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24.09.2025 à 16:45

ChatGPT : la proposition d’OpenAI pour éviter les hallucinations pourrait tuer son propre chatbot

Wei Xing, Assistant Professor, School of Mathematical and Physical Sciences, University of Sheffield
Les comparatifs d’IA pénalisent les modèles qui choisissent de s’abstenir plutôt que de deviner, ce qui favorise la persistance des hallucinations. Pourtant, la solution proposée pour y remédier pourrait mettre en danger l’usage même de ces systèmes.
Texte intégral (1704 mots)

Parce que les classements comparatifs d’IA pénalisent les modèles qui préfèrent ne pas répondre plutôt que de piocher une réponse au hasard, les hallucinations perdurent, estime OpenAI dans son dernier article de recherche. Mais la solution que propose le géant de l’intelligence artificielle pourrait conduire à sa propre perte.


Dans un article récent, des chercheurs d’OpenAI expliquent pourquoi ChatGPT et d’autres grands modèles de langage peuvent inventer des choses – un phénomène connu dans le monde de l’intelligence artificielle sous le nom d’« hallucination ». Ils révèlent aussi pourquoi ce problème pourrait être impossible à résoudre, du moins pour le grand public.

L’article en question propose l’explication mathématique la plus rigoureuse à ce jour sur les raisons pour lesquelles ces modèles énoncent des contre-vérités avec assurance. Il montre qu’il ne s’agit pas simplement d’un effet secondaire malheureux de la façon dont les IA sont actuellement entraînées, mais d’un phénomène mathématiquement inévitable. Le problème s’explique en partie par des erreurs dans les données sous-jacentes utilisées pour entraîner les IA. Mais grâce à une analyse mathématique de la façon dont les systèmes d’IA apprennent, les chercheurs prouvent que même avec des données d’entraînement parfaites, le problème persiste.

La façon dont les modèles de langage répondent aux requêtes – en prédisant un mot à la fois dans une phrase, sur la base de probabilités – produit naturellement des erreurs. Des chercheurs ont d’ailleurs montré que le taux d’erreur total pour générer des phrases est au moins deux fois plus élevé que le taux d’erreur que la même IA aurait sur une simple question fermée par oui ou non, car les erreurs peuvent s’accumuler au fil des prédictions successives. Autrement dit, les taux d’hallucination sont fondamentalement liés à la capacité des systèmes d’IA à distinguer les réponses valides des réponses invalides. Comme ce problème de classification est intrinsèquement difficile dans de nombreux domaines de connaissance, les hallucinations deviennent inévitables.

Il s’avère également que moins un modèle rencontre un fait durant son entraînement, plus il est susceptible d’halluciner lorsqu’on l’interroge à ce sujet. Pour les dates de naissance, par exemple, les auteurs démontrent que si 20 % de ces dates n’apparaissent qu’une seule fois dans les données d’entraînement, on doit s’attendre à ce que les modèles de base se trompent sur au moins 20 % des questions portant sur les anniversaires. Et effectivement, interrogé sur la date de naissance d’Adam Kalai (un des auteurs de l’article), DeepSeek-V3 a donné avec assurance trois dates différentes et toutes fausses lors de tentatives séparées : « 03-07 », « 15-06 » et « 01-01 ». La date correcte se situe en automne, donc aucune de ces réponses n’était même proche de la réalité.

Le piège de l’évaluation

Ce qui est plus troublant, c’est l’analyse de l’article sur les raisons pour lesquelles les hallucinations persistent malgré les efforts « post-training » (comme l’apprentissage par renforcement à partir de rétroaction humaine). Les auteurs ont examiné dix grands comparatifs d’IA, y compris ceux utilisés par Google, OpenAI, ainsi que les meilleurs classements qui évaluent les modèles d’IA. Leur travail a révélé que neuf de ces benchmarks utilisent des systèmes de notation binaires qui attribuent zéro point aux IA exprimant une incertitude.

Cela engendre ce que les auteurs appellent une « épidémie » où l’incertitude et le refus de répondre sont pénalisés. Lorsqu’un système d’IA dit « je ne sais pas », il reçoit le même score que s’il fournissait une information complètement fausse. La stratégie optimale dans ce type d’évaluation devient alors évidente : toujours deviner.

Et les chercheurs le prouvent mathématiquement. Avec cette évaluation binaire, quelles que soient les chances qu’une réponse particulière soit correcte, le score attendu en se contentant de deviner dépasse toujours celui d’une IA qui s’abstient lorsqu’elle ne sait pas.

La solution qui ferait tout exploser

La solution proposée par OpenAI consiste à ce que l’IA évalue la confiance qu’il attribue à sa réponse avant de la fournir, et que les comparatifs l’évaluent en fonction de cela. L’IA pourrait alors recevoir une consigne, par exemple : « Réponds seulement si tu es confiant à plus de 75 %, puisque les erreurs sont pénalisées de 3 points tandis que les bonnes réponses rapportent 1 point. »

Le cadre mathématique adopté par les chercheurs d’OpenAI montre que, avec des seuils de confiance appropriés, les systèmes d’IA exprimeraient naturellement de l’incertitude plutôt que de deviner. Cela permettrait donc de réduire les hallucinations.

