04.10.2025 à 00:30
Se rendre ingérables
Alors qu'il pensait passer ses réformes budgétaires en douce pendant les vacances, François Bayrou a soufflé sur le brasier de la colère. Durant l'été, le mouvement Bloquons tout a fait les choux gras dans les médias qui ont tenté de le définir alors qu'il n'avait pas commencé... Retour sur ce mois de septembre agité. On ne va pas se mentir, au début, on y croyait moyen. Décidé par on ne sait qui, au creux d'un été chaud et somnolent, ça paraissait un peu loin. Bayrou venait d'annoncer les (…)
- CQFD n°245 (octobre 2025) / Le dossier, Benoit GuillaumeTexte intégral (1049 mots)

Alors qu'il pensait passer ses réformes budgétaires en douce pendant les vacances, François Bayrou a soufflé sur le brasier de la colère. Durant l'été, le mouvement Bloquons tout a fait les choux gras dans les médias qui ont tenté de le définir alors qu'il n'avait pas commencé... Retour sur ce mois de septembre agité.
On ne va pas se mentir, au début, on y croyait moyen. Décidé par on ne sait qui, au creux d'un été chaud et somnolent, ça paraissait un peu loin. Bayrou venait d'annoncer les premières mesures de la casse sociale qu'il comptait mettre en œuvre pour échapper à la « malédiction » de la banqueroute nationale et nous, nous partions (pour les plus veinard·es) sur nos lieux de villégiature préférés, la mine déconfite. Mais c'était sans compter sur les Françaises et les Français, toujours prompt·es à conspirer contre leur gouvernement. Ça a commencé par pépier en AG. D'abord à 30, puis à 50, puis à 300. Des mots d'ordre grattés sur des tracts semés aux quatre vents se sont mis à circuler, tandis que les murs se tapissaient de « on ne veut plus » et « bloquons tout ». Plus on avançait, plus le message tournait qu'une grève dans le monde du travail serait la bienvenue. Dans le même temps, des boucles Signal en veux-tu en voilà ourdissaient des plans secrets pour paralyser voies, villes et flux. Au sommet, le Premier ministre apparaissait toujours plus seul avec son budget honni sur les bras. Deux jours avant la date fatidique, alors que rien de vraiment concret n'avait encore commencé, boum : il est forcé de démissionner… Puis, le 10 septembre a eu lieu.
À Marseille : 80 000 personnes sont descendues dans la rue ce jour-là selon la CGT, 8 000 selon la préfecture. Classique. Partout en France, 197 000 selon le ministère de l'Intérieur, 250 000 selon la CGT. Un beau score pour une mobilisation spontanée. Plus encore si l'on mesure la timidité de la position prise par l'intersyndicale qui, sentant le vent du 10 septembre souffler de plus en plus fort, s'était réunie en catastrophe le 29 août, pour finalement n'appeler qu'à une journée de mobilisation nationale le 18 septembre1. De son côté, le jour J, Retailleau a quasiment vidé Beauvau de ses flics : 80 000 forces de l'ordre casquées et harnachées ont été déployées dans toute la France2. Mais, imperturbable, la journée s'est déroulée, joyeuse et déter. À Lyon, les grévistes de la raffinerie Total de Feyzin ont été rejoint·es par des manifestant·es sur leur piquet. À Saint-Hilaire-Bonneval, en Haute-Vienne, des agriculteur·ices ont barré l'autoroute avec leurs tracteurs. À Strasbourg, une « vélorution » (un cortège de cyclistes bloquant) a filé sur les routes et ronds-points. À Paris, les portes de Bagnolet, de Clignancourt, d'Aubervilliers, ont été prises d'assaut au petit matin, pendant que les élèves du lycée Hélène Boucher envoyaient des poubelles à la figure des flics. Partout, des blocages stratégiques, des manifs qui essayent de sortir des codes, une fluidité dans les modes d'action et une idée fixe : se rendre ingérables.
Au sortir du 10, suivi du 18, dans la myriade d'AG globales, de groupes thématiques et de rassemblements de quartier, on commence à stratégiser. Qu'est-ce qui marche le mieux ? Qu'est-ce qui coince encore ? Les blocages sont galvanisants, mais ne durent pas. Les grévistes sont trop peu, mais débrayent, secteur par secteur, avec quelques bonnes poussées autogestionnaires. Comment faire le lien entre l'étincelle et l'artillerie lourde ? Des mains se tendent, des ponts se font, sans pleinement réussir à dissiper les vieux antagonismes. Pour autant, si chacun joue sa partie, tous se complètent dans la pression qu'ils mettent sur le gouvernement, plus instable que jamais.
