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28.06.2025 à 11:30

Glucksmann, Ruffin, Mélenchon, Autain : 4 propositions à gauche — Otan : la servilité des Européens à Trump

la Rédaction
Comme chaque semaine, le débrief politique avec Catherine Tricot et Pablo Pillaud-Vivien.

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27.06.2025 à 14:07

USA-Iran-Israël : sous les bombes, les peuples

Pablo Pillaud-Vivien
Au-delà des discours officiels, ce sont les sociétés qui façonnent — et subissent — l’escalade en cours au Moyen-Orient. Ce dossier leur redonne la parole.
Texte intégral (729 mots)

Au-delà des discours officiels, ce sont les sociétés qui façonnent — et subissent — l’escalade en cours au Moyen-Orient. Ce dossier leur redonne la parole.

Il y a une illusion tenace à laquelle s’abreuvent certains stratèges du monde : celle d’une « géopolitique » qui fonctionnerait comme un échiquier froid, rationnel et désincarné. Des États y seraient des entités homogènes, mues par leurs intérêts nationaux, définis par une élite militaire ou diplomatique, les peuples relégués au rang de décor. La guerre deviendrait ainsi une mécanique répondant à des logiques de puissance.


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Le politiste Bertrand Badie s’emploie depuis des années à dynamiter cette fiction. Non, la géopolitique n’existe pas. Ce sont les sociétés qui font l’histoire. Ce sont elles qui donnent sens ou non à la guerre, qui y résistent ou l’enclenchent, qui peuvent, dans leur pluralité, leurs contradictions, leurs espoirs, faire surgir des brèches dans les logiques de destruction.

Entre Téhéran et Tel-Aviv, cette vérité s’impose avec éclat. Et effroi.

Car dans l’escalade en cours entre Israël et l’Iran, ce ne sont pas seulement deux États qui s’opposent, ce sont deux sociétés fracturées, habitées par des contradictions profondes. En Iran, la théocratie repose sur la répression, la peur, les prisons politiques. Et pourtant, depuis les grandes mobilisations de 2009 jusqu’aux révoltes féministes de 2022, une société civile tente, à pas lents mais tenaces, d’arracher un avenir à la nuit islamiste. Les femmes émancipées, les grèves ouvrières, les étudiants contestataires sont les visages d’un peuple qui, malgré tout, refuse de se résigner.

Mais face à cette lente érosion du pouvoir des mollahs, que produira le fracas des bombes israéliennes ? À quoi ressemblera une société iranienne réveillée non plus par le désir d’émancipation, mais par le réflexe nationaliste, la peur, la colère ? Ce que l’aviation israélienne détruit aujourd’hui en infrastructures pourrait bien enterrer demain les possibilités politiques.

Et en Israël, la société n’est pas épargnée non plus. Si des voix s’élèvent, courageuses, pour dénoncer la politique coloniale, l’apartheid, le génocide et la guerre — des journalistes, des ONG, des jeunes qui refusent l’enrôlement —, elles restent très minoritaires. D’après des études d’opinions et des sondages analysés par Haaretz ces derniers mois, la part des Israéliens juifs soutenant les opérations militaires à Gaza est très importante, malgré l’ampleur des massacres, malgré les images, malgré le droit. La société, ici, ne fait pas que subir : elle choisit… ou laisse faire.

Alors, que reste-t-il de politique dans ce champ de ruines ? Justement : les sociétés. Pas comme totems, pas comme excuses, mais comme terrains de lutte, de contradictions, de possibles. C’est ce que Regards et Politis ont voulu mettre au centre de ce dossier : ni la carte, ni le drone, ni le tweet d’un chef d’État, mais ce que veulent (ou pourraient vouloir) les peuples.

Parce que la paix ne naîtra ni à Riyad, ni à Washington, ni dans le cockpit d’un F-35. Elle se construira, si elle doit advenir, dans les failles de l’Iran autoritaire et de l’Israël colonial, par celles et ceux qui refusent de haïr, de tuer, d’obéir. Ce sont eux, les vrais acteurs du monde à venir. Et c’est à eux qu’il faut prêter l’oreille, tant qu’il est encore temps.

