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12.06.2025 à 15:16

Comment Brian Wilson, auteur-compositeur visionnaire des Beach Boys, a changé l’histoire de la musique

Jadey O'Regan, Senior Lecturer in Contemporary Music, Sydney Conservatorium of Music, University of Sydney
Brian Wilson, chanteur leader, auteur-compositeur et producteur des Beach Boys, est décédé le 11 juin 2025, à l’âge de 82 ans.
Texte intégral (2786 mots)
Les Beach Boys en 1962 à Los Angeles, Californie. Les trois frères Wilson (Brian est à gauche), leur cousin Mike Love et leur ami Al Jardine. Michael Ochs Archives/Getty Images

Brian Wilson, chanteur leader, auteur-compositeur et producteur des Beach Boys, est décédé, le 11 juin 2025, à l’âge de 82 ans. Le bassiste laisse derrière lui une musique magnifique, joyeuse, douce-amère et intemporelle, façonnée au fil d’une carrière qui s’étend sur six décennies.


Cette nouvelle n’est pas une surprise : Wilson, atteint de démence diagnostiquée par les médecins, avait été placé l’an dernier sous tutelle après le décès de son épouse, Melinda. Cependant, sa disparition n’en marque pas moins la fin d’un chapitre long et extraordinaire de l’histoire de la musique.

Une vie consacrée à la musique

Formés au début des années 1960 à Hawthorne, en Californie, les Beach Boys sont au départ une histoire de famille et de communauté : les frères Brian, Dennis et Carl Wilson, leur cousin Mike Love et leur ami d’école Al Jardine.

Durant leur enfance, la maison des Wilson était un foyer compliqué ; leur père, Murry Wilson, était strict, parfois violent. La musique constituait l’un des rares moyens de rapprochement familial.

C’est au cours de ces premières années que Brian découvre les sonorités qui façonneront son identité musicale : Gershwin, les groupes de doo-wop, le rock and roll des débuts et, surtout, les Four Freshmen, dont le style de chant en harmonie serrée sera une influence majeure qu’il étudiera avec minutie.

Black and white photo
Les Beach Boys en répétition en 1964 ; Brian Wilson est assis au piano. Michael Ochs Archives/Getty Images

Un mélange d’influences inattendu pour un groupe de pop. Dès les premiers enregistrements des Beach Boys (avec surf, voitures et filles), on perçoit les prémices de la complexité et de l’audace musicale qui feront la réputation de Wilson.

Écoutez la structure inattendue de The Lonely Sea (1962), les accords complexes de The Warmth of the Sun (1963), ou encore la modulation subtile de Don’t Worry Baby (1964).

Ces premières innovations laissent entrevoir une créativité grandissante qui continuera de s’épanouir tout au long des années 1960 et au-delà.

Une histoire de résilience

Dans les années qui ont suivi, Brian Wilson a souvent été perçu comme une figure fragile. Mais ce qui ressort avant tout de son parcours, c’est sa résilience.

Difficile de ne pas admirer sa capacité à produire un catalogue d’œuvres aussi vaste et varié, tout en affrontant, entre autres, des relations familiales complexes, la pression des maisons de disques, des problèmes de santé mentale souvent mal diagnostiqués et mal soignés ainsi que des addictions. Wilson a non seulement survécu a tout cela, mais il a continué à créer.

Brian Wilson au piano et Al Jardine à la guitare lors d’un concert à Los Angeles en 2019. Scott Dudelson/Getty Images

Il a même fait ce que peu de fans des Beach Boys auraient imaginé : remonter sur scène.

Le retour inattendu de Brian Wilson sur scène, lors des tournées Pet Sounds et SMiLE au début des années 2000, a relancé l’intérêt pour les Beach Boys et permis une réévaluation critique de leur héritage musical. Depuis, les publications de livres, de documentaires, de films et de podcasts consacrés à Brian Wilson et aux Beach Boys se sont multipliées.

Le sujet d’une thèse

J’ai grandi près de Surfers Paradise, sur la Gold Coast, (Queensland, Australie). Leurs premiers morceaux évoquant un été sans fin résonnaient particulièrement dans ma ville natale, même si, tout comme Brian Wilson, je n’ai admiré la plage que de loin.

J’ai choisi d’étudier la musique des Beach Boys pour ma thèse de doctorat et j’ai passé les années suivantes à retracer le développement musical du groupe, de leurs débuts dans un garage à la création de Pet Sounds cinq ans plus tard.

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Les Beach Boys en concert vers 1963. Brian Wilson est à gauche. Michael Ochs Archives/Getty Images

J’étais fasciné par la manière dont un groupe pouvait produire en si peu de temps un corpus aussi novateur, passant des premières notes hésitantes de Surfin’ aux arrangements complexes de God Only Knows.

Pour comprendre leur musique, j’ai écouté pendant des années les sessions d’enregistrement des Beach Boys, prise après prise, afin de saisir comment leurs chansons étaient conçues avec autant de finesse et d’ingéniosité.