Le problème réside dans l’impact que cela aurait sur l’expérience utilisateur. Imaginez les conséquences si ChatGPT commençait à répondre « je ne sais pas » à 30 % des requêtes – une estimation plutôt prudente fondée sur l’analyse que fait l’article de l’incertitude factuelle dans les données d’entraînement. Les utilisateurs, habitués à recevoir des réponses assurées à presque toutes leurs questions, abandonneraient probablement rapidement un tel système.

J’ai déjà rencontré ce genre de problème dans un autre domaine de ma vie. Je participe à un projet de surveillance de la qualité de l’air à Salt Lake City, dans l’Utah. Lorsque le système signale des incertitudes concernant les mesures pendant des conditions météorologiques défavorables ou lors du calibrage de l’équipement, l’engagement des utilisateurs est moindre comparé aux affichages donnant des mesures sûres – même lorsque ces mesures « sûres » se révèlent inexactes lors de la validation.

La question économique liée au calcul

Il ne serait pas difficile de réduire les hallucinations en s’appuyant sur les conclusions de l’article. Des méthodes pour quantifier l’incertitude existent depuis des décennies et pourraient être utilisées pour fournir des estimations fiables de l’incertitude et guider une IA vers des choix plus judicieux. Mais même si l’on pouvait surmonter le problème de l’aversion des utilisateurs pour cette incertitude, un obstacle encore plus important se poserait : le coût des calculs. Les modèles de langage « conscients de l’incertitude » nécessitent beaucoup plus de puissance de calcul que les approches actuelles, car ils doivent évaluer plusieurs réponses possibles et estimer les niveaux de confiance. Pour un système traitant des millions de requêtes chaque jour, cela se traduit par des coûts opérationnels considérablement plus élevés.

Des approches plus sophistiquées, comme l’apprentissage actif, où les systèmes d’IA posent des questions de clarification pour réduire l’incertitude, peuvent améliorer la précision mais augmentent encore les besoins en calcul. Ces méthodes fonctionnent bien dans des domaines spécialisés comme la conception de puces, où des réponses erronées coûtent des millions de dollars et justifient un calcul intensif. Pour des applications grand public, où les utilisateurs attendent des réponses instantanées, l’aspect économique devient prohibitif.

La donne change radicalement pour les systèmes d’IA qui gèrent des opérations commerciales critiques ou des infrastructures économiques. Lorsque des agents d’IA prennent en charge la logistique de la chaîne d’approvisionnement, le trading financier ou le diagnostic médical, le coût des hallucinations dépasse largement celui de rendre les modèles capables de décider lorsqu’ils sont trop incertains. Dans ces domaines, les solutions proposées par l’article deviennent économiquement viables – et même nécessaires. Ces agents d’IA « incertains » coûteront simplement plus cher.

Une incitation structurelle à l’hallucination

Cependant, les applications grand public dominent toujours les priorités de développement de l’IA. Les utilisateurs veulent des systèmes qui fournissent des réponses assurées à n’importe quelle question. Les benchmarks d’évaluation récompensent les systèmes qui devinent plutôt que ceux qui expriment de l’incertitude. Les coûts de calcul favorisent les réponses rapides et confiantes plutôt que les réponses lentes et incertaines.

La baisse des coûts énergétiques par token et les avancées dans les architectures de puces pourraient éventuellement rendre plus abordable le fait que les IA décident si elles sont suffisamment sûres pour répondre à une question. Mais la quantité de calcul resterait relativement élevée, comparée à celle requise pour deviner aujourd’hui. En résumé, l’article d’OpenAI met involontairement en lumière une vérité inconfortable : les incitations économiques qui orientent le développement de l’IA grand public restent fondamentalement incompatibles avec la réduction des hallucinations. Tant que ces incitations ne changeront pas, les hallucinations persisteront.

The Conversation

Wei Xing ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

23.09.2025 à 16:15

Peaux artificielles : comment reproduire la complexité de la peau humaine… jusqu’à son interaction avec le parfum

Géraldine Savary, Enseignant-chercheur en analyse sensorielle dans le domaine des arômes, parfums et cosmétiques, Université Le Havre Normandie
Céline Picard, Professeure des universités en chimie organique et macromoléculaire, Université Le Havre Normandie
Pourquoi un parfum ne tient-il pas de la même façon sur toutes les peaux ? Pourquoi certaines crèmes collent-elles davantage sur certains types de peau ? Des peaux artificielles sont développées pour mieux comprendre.
Texte intégral (1921 mots)

Pourquoi un parfum ne tient-il pas de la même façon sur toutes les peaux ? Pourquoi certaines crèmes collent-elles davantage sur certains types de peau ? Ces différences, chacun les remarque, mais on ne les comprend pas encore très bien.


Depuis une dizaine d’années, nous travaillons à percer les mystères de la peau, et de la manière dont elle interagit avec les produits dermatologiques, les cosmétiques et les parfums en développant une réplique de peau humaine, sans cellule mais riche d’informations physico-chimiques.