À Marseille, la rédaction de CQFD a bien sûr sauté à pieds joints dans la journée du 10 – les plus vaillant·es participent toujours aux AG, commissions, et vivent leur grève par procuration sur les piquets. Et elle en a tiré quelques réflexions stratégiques à partager. Certaines actions l'ont épatée, d'autres l'ont laissée un peu sceptique. Tour d'horizon critique, mais fraternel, des initiatives aperçues dans la cité phocéenne.
1 Malgré tout, certaines organisations locales, ou de secteur, ont franchement appelé au 10, telle que l'Union départementale de la CGT du Nord (gloire à elle).
2 À titre de comparaison, au plus fort de la mobilisation contre la réforme des retraites, le 28 mars 2023, 13 000 membres des forces de l'ordre avaient été mobilisés dans toute la France. La mobilisation des Gilets jaunes du 8 décembre 2018, avait quant à elle, mobilisé 89 000 policier·es.
04.10.2025 à 00:30
Au péage de Lançon-de‑Provence, pas de pitié pour Vinci
Dimanche 7 septembre, une centaine de joyeux lurons bariolés s'est retrouvée au péage de Lançon-de-Provence pour une action « péage gratuit ». Pendant une heure, ils ont maintenu les barrières ouvertes, distribué des tracts et récolté des deniers pour soutenir la mobilisation du 10 à venir. C'est une action passée sous les radars qui s'est déroulée quelques jours avant le jour J. Finement organisée, elle a réuni une centaine de personnes à proximité de l'aire de péage de (…)
- CQFD n°245 (octobre 2025) / Le dossierLire plus (486 mots)
Dimanche 7 septembre, une centaine de joyeux lurons bariolés s'est retrouvée au péage de Lançon-de-Provence pour une action « péage gratuit ». Pendant une heure, ils ont maintenu les barrières ouvertes, distribué des tracts et récolté des deniers pour soutenir la mobilisation du 10 à venir.
C'est une action passée sous les radars qui s'est déroulée quelques jours avant le jour J. Finement organisée, elle a réuni une centaine de personnes à proximité de l'aire de péage de Lançon-de-Provence dans le sens Lyon-Marseille, le dimanche 7 septembre dans l'après-midi. Exploitée par le groupe Vinci via sa filiale Autoroutes du Sud de la France (ASF), cette immense gare de péage voit défiler des milliers de véhicules chaque jour et représente une bonne partie des recettes d'ASF sur l'autoroute A7.
À 16 heures pétantes, le petit groupe enjambe le portique de sécurité et déferle sur les vingt-quatre voies du péage. Ayant répondu à la consigne, toutes et tous ont revêtu leurs plus beaux atours colorés, perruques et hauts de forme compris. En peu de temps, les barrières sont levées, les caméras obstruées, les pancartes et banderoles suspendues. Le barrage filtrant installé, les participant·es discutent gaiement avec les conducteur·ices incrédules. Tandis qu'une équipe de médiation s'évertue à convaincre les gendarmes déjà sur place du bien-fondé de cette « performance artistique », les autres distribuent des tracts à travers les fenêtres baissées. Vertu d'une action qui « débloque » plutôt qu'elle ne bloque, l'évènement est bien reçu par les usager·es qui peuvent filer à toute berzingue sans sortir leur carte bleue. À la place, iels sont invité·es à donner quelques pièces pour soutenir les caisses de grève qui se montent pour le 10 septembre. Pendant une heure, le mot d'ordre passe de voiture en voiture : rendez-vous mercredi pour soutenir le mouvement « Bloquons tout », et en attendant, sus à Vinci et à la privatisation de nos infrastructures ! Alors que les forces de l'ordre commencent à rappliquer, la joyeuse bande s'en est allée sans demander son reste et sans qu'aucune dégradation ne soit constatée sur place. Chapeau les artistes.