Mais ce qui m’a frappé aussi fortement que la musique elle-même, c’était la voix de Brian Wilson dans ces enregistrements. L’écouter diriger des heures de sessions, c’était entendre un artiste au sommet de son art – décisif, sûr de lui, drôle, un esprit collaboratif, animé d’une profonde volonté de donner vie à la musique magique qu’il entendait dans sa tête et de la partager avec le public.

L’une des découvertes les plus inattendues de mon analyse des paroles des Beach Boys est venue d’un simple outil de fréquence des mots appliqué aux 117 chansons du corpus : le mot le plus courant était « now » (« maintenant »).

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Les Beach Boys posent pour un portrait vers 1964. Brian Wilson est à l’arrière. Michael Ochs Archives/Getty Images

Souvent employé comme un tic de langage, « now » résume pourtant à merveille ce que la musique de Brian Wilson a offert à tant d’auditeurs.

Wilson a créé un présent éternel : un monde où le soleil brille toujours, où l’on peut rester jeune à jamais, et où l’on peut retourner chaque fois qu’on en ressent le besoin.

Jadey O’Regan avec Brian Wilson, Enmore Theatre, Sydney, 2010. Jadey O’Regan

En 2010, j’ai eu l’immense chance de rencontrer Brian Wilson dans sa loge, avant son concert à l’Enmore Theatre de Sydney. Il était drôle et chaleureux. Assis à un petit clavier, il m’a appris une harmonie et, l’espace d’un instant, nous avons chanté Love and Mercy ensemble.

Ce fut l’un des moments les plus magiques de ma vie. Et l’un des messages les plus durables de Wilson : « Love and mercy, that’s what we need tonight. » (« De l’amour et de la compassion, c’est ce dont nous avons besoin ce soir. »)

Adieu et merci, Brian. Surf’s up!

The Conversation

Jadey O'Regan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

11.06.2025 à 17:22

« Tourists go home » : Barcelone, Naples, Lisbonne… le sud de l’Europe en révolte contre le surtourisme

Claudio Milano, Researcher, Lecturer and Consultant, Universitat de Barcelona
Antonio Paolo Russo, Professor, Universitat Rovira i Virgili
Marina Novelli, Professor of Marketing and Tourism & Director of the Sustainable Travel and Tourism Advanced Research Centre, University of Nottingham
Le tourisme de masse remodèle les espaces urbains, souvent au détriment des communautés locales.
Texte intégral (2120 mots)
Les graffitis anti-touristes sont devenus courants dans de nombreuses villes d'Espagne. Jon LC/Shutterstock

Le 15 juin, plusieurs villes du sud de l’Europe seront le théâtre d’une journée de mobilisations coordonnées contre la « touristification » de leurs territoires. À Barcelone, Lisbonne, Naples ou aux Canaries, le tourisme de masse remodèle les espaces urbains, souvent au détriment des communautés locales. Ces manifestations reflètent des tensions croissantes entre les dynamiques de touristification et une opposition locale de plus en plus audible.


Si Barcelone est devenue un symbole de la résistance sociale aux effets négatifs d’un tourisme prédateur et extractif, elle est loin d’être seule. Ces douze derniers mois, des destinations comme les îles Canaries, Málaga ou encore les Baléares ont également connu des mobilisations massives contre les excès du tourisme.

La lassitude est palpable, et elle s’écrit même sur les murs : les appartements touristiques recouverts de graffitis « tourists go home » (les touristes dehors) sont désormais un paysage familier dans bien des villes espagnoles. Ce ne sont pourtant pas les touristes individuellement qui sont mis en cause, mais bien une dépendance excessive au tourisme, qui a progressivement chassé de nombreux habitants de leurs logements et de leurs quartiers.

Comment en est-on arrivé là ? Après la levée des restrictions liées au Covid-19, le tourisme international a rebondi avec force dans de nombreuses villes méditerranéennes. Ce retour massif nourrit une exaspération grandissante au sein de la population locale, confrontée à une transformation urbaine vécue à ses dépens.

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Fresque de l’artiste Elías Taño dans le quartier central d’El Carmen à Valence (Espagne), arborant un autre slogan courant : « +1 turista = -1 veïna » (un touriste de plus = une voisine de moins). Nicolas Vigier

Les habitants sont notamment préoccupés par des pénuries de logements, la précarité de l’emploi liée au tourisme, ou l’impact environnemental. À Barcelone, la privatisation des espaces publics est aussi au cœur des critiques, exacerbée par des événements de prestige comme l’America’s Cup ou le Grand Prix de Formule 1, dont les retombées profitent peu aux habitants.

Cette fronde traduit un ras-le-bol généralisé, qu’on ne peut plus balayer d’un revers de main comme s’il s’agissait d’un simple caprice ou de « NIMBYisme » (Not In My Back Yard : « Pas de ça chez moi », attitude qui consiste à approuver un projet s’il se fait ailleurs, mais à le refuser s’il est à proximité de son lieu de résidence, ndlr). Cette contestation met en lumière des inégalités structurelles profondes, des conflits autour de l’espace urbain, de la justice sociale et des rapports de pouvoir qui nourrissent la croissance incontrôlée du secteur touristique.