Comprendre la peau avant de la reproduire

La peau est bien plus qu’un simple revêtement. Elle est un tissu complexe, à la fois barrière, capteur et interface chimique. Sa surface varie selon les individus : celle d’un bébé joufflu est moins rugueuse et plus hydratée que celle d’une personne âgée. Ces différences influencent non seulement la sensation mécanique au toucher et l’apparence mais aussi la répartition du sébum et donc la chimie de sa surface. Avec toutes ses propriétés qui s’entremêlent, ces phénomènes sont difficiles à modéliser.

Or, pour imiter la peau de manière crédible, il faut d’abord la caractériser précisément.

Notre équipe réalise chaque année des campagnes de mesures in vivo sur plusieurs centaines de volontaires. Nous analysons des paramètres comme la rugosité, la couleur, la composition lipidique (le gras) ou encore la mouillabilité (comment une goutte d’eau s’étale sur la peau).

Ces données, traitées statistiquement, permettent d’établir une « cartographie » des surfaces cutanées humaines et d’en quantifier la variabilité d’une personne à l’autre.

Les peaux artificielles

Les peaux artificielles ne sont pas nouvelles. On utilise depuis les années 1930 des modèles dits « biologiques » en dermatologie, comme des explants de peau humaine (petits morceaux de peau humaine prélevée lors d’une chirurgie et maintenue vivante en laboratoire), des peaux reconstruites à partir de cultures cellulaires, ou encore des peaux animales (notamment celle du porc, la plus proche de la peau humaine).

Plus récemment, depuis les années 2000, des peaux dites « électroniques » ou e-skins ont vu le jour, capables de capter diverses données pour des applications en robotique ou en médecine. Il s’agit de matériaux polymères souples, souvent sous forme de patch, qui collent sur la peau comme une seconde peau. Elles contiennent de minuscules capteurs capables de mesurer la pression, la température, ou des substances comme le glucose ou l’alcool dans la sueur, pour contrôler, reproduire ou ajuster ce qui se passe dans le corps.

Néanmoins, ces solutions biologiques et électroniques présentent souvent des limites : les peaux reconstruites sont coûteuses et peu reproductibles, les explants de peaux fragiles, de durée d’utilisation limitée et soumis à une variabilité biologique, et les peaux animales soulèvent des contraintes éthiques. De plus, un certain nombre d’entre elles, comme les peaux reconstruites et électroniques, ne reflètent pas fidèlement la chimie de surface de la peau humaine.


À lire aussi : Cosmétiques : le « Made in France » en pleine lumière


Notre modèle synthétique : SURFASKIN

À partir de cette base de données, nous avons conçu un modèle de peau artificielle non biologique, développé initialement dans le cadre du projet FUI URBASKIN. Contrairement aux peaux cellulaires ou biologiques utilisées en laboratoire, SURFASKIN est une surface polymérique, stable dans le temps, peu coûteuse, facilement reproductible.

Notre peau artificielle synthétique est également exempte de cellules vivantes. En effet, elle ne vise pas à reproduire les fonctions biologiques de la peau, mais ses propriétés de surface, celles qui conditionnent la manière dont la peau interagit avec son environnement en reproduisant fidèlement le microrelief de l’épiderme, ainsi que la composition et la pigmentation de sa surface.

Ce modèle a d’abord été pensé pour simuler l’exposition de la peau à des polluants atmosphériques, comme les particules urbaines ou la fumée de cigarette, afin de comprendre leur capacité à y pénétrer et à altérer ses propriétés. Avec des mesures combinées (in vivo, explants, SURFASKIN), nous avons démontré que les polluants désorganisent la structure lipidique et provoquent des phénomènes d’oxydation, tandis que certains produits dermocosmétiques peuvent ralentir ces effets de manière ciblée pour renforcer la fonction barrière de l’épiderme.

Très vite, notre modèle a trouvé d’autres applications, notamment en cosmétique et dermatologie. Ainsi, SURFASKIN permet d’évaluer l’étalement de crèmes hydratantes, la couvrance des maquillages, ou encore la résistance à l’eau des protections solaires, avec un haut degré de représentativité. Ainsi, en appliquant une crème teintée sur la peau ou sur SURFASKIN, le film résiduel conserve les mêmes propriétés, tant en épaisseur qu’en composition, ce qui reproduit fidèlement des caractéristiques, comme le toucher collant ou le pouvoir couvrant.

photos de gouttes
Comparaison de l'angle de contact d'une goutte d'eau sur la peau in vivo et sur Surfaskin illustrant une mouillabilité similaire. Géraldine Savary, Fourni par l'auteur

SURFASKIN s’inscrit dans la tendance des peaux artificielles, tout en comblant un vide : celui d’un modèle robuste, passif, mais suffisamment précis pour simuler les interactions de surface. Il ne remplace pas les tests biologiques, mais les complète, en offrant un outil éthique et reproductible pour la recherche et le développement de cosmétiques et de produits dermatologiques.

