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18.11.2025 à 16:16

L’Afrique à l’assaut de l’IA, avec le Rwanda, le Maroc et le Kenya en moteurs

Thierry Berthier, Maitre de conférences en mathématiques, cybersécurité et cyberdéfense, chaire de cyberdéfense Saint-Cyr, Université de Limoges
La Déclaration africaine sur l’IA, adoptée en avril 2025, veut une intelligence artificielle conçue par et pour le continent, portée par des pays comme le Maroc, le Kenya et le Rwanda.
Texte intégral (2237 mots)
Le président rwandais Paul Kagamé (au centre) entouré de plusieurs invités de haut rang durant la cérémonie d’ouverture du forum de Kigali sur l’intelligence artificielle, le 3 avril 2025. Compte Flickr de la présidence rwandaise, CC BY-ND

En adoptant la Déclaration africaine sur l’intelligence artificielle, en avril 2025, les pays africains visent à développer la souveraineté du continent sur ces enjeux stratégiques et à réduire leur dépendance aux puissances étrangères. Cette stratégie repose sur les pays moteurs tels que le Rwanda, le Maroc ou encore le Kenya.


La capitale rwandaise, Kigali, a accueilli les 3 et 4 avril 2025 le premier Sommet mondial de l’intelligence artificielle en Afrique (Global AI Summit on Africa). L’événement, organisé par le Centre pour la quatrième révolution industrielle (C4IR) et le ministère rwandais des technologies de l’information, de la communication et de l’innovation (MINICT), en partenariat avec le Forum économique mondial, a réuni plus de 3 000 participants venus de 97 pays. Chercheurs, responsables politiques, dirigeants d’entreprises et investisseurs s’y sont rencontrés pour débattre de l’avenir de l’intelligence artificielle sur le continent.

En 2020, lors de la réunion annuelle du Forum économique mondial à Davos, le gouvernement rwandais avait signé un accord avec le Forum pour créer le C4IR. Composante d’un réseau de 19 centres à travers le monde, le C4IR façonne la trajectoire de la quatrième révolution industrielle grâce à des connaissances locales susceptibles de favoriser un changement global. En s’appuyant sur les priorités nationales de développement, le Rwanda a décidé de concentrer les travaux de son Centre sur l’économie des données, sur la gouvernance des données et sur l’intelligence artificielle

Le sommet d’avril dernier a marqué une étape symbolique. Pour la première fois, l’Afrique a placé la question de l’IA au cœur d’un agenda commun, en donnant naissance à la Déclaration africaine sur l’intelligence artificielle. Celle-ci définit un socle de principes et d’engagements autour de trois axes majeurs : stimuler l’innovation et la compétitivité grâce à l’IA ; construire une intelligence artificielle éthique et inclusive, ancrée dans les valeurs africaines – unité, patriotisme, cohésion sociale, résilience, travail acharné et partage ; et garantir une gouvernance responsable, capable d’encadrer la collecte, la sécurité et la souveraineté des données.

Que contient la Déclaration ?

Ce texte, signé par une cinquantaine d’États, dont l’Algérie, le Nigeria, le Kenya, le Maroc et l’Afrique du Sud, vise à rééquilibrer les rapports de force mondiaux dans le domaine technologique. Il s’agit de ne plus dépendre exclusivement des modèles et infrastructures venus d’Asie, d’Europe ou des États-Unis, mais de faire émerger une approche spécifiquement africaine, sensible aux réalités locales : agriculture, santé, climat, sécurité, inclusion financière. Cette ambition s’appuie sur trois piliers : la formation, la gouvernance et l’investissement.

Le texte prévoit ainsi la création d’un Panel scientifique africain sur l’IA, composé d’experts du continent et de la diaspora, chargé de conseiller les gouvernements sur les risques, les usages et les opportunités socio-économiques. Il propose également la mise en place d’un cadre continental de gouvernance des données, harmonisé avec les standards de l’Union africaine, et la constitution d’un Fonds africain pour l’IA doté de 60 milliards de dollars, qui servira à financer les infrastructures de calcul, les programmes de recherche et les start-ups du continent. Enfin, la Déclaration encourage la création de pôles régionaux d’incubation, appuyés par la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), pour stimuler la coopération entre États et attirer les capitaux.

Au-delà de son contenu, le sommet de Kigali a surtout incarné une nouvelle étape du leadership technologique africain. Pour le Rwanda, il a constitué un instrument d’influence et un levier diplomatique. Depuis plusieurs années, le pays se positionne comme un hub continental de l’innovation numérique, au même titre que le Maroc ou le Kenya. L’organisation du premier sommet mondial sur l’IA en Afrique consacre ce positionnement : celui d’un État qui entend participer à la définition des règles du jeu, et non simplement les subir.

