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19.08.2025 à 11:56
L’endettement de l’État sous Chirac, Sarkozy, Hollande, Macron… ce que nous apprend l’histoire récente
Texte intégral (2633 mots)
Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande puis Emmanuel Macron ont été confrontés à la problématique de la dette et de ses intérêts. Comment la conjoncture économique (inflation et croissance) agissent sur cette dette ? Qui a bénéficié d’une bonne ou d’une mauvaise conjoncture ?
La dette n’a cessé de croître au cours de ces trente dernières années. Elle est la somme de tous les déficits publics accumulés depuis le milieu des années 1970. Afin de comparer le montant de cette dette à une capacité de financement, elle est exprimée en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) – ratio dette/PIB, ce qui indique combien d’années de création de richesses (le PIB) sont nécessaires à son remboursement.
Sous Jacques Chirac, elle est passée de 663,5 milliards d’euros à 1 211,4 milliards d’euros, soit de 55,5 % à 64,1 % du PIB. Sous Nicolas Sarkozy, à 1 833,8 milliards d’euros, soit à 90,2 % du PIB. Sous Hollande, à 2 258,7 milliards d’euros, soit 98,4 % du PIB.
À la fin du premier trimestre 2025, la dette de la France représente 3 345,4 milliards d’euros, soit 113,9 % du PIB. Si cet endettement résulte évidemment de choix politiques, déterminant les recettes et les dépenses du pays, il dépend également de la conjoncture économique… qui peut plus ou moins faciliter la gestion de cette dette.
Crise des subprimes en 2008, pandémie de Covid-19, zone euro en récession, bulle Internet, embellie des années 2000, les gouvernements de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron ont connu des conjonctures économiques aussi assombries que radieuses. Avec quels arbitrages ? Explication en graphiques.
Influences de la conjoncture sur la dette
La conjoncture économique peut être analysée à travers deux paramètres, qui sont tous les deux des taux : le taux d’intérêt (r), fixé par la Banque centrale européenne (BCE) et qui détermine la charge d’intérêt à payer sur la dette, et les taux de croissance (g comme growth) qui mesurent l’accroissement annuel de richesses créées (le PIB). La conjoncture économique est à l’origine de deux effets :
Un premier effet est défavorable aux finances publiques. Il se produit lorsque la conjoncture conduit le taux d’intérêt (r) à être supérieur au taux de croissance (g), soit r-g > 0. Dans ce contexte, le surplus de richesse créée induit par la croissance est inférieur aux intérêts à payer sur la dette. De facto, la dette croît, même si les choix politiques conduisent les recettes de l’État à financer ses dépenses (hors charges des intérêts de cette dette), c’est-à-dire si le déficit primaire est nul.
À lire aussi : « La crise politique est plus inquiétante pour l’économie française que la crise budgétaire seule »
Le schéma (Figure 1) indique que cette conjoncture défavorable s’est produite sous le mandat de Jacques Chirac. En cette période, la somme des déficits primaires, soit les dépenses de l’État hors charge de la dette, et les recettes, est quasiment stable (courbe bleue). La dette est en hausse à cause d’intérêts élevés (r entre 2,5 % et 5 %), conjugués avec une croissance modérée (g est autour de 4 %) qui font croître cet endettement (courbe rouge).
Un deuxième effet est favorable aux finances publiques. Si le taux d’intérêt réel est inférieur au taux de croissance (r-g < 0), alors la dette (ratio dette/PIB) peut être stabilisée, même si les dépenses, hors charges des intérêts, sont supérieures aux recettes, c’est-à-dire même si les choix politiques induisent un déficit primaire. En effet, dans ce cas, l’accroissement annuel de la richesse créée (la croissance du PIB) est supérieure à la charge des intérêts.
Le schéma (Figure 1) indique qu’une telle conjoncture s’est produite sous les mandats d’Emmanuel Macron. Pendant cette période, la somme des déficits primaires a fortement crû (courbe bleue) : les choix politiques ont conduit les dépenses de l’État (hors charges des intérêts sur la dette) à être supérieures à ses recettes. Toutefois, la dette a augmenté plus faiblement (courbe rouge), car les taux d’intérêts sont restés plus faibles que la croissance (moins de 2 % pour les taux d’intérêt, r, contre plus de 2,5 % pour la croissance, g).

Contribution de la conjoncture à la dette
L’histoire récente classe en deux groupes les mandats présidentiels. Celui où une « mauvaise » conjoncture explique majoritairement la hausse de la dette (ratio dette/PIB) – dans la figure 1, la courbe rouge croît davantage que la courbe bleue. Celui où les déficits primaires contribuent majoritairement à sa hausse – dans la figure 1, la courbe bleue croît davantage que la courbe rouge.
Le premier regroupe les mandats de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. Le second, ceux de François Hollande et d’Emmanuel Macron.
Les données montrent que sous les deux mandats de Jacques Chirac (1995-2007), le ratio dette/PIB a augmenté de 8,99 points (0,75 point par an). Cette augmentation est due à une « mauvaise » conjoncture pour les finances publiques (effet de r-g > 0) qui a fait croître le ratio dette/PIB de 10,07 points, la dynamique des déficits primaires ayant contribué à le réduire de 1,08 point. Pendant cette période, les taux d’intérêt sur la dette publique étaient très élevés – entre 4 et 6 %.
Sous le mandat de Nicolas Sarkozy (2007-2012), le ratio dette/PIB a crû de 22,76 points (4,55 points par an), dont 11,01 points induits par les déficits primaires, soit 48 % de la hausse totale, et 11,75 points à la conjoncture (52 % du total). Les taux d’intérêt ont continué à être élevés – entre 3 et 4 %. Les déficits primaires importants ont suivi les choix politiques visant à amortir la crise des subprimes.
A contrario, pendant le mandat de François Hollande, c’est la hausse des déficits primaires qui expliquent à 71,5 % de la hausse totale du ratio dette/PIB (9,13 points parmi les 12,74 points de hausse totale, soit 2,55 points par année). Les taux d’intérêt ont continué à baisser, passant de 3 % à moins de 2 %, alors que les déficits primaires n’ont pas été contrôlés, même si les crises des subprimes puis des dettes souveraines étaient passées.
Déficits primaires sous Emmanuel Macron
Les mandats d’Emmanuel Macron, jusqu’en 2024, accentuent encore le trait. La dette n’a augmenté que de 10,8 points (1,35 point par an), car la conjoncture l’a fait baisser de 15,31 points, les taux d’intérêt devenant très faibles, passant sous les 1 % en 2020. La hausse de la dette s’explique uniquement par la très forte hausse des déficits primaires qui l’ont fait croître de 26,11 points, pendant une période où la pandémie de Covid-19 et la crise de l’énergie ont conduit l’État à assurer les Français contre de trop forte baisses de pouvoir d’achat.
À lire aussi : Quand commence un krach boursier ? Et qu’appelle-t-on ainsi ?
La période future, allant de 2025-2029, se classe dans la seconde configuration où la conjoncture facilitera de moins en moins la gestion de la dette publique (r-g < 0). Même avec un objectif politique de maîtrise de l’endettement, la réduction des déficits primaires pourra alors se faire graduellement. Toutefois, avec ces déficits qui continueront à peser sur la dette, la conjoncture facilitera de moins en moins la gestion de la dette publique, car la croissance compensera de moins en moins un taux d’intérêt en hausse.
Le budget présenté par François Bayrou, le 25 juillet dernier, fera croître le ratio dette/PIB de 4,6 points (0,92 point par an), dans un contexte où la conjoncture le réduira de 1,7 point. Les déficits primaires l’augmenteront donc de 6,3 points. Dans ce contexte, l’effort budgétaire proposé par le gouvernement Bayrou permettra de stabiliser le ratio dette/PIB autour de 117 %, certes loin de la stabilisation autour de 60 % des mandats de Jacques Chirac…
Équilibre entre dépenses et recettes
L’évolution du déficit primaire (écart entre les dépenses, hors charges d’intérêt, et les recettes) indique que sur les vingt-neuf dernières années, il y a eu dix années où il s’est accru. Trois hausses majeures se dégagent : en 2002, de 1,82 point avec le krach boursier, en 2009 de 4,2 points, avec la crise des subprimes et, en 2020, de 6,1 points, avec la pandémie de Covid-19.
En 2002, la hausse du déficit était partagée avec 1,1 point lié aux hausses des dépenses et 0,72 point aux réductions des recettes. Les fortes hausses de 2008 et de 2020 sont majoritairement dues à des hausses de dépenses : 95 % des 4,2 points de 2009 et 97 % des 6,1 points de 2020. Afin de contenir la dette, les recettes ont fini par augmenter après les crises, entre 2004 et 2006, puis entre 2011 et 2013 et, enfin, entre 2021 et 2022. Mais il n’y a jamais eu de réduction des dépenses ni après 2011 ni après 2023.
C’est donc leur persistance à un niveau élevé qui explique l’accroissement du ratio dette/PIB. Seule la période très récente (en 2023) avec la crise ukrainienne a conduit l’État à réduire les recettes afin de préserver le pouvoir d’achat dans un contexte de forte inflation.
Contrôle des dépenses publiques
Le plan du gouvernement Bayrou, en faisant peser les trois quarts de l’ajustement sur les dépenses, propose de reprendre le contrôle des dépenses publiques afin qu’elles représentent 54,4 % du PIB en 2029 – ce que l’on observait avant la crise de 2007. Au-delà de stabiliser le ratio dette/PIB, ce choix politique permet aussi d’envisager la possibilité de gérer une éventuelle crise future. La question qui se pose alors est : quels postes de dépenses réduire en priorité ?