Un militantisme en mutation

Le militantisme anti-tourisme à Barcelone remonte au milieu des années 2010, quand des quartiers comme la Barceloneta ont commencé à contester le rôle du tourisme dans la gentrification et les déplacements de population. Depuis, des collectifs comme l’Assemblée des quartiers pour la décroissance touristique (ABDT) dénoncent les politiques publiques qui renforcent la dépendance à l’économie touristique.

L’ABDT préfère d’ailleurs parler de touristification plutôt que de surtourisme. Selon eux, le terme surtourisme tend à dépolitiser le débat, en le réduisant à une question de volume de visiteurs. Le cœur du problème, affirment-ils, tient aux inégalités systémiques liées à l’accumulation capitaliste, à la nature extractive du tourisme, et à un modèle qui capte la richesse collective au profit d’intérêts privés.

Ce qui distingue cette nouvelle vague de militantisme, c’est le passage de l’opposition frontale à l’élaboration de propositions concrètes. Lors d’une grande manifestation en juillet 2024 à Barcelone, les militants ont ainsi présenté un manifeste appelant à réduire la dépendance économique au tourisme, et à engager une transition vers une économie éco-sociale.

Des propositions concrètes

Parmi leurs revendications : mettre fin aux subventions publiques destinées à la promotion touristique, encadrer la location de courte durée pour lutter contre la perte de logements, réduire le trafic de croisières, et améliorer les conditions de travail par des salaires décents et des horaires stables. Le manifeste plaide aussi pour diversifier l’économie, reconvertir les infrastructures touristiques à des usages sociaux, et développer des dispositifs de soutien aux travailleurs précaires.

Le manifeste en 13 points de l’ABDT. Milano et al. 2024

Le week-end du 27 avril 2025, le réseau Europe du Sud contre la touristification s’est réuni à Barcelone pour établir une feuille de route politique commune. C’est là qu’a été prévue la manifestation coordonnée dans plusieurs villes d’Europe du Sud du 15 juin 2025.

Les plus précaires particulièrement touchés

Les militants anti-tourisme sont souvent accusés de tourismophobie ou de NIMBYisme.

Ces critiques ignorent pourtant que les économies centrées sur le tourisme touchent surtout les groupes marginalisés : locataires précaires, travailleurs saisonniers, migrants, jeunes en difficulté. Les mouvements sociaux des villes méditerranéennes ont intégré cette dimension, élargissant leur lutte au-delà du tourisme pour y inclure les enjeux du logement, du travail, du climat et de la défense de l’espace public.

Ils affrontent ainsi les effets croisés de la touristification : division sociale du travail, inégalités de genre, concentration du capital. Et démontrent, par leur action, qu’une grande partie des habitants souhaitent aujourd’hui privilégier le bien-être collectif plutôt que la croissance économique.

Universitaires et responsables politiques à la traîne

Tant les chercheurs que les décideurs publics peinent à répondre aux revendications des manifestants. De nombreuses études s’intéressent à la gestion des flux touristiques, au tourisme durable, ou à ses potentiels émancipateurs. Mais rares sont celles qui prennent au sérieux les vécus des résidents, ou analysent comment ce secteur génère de la précarité, de l’exclusion et des inégalités environnementales.

Les politiques publiques se limitent le plus souvent à gérer les flux ou les transports, sans remettre en cause la croissance touristique ni les déséquilibres de pouvoir. Ce traitement superficiel ne fait qu’entretenir les causes profondes des tensions actuelles.

Au-delà de l’impact sur les villes, la précarité du travail dans le tourisme reste centrale. Nombre d’emplois sont mal rémunérés, instables et saisonniers. Tandis que les institutions internationales vantent les bienfaits du tourisme sur l’emploi, la question « Quels types d’emplois ? » reste trop souvent éludée.

Pour l’avenir, une recherche plus ancrée dans le réel est nécessaire : intersectionnelle, ethnographique, et sur le temps long. C’est à cette condition qu’on pourra éclairer l’action publique et rompre avec la logique prédatrice et productiviste qui attise les inégalités sociales.

Il ne faut plus voir ces mobilisations comme de simples nuisances localisées, mais comme les symptômes d’une lutte plus vaste pour la justice sociale. Elles démontrent qu’il est possible d’élaborer, collectivement, des alternatives centrées sur les besoins des habitants plutôt que sur la croissance à tout prix.

