50 euros

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… et pour les enfants

🎁 Un roman pour ados, de la part de Malwenn Cailliau

Malwenn est assistante d’édition à La Déferlante.

Mireille, Astrid et Hakima, trois copines soudées mais pas très populaires au collège, se lancent dans un voyage à vélo sur les routes de France, avec pour destination, Paris et la garden-party de l’Élysée. Véritable ode à l’amitié, Les Petites Reines s’adresse aussi bien aux ados qu’aux adultes qui veulent rire tout en parlant de sujets sérieux. L’autrice, Clémentine Beauvais, aborde sans concessions les questions de misogynie, de grossophobie, de racisme ou de handicap.

🚲 → Clémentine Beauvais, Les Petites Reines, Sarbacane, 2015, 15,50 euros

🎁 Un roman illustré, de la part de Sophie Hofnung

Sophie est correctrice, éditrice et traductrice. Elle nous recommande un roman jeunesse sur lequel elle a adoré travailler.

Dans la tribu, seuls les garçons ont le droit de faire le Voyage et de devenir chasseurs. Pourtant, Trog est de loin la plus habile à l’arc, la plus rapide pour allumer un feu ou identifier les animaux dangereux. Bien décidée à bousculer les traditions, elle se lance dans une série d’aventures et de découvertes palpitantes. Elle fait preuve d’un courage et d’une ingéniosité dont bien peu imaginaient une fille capable…

👑 → Puño et Marta Altés (illus.), Le Voyage de Trog, trad. Sophie Hofnung, Talents Hauts, 2023, 13,50 euros

📍
On y sera

🍷 Salon Mi-livre mi-raisin, Paris

Sam 6 et dim 7 décembre 2025
La Bellevilloise, Paris 20e

La Déferlante sera présente tout le week-end à la sixième édition de ce salon où se rencontrent éditeur·ices et vigneron·nes indépendant·es. Vous retrouverez sur notre stand l’ensemble de nos revues, livres et goodies.

🎟Infos et billetterie

💦 Littérature érotique

Mar 9 décembre 2025, à 19 heures
Maison de la poésie, Paris 3e

Dans le cadre de (OUiiii), un cycle de rencontres autour de la littérature féministe et érotique, Élodie Font échangera avec sa consœur Axelle Jah Njiké. Des extraits de son livre À nos désirs, paru chez La Déferlante Éditions en 2024, seront lus par la comédienne Marie-Sonha Condé.

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28.11.2025 à 17:30

Lutte contre la grossophobie : est-ce une loi qu’il nous faut ?

Lucie Inland
Le 11 octobre 2025, Sara, 9 ans, se suicidait chez elle, à Sarreguemines (Moselle). Dans la presse, sa mère et des camarades de classe racontent l’acharnement de certains enfants : « T’es grosse, […]
Texte intégral (1124 mots)

Le 11 octobre 2025, Sara, 9 ans, se suicidait chez elle, à Sarreguemines (Moselle). Dans la presse, sa mère et des camarades de classe racontent l’acharnement de certains enfants : « T’es grosse, t’es moche, t’es conne. » En 2017 Christopher Fallais, 16 ans, mettait lui aussi fin à ses jours chez lui à Janzé, près de Rennes. Depuis quatre ans, dans le collège privé où il était scolarisé, « on le traitait de gros, de gras, de pédé parce qu’il faisait du cheval », raconte sa mère. Au même âge, et pour les mêmes raisons, Jonathan Destin s’est immolé par le feu près de Lille, en 2011. Devenu, avec sa mère, un fervent militant contre le harcèlement scolaire, il meurt onze ans plus tard des suites de ses brûlures.

L’Éducation nationale recense, chaque année, environ 700 000 cas de harcèlement, dont un grand nombre ont pour cause la grossophobie. « Près de 25 % des jeunes en surpoids déclarent avoir subi des discriminations, un chiffre qui grimpe à 40 % chez ceux en situation d’obésité », révèle une étude publiée en 2020 par la Ligue contre l’obésité. Dès l’école primaire, un grand nombre d’enfants voient le fait d’être gros·se comme une tare : « C’est quelque chose que l’on retrouve dans les dessins animés. Les gros sont souvent à la traîne ou bêtes », rappelait Aline Thomas, cofondatrice de La Grosse Asso, association de lutte contre la grossophobie, dans un article de 20 Minutes.