Les postes de dépenses qui ont crû depuis 1995 sont ceux liés à l’environnement (+0,8 point de PIB), à la santé (+3,2 points de PIB), aux loisirs, à la culture et au culte (+0,6 point de PIB) et à la protection sociale (+1,3 point de PIB). Ceux qui ont baissé sont ceux liés aux services généraux des administrations publiques (-4,1 points de PIB), à la défense (-1,1 point de PIB) et à l’enseignement (-1,5 points de PIB). À l’avenir, un budget réallouant les dépenses en faveur de la défense et l’enseignement via un meilleur contrôle des dépenses de santé et de protection sociale devra donc être perçu comme un simple rééquilibrage.

François Langot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
18.08.2025 à 18:13
Les cigales, des insectes faussement familiers
Texte intégral (6298 mots)

Profession : cicadologue. Stéphane Puissant est un biologiste qui étudie les cigales. Son objet d’étude l’amène à sillonner la planète, du Maghreb à l’Afrique de l’Ouest en passant par Madagascar. Échanger avec lui, c’est découvrir combien nous connaissons mal ces insectes. C’est aussi apprendre, par exemple, que certaines espèces peuvent vivre plus de vingt ans, que certains mâles restent silencieux, que l’essentiel de la vie d’une cigale se passe sous terre et bien d’autres choses encore.
The Conversation : Les cigales nous semblent familières, car nous sommes nombreux à les entendre l’été, mais d’un point de vue scientifique, sont-elles très étudiées ?
Stéphane Puissant : Les cigales peuvent sembler effectivement familières, car on en trouve partout sur la planète, à l’exception des pôles. Mais l’oreille humaine, qui perçoit les fréquences autour de 2 000 hertz n’est pas du tout capable d’entendre toutes les cigales. Ce seront surtout les grandes cigales que l’on pourra écouter, comme Cicada orni, Lyristes plebejus, deux espèces que tous ceux qui sont allés un jour dans le midi de la France, l’été, ont pu entendre.

Mais la majorité des cigales à travers le monde sont en réalité plus petites. Elles émettent donc des sons de fréquences plus hautes ou même des ultrasons pour les plus petites espèces. On va donc bien moins les entendre, voire pas du tout, surtout quand on a passé la quarantaine, comme c’est mon cas et que notre ouïe est moins performante. Il faut alors avoir des appareils détecteurs d’ultrasons pour les repérer et les identifier grâce à leur cymbalisation.
Je dis cymbalisation, car, contrairement à ce qui est souvent dit, les mâles cigales ne chantent pas, ils cymbalisent, en utilisant pour cela leurs organes appelés « cymbales », uniquement consacrés à la production de sons, qui peuvent être parfois très forts. Ainsi, certaines cigales australiennes font plus de bruit qu’un avion à réaction au décollage, soit parfois plus de 145 décibels !
Ces sons, chez toutes les espèces, ont pour fonction d’attirer les femelles. Ils peuvent également être produits chez certaines espèces pendant l’accouplement. Mais qu’on entende ces bruits à l’oreille ou à l’aide d’appareils, ils ne sont émis que durant une courte période de la vie de l’animal. Durant l’immense majorité de leur existence, les cigales sont invisibles et inaudibles pour celui qui veut l’observer.
Où sont-elles, alors ?
S. P. : Sous terre ! C’est là qu’elles passent l’essentiel de leur vie. Cela étonne souvent les gens, qui les associent au soleil. Mais les jeunes cigales restent sous terre où elles se nourrissent de la sève des racines des plantes. Elles y passent un an, deux ans pour les espèces de petites tailles. Pour les grandes espèces emblématiques du sud de la France, comme Cicada orni, ce sera quatre ans, cinq ans en moyenne, mais cela peut fluctuer entre deux ans et dix ans.
Il y a aussi les cas célèbres des cigales périodiques du genre Magicicada, qu’on trouve en Amérique du Nord et qui passent typiquement treize ans ou dix-sept ans sous terre, mais parfois aussi plus de vingt ans pour certaines populations.

