10.10.2025 à 12:06
Ras-le-bol des tractations secrètes !
Texte intégral (1612 mots)
La lettre du 10 octobre 
par Catherine Tricot
La nomination d’un nouveau premier ministre est vouée à l’échec. Mais toute élection précipitée serait une violence qui ne résoudrait pas la crise. Il faut le retour aux urnes et du temps au débat démocratique.
Aujourd’hui, Emmanuel Macron nommera – probablement – un nouveau premier ministre. Auparavant, il aura commis une nouvelle vilénie : inviter toutes les forces politiques… sauf le RN et LFI. Comme Sébastien Lecornu parlant mercredi soir des « forces de gauche républicaines », le président apporte sa contribution à l’opprobre contre LFI. Mesure-t-il seulement que cet ostracisme est aussi un brevet accordé à ces deux forces ?
Il semble peiner à mesurer le niveau d’exaspération et la honte des Français devant le spectacle lamentable des tractations secrètes. Nous ne sommes pas habitués à être tenus à l’écart des grands débats qui nous engagent. Au 19ème siècle, on a mis fin à la diplomatie secrète avec ses clauses entre États, inconnues de tous. Et voilà qu’on inventerait la politique secrète ! La démocratie ne le permet pas.
Les causes de la grave crise politique sont multiples. Le président et sa gestion autoritaire en prennent leur part. La division du pays et celle de l’Assemblée ne sont pas anecdotiques et leurs désaccords ne relèvent pas de l’irresponsabilité.
Depuis 2017, nous n’avons pas eu de grand débat politique. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et nous avons été privés de ce débat national. En 2022, le président a construit son élection sur le refus de Marine Le Pen : ça ne suffit pas pour définir la politique de la France. En 2024, il a provoqué des élections législatives en seulement 20 jours.
Oui, il faut du temps politique, celui du débat global suivi d’un vote, faute de quoi nous ne nous en sortirons pas. La menace du décrochage collectif et individuel est immense ; le risque de voir l’extrême droite avec un partie des LR sous tutelle prendre le pouvoir est avéré. Pour redonner confiance et allant au pays, il faut trancher tous les enjeux : économiques, de justice, de transformation du travail, de menaces de guerre, de dérèglement climatique…
Ce matin, Jean-Luc Mélenchon, qui défend le retour aux urnes, les résume en choix binaire : oui ou non ? Oui ou non à la justice fiscale, oui ou non au militarisme, oui ou non à la lutte contre le réchauffement climatique ? Les insoumis disent, avec Manuel Bompard, que les débats ont déjà eu lieu et que l’heure est aux arbitrages. Il n’en est rien. Tout le monde ne suit pas LCP et la retransmission des débats au parlement. Il faut un débat devant la nation et qui s’adresse à tous les citoyens. Nous ne pouvons nous placer dans un système plébiscitaire, celui du « oui ou non ».
Il faut une élection présidentielle qui ait la force d’un projet clair. Il faut donc du temps pour l’organiser, rassembler les 500 signatures, tenir les meetings, écrire et imprimer les tracts qui iront dans les boîtes-aux-lettres et sur les marchés. Et il faut du temps pour le porte-à-porte et pour les débats à la télé. La France insoumise est prête. Tant mieux. Les autres doivent pouvoir se préparer et participer.
Une élection présidentielle anticipée à la suite d’une démission du président doit intervenir dans les 30 jours. Absurde : cela ne réglerait pas la crise si on l’identifie bien comme un besoin d’un retour à la politique et à la démocratie. Il faut permettre aux élections municipales de se tenir normalement ; il faut une loi spéciale pour prolonger le budget. Et, en mai, une présidentielle anticipée… et annoncée dès maintenant. Toute élection précipitée ne serait qu’un nouveau mauvais coup à la démocratie et à la politique.
BLAGUE DU JOUR
Sarkozy se prend pour Dreyfus

Chirac, Juppé, Fillon et maintenant… Sarkozy, tous condamnés. Cocorico ! Le 25 septembre dernier, vous le savez, l’ancien président de la République a écopé d’une peine de prison ferme dans l’affaire Kadhafi. Nicolas Sarkozy sera fixé le 13 octobre, par le Parquet national financier, des modalités de son incarcération à venir. En attendant, Mediapart nous informe : l’ex-chef de l’État a organisé un « pot de départ en détention ». Il y avait du beau monde : Rachida Dati, l’ancien directeur de la police nationale Frédéric Péchenard, le secrétaire général de l’Élysée Emmanuel Moulin ou encore la conseillère culture d’Emmanuel Macron Catherine Pégard. Et, tenez-vous bien, Nicolas Sarkozy s’est comparé au capitaine Dreyfus et au comte de Monte-Cristo, arguant que leurs affaires à tous trois « ont commencé avec un faux ». Et Berlusconi, c’est Gramsci ! Pour rappel, Nicolas Sarkozy, déjà multi-condamné, attend toujours le verdict dans quatre affaires judiciaires…
L.L.C.
ON VOUS RECOMMANDE…