« Des problèmes d’interprétation »

Pourtant, à ce jour, le terme « grossophobie » n’apparaît nulle part dans la loi française. L’article 225–1 du Code pénal se contente d’une formule vague : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur sexe, de leur origine, de leur apparence physique ou de leur âge. » Pour Daria Marx, militante et autrice de Dix questions sur la grossophobie (Libertalia, 2024), l’énoncé est « trop large pour permettre de circonscrire clairement la grossophobie ». Chloé Heyriès, avocate spécialisée sur les questions de discrimination, confirme : « Le Défenseur des droits dit depuis […] 2019 qu’il faudrait une incrimination spécifique pour mieux protéger les victimes. »

C’est ce que réclame également le député Romain Daubié (groupe Les Démocrates) dans une proposition de loi déposée devant l’Assemblée nationale le 30 septembre 2025, estimant que « cette invisibilisation contribue à la banalisation d’une violence quotidienne ». L’élu de l’Ain s’inspire d’une pétition lancée quelques jours plus tôt par l’influenceuse Harmony Albertini, qui propose de formuler ainsi la définition de la grossophobie : « Tout propos, comportement, traitement défavorable ou incitation portant atteinte à la dignité, à la santé, à la liberté ou à la considération d’une personne en raison de son poids, de sa corpulence ou de son apparence physique liée à la taille de son corps, incluant les préjugés sur sa santé, son hygiène de vie, ses capacités ou sa valeur. »


« Il est fréquent de voir stigmatiser “le gros de service” au motif que “c’est pour son bien” »


Biais grossophobes

Aussi louable soit l’intention, de nombreuses personnes grosses et militantes anti-grossophobie s’interrogent sur l’utilité même d’une loi pour lutter contre ces violences. « Les moyens alloués devraient porter sur l’éducation des acteur·ices de la chaîne pénale », analyse la juriste Sabrina Erin Gin, qui rappelle que sur le front des discriminations, l’existence d’un texte peut dissuader de prendre d’autres mesures : « L’adoption d’une loi coûte très peu cher et donne l’impression d’un travail accompli. » De même que la culture du viol biaise le regard de la société sur les auteur·ices et les victimes de violences sexuelles jusque dans les tribunaux, l’omniprésence, dans les esprits, des biais grossophobes empêche de prendre conscience de la gravité de ses conséquences sur les personnes qui la subissent.

Dans Gros n’est pas un gros mot (Flammarion, collection « Librio », 2018), les deux cofondatrices de l’association Gras Politique, Daria Marx et Eva Perez-Bello s’interrogent : alors qu’il est encore fréquent de voir des parents ou du personnel scolaire stigmatiser « le gros de service » au motif que « c’est pour son bien », comment ces personnes peuvent-elles seulement identifier un comportement grossophobe et analyser ses conséquences ? « Quand tu es gros·se tu es censé·e maigrir, donc la société ne va pas s’adapter à toi », décrypte Loulie Houmed, fondatrice du collectif Gros Amours. Au contraire, l’OMS comme les associations de personnes concernées rappellent que, dès le plus jeune âge, les enfants gros·ses ont tendance à être exclu·es des sociabilités et voient souvent leur assiette et leur activité physique étroitement surveillées.

La proposition de loi déposée fin septembre n’a pas encore été mise à l’ordre du jour de l’Assemblée. Mais face à ces violences qui passent encore fréquemment sous les radars et devant l’urgence d’aider des enfants en grave détresse, comme Sara, Christopher ou Jonathan, les associations et collectifs de personnes concernées n’attendent plus que la loi change. En 2022, Gras Politique a conçu une brochure de sensibilisation à la grossophobie à destination des enseignant·es. GRASbuge s’adresse, pour sa part, à toutes les personnes en contact avec des enfants par le biais d’un livret pour déconstruire les préjugés. Les deux documents sont téléchargeables librement sur leurs sites.

