04.12.2025 à 17:54
💝Oh oh oh
Texte intégral (2462 mots)

Des livres pour les adultes…
Deux bandes dessinées, de la part de Lucie Geffroy
Lucie est corédactrice en chef de La Déferlante et veille sur les sorties de bandes dessinées.
Vieille
Dans la rue, personne ne la voit, elle est vieille, elle est moche et a des poils sur le nez. Avec Vieille, l’autrice de bande dessinée Delphine Panique dresse le portrait d’une vieille dame revêche à souhait qui trimballe son caddie et ses sarcasmes dans la ville. Alternant réflexions (pas si) absurdes sur la mort et tendres digressions sur sa vie de femme, elle renvoie chacun·e à sa propre finitude et interroge la place des femmes âgées dans notre société. Un pur bijou de sensibilité et de poésie.
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Delphine Panique, Vieille, Misma, 2025, 19 euros
Une obsession
Il faut parfois accepter de se perdre pour mieux se trouver. C’est dans le décor d’une Venise fantasmée que Nine Antico propose une enquête minutieuse sur son obsession pour les garçons, sa quête de l’orgasme et les affres de son désir. En racontant avec une rare honnêteté plusieurs moments clefs de sa vie sexuelle, comme autant de flashs surgis du passé, elle décortique la zone grise du consentement. Au fil des pages, c’est aussi une formidable ode au dessin comme outil d’émancipation qui s’écrit. Un puissant voyage intérieur.
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Nine Antico, Une obsession, Dargaud, 2025, 29,95 euros
Un récit anthropologique, de la part d’Amélie Bonnin
En plus d’être une talentueuse réalisatrice, Amélie est notre directrice artistique.
Le livre que j’offre tout le temps s’intitule Croire aux fauves, de Nastassja Martin. Il m’a saisie de manière absolue et puissante, alors même que je ne savais pas du tout où je mettais les pieds. C’est l’histoire (vraie) d’une anthropologue qui tombe nez à nez avec un ours, quelque part dans les montagnes du
Kamtchatka, en Russie. C’est la rencontre entre une femme et un animal, la découverte d’un territoire et des croyances qui l’habitent… C’est profond inattendu, extraordinaire et inoubliable. Un voyage.
→ Nastassja Martin, Croire aux fauves, Gallimard, 2024, 7,99 euros
Un roman, de la part d’Alice Béja
Alice est maîtresse de conférence à Sciences Po Lille, spécialiste des États-Unis, et membre de notre comité éditorial.
Elba est née dans un asile psychiatrique pour femmes à Naples. De là, elle observe et côtoie celles que l’on considère comme des folles, qui bien souvent y sont enfermées pour avoir refusé d’être des mères et des épouses. Décrivant la répression, la mise à l’écart des femmes, puis le mouvement de fermeture des asiles, elle interroge la frontière toujours floue entre « folie » et « normalité » ainsi que les normes sociales qui la définissent.

→ Viola Ardone, Les Merveilles, trad. Laura Brignon, Albin Michel, 2024, 22,90 euros
Un essai poétique, de la part de Sarah Benichou
Sarah est journaliste indépendante et membre de notre comité éditorial.
Dans ce récit mi-autobiographique, mi-politique, l’autrice retrace la façon dont le colonialisme français et le sionisme ont méthodiquement détruit les mondes « juifs musulmans » au point qu’on en nie, aujourd’hui, l’existence. Ciselé comme un bijou, ce texte fait résonner les mots et les images, l’intime et le politique, les archives et les souvenirs, la prose et la poésie, offrant une respiration salvatrice au milieu du confusionnisme contemporain qui oppose « Juifs » et « Arabes » pour accompagner la destruction de la Palestine. Un livre court, exigeant et accessible, qui fait du bien au cœur des enfants des diasporas maghrébines en France, et ouvre l’esprit des autres.
→ Ariella Aïsha Azoulay, La Résistance des bijoux. Contre les géographies coloniales, trad. Jean-Baptiste Naudy, Rot-Bo-Krik, 2023, 15 euros
Une méthode créative, de la part de Marion Pillas
amie chère.
Artiste queer franco-libanaise, Nathalie Sejean s’intéresse depuis plusieurs années aux mécanismes créatifs et à l’impact des œuvres sur nos représentations du monde. Dans La Méthode carnet d’idées, elle nous explique, exemples à l’appui, comment, avec un crayon et un carnet, nous pouvons « gouverner le monde, sans utiliser l’intelligence artificielle ». Car plus nous serons nombreux·ses à collecter nos idées et nos curiosités, « plus nous développerons notre capacité individuelle et collective à […] construire une société qui nous enchante et dans laquelle nos singularités sont encouragées à être exprimées ».