Toujours aux États-Unis, mais plutôt dans la moitié sud du pays cette fois, Okanagana synodica est une cigale également capable de passer une vingtaine d’années sous terre.
Après ces années passées sous terre, que ce soit deux ans ou vingt de plus, les cigales finissent par sortir pour se reproduire. C’est là qu’on peut donc les voir et les entendre, mais pour une très courte période de temps au regard de leurs années souterraines, car la durée de vie d’un spécimen n’est alors plus que d’une semaine ou deux, à la suite de quoi, les cigales, mâles et femelles, meurent. La femelle, juste avant, aura pondu des œufs sur les végétaux environnants. Ces œufs une fois éclos, les jeunes cigales se laisseront tomber à terre où elles s’enfonceront dans le sol, et où un nouveau cycle recommencera.
Tout cela pour dire que, si la cigale naît et meurt dans les arbres, elle passera l’essentiel de sa vie sous terre, ce qui fait qu’elle reste très difficile à observer, surtout pour certaines espèces qui ne sont visibles que deux à trois semaines dans l’année. Il faut donc bien les connaître et être réactif pour les étudier.
Quand on est cicadologue, est-il fréquent de découvrir aussi de nouvelles espèces ?
S. P. : Je pense qu’il doit y avoir peut-être trois à cinq fois plus de cigales dans le monde que celles qu’on connaît actuellement, même si cela reste difficile à évaluer.
Lorsque nous prospectons, en tant que spécialistes, il n’est pas si rare que cela de trouver de nouvelles espèces pour la science, surtout lorsque nous menons des recherches de terrain dans des zones qui n’ont encore jamais été prospectées par un spécialiste du groupe. Ça peut paraître excitant, mais parfois cela devient éprouvant. On déblaie sans cesse dans le champ de l’inconnu. On pense avoir gravi une montagne et puis, quand on est au sommet, on découvre une nouvelle chaîne de monts derrière, puis encore une autre… Cela montre finalement à quel point la vie sur terre reste méconnue, il reste tant à découvrir !
Je reviens ainsi cet été d’une mission dans le nord-ouest de l’Espagne avec un collègue suisse et un autre collègue français, spécialistes du genre Cicadetta, qui sont des petites cigales. Nous sommes partis une quinzaine de jours et tous les deux ou trois jours, de nouvelles découvertes apportaient leur lot de surprises.
Les espèces de Cicadetta sont généralement des cigales de moins de deux centimètres, qui émettent des fréquences parfois à la limite des ultrasons, qui sont très farouches et sont souvent endémiques à la région où on les trouve.
Du coup, comment fait-on pour les trouver et les étudier ?
S. P. : Lors de cette mission en Espagne, j’ai notamment utilisé une technique qui m’a été apprise par des collègues néo-zélandais et australiens pour entrer en communication avec l’animal et l’amener à se rapprocher. Car ces cigales peuvent parfois se trouver à plus de 10 mètres ou 15 mètres au sommet des arbres.
Imaginez donc, une cigale à peine plus grosse qu’une mouche, farouche, très mobile et qui émet une cymbalisation à la limite des ultrasons au sommet des arbres ! L’observer et l’enregistrer s’avère presque mission impossible, il faut a minima des outils et certaines techniques pour cela. Une de ces techniques, donc, c’est le snapping ou « claquement de doigts », en français.
Cela permet d’imiter le battement d’ailes que font théoriquement les femelles dans ce groupe de cigales. Par ce procédé, elles indiquent aux mâles là où elles se situent. Quand on trouve le rythme que feraient ces femelles en réponse aux émissions sonores des mâles, généralement en claquant des doigts au moment qui semble être accentué dans la cymbalisation du mâle, on va pouvoir amener ces derniers à se rapprocher de nous. Pour cela, bien sûr, il faut entendre les mâles et ceci n’est possible que si l’on est équipé de détecteurs d’ultrasons avec amplificateur.
C’est comme cela qu’on peut réussir à capturer des spécimens qui deviendront des « types » si l’espèce s’avère être nouvelle pour la science. Ces « types » sont des spécimens de référence qui seront déposés dans une collection scientifique d’un Muséum national d’histoire naturelle. Cette démarche scientifique rigoureuse est dictée par le code international de nomenclature zoologique lorsqu’il s’agit de décrire et nommer une nouvelle espèce.
Je sais aussi que vous avez pu décrire une espèce de cigale assez unique, la cigale marteau. Qu’est-ce qui la singularise ?
S. P. : Elle se distingue, car elle a, comme le requin marteau, une tête avec des yeux sur pédoncules assez énigmatiques. On a du mal d’ailleurs à comprendre les causes de cette évolution si singulière.

C’est une cigale relativement petite, moins de deux centimètres, qui est extrêmement mystérieuse, car rarissime et unique par l’aspect de sa tête dans toute la famille des Cicadidae du globe. Ses caractéristiques morphologiques sont tellement singulières que cette espèce constitue à elle seule une tribu nouvelle pour la science que nous avons été amenés à décrire à l’époque avec Michel Boulard, éminent spécialiste mondial des cigales.
Son environnement, dans le sud de la Thaïlande, a été très détruit. On a seulement pu observer quelques individus dans les amples dépendances, non entretenues de longue date, d’un vieux temple bouddhiste. Malgré sa morphologie tout à fait unique, elle est aussi passée inaperçue pendant des siècles, on a du mal à savoir pourquoi.
En France hexagonale, découvre-t-on encore de nouvelles cigales ?
S. P. : Actuellement, il y a 22 cigales différentes connues : 21 espèces recensées, dont deux espèces représentées par des sous-espèces géographiquement délimitées : Tibicina corsica corsica, en Corse, Tibicina corsica fairmairei dans le nord des Pyrénées-Orientales jusque dans le sud de l’Hérault.

Il y a également Cicadetta brevipennis litoralis que j’ai décrite avec un collègue suisse, Thomas Hertach, dans les Pyrénées-Orientales et qui est une cigale d’arrière-dune. Elle se rencontre dans des milieux parfois partiellement inondés, une certaine partie de l’année, qu’on appelle les sansouïres.
Cette sous-espèce du littoral, endémique des Pyrénées-Orientales, est d’ailleurs très menacée, car dépendante d’environnements locaux qui le sont également, par la pression touristique sur le littoral et par tous les bouleversements majeurs de son milieu fragile de reproduction.
Hormis ces sous-espèces récemment décrites, le nombre total d’espèces de cigales en France n’a plus tellement évolué ces dernières années, mais il est possible qu’il y ait encore des espèces inconnues à trouver, notamment dans des zones où les entomologistes spécialistes sont encore peu allés, dans certains massifs montagneux par exemple.
Lorsqu’on pense cigale, on pense immédiatement au sud de la France, mais peut-on en trouver également dans la moitié nord de l’Hexagone ?
S. P. : Bien sûr ! Il y a par exemple Cicadetta montana qu’on rencontre en Bretagne et même plus au nord en Europe, mais il faut avoir l’ouïe fine pour détecter sa présence. En 2007, avec mon confrère Jérôme Sueur, nous avons également pu décrire une nouvelle espèce pour la Science présente en région parisienne, elle aussi difficile à entendre. Nous l’avons d’ailleurs appelée la « cigale fredonnante », car elle émet un son à peine audible, très haché et très court.