25.11.2025 à 21:50

Carte des associations financées par la galaxie Pierre-Édouard Stérin

Collectif Hors Cadre
En juillet 2024, le quotidien L’Humanité révèle un document, rédigé en automne 2023 par l’équipe du milliardaire ultra-conservateur Pierre-Edouard Stérin, qui a fait fortune avec les coffrets cadeaux Smartbox. Le […]
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En juillet 2024, le quotidien L’Humanité révèle un document, rédigé en automne 2023 par l’équipe du milliardaire ultra-conservateur Pierre-Edouard Stérin, qui a fait fortune avec les coffrets cadeaux Smartbox. Le texte fixe les points d’étapes du « plan Périclès » (l’acronyme de Patriotes / Enracinés / Résistants / Identitaires / Chrétiens / Libéraux / Européens / Souverainistes ), qui prévoit le déploiement d’« environ 150 millions d’euros sur les dix prochaines années via le financement ou la création de projets ». L’objectif : favoriser, grâce à l’injection de fonds dans divers médias et structures associatives, la diffusion d’une idéologie réactionnaire visant à contrer  « les maux principaux [du] pays – socialisme, wokisme, islamisme, immigration ». Et créer  ainsi les conditions d’une victoire électorale du Rassemblement national aux municipales de 2026, et d’une alliance entre la droite et l’extrême droite aux présidentielles de 2027.

Avant même la révélation du projet Périclès, des journalistes indépendant·es du collectif Hors Cadre se sont intéressé·es aux associations qu’il soutient notamment à travers les Nuits du bien commun, ces soirées de charité destinées à lever des fonds pour des associations. Comment le milliardaire développe-t-il son influence en finançant des associations qui interviennent dans les champs de l’éducation, la culture ou de l’aide aux personnes défavorisées ? Élu·es locaux ou représentant·es de l’État sont-ils au courant du projet idéologique qu’elles colportent ? Ce vaste travail d’investigation sur l’empire « philanthropique » de Pierre-Édouard Stérin vise à répondre à ces questions.

Cette carte interactive, coordonnée par Martin Delacoux et Clément Vogt du collectif Hors Cadre, en partenariat avec WeDoData, présente l’ensemble des associations qui ont fait l’objet d’une enquête journalistique. La carte indique le lieu où se situent leurs sièges et antennes, les fonds privés récoltés, en particulier grâce à la « galaxie » de Pierre-Édouard Stérin, ainsi que les fonds publics perçus. Chaque entrée renvoie vers les enquêtes correspondantes, qui apparaîtront au fur et à mesure de leur publication.

À l’heure où de très nombreuses associations craignent pour leur avenir du fait d’une baisse drastique de leurs financements publics, cette cartographie vise aussi à informer citoyen·nes et élu·es pour identifier le projet idéologique porté plus ou moins clairement par les associations présentées, et l’origine de leurs fonds.

20.11.2025 à 12:17

Journée du souvenir trans : des ressources pour comprendre

La Déferlante
🏳️‍⚧️à la une Aujourd’hui 20 novembre, on célèbre la journée du souvenir trans, autrement appelée TDoR (pour Transgender Day of Rememberance en anglais). L’occasion pour La Déferlante de rassembler et […]
Texte intégral (3039 mots)

🏳️‍⚧️
à la une

Aujourd’hui 20 novembre, on célèbre la journée du souvenir trans, autrement appelée TDoR (pour Transgender Day of Rememberance en anglais). L’occasion pour La Déferlante de rassembler et de partager des ressources pour comprendre les ressorts de la transphobie et ses conséquences concrètes sur la vie des personnes concernées.
Comme le rappelle le journaliste Élie Hervé, auteur d’un des essais que nous recensons ici, les appels vers deles numéros d’urgence à destination des jeunes trans ont explosé de + 700 % aux États-Unis depuis la réélection de Donald Trump. En France, les actes transphobes ont augmenté de 27 % en 2023, et 63 % des adultes trans ont pensé mettre fin à leurs jours ou ont fait une tentative de suicide avant leur transition médicale. Il est donc plus que jamais nécessaire, comme nous le faisons dans notre revue et notre newsletter depuis bientôt cinq ans, de continuer à documenter ces violences.

🗞
Dans La Déferlante

Leadeuse malgré elle

Colombienne, trans, arrivée en France au début des années 2000, Giovanna Rincon, directrice d’Acceptess‑T, raconte son engagement pour les droits des personnes trans, qui, au sein de son association, sont souvent des travailleuses du sexe séropositives.

