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27.11.2025 à 12:09

Le syndrome amazonien – Le billet de Mačko Dràgàn

admin

J’ai appris qu’après la COP 15, fut vécu par beaucoup le «syndrome de Copenhague», une dépression climatique. Moi, post-cop-30 de Belém, en remontée lente des flots amazoniens, je ne déprime pas : c’est plutôt une sorte de mélancolie éco-anxieuse…. Car sur ces eaux polluées, toutes les horreurs et les beautés du monde s’expriment. «Sodade, sodade»… « L’amazonie ? De l’eau et beaucoup d’arbres… Sept millions de kilomètre carrés », lit-on dans le Chant.. Read More

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Texte intégral (1931 mots)

J’ai appris qu’après la COP 15, fut vécu par beaucoup le «syndrome de Copenhague», une dépression climatique. Moi, post-cop-30 de Belém, en remontée lente des flots amazoniens, je ne déprime pas : c’est plutôt une sorte de mélancolie éco-anxieuse…. Car sur ces eaux polluées, toutes les horreurs et les beautés du monde s’expriment. «Sodade, sodade»…

« L’amazonie ? De l’eau et beaucoup d’arbres… Sept millions de kilomètre carrés », lit-on dans le Chant du Silbaco, de J. Meunier et A.M Savarin.

De l’eau et beaucoup d’arbre, ouais, un pote de Mouais qui y est allé m’avait prévenu, en haussant les épaules, comme pour dire qu’au bout d’un moment, tant d’eau et tant d’arbre cela devient répétitif.

« Comme cela ne nous impressionnait pas, poursuivent Meunier et Savarin, ils ajoutèrent : plus de mille affluents pour le même fleuve, trois cent milliards de litre à l’heure près de l’embouchure, huit mille espèce d’arbre sur ses rives. » et, encore : « Des eaux douces de la planète ; un cinquième y coulait ; de tous les arbres du monde, un sur quatre y poussait »

Une bonne partie des parpaings et des déchets du monde aussi, mais évidemment, pas naturellement.

Le bateau s’avance dans un ahanement poussif, tandis que des hamacs bariolés tendus en friche inextricable sur le pont se laissent entendre éclats de voix, rires, pleurs d’enfants, conversations -plus ou moins- feutrées, réels TikTok, jeux vidéos et voix épuisantes de dessins animés brésiliens pour moins de 3 ans. Autour de nous, « de l’eau et beaucoup d’arbres ». L’Amazone semble une mer plutôt qu’un fleuve, tant ses deux rives sont éloignées. On y devine au loin une vie, humaine et non-humaine, celle-là même que l’on est venu chercher. De temps à autre, des pirogues jaillissent des taillis, pour venir y chercher les sacs plastiques de restes de nourriture que jettent, par coutume, les clients prolos -les autres prennent l’avion- des bateaux qui chaque jour remontent ou descendent les eaux. Deux ou trois jours de trajet, selon le temps, selon la destination.

Illustration 1

Sur l’horizon feuillu le soleil se couche, rose et rouge comme un œil malade, et déjà la lune inversée des terres sous l’équateur apparaît. Croissant-sourire du chat d’Alice, qui ponctue le ciel tel une balafre blanche.

« Quant à la forêt, nous la préférons vaste et ancestrale. Et pour autant qu’elle soit épaisse, nous n’avons pas peur de nous y perdre », nous dit encore autre part Meunier, qui est anthropologue et a exploré jusqu’au péril de sa santé les labyrinthes parfois mortel de « l’enfer vert ».

J’aurais aimé pouvoir dire de même, mais à part quelques randonnées en jungle, je n’ai encore, et n’irai sans doute pas, au cœur vibrant et solitaire de la forêt pour y vivre une quête mystique à la Miyazaki.

Je n’ai principalement vu, de l’Amazone, que ses villes industrielles et ses bouts de forêt rongés par les ordures. Belém, Santarem… Ports délabrés, cités-bétons enkystée en plein milieu des poumons du monde. Et dans ceux-ci, les mélanomes capitalistes se comptent par milliers.

