10.04.2025 à 20:00
Documenter le repli islamophobe en France avec le cinéaste Joseph Paris
C’est avec quelques mois de retard que nous avons découvert Le Repli, formidable film documentaire du cinéaste Joseph Paris. Il y est question d’état d’urgence, de recul des libertés publiques et de l’histoire de l’islamophobie en France. Enthousiasmés, nous avons proposé à Joseph Paris de venir nous raconter son rapport aux archives, au cinéma et aux images du pouvoir. Comment les dévoiler sans s’en faire le relai, comment les réagencer pour les désactiver. Il nous parle aussi de son expérience au près des Femen, jusqu’à leur neutralisation depuis l’intérieur mais aussi de son travail en cours sur le front ukrainien. Comme il y a beaucoup de choses à raconter et de personnes à rencontrer en ce moment, nous passons pendant quelques semaines à un rythme de deux lundisoir par semaine. Celui-ci sera donc diffusé à partir de jeudi 10 avril à 20h.
00:00 intro
1:01 Avec Harun Farocki, penser les images du pouvoir, faire des films comme des essais
6:12 Les Femen et la guerre nue
14:13 Comment les Femen ont été neutralisées depuis l'intérieur en dépolitisant le choix des cibles
21:50 Le repli, un film documentaire sur la montée de l'islamophobie en France
29:48 La violence du pouvoir par ses propres images
35:16 Comment le « problème musulman » fut inventé par la gauche en 1983 pour diviser les grèves ouvrières
42:18 De gauche à droite, l'islamophobie d'opportunité
48:47 Respecter l'archive, déchirer et manipuler les images du pouvoir
56:25 Filmer la guerre en Ukraine : la sidération des images militaires
1:00:37 Des images opérationnelles qui ne sont pas faites pour être regardées mais pour être montrées
1:06:15 Ukraine : le dilemme moral des déserteurs
1:11:48 Penser la spécificité des affrontements armés aujourd'hui
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07.04.2025 à 20:00
Comment la Chine inventa la gouvernance algorithmique il y a 2400 ans - Romain Graziani
Romain Graziani, philosophe et sinologue, vient de publier Les lois et les Nombres (Gallimard), une enquête épatante qui nous permet de retracer le fil qui relie les formes les plus avancées de la domination contemporaine à ses premiers inventeurs : les stratèges chinois au IVe siècle av. J.-C.
Dans cette nouvelle archéologie du pouvoir, le philosophe nous raconte comment la domination impériale chinoise s’est fondée sur un imaginaire politique du calcul, du mesurable, du mécanisme et de la capture fondé sur la primauté des nombres. C’est l’héritage du Légisme (Guan, Shang Yang, Han Fei) qui, à la source de la première fondation de l’Empire, n’a plus cessé de s’étendre jusqu’à aujourd’hui avec le crédit social en Chine ou encore la diffusion de la gouvernance algorithmique partout dans le monde. On fait aussi un petit détour par Mao qui se délirait en Qi Shi Huangdi (le premier empereur) et se revendiquait du légisme en faisant littéralement tout le contraire et n’importe quoi, produisant famines sur famines.
Si l’on a longtemps vu dans le logos grec le début de la logification capitaliste du monde, nous pouvons voir dans le FA chinois (la loi ou la norme) le début de la mathématisation algorithmique du gouvernement impérial.
L’étrange phénomène contemporain est le suivant : une idéologie du Nombre d’il y a 23 siècle est en train de réémerger à la vitesse de la poudre sur tout le continent asiatique avec pour effet une formidable réintégration du reste du monde à sa mesure.
00:00 Teaser
1:27 Du légisme chinois au IVe siècle av. J.-C. à la description de l’Empire au XXIème siècle
05:00 Modernité de l'imaginaire politique chinois
07:37 Gouverner par les nombres, dominer sans affect
10'51: Par-delà les valeurs et le pouvoir charismatique, les lois et les nombres
12 :39 Comment la pensée gouvernementale chinoise du IVe siècle av. J.-C. converge avec le management contemporain, le nudge et la surveillance algorithmique
14 :41 D'ailleurs c'est quoi le légisme ?
19:59 « Enrichir l'état , renforcer l'armée » ou comment régner par la guerre et le profit
24:16 Par-delà l'enrichissement, la recherche du contrôle maximal sur la population
27 :32 Comment s'articulent l'art de gouverner et celui de s'enrichir ?