Le Rwanda, pionnier et artisan d’une IA africaine

Le Rwanda aborde l’intelligence artificielle comme une politique publique à part entière. Le gouvernement a fixé pour horizon 2035 un objectif d’un milliard de dollars d’investissements directs étrangers dans le secteur numérique, en s’appuyant sur un environnement administratif fluide et une culture de la transparence qui attire les investisseurs. Le pays est aujourd’hui l’un des plus rapides du continent pour la création d’entreprises, avec des démarches intégralement dématérialisées et un accès facilité au financement pour les jeunes pousses.

Cette stratégie repose sur un écosystème cohérent. À Kigali, la Kigali Innovation City incarne cette ambition : un espace intégré réunissant universités, centres de recherche, start-ups et investisseurs, conçu pour favoriser les transferts de technologie. Le Centre pour la quatrième révolution industrielle (C4IR), partenaire du Forum économique mondial, pilote plusieurs programmes d’IA appliqués à la santé, à l’agriculture et à l’éducation. La Norrsken House, inaugurée en 2021, accueille des dizaines de jeunes entreprises africaines et internationales dans les secteurs des fintech, de la santé numérique et des services à impact social.

Dans la santé, le Rwanda est devenu un modèle continental grâce à la société américaine Zipline, qui opère depuis 2016 un réseau de livraison de médicaments, de vaccins et de poches de sang par drones. Ces vols automatisés couvrent aujourd’hui 90 % du territoire et ont permis de réduire significativement les délais d’acheminement vers les zones enclavées. Dans l’agriculture, des programmes d’analyse de données et d’imagerie satellitaire optimisent les rendements de cultures stratégiques comme le café et le sorgho, tandis que des capteurs connectés permettent de suivre la qualité des sols et l’humidité des plantations.

Le gouvernement a également adopté une stratégie nationale fintech 2024–2029, centrée sur l’accès universel aux services financiers numériques. L’objectif est de positionner Kigali comme centre financier régional tout en favorisant l’inclusion économique. L’éducation complète cette approche : plus de 5 000 ingénieurs sont formés chaque année aux technologies de l’information, et des partenariats avec l’Université Carnegie Mellon Africa ou la Hochschule Bonn-Rhein-Sieg allemande visent à développer des cursus spécialisés en IA et en cybersécurité.

Cette vision cohérente commence à produire des effets mesurables. Le Rwanda attire chaque année davantage de fonds étrangers et devient une plateforme d’expérimentation privilégiée pour les acteurs mondiaux de la technologie. L’amélioration des services publics, la modernisation de l’agriculture et l’essor des fintechs témoignent d’une transformation structurelle, où la technologie est pensée comme un outil de développement humain avant d’être un vecteur de croissance économique.

Le Maroc et le Kenya, moteurs complémentaires

La réussite de cette stratégie continentale repose sur plusieurs pays moteurs. Le Maroc s’impose déjà comme un centre régional de recherche appliquée. L’AI Movement, fondé en 2021 par le groupe OCP à Rabat, soutient des projets d’intelligence artificielle au service de l’inclusion et de la durabilité. Parmi eux, une application mobile convertit les documents administratifs en fichiers audio pour les femmes rurales analphabètes, tandis que le programme AgriEdge utilise l’imagerie satellite pour estimer les apports d’azote nécessaires aux cultures, réduisant les coûts de production tout en améliorant les rendements.

En parallèle, l’Université Mohammed-VI Polytechnique, à Ben Guérir, forme des chercheurs et des ingénieurs issus de tout le continent et organise chaque année une AI Winter School consacrée aux applications économiques de l’intelligence artificielle.

Le Kenya, de son côté, confirme son statut de « Silicon Savannah ». Le projet Konza Technopolis, à 60 kilomètres de Nairobi, vise à créer une ville intelligente africaine regroupant data centers, universités et entreprises innovantes. En mai 2024, un partenariat entre Microsoft et G42 a abouti à un investissement d’un milliard de dollars dans un centre de données, à Olkaria, qui fonctionne entièrement à l’énergie géothermique renouvelable conçu pour héberger la future région cloud Azure pour l’Afrique de l’Est. L’infrastructure a été construite par G42 et ses partenaires pour exploiter Microsoft Azure dans une nouvelle région cloud d’Afrique de l’Est.

Alimentée par l’énergie renouvelable locale, cette infrastructure accueillera aussi un laboratoire de recherche consacré aux modèles linguistiques africains et à la formation de jeunes ingénieurs. Le pays a également adopté une stratégie nationale de l’IA (2025–2030) qui prévoit le développement d’incubateurs technologiques, le soutien aux start-ups locales et la mise en place de normes éthiques et de protection des données.

Vers une souveraineté technologique africaine

Ces trajectoires parallèles – rwandaise, marocaine et kényane – traduisent une ambition commune : faire de l’intelligence artificielle et de la robotique des leviers d’émancipation économique. Chacun à sa manière incarne un modèle : le Maroc par la recherche appliquée et l’agriculture intelligente, le Kenya par l’infrastructure et la formation, le Rwanda par la gouvernance et la cohérence stratégique.