Repenser le tourisme urbain, c’est repenser la ville comme un espace de vie digne pour ses habitants – pas uniquement comme un décor pour visiteurs. Pour cela, il faut s’attaquer aux inégalités qui sont au cœur des processus de touristification.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

09.06.2025 à 17:08

Sur la scène électro, publier un remix illégal peut booster une carrière…

Amandine Ody-Brasier, Associate Professor of Organizational Behavior, McGill University
Xu Li, Assistant Professor of Management, London School of Economics and Political Science
Sur la scène électro, enfreindre le droit d’auteur peut booster une carrière dans l’EDM… à condition que l’intention soit perçue comme désintéressée. Explications.
Texte intégral (1650 mots)
Moins de 10% des DJs d'Electronic Dance Music sortent des remixes ne respectant pas le droit d'auteur Shutterstock

Dans la scène EDM – pour electronic dance music, un sous-genre de la musique électronique orienté clubs et festivals – publier un remix sans autorisation ni payer de droits d’auteur peut paradoxalement servir une carrière, même si la pratique est illégale. Une étude montre que ces remixes pirates (bootlegs) ne nuisent pas toujours à la réputation d’un DJ : tout dépend des intentions perçues.


Dans la plupart des secteurs, enfreindre la loi peut mettre fin à une carrière. Mais dans le monde de la musique électronique, et notamment dans la scène EDM, certaines formes d’illégalité peuvent avoir l’effet inverse.

Notre récente étude montre que les DJs qui publient des remixes illégaux – appelés bootlegs – augmentent leurs chances d’être engagés pour des concerts, mais à une condition : lorsque leur démarche est perçue comme bénéficiant à la communauté dans son ensemble, et pas comme une stratégie opportuniste.

La majorité des artistes EDM soutiennent et respectent le droit d’auteur. Ils savent que diffuser un remix en ligne sans l’autorisation du titulaire des droits est illégal. Ils reconnaissent aussi l’importance du respect du travail d’autrui, comme en témoignent les excuses publiques du DJ néerlandais Hardwell dans un conflit avec le groupe Swedish House Mafia au sujet de trois bootlegs.

Pourtant, dans la pratique, les bootlegs ne sont pas systématiquement condamnés, et peuvent même parfois être encouragés par la communauté.

Tous les « bootlegs » ne se valent pas

Nous avons analysé les parcours de près de 39 000 DJs répartis dans 97 pays entre 2007 et 2016, en suivant leur activité de production musicale et leurs performances en concert. Compte tenu des risques juridiques et de réputation, les remixes illégaux restent relativement rares : selon nos données, moins de 10 % des DJs EDM publient des bootlegs en ligne.

Mais ceux qui le font obtiennent en moyenne plus de dates de concerts que ceux qui se concentrent sur des remixes officiels ou des morceaux originaux.

Pour comprendre ce paradoxe, nous avons complété notre analyse par une enquête auprès d’experts, une expérience en ligne menée avec près de 900 fans d’EDM, et des entretiens avec 34 professionnels du secteur (DJs, organisateurs, producteurs…).

Mains de DJ
Le bootlegging désigne le remix, le montage ou la diffusion non autorisés d’un morceau, sans l’accord de l’artiste original ou du détenteur des droits. (Shutterstock)

Fait intéressant, les bootlegs ne sont pas perçus comme plus créatifs, de meilleure qualité ou plus accrocheurs que les autres types de morceaux. Alors pourquoi certains DJs en tirent-ils des bénéfices ?

La réponse réside dans la manière dont la communauté EDM perçoit les intentions du bootlegger.

Quand le désintéressement paie

Nous avons constaté que les artistes considérés comme désintéressés – c’est-à-dire transgressant la loi pour contribuer à la communauté – étaient souvent récompensés, malgré l’illégalité de leur geste.

Lorsqu’un bootleg est vu comme un hommage à un pair, un « cadeau » aux fans ou un moyen de faire revivre un titre culte, cela suscite un soutien communautaire. Concrètement, d’autres membres de la scène EDM peuvent alors offrir à l’artiste davantage d’opportunités de jouer en concert ou d’assurer des premières parties.

Ainsi, partager un bootleg en ligne augmente le nombre de prestations mensuelles en première partie de 4,4 % – soit deux fois plus que la sortie d’un remix officiel ou d’un morceau original.

C’est ce qui explique certaines trajectoires inattendues, comme celle du jeune DJ Imanbek Zeikenov, qui a remixé « Roses » de Saint Jhn sans autorisation en 2019 et l’a publié en ligne.

La communauté EDM a accueilli ce remix avec enthousiasme, propulsant la carrière de Zeikenov. Il est aujourd’hui un artiste reconnu et a même assuré la première partie de Saint Jhn, l’artiste original.

Cela montre que la scène EDM valorise fortement les actes perçus comme désintéressés. À l’inverse, quand un bootleg semble opportuniste, l’enthousiasme s’éteint rapidement.

Un bootlegger perçu comme intéressé peut ainsi voir ses opportunités chuter de 10 %.


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Les normes informelles priment parfois sur la loi

Dans de nombreuses communautés professionnelles, des normes informelles coexistent avec la législation. En général, plus la loi s’aligne avec les valeurs du milieu, plus elle est appliquée avec rigueur.

Mais dans des cas plus ambigus, la conformité devient discrétionnaire : c’est alors à la communauté d’interpréter les actes illégaux et de décider si elle les sanctionne ou non.

