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30.06.2025 à 17:36
Le Brésil, laboratoire du vin de demain
Texte intégral (1907 mots)

Le Brésil dispose de tous les atouts pour devenir un acteur clé du vin au XXIe siècle… à condition d’assumer pleinement son rôle : un laboratoire d’expérimentation, de consommation et de durabilité viticole à l’échelle mondiale. Après le football et le café, le vin, nouvel emblème du Brésil ?
Le Brésil, pays le plus peuplé d’Amérique du Sud avec 212 583 750 d’habitants et cinquième producteur de vin de l’hémisphère sud, suscite un intérêt international croissant. Longtemps perçu comme un acteur marginal sur la scène viticole, il connaît une transformation rapide, portée par des innovations techniques, une diversification de ses terroirs et une nouvelle génération de consommateurs.
Cette dynamique fait du pays un véritable laboratoire des nouvelles tendances mondiales du vin. Le marché brésilien connaît une croissance impressionnante : 11,46 milliards d'euros de chiffre d’affaires en 2024, avec des prévisions atteignant 19,12 milliards d'euros d’ici 2030, à un rythme de croissance annuelle moyen de 9,1 %. En valeur, le Brésil représente aujourd’hui 2,6 % du marché mondial du vin.
Comment expliquer ce marché émergent ?
Nouveaux terroirs
Le pays produit entre 1,6 et 1,7 million de tonnes de raisins par an, sur près de 81 000 hectares. Le sud du pays reste le cœur de la viticulture brésilienne, avec 90 % de la production concentrée dans l’État du Rio Grande do Sul. La région de Pinto Bandeira s’est distinguée pour ses vins mousseux de qualité, produits selon la méthode traditionnelle, à base de Chardonnay et de Pinot noir.

De nouvelles régions émergent. Santa Catarina, avec ses vignobles d’altitude à São Joaquim, favorise une production de mousseux fins dans un climat frais. Plus audacieux encore, la vallée du São Francisco, dans le nord-est tropical, permet deux vendanges par an grâce à son climat semi-aride. Dans les zones plus chaudes comme São Paulo ou Minas Gerais, les producteurs innovent avec la technique de la poda invertida, ou taille inversée. Ils repoussent la récolte vers des périodes plus fraîches, améliorant la qualité des raisins.
Vin d’entrée de gamme et vin blanc
En 2023, le Brésil a importé 145 millions de litres de vin, soit une baisse de 5,91 % en volume – en gommant l’inflation –, mais une hausse de 5 % en valeur – sans effet d’un changement de prix.
Les vins d’entrée de gamme – inférieurs à 20 euros – dominent avec 65 % du volume. Les vins premium – supérieurs à 80 euros – ont progressé de 31 % en volume et 34 % en valeur. Le Chili reste le principal fournisseur, devant le Portugal et l’Argentine. La France, cinquième fournisseur avec 7 % de parts de marché. L’Hexagone consolide sa position grâce à ses effervescents et ses Indications géographiques protégées (IGP).
Longtemps dominé par le rouge et les mousseux, le marché brésilien voit le vin blanc progresser fortement : 11 % d’importations en plus en 2023, représentant désormais 22 % du marché. Cette tendance s’explique par le climat, mais aussi par une recherche de fraîcheur, de légèreté, et de moindres teneurs en alcool. Les vins blancs aromatiques et floraux séduisent particulièrement les jeunes et les femmes, bouleversant les codes traditionnels.
Millennials et Gen Z
Le renouveau du marché brésilien repose en grande partie sur les jeunes générations. Selon une étude, 37 % des millennials et Gen Z déclarent préférer le vin, juste derrière la bière (44 %), et devant les spiritueux. La consommation de vin devient plus quotidienne, intégrée à des moments conviviaux. Les Brésiliennes représentent 53 % des consommateurs en 2024, contre 47 % en 2019. La part des consommatrices âgées de 55 à 64 ans est même passée de 14 % à 19 %. Ce public, en pleine mutation, recherche des vins plus accessibles, des expériences partagées, et des marques engagées.
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Vers une viticulture plus durable
La durabilité devient un atout compétitif majeur. À Encruzilhada do Sul, le domaine Chandon (LVMH) a lancé un mousseux premium, à partir de pratiques durables certifiées PIUP, bien que non bio. Selon son œnologue Philippe Mével, ces démarches améliorent la santé des sols et la productivité, tout en réduisant les intrants.

La vinícola Salton, quant à elle, compense ses émissions de 951 tonnes de CO₂ en 2020 par la conservation de 420 hectares de pampa native, et des actions de reforestation. Elle vise la neutralité carbone d’ici 2030 via des énergies renouvelables et des matériaux recyclés.
