20.03.2025 à 05:00
Human Rights Watch
(New York) – Les forces armées israéliennes ont causé des décès de patients palestiniens et des souffrances évitables quand elles ont occupé des hôpitaux dans la bande de Gaza lors des hostilités qui se poursuivent, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui ; ces actes ont constitué des crimes de guerre.
Des témoins dans trois hôpitaux ont affirmé à Human Rights Watch que les forces israéliennes ont privé les patients d’électricité, d’eau, de nourriture et de médicaments ; tiré sur des civils ; maltraité des personnels de santé ; et détruit délibérément des installations médicales et des équipements. Des évacuations forcées illégales ont exposé des patients à de graves risques et rendu hors d’état de fonctionner des hôpitaux dont la population a désespérément besoin.
« Les forces israéliennes ont fait preuve à plusieurs reprises d’une cruauté meurtrière vis-à-vis des Palestiniens hospitalisés dans les établissements qu’elles ont saisis », a déclaré Bill Van Esveld, directeur adjoint de la division Droits des enfants à Human Rights Watch. « Les privations d’eau et les coupures d’électricité imposées par l’armée israélienne ont entraîné la mort de personnes malades ou blessées, les soldats ont maltraité et déplacé de force des patients et des prestataires de soins, et ont endommagé ou détruit des hôpitaux. »
Les autorités israéliennes n’ont pas annoncé l’ouverture d’enquêtes sur les graves violations présumées du droit international humanitaire, y compris d’apparents crimes de guerre, commises par les forces armées terrestres israéliennes lorsqu’elles avaient le contrôle de ces hôpitaux, parmi d’autres. Des évacuations forcées illégales d’hôpitaux, effectuées sciemment dans le cadre de la politique de déplacement forcé de Palestiniens de Gaza mise en œuvre par le gouvernement israélien, constitueraient des crimes contre l’humanité.
Human Rights Watch a mené des entretiens avec neuf patients et deux professionnels de santé qui étaient présents quand les forces israéliennes ont investi et occupé le complexe médical Al-Shifa à Gaza en novembre 2023, puis de nouveau en mars 2024 ; l’hôpital Kamal Adwan à Beit Lahia en janvier 2024 ; et le complexe médical Nasser à Khan Younis en février 2024. Le ministère de la Santé de Gaza a affirmé que 84 patients, et peut-être beaucoup plus, sont morts par manque de soins dans ces trois hôpitaux durant ces périodes, sans compter les personnes tuées par les bombardements ou les tirs d’armes individuelles.
Les forces israéliennes occupant des hôpitaux ont gravement interféré dans le traitement de patients blessés et malades. Des membres des personnels de santé ont affirmé que les forces israéliennes ont rejeté les demandes de médecins d’apporter des médicaments et des fournitures aux patients et ont bloqué les accès aux hôpitaux et aux ambulances, entraînant la mort de personnes blessées ou souffrant d’une maladie chronique, y compris des enfants sous dialyse.
Ansam al-Sharif, qui était hospitalisée après avoir perdu une jambe lors d’une frappe aérienne israélienne et nécessitait des béquilles pour se déplacer, a affirmé que les soldats israéliens ont dit aux patients à l’hôpital Nasser de dormir à l’étage mais de descendre au rez-de-chaussée de 7 heures du matin à 21 heures, le soir. « Nous sommes restés là pendant quatre jours sans nourriture, ni eau, ni médicaments », a-t-elle dit. Ansam Al-Sharif a été témoin de la mort de quatre patients plus âgés pendant cette période.
Les forces israéliennes ont fait évacuer des hôpitaux de force et exposé des patients, des personnels de santé et des personnes déplacées à de graves risques. Elles ont ordonné à des patients de quitter ces hôpitaux sans assistance, y compris ceux qui avaient besoin de civières ou de fauteuils roulants. Elles n’ont que rarement facilité les transferts vers d’autres établissements médicaux, lesquels n’étaient parfois pas en mesure d’assurer des soins. Après avoir évacué certains bâtiments hospitaliers, les forces israéliennes les ont illégalement incendiés ou détruits.
Des soldats israéliens ont commis des abus à l’encontre de patients, de membres du personnel médical et de personnes déplacées dans les hôpitaux. Ils ont tué des civils par balles, tiré sur des prestataires de soins et maltraité des personnes qui étaient sous leur contrôle.
Human Rights Watch a précédemment documenté des attaques israéliennes illégales d’hôpitaux et d’ambulances, ainsi que la détention arbitraire et la torture de professionnels de santé. À la date de septembre 2024, seulement quatre des 36 hôpitaux de Gaza n’avaient pas été endommagés ou détruits par les forces israéliennes, a affirmé l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ce qui pose une menace critique pour la santé, à court et à long terme, de la population.