La démonstration du taxi-drone autonome EHang EH-216-S, réalisée à Kigali en septembre 2025, illustre cette dynamique. Première du genre sur le continent, elle a prouvé que la robotique pouvait contribuer à désenclaver les territoires, réduire les coûts de transport et ouvrir la voie à des mobilités aériennes à faible émission de carbone. En conjuguant innovation technologique et politiques publiques volontaristes, ces pays montrent que l’Afrique n’est plus seulement un terrain d’expérimentation pour les technologies venues d’ailleurs : elle en devient un acteur à part entière, capable d’inventer ses propres modèles de développement.

The Conversation

Thierry Berthier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

17.11.2025 à 16:03

Miné par l’inflation, le Japon a-t-il vraiment fait un virage à droite avec sa nouvelle première ministre ?

Arnaud Grivaud, Maître de conférences, spécialiste de la politique japonaise contemporaine, Université Paris Cité
Première femme à diriger le Japon, la très conservatrice Takaichi Sanae prend les rênes du pays au moment où celui-ci est confronté à de sérieuses difficultés économiques.
Texte intégral (2756 mots)

*Pour la première fois, une femme se trouve à la tête du gouvernement au Japon. Un apparent progrès sociétal qui, pour autant, n’est pas synonyme de progressisme, au vu de ses opinions ultraconservatrices. Le gouvernement de Sanae Takaichi va avant tout devoir relever le défi de l’inflation qui frappe les foyers japonais… et, pour cela, peut-être assouplir certaines de ses positions. *


Le 4 octobre 2025, Sanae Takaichi remportait les élections internes à la présidence du Parti libéral-démocrate (PLD). Après deux semaines de suspense marquées par de multiples tractations et recompositions des alliances, elle est devenue, le 21 octobre, la première femme à se retrouver à la tête d’un gouvernement au Japon. Depuis, nombreux ont été les articles de presse à l’étranger soulignant le caractère historique de cet événement dans un pays que le pourcentage de femmes au Parlement place à la 141ᵉ position sur 193 dans le classement de l’Union interparlementaire, tout en rappelant à juste titre les positions très conservatrices de la nouvelle dirigeante, notamment sur les questions sociétales, mais aussi mémorielles).

Ce n’est certes pas la première fois qu’une femme se retrouve à la tête d’un parti politique au Japon. En 1986, Takako Doi devenait en effet la secrétaire générale du Parti socialiste (jusqu’en 1991 puis de 1996 à 2003) ; elle est aussi la première et seule femme à avoir été présidente de la Chambre basse (1993-1996). Néanmoins, Mme Takaichi est bien la première à devenir cheffe de gouvernement.

Un parcours classique de femme politique dans un monde d’hommes

Afin d’expliquer cette nomination, on peut commencer par lui reconnaître une habileté certaine en politique et une bonne maîtrise des stratégies communicationnelles.

À l’instar de l’actuelle gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike, et de plusieurs autres femmes politiques japonaises, elle a été un temps présentatrice télé avant sa première élection à la Diète (Parlement japonais) en 1993.

Elle a ensuite navigué entre plusieurs partis politiques avant de s’arrimer au PLD et de se rapprocher de son aile droite, en particulier de l’ancien premier ministre Shinzō Abe (2012-2020, assassiné en 2022).

À plus d’un titre, Sanae Takaichi, 64 ans aujourd’hui, a en réalité mené une carrière typique… d’homme politique. Elle a progressivement gravi les échelons au sein d’un parti qui, malgré quelques évolutions, privilégie encore largement l’ancienneté (son principal adversaire, Shinjirō Koizumi, âgé de 44 ans, en a sûrement fait les frais). Elle n’a, par ailleurs, jamais eu à concilier maternité et vie professionnelle, contrairement à bien des Japonaises (les enfants de son mari, ancien parlementaire du PLD, étaient déjà âgés quand ils se sont mariés en 2004).

Gouvernement japonais posant en rang sur les marches de l’escalier
Sanae Takaichi (au centre, au premier rang), pose lors d’une séance photo avec les membres de son gouvernement à Tokyo, le 21 octobre 2025. Cabinet Public Affairs Office, CC BY-NC-SA

Le pari du PLD pour redynamiser son image

Mais l’arrivée de Mme Takaichi à la tête du PLD résulte avant tout d’un pari réalisé par une frange du parti (notamment par certains de ses caciques autrefois proches de Shinzō Abe, comme Tarō Asō) pour remédier aux récentes défaites électorales subies d’abord à la Chambre basse en 2024, puis à la Chambre haute en 2025.

En faisant d’elle le nouveau visage du parti, les objectifs étaient multiples. Il s’agissait tout d’abord de redonner une image dynamique à un PLD frappé par plusieurs scandales (liens avec la secte Moon, financements de campagne illégaux, etc.), ce que les trois précédents premiers ministres (2020-2025), aux styles parfois très austères, avaient peiné à réaliser.

Cette personnalisation de la politique n’est pas nouvelle au Japon, mais il est clair, depuis les années 2000, que la figure et le style du premier ministre ont désormais un impact déterminant sur les résultats électoraux du parti. Les cadres du PLD, conscients que leur destin est étroitement lié à la perception que l’opinion publique a de leur chef, n’hésitent pas à mettre entre parenthèses leurs éventuels désaccords et leurs luttes intrapartisanes.