Maria Corina Machado vient d’être couronnée d’un prix Nobel de la paix. La militante des droits humains vénézuélienne vit dans la clandestinité dans son propre pays depuis la réélection contestée du président Nicolas Maduro en juillet 2024. Sur Arte, un documentaire, « Maduro, du socialisme à la dictature », revient sur le parcours de l’autocrate qui, de paria sur la scène internationale, est revenu au centre du jeu vénézuélien grâce à la guerre en Ukraine.
C’EST CADEAU 


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Macron, le plus talentueux de sa génération — par tOad
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09.10.2025 à 12:04
Badinter célébré, Badinter trahi
Texte intégral (810 mots)
La République honore Robert Badinter, l’homme qui fit reculer la barbarie d’État. Mais tandis qu’elle célèbre sa mémoire, elle en trahit l’héritage : sous d’autres noms, les quartiers de haute sécurité renaissent.
Ce jeudi, la République se souvient et célèbre. Elle fait entrer au Panthéon Robert Badinter, figure humaniste tutélaire, abolitionniste de la peine de mort. Il fut aussi l’artisan de la fin de la pénalisation de l’homosexualité et, moins célébrée, de la fin des quartiers de haute sécurité. Dans ces zones d’ombre du système carcéral français, l’État, au nom de la sécurité, s’autorisait toutes les dérives. Robert Badinter et la gauche au pouvoir y mirent fin. Aujourd’hui, la République les réouvre. Le nom a changé, l’horreur reste la même.
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En 1982, Robert Badinter, garde des sceaux, signe une circulaire simple et courageuse : « Les quartiers de haute sécurité doivent être supprimés ». Pas un symbole, un acte. Les « QHS » étaient ces lieux d’isolement total où l’on enterrait vivants des prisonniers, souvent politiques ou simplement rétifs, au nom de l’ordre. Robert Badinter en dénonçait la « logique d’exception », l’« indignité d’un État de droit qui se nie lui-même ». Il estimait qu’aucune démocratie ne peut tolérer des zones d’inhumanité, fussent-elles derrière les murs d’une prison. Il croyait en une République qui se juge à la façon dont elle traite les plus haïs.
En 2024, Gérald Darmanin, garde des sceaux, annonce la création de prisons « ultra-sécurisées » pour « grands narcotrafiquants ». Un vocabulaire neuf pour une vieille idée : rétablir la relégation, inventer des sous-détenus, réactiver le fantasme du monstre qu’on enferme hors du monde. La droite applaudit. L’extrême droite jubile. Et une partie du centre-gauche s’incline. Bien que signataire depuis 1984 de la convention internationale contre la torture et autre peine cruelle, inhumaine ou dégradante, la France rouvre les QHS. On les repeint, on les renomme, on les justifie par la drogue ou le crime organisé, mais c’est la même logique d’exception qui revient, celle qu’un ministre de gauche avait eu le courage d’abolir.
À travers Retailleau, c’est l’héritage de Badinter qui vacille : la primauté du droit, la dignité de la personne, le contrôle des pouvoirs, la croyance qu’un État juste vaut mieux qu’un État fort. Aujourd’hui, les héritiers autoproclamés de la « fermeté » gouvernent contre cette idée-là.
Gérald Darmanin sera sûrement assis, ému, sous la coupole du Panthéon. Il sera assis près du ministre de l’intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau. Celui-là même qui affirme que « l’État de droit n’est pas intangible ». L’anti-Badinter : l’homme pour qui la loi doit plier devant l’ordre, pour qui les juges gênent, pour qui la procédure est un obstacle et pour qui la justice ne vaut que si elle frappe fort. C’est lui qui s’est insurgé contre les décisions des tribunaux l’empêchant d’expulser à la hâte, qui accuse les magistrats d’entraver l’action publique, qui parle des règles juridiques « entravant notre capacité à protéger les Français ». À travers lui, c’est l’héritage de Robert Badinter qui vacille : la primauté du droit, la dignité de la personne, le contrôle des pouvoirs, la croyance qu’un État juste vaut mieux qu’un État fort. Aujourd’hui, les héritiers autoproclamés de la « fermeté » gouvernent contre cette idée-là.
La célébration d’aujourd’hui tourne à la profanation symbolique. On encense la vertu d’hier pour mieux piétiner son héritage aujourd’hui. On cite Robert Badinter à la tribune, puis on trahit Robert Badinter dans les décrets. La République se couronne de sa mémoire pendant qu’elle en piétine le sens.
09.10.2025 à 11:35
Badinter célébré, Badinter trahi
Texte intégral (1549 mots)
La lettre du 9 octobre 
La République honore Robert Badinter, l’homme qui fit reculer la barbarie d’État. Mais tandis qu’elle célèbre sa mémoire, elle en trahit l’héritage : sous d’autres noms, les quartiers de haute sécurité renaissent.
Ce jeudi, la République se souvient et célèbre. Elle fait entrer au Panthéon Robert Badinter, figure humaniste tutélaire, abolitionniste de la peine de mort. Il fut aussi l’artisan de la fin de la pénalisation de l’homosexualité et, moins célébrée, de la fin des quartiers de haute sécurité. Dans ces zones d’ombre du système carcéral français, l’État, au nom de la sécurité, s’autorisait toutes les dérives. Robert Badinter et la gauche au pouvoir y mirent fin. Aujourd’hui, la République les réouvre. Le nom a changé, l’horreur reste la même.
En 1982, Robert Badinter, garde des sceaux, signe une circulaire simple et courageuse : « Les quartiers de haute sécurité doivent être supprimés ». Pas un symbole, un acte. Les « QHS » étaient ces lieux d’isolement total où l’on enterrait vivants des prisonniers, souvent politiques ou simplement rétifs, au nom de l’ordre. Robert Badinter en dénonçait la « logique d’exception », l’« indignité d’un État de droit qui se nie lui-même ». Il estimait qu’aucune démocratie ne peut tolérer des zones d’inhumanité, fussent-elles derrière les murs d’une prison. Il croyait en une République qui se juge à la façon dont elle traite les plus haïs.
En 2024, Gérald Darmanin, garde des sceaux, annonce la création de prisons « ultra-sécurisées » pour « grands narcotrafiquants ». Un vocabulaire neuf pour une vieille idée : rétablir la relégation, inventer des sous-détenus, réactiver le fantasme du monstre qu’on enferme hors du monde. La droite applaudit. L’extrême droite jubile. Et une partie du centre-gauche s’incline. Bien que signataire depuis 1984 de la convention internationale contre la torture et autre peine cruelle, inhumaine ou dégradante, la France rouvre les QHS. On les repeint, on les renomme, on les justifie par la drogue ou le crime organisé, mais c’est la même logique d’exception qui revient, celle qu’un ministre de gauche avait eu le courage d’abolir.
Gérald Darmanin sera sûrement assis, ému, sous la coupole du Panthéon. Il sera assis près du ministre de l’intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau. Celui-là même qui affirme que « l’État de droit n’est pas intangible ». L’anti-Badinter : l’homme pour qui la loi doit plier devant l’ordre, pour qui les juges gênent, pour qui la procédure est un obstacle et pour qui la justice ne vaut que si elle frappe fort. C’est lui qui s’est insurgé contre les décisions des tribunaux l’empêchant d’expulser à la hâte, qui accuse les magistrats d’entraver l’action publique, qui parle des règles juridiques « entravant notre capacité à protéger les Français ». À travers lui, c’est l’héritage de Robert Badinter qui vacille : la primauté du droit, la dignité de la personne, le contrôle des pouvoirs, la croyance qu’un État juste vaut mieux qu’un État fort. Aujourd’hui, les héritiers autoproclamés de la « fermeté » gouvernent contre cette idée-là.
La célébration d’aujourd’hui tourne à la profanation symbolique. On encense la vertu d’hier pour mieux piétiner son héritage aujourd’hui. On cite Robert Badinter à la tribune, puis on trahit Robert Badinter dans les décrets. La République se couronne de sa mémoire pendant qu’elle en piétine le sens.
PAIX DU JOUR
Trump, prix Nobel et sauveur de Gaza

