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31.03.2025 à 16:29

La créativité : un moteur du capitalisme autant qu’un idéal personnel depuis les années 1990

Anne-France de Saint Laurent-Kogan, Professeure des Universités en Sciences de l'Information et de la Communication, Université Rennes 2
Parce qu’elle est floue et qu’elle « sonne bien », la notion de créativité accompagne autant le capitalisme contemporain que la quête d’un idéal de réalisation de soi.
Texte intégral (2159 mots)
De nombreuses stratégies managériales en appellent à la créativité de leurs salariés. Elle est devenue un moyen de produire de la différence dans une économie très concurrentielle. Shutterstock

Depuis les années 1990, la référence à la créativité s’est propagée aux politiques publiques et au monde de l’entreprise. Citoyens, travailleurs et consommateurs sont enjoints à « libérer leur créativité ». Un discours qui accompagne le projet des nouvelles industries créatives, mais dont il est difficile de saisir les retombées.


De BO&MIE, la « boulangerie créative » française, à HP, la multinationale informatique américaine qui propose de « designer votre créativité », la créativité est devenue le nouveau mantra des discours politiques, marketing et managériaux.

Malgré la difficulté à définir les domaines et emplois associés et donc la portée de ces discours, cette injonction à la créativité continue de circuler. Parce qu’elle « sonne bien » et qu’elle est « joyeuse et colorée », mais aussi suffisamment floue pour englober des enjeux contradictoires, elle accompagne aussi bien le capitalisme contemporain que la quête d’un idéal de réalisation de soi.

Aux origines de la « référence créative »

Des siècles durant, Dieu seul pouvait créer, l’homme n’étant que son médiateur. Il faut attendre le XXe siècle et le processus de laïcisation de la société pour concevoir que l’individu lui-même puisse faire œuvre de création artistique. La notion de créativité – cette capacité à inventer idées originales et voies nouvelles – est donc très récente. Si la création reste associée au domaine des arts, et garde une part de mystère liée à son origine divine, la créativité peut concerner bien d’autres activités, et relève d’un potentiel au même titre que l’intelligence. Elle est en réalité toujours présente, quelle que soit la nature du travail, pour simplement faire face aux imprévus, par exemple.

La mobilisation de la créativité dans d’autres domaines que les arts et la culture va se faire au service d’une nouvelle industrie, dite « créative », qui viendrait prolonger les industries culturelles. Cette notion d’industries culturelles et créatives (ICC) trouve son origine en Grande-Bretagne au milieu des années 1990, dans un think tank du gouvernement travailliste. La promotion des ICC fut une réponse à la désindustrialisation de grands pans de l’économie, notamment en stimulant le développement de l’économie numérique. Les ICC rassemblent alors tout un ensemble d’activités, comme les jeux vidéo, le design, le tourisme, qui auraient pour ressource la créativité individuelle et qui seraient susceptibles de créer de la valeur et des emplois, car difficilement délocalisables.


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Soutenue par un acteur clé comme l’Unesco, qui publie en 2012, « Politiques pour la créativité. Guide pour le développement des industries culturelles et créatives », la référence créative se propage dans le cadre des politiques publiques, à l’instar des « quartiers de la création » ou du réseau des « villes créatives ».

Dans les entreprises qui ne relèvent pas des ICC, les stratégies managériales en appellent aussi à la créativité de leurs salariés, car elle est devenue un moyen de produire de la différence dans une économie très concurrentielle. Ces entreprises en font aussi un slogan marketing pour susciter la curiosité des consommateurs, comme Adidas et son slogan « Ici pour créer ». Les entreprises du numérique mobilisent aussi largement cette injonction à la créativité dans leur stratégie commerciale pour inciter les usagers à produire du contenu : la suite Adobe devient « Adobe Creative » ; HP propose de « designer votre créativité ».