Bien entendu, le parti n’avait aucun doute quant au fait que la candidate avait la ferme intention de ne surtout rien changer en substance concernant la gouvernance du PLD ou les règles de financement de campagne – en dépit du slogan et mot-dièse #KawareJimintō (#ChangePLD !) utilisé dans les réseaux sociaux officiels du parti lors de cette élection à la présidence.

Ainsi, Sanae Takaichi sait également qu’elle doit cette élection à la tête du parti au soutien de personnages essentiels qui n’hésiteront pas à la pousser vers la sortie s’ils estiment qu’elle les dessert plus qu’elle ne les sert. Elle qui a plusieurs fois évoqué son admiration pour Margaret Thatcher doit sûrement se rappeler de la violence et de la rapidité avec laquelle le Parti conservateur britannique avait évincé la Dame de fer. Elle a conscience que seules de multiples victoires électorales pourraient lui permettre de consolider sa place à la tête du parti. C’est ce qui avait permis à son autre modèle, Shinzō Abe, de battre le record de longévité au poste de premier ministre (sept ans et huit mois).

C’est justement sur ce point que Mme Takaichi a su convaincre son parti. L’un de ses atouts évidents réside dans le fait qu’elle semblait être la seule à pouvoir potentiellement capter la fraction de l’électorat qui s’était tournée vers le parti d’extrême droite Sanseitō aux dernières élections à la Chambre haute (il y avait obtenu 14 sièges).

En ce sens, contrairement aux élections à la présidence du PLD de 2021 et 2024 où elle avait terminé respectivement troisième puis seconde, sa candidature arrivait cette fois-ci à point nommé puisque, sur bien des sujets, ses positions très conservatrices sont alignées sur celles du Sanseitō (par exemple sur les questions migratoires).

Une redéfinition des alliances : le « virage à droite »

Par ailleurs, ce « virage à droite » peut aussi être vu comme une manifestation du mouvement de balancier (furiko no genri) observé depuis longtemps au sein du PLD, qui consiste en une alternance à sa tête entre des figures tantôt plus libérales, tantôt plus conservatrices.

Ce phénomène, qualifié d’« alternance factice » (giji seiken kōtai) par les spécialistes, est souvent invoqué comme explication de l’extraordinaire longévité de la domination du PLD (soixante-cinq années au pouvoir entre 1955 et 2025) ; il donnerait en effet à l’électeur la vague impression d’un changement sans pour autant qu’une autre force politique s’empare du pouvoir.

Cela étant dit, certaines choses ont d’ores et déjà changé. À la suite de la nomination de Mme Takaichi à la présidence du PLD, le Kōmeitō, parti bouddhiste qui formait avec lui une coalition depuis vingt-six ans (1999), a décidé d’en sortir. Officiellement, le Kōmeitō a expliqué son geste par le refus de la première ministre de réguler davantage les dons réalisés par les entreprises aux partis politiques (le PLD perçoit la quasi-totalité des dons faits par des entreprises au Japon).

Cependant, on peine à voir pourquoi cette réforme deviendrait aussi soudainement une condition sine qua non de sa participation au gouvernement alors que le Kōmeitō a, au cours de cette dernière décennie, fait des concessions que son électorat – par ailleurs très féminin et essentiellement composé des membres de la secte Sōka gakkai – a eu bien du mal à digérer, notamment la réforme de 2015 qui a élargi les cas dans lesquels les Forces d’autodéfense japonaises peuvent intervenir à l’étranger. C’est en réalité plutôt là que se trouve la raison pour laquelle ce parti, pacifiste et présentant une fibre plus « sociale », a décidé de quitter cette alliance qui ajoutait désormais à l’inconvénient d’être une coalition minoritaire avec un PLD affaibli, celui d’opérer un virage à droite qui n’allait pas manquer de crisper ses soutiens.

Mais, alors que la situation du PLD semblait encore plus critique – au point que l’élection de sa présidente comme première ministre devenait très incertaine –, Nippon Ishin no kai, le parti de la restauration du Japon, est venu à sa rescousse.

Ce parti, dont l’assise électorale se concentre dans la région d’Ōsaka, était demeuré dans l’opposition depuis sa création en 2015. Pour autant, en dehors de son ancrage local, il ne se distinguait pas vraiment du PLD sur le plan idéologique et votait de fait en faveur de la plupart de ses projets de loi. Son président, l’actuel gouverneur d’Ōsaka Hirofumi Yoshimura, suit, tout comme son fondateur Tōru Hashimoto, avocat devenu célèbre sur les plateaux de télévision, une ligne néolibérale et sécuritaire, saupoudrée de déclarations populistes anti-establishment, nationalistes et parfois clairement révisionnistes.