27.06.2025 à 14:06

Manifestation contre l’attaque américaine en Iran : « Nous ne voulons plus de morts et de victimes »

Edward Maille
Des rassemblements sont organisés depuis une semaine aux États-Unis contre l’attaque américaine en Iran. Si la taille des manifestations reste minime, l’opposition à l’intervention américaine est forte dans la population, y compris chez certains soutiens de Donald Trump.
Texte intégral (1324 mots)

Des rassemblements sont organisés depuis une semaine aux États-Unis contre l’attaque américaine en Iran. Si la taille des manifestations reste minime, l’opposition à l’intervention américaine est forte dans la population, y compris chez certains soutiens de Donald Trump.

Siomara Rodriguez n’en est pas à sa première manifestation antiguerre. Elle s’est opposée aux interventions militaires américaines à l’étranger « depuis le Vietnam », explique-t-elle sur le bord de la route, dans le centre-ville d’Athens en Géorgie, dans le sud-est du pays. Une vingtaine de personnes brandissant des pancartes, ce mercredi 25 juin, comme « Ne touchez pas à l’Iran ». Le groupe s’oppose aux attaques ordonnées par Donald Trump afin de détruire trois sites d’enrichissement nucléaires iraniens, avec la crainte d’une escalade et du retour de l’interventionnisme militaire américain.


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Depuis l’opération, il y a moins d’une semaine, plusieurs rassemblements ont eu lieu aux États-Unis pour s’opposer à la décision de Donald Trump. Les manifestations étaient de petite taille, très loin de celles dites « No Kings » [pas de rois] contre les politiques du milliardaire, où plusieurs millions de personnes sont descendues dans les rues. « Peu importe si vous avez une foule de 500 ou 5 personnes, ce qui compte est de sortir, et montrer qu’on ne soutient pas cela », explique Trey Holloway, 24 ans, un keffieh par-dessus ses épaules, sur son costume. Il est membre du Parti pour le socialisme et la libération (PSL) – situé tout à gauche sur l’échiquier politique américain – qui organise cette manifestation.

Il estime que l’attaque sur l’Iran était « une violation de leur souveraineté ». Il s’oppose à toute intervention américaine ou étrangère pour faire tomber le régime des mollahs. « La lutte est dans leur pays, c’est une lutte pour les Iraniens, et c’est à deux d’en décider et de la mener. » Les manifestants énumèrent leurs raisons pour se tenir en cette fin d’après-midi sous une chaleur étouffante, avec un ressenti de 35 degrés. « Les gens ont en plus que marre des guerres. Largent devrait être pour répondre aux besoins de la population, tels que les soins de santé, l’éducation ou le logement », explique Siomara Rodriguez, 76 ans, qui voit l’attaque comme « une escalade ».

« Nous voulons que ça s’arrête, continue-t-elle. Je souhaite un cessez-le-feu permanent, nous ne voulons plus de morts et de victimes. » Mais la retraitée reste sceptique vis-à-vis du cessez-le-feu négocié par Donald Trump. « J’ai parfois du mal à suivre ce qu’il dit, parce qu’il oscille : il peut dire une chose et ensuite une autre très différente. Dès qu’il a annoncé un cessez-le-feu, Israël a commencé à lancer des missiles. » Après cela, le président avait vivement critiqué Israël pour cette attaque.

Si la taille de ces rassemblements reste mince à l’échelle du pays, ils illustrent le sentiment d’une part importante des Américains. 56% n’approuvent pas de l’opération en Iran, selon un sondage réalisé par SSRS pour CNN publié ce mardi. Certains élus démocrates ont tout de même soutenu l’attaque, mais la majorité l’ont dénoncé. Un point suscite l’ire de la gauche américaine : la décision de Donald Trump de mener ces frappes sans l’autorisation du Congrès, vu comme un outrepassement de plus, par le président, des règles du pays.

Mais la réponse des démocrates est pour l’instant désordonnée. Quelques élus de la Chambre des représentants ont tenté de lancer une procédure d' »impeachment », une mise en accusation formelle contre le président. La mesure n’avait aucune chance d’aboutir, puisqu’il faut une majorité de votes, dont les Républicains disposent. Mais la majorité des députés démocrates n’ont pas soutenu la mesure. Un exemple de plus des divisions du camp démocrate sur la façon de s’opposer à Donald Trump.

