LUNDI SOIR LUNDI MATIN VIDÉOS AUDIOS
13.10.2025 à 20:00
Remplacer nos députés par des rivières ou des autobus - Philippe Descola
Pour l’anthropologue Philippe Descola, l’époque ne peut plus se contenter de penser politiquement à partir des conflits de classes et des rapports de force. Si ces catégories gardent bien entendu leur pertinence, elles doivent être rapportées à un contexte à la fois plus général et fondamental, celui des conflits de mondes. Malgré l’écrasement et l’hégémonie du monde de l’économie et du capitalisme, persistent d’autres manières extrêmement variées de composer des mondes, c’est-à-dire de tisser des rapports à l’environnement, d’habiter des lieux. C’est tout le propos de son nouveau livre Politiques du faire-monde : l’enjeu de l’anthropologie n’est pas de compiler les traces de vies primitives et exotiques perdues dans quelques forêts à l’autre bout du monde mais de nous tendre le miroir de notre propre socio-centrisme. Il s’agit donc d’une anthropologie éminemment pratique qui permet d’interroger les présupposés tant des sciences sociales classique que des théories politiques, qu’elles soient libérales ou marxistes.
Dans son son ouvrage de référence Par-delà nature et culture, Philippe Descola demontrait que ce qui caractérise les « modernes » c’est de séparer le monde en deux catégories principales, nature et culture. Or ces catégories sont situées historiquement et géographiquement et recouvrent une réalité beaucoup plus riche et diverses tant il existent d’autres manières de se rapporter à l’humain comme au non-humain malgré la menace constante d’ethnocide et la voracité de l’extractivisme capitaliste. C’est ce travail que vient prolonger pour mieux le « politiser », ce nouveau Politiques du faire-monde.
Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d’existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C’est par ici.
08.10.2025 à 12:00
« C’est leur monde qui est fou, pas nous » Un lundisoir sur la Mad Pride et l’antipsychiatrie radicale
Ce samedi 11 octobre se tient la première Mad Pride autonome. Pride pour fierté, évidemment et Mad pour « fou » et énervé. S’il y a bien une question qui est systématiquement dépolitisée, c’est celle de l’inadéquation psychique au monde ; ceux qui nous gouvernent parlent de « santé mentale », Emmanuel Macron en a même fait la grande cause nationale de l’année 2025. Il s’agirait de prendre en charge ce qui déborde, de faire rentrer dans le rang ceux qui déconnent. Mais que disent-ils tous ceux-là ? Les fous, les traumatisés, les déprimés, les dépressifs, les fêlés, les bipolaires, les toqués, les psychotiques, les dingues et les maniaques ? Pour en parler, nous avons invité deux membres du collectif Mad Pride Paris, Joan qui tient le blog Comme des fous et nan marci, chercheuse en philosophie, artiste et militante féministe, marxiste et antipsychiatrie. Entre eux, nous avons aussi convié Jonathan, un patient ordinaire qui a récemment publié deux textes formidables sur lundimatin dans lesquels il raconte avec beaucoup de justesse et d’humour ce que cela signifie d’être « fêlé » et en concubinage avec de trop nombreuses pilules.
Mad Pride, un manifeste
Le site de la Mad Pride
Le site Comme des fous
Police, polisse, polis, « La psychiatrie n’est pas en crise, c’est la crise qui est psychiatrisée »un article de Jonathan l’im-patient.
En prise et contre nous, la suite de celui ci-dessus.
Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d’existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C’est par ici.
04.10.2025 à 15:00
Comment devenir fasciste - La stratégie de conversion de Mark Fortier
On glose beaucoup, y compris dans lundimatin, sur la « fascisation » en cours de nombreux régimes considérés jusque là comme des démocraties libérales. Tropisme français, on commence toujours par penser les mutations sociales à partir des évolutions du pouvoir ; accaparés et obsédés que nous sommes par les institutions. Dans ce revigorant Devenir fasciste, une thérapie de conversion Mark Fortier explore ce que cela implique de devenir soi-même fasciste. Quels rapports au monde, aux autres et à la pensée sont requis pour accéder à cette forme bien particulière de la petitesse éthique.
Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d’existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C’est par ici.