La compatibilité avec le PLD, désormais menée par Sanae Takaichi, n’a probablement jamais été aussi grande. Le parti a néanmoins pris la précaution de ne pas intégrer le gouvernement, et il sait qu’en dépit du fait qu’il ne possède qu’une trentaine de sièges à la Chambre basse (environ 7 %), il est celui qui peut à tout moment le faire tomber (le PLD occupe à l’heure actuelle 196 sièges, sur les 465 de la Chambre basse).

De la Dame de fer à la Dame d’étain ?

Pour autant, doit-on s’attendre à ce que ces nouvelles alliances accouchent d’importantes évolutions au niveau des politiques publiques ? C’est plus qu’improbable.

Même sur la question migratoire, Mme Takaichi ne pourra pas revenir sur la politique volontariste engagée en 2019 par Shinzō Abe lui-même, lequel avait bien été obligé d’accéder aux doléances du monde économique (soutien indispensable du PLD) confronté à une pénurie de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs (construction, hôtellerie, etc.). Le pays comptait en 2024 environ 3,6 millions d’étrangers sur son sol (3 % de la population totale), dont environ 56 % ont entre 20 ans et 39 ans. Plus de 23 % sont Chinois, 17 % Vietnamiens et 11 % Sud-Coréens. Bien que ces chiffres soient relativement modestes, il convient de rappeler que la population immigrée au Japon a augmenté de 69 % au cours de ces dix dernières années.

Bien sûr, tout comme Shinzō Abe, la première ministre ne manquera pas d’afficher sa fermeté et fera peut-être adopter quelques mesures symboliques qui n’auront qu’un impact numérique marginal.

Elle pourrait certes avoir les coudées plus franches si elle décidait de dissoudre la Chambre basse et remportait ensuite une large victoire électorale qui redonnerait à son parti une confortable majorité. Son taux de soutien actuel dans l’opinion publique (autour de 70 %), et les prévisions favorables au PLD concernant le report des votes des électeurs du Sanseitō, du parti conservateur et du parti de la restauration du Japon (environ 25 % de report vers le PLD), pourraient bien l’inciter à adopter cette stratégie.

Cependant, ce soutien dans l’opinion (notamment chez les jeunes où le taux atteint les 80 %) n’est guère le produit de ses positions conservatrices, mais plus le résultat d’une communication – aussi redoutable que superficielle – qui fait espérer un renouveau. C’est bien plus sur l’amélioration de la situation économique d’un Japon durement frappé par l’inflation (notamment liée à des importations rendues coûteuses par un yen faible) que la cheffe du gouvernement est attendue.

Ses premières déclarations en tant que première ministre montrent que Mme Takaichi en est bien consciente et qu’elle va par ailleurs devoir assouplir ses positions sur plusieurs thèmes. En somme, la Dame de fer va devoir opter pour un alliage plus malléable.

The Conversation

Arnaud Grivaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

17.11.2025 à 16:02

La guerre de communication derrière la pénurie de carburant au Mali

Ayouba Sow, Doctorant en Science de l'information et de la communication à l'Université Côte D'Azur, laboratoire SIC.Lab Méditerranée., Université Côte d’Azur
Le blocus sur le carburant imposé par les djihadistes donne lieu à une guerre de communication entre ceux-ci et divers représentants du pouvoir.
Texte intégral (3603 mots)

De nombreux articles ont déjà été publiés sur la pénurie de carburant provoquée au Mali par le blocus que les djihadistes imposent à la quasi-totalité du pays. La présente analyse propose une approche communicationnelle de cette crise sans précédent.


Dans une guerre, qu’elle soit conventionnelle ou asymétrique, comme c’est le cas au Mali et plus largement au Sahel, il est déconseillé de porter un coup avant d’en mesurer les conséquences. La pénurie de carburant actuelle résulte de l’amateurisme des autorités maliennes, qui ont été les premières à interdire la vente de carburant aux citoyens venant s’approvisionner avec des bidons. Cette décision s’inscrit dans leur stratégie visant à couper la chaîne d’approvisionnement des djihadistes afin de réduire la mobilité de ceux-ci. Dans la région de Nioro, les autorités militaires ont interdit, le 30 juillet 2025, « la vente de carburant dans des bidons ou des sachets plastiques ». Rappelons que les djihadistes ne sont pas les seuls à utiliser les bidons : les populations rurales s’en servent aussi, pour de multiples usages, notamment pour le fonctionnement des équipements agricoles.

À la suite de la décision du 30 juillet, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jama’at Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin, JNIM) a étendu l’interdiction à l’ensemble de la population. Ainsi, dans une vidéo publiée le 3 septembre, l’organisation terroriste a adressé un message aux commerçants et aux chauffeurs de camions-citernes qui importent des hydrocarbures depuis les pays côtiers voisins du Mali, à savoir la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Sénégal et la Mauritanie. Elle a annoncé des représailles à l’encontre de quiconque violerait cette décision.