Dans l’EDM, bien que le droit d’auteur existe, il n’est pas toujours appliqué à la lettre. Ce vide est comblé par des normes professionnelles implicites : des règles tacites sur le remix, la collaboration ou le crédit.

Comme le montre notre étude, cette zone grise a permis l’émergence d’un système dans lequel certains artistes peuvent enfreindre la loi… tout en recevant le soutien de leurs pairs – à condition que leurs intentions soient perçues comme altruistes et bénéfiques à la communauté.

Enfreindre les règles, mais pour de bonnes raisons

Il est essentiel de rappeler que les artistes EDM ne promeuvent pas l’illégalité en tant que telle. Les DJs interrogés décrivent le bootlegging comme une pratique de nécessité, née du manque de moyens pour négocier les droits.

Dans ce milieu, le soutien dépend moins du respect strict de la loi que de la perception de l’intention. Pour les DJs émergents, cela crée un équilibre délicat : enfreindre la loi reste risqué, mais dans certains cas, cela peut paradoxalement ouvrir la voie à une carrière reconnue.

Et ce phénomène ne se limite pas à la musique. D’autres professions créatives où le désintéressement est valorisé peuvent suivre la même logique. Le monde académique ou celui des technologies en offrent des exemples. Ainsi, une violation de brevet en biotechnologie peut être jugée différemment, au moins en partie, en fonction des intentions perçues du chercheur.

En fin de compte, ce sont les motivations attribuées à l’acte qui déterminent s’il est toléré, ignoré… ou même récompensé. Parfois, enfreindre la loi peut ainsi être une rampe de lancement – à condition de le faire pour les bonnes raisons.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

08.06.2025 à 13:41

Comment les écrivains du XIXᵉ siècle se sont engagés dans les débats politiques de leur temps

Florent Montaclair, Enseignant Université, Université Marie et Louis Pasteur (UMLP)
Une question préoccupe nombre d’écrivains : comment réunifier le corps social et sortir du cycle révolutionnaire entamé en 1789 qui provoque durant tout le siècle émeutes et chutes de régimes ?
Texte intégral (2500 mots)
Point de littérature sans politique pour les écrivains français du XIXe siècle WikiCommons, CC BY-ND

Dans le sillage de la Révolution de 1789, la France connaît, au cours du XIXe siècle, de nombreuses péripéties politiques. Loin de l’image de l’artiste enfermé dans ses appartements, penché uniquement sur ses textes littéraires, des écrivains et écrivaines de l’époque s’engagent dans les débats politiques de leur temps.


En 1836, avec la parution des premiers romans-feuilletons en France dans les journaux quotidiens, l’écrivain devient une figure non plus seulement des salons, mais aussi de la société : il est reconnu dans la rue, il est invité par les rois, il « influence » l’opinion des lecteurs. Avec des tirages, sous le Second Empire, qui passent, tous titres confondus, de 200 000 exemplaires par jour à 1,5 million, le feuilleton est lu, relu, prêté, discuté par les maîtres, leurs enfants, les domestiques et les concierges, pour reprendre les termes d’un feuilletoniste oublié, Louis Reybaud.

L’écrivain du XIXe siècle appartient majoritairement à la bourgeoisie : il est de formation initiale en médecine (Eugène Sue, Paul Féval), en droit ou comptabilité (Gustave Flaubert, Jules Verne, Guy de Maupassant, Edmond de Goncourt), il est officier ou fils de généraux (Alphonse de Lamartine, Alexandre Dumas, Victor Hugo)… À noter un cas particulier, George Sand qui descend à la fois du maréchal de Saxe par son père et et d’un tenancier de billard par sa mère.

On voit bien l’articulation entre ces professions et les réflexions sociales, politiques ou institutionnelles : par leur métier initial, les écrivains s’intéressent à la défense de la nation (militaires), à la santé de leurs concitoyens (médecins), à l’organisation administrative de l’état (notaires, juristes). Devenus célèbres, certains auteurs briguent même les suffrages de leurs concitoyens : la députation (Dumas, Lamartine, Hugo), les ministères (Tocqueville, Gobineau, Stahl), le Sénat (Hugo), les conseils généraux ou municipaux (Gobineau, Verne, Lamartine).

La grande question politique qui préoccupe alors ces écrivains, tant dans les instances où ils sont élus que dans leurs œuvres, est celle de la réunification du corps social : comment sortir d’un cycle révolutionnaire, né en 1789, qui provoque durant tout le siècle émeutes et chutes de régimes ? Comment en somme bonifier l’héritage révolutionnaire en créant une nation apaisée ?

« Guérir » les maux de la société

Prise de la Bastille en 1789, chute de Charles X en 1830, émeutes de 1832, chute de Louis-Philippe en février 1848, émeutes de juin 1848, Commune en 1871, la violence politique contre les hommes, les biens, les institutions et les symboles est récurrente tout au long du XIXe siècle.

Comment sortir de la violence ? Les écrivains exploreront plusieurs solutions qui leur paraissent pouvoir « guérir » les maux de la société.