Récemment, plusieurs médias locaux français se sont étonnés que l’on entende des cigales dans des régions où l’on ne les aurait pas entendues avant, à Lyon par exemple ou bien en région parisienne, et beaucoup sont tentés d’expliquer cela du fait du changement climatique. Est-ce la réalité ?
S. P. : Pas vraiment, car les cigales ne bougent presque jamais de l’endroit où elles sont nées. Mes collègues scientifiques portugais et espagnols ont étudié les capacités de déplacement des individus de diverses populations de cigales. Ils ont constaté que les capacités de déplacements des individus d’une population étaient très faibles et d’autant plus réduites que les milieux étaient perturbés.
Dans d’autres groupes d’insectes, il y a bien sûr des spécimens qui migrent, et qui, par le déplacement, peuvent nous indiquer qu’ils sont capables de coloniser de nouvelles zones parce que les conditions y sont plus propices, mais ce n’est pas le cas des cigales. Parfois, certains spécimens peuvent profiter des ascendances thermiques en montagne pour gagner des altitudes plus élevées via les courants d’air chaud. Seul l’avenir dira si une population pérenne pourra alors se maintenir.
Alors comment expliquer ces observations dans le nord de la France ?
S. P. : Déjà, il faut se rappeler que les espèces de cigales les plus faciles à entendre passent plusieurs années sous terre avant de sortir, d’être visibles et audibles pour l’humain, et qu’elles vont très vite mourir une fois la reproduction achevée.
Parfois, les gens peuvent donc avoir oublié qu’ils avaient entendu, y a quatre ou cinq ans, des cigales autochtones comme Tibicina haematodes, la cigale rouge. Car, il y a des années où il est possible d’entendre plus de cigales, ceci est intrinsèque au cycle de vie des populations de l’espèce. Certaines années, très peu de spécimens sortiront du sol en un milieu donné alors que, deux ou trois ans plus tard, ils seront nombreux. C’est une dynamique naturelle à l’espèce qui est très nettement influencée par la ressource alimentaire disponible, soit la sève des plantes, et les conditions hygrothermiques de la période de l’année où les jeunes cigales émergent du sol.

Il y a aussi un phénomène plus inquiétant. Certaines personnes dans des régions nord aiment avoir un olivier ou une plante du sud de la France ou d’Espagne en pot chez elles. Dans ces pots, il peut y avoir de jeunes cigales encore sous terre qui, un été, vont se décider à sortir. Cela arrive ainsi avec Cicada orni dans la moitié nord de la France mais aussi avec la présence avérée et sporadique de Cicada barbara en France. C’est une cigale dont l’aire de répartition d’origine s’étend du nord Maghreb jusque dans la moitié sud du domaine ibérique. Sa présence en France n’est donc pas naturelle. Lorsqu’on recherche les causes de sa présence, on peut souvent noter, non loin de l’endroit où se fait entendre l’espèce, la présence d’une serre, d’une pépinière ou encore d’une plantation récente.
En général, ces espèces ne vont pas réussir à s’adapter. C’est ce que j’ai pu observer par exemple avec Cicada orni. Il y a quelques années, j’ai entendu plusieurs mâles cymbalisant dans les grands platanes de mon lieu de travail, au Jardin de l’Arquebuse du Muséum d’Histoire naturelle de Dijon. Je me suis demandé si l’espèce allait pouvoir se maintenir, mais trois ans après, elle avait disparu. Sous le climat de la Bourgogne, elles n’ont soit pas pu se reproduire, soit leurs œufs n’ont pas réussi à éclore.
D’autres médias, cette fois-ci du sud de la France, ont pu s’inquiéter parfois de cigales qu’on n’entendait plus certains jours, ou du moins certains étés. À quoi est-ce dû ?
S. P. : Les cigales vont sortir de terre et se mettre à cymbaliser lorsqu’il fait une certaine température, entre 19 et 22 °C pour les petites espèces, plus autour de 24 °C ou 25 °C chez les grandes. Mais une fois au grand air, elles ne vont pas pour autant cymbaliser sans discontinuer. S’il pleut, s’il vente trop, elles vont s’arrêter. Les très fortes chaleurs inhibent également leur activité, tout du moins durant une partie de la journée, lors des pics de températures.
Au sein des populations, il y a aussi des mâles qui ne cymbalisent pas systématiquement, comme c’est le cas par exemple chez Tibicina haematodes. On les appelle les mâles satellites. Ils vont en gros se positionner à côté d’un autre mâle qui, en cymbalisant, va lui attirer les femelles. Positionné non loin, le mâle satellite va alors à la rencontre de la femelle qui s’approche, en restant silencieux. Le mâle qui a fait des efforts n’en récoltera donc pas les fruits.
Pour l’oreille humaine, cela semble très difficile de localiser une cigale précisément, on entend plutôt le brouhaha environnant que font divers mâles qui cymbalisent. La femelle cigale a-t-elle l’ouïe plus fine pour pouvoir localiser précisément un individu mâle en particulier ?
S. P. : Le mâle et la femelle ont bien sûr un système d’audition optimal pour la perception du message codant propre à leur espèce. Cela peut compenser, chez certaines espèces, une vue pas toujours précise. J’ai ainsi parfois vu des cigales mâles tenter de s’accoupler avec mon pouce quand je l’approchais d’eux.
Pour localiser le mâle avec son ouïe, donc, la femelle va d’abord géolocaliser l’endroit où il y a un ou plusieurs mâles avec les basses fréquences de leur cymbalisation. Ce sont ces basses fréquences qui portent le plus loin, notamment à travers le feuillage des arbres.
Elle va ensuite pouvoir beaucoup plus précisément localiser un individu avec les hautes fréquences que, nous, nous n’entendons guère. Certaines espèces vont donc alterner ces deux types de fréquences ou les émettre simultanément.
Parfois, chez certaines espèces, lorsque la femelle a localisé un ou plusieurs mâles, elle va se mettre à claquer des ailes, ce qui va inciter le mâle qui l’entend à changer son répertoire d’émissions sonores. Il pourra dans ce cas émettre une cymbalisation de cour, incitant la femelle à le rejoindre pour s’accoupler.
N’oublions pas que chaque espèce de cigale à une cymbalisation d’appel nuptial qui lui est propre. Il est donc possible d’identifier l’espèce à partir de ses émissions sonores.
Le brouhaha qu’on entend serait donc en réalité un chœur très organisé ?
S. P. : Oui, tout à fait ! Mais l’organisation complexe des cymbalisations est souvent difficile à entendre à l’oreille humaine. Certaines cigales, par exemple, semblent émettre leur cymbalisation en continu, comme Tibicina haematodes déjà évoquée précédemment. Cela nous paraissait étonnant, car il est important aussi pour les mâles de prêter attention aux autres mâles, aux femelles qui pourraient claquer des ailes, aux potentiels prédateurs… Or, si un mâle cymbalise sans s’arrêter, comment peut-il entendre ?
Mais en se penchant vraiment sur leur cymbalisation, on peut détecter des microcoupures, parfois de moins d’une seconde. À l’oreille, il faut s’entraîner pour les percevoir, mais à l’enregistrement, c’est très net lorsqu’une cymbalisation est analysée à l’aide d’un logiciel acoustique. On pense donc que c’est pendant ces microcoupures que les mâles se jaugent mutuellement ou, par exemple, mesurent la distance à laquelle ils se trouvent les uns des autres.
Il y a aussi parfois, dans un même environnement, plusieurs espèces de cigales différentes. Mon confrère Jérôme Sueur a montré, pendant sa thèse dans le cadre de ses recherches menées au Mexique, que les espèces pouvaient répartir leur activité durant des heures différentes de la journée, ou bien ne pas émettre aux mêmes fréquences pour que les femelles conspécifiques puissent les localiser.
On a aussi pu parfois noter au sein d’une même espèce que les individus mâles situés en périphérie de l’aire de répartition cymbalisent de façon différente de ceux présents au cœur de l’aire. Avec la distance et le temps, les émissions des mâles peuvent devenir suffisamment différentes au point qu’une femelle née à quelques centaines de kilomètres de là, et mise en leur compagnie peut ne pas systématiquement s’accoupler avec ces mâles. La communication sonore chez les cigales est en effet un des mécanismes puissants de la spéciation.
Et puis enfin, il y a, pour le genre Cicadetta par exemple, des comportements qui sont tout à fait différents : les mâles de certaines espèces vont voler en groupe pour chercher les femelles. Mais, comme beaucoup d’autres choses cela reste à être précisément étudié, car c’est encore très mal connu.