22.09.2025 à 20:00
Pouvoir et puissance (ou pourquoi refuser de parvenir) - Sébastien Charbonnier
Philosophe et spécialiste des sciences de l’éducation, Sébastien Charbonnier vient de publier Pouvoir et puissance (Vrin), un petit manuel de philosophie pratique. Le sous-titre de l’ouvrage a valeur de programme : Refuser de parvenir : une joie pure. Spontanément, on pense au dégoût que peuvent susciter des Rastignac et des Bel-Ami, voire plus proche de nous, les figures plus ou moins pathétiques de Attal ou autre Darmanin ; dents qui rayent le parquet et dalle du requin-outsider déterminé à dévorer à sa tour. En réalité, il s’agit ici de quelque chose d’à la fois plus précis et plus vaste.
Ce mot d’ordre (de désordre) issu du milieu pédagogique-libertaire, anarcho-syndicaliste, de l’entre-deux-guerres est repris par l’auteur qui choisit d’en étendre le sens à l’ensemble des rapports de pouvoir. Non pas le refus sacrificiel et/ou stratégique de l’établi maoiste, qui projette une fin (la révolution) au-delà de moyens non désirables pour eux-mêmes (l’exploitation quotidienne) – et c’est là un autre sens de l’idée de « parvenir », parvenir à ses fins, remettre à plus tard, et s’extraire ainsi de toute prise sur le présent – non pas cela, donc, mais la joie pure de ne pas se laisser tyranniser par les tristes affects que la vie du tyran (qu’il soit étatique ou domestique) charrie toujours avec elle.
C’est à partir de recherches qu’il mène depuis longtemps autour des philosophies de l’éducation et des rapports de pouvoir entre adultes et enfants, que l’auteur puise ses remarques sur la puissance collective qui réside dans le refus des dominations. Si bien que la forme du livre correspond, elle aussi, à ces enjeux d’émancipation : abandonner la velléité d’ « éduquer » depuis une position de prétendue supériorité épistémocrate mais multiplier, par la dispersion joyeuse des aphorismes, les occasions de produire une rencontre avec autrui. Or, ce n’est pas en moralisant qu’on rencontre, mais plutôt en commençant dès maintenant à pratiquer les relations que les pouvoirs rendent impossibles.
Pour accompagner l’entretien, des bonnes feuilles sont disponibles ici.
Ajoutons que les éditions lundimatin publieront le prochain livre de Sébastien Charbonnier: La fabrique de l’enfance, anthropologie de la comédie adulte dont vous pouvez déjà lire quelques extraits ici.
Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d’existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C’est par ici.
15.09.2025 à 13:00
10 septembre : un debrief - Avec Cultures en lutte et Ritchy Thibault [lundisoir]
Ce lundisoir a été tourné à chaud, soit le 11 septembre. Nous y avons convié Ritchy Thibault pour qui avait passé la journée du 10 entre blocages et manifestations sauvages et trois membres de Cultures en lutte ayant participé à l’occupation de la « Maison des cultures urbaines » de la Villette. Toutes les informations sur le mouvement n’étaient pas encore parvenues à nos oreilles. La discussion tient le juste équilibre entre l’exaltation joyeuse d’une potentielle séquence insurrectionnelle qui s’ouvre et la critique modérée d’une situation qui s’est présentée sur un mode mou, incertain, hésitant, parfois même virtuel ou quantique. On s’excuse pour la piètre qualité du son qu’il a fallu remixer avec les moyens du bord à cause d’un gros problème technique.
Notons que les points de vue partagés sont, de facto, très parisiens. Et après réflexion, il nous semble qu’un point n’a pas pu être soulevé. Avec cette présentation, nous voulons nous rattraper. Si le dispositif policier était énorme, la répression a été, grosso modo, moins intense que d’habitude. Pourtant, de nombreuses images de brutalité féroce sont remontées. On en tire la conclusion hypothétique suivante : le dispositif policier avait pour mot-d’ordre de ventiler d’éventuels points de fixation (blocage) et de détruite dans l’œuf toute initiative. Son objectif n’était pas, directement, de pratiquer le terrorisme répressif tout azimut comme au temps des Gilets Jaunes. Les multiples cruautés policières que nos camarades ont pu constater ont donc un autre sens que stratégique : un certain nombre de policiers font du zèle, et ce zèle, est précisément ce surplus de jouissance brutaliste qui caractérise la jouissance fasciste. Nous vous laissons découvrir le contenu de la discussion, mais, s’il fallait retenir une seule chose, ce serait celle-ci : il faut passer du blocage à l’occupation. Le blocage sans occupation est éphémère ; l’occupation sans blocage est sans piquant.
Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d’existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C’est par ici.