→ Nathalie Sejean, La Méthode carnet d’idées, La Fourmi, 2025, 20 euros
Un guide pour les parents, de la part d’Emmanuelle Josse
Corédactrice en chef de La Déferlante, Emmanuelle est aussi éditrice à La Déferlante Éditions.
Dernier paru de notre maison d’édition, Grandir sans tabou donne tous les outils aux parents pour entamer avec leurs enfants un dialogue serein sur les relations affectives, la sexualité, le corps et le consentement. Illustré de cas pratiques et ponctué de témoignages d’expertes et d’experts, il est, selon nous – et en toute objectivité ! –, le cadeau parfait à offrir à toutes celles et tous ceux qui sont en contact avec des enfants. La preuve, même Quoi de mum, la newsletter des parents féministes le recommande chaudement (scrollez, c’est tout en bas !).
→ Claire Marcadé Hinge et Marianne Marty-Stéphan, Grandir sans tabou. Comment parler de sexualité avec les enfants, La Déferlante Éditions, 2025, 17,50 euros

… et pour les enfants
Un roman pour ados, de la part de Malwenn Cailliau
Malwenn est assistante d’édition à La Déferlante.
Mireille, Astrid et Hakima, trois copines soudées mais pas très populaires au collège, se lancent dans un voyage à vélo sur les routes de France, avec pour destination, Paris et la garden-party de l’Élysée. Véritable ode à l’amitié, Les Petites Reines s’adresse aussi bien aux ados qu’aux adultes qui veulent rire tout en parlant de sujets sérieux. L’autrice, Clémentine Beauvais, aborde sans concessions les questions de misogynie, de grossophobie, de racisme ou de handicap.

→ Clémentine Beauvais, Les Petites Reines, Sarbacane, 2015, 15,50 euros
Un roman illustré, de la part de Sophie Hofnung
Sophie est correctrice, éditrice et traductrice. Elle nous recommande un roman jeunesse sur lequel elle a adoré travailler.
Dans la tribu, seuls les garçons ont le droit de faire le Voyage et de devenir chasseurs. Pourtant, Trog est de loin la plus habile à l’arc, la plus rapide pour allumer un feu ou identifier les animaux dangereux. Bien décidée à bousculer les traditions, elle se lance dans une série d’aventures et de découvertes palpitantes. Elle fait preuve d’un courage et d’une ingéniosité dont bien peu imaginaient une fille capable…

→ Puño et Marta Altés (illus.), Le Voyage de Trog, trad. Sophie Hofnung, Talents Hauts, 2023, 13,50 euros