À partir de la Commission du Luxembourg (28 février -16 mai 1848) réunie au Sénat par Lamartine, alors chef du gouvernement provisoire de la Deuxième République, pour déterminer quelle sera la politique économique de la République, trois voies se dessinent pour sortir le peuple de la misère et le faire entrer dans une communauté d’intérêts avec la classe moyenne et supérieure.

Le philosophe et député Pierre-Joseph Proudhon défend le développement d’une France de la coopérative, regroupant les travailleurs dans des microentreprises dont ils seraient les ouvriers et les patrons. Notamment défendue par Victor Hugo dans « Les Misérables », cette idée s’effondre à l’Assemblée lorsqu’il s’agit de proposer un financement de ces coopératives par l’État pour acheter en fond de départ le matériel et les machines, par exemple. L’impôt sur le revenu voulu par le député Proudhon est vu par les députés comme contraire aux droits de l’homme et du citoyen : la propriété est considérée sacrée.


À lire aussi : Littérature française : pourquoi les autrices sont-elles encore reléguées au second plan ?


Louis Reybaud et l’Académie des sciences morales et politiques défendent la suppression des frontières, la diminution des taxes, la limitation du nombre des fonctionnaires et la constitution de grandes fortunes, ce qui mécaniquement augmente les salaires. Ces idées sont rejetées, à un moment où l’idée centrale de l’État est de construire une nation et non pas de l’ouvrir sur le monde.

Lamartine met finalement en place, sur les conseils du ministre Louis Blanc, un contrôle de l’économie par l’État avec un droit du travail et la création d’ateliers nationaux qui fournissent des emplois aux ouvriers sans activités. Opposé à cette idée, Hugo déclare à la Chambre : « La monarchie avait les oisifs, la République aura les fainéants » : penser que l’État peut payer des cent mille travailleurs est perçu comme la création d’un assistanat généralisé.

La fermeture de ces ateliers qui n’arrivaient pas à trouver du travail à tous les chômeurs en juin 1848 provoque des émeutes : le peuple parisien pensait que l’idée était bonne et refuse de se disperser. Les combats avec l’armée font 15 000 tués ou blessés dans les rues de Paris.


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Le mépris du peuple

La violence populaire trouve-t-elle son origine dans l’organisation du régime ? Tous les écrivains le pensent, et adhèrent, par une sorte de pensée magique, à une république idéale. Ils soutiennent donc à l’unanimité la révolution de février 1848 qui fait tomber la Monarchie parlementaire de Louis-Philippe, et se réjouissent de l’abdication de Napoléon III en 1870 qui crée la IIIe République.

Mais comment expliquer alors que quelques mois plus tard, en juillet 1848 puis en avril 1871, le peuple en arme se soulève contre la république ? Désemparés, les écrivains, à l’exception de Jules Vallès, passeront de la vision d’un peuple héroïque à un peuple dénaturé : les écrivains rejettent la possibilité de se révolter contre une république. « Nous ne dirons rien de leurs femelles par respect pour les femmes, à qui elles ressemblent quand elles sont mortes », lâche Alexandre Dumas-fils, « une stupide et cruelle brute ! » ajoute Joris-Karl Huysmans pour qualifier le peuple. Leconte de Lisle écrit à la poète José-Maria de Heredia : « La Commune ? Ce fut la ligue de tous les déclassés, de tous les incapables, de tous les envieux, de tous les assassins, de tous les voleurs, mauvais poètes, mauvais peintres, journalistes manqués, tenanciers de bas étage ». Et Alphonse Daudet conclut : « Des têtes de pions, collets crasseux, cheveux luisants, les toqués, les éleveurs d’escargots, les sauveurs du peuple, les déclassés, les tristes, les traînards, les incapables ; pourquoi les ouvriers se sont-ils mêlés de politique ? »

Barricade de la Chaussée Ménilmontant, le 18 mars 1871, pendant la Commune de Paris. Collection Musée Carnavalet
Barricade de la Chaussée Ménilmontant, le 18 mars 1871, pendant la Commune de Paris. Collection Musée Carnavalet. Wikicommons

L’idée que le peuple, pauvre et inculte, puisse être le grand décideur de l’avenir de l’État heurte les consciences bourgeoises. Alexandre Dumas écrit d’ailleurs : « Ce qui fait l’avenir de la République, c’est justement ceci, qu’il lui reste beaucoup à faire dans l’avenir. Laissez-la donc d’abord être République bourgeoise ; puis, avec l’aide des années, elle deviendra République démocratique ; puis, avec l’aide des siècles, elle deviendra République sociale. »

Les écrivains qui soutinrent ouvertement les révoltes du peuple sont peu nombreux : le philosophe Pierre-Joseph Proudhon et le romancier Jules Vallès. Reste cependant une forme de bienveillance chez certains comme les Frères Goncourt qui se diront soulagés lorsque les exécutions de communards cessèrent ou Victor Hugo qui sera le premier à demander la grâce des émeutiers.