Assis en tenue militaire, Nabi Diarra, également appelé Bina Diarra, porte-parole du JNIM, explique en bambara les raisons de ce blocus. Son porte-parolat met à mal l’argument selon lequel les djihadistes seraient exclusivement des Peuls, car Nabi Diarra est bambara. D’après lui :

« Depuis leur arrivée, les bandits qui sont au pouvoir [les militaires, ndlr] fatiguent les villageois en fermant leurs stations-service. Pour cette raison, nous avons également décidé d’interdire toutes vos importations d’essence et de gasoil, jusqu’à nouvel ordre. […] Ces bandits ont voulu priver les villageois d’essence et de gasoil, pensant que cela arrêterait notre activité de djihad. Est-ce qu’un seul de nos véhicules ou de nos motos s’est arrêté depuis le début de cette opération ? Aucun ! Nous continuons notre travail. Les conséquences ne touchent que les plus vulnérables. »

Après cette annonce, une centaine de camions-citernes ont été incendiés par les djihadistes sur différents axes. Des vidéos ont été publiées sur les réseaux sociaux par les auteurs afin de démontrer leurs capacités de nuisance. Dans une vidéo que nous avons pu consulter, un homme à moto montre près d’une quarantaine de camions-citernes incendiés sur la route nationale 7, entre Sikasso et la frontière ivoirienne.

Dans sa vidéo annonçant le blocus, le JNIM a également interdit la circulation de tous les autobus et camions de la compagnie Diarra Transport, qu’il accuse de collaborer avec l’État malien. Depuis, la compagnie a cessé ses activités. Après un mois d’inactivité, le 6 octobre, sa directrice générale Nèh Diarra a publié une vidéo sur les réseaux sociaux pour justifier les actions de son entreprise et, indirectement, présenter ses excuses aux djihadistes dans l’espoir que ces derniers autorisent ses véhicules à reprendre la route.

Nèh Diarra, directrice générale de Diarra Transport, présente ses excuses. Capture d’écran, Fourni par l'auteur

Le 17 octobre, dans une autre vidéo, arme de guerre et talkie-walkie en main, le porte-parole du JNIM a autorisé la reprise des activités de la compagnie de transport, dans un discours au ton particulièrement clément :

« Nous sommes des musulmans, nous sommes en guerre pour l’islam. En islam, si vous vous repentez après une faute, Allah accepte votre repentir. Donc, les gens de Diarra Transport ont annoncé leur repentir, nous allons l’accepter avec quelques conditions. La première est de ne plus vous impliquer dans la guerre qui nous oppose aux autorités. Transportez les passagers sans vérification d’identité. La deuxième condition va au-delà de Diarra Transport : tous les transporteurs, véhicules personnels, même les mototaxis, doivent exiger des femmes qu’elles portent le hijab afin de les transporter. »

Pour finir, il exige de tous les conducteurs qu’ils s’arrêtent après un accident afin de remettre les victimes dans leurs droits. Une manière de montrer que les membres du JNIM sont des justiciers, alors qu’ils tuent fréquemment des civils innocents sur les axes routiers. Le cas le plus récent et le plus médiatisé remontait à deux semaines plus tôt : le 2 octobre, le JNIM avait mitraillé le véhicule de l’ancien député élu à Ségou et guide religieux Abdoul Jalil Mansour Haïdara, sur l’axe Ségou-Bamako, le tuant sur place. Il était le promoteur du média Ségou TV.

Dans les gares routières de Diarra Transport, des scènes de liesse ont suivi l’annonce de la reprise. La compagnie a même partagé la vidéo du JNIM sur son compte Facebook, avant de la supprimer plus tard. Le lendemain, elle a annoncé la reprise de ses activités, avant que le gouvernement malien ne les suspende à son tour.

Revenons au blocus sur le carburant. Il ne concerne pas uniquement Bamako, comme on peut le lire dans de nombreux articles de presse. Il couvre l’ensemble du territoire national.

Cependant, les médias concentrent leur couverture sur la situation dans la capitale, principal symbole politique de la souveraineté des autorités en place. Les analyses, notamment celles des médias étrangers, gravitent autour d’une question centrale : Bamako va-t-elle tomber ? Nous répondons : le Mali ne se limite pas à Bamako. Toutes les localités du pays sont affectées par ce blocus. Les habitants des autres localités méritent autant d’attention que les Bamakois.

Pays enclavé, au commerce extérieur structurellement déficitaire, le Mali dépend totalement des importations. Les régions de Kayes, plus proche du Sénégal, et de Sikasso, plus proche de la Côte d’Ivoire, sont toutefois moins impactées par ce blocus, qui est particulièrement concentré autour de Bamako. Les attaques sont principalement menées sur les voies menant à la capitale. Des actions sporadiques ont également été signalées sur l’axe Bamako-Ségou, afin de priver les régions du centre, comme Ségou et Mopti, d’hydrocarbures. Dans la ville de Mopti, les habitants manquent de carburant depuis deux mois. Depuis un mois, ils n’ont pas eu une seule minute d’alimentation électrique. Ils ne réclament d’ailleurs plus l’électricité, devenue un luxe : ils recherchent plutôt du carburant pour pouvoir vaquer à leurs occupations.