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04.10.2025 à 00:30
Une kermesse comme quartier général
À Marseille, le 10 septembre n'a pas seulement vu des tentatives – plus ou moins abouties – de blocages, sabotages et autres réjouissances. En centre-ville, une kermesse militante s'est tenue pour la journée, véritable base arrière. Petit tour de cette initiative festive. Une semaine avant le jour J, à l'occasion d'une assemblée générale, s'organise un groupe de travail « Occupation de l'espace public ». L'idée : créer une zone de soutien, de coordination et d'échanges conviviaux au cœur (…)
- CQFD n°245 (octobre 2025) / Le dossierTexte intégral (645 mots)
À Marseille, le 10 septembre n'a pas seulement vu des tentatives – plus ou moins abouties – de blocages, sabotages et autres réjouissances. En centre-ville, une kermesse militante s'est tenue pour la journée, véritable base arrière. Petit tour de cette initiative festive.
Une semaine avant le jour J, à l'occasion d'une assemblée générale, s'organise un groupe de travail « Occupation de l'espace public ». L'idée : créer une zone de soutien, de coordination et d'échanges conviviaux au cœur de la mobilisation. Le lieu : l'esplanade qui entoure le kiosque à musique, en face de l'église des Réformés, également point de départ de la manifestation. Les propositions fusent dans tous les sens, chacun·e veut y aller de son animation préférée. Pour le moment, on veut s'installer pour la journée, mais qui sait, peut-être y rester plus longtemps ? Sans trop savoir à quoi s'attendre, les organisateur·trices mettent la main à la pâte, et composent une programmation éclectique. On espère surtout que le jour venu, la foule sera au rendez-vous.
Mercredi 10 septembre, à 8 heures, les premières tables commencent à être dressées. Devant la statue de la place, une caravane-scène est recouverte de ballons colorés et flanquée d'une pancarte où l'on peut lire les inscriptions « Kermesse » et « On bloque tout ! », histoire d'éviter tout malentendu. On y verra défiler des fanfares, une chorale révolutionnaire, un groupe de rock, mais aussi un loto géant sur le thème de l'injustice sociale. Un peu plus loin, un atelier pancartes met à disposition tout le matériel nécessaire pour que les premier·es manifestant·es qui affluent puissent y écrire leurs slogans préférés. De l'autre côté de la place, des chaises disposées en cercle accueilleront tout au long de la journée des débats populaires modérés par des bénévoles qui haranguent, sans relâche, les participant·es : « Et vous, dans quelle démocratie voulez-vous vivre ? ». En face du stand restauration, on trouve un point d'informations, où l'on peut se tenir au courant des blocages en cours, des actions à aller soutenir, des prochains évènements à venir. En bref, une base arrière faite de bric et de broc, mais surtout de bonnes volontés, comme un lieu pour expérimenter l'auto-organisation et faire vivre ces mots d'ordre : autonomie alimentaire, démocratie directe, solidarité…
Le soir venu, une nouvelle assemblée générale se tient devant la caravane de la kermesse pour faire le bilan de cette première journée de mobilisation. Dans les petits groupes qui se forment ensuite pendant le grand repas solidaire organisé par un réseau de cantines associatives, on discute de ce qu'on a fait de notre journée et on se dit que, quand même, « c'était bien de pouvoir avoir un lieu où se retrouver quand tout brûlait autour ». En offrant soin, repos et entraide, la base arrière-kermesse a permis de construire une infrastructure de soutien et de régénérer corps et esprits. Un mode d'action certes moins spectaculaire que d'autres, mais tout aussi nécessaire pour la lutte politique.
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04.10.2025 à 00:30
La marmite sous les directions syndicales
Ça devient une habitude : cette rentrée, alors qu'enfin la mobilisation reprend, l'intersyndicale la discrédite, avant de s'empresser de calmer le jeu. Alors oui, elle parvient encore à entraver les secteurs qui se reposent sur elle. Mais dans ses bases, les grévistes ont des revendications de plus en plus politiques. Avec risque de débordement. « Nos AG ne doivent pas être récupérées, ni par les partis ni par les syndicats » entend-on marteler lors des différentes assemblées de (…)
- CQFD n°245 (octobre 2025) / Le dossierTexte intégral (1980 mots)
Ça devient une habitude : cette rentrée, alors qu'enfin la mobilisation reprend, l'intersyndicale la discrédite, avant de s'empresser de calmer le jeu. Alors oui, elle parvient encore à entraver les secteurs qui se reposent sur elle. Mais dans ses bases, les grévistes ont des revendications de plus en plus politiques. Avec risque de débordement.