Adapter la communication
Malgré ces avancées, le vin brésilien souffre d’une image encore trop classique. Pour séduire les jeunes, la filière doit adopter des codes plus spontanés, centrés sur les expériences, les moments de vie et les émotions. Instagram, TikTok, micro-influenceurs, étiquettes au design moderne : les leviers sont nombreux.
Le visuel est désormais un facteur déterminant d’achat. Les jeunes générations attendent aussi que le vin s’intègre à leur quotidien via des événements festifs, des pique-niques, des festivals ou des bars éphémères.
La consommation moyenne de vin par habitant reste faible (2,7 litres/an), mais le potentiel est considérable. Avec une offre en pleine diversification, des terroirs multiples, une jeunesse curieuse et exigeante, et une montée en gamme affirmée, le Brésil change de visage viticole.
Des événements comme ProWine São Paulo, devenu la plus grande foire du vin et des spiritueux des Amériques, témoignent de cet engouement croissant. Le Brésil dispose de tous les atouts pour devenir un acteur clé du vin au XXIe siècle… à condition d’assumer pleinement ce qu’il est en train de devenir : un laboratoire d’expérimentation, de consommation et de durabilité viticole à l’échelle mondiale.

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.
30.06.2025 à 17:36
En Espagne, une loi pour lutter contre le gaspillage alimentaire
Texte intégral (2306 mots)
14 % de la nourriture produite est jetée ou perdue avant même d'atteindre les rayons des magasins. 19% sera ensuite jetée par les magasins, les restaurants ou particuliers. Pour lutter contre ce fléau, l'Espagne vient d'adopter une loi avec des sanctions inédites. Mais cela sera-t-il suffisant pour endiguer le gaspillage alimentaire ?
L’Espagne vient d’adopter une nouvelle loi pour lutter contre les pertes et le gaspillage alimentaire. Publiée le 1er avril 2025, elle ambitionne de réduire les pertes et le gaspillage à toutes les étapes de la chaine alimentaire, de la récolte à la consommation, en promouvant un modèle plus durable. Si une loi en Catalogne existait déjà en la matière, le dispositif est désormais harmonisé.
Les objectifs fixés sont ambitieux. La loi vise à réduire de 50 % le gaspillage alimentaire par habitant et de 20 % les pertes alimentaires d’ici à 2030. Les pertes alimentaires désignent ici la nourriture qui est perdue ou jetée avant d’atteindre les magasins de détail, lors des étapes de récolte, de transformation des aliments ou encore du transport. Actuellement, 14 % de la nourriture produite dans le monde est perdue à ce stade. Le gaspillage alimentaire correspond lui à la nourriture disponible à la vente ou à la consommation qui est jetée par les supermarchés, les restaurants et les ménages. Il représente 19 % des denrées alimentaires produites dans le monde. Ces chiffres ont marqué un véritable tournant dans la prise de conscience mondiale de ce problème, incitant les gouvernements à adopter des politiques ambitieuses pour y remédier.
Inédite en Espagne, cette loi constitue une étape importante dans la lutte contre le gaspillage alimentaire. Elle s’inscrit dans les objectifs de développement durable de l’Union européenne qui visent, d’ici au 31 décembre 2030, une réduction de 10 % des pertes alimentaires (par rapport à la quantité générée en moyenne annuelle entre 2021 et 2023) ainsi que la réduction de 30 % du gaspillage alimentaire par habitant.
Le texte présente également des dispositions similaires à celles de la loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, dite Loi Garot, adoptée par la France en 2016. Bien que les dispositifs ne soient pas entièrement identiques, les deux textes poursuivent le même objectif : lutter contre les pertes et le gaspillage alimentaires.
L’ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire impliqués
Pour atteindre cet objectif, la participation de tous les acteurs de la société est nécessaire. La loi espagnole s’applique ainsi à une large palette d’acteurs opérant sur le territoire. Elle s’adresse aux professionnels assurant la production, la transformation et la distribution de denrées alimentaires ; aux restaurants ; à l’hôtellerie ; aux consommateurs ; aux associations de distribution de dons alimentaires ainsi qu’à l’administration publique. Seules les micro-entreprises sont exclues du dispositif.
Contrairement à la loi française, la loi espagnole est également applicable pour les opérateurs du secteur primaire tels que les agriculteurs, éleveurs, pêcheurs et coopératives agricoles.
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Un ordre de priorité à respecter
Les opérateurs économiques de la chaîne alimentaire doivent respecter un ordre de priorité inspiré de la directive européenne sur les déchets. Ainsi, lorsqu’une denrée alimentaire ne parvient pas à être vendue, elle doit être donnée ou transformée (par exemple des fruits transformés en confiture). Si ces opérations ne sont pas réalisables, cette denrée pourra être utilisée pour nourrir les animaux. À défaut, elle sera transformée par l’industrie en sous-produit non alimentaire (biocarburant, bioplastiques…), recyclée ou transformée en compost.