La violence des mots pour camoufler l’insuffisance des actes

Confrontées à la crise, les autorités, tant régionales que nationales, ont préféré masquer l’impuissance par la désinformation, l’appel mécanique à la résilience et la censure des voix critiques.

Le 23 septembre, le gouverneur de la région de Mopti a présidé une réunion de crise consacrée à la pénurie de carburant. Au lieu de s’attaquer aux racines du mal, le directeur régional de la police, Ibrahima Diakité, s’en est pris aux web-activistes de la région, couramment appelés « videomen (ils prononcent videoman) » au Mali, qui, selon lui, se font particulièrement remarquer par leur « incivisme ». Les créateurs de contenus sont blâmés et menacés par la police pour avoir diffusé des faits et alerté sur les souffrances qu’ils vivent, à l’image de l’ensemble de la population. Au lieu de s’en prendre aux djihadistes, M. Diakité dénigre les citoyens qui publient sur les réseaux sociaux des images de longues files de conducteurs attendant désespérément d’être servis dans les stations-service :

« Si nous entendons n’importe quel “videoman” parler de la région de Mopti, il ira en prison. Il ira en prison ! Celui qui parle au nom de la région ira en prison, parce que c’est inadmissible ! […] Ils mettent Mopti en sellette, oubliant que les réseaux [sociaux, ndlr] ne se limitent pas au Mali. »

Il exige donc de censurer tout propos mettant en évidence l’incompétence des autorités à pallier un problème qui compromet leur mission régalienne. Au lieu de rassurer la population en annonçant des politiques qui atténueront sa souffrance, il opte pour la censure et la menace d’emprisonnement. Dans sa vocifération autoritaire, il mobilise un récit classique en appelant à préserver l’image du pays et en présentant les web-activistes comme des ennemis de celui-ci, des ignorants qui ne comprennent rien aux événements en cours :

« On est dans une situation où les gens ne comprennent rien de ce qui se passe dans leur pays et ils se permettent de publier ce genre de vidéo. Mais c’est le Mali tout entier qui est vilipendé à travers ce qu’ils disent, parce que le monde le voit. […] Ils sont en train d’aider l’ennemi contre le pays. Monsieur le gouverneur, il faut saisir le moment pour remettre ces gens à leur place, pour les amener à comprendre que, dans un État, tant que tu es Malien et que tu restes au Mali, tu respectes la loi ; sinon, tu quittes notre pays si tu ne veux pas te soumettre aux lois de la République. »

Le policier s’est substitué au législateur en appelant le gouverneur à adopter une loi autorisant la censure médiatique locale de cette crise.

Dans les heures qui ont suivi, de nombreux journalistes et web-activistes l’ont interpellé sur les réseaux sociaux pour obtenir des explications concernant l’existence d’une loi malienne prohibant la diffusion d’informations factuelles. Les contenus des web-activistes n’ont pas pour objectif de ternir l’image du pays. Contrairement à ce que laisse entendre le directeur régional de la police, il n’est pas plus malien qu’eux. Il ne lui revient pas non plus de décider qui doit quitter le pays.

Nous observons un clivage général au sein de la population malienne. Les dirigeants et leurs soutiens estiment que tous les citoyens doivent obligatoirement soutenir la transition. Ceux qui la critiquent sont qualifiés de mauvais citoyens, voire d’apatrides. Cette pression a étouffé le pluralisme et la contradiction dans l’espace médiatique.

« Ils ont su créer la pénurie de carburant dans la tête des Maliens »

Pendant que les citoyens passent la nuit dans les files d’attente pour s’approvisionner en carburant, l’un des désinformateurs du régime, adepte des théories du complot, Aboubacar Sidiki Fomba, membre du Conseil national de transition, a livré, dans un entretien avec un videoman, des explications qui défient tout entendement. Dans cette vidéo publiée le 7 octobre, il établit un lien entre la stratégie du JNIM et la volonté de l’Alliance des États du Sahel (AES, qui regroupe le Mali, le Burkina Faso et le Niger) de créer sa propre monnaie. D’après lui, l’objectif de ce blocus, qu’il présente comme la dernière stratégie des terroristes, est de porter atteinte au pouvoir d’Assimi Goïta et à l’AES :

« Ils attaquent les citernes, puis font croire aux populations qu’il y a une pénurie de carburant, alors qu’il n’y en a pas. Mais ils convainquent tout le monde qu’il y a une pénurie. Ils créent la psychose. Sous l’effet de la panique, les citoyens provoquent eux-mêmes une pénurie qui, à l’origine, n’existait pas. »

Dans la même vidéo, il dissocie les coupures d’électricité de la pénurie de carburant, expliquant les premières par des problèmes de remplacement de câbles électriques défaillants. Pourtant, c’est bien le manque de carburant qui est à l’origine des coupures d’électricité observées ces dernières années. Le blocus n’a été qu’un accélérateur d’une crise énergétique déjà déclenchée. Il a considérablement réduit les capacités de production énergétique. Selon une étude conduite par le PNUD, en 2020, « la production électrique était de 2 577,44 GWh (69 % thermique, 26,8 % hydraulique et 4,2 % solaire photovoltaïque) ».