« Nos AG ne doivent pas être récupérées, ni par les partis ni par les syndicats » entend-on marteler lors des différentes assemblées de préparation de la journée de mobilisation du 10 septembre. Spontanément apparu sur divers réseaux sociaux, le mouvement « Bloquons tout » s'est rapidement gonflé d'anciennes communautés de Gilets jaunes et semble bien décidé à porter en lui, l'ADN des révoltes populaires de 2018. C'est que, depuis la défaite cuisante de la réforme des retraites, et la responsabilité avérée de l'intersyndicale dans le délitement de la mobilisation, la stratégie qui semble avoir le vent en poupe, c'est la bordélisation généralisée type Gilets jaunes. Et qu'importe si la sociologie des assemblées de cette rentrée, plus urbaine, s'en trouve finalement assez éloignée1. Surgissant hors des cadres institutionnalisés, le « 10 septembre » a terrorisé politiciens et journalistes, jusqu'à précipiter la démission du Premier ministre.
Mais rapidement, la question de la construction dans la durée – et donc de la coordination du mouvement – se pose. Poussées par leurs bases, les directions syndicales nationales entrent à reculons dans le mouvement. Après la journée du 18 septembre, l'intersyndicale2 semble tout faire pour donner le temps au gouvernement de se réorganiser, calmer les esprits et rétablir dare-dare le sacro-saint dialogue social. Malgré cette complaisance, les directions locales semblent disposées à suivre son rythme. Mais pour combien de temps ? Sous la chape de plomb bureaucratique, on est allé discuter avec les travailleurs de la région PACA, dont les revendications dépassent largement leurs conditions de travail : ils exigent la démission de Macron, le retour de leurs conquis sociaux et la chute de la Ve République.
C'est dès la fin de l'été que la confédération CGT avait commencé son travail de sape. Sa secrétaire générale Sophie Binet qualifiait alors le mouvement social de « nébuleux », les « modes d'action » de « flous » et avertissait du risque de « noyautage par l'extrême droite ». Mais vu l'engouement qu'il suscite, l'intersyndicale est finalement obligée de raccrocher les wagons et d'annoncer le 29 août la (contre-)journée du 18 septembre, dans un effet de mise en concurrence difficile à comprendre. Les revendications qui vont avec sont aussi creuses que minimalistes : « des mesures pour lutter contre la précarité » ou l'abandon du seul âge de 64 ans de départ à la retraite – et non de la réforme entière. Pas de quoi galvaniser les foules.
« Les “bureaucrates” ne prennent aucune initiative et font traîner toutes les décisions sous prétexte de chercher à être consensuels. »
Pourtant, à l'approche du 10 septembre, les assemblées Bloquons tout regorgent de travailleurs isolés qui cherchent à s'organiser, se mettre en grève et soutenir les piquets existants. Mais, malgré le succès explosif de cette journée en termes de participation, force est de constater que les 80 000 policiers déployés par Bruno Retailleau ont eu raison des blocages en quelques heures. Alors le soir, en assemblée, la question de la grève générale devient centrale. Et avec elle, la nécessité de s'organiser avec les syndicats. En effet, comme le résume un cinquantenaire de la CGT Vinci Autoroutes, « c'est plus facile de bloquer sa propre entreprise en faisant grève, que d'aller en bloquer une autre : ça demande moins de monde et c'est plus efficace ». Pour preuve : le 16 septembre, une poignée d'énergéticiens, emmenés par la Fédération CGT Mines et Énergie, décide de ne plus décharger les bateaux transporteurs de méthane au terminal de Fos-Cavaou, et prive illico toute la région (et au-delà) de ses principaux approvisionnements en gaz de ville.
Mais au-delà de la Fédération CGT Mines et Énergie, qui avait prévu son débrayage depuis trois mois, les autres secteurs peinent à se joindre au mouvement. Même à EDF Marseille, les bureaucraties syndicales locales n'ont rien fait pour mobiliser leurs troupes, raconte Bastien*, ingénieur : « Notre syndicat n'a fait aucune tournée de bureaux pour mobiliser les collègues, même pour le 18, et au lieu de nous convoquer en AG, il a proposé une visio ! Forcément, il y a eu peu d'échanges pour se motiver ». Même constat du côté de l'Éducation nationale (voir ci-contre). Surveillant dans un lycée marseillais, Alfredo* est allé soutenir les énergéticiens sur leur piquet de grève : « Il n'y a pas que des bureaucraties nationales dont il faut nous méfier. Dans nos établissements, les “bureaucrates” ne prennent aucune initiative et font traîner toutes les décisions sous prétexte de chercher à être consensuels. Ça n'est pas avec eux que nous devons chercher à nous organiser ».