« La forêt a horreur de l’homme en général, et du gringo en particulier », écrit encore Meunier dans ses chroniques amazoniennes.

Qu’est ce que je fous là ? A la suite de Bruce Chatwin, l’une de mes principales inspirations, je me le demande bien.

Je suis venu ici, journaliste et anarchiste, couvrir l’anti-COP, les événements créés cette année -les autres années, c’était dans des dictatures, le faire était impossible- en opposition à ce traditionnel cocktail de lobbies qui depuis 30 ans parasitent une ville au pif pour y dégotter des marchés juteux auprès des testicules-cravates de ce monde. Ceux-ci en échange produisent un texte où ils déclarent en substance que wallah c’est promis l’an prochain ils feront mieux, et pendant ce temps tout brûle et meurt, ainsi va le génie de l’occident.

Et désormais, je me rends à Quito, où j’ai vécu, en passant par l’Amazonie. Où, j’y reviens, j’ai vu plus de plastoc que de paresseux, de bouteilles de verre que de dauphins roses, de restes brûlés d’on ne sait quoi que de toucans. Et je me sens aussi vaseux que les eaux dans lesquelles je me suis baigné. Ici, je suis aux premières loges de ce que nous faisons de toutes les beautés naturelles de ce monde : elles sont plastifiées, folklorisées, humiliées, marchandées, piétinées. Je suis écolo. Je suis punk. Qu’est-ce que je fous là ?

Il fait nuit désormais. L’appel au repas résonne. La daronne du hamac d’à côté joue au ma-jong sur son portable. Comment politiser cette mélancolie que je ressens, dans cette Amazonie qui n’a rien des rêves de mon enfance, rien de ce que je voyais dans mes vieux albums du Marsupilami ? Dans mon casque, une chanson de La Tordue : « Le plus important, c’est d’être pas mort ». Les insectes, heureusement il en reste, se collent sur mon écran d’ordinateur.

« Délirants de paludisme, ils se sont dépouillés de leur conscience […] Il faut voir dans ces contrés combien leurs traces sont semblables à celles d’une invasion de fourmis ailées », dit un texte cité dans le livre de Meunier, parlant des blancs en ces terres ayant connu à la fois un génocide et un écocide.

L’occident capitaliste est une maladie. Et comme tout malade inconscient de son trouble, il nous inonde de son déni. Je suis en Amazonie, terre de destruction du vivant, terre du massacre des peuples autochtones, terres de charniers du pétrole, de l’or et du caoutchouc, terres de meurtres et de viols, et je me dis qu’il est grand temps de lui faire fermer sa grande gueule. La COP 30 nous l’a encore montré : ceux qui détruisent ce monde n’ont même plus rien à raconter pour s’en justifier. A nous de créer de nouveaux récits, ou d’en reprendre des déjà-là -tels ceux des indigènes, qui savent depuis longtemps comment vivre en autonomie, en plein accord avec le vivant dans toute l’amplitude de son miracle.

Comme l’a dit une amie brésilienne ayant vécu en Palestine lors d’une rencontre à Belém, le colon dit « cette terre est à moi », alors que nous, ce que nous disons, c’est : « J’appartiens à cette terre ». A Gaza comme en Amazonie, cette vérité devrait faire office de nouveau récit dominant.

Dans le village d’Alter-do-Chao, au bord du Tapajos, dans les « caraïbes d’Amazonie », il y a deux jours, j’étais posé seul en terrasse, à la nuit tombée, devant une Tijuca, griffonnant une partie de ce qui précède sur un carnet. Un chanteur, assis l’écart sous le tronc d’un grand arbre, chantait Sodade de Cesaria Evora. Et j’ai alors imaginé l’histoire de cet arbre.