Greffer de l’esthétique pour augmenter la valeur des produits

Une première critique portée à la notion d’ICC est qu’elle préjuge d’un prolongement naturel des activités qui relèvent des industries culturelles à celles qui relèvent des industries créatives. Les premières rassemblent des filières où la création artistique est au cœur d’un produit, tout en étant engagée dans un processus de reproduction à grande échelle : le livre, la musique, les productions audiovisuelles, les jeux vidéo. Alors que les secondes renvoient à des activités beaucoup plus disparates : design, mode, gastronomie, publicité, architecture, etc., qui ne relèvent pas d’une reproduction industrielle. Les industries créatives rassemblent surtout des activités qui produisent du symbolique (un visuel ou une idée originale), mais pour se greffer à des services et produits qui ne relèvent pas des arts ou de la culture.

Ce prolongement permet de récupérer l’aura des produits culturels pour d’autres produits à valeur utilitaire. Cette greffe d’une dimension symbolique (esthétique, identitaire, etc.) à des produits courants permet d’en augmenter la valeur marchande, pour échapper à la concurrence par les prix imposée par la mondialisation. Des gourdes ou des carnets aux couvertures illustrées par des « créatifs » peuvent ainsi se vendre plus cher.

Des cahiers colorés en vente sur un étal
Des machandises comme des carnets aux couvertures illustrées par des « créatifs » peuvent se vendre plus cher. Shutterstock

L’enchantement de l’individu « créatif »

La référence créative traduit aussi un changement d’échelle. Si l’innovation renvoie à l’organisation, la créativité renvoie à l’individu. Ainsi, dans les rapports institutionnels et discours médiatiques, la promotion des ICC passe par l’enchantement de l’individu « créatif » qui, en freelance, peut se libérer du joug du salariat, aspirer à un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle et s’épanouir personnellement par le choix d’une activité où il peut exprimer son « authenticité ».


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Cet enchantement participe de « la conversion de l’artiste en créatif », formule qui synthétise les différents objectifs portés par ces discours. L’un d’eux est d’enjoindre les artistes et créateurs à se soumettre aux exigences marchandes, sans opposer mais au contraire en articulant les exigences esthétiques à des exigences entrepreneuriales. Ainsi, de nombreux artistes peuvent à la fois exposer en galerie, réaliser des commandes pour des entreprises et proposer des ateliers d’initiation à leur pratique artistique. Un autre objectif est d’inciter tout individu à devenir créateur ou créatrice de contenus numériques pour le nouvel espace médiatique qu’est le Web. YouTube propose par exemple toute une palette de services en ligne pour accompagner cette conversion.

Comment saisir les retombées de ces discours et politiques publiques annoncées ? Pour ce qui concerne les industries culturelles traditionnelles (édition, musique, cinéma/audiovisuel, jeux vidéo), elles se caractérisent par des écarts de rémunération et de réputation extrêmement importants. Pour quelques artistes auréolés, nombreux sont ceux qui survivent en marge du secteur, dans des conditions d’existence précaires faites d’une succession incertaine de contrats courts.

Si l’on considère dans leur ensemble les ICC, les définitions sont trop vastes pour mener des analyses rigoureuses. De plus, si ces travailleurs sont nombreux, ils sont peu visibles dans les statistiques, car ils opèrent sur différents statuts et exercent souvent plusieurs activités en parallèle.

Les travailleurs créatifs pris entre exigence esthétique et commerciale

Une enquête réalisée auprès d’une trentaine de travailleurs indépendants du domaine de la création numérique (infographistes, webdesigners, youtubeurs, vidéastes, illustrateurs) révèle que ces « web créatifs freelances » revendiquent cet idéal romantique de l’artiste libéré des contraintes spatio-temporelles, de la subordination salariale, porteur d’aspirations émancipatrices.

Néanmoins, malgré ces revendications, soumis aux impératifs d’un marché concurrentiel et responsables de leurs succès comme de leurs échecs, ils réactualisent certaines normes et valeurs instituées du travail salarié en entreprise : délimitation des sphères de privée/publique/professionnelle ; stratégies de gestion du temps pour réguler leur « liberté » tout en considérant la temporalité comme mesure de leur production ; espaces voués au seul travail, comme les espaces de coworking. Pour répondre aux exigences paradoxales de l’autoentrepreneur de soi-même – répondre aux exigences du marché tout en cherchant à rester soi-même –, les créatifs étudiés font largement appel à des coachs, à des techniques de développement personnel, voire s’investissent en parallèle dans des activités artistiques, des mouvements associatifs ou politiques s’assurant ainsi la réalisation d’un soi authentique. Sur le temps long, ces exigences paradoxales épuisent certains, qui souhaitent revenir au « confort » du salariat.