Propos recueillis par Gabrielle Maréchaux.

Stéphane Puissant ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
18.08.2025 à 16:49
Marie Tharp, la cartographe qui a changé la face des fonds marins
Texte intégral (3829 mots)

La géologue et cartographe américaine Marie Tharp (1920-2006) a révolutionné la conception scientifique du fond océanique. En démontrant que les fonds marins ne sont pas une surface plane ni uniforme, l’océanographe a joué un rôle crucial dans le développement de la théorie de la tectonique des plaques.
Malgré toutes les expéditions en eaux profondes et tous les échantillons prélevés des fonds marins au cours des cent dernières années, les profondeurs de l’océan restent encore pleines de mystères. En savoir davantage pourrait pourtant nous être bien utile.
Et ce, pour plusieurs raisons. La plupart des tsunamis, par exemple, sont provoqués par des tremblements de terre sous le, ou près du, fond océanique. Les abysses abritent aussi des poissons, des coraux et des communautés complexes de microbes, de crustacés et d’autres organismes encore très méconnus. Enfin, les fonds marins contrôlent les courants qui répartissent la chaleur, contribuant ainsi à réguler le climat terrestre.
À lire aussi : Les premières images d’un calamar colossal dans les fonds marins prises par des scientifiques

L’étude de ces fonds marins mystérieux doit beaucoup à une femme, née en 1920 (et décédée en 2006, ndlr), nommée Marie Tharp. Les cartes créées par cette géologue et océanographe ont changé la façon dont les gens imaginent les mers et les océans qui recouvrent plus des deux tiers de notre planète bleue. À partir de 1957, Tharp et son partenaire de recherche Bruce Heezen ont commencé à publier les premières cartographies complètes montrant les principales caractéristiques du fond océanique : monts, vallées et fosses.
En tant que géoscientifique, je pense que Tharp devrait être aussi célèbre que Jane Goodall ou Neil Armstrong. Voici pourquoi.
Traverser l’Atlantique
Jusqu’au milieu des années 1950, de nombreux scientifiques pensaient que les fonds marins étaient uniformes. Tharp a démontré qu’au contraire, ils comportaient des reliefs accidentés et qu’une grande partie d’entre eux étaient disposés de manière systématique.
Ses illustrations ont joué un rôle essentiel dans le développement de la théorie de la tectonique des plaques, selon laquelle les plaques, ou grandes sections de la croûte terrestre, interagissent pour générer l’activité sismique et volcanique de la planète. Des chercheurs antérieurs, en particulier Alfred Wegener, avaient déjà remarqué à quel point les côtes de l’Afrique et de l’Amérique du Sud s’emboîtaient parfaitement et avaient émis l’hypothèse que les continents avaient autrefois été reliés.
Tharp a identifié des monts et une vallée de fracture au centre de l’océan Atlantique, là où les deux continents auraient pu se séparer.

Grâce aux représentations du fond océanique dessinées à la main par Marie Tharp, je peux imaginer une promenade au fond de l’océan Atlantique, de New York (côte est des États-Unis) à Lisbonne (Portugal). Le voyage m’emmènerait le long du plateau continental. Puis vers le bas, en direction de la plaine abyssale de Sohm. Je devrais alors contourner des reliefs, appelées monts sous-marins. Ensuite, je commencerais une lente ascension de la dorsale médio-atlantique, une chaîne de montagnes submergée orientée nord-sud.
Après avoir gravi 2 500 mètres sous le niveau de la mer jusqu’au sommet de la crête, je descendrais de plusieurs centaines de mètres, traverserais la vallée centrale de la crête et remonterais par le bord est de celle-ci. Je redescendrais ensuite vers le fond océanique, jusqu’à ce que je commence à remonter le talus continental européen vers Lisbonne. Au total, le trajet représenterait environ 6 000 kilomètres, soit près de deux fois la longueur du sentier des Appalaches.
Cartographier l’invisible
Rien ne prédestinait pourtant Mary Tharp à cartographier ainsi l’invisible. Née en 1920 à Ypsilanti, dans le Michigan, elle étudie l’anglais et la musique à l’université. Mais, en 1943, elle s’inscrit à un programme de maîtrise de l’université du Michigan destiné à former des femmes au métier de géologue pétrolier pendant la Seconde Guerre mondiale.
« On avait besoin de filles pour occuper les postes laissés vacants par les hommes partis au combat », se souvient Tharp, dans « Connect the Dots: Mapping the Seafloor and Discovering the Mid-ocean Ridge » (1999), chapitre 2 de Lamont-Doherty Earth Observatory of Columbia. Twelve Perspectives on the First Fifty Years 1949-1999.
Après avoir travaillé pour une compagnie pétrolière en Oklahoma, Tharp a cherché un emploi dans le domaine de la géologie à l’université Columbia en 1948. Les femmes ne pouvaient pas monter à bord des navires de recherche, mais Tharp savait dessiner et a été embauchée pour assister les étudiants diplômés masculins.
Tharp a ainsi travaillé avec Bruce Heezen, alors étudiant de second cycle qui lui confie des profils du fond marin à dessiner. Il s’agit de longs rouleaux de papier qui indiquent la profondeur du fond marin le long d’un trajet linéaire mesurée depuis un navire à l’aide d’un sonar.