Malgré ses atouts, SURFASKIN présente encore des limites, laissant la voie ouverte à de futurs développements pour mieux comprendre le rôle du microbiote cutané, par exemple, reproduire la pénétration des substances au sein de la peau, étudier les interactions biologiques avec les cellules, ou même intégrer des capteurs miniaturisés capables de mesurer d’autres paramètres, comme la pression lors de l’application d’un produit.

Le cas du parfum : vers une parfumerie personnalisée ?

Un nouveau champ d’application émerge aujourd’hui : la parfumerie. Il est bien connu des parfumeurs qu’un parfum « ne tient pas » de la même façon selon les personnes, c’est-à-dire qu’il n’adhère et ne s’évapore pas de la même façon selon les types de peau.

Ce phénomène, souvent attribué à la « magie du corps », repose en réalité sur des facteurs physico-chimiques : le pH, la présence de sébum, la température, la rugosité de la peau influencent la diffusion et la rémanence des molécules odorantes.

Avec SURFASKIN, nous développons désormais des répliques de peau reproduisant ces variations, pour tester de manière rigoureuse l’adhérence et l’évaporation des parfums. C’est une avancée inédite : si l’industrie du luxe explore la question des parfums sur mesure depuis longtemps, elle reste peu documentée scientifiquement, surtout quand il s’agit d’une personnalisation en fonction du type de peau.

À terme, ces travaux pourraient donc ouvrir la voie à des parfums personnalisés, conçus non plus uniquement pour une image ou une émotion, mais pour les propriétés chimiques individuelles de chacun.

Une technologie au service de la recherche et de l’industrie

En collaboration avec Normandie Valorisation, nos travaux visent à faciliter le transfert de cette innovation vers les acteurs industriels de la cosmétique et de la parfumerie. La France, leader mondial dans ces secteurs, dispose d’un écosystème favorable à ce type de développement, à l’interface entre science académique et innovation appliquée.

SURFASKIN illustre une nouvelle manière de faire de la recherche : en créant des outils concrets, fiables, éthiques, et utiles pour comprendre des phénomènes du quotidien. Sous les apparences simples d’une crème ou d’un parfum, c’est tout un monde physico-chimique que l’on commence à explorer.


Céline Picard participera à une table ronde sur le thème « À fleur de peau : chimie, biologie et équilibre », vendredi 26 septembre, dans le cadre de l’événement scientifique Sur les épaules des géants qui se tient du 25 au 27 septembre au Havre (Seine-Maritime).

The Conversation

Géraldine Savary a reçu des financements pour des recherches doctorale de l'Université Le Havre Normandie, La Région Normandie, l'Agence Nationale de la Recherche.

Céline Picard a reçu des financements de L'Université Le Havre Normandie, de Normandie Université, de Le Havre Seine Métropole, de la Région Normandie, de l'Agence Nationale pour la Recherche et de l'Europe pour des projets de recherche dont des projets de recherches doctorales

19.09.2025 à 12:01

Ce qu’avoir un chat fait à votre cerveau (et au sien)

Laura Elin Pigott, Senior Lecturer in Neurosciences and Neurorehabilitation, Course Leader in the College of Health and Life Sciences, London South Bank University
Les chats ont la réputation d’être distants, mais la science révèle une autre histoire. L’ocytocine, l’« hormone de l’amour », nourrit discrètement, mais puissamment le lien entre humains et félins.
Texte intégral (1909 mots)
L’ocytocine, surnommée l’" hormone de l’amour », envahit-elle les cerveaux du chat et de l’humain ? Zhenny-zhenny/Shutterstock

Caresser un chat, l’entendre ronronner n’a rien d’anodin : derrière ces instants se cache une réaction chimique qui renforce la confiance et diminue le stress, autant chez l’humain que chez l’animal.

Les chats ont beau avoir la réputation d’être indépendants, des recherches récentes suggèrent que nous partageons avec eux un lien unique, alimenté par la chimie du cerveau.

Au cœur du processus se trouve l’ocytocine, fréquemment désignée comme l’« hormone de l’amour ». Cette même substance neurochimique est libérée lorsqu’une mère berce son bébé ou lorsque des amis s’étreignent ; elle a un effet bénéfique sur la confiance et l’affection. Et aujourd’hui, des recherches indiquent qu’elle joue également un rôle important dans la relation entre les chats et les humains.

L’ocytocine est au cœur des liens sociaux, c’est-à-dire de la capacité d’entrer en contact avec les autres et de leur faire confiance, ainsi que de la régulation du stress, et ce tant chez les animaux que chez les humains. Une expérience menée en 2005 a montré qu’elle rendait des volontaires humains nettement plus enclins à faire confiance aux autres dans des opérations boursières fictives.

Cette hormone a aussi des effets apaisants, chez les humains comme chez les animaux : elle réduit le cortisol, l’hormone du stress, et active le système nerveux parasympathique — celui du repos et de la digestion — pour aider le corps à se détendre.

Les scientifiques savent depuis longtemps que les interactions amicales entre les chiens et leurs propriétaires déclenchent la libération d’ocytocine, créant une véritable boucle de rétroaction affective. Mais chez les chats, ce phénomène restait moins étudié.