La référence créative accompagne donc de nombreux enjeux de nature très différente : réindustrialisation, flexibilité du travail, épanouissement individuel. Jusqu’à quel point ? Faire appel à la créativité pour répondre aussi à la crise climatique ? Il n’y a qu’un pas.

The Conversation

Anne-France de Saint Laurent-Kogan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

28.03.2025 à 10:06

« The White Lotus » saison 3 : pourquoi le changement de générique fait tant parler

Frédéric Aubrun, Enseignant-chercheur en Marketing digital & Communication au BBA INSEEC - École de Commerce Européenne, INSEEC Grande École
Le changement de générique de « The White Lotus » illustre une évolution plus large des génériques de série, devenus des espaces d’interprétation active pour les spectateurs.
Texte intégral (2718 mots)
Le générique n’est pas un élément figé mais un « puzzle » dont les pièces « se mettent progressivement en place » en écho à la narration de la série. The White Lotus, saison 3/HBO, CC BY

Satire sociale qui suit de riches Occidentaux en vacances dans de grands hôtels de luxe, la série The White Lotus fait parler d’elle avec le changement radical de son générique pour sa saison 3 qui se situe en Thaïlande. Cette évolution illustre un phénomène plus large : les génériques TV sont devenus des espaces d’interprétation active pour les spectateurs. Décryptage.


Depuis le 17 février dernier, le nouveau générique de la troisième saison de The White Lotus déroute les fans. Après deux saisons caractérisées par les vocalises distinctives « woooo looo loooo », de Cristobal Tapia de Veer, la série d’anthologie de Mike White, showrunner et créateur de la série, prend un virage musical radical.

Les percussions tribales et les chants hypnotiques cèdent la place à une composition plus sombre, aux accents d’accordéon, qui accompagne désormais le voyage spirituel des personnages en Thaïlande. Ce changement a provoqué une vague de réactions sur les réseaux sociaux, certains fans criant au sacrilège tandis que d’autres défendent l’audace créative du créateur de la série. « Ça se déchaîne sur les réseaux », confirme Charlotte Le Bon, actrice de cette nouvelle saison.

The White Lotus saison 3 | Opening Credits Theme Song | Max.

Mais cette controverse révèle un phénomène plus profond : l’évolution du rôle du générique dans notre expérience des séries contemporaines et la façon dont nous, spectateurs, participons activement à la construction de son sens.


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Loin d’être un simple ornement, le générique de The White Lotus est devenu un espace de dialogue entre créateurs et public, un lieu d’interprétation active où chaque élément visuel et sonore participe à notre compréhension de l’œuvre. Cette évolution illustre parfaitement ce que nous appelons une « hyperesthétisation du générique télévisuel ».


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Un puzzle qui évolue avec le visionneur

Pour comprendre l’importance de ce changement musical, il faut d’abord saisir comment les génériques de The White Lotus fonctionnent au niveau sémiotique. Loin d’être de simples séquences visuelles et musicales fixes, leur sens évolue selon l’avancement du spectateur – ou plutôt du « visionneur actif ». Ce que nous observons dans la réception des génériques de The White Lotus illustre parfaitement cette dynamique : le générique n’est pas un objet figé, mais un « puzzle abstrait et poétique » dont les pièces prennent progressivement sens à mesure que l’histoire se déploie. À chaque épisode, nous redécouvrons ce même générique « d’un œil nouveau », comme l’explique Ariane Hudelet, car ses images et sons « se chargent de la valeur narrative et symbolique qu’ils ont pu acquérir dans leur contexte diégétique » (la diégèse est l’espace-temps dans lequel s’inscrit l’histoire contée par l’œuvre, ndlr).

Cette perspective est particulièrement pertinente pour une série d’anthologie comme The White Lotus.