Sur une grande feuille de papier vierge, Tharp a ainsi tracé des lignes de latitude et de longitude. Elle a ensuite soigneusement marqué les endroits où le navire avait navigué. Puis elle a inscrit la profondeur à chaque endroit à partir du sonar, l’a marquée sur la trajectoire du navire et a créé des profils bathymétriques, indiquant la profondeur du fond océanique par rapport à la distance parcourue par le navire.
L’une de ses innovations importantes a été de créer des croquis représentant l’aspect du fond marin. Ces vues ont facilité la visualisation de la topographie du fond océanique et la création d’une carte physiographique.
Le tracé minutieux par Tharp de six profils est-ouest à travers l’Atlantique Nord a révélé quelque chose que personne n’avait jamais décrit auparavant : une faille au centre de l’océan, large de plusieurs kilomètres et profonde de plusieurs centaines de mètres. Tharp a suggéré qu’il s’agissait d’une vallée de fracture, ou vallée de rift, un type de longue dépression dont l’existence était connue sur terre.
Heezen a qualifié cette idée de « discussion entre filles » et a demandé à Tharp de refaire ses calculs et de réécrire son rapport. Lorsqu’elle s’est exécutée, la vallée de fracture était toujours là.
Un autre assistant de recherche traçait les emplacements des épicentres sismiques sur une carte de même taille et à la même échelle. En comparant les deux cartes, Heezen et Tharp se rendirent compte que les épicentres sismiques se trouvaient à l’intérieur de la vallée de fracture. Cette découverte fut déterminante pour le développement de la théorie de la tectonique des plaques : elle suggérait que des mouvements se produisaient dans la vallée de fracture et que les continents pouvaient en fait être en train de s’éloigner les uns des autres.
Cette perspicacité était tout bonnement révolutionnaire. Lorsque Heezen, fraîchement diplômé, donne une conférence à Princeton en 1957 et montre la vallée du rift et les épicentres, le directeur du département de géologie Harry Hess assure :
« Vous avez ébranlé les fondements de la géologie. »
Résistance tectonique
Deux ans plus tard, en 1959, la Société de géologie des États-Unis publie The Floors of the Oceans: I. The North Atlantic (les Fonds océaniques, Première partie : L’Atlantique Nord), sous la signature de Heezen, Tharp et Doc Ewing, directeur de l’observatoire Lamont, où ils travaillent. Cet ouvrage contient les profils océaniques de Tharp, ses idées et l’accès à ses cartes physiographiques.
Certains scientifiques trouvèrent ce travail brillant, mais la plupart ne voulurent pas y croire. L’explorateur sous-marin Jacques Cousteau, par exemple, était déterminé à prouver que Tharp avait tort. À bord de son navire de recherche, le Calypso, il traversa délibérément la dorsale médio-atlantique et descendit une caméra sous-marine. À la grande surprise de Cousteau, ses images montrèrent qu’une vallée de fracture existait bel et bien.
« Il y a du vrai dans le vieux cliché qui dit qu’une image vaut mille mots et que voir, c’est croire », fit remarquer Tharp dans son essai rétrospectif de 1999.
Qu’est-ce qui a pu créer cette faille ? Harry Hess, de Princeton, a proposé quelques idées dans un article de 1962. Il a émis l’hypothèse que du magma chaud s’était élevé depuis l’intérieur de la Terre au niveau de la faille, s’était dilaté en refroidissant et avait écarté davantage les deux plaques adjacentes. Cette idée a largement contribué à la théorie de la tectonique des plaques, mais Hess n’a pas mentionné les travaux essentiels présentés dans The Floors of the Oceans, l’une des rares publications dont Marie Tharp était co-auteure.

Des études toujours en cours
Tharp a ensuite continué à travailler avec Heezen pour donner vie au fond océanique. Leur collaboration a notamment abouti à une carte de l’océan Indien, publiée par National Geographic en 1967, et à une carte du fond océanique mondial(1977), aujourd’hui conservée à la bibliothèque du Congrès.
Après la mort de Heezen, en 1977, Tharp a poursuivi son travail jusqu’à son décès en 2006. En octobre 1978, Heezen (à titre posthume) et Tharp ont reçu la médaille Hubbard, la plus haute distinction de la Societé états-unienne de géographique, rejoignant ainsi les rangs d’explorateurs et de découvreurs tels qu’Ernest Shackleton, Louis et Mary Leakey et Jane Goodall.
Aujourd’hui, les navires utilisent une méthode appelée « cartographie par sondeur multifaisceau », qui mesure la profondeur sur un tracé en forme de ruban plutôt que le long d’une seule ligne. Les rubans peuvent être assemblés pour créer une carte précise du fond marin.

Mais comme les navires se déplacent lentement, il faudrait deux cents ans à un seul navire pour cartographier complètement les fonds marins.
Une initiative internationale visant à cartographier en détail l’ensemble des fonds marins d’ici 2030 est cependant en cours, à l’aide de plusieurs navires, sous la direction de la Nippon Foundation et du General Bathymetric Chart of the Oceans.
Ces informations sont essentielles pour commencer à comprendre à quoi ressemble le fond marin à l’échelle locale. Marie Tharp a été la première personne à montrer la riche topographie du fond océanique et ses différentes zones.