Le pays doit accélérer sa transition énergétique afin de réduire sa dépendance aux importations d’hydrocarbures et de limiter ses émissions de gaz à effet de serre. En plus de la crise énergétique, ce blocus a également entraîné une pénurie d’eau potable dans la région de Mopti, le gasoil étant utilisé pour la production et la distribution d’eau.

Le même parlementaire s’est ensuite attaqué aux conducteurs de camions-citernes, les accusant de « complicité avec les terroristes ». Selon lui, les conducteurs simuleraient des pannes pour quitter les convois escortés par l’armée et revendre leur cargaison d’hydrocarbures aux groupes djihadistes. À la suite de cette déclaration, le Syndicat national des chauffeurs et conducteurs routiers du Mali (Synacor) a lancé un mot d’ordre de grève et déposé une plainte contre Fomba pour diffamation. Au lieu d’apporter la preuve de ses accusations, ce dernier a finalement présenté ses excuses aux conducteurs de camions-citernes. Il avait auparavant annoncé la mort de Nabi Diarra et qualifié de deepfake les vidéos du porte-parole du JNIM – une énième fausse information. Par la suite, le porte-parole a diffusé des vidéos dans lesquelles il précise la date d’enregistrement et se prononce sur des faits d’actualité.

Le pouvoir dénonce la piste ukrainienne

Au sommet de l’État, lors d’un déplacement dans la région de Bougouni le 3 novembre, le président de la transition a appelé les Maliens à faire preuve de résilience et à limiter les sorties inutiles. Assimi Goïta a tenté de rassurer la population et de dissuader ceux qui apportent leur aide aux djihadistes : « Si nous refusons de mener cette guerre, nous subirons l’esclavage qui en sera la conséquence », a-t-il déclaré face aux notables de la région. Il a salué le courage des chauffeurs et des opérateurs économiques pour leurs actes de bravoure. En effet, depuis l’instauration du blocus, les premiers risquent leur vie, et les seconds voient leur investissement menacé.

Assimi Goïta a laissé entendre que des puissances étrangères soutiennent les actions des djihadistes. Il convient de rappeler que l’Ukraine a apporté son aide aux rebelles séparatistes du Cadre stratégique permanent (CSP), lesquels coopèrent parfois avec le JNIM dans le nord du pays. Alors que les djihadistes revendiquent l’application de la charia, les rebelles exigent la partition du territoire. Les deux mouvements se sont, à plusieurs reprises, alliés pour combattre l’armée malienne. Le 29 juillet 2024, Andriy Yusov, porte-parole du renseignement militaire ukrainien (GUR), a sous-entendu, lors d’une émission de télévision locale, que son service était en relation avec les rebelles indépendantistes du nord du Mali. Après la dissolution du CSP fin 2024, l’Ukraine a poursuivi son aide au groupe rebelle qui a pris le relais au nord du Mali, le Front de Libération de l’Azawad (FLA). Parmi les actions, nous pouvons noter « la visite de conseillers militaires ukrainiens dans un camp du FLA l’an dernier. Dans la foulée, plusieurs combattants du FLA sont envoyés en Ukraine. De retour dans le désert, ils adoptent les mêmes tactiques que celles de l’armée ukrainienne contre les positions russes ».

Cette aide fournie par l’Ukraine s’inscrit dans le prolongement du conflit qui l’oppose à la Russie, devenue le principal partenaire du Mali dans la lutte contre le terrorisme depuis la fin de la coopération militaire avec la France en 2022. Grâce à ce nouveau partenariat, la ville de Kidal contrôlée par les rebelles depuis 2012 a pu être reprise en novembre 2023. Toutefois, la situation sécuritaire s’est détériorée dans le reste du pays, les djihadistes ayant renforcé leur influence et étendu leur présence à l’ensemble des régions.

Les autorités maliennes estiment que cette assistance ukrainienne est soutenue par la France, qui souhaiterait l’échec de la transition. Dans leurs éléments de langage, les responsables de la transition expliquent tous leurs problèmes par des complots contre leur régime et contre le Mali. Toutes les difficultés et incompétences sont justifiées par « l’acharnement de la France » contre la transition. L’ancienne puissance coloniale a pour sa part ouvertement montré son opposition à cette transition qu’Emmanuel Macron qualifie de « l’enfant de deux coups d’État ».

La guerre de communication est au cœur de la crise malienne et ne semble pas devoir s’arrêter si tôt. Pendant que les médias occidentaux commentent l’éventualité d’une prise de Bamako par le JNIM, le gouvernement malien a inauguré le 11 novembre le Salon international de la défense et de la sécurité intitulé Bamex 25. Cette exposition turque est, pour la transition malienne, un autre moyen de communiquer au monde que la situation sécuritaire est sous contrôle.

The Conversation

Ayouba Sow ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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