Le peuple devra encore attendre

Selon Jules Michelet, historien et professeur au Collège de France, le peuple est « barbare » parce qu’il est muet (sans droit de vote) et « enfant » car sans instruction, donc sans pensée claire. Mais la plupart des écrivains rejettent l’obligation à l’État de donner un suffrage universel et une instruction gratuite. « Quant au bon peuple, l’instruction « gratuite et obligatoire » l’achèvera » écrit Flaubert et « L’instruction gratuite et obligatoire n’y fera rien qu’augmenter le nombre des imbéciles. Le plus pressé est d’instruire les riches qui, en somme, sont les plus forts. »

En espérant donc que le peuple s’élève dans la richesse pour participer aux votes censitaires et dans l’éducation pour participer au monde des idées, il faut attendre pour lui donner la possibilité de la parole et des droits.

« Peuple, encore une fois, nous te demandons la patience !… » déclare Proudhon dans son « Manifeste du peuple » ; « La patience est faite d’espérance » écrit Hugo dans « Claude Gueux ») ; « s’enrégimenter tranquillement, se connaître, se réunir en syndicats, lorsque les lois le permettraient ; puis, le matin où l’on se sentirait les coudes, où l’on se trouverait des millions de travailleurs en face de quelques milliers de fainéants, prendre le pouvoir, être les maîtres. Ah ! quel réveil de vérité et de justice ! » programme Zola dans « Germinal » et « Le Comte de Monte-Cristo », comme un clin d’œil à l’époque, se termine par ces mots : « Attendre et espérer ».

The Conversation

Florent Montaclair ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

05.06.2025 à 16:40

De l’atelier au marché de l’art : les ressorts du succès de POUSH, un jeune lieu créatif

Thomas Blonski, Professeur assistant en stratégie et entrepreneuriat, ICN Business School
Pierre Poinsignon, Enseignant-chercheur, Burgundy School of Business
Thomas Paris, Associate professor, HEC Paris, researcher at CNRS, HEC Paris Business School
Pourquoi certains lieux du monde de l’art deviennent-ils des endroits où il faut être à tout prix ? Les dynamiques faisant émerger un tel lieu créatif sont étudiées. La preuve par POUSH.
Texte intégral (1972 mots)

En quelques années, le centre d’art et d’ateliers d’artistes POUSH, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), est devenu un repère incontournable de la scène artistique parisienne. Une étude permet de comprendre les dynamiques qui font émerger un tel lieu créatif.


Dans une ancienne usine d’Aubervilliers, en banlieue parisienne, 270 artistes partagent aujourd’hui leurs journées entre création, discussions informelles et visites de collectionneurs. Ce lieu, baptisé POUSH, s’est imposé en quelques années comme un point de passage obligé pour les professionnels du monde de l’art. On y croise autant de jeunes talents prometteurs que de figures déjà reconnues, dans un décor brut et foisonnant.

Comment expliquer qu’un lieu, inconnu il y a à peine trois ans, soit devenu un incontournable de la scène artistique parisienne ? Pourquoi certaines adresses deviennent-elles des nœuds de créativité et d’attention, là où d’autres projets similaires peinent à exister ? Plus largement, que faut-il pour qu’un lieu devienne un « lieu créatif » ?

Du Bateau-Lavoir à Hollywood : des lieux mythiques de la création

Dans tous les domaines de la création, certains lieux se dotent d’une image de créativité importante, comme s’il s’y passait quelque chose de particulier : des territoires comme Hollywood ou la Silicon Valley aux États-Unis, des villes comme Vienne (Autriche) au début du siècle dernier ou Berlin (Allemagne) au début de ce siècle, des quartiers parisiens comme Montparnasse ou Saint-Germain-des-Prés, voire des espaces plus localisés, comme le Bateau-Lavoir (Paris 18e) ou le Chelsea Hotel (New York). Une question revient dès que l’on s’intéresse à ces derniers, les lieux créatifs : comment adviennent-ils ? Sont-ils créatifs parce qu’ils attirent (des artistes) ? Ou attirent-ils parce qu’ils sont créatifs ? Comment se construit cette réputation selon laquelle, « c’est là que ça se passe » ?

C’est cette question que nous avons souhaité explorer à travers une recherche menée sur le cas POUSH, un des plus grands rassemblements d’ateliers d’artistes en Europe. Pour comprendre comment ce lieu a émergé si rapidement comme un repère de la scène artistique, nous avons mené une trentaine d’entretiens avec des artistes et l’équipe dirigeante, complétés par des visites de terrain et un questionnaire auprès des résidents.


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Une clé de lecture : le « middleground »

Une théorie utile pour appréhender ce problème a été proposée par Patrick Cohendet, David Grandadam et Laurent Simon : la notion de « middleground ». Pour qu’un territoire créatif puisse prendre de l’ampleur, qu’il attire des talents et qu’il gagne en réputation, il doit mobiliser des passerelles entre l’underground des artistes et l’upperground constitué des entreprises et institutions établies. Cette strate, le middleground, permettrait de faciliter les échanges entre les différents acteurs d’un écosystème, et d’établir la réputation d’un lieu qui devient l’endroit où il faut être, car c’est là que ça se passe. Les auteurs de ce courant ont étudié, par exemple, le cas de Montréal (Québec, Canada) pour le jeu vidéo ou encore les dynamiques spatio-temporelles du monde du design à Berlin.