Moins démonstratifs que les chiens, les chats expriment leur affection de façon plus subtile. Pourtant, leurs propriétaires décrivent souvent les mêmes bénéfices : chaleur, réconfort, baisse du stress. Les recherches confirment peu à peu ces témoignages. Ainsi des chercheurs japonais ont montré en 2021 que de brèves séances de caresses avec un chat augmentaient le taux d’ocytocine chez de nombreux propriétaires.

Dans le cadre de cette étude, des femmes passaient quelques minutes à interagir avec leur chat pendant que les scientifiques mesuraient leurs niveaux hormonaux. Résultat : le contact amical (caresser, parler doucement) entraînait une hausse d’ocytocine dans la salive.

Beaucoup trouvent apaisant de caresser un chat qui ronronne, et ce n’est pas qu’une question de douceur du pelage. Le simple fait de caresser un chat — ou même d’entendre son ronronnement — stimule la production de cette hormone dans le cerveau. Une étude de 2002 a montré que ce pic d’ocytocine, déclenché par le contact, contribue à réduire le cortisol, ce qui peut ensuite faire baisser la tension artérielle, et même la douleur.

Homme tenant un chat gris sur ses genoux
Se blottir contre un chat peut aider à réduire le cortisol, l’hormone du stress. Vershinin89/Shutterstock

Quand l’ocytocine circule-t-elle entre les chats et les humains ?

Les chercheurs commencent à identifier les moments précis qui déclenchent cette hormone de l’attachement dans la relation humain-chat. Le contact physique doux semble être le facteur principal.

Une étude publiée en février 2025 montre que lorsque les propriétaires caressent, câlinent ou bercent leurs chats de manière détendue, leur taux d’ocytocine a tendance à augmenter, tout comme celui des félins, à condition cependant que l’interaction ne soit pas forcée.

Les chercheurs ont surveillé le taux d’ocytocine chez les chats pendant 15 minutes de jeu et de câlins à la maison avec leur propriétaire. Quand les chats étaient à l’initiative du contact, par exemple en s’asseyant sur les genoux ou en donnant des petits coups de tête, ils présentaient une hausse significative d’ocytocine. Plus ils passaient de temps auprès de leur humain, plus l’augmentation était marquée.

Qu’en est-il des félins moins câlins ? La même étude a noté des schémas différents chez les chats ayant des styles d’attachement plus anxieux ou distants. Les chats dits « évitants », qui gardent leurs distances, ne présentaient aucun changement significatif de leur taux d’ocytocine, tandis que les chats anxieux (toujours en quête de leur maître, mais vite submergé) avaient un taux d’ocytocine élevé dès le départ.

Chez ces derniers, comme chez les chats évitants, les câlins imposés faisaient baisser le niveau d’ocytocine. Autrement dit : quand l’interaction respecte le rythme du chat, le lien s’approfondit ; quand elle est forcée, l’hormone de l’attachement diminue.

Les humains pourraient en tirer une leçon : la clé pour créer un lien fort avec un chat est de comprendre son mode de communication.

Contrairement aux chiens, les chats ne s’appuient pas sur un contact visuel prolongé pour créer des liens. Ils utilisent des signaux plus subtils, comme le clignement lent des yeux — un « sourire félin » qui exprime sécurité et confiance.

Le ronronnement joue aussi un rôle central. Son grondement grave est associé non seulement à l’autoguérison chez le chat, mais aussi à des effets apaisants chez les humains. L’écouter peut réduire la fréquence cardiaque et la tension artérielle et l’ocytocine contribue à ces bienfaits.

Ainsi, la compagnie d’un chat — renforcée par toutes ces petites poussées d’ocytocine issues des interactions — peut agir comme un véritable bouclier contre le stress, l’anxiété et parfois même la dépression, offrant un réconfort proche dans certains cas de celui d’un soutien humain.

Les chats sont-ils moins affectueux que les chiens ?

Les études montrent en effet que l’ocytocine est généralement plus fortement libérée dans les interactions homme-chien. Dans une expérience célèbre menée en 2016, des scientifiques ont mesuré l’ocytocine chez des animaux de compagnie et leurs propriétaires avant et après dix minutes de jeu. Les chiens ont montré une augmentation moyenne de 57 % après avoir joué, contre environ 12 % chez les chats.

Chez l’humain aussi, l’ocytocine grimpe davantage quand les interactions sociales sont fortes. Des études montrent que le contact avec un être cher produit des réponses plus fortes en ocytocine que le contact avec des étrangers. Cela explique pourquoi l’accueil enthousiaste d’un chien peut ressembler à l’émotion ressentie face à un enfant ou un partenaire.

Les chiens, animaux de meute domestiqués pour vivre aux côtés des humains, sont quasiment programmés pour rechercher le contact visuel avec nous, nos caresses et notre approbation — autant de comportements qui stimulent l’ocytocine des deux côtés. Les chats, eux, descendent de chasseurs solitaires et n’ont pas développé les mêmes signaux sociaux démonstratifs. Ils libèrent donc de l’ocytocine plus rarement, souvent seulement quand ils se sentent en sécurité.