Depuis les attaques menées par le Hamas le 7 octobre 2023 contre Israël, les autorités israéliennes ont délibérément imposé des conditions de vie précaires, voire mortelles, à la population palestinienne de Gaza, notamment en la privant systématiquement de nourriture, d’eau et d’autres biens nécessaire à la survie comme les médicaments, ce qui équivaut au crime contre l’humanité d’extermination, ainsi que des actes de génocide.
Depuis le 2 mars 2025, le gouvernement israélien a de nouveau bloqué l’acheminement d’aide humanitaire à Gaza, y compris de carburant, en violation flagrante du droit international humanitaire. Le 18 mars, l’armée israélienne a lancé une nouvelle vague de frappes aériennes et de tirs d’artillerie contre la bande de Gaza, tuant plus de 400 personnes, selon le ministère de la Santé de Gaza.
« L’occupation par l’armée israélienne des hôpitaux de Gaza a transformé des sites destinés aux soins médicaux et à la guérison en centres de mort et de mauvais traitements », a conclu Bill Van Esveld. « Les responsables de ces horribles abus, y compris des dirigeants israéliens de haut rang, devraient être amenés à rendre des comptes. »
Suite en anglais, comprenant des informations plus détaillées.
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19.03.2025 à 21:00
Human Rights Watch
(Istanbul, 19 mars 2025) – L'arrestation du maire d'Istanbul, Ekrem İmamoğlu, ainsi que d'environ 106 autres élus municipaux et responsables politiques, le 19 mars, a été basée sur des motifs politiques et vise à entraver des activités politiques légales, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. La détention arbitraire du maire porte atteinte aux droits des électeurs qui ont voté pour lui, ainsi qu’au au processus démocratique en Turquie.
Le Parquet général d'Istanbul a déclaré avoir ordonné l'arrestation d'Ekrem İmamoğlu et d'autres personnes dans le cadre de deux enquêtes criminelles distinctes à son encontre. Son arrestation a eu lieu quatre jours avant le 23 mars, date à laquelle il doit être désigné par le Parti républicain du peuple (Cumhuriyet Halk Partisi, CHP), principal parti d'opposition turc, pour se présenter contre le président Recep Tayyip Erdoğan à la prochaine élection présidentielle prévue en 2028.
« Ekrem İmamoğlu et les autres individus détenus devraient être immédiatement libérés », a déclaré Hugh Williamson, directeur de la division Europe et Asie centrale de Human Rights Watch. « Le gouvernement du président Erdoğan devrait veiller à ce que les résultats des élections municipales d'Istanbul soient respectés, et à ce que le système judiciaire ne soit pas instrumentalisé à des fins politiques. »
Au cours des cinq derniers mois, le Parquet d'Istanbul a mené une série d'enquêtes et d’arrestations à motivation politique visant des municipalités gouvernées par le Parti républicain du peuple. Les deux dernières enquêtes menées contre İmamoğlu, l'une concernant des liens présumés avec le terrorisme et l'autre portant sur des allégations de corruption, s'inscrivent dans cette tendance.
Parmi les personnes arrêtées le 19 mars figuraient les maires de Şişli et de Beylikdüzü, deux districts de la province d'Istanbul.
Les procureurs ont ouvert cinq affaires pénales contre İmamoğlu, toutes fondées sur des preuves insuffisantes d'activités criminelles. Le 18 mars, l'Université d'Istanbul lui a retiré son diplôme universitaire. Les juristes turcs ont largement condamné cette décision, la qualifiant d'abus de pouvoir par l'université, visant à l'empêcher de se présenter à la prochaine élection présidentielle.
Le jour même des arrestations, le gouverneur de la province d'Istanbul a interdit les rassemblements publics et les manifestations à Istanbul, durant la période du 19 au 23 mars. L’Internet a été soumis à une réduction de la bande passante (technique du bridage), limitant l'accès aux réseaux sociaux et aux sites d'information.
Avant les arrestations du 19 mars, trois maires d'arrondissement et de nombreux conseillers municipaux du parti CHP avaient déjà été placés en détention provisoire à la suite d’enquêtes douteuses menées par le Procureur général d'Istanbul, au sujet de liens présumés avec le terrorisme et de soupçons portant sur la corruption.
La tentative d'accuser le parti CHP de liens terroristes avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), groupe armé, a débuté avec l'arrestation et la destitution, le 30 octobre 2024, d'Ahmet Özer, professeur d'université âgé de 65 ans et maire du district d'Esenyurt à Istanbul. Ce jour-là, un tribunal a ordonné sa détention provisoire, l’accusant d’« appartenance » au PKK, et les autorités l’ont démis de ses fonctions, nommant à sa place le vice-gouverneur d’Istanbul.