✊🏾 → À retrouver dans les archives de la newsletter

« Tu vas pas muter »

Dans une série de photographies publiées dans le numéro 19 de La Déferlante (septembre 2025), le photographe Nanténé Traoré s’intéresse au rituel des injections hormonales dans la communauté trans.

📷 → Voir le portfolio dans le numéro 19, septembre 2025.

Résistance outre-Manche

Depuis plus d’une décennie, la transphobie s’intensifie au Royaume-Uni, dans les médias et sous l’impulsion des mouvements féministes antitrans. Dans un reportage publié en mai 2023, Valeria Costa-Kostritsky montre comment les militant·es trans et leurs allié·es organisent la résistance.

💂🏽 → À lire dans le numéro 10 de La Déferlante, mai 2023.

L’alliance des haines

Dans cette enquête, les journalistes Perrine Bontemps et Victor Mottin expliquent comment, depuis plusieurs années, les sphères transphobes s’inspirent ouvertement des théories conspirationnistes.

👀 → À lire dans le numéro 13, mars 2024.

📖
On lit

Une enquête

Dans cet ouvrage nourri de plusieurs années de terrain, le journaliste Élie Hervé décortique les mécanismes de la transphobie ordinaire, en particulier ses ressorts médiatiques. Mais l’originalité de cette enquête, c’est qu’elle laisse une large place à la parole des personnes concernées, mettant ainsi en regard les comportements transphobes et leurs conséquences concrètes sur les vécus trans. On comprend ainsi à quel point la panique morale autour des transidentités encourage les agressions dans l’espace public, mais également les discriminations en matière d’embauche, de logement et de soin. En fin de compte, « chaque année, ce sont plus de trois cents personnes trans qui sont assassinées dans le monde […]. À cela s’ajoutent des dizaines de suicides par an ».

🖋 → Élie Hervé, Transphobia, éditions Solar, 2025. 19,90 euros.

Un essai

Dans ce livre paru à l’automne 2024, Maud Royer, présidente de l’association Toutes des femmes et membre du comité éditorial de La Déferlante, analyse les ressorts de l’offensive transphobe en cours depuis le début des années 2020. Si, en France, les argumentaires antitrans ont moins qu’ailleurs infiltré les milieux féministes, ils ont en revanche largement infusé dans le grand public et dans la classe politique, portés par une curieuse alliance entre intellectuel·les classés à gauche et personnalités d’extrême droite. Dans son essai limpide et parfaitement documenté, Maud Royer propose également des pistes d’action : en premier lieu la lutte pour le droit à l’autodétermination de genre, déjà en vigueur dans d’autres pays européens.

📕 → Maud Royer, Le Lobby transphobe, éditions Textuel, 2024. 17,90 euros.

Un récit

En 2020, Tal Madesta entame une transition de genre. En prenant ce chemin qui implique de redéfinir entièrement son rapport à soi, aux autres, au monde social, il va faire l’expérience désolante de la violence transphobe et du deuil. Mais il va aussi découvrir la joie d’aimer autrement et d’expérimenter avec intensité sa propre liberté. Avec cet ouvrage, Tal Madesta poursuit le récit sensible d’une révolution intime et politique, dans le fil des chroniques qu’il avait écrites dans les quatre numéros de La Déferlante de l’année 2022.

🌊 → Tal Madesta, La Fin des monstres, La Déferlante Éditions, 2023. 15 euros.

📺
On regarde

Orlando

« Ma biographie existe, et c’est cette putain de Virginia Woolf qui l’a écrite en 1928… » Ainsi commence ce documentaire expérimental réalisé par Paul B. Preciado. En réponse au roman publié presque un siècle plus tôt par l’autrice d’Une chambre à soi, le philosophe compose un film dans lequel le personnage de femme trans d’Orlando est tour à tour incarné par une vingtaine de personnes trans, non binaires et intersexes. Un choix de réalisation radical qui vient révéler la polyphonie des identités et des vécus trans.

👑Orlando de Paul B. Preciado, coproduit par Arte et les Films du poisson. 99 minutes, disponible sur arte.tv jusqu’au 7 avril 2026.