La confiance d’un chat ne s’acquiert pas automatiquement, elle se mérite. Mais une fois acquise, elle est renforcée par la même molécule qui unit parents, partenaires et amis humains.

Ainsi, la prochaine fois que votre chat clignera doucement des yeux depuis le canapé ou se pelotera en ronronnant sur vos genoux, souvenez-vous : il ne se passe pas seulement quelque chose de tendre. Dans vos deux cerveaux, l’ocytocine circule, renforçant la confiance et apaisant le stress. Les chats, à leur manière, ont trouvé comment activer en nous la chimie de l’amour.

The Conversation

Laura Elin Pigott ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

18.09.2025 à 16:11

Selon le sport pratiqué, les athlètes n’auraient pas la même probabilité de donner naissance à une fille ou à un garçon

Favier François, Enseignant Chercheur en STAPS, Université de Montpellier
Florian Britto, Chercheur, Université Paris Cité
Grégoire Millet, Professeur en physiologie environnementale et physiologie de l'exercice, Université de Lausanne
Une récente étude vient de mesurer que, chez les sportifs de haut niveau, la discipline pratiquée peut influencer la probabilité de donner naissance plutôt à une fille qu’à un garçon.
Texte intégral (1964 mots)
Certains sportifs ont-ils une plus grande probabilité d’avoir un garçon que d’autres ? Comment l’expliquer ? LightField Studios/Shuttertock

Une récente étude vient de mesurer que, chez les sportifs de haut niveau, leur discipline peut influencer sur la probabilité de donner naissance plutôt à une fille qu’à un garçon. Quelles pourraient-être les hypothèses pour expliquer cette « étrangeté » ?


Les chercheurs en sciences du sport ont parfois de drôles de conversations : il y a environ un an, nous discutions de l’influence de la discipline sportive sur le sexe des enfants de sportifs. Ça parait incongru de prime abord, mais il se disait que les sportifs d’endurance avaient plus de filles… En discutant et en prenant en exemple nos connaissances, ou d’illustres athlètes, cette rumeur semblait se confirmer. Mais aucun travail scientifique solide n’avait été fait : nous avons donc mené l’enquête ! Et oui, nos analyses portant sur près de 3 000 naissances confirment cette idée : un athlète de haut niveau en triathlon ou ski de fond a moins de probabilité d’avoir un garçon qu’un professionnel en sports collectifs ou en tennis.

Comment en sommes-nous arrivés à ces conclusions ? D’abord il faut trouver les données. Et pour cela, nous avons utilisé les informations fournies par les sportifs eux-mêmes via les réseaux sociaux, les sites de magazines spécialisés, de journaux, les fiches Wikipédia ou directement par questionnaire. Commence alors un long et fastidieux travail de collecte auprès de sportifs professionnels ou avec des sélections en équipe nationale. On note l’âge des sportifs, leur discipline sportive, les dates de leur carrière et bien sûr l’année de naissance et le sexe de leur progéniture. On sait que dans la population générale, il y a entre 1.03 à 1.05 garçons pour 1 fille, et ce résultat est très stable à travers le monde et le temps. Nous avons comparé les résultats chez nos sportifs avec ces valeurs et également les disciplines entre elles pour savoir si nous pouvions identifier des critères associés aux naissances de filles ou de garçons.

Près de 3 000 naissances analysées

Résultat : 2 995 naissances entre 1981 et 2024 issues de sportifs de plus de 80 pays et de 45 disciplines sportives différentes ont été analysées, dont un peu moins de 20 % de sportives (ce ratio étant dû principalement à la disponibilité des données qui découlent notamment d’une plus grande mise en avant médiatique des sportifs par rapport aux sportives). Premier enseignement, chez nos sportifs on observe 0.98 naissance garçon pour 1 naissance fille, soit moins que chez les non-sportifs. Nous sommes sur la bonne voie. Pour voir si la discipline sportive influence le sexe des enfants, on classe les sports en fonction du pourcentage de naissances de garçons observées dans chaque sport et on constate qu’il y a des écarts très importants (56 % à 35 % de naissances masculines) entre le tennis, le handball et le ski d’un côté (avec beaucoup de garçons), et le ski de fond/biathlon, la gymnastique ou la course de fond et demi-fond de l’autre.

Pourcentage des naissances de garçons chez les sportifs de différentes disciplines. Les disciplines avec la même couleur appartiennent à une même catégorie : disciplines de force-vitesse, disciplines mixtes, disciplines d’endurance. La ligne en tiret représente la moyenne dans la population mondiale. Fourni par l'auteur

En observant ces résultats, on note que cela se complique un peu, car la gymnastique ou le water-polo, qui ne sont pas vraiment considérés comme des sports d’endurance, semblent aussi influencer le sexe de la progéniture des athlètes vers une augmentation des naissances de filles. En revanche, on voit apparaître un autre élément : les sportives mettent au monde significativement moins de garçons que les sportifs (0.85 garçon pour 1 fille, contre 1.02 pour 1 chez les hommes).