La loi proscrit également toute action visant à rendre les denrées impropres à la consommation ou à la valorisation comme le fait de verser de la javel sur les invendus.
Le manquement au respect de cet ordre de priorité est répertorié comme étant une « infraction mineure » et est puni par un avertissement ou une amende pouvant aller jusqu’à 2 000 euros. Cette infraction peut être requalifiée en « infraction grave » si elle est commise à nouveau dans une période de deux ans à compter de la sanction par décision administrative de la première d’entre elles. Le cas échéant, elle est punie d’une amende allant de 2 001 à 60 000 euros.
La destruction ou altération intentionnelle de denrées alimentaires invendues encore propres à la consommation est quant à elle considérée comme étant une « infraction grave ». En cas de réitération de ce type d’infraction, celle-ci est susceptible d’être requalifiée en « infraction très grave ». Elle sera alors passible d’une amende comprise entre 60 001 et 500 000 euros. La loi laisse une certaine marge de manœuvre à l’échelle régionale aux 17 Communautés autonomes d’Espagne pour augmenter ces seuils et/ou inclure d’autres sanctions additionnelles ou accessoires dans leurs réglementations respectives ayant valeur de loi.
Les sanctions diffèrent des sanctions françaises lesquelles prévoient une amende pouvant aller jusqu’à 0,1 % du chiffre d’affaires hors taxe du dernier exercice clos réalisé par l’établissement coupable de destruction de ses invendus. Le montant est fixé en fonction de la gravité de l’infraction, notamment du nombre et du volume de produits concernés. Cette amende peut être assortie d’une peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal.
Des plans de prévention à réaliser
La loi espagnole impose également aux professionnels de mettre en place des plans de prévention. Il s’agit de documents opérationnels détaillant les mesures mises en place pour identifier, prévenir et réduire les pertes et le gaspillage alimentaires. Chaque acteur de la chaîne alimentaire (à l’exception donc des microentreprises, des petits établissements commerciaux d’une surface inférieure à 1300m2 et des petites exploitations agricoles) doit expliquer comment il appliquera cet ordre de priorité et rendre compte des actions de prévention telles que la vente de produits dits « moches » ou « inesthétiques » ou encore indiquer les éventuels accords ou arrangements qu’ils ont avec des associations pour donner leurs invendus. Ces plans de prévention permettent également de collecter des données sur les pertes et le gaspillage alimentaires qui seront essentielles dans le cadre du suivi et de la régulation de cette problématique à l’échelle nationale.
Ces informations collectées alimenteront le plan national de contrôle des pertes et du gaspillage alimentaires, un dispositif mis en place par l’Espagne pour superviser et contrôler les actions des professionnels. Ce plan national vise à garantir que les objectifs législatifs de réduction des pertes et du gaspillage alimentaires soient atteints et peut inclure des contrôles, des audits, ainsi que des mécanismes de suivi et de sanction en cas de non-respect.
Le ministère de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation doit établir annuellement un rapport contenant les résultats de la mise en œuvre du plan de lutte national afin de suivre l’évolution et des mesures mises en place. Les administrations publiques doivent quant à elle enquêter et recueillir des données permettant de connaître l’ampleur du phénomène de pertes et du gaspillage alimentaires (volumes, causes et responsabilités).
Le don encouragé
La loi vise également à promouvoir le don de nourriture, en garantissant la sécurité et la traçabilité des aliments. Bien qu’encouragé, notamment au travers d’une déduction fiscale, le don reste facultatif : les professionnels peuvent aussi écouler leurs invendus alimentaires encore consommables en baissant les prix par exemple ou en les transformant. En revanche, il est interdit d’insérer dans un contrat une clause qui empêcherait l’autre partie de les donner.
Le recours au don est également encadré par une convention de don précisant les modalités de collecte, de transport, de stockage ainsi que les obligations des parties.
L’association bénéficiaire a la possibilité de refuser le don, sous réserve de motiver son refus. Elle est également tenue de respecter plusieurs exigences telles que : fournir des informations sur les denrées alimentaires aux personnes qui reçoivent la nourriture ; assurer la traçabilité des produits donnés au moyen d’un système d’enregistrement des entrées et sorties de denrées alimentaires reçues et livrées ; maintenir de bonnes pratiques d’hygiène dans la conservation et la manipulation des aliments ou encore donner sans discrimination.
Informer les consommateurs
La loi a enfin pour objectif de sensibiliser et d’informer les consommateurs. Elle impose pour cela aux pouvoirs publics de promouvoir des campagnes d’information sur la réduction du gaspillage alimentaire. Cette problématique sera d’ailleurs intégrée dans les programmes éducatifs dès le plus jeune âge.