Suzanne OConnell ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
18.08.2025 à 16:48
Apprendre aux étudiants à mieux manger avec l’IA ?
Texte intégral (1979 mots)
On parle beaucoup des usages de l’intelligence artificielle générative dans le cadre universitaire. Mais les étudiants s’en servent aussi dans leur quotidien pour résoudre des questions pratiques et, par exemple, pour mieux équilibrer leur alimentation. Enquête sur leurs objectifs et les risques éventuels liés à ces nouveaux comportements de consommation.
En écho aux messages de santé publique auxquels ils sont exposés dès leur enfance, les jeunes adultes cherchent à adopter une alimentation saine et durable. Pourtant, leurs aspirations se heurtent aux réalités du quotidien. Perception d’un temps contraint, tensions financières, manque d’idées ou de matériel, déficit de confiance en leurs compétences culinaires sont des obstacles au bien manger, qu’ils évoquent fréquemment.
Les étudiants décohabitants (qui quittent le domicile parental) sont particulièrement concernés par ces questions. Ces freins apparaissent d’autant plus marqués que leurs profils sont hétérogènes en termes de compétences culinaires et de connaissances en matière d’équilibre alimentaire.
Beaucoup vont se tourner vers des produits industriels, peu qualitatifs sur le plan nutritionnel. Mais le décalage entre leurs souhaits d’alimentation et la composition réelle de leurs repas peut accroître un sentiment de fragilité, pouvant conduire à des troubles du comportement alimentaire chez certains.
Pour contourner ces freins et accéder à une alimentation plus saine et plus durable, certains s’emparent désormais de l’intelligence artificielle (IA). C’est ce qui ressort des entretiens de recherche que nous menons avec eux. Nous nous intéressons plus particulièrement aux usages de l’IA générative, à travers des agents conversationnels comme ChatGPT, Gemini ou Claude, que les étudiants mobilisent pour obtenir des conseils pratiques, rapides et personnalisés en matière d’alimentation.
Ainsi, l’alimentation devient pour eux une situation d’usage de l’IA, qu’ils plébiscitent pour sa simplicité et l’aide concrète qu’elle leur apporte, au-delà des recours dans le cadre des travaux académiques, plus médiatisés et interrogés par le monde enseignant.
Faciliter l’accès à une alimentation plus équilibrée
En anticipant leurs repas, les étudiants ont le sentiment de disposer d’une grande autonomie dans leurs choix alimentaires. Le recours aux agents conversationnels d’IA générative, via des prompts, les conduit à orienter leurs menus vers des alternatives qu’ils considèrent comme plus saines, ce qui selon eux est une source de satisfaction personnelle.
En effet, la dichotomie qu’ils ressentent parfois entre plaisir et alimentation équilibrée est alors moins marquée. Ils peuvent sélectionner des produits qu’ils aiment tout en respectant les recommandations des professionnels de santé. Ils planifient ainsi leurs menus hebdomadaires selon leurs goûts, et s’y tiennent d’autant plus facilement que leurs préférences sont prises en compte.
À lire aussi : Et si les youtubeurs pouvaient aider les ados à manger sain ?
Grâce à l’IA, ils considèrent que les tensions qu’ils vivaient auparavant pour composer un menu équilibré se réduisent, car ils intègrent en amont leurs contraintes de matériel, de disponibilité des denrées, de prix… Enfin, les étudiants interrogés soulignent la facilité avec laquelle ils accèdent à des conseils nutritionnels quasi individualisés, en fonction de leurs profils, pour atteindre leurs objectifs corporels.
La réalisation de recettes est considérée chez certains d’entre eux comme un écueil qui vient s’ajouter aux difficultés de leur nouveau statut social. Ils recherchent prioritairement des « bons plans », car, au-delà de la pratique culinaire, ce sont souvent les idées qui manquent pour réaliser des menus à la fois sains, gourmands et faciles à répliquer.
L’IA contribue, selon eux, à stimuler la curiosité en les invitant à tester de nouveaux produits, à expérimenter de nouveaux plats, tout en tenant compte de leurs savoir-faire.
Organiser et planifier ses repas
Dans cette génération, la cuisine est assimilée à une activité chronophage qui prend sur un temps consacré aux études ou aux loisirs. Ceci la conduit à ne pas se projeter et à préparer des « repas de la flemme », consistant à manger ce qu’elle a sous la main. Pour eux, l’IA apparaît comme une solution pour « éviter la junk food » au cours des repas et pour limiter le risque de grignotage d’aliments gras et sucrés tout au long de la journée.
Même lorsque les étudiants utilisent des applications nutritionnelles pour mieux anticiper leurs repas, ils restent nombreux à manquer de repères pour composer leurs plats au quotidien. En somme, pour eux, l’IA générative est une ressource qui limite leur charge cognitive liée à l’anticipation des menus. Elle permet non seulement de proposer des menus pour la semaine, mais également de préparer sa liste de course avec une attention apportée à la variété des produits à acheter.
De même, avec l’IA, les étudiants accèdent à des informations claires leur permettant de localiser les points de vente situés dans leur zone d’habitation ou d’études. Or, l’accessibilité des produits est une condition importante pour bien manger. Cette accessibilité s’accompagne de conseils leur permettant d’optimiser leur budget tout en achetant des denrées de bonne qualité.
De nombreux étudiants sont en situation de précarité et c’est en particulier en fin de mois, quand le budget dédié à l’alimentation est épuisé, que les choix les moins équilibrés s’imposent pour eux. L’IA peut alors les aider à mieux répartir leurs achats sur le mois et leur suggérer des aliments équivalents moins chers, en valorisant les produits en promotion, en aidant à composer des menus à partir de ce qu’ils ont déjà dans leurs placards ou leur réfrigérateur.
Des risques, liés à l’usage de l’IA, à prendre en compte
Si les propos des étudiants suggèrent une meilleure prise en charge de leur alimentation grâce à l’IA, ils mettent aussi en évidence un certain nombre de risques. Le premier concerne un risque de répétition et de monotonie.
Un autre porte sur le fait que l’IA amplifie la tendance à privilégier une individualisation excessive des repas. Or, les chercheurs et les professionnels de santé soulignent que manger, c’est aussi créer du lien social et que manger ensemble limite notamment les risques de surpoids et d’obésité.
Le programme de recherche ALIMNUM que nous menons actuellement auprès des étudiants montre que les réseaux sociaux font la promotion d’une alimentation fonctionnelle avec des visées de transformation corporelle.
L’usage de l’IA générative semble renforcer ces aspirations autour de dimensions performatives de l’alimentation. En croisant données nutritionnelles, préférences, antécédents ou objectifs, l’IA peut favoriser des logiques d’optimisation de soi, parfois sources de dérives sanitaires.
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Enfin, un dernier risque identifié porte sur le fait que certains étudiants se servent de l’IA pour perdre du poids et qu’ils considèrent que les conseils qu’ils recueillent en quelques secondes leur permettent de se dispenser de consulter des professionnels de santé, difficilement accessibles à court terme.
Une prévention nécessaire pour limiter ces risques
Face aux obstacles que rencontrent de nombreux étudiants, l’IA peut devenir un outil précieux pour mieux manger. Leur appétence pour le numérique, conjuguée à un quotidien souvent contraint, justifie pleinement l’exploration de ces solutions par les jeunes adultes. En somme, en rendant l’information nutritionnelle plus claire et plus engageante, l’IA peut contribuer à réduire les inégalités de santé et redonner de l’autonomie alimentaire à cette génération.
Il s’avère donc pertinent que les acteurs de santé publique s’inspirent des usages actuels de l’IA générative et qu’ils les intègrent, de manière encadrée, dans leurs dispositifs de prévention et d’éducation nutritionnelle. Par exemple, des programmes pensés avec les professionnels de santé et par les étudiants eux-mêmes pourraient proposer des conseils fiables, personnalisés et adaptés à leurs budgets comme à leurs habitudes de vie.
L’omniprésence de l’IA dans la vie des jeunes bouscule également la manière dont les professionnels de santé doivent aborder la question de l’alimentation. Il semble nécessaire de les inviter à mieux comprendre ces technologies, à en saisir les atouts, mais aussi les limites.
Cela suppose également de les former à repérer les situations à risques, à informer et à accompagner les étudiants vers un usage plus éclairé de ces innovations numériques.
Dans le prolongement de ce que nous réalisons dans le cadre de la recherche participative MEALS, il s’agit plus globalement de stimuler l’esprit critique des jeunes et de mettre en œuvre une approche collective qui prenne en compte les cultures alimentaires, le plaisir, le partage et la diversité de leurs parcours.
Enfin, si les outils issus de l’IA générative offrent de réelles perspectives pour accompagner les jeunes dans leurs pratiques alimentaires, ils ne peuvent se substituer ni à la présence humaine, ni à la variété des expériences, ni à l’éducation au goût. Leur utilité dépendra de la manière dont ils seront intégrés à un cadre réflexif et bienveillant. Ces évolutions rappellent que, même avec la démocratisation de l’IA, l’accompagnement humain et le lien social doivent rester au cœur d’une alimentation saine et durable.
Les projets Alimentation et numérique – ALIMNUM et Manger avec les réseaux sociaux – MEALS sont soutenus par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. L’ANR a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’ANR.