Sur le bord de la route à Athens, plusieurs manifestants tentent au moins de faire entendre leurs voix. Ils se succèdent pour prendre la parole. Certains s’époumonent dans le micro. Le groupe manifeste également en soutien des Palestiniens, contre le soutien américain à Israël, avec des pancartes « mettre fin au génocide ». « L’argent de vos impôts va tuer des enfants », dénonce Jawahir Kamil, 52 ans, au micro.

« En tant qu’être humain, nous ne voulons pas que d’autres personnes meurent, et nous ne voulons pas être complices en utilisant l’argent de nos impôts », explique-t-elle ensuite. Mike Almestica, lui, n’avait pas manifesté « depuis un moment ». Les événements ont rappelé à l’employé dans un supermarché l’invasion américaine en Irak. « Je ne pouvais pas juste rien faire », justifie l’homme de 35 ans. Certaines voitures klaxonnent en soutien à la foule. Dans son pick-up, un autre homme hurle « Allez Trump ». « Donald Trump a pourtant fait campagne contre la guerre », regrette Jawahir Kamil.

Le milliardaire a promis de ne pas engager le pays dans un conflit armé s’il n’y avait pas de menace directe. La promesse s’inscrit dans sa vision de l' »America first » [l’Amérique d’abord], en s’opposant à la vieille garde républicaine, surnommée « les faucons » ou « neocons » [pour néoconservateurs], en faveur d’un interventionnisme militaire. La décision de Donald Trump d’attaquer l’Iran a mis en lumière ces tensions au sein du socle électoral du président.

La grande partie des élus républicains au Congrès ont soutenu la Maison Blanche. Mais l’élue de Géorgie, Marjorie Taylor Greene, importante figure du mouvement MAGA [Make America Great Again], a dénoncé cette décision et les frappes américaines, tout en maintenant son soutien au président pour le reste de ses politiques. Avant l’opération, d’autres personnalités médiatiques ultraconservatrices s’étaient clairement opposées à une intervention militaire américaine, comme Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump et figure du populisme d’extrême droite, Tucker Carlson, ancien présentateur sur Fox News, ou Charlie Kirk, fondateur de l’organisation d’extrême droite, Turning Point Action.

Depuis l’attaque, certains ont atténué leurs critiques. Difficile de savoir s’ils soutiennent réellement l’opération menée par Washington, ou s’ils souhaitent garder l’unité de leur mouvement. Mais la décision de Donald Trump d’attaquer seulement les sites nucléaires, sans chercher à renverser le régime en place et sans envoyer de troupe sur le terrain semble convenir aux isolationnistes. L’influenceur Charlie Kirk a estimé sur le réseau social X que le président avait réalisé une « masterclass », en retirant les missiles nucléaires iraniens, sans engager plus que cela l’armée américaine. Il ne faudrait surtout pas remettre en question l’allégeance au chef.

27.06.2025 à 14:05

« Il venait de finir sa première année d’école et savait lire le mot terrible : guerre »

la Rédaction
Depuis Téhéran, une voix sous silence. En Iran, où la parole peut coûter cher, Tara nous écrit dans l’ombre. Sous le couvert de l’anonymat, elle raconte les premières heures des bombardements israéliens, l’écho lointain mais terriblement présent de la guerre qui gronde. Elle dit l’effroi, l’attente, et cette peur presque indicible : devoir expliquer l’inexplicable à son enfant. Témoignage.
Texte intégral (1831 mots)

Depuis Téhéran, une voix sous silence. En Iran, où la parole peut coûter cher, Tara nous écrit dans l’ombre. Sous le couvert de l’anonymat, elle raconte les premières heures des bombardements israéliens, l’écho lointain mais terriblement présent de la guerre qui gronde. Elle dit l’effroi, l’attente, et cette peur presque indicible : devoir expliquer l’inexplicable à son enfant. Témoignage.

Jeudi, les nouvelles étaient saturées de tensions et de menaces. Une phrase revenait sans cesse : « Israël a depuis longtemps préparé un plan de guerre contre l’Iran ». C’était une rengaine que l’on connaissait déjà, mais cette fois, elle résonnait autrement. Plus grave. Plus réelle.