Enclenchons l’avance rapide. Cet arbre était peut-être bien là depuis 500, 600 ans, avant que l’homme blanc ne débarque en criant : « Tuez les pères pour violer les filles ! » Il a alors assisté aux massacres des autochtones du fleuve, sans pouvoir rien faire. A l’époque, il était encore petit, entouré de centaines, de milliers d’autres arbres, et d’autant d’animaux sauvages. Puis le temps a passé. Il grandit. Quelques siècles s’écoulent. C’est la fièvre du caoutchouc, puis de l’or, puis du pétrole, de tout ce qui fait briller les pupilles des gringos. Partout autour de lui, ça défriche, ça brûle, ça arase. Ça esclavagise. Ça tue, ça mutile, ça exploite. Un village de pêcheurs apparaît autour de lui. Il entend parler de luttes indigènes non loin : contre des projets de mines, de barrages. Il entend parler de manifestations réprimées dans le sang. Il pleure un peu de sève. Il est tout seul, tout droit, sur la place principale du village. Tous ces compagnons sont morts. Les touristes finissent par arriver. Des déchets commencent à être jetés par milliers à ses pieds, se mêlant à ses feuilles mortes. Fin de l’avance rapide. Je suis là, regardant le chanteur juste en dessous de lui. Il est plus seul que jamais. Moi aussi.

L’écologie devrait être conçue du point de vue de cet arbre de l’Amazone. On devrait raconter à tous nos enfants, ce que lui a vu.

Le chanteur gratte sa guitare : « Si je dois écrire, il y a beaucoup à écrire / Si je dois oublier, il y a beaucoup de choses à oublier / Jusqu’au jour de mon retour / Soda, soda / Sodade* de ma terre »

Mačko Dràgàn

Red’ chef du journal Mouais, soutenez-nous abonnez-vous et retrouvez nous dans tous les kiosques de France en janvier 2026 ! https://mouais.org/abonnements2025/

* De « saudade », mot portugais exprimant une« tristesse empreinte de nostalgie, quand une personne se sent dépossédée de son passé ».

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26.11.2025 à 15:30

La COP 30, un pétard mouillé depuis le début ?

admin

Notre journaliste Mačko Dràgàn, encore présent au Brésil, a été interviewé, aux côtés de Clément Sénéchal (de Frustration, et ex porte-parole de Greepeace), par Le Média sur l’échec de la flopi-30 (comme on dit ici). Retrouvez cette émission en accès libre

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Notre journaliste Mačko Dràgàn, encore présent au Brésil, a été interviewé, aux côtés de Clément Sénéchal (de Frustration, et ex porte-parole de Greepeace), par Le Média sur l’échec de la flopi-30 (comme on dit ici). Retrouvez cette émission en accès libre

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23.11.2025 à 11:57

Tout ce dont la COP 30 n’a pas parlé

admin

« COP e farsa ! » Actuellement sur un bateau remontant l’Amazone, alors que la COP 30 touche à sa fin, notre reporter Mačko Dràgàn vous propose de revenir sur les mouvements, multiples, mobilisés contre cette COP-pétard-mouillé, avec un objectif : défendre la terre pendant qu’ils la vendent. Reportage à Belém, en ce chaud mois de novembre. Les images ont fait le tour du monde : le mardi 11 novembre.. Read More

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Texte intégral (2979 mots)

« COP e farsa ! » Actuellement sur un bateau remontant l’Amazone, alors que la COP 30 touche à sa fin, notre reporter Mačko Dràgàn vous propose de revenir sur les mouvements, multiples, mobilisés contre cette COP-pétard-mouillé, avec un objectif : défendre la terre pendant qu’ils la vendent. Reportage à Belém, en ce chaud mois de novembre.

Les images ont fait le tour du monde : le mardi 11 novembre au soir, des manifestants indigènes ont forcé les barrières du lieu où se tenait la conférence des Nations unies sur le climat. Symbole mondial et fracassant du fait que quelque chose ne tournait pas rond dans cette COP pourtant médiatiquement bien rodée : après des décennies d’échec promis, on allait sauver le monde. Ces peuples du territoire Tapajós ont exprimé leur scepticisme.