En Argentine

Durant plusieurs mois, en 2019, alors que la campagne présidentielle bat son plein et que les féministes argentines manifestent pour la légalisation de l’avortement, la réalisatrice Isabelle Solas s’immerge dans la communauté des femmes trans de Buenos Aires. Elle y croise deux travailleuses sociales, qui de maisons communautaires en réunions militantes, conseillent, accompagnent et encouragent leurs sœurs – parmi lesquelles de nombreuses travailleuses du sexe très précaires – à faire entendre leur voix dans l’espace public, malgré la transphobie ambiante et l’hostilité d’une partie des militantes féministes. L’une d’entre elles, Violeta, s’est lancée dans une thèse en anthropologie. À une amie venue assister à sa soutenance, elle assène ce qui pourrait être la devise de ce groupe de femmes : « Il nous faut nous émanciper, pour qu’ils arrêtent de parler à notre place. »

⚔Nos corps sont vos champs de bataille, documentaire d’Isabelle Solas, Dublin films, 2021. 100 minutes. Disponible en VOD.

✊🏼
Médias

Un nouveau venu

Média queer et indépendant né du bouillonnement politique des années 2024 et 2025, Problematik veut s’inspirer des marges pour penser des alternatives à la montée des fascismes. Leur site d’information proposera des interviews, des reportages, des portraits, des tribunes.

💰Je soutiens Problematik

💡
Un glossaire pour tout comprendre

Alors que l’actualité montre à quel point la guerre culturelle qui fait rage est aussi une bataille sémantique, il nous a paru important que La Déferlante propose à ses lecteur·ices des définitions de concepts clés pour appréhender l’époque dans une perspective féministe intersectionnelle. Queer, panique morale, fake news : toutes les définitions sont en accès libre sur notre site internet, qui est alimenté au fil des numéros pour faciliter la compréhension des concepts mobilisés dans chaque dossier.

🔏Retrouvez toutes nos définitions en libre accès

📍
On y sera

🎉 Soirée de lancement

Jeu 27 novembre 2025, à 18h
Maison des Métallos, Paris 11e

Dans le cadre du lancement du numéro 20 de La Déferlante « Soigner dans un monde qui va mal », une table ronde réunira la psychiatre Loriane Bellahssen, la psychologue Salima Boutebal et la militante féministe Valérie Rey-Robert pour parler de santé mentale. La discussion sera suivie d’un concert de Louisadonna.

🎟Infos et billetterie

🐤 Grandir sans tabou

Ven 28 novembre 2025, à 19h30
Librairie À la marge, Montreuil (Seine-saint-Denis)

Claire Marcadé Hinge et Marianne Marty-Stéphan, les deux autrices de Grandir sans tabou, notre guide pour parler de sexualité avec les plus jeunes, échangeront avec Mai-Lan Chapiron, autrice engagée pour la protection des enfants.

👉🏼 → Plus d’informations

Dim 30 novembre 2025, 19h30
Librairie Divergences, Quimperlé (Finistère)

Claire Marcadé Hinge et Marianne Marty-Stéphan reviendront sur l’écriture de leur livre et répondront aux questions des lectrices bretonnes.

💁🏼 → Pour en savoir plus

📽 Au cinéma

Mar 2 décembre 2025, à 19h45
Le Kino Ciné, Villeneuve d’Ascq

Marion Pillas, corédactrice en chef de La Déferlante, échangera avec Nora Philippe, la réalisatrice, et Cécile Duflot, présidente d’Oxfam France, en marge de la projection en avant-première du documentaire Girls for Tomorrow, en salle le 10 décembre.

🎫 → Infos et billetterie

🍷 Des revues, des livres et du vin

Sam 6 et Dim 7 décembre 2025
La Bellevilloise, Paris 20e

Lire notre revue ou nos livres en sirotant un verre de vin de producteur·ices indépendant·es ? Ce sera possible durant tout un week-end au festival Mi-livre Mi-Raisin qui, pour sa 6e édition parisienne, réunit à nouveau éditeur·ices et viticulteur·ices. Vous y retrouverez un stand avec toutes nos publications et nos goodies.

🎟 → Infos et réservations

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