« La relation qu’entretient le générique avec sa série est cruciale : sans série, le générique n’existerait pas. Mais, paradoxalement, le générique fait, lui aussi, exister la série, il en est une sorte de révélateur chimique », explique Éric Vérat.

Cette relation dialectique prend une dimension encore plus importante lorsque le cadre, les personnages et l’intrigue changent complètement d’une saison à l’autre. Le générique devient alors l’élément d’unification qui maintient l’identité de la série.

C’est précisément ce qui rend le changement de la saison 3 si significatif : en transformant radicalement le thème musical, Mike White bouscule ce point d’ancrage identitaire de la série. Mais ce faisant, il nous invite aussi à participer activement à la construction d’un nouveau sens, aligné avec la thématique spirituelle de cette saison.


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L’évolution des génériques : d’Hawaï à la Thaïlande

À travers ses trois saisons, The White Lotus nous offre une remarquable étude de cas sur l’évolution des génériques en lien avec les thématiques narratives. Chaque générique fonctionne comme un microcosme qui condense l’essence de sa saison respective, tout en maintenant une cohérence esthétique qui transcende les changements de décor.

Générique et thème d’ouverture de la série The White Lotus, HBO.

Dans la première saison située à Hawaï, le générique nous plonge dans un univers de papier peint tropical apparemment idyllique, mais progressivement perturbé. À première vue, nous voyons des motifs floraux et animaliers paradisiaques. Pourtant, en y regardant de plus près, ces éléments se transforment subtilement : les fruits commencent à pourrir, les animaux prennent des postures agressives, les plantes deviennent envahissantes.

Cette métamorphose visuelle, accompagnée des vocalises hypnotiques de Cristobal Tapia de Veer, reflète parfaitement le propos de la saison : derrière l’apparente perfection du resort de luxe se cachent des dynamiques de pouvoir toxiques. En cela le générique remplit bien sa fonction d’« ancrage » pour reprendre un terme de Roland Barthes, tout en nous donnant l’ambiance de la saison.

Générique et thème d’ouverture de la saison 2 de The White Lotus, HBO.

Pour la deuxième saison en Sicile, le papier peint cède la place à des fresques inspirées de la Renaissance italienne. L’iconographie devient explicitement sexuelle, avec des scènes de séduction, de passion et de trahison évoquant la mythologie gréco-romaine. La musique conserve sa signature distinctive, mais s’enrichit de chœurs méditerranéens et de harpe, signalant le passage à une thématique centrée sur le désir et ses dangers.

Le générique fonctionne ici comme un avertissement : derrière la beauté classique et l’hédonisme sicilien se cachent des passions destructrices.

Générique et thème d’ouverture de la saison 3 de The White Lotus, Max.

La troisième saison en Thaïlande opère la transformation la plus radicale. Visuellement, le générique s’inspire de l’iconographie bouddhiste et des représentations occidentales de la spiritualité asiatique. Mandalas, statues, postures de méditation et symboles sacrés s’entremêlent avec des signes de richesse et de luxe. Mais c’est au niveau sonore que la rupture est la plus marquée : les iconiques vocalises « woooo looo loooo » disparaissent au profit d’un thème plus sombre, méditatif, accompagné d’accordéon.

Ce choix audacieux témoigne de la volonté de Mike White d’aligner parfaitement le générique avec la thématique plus existentielle de cette saison, centrée sur la quête spirituelle et la confrontation à la mort.

À chaque saison, le visionneur est invité à reconstruire ce puzzle sémiotique, à tisser des liens entre les éléments du générique et les développements narratifs. Ce processus actif d’interprétation constitue ce que notre recherche identifie comme la « circulation du sens par le visionneur » –  une dynamique particulièrement visible dans cette série d’anthologie.

La musique comme point d’ancrage

Au cœur de la controverse sur le générique de la saison 3 se trouve la musique de Cristobal Tapia de Veer, compositeur québécois d’origine chilienne dont la signature sonore était devenue indissociable de l’identité de The White Lotus.

Son cocktail unique mêlant percussions tribales, vocalises distordues et sonorités électroniques avait créé une atmosphère aussi envoûtante qu’inquiétante, parfaitement alignée avec l’ambiance satirique de la série.