L’évènement avait lieu à Belém, donc, aux portes de l’Amazonie, un symbole « historique » ou cynique, au choix. Le « poumon vert » du monde, atteint d’une tumeur occidentale, est en effet aussi le lieu du génocide, encore en cours, j’y reviendrai, des peuples autochtones. Et, en raison du capitalisme porté avec vigueur par tous les pays participant à la COP 30, selon les projections d’un collectif de chercheuses, d’ici à 2050 près de la moitié de la région amazonienne pourrait se transformer en forêts dégradées ou en savanes(1).

Dur à se dire quand, comme moi actuellement, tanguant sur un hamac péniblement accroché au plafond, au milieu de dizaines d’autres, l’on traverse ces entrelacs en apparence invincibles d’arbres et de lianes. Dédale où le ronflement du moteur du bateau ne vient même pas troubler le sommeil du paresseux accroché à sa branche, tandis qu’à notre passage s’envole une troupe de perroquets multicolores. Bercé par le balancement de mon matos Decathlon premier prix et par le bruits des conversations des personnes alentours ponctuées de hurlements d’enfants, je repense à cette COP. Qui, de ce que j’en savais avant mon départ -je n’ai plus internet- a finalement, qui l’eut cru, accouché d’une souris, et pas celle de Ratatouille : famélique, et en phase terminale.

Une scène, vue lors de la grande marche pour le climat du samedi 15 novembre, me revient cependant en mémoire et incarne bien l’ambivalence ici des sentiments vis-à-vis de cette COP désormais terminée. Une camarade anarchiste est assise pour se rafraîchir, et vêtue d’un t-shirt serti d’un logo « anti-cop 30 ». A ses côté, une indigène, voyant le logo, lui montre son propre t-shirt, quant à lui orné des visuels officiels de cette même COP. Car à cette dernière, certain·es, notamment parmi les autochtones, voulaient bien y croire : ainsi que l’a écrit l’APIB(2) dans un communiqué suite à l’action du mardi 11, « les peuples autochtones ne font pas partie des négociations officielles de la COP30, mais ils interviennent politiquement depuis plus de deux ans pour que leurs revendications soient entendues et intégrées dans les décisions sur la lutte contre la crise climatique. ».

Les anarchistes de Belém au front

Au Centre culturel libertaire d’Amazonie, le CCLA, qui nous accueille chaleureusement dans le centre historique délabré et populeux de Bélem, néanmoins, les choses sont claires. « La COP est une farce » (« e farsa »), et ces anarchistes entendent bien critiquer, tout le long de la conférence internationale, le « capitalisme vert » à tendance néo-coloniale qui selon eux préside à ce pince-fesse entre encravatés pollueurs.

Illustration 1

Chaque jour, tout du long de la journée, au CCLA, des rencontres ont donc eu lieu, dans une perspective internationaliste et intersectionnelle, entre projection de films sur l’extractivisme et invitation d’activistes indigènes pratiquant la réquisition de leurs terres volées (et j’y ai moi-même fait un succinct état des lieux de l’anarchisme en France). Enfin, et pour commencer, le jour de notre arrivée, le samedi 8 novembre, était organisé un « tournoi international de football anti-cop 30 » qui, du bon gros punk qui tache en fond sonore, a vu en finale l’Afrique -représentée par des camarades du Congo et du Burkina Faso- l’emporter sur le Venezuela -représenté par les indigènes Warao, en exil à Belem- avant un grand repas partagé de quartier et pas mal de bières.

Illustration 2

« De quoi la COP ne parle pas »

C’est l’intitulé (avec comme sous-titre : « Des marges de l’Amazonie à la périphérie du monde ») d’une rencontre qui était organisée, le lundi 10 novembre, au Centre culturel de l’Amazonie, en présence notamment d’une militante Palestinienne, qui l’affirme : « Ici comme à Gaza, le génocide est aussi un écocide ». -et ce malgré le « greenwhashing » intense pratiqué par Israël.