33:17 La souveraineté en pilotage automatique ou naissance de la technocratie
42 :07 De la surveillance céleste à la surveillance numérique
49:50 Les métaphores du pouvoir : la mesure, la mécanique, la capture
55:08 La population chinoise est-elle culturellement plus passive face au pouvoir ?
59:43 Le pouvoir chinois antique et le régime chinois contemporain peuvent-ils être considérés comme des totalitarismes ?
1:02:39 Les trois figures de l'ingouvernable : le saint homme, le justicier errant et le brigand
1:08:45 Mao, le nouvel empereur délirant
1:12:29 Bonus : le non-agir est-il anarchiste ?
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31.03.2025 à 20:00
Faut-il croire à l'intelligence artificielle ? Mathieu Corteel
En l’espace de quelques années, l’intelligence artificielle s’est immiscée, qu’on le veuille ou non, dans tous les interstices de nos existences. Dissimulée dans les « app » qui nous guident, nous ambiancent ou font les devoirs de mathématiques à notre place, elle optimise les frappes de l’armée israélienne et peut nous offrir des conseils avisés dans nos relations affectives. Sait-on pourtant exactement ce qu’est l’IA ? Comment elle fonctionne, ce qu’elle peut, ce qu’elle ne pourra jamais et ce qu’elle pourra peut-être ?
Mathieu Corteel est philosophe et historien des sciences, il publie cette semaine Ni dieu ni IA (La découverte). Au gré d’un inquiétant voyage à la rencontre de cerveaux plongés dans des cuves, de robots dactylographes, de perroquets stochastiques, de policiers quantiques et de chatbots psychopathes, l’auteur propose d’« ouvrir le capot » pour comprendre les rouages, les paradoxes et les illusions tant épistémiques que techniques au cœur de cette nouvelle technologie.
De là, s’ouvrent quelques questions éminemment politiques et les désaccords logiques : peut-on séparer la mauvaise IA qui contrôle, ordonne, gouverne de la bonne qui soigne sans commettre d’erreur de diagnostic et réduit la pollution des embouteillages ? Faut-il y voir l’opportunité de gagner du temps pour certaines tâches ingrates ou la menace d’une destruction méthodique de toute expérience et créativité humaine ? Faut-il voir dans l’IA en même temps que le dernier avatar du capitalisme cognitiviste l’émergence possiblement émancipatrice d’une commune intelligence collective ? On en discute dans ce lundisoir.
00:00 Coucou ChatGPT
2:46 De quoi parle-t-on lorsqu'on parle des IA ? Une petite généalogie
6:59 Pourquoi nous vivons dans un gigantesque laboratoire dont nous sommes les cobayes
11:13 Les illusions totémistes de l'IA nous plongent dans un univers de non-sens avec des conséquences graves
17:24 Qu'est-ce que l'IA n'est pas ? Pourquoi l'analogie entre langage et mathématiques est un leurre
20:24 L'IA est indifférente au monde et amorale.
23:32 Comment l'IA nous dépossède en écrasant notre expérience du monde. L'exemple de la musique
32:13 Peut-il exister des agencements de l'IA émancipateurs ? (Mathieu Corteel pense que oui, nous plutôt que non)
38:26 Quoi qu'il en soit les usages aliénants de l'IA sont massivement majoritaires et les garde fous inexistants
41:12 Causalité et fausses corrélations : taux de suicide, consommation de margarine et police prédictive
45:00 Que serait un bon usage de l'IA ?
51:50 A-t-on déjà vu un nouveau dispositif technologique être limité dans ses usages ?
52:45 Les ordinateurs peuvent-ils faire l'amour entre eux ? Qu'elles illusions affectives nous vend l'IA ?
58:58 L'IA c'est des stats et des probabilités qui pénètrent techniquement nos représentations du monde et de nous-mêmes
1:00:42 La mutation du capitalisme vers le capitalisme cognitif. L'IA au service de la réaction. Pour une grande démission
1:08:02 Les limites matérielles et physiques de l'IA dans un monde fini. Pourquoi Bluesky ne rend pas nécessairement moins idiot que twitter
1:12:29 Et si la valorisation de chaque interstice de la vie n'était pas le stade suprême de l'économie ?
1:15:06 Comment sortir des paradoxes pragmatiques ? Peut-on réenchanter la démocratie avec présidents robots ?
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