On y sera
Salon Mi-livre mi-raisin, Paris
Sam 6 et dim 7 décembre 2025
La Bellevilloise, Paris 20e
La Déferlante sera présente tout le week-end à la sixième édition de ce salon où se rencontrent éditeur·ices et vigneron·nes indépendant·es. Vous retrouverez sur notre stand l’ensemble de nos revues, livres et goodies.
Littérature érotique
Mar 9 décembre 2025, à 19 heures
Maison de la poésie, Paris 3e
Dans le cadre de (OUiiii), un cycle de rencontres autour de la littérature féministe et érotique, Élodie Font échangera avec sa consœur Axelle Jah Njiké. Des extraits de son livre À nos désirs, paru chez La Déferlante Éditions en 2024, seront lus par la comédienne Marie-Sonha Condé.
28.11.2025 à 17:30
Lutte contre la grossophobie : est-ce une loi qu’il nous faut ?
Texte intégral (1124 mots)
Le 11 octobre 2025, Sara, 9 ans, se suicidait chez elle, à Sarreguemines (Moselle). Dans la presse, sa mère et des camarades de classe racontent l’acharnement de certains enfants : « T’es grosse, t’es moche, t’es conne. » En 2017 Christopher Fallais, 16 ans, mettait lui aussi fin à ses jours chez lui à Janzé, près de Rennes. Depuis quatre ans, dans le collège privé où il était scolarisé, « on le traitait de gros, de gras, de pédé parce qu’il faisait du cheval », raconte sa mère. Au même âge, et pour les mêmes raisons, Jonathan Destin s’est immolé par le feu près de Lille, en 2011. Devenu, avec sa mère, un fervent militant contre le harcèlement scolaire, il meurt onze ans plus tard des suites de ses brûlures.
L’Éducation nationale recense, chaque année, environ 700 000 cas de harcèlement, dont un grand nombre ont pour cause la grossophobie. « Près de 25 % des jeunes en surpoids déclarent avoir subi des discriminations, un chiffre qui grimpe à 40 % chez ceux en situation d’obésité », révèle une étude publiée en 2020 par la Ligue contre l’obésité. Dès l’école primaire, un grand nombre d’enfants voient le fait d’être gros·se comme une tare : « C’est quelque chose que l’on retrouve dans les dessins animés. Les gros sont souvent à la traîne ou bêtes », rappelait Aline Thomas, cofondatrice de La Grosse Asso, association de lutte contre la grossophobie, dans un article de 20 Minutes.
« Des problèmes d’interprétation »
Pourtant, à ce jour, le terme « grossophobie » n’apparaît nulle part dans la loi française. L’article 225–1 du Code pénal se contente d’une formule vague : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur sexe, de leur origine, de leur apparence physique ou de leur âge. » Pour Daria Marx, militante et autrice de Dix questions sur la grossophobie (Libertalia, 2024), l’énoncé est « trop large pour permettre de circonscrire clairement la grossophobie ». Chloé Heyriès, avocate spécialisée sur les questions de discrimination, confirme : « Le Défenseur des droits dit depuis […] 2019 qu’il faudrait une incrimination spécifique pour mieux protéger les victimes. »
C’est ce que réclame également le député Romain Daubié (groupe Les Démocrates) dans une proposition de loi déposée devant l’Assemblée nationale le 30 septembre 2025, estimant que « cette invisibilisation contribue à la banalisation d’une violence quotidienne ». L’élu de l’Ain s’inspire d’une pétition lancée quelques jours plus tôt par l’influenceuse Harmony Albertini, qui propose de formuler ainsi la définition de la grossophobie : « Tout propos, comportement, traitement défavorable ou incitation portant atteinte à la dignité, à la santé, à la liberté ou à la considération d’une personne en raison de son poids, de sa corpulence ou de son apparence physique liée à la taille de son corps, incluant les préjugés sur sa santé, son hygiène de vie, ses capacités ou sa valeur. »
« Il est fréquent de voir stigmatiser “le gros de service” au motif que “c’est pour son bien” »
Biais grossophobes
Aussi louable soit l’intention, de nombreuses personnes grosses et militantes anti-grossophobie s’interrogent sur l’utilité même d’une loi pour lutter contre ces violences. « Les moyens alloués devraient porter sur l’éducation des acteur·ices de la chaîne pénale », analyse la juriste Sabrina Erin Gin, qui rappelle que sur le front des discriminations, l’existence d’un texte peut dissuader de prendre d’autres mesures : « L’adoption d’une loi coûte très peu cher et donne l’impression d’un travail accompli. » De même que la culture du viol biaise le regard de la société sur les auteur·ices et les victimes de violences sexuelles jusque dans les tribunaux, l’omniprésence, dans les esprits, des biais grossophobes empêche de prendre conscience de la gravité de ses conséquences sur les personnes qui la subissent.