Comment naissent ces lieux du middleground, ces espaces qui deviennent des passerelles entre artistes émergents isolés et institutions ? Par exemple, comment faire pour créer un tel espace où des artistes pionniers pourront être en contact avec des galeristes et des collectionneurs ?

Le cas de POUSH, plus grand rassemblement d’ateliers d’artistes en Europe, est très instructif.

Fondée en 2020 en initiative privée liée à la société Manifesto, l’association POUSH qui occupe des locaux de grande taille désaffectés sur des durées limitées (environ deux ans), pour les réorganiser en des ateliers loués ensuite à des artistes. Après un premier essai à Saint-Denis, POUSH s’est établi dans un immeuble de grande taille au-dessus du périphérique parisien à la porte Pouchet (qui lui a donné son nom), avant de déménager deux ans plus tard dans une ancienne usine à Aubervilliers, où l’association est toujours domiciliée aujourd’hui avant de devoir déménager à nouveau à l’été 2025.

Poush – crédits Axel Dahl, Fourni par l'auteur

En moins de trois ans, ce lieu nouveau s’est fait une place dans l’écosystème artistique parisien. Moins de deux ans après sa fondation, POUSH rassemblait environ 270 artistes, qui travaillaient dans les différents ateliers proposés, et organisait des visites de collectionneurs nationaux et internationaux, en particulier à l’occasion des grands événements du monde de l’art, en particulier les foires : la Fiac puis Art Basel Paris, en octobre, et Art Paris, en avril.

Cette évolution n’est pas commune : d’autres structures similaires existent, y compris dans le même département, mais ni un aussi grand nombre de résidents ni la haute fréquence des visites professionnelles n’y sont observables.


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Une alchimie fragile mais puissante

Notre recherche a cherché à saisir les manifestations et les causes de ce succès, par une étude compréhensive fondée sur des entretiens avec une trentaine d’artistes résidents et avec l’équipe de direction du lieu, mais également par la visite des ateliers et des expositions au cours de plusieurs journées. Un questionnaire a également été administré aux résidents.

Premier constat, la grande diversité des profils des artistes. Ils ne forment pas une « école » et proviennent d’horizons différents, même si une tendance se dégage autour d’un groupe de jeunes artistes français comptant entre deux et sept ans d’expérience, c’est-à-dire ni novices, ni installés. Ils cherchent en POUSH d’abord et avant tout un lieu pour travailler dans de bonnes conditions. D’autres raisons suivent, mais ne viennent que s’ajouter à ce premier besoin : la proximité avec d’autres artistes qui deviennent des collègues de travail, comme dans une entreprise, mais aussi la possibilité de renforcer sa carrière grâce à l’orientation professionnelle du lieu et des visites de professionnels du monde de l’art.

Visite de POUSH, Nano Ville, 2023.

Pour autant, POUSH ne propose contractuellement que de la location d’espaces : les autres éléments (visites professionnelles, expositions, etc.) ne viennent que de façon informelle au fur et à mesure que des occasions se présentent. Cette méthode d’adaptation permanente aux opportunités qui apparaissent avec le temps est revendiquée par le management du lieu qui préfère éviter la lourdeur des procédures ; cela peut créer cependant un sentiment de frustration, car il est difficile de satisfaire l’intégralité des 270 résidents.

Masse critique et effet collatéral

De manière concrète, les collaborations restent assez limitées, loin de l’idée spontanée de l’effervescence créative. C’est, au contraire, la combinaison de la masse critique du nombre d’artistes et de la diversité (qui agit comme un accélérateur de carrières) qui multiplie les interactions entre les différents acteurs de l’écosystème, artistes présents et visiteurs représentant le monde professionnel (l’upperground) : curateurs, collectionneurs, galeristes… La présence au sein de POUSH de quelques artistes reconnus irradie l’ensemble des artistes du lieu créatif par effet collatéral, ou effet d’éclairage, créant une sorte de label du lieu.

La conjonction de ces deux facteurs, masse critique et effet collatéral, permet d’augmenter la valeur conventionnelle du lieu créatif, créant le fameux cercle vertueux qui était notre point de départ. Plus le lieu est connu, plus les acteurs sont nombreux à y venir et, plus ils sont nombreux, plus le lieu est connu.

Si cette recherche traite de l’émergence de ces lieux créatifs, elle n’aborde pas en revanche la question de leur futur, et en particulier de leur maintien dans la position intermédiaire du middleground. Est-il possible de conserver ce fragile équilibre entre un underground anonyme et un upperground institutionnalisé, ou mainstream ? C’est cette question qu’il conviendra d’explorer dans de futures recherches.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

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