Pascale Ezan a reçu des financements de l'Agence Nationale de la recherche .
Maxime David a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche.
18.08.2025 à 16:48
Les banques nationales de développement sont indispensables au financement du développement
Texte intégral (1696 mots)
Méconnues et peu mobilisées pour le moment, les banques nationales de développement pourraient jouer un plus grand rôle dans le financement de l’aide publique au développement. Pour cela, il faudrait mieux coordonner leur action avec celle des acteurs spécialisés internationaux.
La dissolution de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), décidée par Donald Trump, combinée aux réductions budgétaires drastiques dans l’aide au développement, notamment en France, a accru les tensions sur le financement du développement. Dans ce contexte troublé, la quatrième conférence des Nations unies sur le financement du développement, qui s’est tenue à Séville (Espagne), du 30 juin au 3 juillet, en l’absence de la délégation américaine, revêtait une importance particulière.
Cette conférence visait à repenser la structure du financement du développement afin de mobiliser les milliers de milliards nécessaires pour atteindre les objectifs de développement durable d’ici à 2030.
Le communiqué final a souligné la nécessité de mobiliser toutes les ressources et institutions financières disponibles. Pour la première fois, ce texte a aussi mis l’accent sur le rôle central des banques nationales de développement.
Les banques nationales de développement, au cœur du financement du développement
Les banques de développement sont des institutions financières publiques qui investissent dans des projets à vocation de développement tout en veillant à avoir une rentabilité suffisante pour être viables financièrement. Il est possible de distinguer les banques multilatérales de développement (comme la Banque mondiale ou les banques continentales) qui sont issues de plusieurs États et les banques nationales de développement qui appartiennent à un seul pays.
À lire aussi : Aide au développement et ONG : quelles articulations, quelles recompositions ?
Les banques nationales de développement sont longtemps restées en dehors des discussions internationales en étant vues comme des actrices mineures dans le financement du développement (au mieux), mais plus souvent comme des structures dispendieuses et inefficaces. Pourtant, il existe près de 500 banques nationales de développement dans le monde, et ce modèle connaît un retour en grâce ces dernières années, après que ces institutions ont été souvent considérées comme inefficaces et placées au service des intérêts politiques.
Les banques nationales de développement opèrent sur tous les continents, aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays à faible revenu. Les banques nationales de développement jouent un rôle crucial pour le financement de projets de développement à l’échelle locale.
Des banques qui doivent être mieux insérées à leur communauté
La conférence de Séville a remis sur le devant de la scène les banques nationales de développement à la suite de précédentes conférences comme le Pacte financier mondial de 2023. Cet éclairage est essentiel, mais ne résout pas la question de savoir comment ces banques peuvent pleinement jouer leur rôle, notamment lorsqu’elles peinent à se financer.
Une solution est que les banques de développement agissent comme un système unifié en intervenant ensemble et en se soutenant mutuellement. Des initiatives en ce sens existent, notamment à travers la communauté « Finance en commun », qui cherche à unir, sous un même toit, toutes les banques de développement, en particulier les grandes banques multilatérales de développement (comme la Banque mondiale ou les banques régionales) et les banques nationales, notamment issues de pays en développement.
Travailler ensemble est, en effet, une solution pertinente. Les banques nationales de développement sont les mieux placées pour mettre en œuvre des projets de développement en raison de leur connaissance approfondie des contextes locaux. Elles comprennent les besoins spécifiques et les défis des communautés qu’elles servent et elles peuvent aussi trouver plus aisément les acteurs capables de mettre en œuvre les projets sur le terrain. Cependant, ces banques font souvent face à des difficultés financières.
Manque de financements
Rares sont les banques nationales de développement qui peuvent lever des fonds sur les marchés financiers. Elles manquent souvent de financements adéquats pour mener à bien leurs missions. C’est là que les banques multilatérales de développement entrent en jeu, avec leurs ressources financières substantielles et leur capacité à mobiliser des fonds à grande échelle. Elles peuvent relâcher la contrainte financière des banques nationales. Dans le même temps, ces banques multilatérales ne sont pas les plus aptes à assurer la mise en œuvre des projets à moindre coût.
L’engagement de Séville invite
« les banques multilatérales de développement et les partenaires de développement à renforcer l’appui financier et technique qu’ils donnent aux banques publiques nationales de développement de sorte que celles-ci puissent fournir des financements à long terme et à moindre coût en faveur du développement durable ».
Des soutiens croissants mais inégaux
S’il existe une véritable volonté de renforcer la coopération entre les banques multilatérales de développement et les banques nationales de développement, il existe peu de données sur les relations existantes entre ces acteurs. Afin de combler ce manque, nous avons réalisé une étude visant à recenser les soutiens financiers fournis par les dix principales banques multilatérales de développement aux autres banques de développement sur la dernière décennie.
Note de lecture : L’Afrique a reçu 12,8 % du montant total cumulé et représente 15,8 % des projets.
Cette étude fournit plusieurs enseignements utiles. Nous avons identifié 644 projets pour un total de 108 milliards de dollars, avec une augmentation notable des financements depuis la crise du Covid-19.
L’Amérique latine et l’Europe sont les principales bénéficiaires de ces programmes.
Les projets financés ciblent principalement les petites et moyennes entreprises, suivis par l’énergie, les infrastructures et les initiatives environnementales. Il y a une augmentation du nombre de projets consacrés aux questions environnementales au cours de la période.
(*) Sommes en millions de dollars US.
Note de lecture :
65 banques de développement, soit presque 40 % des bénéficiaires, n’ont bénéficié que d’un seul soutien pour un volume total représentant 7,6 % du montant total déboursé ;
14 banques ont reçu plus de 19 soutiens (8,6 % des bénéficiaires) pour un montant total cumulé de 43,6 % du total déboursé.
Concentration des financements
Cependant, un des résultats principaux de cette étude est la très forte concentration des financements. Sur l’ensemble des banques nationales de développement opérant dans le monde, à peine un tiers (163) ont reçu un financement de la part d’une banque multilatérale.
En outre, ces financements sont très concentrés même au sein des bénéficiaires. À peine 20 banques nationales de développement (soit 5 % de l’ensemble des banques opérant dans le monde) ont bénéficié de la moitié des fonds déboursés par les banques multilatérales de développement.
Ces banques sont principalement localisées en Europe et en Asie. Il s’agit souvent de banques nationales de développement dont on peut douter des difficultés à lever des fonds.
Vers une coopération renforcée
Cette concentration des financements soulève des questions sur l’équité et sur l’efficacité de la distribution des ressources. Pour que les banques nationales de développement puissent pleinement jouer leur rôle, une coopération renforcée avec les banques multilatérales de développement est essentielle. Cela implique de développer davantage les collaborations avec de nouvelles banques nationales de développement.
Nous présentons quelques pistes pour y parvenir, comme la nécessité de favoriser les interactions croissantes entre les banques nationales opérant de manière isolée et les banques multilatérales de développement, la simplification des procédures (surtout pour les petits projets) ou, encore, un soutien technique aux équipes des banques nationales de développement.
Élargir le réseau des soutiens des banques multilatérales de développement est une étape nécessaire pour parvenir à atteindre les promesses ouvertes à Séville.

La Ferdi, pour laquelle travaille Florian Léon, a reçu des financements de Finance en Commun (FiCS) pour la réalisation de cette étude. Néanmoins, ni le FiCS ni d'autres structures ne sont intervenus au cours de la rédaction de cette étude.