Par la suite, un leader de l’UP (unidade popular) prend la parole. C’est un afro-Brésilien au charisme jauressien, et qui est en colère pour une bonne raison, rappelle-t-il : il est originaire de Brumadinho, localité qui a subi il y a quelques années une catastrophe environnementale connue comme la « rupture du barrage de Brumadinho » dans l’État de Minas Gerais, et qui a vu le réservoir de rétention pour les déchets toxiques d’une l’exploitation minière se déverser sur la population, causant des centaines de morts et de disparus. « Je viens d’une terre détruite par une multinationale, sans aucune justice ». Il se réclame, également, de l’héritage des Quilombolas, ces ancien·nes esclaves auto-affranchi·es.

Il en conclut donc logiquement : « On ne peut rien attendre des entreprises qui soutiennent et financent la COP 30. Et à quoi sert celle-ci sinon aux intérêts des investisseurs de la ville et de la région ? » Et de déplorer que la COP « transforme la crise climatique, qui est une crise du capital, en marchandage ».

Une -très, sans doute même pas la vingtaine- jeune activiste indigène, en tenue traditionnelle, se veut plus mesurée : « Nous ne sommes pas contre la COP, mais nous voulons y participer d’une façon qui ne soit pas une mascarade » ; et de déplorer que la COP ne parle pas « de nos luttes, notamment contre les grandes entreprises minières et de monoculture ».

Enfin, un membre de l’Union des Peuples Indigènes (UPI), après avoir appelé à se pas forer de pétrole dans l’embouchure de l’Amazone -une pique contre la récente décision du président Lula-, souligne que aujourd’hui encore, très régulièrement, des leaders indigènes sont assassinés, disparaissent, voient leurs corps jetés au fleuve, ainsi que les personnes qui les soutiennent. « Je viens d’un endroit mondialement connu pour l’exécution de Dom Philipps et Bruno Pereira » -le premier, journaliste notamment pour le Guardian et le New York Times, rédigeait un livre sur l’Amazonie, aidé du second, qui avait pris un congé à la FUNAI (agence gouvernementale chargée de protéger les droits et les intérêts des peuples indigènes au Brésil) pour travailler avec l’Univaja, une organisation à but non lucratif défendant es intérêts des peuples indigènes. Et de ces assassinats, qui s’ajoutent aux expulsions et aux empoisonnement, de ce génocide qui en est un mais qui ne dit pas son nom, il ne sera pas question à la COP. « Mais nous, nous avons deux semaines pour dire ce que l’on veut. Ça doit venir d’en bas ».

« Deux choses, c’est sûr, ne seront pas abordées à la COP : les incendies, et l’extraction des minerais »

L’homme qui parle est l’animateur d’une rencontre organisée dans le cadre de la « cop do povo » (la « cop du peuple »), quelques heures en ce mardi 11 novembre avant que les indigènes ne fassent intrusion dans la « vraie » COP. Au menu : « l’autogouvernance et l’auto-détermination » des peuples indigènes, en présence notamment, sur la rangée de chaise juste en face de moi, d’une vaste délégation de Ka’apor, ronds rouges peints sur les joues, munis d’arcs et de battes (oui.), et connus défendre leur territoire contre les envahisseurs et les pilleurs illégaux, traquant les braconniers et mettant hors d’usage des camions de bûcherons. Il assurent en outre l’approvisionnement de leurs campements grâce à l’agroforesterie et, véritables anarchistes en actes, ont créé un conseil horizontal, en charge notamment de leur propre système éducatif et du développement durable.

Le bilan de ces rencontres -en Espagnol, langue de la plupart des indigènes présents, venant de toute l’Amérique latin : « Il ne pas faut pas affronter les États séparés. Nous devons nous unir pour lutter ». Car il y a urgence. Répétons-le : un génocide est à l’origine de la conquête de ce continent, et il est toujours en cours. Comme l’écrivait déjà les anthropologues Jacques Meunier et A.M. Savarin dans les années 1960, « le génocide indien a commencé à l’aube de la conquête et il se poursuit ; si de nos jours, il y a lieu de s’étonner, c’est qu’il y a encore des survivants », énoncent-ils, avant de lister les massacres et de rappeler ce terrible mot d’ordre des colons : « Tuer les pères pour violer les filles ». L’animateur des rencontres pointe à nouveau, comme cela avait été fait hier, les assassinats de leaders, et rappelle que l’extractivisme, avec ses incendies et ses déchets toxiques, tue chaque jours les peuples indigènes.