Pour y voir plus clair, on regroupe les différentes disciplines au sein de quatre catégories : endurance (cyclisme, ski de fond…), puissance (ski de descente, sauts et lancers…), mixte (sports collectifs) et précision (tir, golf…). On ajoute les critères : sexe de l’athlète et date de la naissance par rapport à la carrière du sportif (pendant ou après sa carrière). On réalise ensuite une analyse par arbre de classification. Cela revient à séparer l’échantillon en sous-groupes distincts avec les critères spécifiés, si ces derniers ont un pouvoir prédictif sur le sexe de la progéniture.

En réalisant cette analyse statistique, on peut conclure que c’est bien la discipline sportive qui pèse le plus, les sportifs pratiquant les sports d’endurance ou de précision engendrant significativement plus de naissances de filles et moins de naissances de garçons que les deux autres (mixte et puissance). Puis, au sein du sous-groupe de sportifs qui pratiquent l’endurance ou les sports de précision, le sexe du sportif lui-même est un prédicteur du sexe de sa progéniture : les sportives de ce sous-groupe engendrent 0.7 garçon pour 1 fille contre 0.91 chez les messieurs.

Enfin, dernier effet, au sein des sportives d’endurance et de précision, le fait d’avoir un enfant pendant ou après sa carrière a une grosse incidence puisque la probabilité est de seulement 0.58 garçon pour 1 fille quand la naissance survient pendant la carrière contre 0.81 après la carrière.

Finalement, le sous-groupe pour lequel l’effet de la pratique sportive à haut niveau est le plus marqué est celui constitué par les sportives qui pratiquent un sport d’endurance ou de précision et qui ont un enfant pendant leur carrière. Chez elles, la probabilité d’avoir une fille ou un garçon est de 63 % vs. 37 %, alors que c’est environ 49 vs. 51 % dans la population mondiale.

Quelles sont les hypothèses ?

Comment expliquer une telle différence ? À ce stade, on ne peut émettre que des hypothèses.

Une des causes pourrait être liée au profil hormonal des parents au moment de la conception. En effet, de hauts niveaux de testostérone ou d’œstrogènes favoriseraient les naissances masculines, à l’inverse de la progestérone ou du cortisol. Or le rapport testostérone/cortisol a été proposé en sport comme marqueur de surentraînement.

Une autre cause physiologique pourrait être la dépense énergétique liée à l’activité physique. En effet, le développement au stade embryonnaire est plus coûteux en énergie pour les fœtus mâles que pour les fœtus femelles.

Le nombre d’heures passées à s’entraîner ainsi que l’intensité des entraînements modifierait le statut hormonal et/ou l’état énergétique de l’organisme avant la conception, ce qui pourrait influencer le sexe de la progéniture des sportifs.

En accord avec cette hypothèse, il a été montré sur un échantillon de footballeurs chiliens que ceux qui s’entraînaient le plus avaient plus de filles que les autres. Même constat chez les animaux : les souris femelles gestantes qui courent le plus font moins de souriceaux mâles. Le nombre d’heures d’entraînement hebdomadaire expliquerait aussi le faible nombre de garçons chez les gymnastes et les poloïstes, deux sports avec un volume d’entraînement important. Mais les aspects psycho-sociologiques pourraient aussi contribuer à influencer le sexe des enfants de sportifs. Par exemple, une bonne situation financière serait associée à une augmentation des naissances masculines dans la population générale.

Les différences de revenus entre les disciplines sportives, entre les hommes et les femmes, ou l’incertitude liée à l’après-carrière pourraient donc contribuer aux variations observées. La liste des autres paramètres susceptibles d’influencer le sexe des enfants de sportifs est longue (profil du partenaire, utilisation possible de certaines substances pharmacologiques, bilan alimentaire/énergétique, situation politique du pays, etc.). De nouvelles études standardisées seront donc nécessaires pour élucider ces observations. D’un point de vue des hypothèses physiologiques, il serait intéressant de comparer le profil hormonal, la dépense énergétique et le volume d’entraînement des athlètes parents de petits garçons avec ceux parents de petites filles. Des études plus poussées sur la qualité du sperme des athlètes masculins et l’adaptation du tractus génital des athlètes féminines en réponse à leur pratique seraient aussi très intéressantes. Enfin, il serait aussi pertinent de mesurer l’impact d’un meilleur aménagement socio-économique de la carrière des sportives sur le sexe de leur progéniture.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

17.09.2025 à 16:29

Pourquoi tout le monde n’a pas le sens de l’orientation

Atlas Thébault Guiochon, Ingénieur·e en neurosciences cognitives et Enseignant·e, Université Lumière Lyon 2
D’où vient le sens de l’orientation, et pourquoi diffère-t-il tant d’une personne à l’autre ?
Texte intégral (1612 mots)
Certains se perdent plus facilement que d’autres. Samuele Errico Piccarini, Unsplash, CC BY-SA

Vous êtes plutôt du genre à vous repérer partout dès la première fois, ou à encore sortir le GPS après plusieurs années dans le même quartier ? Ah ! le fameux « sens de l’orientation » ! On entend souvent que les femmes en manqueraient, tandis que les hommes posséderaient « un GPS intégré ». Mais la réalité est beaucoup plus subtile… Alors, d’où vient ce « sens de l’orientation », et pourquoi diffère-t-il tant d’une personne à l’autre ?