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Vers 3h30 du matin, vendredi, allongée à demi consciente, j’ai commencé à entendre des bruits sourds, comme des coups de tonnerre… ou des explosions lointaines. Puis ils se sont répétés. Je me suis redressée à moitié, inquiète. Deux détonations beaucoup plus fortes m’ont fait sursauter. L’immeuble a tremblé et a plongé dans le noir, courant coupé. Mon cœur battait à tout rompre.

Une autre explosion a éclaté. J’ai regardé mon mari. Il était éveillé. Dans l’obscurité, nous nous sommes observés, terrifiés. Avec les alertes de la veille en tête, nous avons compris : quelque chose de grave venait d’arriver.

Mon mari a dit : « Ils ont fini par attaquer ».

À tâtons, avec un réseau faible, nous cherchions des nouvelles sur nos téléphones. Sur les réseaux, les gens parlaient d’explosions à Téhéran. J’ai ouvert la porte du balcon. L’air sentait la poudre. Des sirènes de secours hurlaient.

Après avoir passé une quarantaine de minutes dans le noir, Nous avons appris que les explosions venaient d’un bâtiment à deux rues de chez nous. Un scientifique du programme nucléaire disait-on, avait été visé. J’étais sonnée, j’avais des palpitations, et aucune envie de manger ou de boire. Mon mari a préparé du thé. Il m’a dit, avec une lassitude douloureuse :

« J’ai ouvert les yeux vers le monde en pleine guerre. Je me rappelle qu’on se déplaçait, fuyait les bombardements… J’ai grandi dans les abris/bunkers, tout petit, j’étais témoin des scènes d’enterrement des victimes de guerre, ensuite je me suis retrouvé dans les files d’attente dans les prisons pour rencontrer les prisonniers politiques de ma famille… Et maintenant, encore la guerre. C’est pas juste… »

Moi je tremblais. Je repensais aux récits de ma mère sur la guerre de huit ans. Je n’aurais jamais cru vivre cela moi-même, un cauchemar qui se réalise…

Mon enfant dormait tranquillement dans sa chambre, entouré de ses peluches. J’étais soulagée qu’il ne se soit pas réveillé, mais je me préparais mentalement à lui expliquer. Difficile d’expliquer une telle réalité frappante à un enfant. Il venait de finir sa première année d’école et savait lire le mot terrible : guerre. Je ne voulais pas qu’il ait peur. Je pensais sans cesse à son avenir, dans un pays qui pouvait s’écrouler sous les bombes.

Mais plus que la peur, c’était la colère qui me rongeait. Colère contre ceux qui nous attaquent, bien sûr. Mais surtout contre nos propres dirigeants. Ceux qui, par leur soif de pouvoir et leurs aventures idéologiques, ont conduit ce pays fatigué à la guerre.

Ils n’ont jamais pensé à l’Iran. À son peuple.

Ils ont eu toutes ces années pour dialoguer, pour chercher la paix. Certes, le monde n’a pas toujours été juste avec nous, mais ils auraient pu faire des compromis, penser au bien-être du peuple, à la préservation de la patrie.

Des années à vivre sous le règne de ce régime nous ont appris une chose : les gens ne comptent pas pour eux. Qu’il y ait dix millions de morts sur les quatre-vingt-dix millions d’habitants, peu importe : il en reste toujours quatre-vingts millions, et les morts seront qualifiés de martyrs et iront au paradis !

Ils ont parlé avec arrogance au monde entier, ont battu le tambour de la guerre, ont ignoré, humilié et réprimé un peuple à bout. Ils ont mis mon Iran sous les flammes, et ils se sont eux-mêmes brûlés dans ce feu. Ils ont brandi la guerre comme un drapeau de fierté. Et aujourd’hui, l’Iran brûle. Et eux aussi. Quelle que soit la profondeur du fossé qui nous sépare de notre gouvernement, cela ne signifie en rien qu’Israël — l’un des États les plus infâmes, criminels et usurpateurs au monde — soit en droit de nous donner des leçons de liberté.

Mon Iran porte des blessures anciennes, il est las, meurtri, mais jamais courbé. Il tient debout, fier, au milieu des tempêtes, et se redressera après avoir survécu à ce tournant périlleux.

Son peuple n’a jamais désiré la guerre, au contraire, il n’a aspiré qu’à la paix et à la dignité.

Ce jour-là, les stations-service étaient bondées. Les gens étaient paniqués, même si on nous répétait que les cibles n’étaient pas civiles. Mais la guerre n’est jamais une plaisanterie. Même le mot « bombe » ou « missile » fait frémir. Le peuple avait peur.