Seule réponse face à ça, donc : résistance, lutte et autogestion. Comme le souligne un intervenant, « l’autonomie, c’est une invention pour les Etats-Nations, pas pour nous ». et de conclure, lapidaire : « Ce n’est pas à nous de demander des droits à la république. Nous étions là bien avant la république ».

Autonomie, diversité et convergence

Tous ces peuples se sont retrouvés le lundi 17 novembre, pour une grande marche indigènes jusqu’aux alentours de la « Blue Zone » de la COP 30. Avec des mots d’ordre on ne peut plus clairs : « Climate justice = Indigenous leadership », « emergência climatica : a reposta somos nos » (« la réponse c’est nous »), ou encore : « COP 30 : the answer is NO FOSSIL FUELS ».

Illustration 3

La veille, s’était conclue la « cupula dos povos », le « sommet des peuples », « où syndicats, organisations environnementales et peuples autochtones sont rassemblés pour remettre la justice climatique au cœur des négociations » (3) de façon équitable et décoloniale, et auto-organisée par la société civile autour de trois axes : autonomie, diversité et convergence. Un beau programme donc, entachés selon certains anarchistes ronchons, comme notre cher ami Portugais Mario, avec lequel nous logeons, par la présence intrusive « de plein de gens du PT », le Parti des Travailleurs de Lula, donc le parti au pouvoir au Brésil et celui qui accueille cette si problématique COP 30.

Les débats organisés, cependant, laissent peu de place au doute : ici, ces négociations, l’on y croit guère. « La solution ne vient pas de ces endroits », nous dit directement une intervenante lors d’une table ronde présentant les diverses luttes de la jeunesse du Continent et où était présent un jeune Afro-Brésilien du MST, le mouvement des sans terres pratiquant la réquisitions, deux très jeunes activistes mexicaine, un jeune Guarani en lutte…. Toute une galaxie emplie d’utopies et de réponses concrètes mais, évidemment, comme le dit l’une des deux Mexicaines, « la jeunesse n’est pas invitée à la COP 30 ». La conversation est conclue par une Quechua venue du Pérou, qui souligne cette terrible réalité : « Les femmes indigènes sont les premières impactées par le changement climatique ».

Le bilan de ce séjour à Belém est donc amer -tel l’açai, ce petit fruit amazonien si populaire ici. Mais nous pu y rencontrer des personnes incroyables, anarchistes, afro-brésilien·nes, indigènes, anarchistes, vegans, écologistes, d’ici ou d’ailleurs, qui, loin des bureaux climatisés, des salles de réunions garnies de petits fours, s’échinent à faire vivre la résistance au grand Kapital, ce venin qui empoisonne, dévore, tue tout ce qu’il touche, en Amazonie comme en Palestine. « Nous sommes la nature qui se défend », dit-on dans les ZAD -un slogan que j’ai retrouvé ici tagué sur un mur lors de la marche pour le climat. Cette défense existe partout, et doit nous pousser à ne pas baisser les bras. Comme l’a dit dans un entretien qu’il m’a accordé au CCLA le brillant et adorable penseur anarchiste Peter Gelderloos : « La solution ne viendra pas des États, plus d’un siècle d’histoire est là pour nous le prouver. Pour mettre fin au capitalisme et à la fin du monde, les solutions existent déjà, et elles marchent très bien. Mais encore faut-il en parler ! » Et de cela non plus, pourtant, aucun doute, il n’a été question à la COP. Mais était-ce même leur but ?

Un reportage de Macko Dràgàn. Photos : Macko 

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(1) https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/081125/l-amazonie-est-au-bord-du-gouffre-climatique

(2) Articulation des Peuples Indigènes du Brésil

(3) https://blogs.mediapart.fr/s-hanryon/blog/151125/une-vague-de-resistance-en-soutien-au-sommet-des-peuples

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