Les mots d'ordre des travailleurs détonnent et vont bien au-delà de leurs conditions de travail
Et quand on va les chercher dans les cortèges de la manif du 18 septembre, les responsables syndicaux témoignent souvent de la même passivité. Y compris chez les téméraires dockers de Fos-sur-Mer, dont le secrétaire général Christophe Claret : « On attend de voir s'il y a des dates annoncées par la confédé [CGT] pour monter tous ensemble. On suivra la marche… »
Si cette docilité désespère sans tellement surprendre, en revanche, ce sont les mots d'ordre des travailleurs qui détonnent, et vont bien au-delà de leurs conditions de travail. « La température du secteur ? Une répulsion extraordinaire vis-à-vis du budget annoncé et de la casse des retraites ! », s'exclame le syndiqué de Vinci Autoroutes. Ou Christophe Claret, qui tout à coup se réveille : « Nos “revendications du secteur” ? C'est la politique nationale ! La casse de la sécu et du chômage ! » À Airbus, un autre analyse : « Les collègues disent spontanément que “derrière les politiques, il y a le patronat”. C'est une avancée dans les consciences, surtout quand on sait que la moitié vote RN. On n'entendait pas ça il y a cinq ans. »
Sur son piquet au port de Fos-Cavaou, Nicolas Davan, secrétaire général de la CGT Énergie Provence, résume : « Le combat qu'on mène ici, c'est le même que le 10 septembre : “Macron démission”, évidemment. Mais derrière, c'est aussi un microcosme d'ultrariches qui s'accapare à peu près tout, à commencer par les services publics. La Ve République est trop permissive pour les riches. Politiquement, il faut changer complètement la donne. »
« Ça va pas marcher avec des incantations ou de simples manifestations »
A contrario, le très précaire secteur du médico-social, peu investi de syndicats, montre à Montpellier et Marseille une soif d'organisation et de radicalité. Ici s'est monté le 18 septembre une AG du secteur entier qui, en moins d'une semaine, a formulé ses propres revendications. Elle a prévu un cortège commun, des blocages d'assos et une manif au siège du département.
Ce décalage entre colère politique et faible taux de grévistes, un responsable syndical de la CGT Carrefour Logistique l'explique par la précarité : « Aujourd'hui, les gens sont vraiment pris à la gorge et ne peuvent pas se permettre de perdre des journées de salaires. » Mais la difficulté à convaincre ses collègues se trouve aussi dans l'absence d'une stratégie claire et intransigeante de leurs directions syndicales, qui serait à même de donner confiance en l'efficacité et l'utilité de leur grève. « Ça va pas marcher avec des incantations ou de simples manifestations, poursuit Nicolas Davan. Il va falloir faire en sorte qu'il y ait une prise de conscience chez les gens, et les emmener sur des choses un peu plus efficaces, comme reprendre en main notre outil de travail. » Cette direction stratégique, l'intersyndicale prouve à nouveau qu'elle ne l'incarne pas ni n'en prend le chemin. Après le succès du 18 septembre, au lieu de maintenir la pression, elle laisse gracieusement quelques jours au Premier ministre pour répondre à ses revendications : « La balle est dans [son] camp », fait-elle mine de menacer dans son communiqué.
Pour que, précisément, la balle reste dans notre camp, certaines assemblées Bloquons tout veulent se proposer comme cadre autonome d'organisation interprofessionnelle. Mais les syndiqués les voient – à raison – comme des espaces « où tout le monde est déjà d'accord », quand pour eux, la priorité est d'aller convaincre les collègues de la nécessité de la grève.
Petit à petit, mouvement social après mouvement social, gagné ou perdu, on espère que cette conscience de classe progressera jusqu'à trouver le chemin de son auto-organisation. Quoi que devienne cette rentrée, elle reste une fenêtre dans laquelle nous engouffrer. Et que brûle le feu sous la marmite !
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