27.10.2025 à 20:00
Ping-pong et révolutions - Dix sports pour trouver l'ouverture avec le philosophe Fred Bozzi
Dans Dix sports pour trouver l’ouverture, un ouvrage excellentissime que nous venons de publier avec les éditions lundimatin, Fred Bozzi, philosophe pongiste, propose un contre-pied magistral aux habituelles critiques du sport. Il y démontre notamment que :
Le saut à la perche s’oppose techniquement à la conquête spatiale.
Un terrain de rugby est le lieu d’une écologie anarchiste.
Les épreuves d’un décathlon arrachent les corps à l’économie.
Le ping-pong est propice à faire dégénérer les IA.
La boxe incarne la vertu du silence dans un monde saturé de mensonges.
Le volley-ball conteste les théories du management.
La danse révèle une puissance destituante.
La démarche est inédite, les démonstrations sont puissantes et tout ce que cela ouvre quant à notre rapport au sport comme à la pensée est déterminant. Comme le dit un ami, c’est le livre qu’aurait écrit Jacques Rancière s’il avait pratiqué le saut à la perche ou Eric Cantona s’il s’était lancé dans la philo plutôt que dans le cinéma. Une présentation plus poussée du livre est accessible ici.
Fred Bozzi est notre invité pour ce lundisoir, faute de temps, nous ne discuterons pas des dix sports présents dans le livre mais déjà de Ping-pong, de boxe, de Football, de Tennis et un petit peu de danse.
Le livre est disponible dans toutes les bonnes librairies mais vous pouvez le commander directement sur notre site en vous rendant ici : lundi.am/livres.
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27.10.2025 à 15:00
Casus Belli, la guerre avant l’État - Christophe Darmangeat
Avec cet entretien, nous débutons une nouvelle série thématique de lundimatin autour de « la guerre ». La guerre est dans toutes les têtes. Mais elle y est sur un mode abstrait, verbal, pauvre et nu. Nous voulons contribuer à sa reconquête conceptuelle. Une idée n’est concrète que lorsqu’elle est rapportée à la multitude des expériences réelles qui la constitue. Une idée n’est utile que lorsqu’elle pense en intériorité des mécanismes et des logiques qui nous permettent d’en saisir la réalité. Ce soir, nous accueillons l’anthropologue Christophe Darmangeat pour son volumineux Casus belli. La guerre avant l’État. Dans ce livre, publié en 2025 à La Découverte, Darmangeat déploie une vaste typologie des « confrontations » fondée sur des séries de cas ethnographiques fascinants.
Le concept de « guerre » ne renvoie et ne circonscrit plus qu’une forme précise et déterminée de confrontation parmi d’autres formes. La guerre y est définie comme une « confrontation discrétionnaire résolutive », c’est-à-dire : une confrontation collective sans accord préalable entre participants (l’agresseur ne demande pas l’autorisation d’attaquer) dont la résolution repose sur l’anéantissement de l’adversaire permettant d’asseoir sa propre « suprématie ». Mais, comme nous allons le voir, si toutes les guerres sont des confrontations, toutes les confrontations ne sont pas des guerres. La faide (ou feude), c’est-à-dire la vendetta, est une confrontation discrétionnaire comme la guerre, mais elle est résolue d’une autre façon que la guerre : non par la suprématie, mais par l’équilibre des comptes en homicides. La faide (la vendetta) est une confrontation par « règlement de comptes » qui passe par des « homicides de compensation ». La fin de cette confrontation n’est pas la suprématie par anéantissement de la force ennemie ; mais l’équilibre dans les comptes. Ce qui est frappant dans la définition de ces deux confrontations (guerre et faide), c’est qu’elles sont pensées comme pacifiste dans leurs finalités. La fin d’une guerre comme d’une vendetta est de mettre un terme à la faide ou la guerre par la faide et la guerre soit en atteignant l’équilibre soit en obtenant la suprématie.
En fait, ce qu’il est important de comprendre ici c’est que les confrontations ne doivent pas être pensées en fonction de la nature de ses agents. Par exemple, ce n’est pas l’État qui fait la guerre. La guerre n’est pas le propre de l’État. Pour comprendre une confrontation, il faut en déterminer les motifs et les fins. Ce sont à la fois les modes de circonscription du début et de la fin de la confrontation d’une part, et les motifs ou mobiles de la confrontation d’autre part qui en caractérisent le sens et le concept. Si la guerre et la faide sont deux confrontations « discrétionnaires résolutives », c’est parce qu’elles commencent sans prévenir l’adversaire et s’achèvent selon une « résolution » présente à l’esprit de celles et ceux qui la mènent (équilibre ou suprématie).
On verra qu’il y a bien d’autres formes de confrontations : par exemple, des confrontations où l’on s’accorde au préalable sur le lieu, l’heure et la durée du combat. Ce sont les duels collectifs. On sait comment ça commence, on est d’accord entre adversaires pour commencer et on sait où et comment cela doit se finir. Mieux encore : il y a des confrontations qui n’ont pas de résolution, qui sont non-résolutives, et dont la fin est indéfinie et, peut-être, infinie. C’est le cas des chasses aux têtes, des confrontations de deuil ou celles de vengeances. Les Wari’ de l’Ouest amazonien, par exemple, ne pratiquent pas la vengeanc
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13.10.2025 à 20:00
Remplacer nos députés par des rivières ou des autobus - Philippe Descola
Pour l’anthropologue Philippe Descola, l’époque ne peut plus se contenter de penser politiquement à partir des conflits de classes et des rapports de force. Si ces catégories gardent bien entendu leur pertinence, elles doivent être rapportées à un contexte à la fois plus général et fondamental, celui des conflits de mondes. Malgré l’écrasement et l’hégémonie du monde de l’économie et du capitalisme, persistent d’autres manières extrêmement variées de composer des mondes, c’est-à-dire de tisser des rapports à l’environnement, d’habiter des lieux. C’est tout le propos de son nouveau livre Politiques du faire-monde : l’enjeu de l’anthropologie n’est pas de compiler les traces de vies primitives et exotiques perdues dans quelques forêts à l’autre bout du monde mais de nous tendre le miroir de notre propre socio-centrisme. Il s’agit donc d’une anthropologie éminemment pratique qui permet d’interroger les présupposés tant des sciences sociales classique que des théories politiques, qu’elles soient libérales ou marxistes.
Dans son son ouvrage de référence Par-delà nature et culture, Philippe Descola demontrait que ce qui caractérise les « modernes » c’est de séparer le monde en deux catégories principales, nature et culture. Or ces catégories sont situées historiquement et géographiquement et recouvrent une réalité beaucoup plus riche et diverses tant il existent d’autres manières de se rapporter à l’humain comme au non-humain malgré la menace constante d’ethnocide et la voracité de l’extractivisme capitaliste. C’est ce travail que vient prolonger pour mieux le « politiser », ce nouveau Politiques du faire-monde.
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