Lorsque l’armée israélienne et Donald Trump ont émis une alerte recommandant d’évacuer Téhéran, des files de voitures quittaient la ville sans interruption, ça bouchonnait dans toutes les sorties de la ville. Nous étions hésitants. Des membres de la famille — ma tante, mon oncle, des amis — nous ont proposé d’aller dans leurs maisons de vacances au nord du pays. Mais mon cœur n’était pas prêt à quitter notre maison. Je ne voulais pas partir, et mon mari pensait pareil. Il a dit : « Peu importe où nous serons, l’essentiel est d’être ensemble ».

Une amie nous a appelés : « Nous avons une petite maison dans un village au nord. Venez, on pourra se serrer ».

Je l’ai remerciée de son affection et j’ai dit : « Si la situation s’aggrave, on y pensera ».

Une autre amie, avec qui je n’ai pas de relation très proche, a fait la même proposition. Je l’ai aussi remerciée et refusé gentiment. Plusieurs autres personnes nous ont proposé leur aide.

Une cousine vivant à l’étranger nous a envoyé un message : « On s’inquiète pour vous. Partez ».

Mais nous avions pris notre décision : rester. Notre quartier à Téhéran n’était pas une zone stratégique, et les médias répétaient que seules des cibles militaires ou nucléaires étaient visées, que les civils ne seraient pas touchés. Alors, nous avons décidé de faire confiance.

Notre petit avait compris la panique. Il avait vu les images de Gaza, se souvenait du dessin animé français sur la Seconde Guerre mondiale « Les grandes grandes vacances » que nous avions regardé ensemble. Il se bouchait les oreilles :

« Ne parlez pas de guerre. J’ai peur. Éteignez la télé. Mettez les dessins animés. »

Le bruit des bombardements l’angoissait. Je l’ai pris dans mes bras et murmuré :

« N’aie pas peur, mon cœur. Cette guerre n’est pas pour nous. Ce sont les militaires entre eux. On ne va pas être touchés, seuls les méchants sont visés. »

Il s’est apaisé.

Quelques jours plus tard, nous sommes allés chez mes parents. Eux aussi ont décidé de rester : « Puisque vous ne partez pas, nous non plus ». Leur quartier, proche des montagnes du nord, était presque désert. Nous étions seuls dans la cour et la ruelle.

Là-bas, loin des regards des fanatiques du régime occupés par la guerre, je suis sortie les cheveux au vent, vêtue simplement. J’ai marché dans le quartier et j’ai pensé : si seulement on vivait cela en paix…

Nous passions nos journées à marcher dans le jardin sous la douce brise du fin printemps, à nourrir les chats, et distraire notre enfant, pour qu’il oublie quelques heures l’ombre de la guerre.

C’était la fin du printemps. L’air était frais, les oiseaux chantaient. Tout aurait pu être beau. Mais nos cœurs étaient ailleurs. Le pays souffrait. Des gens mouraient. Je pensais aux jeunes soldats… Nous ne pouvions pas faire semblant.

À chaque bruit, nous levions les yeux vers le ciel. Le soir, nous nous endormions au son des canons.

Les supermarchés étaient encore ouverts. Quelques boulangeries, quelques marchands de fruits. Mais Téhéran était méconnaissable. Si silencieuse qu’on entendait les pas des passants dans la rue.

Ma mère préparait de bons plats, des biscuits. Nous essayions de garder un peu de chaleur humaine. Mes parents racontaient leurs souvenirs de guerre — des mots mêlés de douleur et de tendresse.

Et chaque soir, nous écoutions les experts parler de ce qui pourrait arriver.

Et nous, en silence, nous nous demandions : jusqu’où cela ira-t-il ?

Maintenant, sous un cessez-le-feu tremblant qui a mis fin à ces tumultes, je crois à ces mots corps et âme : jamais l’histoire des hommes n’a connu fléau plus funeste que la guerre — elle qui, de ses mains sanglantes, a traîné le visage de l’humanité jusqu’au seuil de l’abîme, défigurant la beauté même de ce que nous appelons l’homme.

Cet article a été traduit de l’anglais par Céline Martelet. Son autrice a souhaité conserver l’anonymat.

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