Cette musique a rapidement transcendé le cadre de la série pour devenir un phénomène culturel à part entière.

« avec ses quelques notes de harpe et son rythme entraînant, c’est le générique de série qui a fait danser des milliers de personnes devant leur télé, et même en soirée », explique la comédienne Charlotte Le Bon

Le thème a envahi TikTok et certains clubs où des DJ l’ont intégré à leurs sets, illustrant sa capacité à fonctionner comme un objet culturel autonome.

La musique du générique est devenue, selon les termes de Barthes, un « ancrage » qui guide notre interprétation de la série. Répétée au début de chaque épisode, elle fonctionne comme un signal familier qui nous introduit dans cet univers.

En changeant radicalement cette signature musicale pour la saison 3, Mike White fait plus qu’un simple choix esthétique. Il bouscule nos repères, mais nous invite aussi à participer activement à la construction d’un nouveau sens, en parfaite cohérence avec la thématique spirituelle de cette saison thaïlandaise.

Le générique comme espace de dialogue

L’évolution des génériques de The White Lotus et la controverse entourant le changement musical de la troisième saison illustrent une tendance significative : l’émergence du générique comme espace privilégié de dialogue entre créateurs et public dans les séries contemporaines.

Cette transformation s’observe dans plusieurs génériques que nous avons étudiés. Celui de The Wire (HBO, 2002-2008) utilise ainsi la répétition et la variation comme principe fondateur : chaque saison reprend la même chanson (« Way Down in the Hôle »), mais avec un interprète différent, reflétant le changement de focus narratif sur un autre aspect de Baltimore, ville centrale de la série. Game of Thrones (HBO, 2011-2019) propose une carte interactive qui évolue selon les lieux importants de chaque épisode, permettant au spectateur de se repérer dans cet univers complexe tout en annonçant les enjeux géopolitiques à venir. Quant à Westworld (HBO, 2016-2022), son générique utilise des images de synthèse évoquant la création d’androïdes, suggérant déjà les thèmes de la conscience artificielle et du transhumanisme qui traversent la série.

Official Opening Credits: Game of Thrones, HBO.

Dans une époque où l’on peut facilement sauter le générique d’un simple clic, leur transformation en objets culturels autonomes, parfois cultes, témoigne paradoxalement de leur importance croissante. Ces séquences ne sont plus de simples portes d’entrée fonctionnelles vers la fiction, mais des œuvres à part entière qui condensent l’essence de la série tout en sollicitant activement notre interprétation.

L’approche sociosémiotique nous permet de comprendre comment le sens de ces génériques circule et évolue selon le parcours du visionneur.

Dans le cas des génériques de The White Lotus, cette circulation du sens opère à plusieurs niveaux : entre les épisodes d’une même saison, entre les différentes saisons, et même au-delà de la série, lorsque le thème musical devient un phénomène culturel indépendant. Le changement radical opéré pour la saison 3 peut ainsi être compris non pas comme un simple revirement esthétique, mais comme une invitation à participer à une nouvelle quête de sens, parfaitement alignée avec la thématique spirituelle de cette saison.

En nous bousculant dans nos habitudes, Mike White nous incite à renouveler notre regard et notre écoute, à redécouvrir le générique comme un espace d’interprétation active plutôt que comme un simple rituel de reconnaissance.

Cette controverse nous rappelle finalement que les génériques sont devenus des lieux privilégiés d’expression artistique et de circulation du sens dans les séries contemporaines. Ils confirment que, dans l’âge d’or télévisuel actuel, chaque élément, jusqu’au plus périphérique, participe pleinement à l’expérience narrative globale et à notre engagement actif dans l’interprétation de ces œuvres.


Cette contribution s’appuie sur l’article de recherche de Frédéric Aubrun et Vladimir Lifschutz, « Hyperesthétisation du générique TV : circulation du sens par le visionneur », paru dans le n°28 de la revue CIRCAV (Cahiers interdisciplinaires de la recherche en communication audiovisuelle).

The Conversation

Frédéric Aubrun ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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