Ce titre est, bien évidemment, provoquant. Et pourtant… Si, à force de laisser la paix entre les seules mains du président américain, on se retrouvait avec un Donald Trump lauréat du Nobel de la paix ? Ce mercredi 8 octobre, il a annoncé qu’Israël et le Hamas avaient accepté les termes de la première phase du plan de paix. Il l’assure : « Tous les otages seront bientôt libérés. Israël va retirer ses troupes le long d’une ligne négociée, comme premiers pas en direction d’une paix forte, durable et éternelle. Toutes les parties seront traitées de façon équitable ! » Ce matin encore, l’armée israélienne a bombardé Gaza. Voilà donc où l’on en est après deux années de génocide : un échange de prisonniers, une armée israélienne par-delà ses frontières et un cessez-le-feu. Le monde entier salue l’accord, du Hamas au gouvernement israélien (sauf sa frange extrémiste), en passant par toutes les chancelleries. Dans les deux pays, des scènes de liesse ont été observées : les otages enfin libérés, l’espoir de la fin des bombardements et le retour des soins humanitaires. La suite de l’histoire reste à écrire. Qu’adviendra-t-il de Gaza, de la Cisjordanie ? De la Palestine comme Etat ? Laissera-t-on encore un homme comme Donald Trump répondre seul à toutes ces questions ?
L.L.C.
ON VOUS RECOMMANDE…
« Un jour sans fin », avec Bill Murray. Un classique de 1993 qui ressemble de plus en plus à une allégorie du quotidien des Français depuis la dissolution. Lundi, Barnier… Mardi, Bayrou… Mercredi, Lecornu… Jeudi ?
C’EST CADEAU 


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