Vous marchez dans la rue à la recherche de l’adresse que votre amie vous a donnée… mais qu’est-ce qui se passe dans votre cerveau à ce moment-là ? La navigation spatiale mobilise un véritable orchestre de nombreuses fonctions cognitives.

D’un côté, des processus dits de « haut niveau » : localiser son corps dans l’espace, se représenter mentalement un environnement, utiliser sa mémoire, planifier un itinéraire ou encore maintenir un objectif. De l’autre, des processus plus automatiques prennent le relais : avancer, ralentir, tourner… sans même y penser.

En réalité, le « sens de l’orientation » n’est pas une capacité unique, mais un ensemble de tâches coordonnées, réparties entre différentes zones du cerveau, qui travaillent de concert pour que vous arriviez à bon port.

Le cerveau cartographe

S’il existe bien une structure cérébrale particulièrement impliquée, c’est l’hippocampe. Cette structure jumelle, une par hémisphère, possède une forme allongée qui rappelle le poisson dont elle tire son nom.

deux vues du cerveau humain pour localiser l’hippocampe
L’hippocampe, en rouge. Anatomography, via Wikipedia, CC BY-SA

Son rôle dans la navigation spatiale est souvent illustré par une étude devenue emblématique.

L’équipe de recherche s’intéressait à la plasticité cérébrale, cette capacité du cerveau à se réorganiser et à adapter ses connexions en fonction des apprentissages. Elle a alors remarqué que la partie postérieure de l’hippocampe des conducteurs et conductrices de taxi à Londres était plus développée que celle de personnes n’ayant pas à mémoriser le plan complexe de la ville et qui n’y naviguent pas au quotidien. Preuve, s’il en fallait, que notre cerveau s’adapte selon les expériences.

Le sens de l’orientation n’est pas inné

C’est une des questions qu’a voulu explorer Antoine Coutrot au sein d’une équipe internationale, en développant Sea Hero Quest, un jeu mobile conçu pour évaluer nos capacités de navigation. Le jeu a permis de collecter les données de plus de 2,5 millions de personnes à travers le monde, du jamais vu à cette échelle pour le domaine.

Les participant·e·s ne partageaient pas seulement leurs performances dans le jeu, mais fournissaient également des informations démographiques (âge, genre, niveau d’éducation, etc.), la ville dans laquelle iels avaient grandi, ou encore leurs habitudes de sommeil.

Alors, les hommes ont-ils vraiment « un GPS dans la tête » ? Pas tout à fait.

Les données révèlent bien une différence moyenne entre les sexes, mais cette différence est loin d’être universelle : elle varie en fonction du pays, et tend à disparaître dans ceux où l’égalité de genre est la plus forte. En Norvège ou en Finlande, l’écart est quasi nul, contrairement au Liban ou à l’Iran. Ce ne serait donc pas le sexe, mais les inégalités sociales et les stéréotypes culturels qui peuvent, à force, affecter la confiance des personnes en leur capacité à se repérer, et donc leurs performances réelles.

L’âge joue aussi un rôle : durant l’enfance, nous développons très tôt les compétences nécessaires à l’orientation et à la navigation spatiales. Après 60 ans, les capacités visuospatiales déclinent, tout comme le sens de l’orientation, qui repose, comme on l’a vu, sur de nombreuses fonctions cognitives.


À lire aussi : Proprioception et équilibre : notre « sixième sens » varie d’un individu à l’autre


… mais façonné par l’environnement

L’endroit dans lequel on grandit semble également impliqué. Celles et ceux qui ont grandi dans de petits villages sont souvent plus à l’aise dans de grands espaces. À l’inverse, les citadin·e·s, habitué·e·s à tout avoir à quelques pas, se repèrent mieux dans les environnements denses et complexes.

La forme même de la ville, et plus précisément son niveau d’organisation (que l’on appelle parfois « entropie »), influence également nos capacités d’orientation. Certaines villes très organisées, aux rues bien alignées, comme de nombreuses villes états-uniennes, présentent une entropie faible. D’autres, comme Paris, Prague ou Rome, plus « désorganisées » à première vue, possèdent une entropie plus élevée. Et ce sont justement les personnes ayant grandi dans ces villes à forte entropie qui semblent développer un meilleur sens de l’orientation.

Même l’âge auquel on apprend à conduire peut jouer. Les adolescent·e·s qui prennent le volant avant 18 ans semblent mieux se repérer que celles et ceux qui s’y mettent plus tard. Une exposition plus précoce à la navigation en autonomie sans aide extérieure (adulte, GPS…) pourrait donc renforcer ces compétences.

En somme, ce qu’on appelle le sens de l’orientation n’est pas prédéfini. Il se construit au fil des expériences, de l’environnement, et des apprentissages.

The Conversation

Atlas Thébault Guiochon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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