Dans Gros n’est pas un gros mot (Flammarion, collection « Librio », 2018), les deux cofondatrices de l’association Gras Politique, Daria Marx et Eva Perez-Bello s’interrogent : alors qu’il est encore fréquent de voir des parents ou du personnel scolaire stigmatiser « le gros de service » au motif que « c’est pour son bien », comment ces personnes peuvent-elles seulement identifier un comportement grossophobe et analyser ses conséquences ? « Quand tu es gros·se tu es censé·e maigrir, donc la société ne va pas s’adapter à toi », décrypte Loulie Houmed, fondatrice du collectif Gros Amours. Au contraire, l’OMS comme les associations de personnes concernées rappellent que, dès le plus jeune âge, les enfants gros·ses ont tendance à être exclu·es des sociabilités et voient souvent leur assiette et leur activité physique étroitement surveillées.
La proposition de loi déposée fin septembre n’a pas encore été mise à l’ordre du jour de l’Assemblée. Mais face à ces violences qui passent encore fréquemment sous les radars et devant l’urgence d’aider des enfants en grave détresse, comme Sara, Christopher ou Jonathan, les associations et collectifs de personnes concernées n’attendent plus que la loi change. En 2022, Gras Politique a conçu une brochure de sensibilisation à la grossophobie à destination des enseignant·es. GRASbuge s’adresse, pour sa part, à toutes les personnes en contact avec des enfants par le biais d’un livret pour déconstruire les préjugés. Les deux documents sont téléchargeables librement sur leurs sites.
25.11.2025 à 21:50
Carte des associations financées par la galaxie Pierre-Édouard Stérin
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En juillet 2024, le quotidien L’Humanité révèle un document, rédigé en automne 2023 par l’équipe du milliardaire ultra-conservateur Pierre-Edouard Stérin, qui a fait fortune avec les coffrets cadeaux Smartbox. Le texte fixe les points d’étapes du « plan Périclès » (l’acronyme de Patriotes / Enracinés / Résistants / Identitaires / Chrétiens / Libéraux / Européens / Souverainistes ), qui prévoit le déploiement d’« environ 150 millions d’euros sur les dix prochaines années via le financement ou la création de projets ». L’objectif : favoriser, grâce à l’injection de fonds dans divers médias et structures associatives, la diffusion d’une idéologie réactionnaire visant à contrer « les maux principaux [du] pays – socialisme, wokisme, islamisme, immigration ». Et créer ainsi les conditions d’une victoire électorale du Rassemblement national aux municipales de 2026, et d’une alliance entre la droite et l’extrême droite aux présidentielles de 2027.
Avant même la révélation du projet Périclès, des journalistes indépendant·es du collectif Hors Cadre se sont intéressé·es aux associations qu’il soutient notamment à travers les Nuits du bien commun, ces soirées de charité destinées à lever des fonds pour des associations. Comment le milliardaire développe-t-il son influence en finançant des associations qui interviennent dans les champs de l’éducation, la culture ou de l’aide aux personnes défavorisées ? Élu·es locaux ou représentant·es de l’État sont-ils au courant du projet idéologique qu’elles colportent ? Ce vaste travail d’investigation sur l’empire « philanthropique » de Pierre-Édouard Stérin vise à répondre à ces questions.
Cette carte interactive, coordonnée par Martin Delacoux et Clément Vogt du collectif Hors Cadre, en partenariat avec WeDoData, présente l’ensemble des associations qui ont fait l’objet d’une enquête journalistique. La carte indique le lieu où se situent leurs sièges et antennes, les fonds privés récoltés, en particulier grâce à la « galaxie » de Pierre-Édouard Stérin, ainsi que les fonds publics perçus. Chaque entrée renvoie vers les enquêtes correspondantes, qui apparaîtront au fur et à mesure de leur publication.
À l’heure où de très nombreuses associations craignent pour leur avenir du fait d’une baisse drastique de leurs financements publics, cette cartographie vise aussi à informer citoyen·nes et élu·es pour identifier le projet idéologique porté plus ou moins clairement par les associations présentées, et l’origine de leurs fonds.
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