Le 13 février 2025, les autorités ont arrêté dix membres élus du Conseil municipal appartenant au parti CHP, également accusés d’« appartenance au PKK ». Tous avaient été élus à des postes municipaux dans le cadre d'une stratégie politique du parti CHP et du Parti pour l'égalité et la démocratie des peuples (DEM), pro-kurde, visant à coopérer aux élections locales.
Les accusations du procureur dans le cadre de ces enquêtes reposent sur l'hypothèse, non fondée, que tous les responsables politiques agissaient sur les instructions du PKK ou travaillaient pour un organe du PKK sous couvert d'une plateforme d'opposition, le Congrès démocratique des peuples, qui regroupe des groupes kurdes et de gauche ainsi que des organisations de la société civile. Cette plateforme, créée en 2011, n'a été ni interdite ni fermée.
Les autorités ont également invoqué des enquêtes et des accusations de terrorisme comme raison pour remplacer les maires élus dans 10 municipalités du sud-est de la Turquie contrôlées par le parti DEM et deux municipalités contrôlées par le parti CHP, dont le district d’Esenyurt, par des fonctionnaires nommés par le gouvernement.
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19.03.2025 à 07:00
Human Rights Watch
(Mexico, 19 mars 2025) – Les autorités mexicaines devraient mener une enquête approfondie et impartiale au sujet des centaines de fragments d'os et de vêtements récemment découverts par une association de familles de personnes disparues, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
Le 5 mars, un groupe local de bénévoles qui recherchent des personnes disparues au Mexique a annoncé avoir découvert des restes humains calcinés, des centaines de vêtements et de chaussures, ainsi que de trois fosses qualifiées de « crématoriums » sur le terrain d’un ranch situé près de la ville de Guadalajara, dans l'État de Jalisco. Six mois plus tôt, en septembre 2024, le Parquet de l'État de Jalisco et la Garde nationale avaient déjà inspecté ce site, suite à des opérations de la Garde nationale qui avait arrêté dix individus et secouru deux personnes ; mais cette enquête n’avait alors abouti qu’à la découverte d’un cadavre.
« Il est choquant et décourageant que des membres des familles de victimes, munis de pioches et de pelles, aient été contraints d'achever le travail que les autorités affirmaient avoir effectué près de six mois plus tôt », a déclaré Juanita Goebertus, directrice de la division Amériques à Human Rights Watch. « La présidente Claudia Sheinbaum devrait y voir un signal pour entreprendre un effort urgent à l'échelle nationale, afin de professionnaliser les enquêtes criminelles menées par les parquets des États. »
Suite à cette récente découverte, le Procureur général de l'État de Jalisco a déclaré aux journalistes qu'en septembre dernier, des enquêteurs de son bureau et des membres de la Garde nationale avaient fouillé « certaines parties » du ranch, mais qu'ils n'avaient trouvé ni restes humains, ni vêtements, ni crématoriums, car « le ranch est très vaste ». Début mars, des membres du collectif de bénévoles ont décidé de fouiller le site, après avoir reçu un appel anonyme indiquant que des restes de personnes disparues y avaient été enterrés.
La découverte de restes humains dans l’État de Jalisco met en lumière les graves lacunes systémiques des enquêtes sur les homicides et les disparitions au Mexique, a déclaré Human Rights Watch.
Dans un rapport publié en février, Human Rights Watch a constaté que les autorités mexicaines n’enquêter pas efficacement sur la plupart des homicides en raison de divers problèmes systémiques, notamment un manque de ressources et de formation, de lourdes charges de travail et une mauvaise coordination entre les autorités. Entre 2010 et 2022, les parquets de divers États mexicains ont ouvert environ 300 000 enquêtes pour homicide volontaire, mais n'ont formellement identifié des suspects que dans 17 % des cas. Le nombre réel d'homicides est probablement plus élevé. Depuis 2007, plus de 94 000 personnes ont été portées disparues au Mexique, et n'ont toujours pas été retrouvées.
Le 11 mars, le Procureur général du Mexique a annoncé que son bureau envisageait de demander aux autorités fédérales d’assumer le contrôle de cette enquête, affirmant qu'« il est peu vraisemblable qu'une situation de ce type ait été ignorée des autorités étatiques ou locales ».
Depuis la découverte des ossements, le collectif et le parquet ont commencé à publier des centaines de photos, de vidéos et de descriptions des objets personnels retrouvés sur le site, afin que les familles de personnes disparues puissent tenter de les identifier.
« La négligence dont ont fait preuve les autorités mexicaines dans cette enquête est choquante, mais malheureusement loin d'être rare », a conclu Juanita Goebertus. « Cette affaire devrait servir de signal d’alarme : des réformes urgentes sont nécessaires pour améliorer les enquêtes criminelles au Mexique. »
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