Le texte met également l’accent sur l’importance de différencier les types de dates figurant sur les produits alimentaires : les produits comportant une date limite de consommation (DLC) présentent un risque pour la santé s’ils sont consommés une fois la date expirée. À l’inverse, les produits ayant une date de durabilité minimale (DDM) peuvent être consommés après cette date. Leur qualité peut être altérée mais ils peuvent encore être consommés en toute sécurité plutôt que d’être jetés. Cette mesure est d’ores et déjà à l’œuvre en France où les produits alimentaires comportant une DDM peuvent être accompagnés d’une mention informant les consommateurs que le produit reste consommable après cette date.
À l’échelle des restaurants, les doggy bags sont également fortement encouragés. À l’instar de la France, l’Espagne impose désormais aux établissements de la restauration de fournir gratuitement des contenants réutilisables ou facilement recyclables afin de permettre aux clients d’emporter les restes de leur repas.
L’Espagne est le troisième pays de l’Union européenne, après la France et l’Italie, à adopter une loi spécifique contre le gaspillage alimentaire. Cette dynamique s’inscrit dans un contexte plus large de renforcement des politiques européennes en matière de durabilité alimentaire.
L’efficacité de la loi espagnole sur la prévention des pertes et du gaspillage alimentaire reposera sur sa mise en œuvre concrète et la rigueur du contrôle exercé. L’exemple de la loi française, adoptée il y a neuf ans, offre un cadre d’évaluation utile pour apprécier les leviers efficaces et les résultats mesurables d’une telle politique.
En effet, malgré l’ambition initiale, un rapport parlementaire publié trois ans après l’entrée en vigueur de la loi Garot a mis en évidence l’insuffisance de moyens pour réaliser des contrôles. La destruction des invendus, notamment par la pratique de la javellisation, fait l’objet de très peu de contrôles effectifs et est faiblement sanctionnée.
L’Espagne a quant à elle intégré dans cette loi un dispositif national de contrôle des pertes et du gaspillage alimentaires, articulé autour d’un mécanisme de suivi régulier assuré par le ministère de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation et des plans de prévention fournis par les opérateurs économiques.
Reste à déterminer si ces outils, pensés pour garantir une application rigoureuse et homogène du texte, seront suffisamment dotés pour produire des effets concrets. À terme, c’est bien sa capacité à induire des changements structurels dans les pratiques économiques et sociales qui permettra d’en juger la portée réelle.

Clémence Lepla a reçu des financements de la Région des Hauts-de-France et de l'Université de Lille.
30.06.2025 à 17:25
Sexualité : les allergies au liquide séminal, un problème sous-estimé ?
Texte intégral (1593 mots)

Démangeaisons, brûlures, œdème, voire difficultés respiratoires… chez certaines femmes, ces symptômes se manifestent quelques instants après les rapports sexuels. En cause, une allergie particulière, l’hypersensibilité au liquide séminal (HLS). Parfois confondue avec d’autres problématiques, cette réaction pourrait concerner un nombre de femmes plus important qu’on ne l’imaginait jusqu’ici.
L’hypersensibilité au liquide séminal (HLS) est un trouble rare, quoique probablement sous-diagnostiqué. Cette réaction n’est pas provoquée par les spermatozoïdes, mais par les protéines présentes dans le liquide séminal, le liquide qui transporte ces derniers. L’hypersensibilité au liquide séminal a été documentée première fois documentée en 1967, après l’hospitalisation d’une femme victime d’une « violente réaction allergique » survenue durant un rapport sexuel. Elle est aujourd’hui reconnue comme une hypersensibilité de type I, ce qui la place dans la même catégorie que le rhume des foins et les allergies aux cacahuètes ou aux poils de chat.
Les symptômes qui en résultent s’étendent sur un large spectre, qui va de manifestations bénignes à des troubles graves. Certaines femmes souffrent de réactions locales : brûlures, démangeaisons, rougeurs et œdème au niveau de la vulve ou du vagin. D’autres présentent des symptômes généralisés : urticaire, respiration sifflante, vertiges, nez qui coule, voire choc anaphylactique, une réaction immunitaire potentiellement mortelle.
Jusqu’en 1997, on estimait que l’HLS touchait moins de 100 femmes dans le monde. Mais une étude dirigée par l’allergologue Jonathan Bernstein a montré que, parmi les femmes rapportant des symptômes après avoir eu des rapports sexuels, près de 12 % présentaient un tableau compatible avec une HLS. J’ai moi-même une petite enquête en 2013 (résultats non publiés) et obtenu un taux similaire.
Mais le chiffre réel pourrait être encore plus élevé. En effet, de nombreux cas ne sont pas signalés, ou sont mal diagnostiqués, les symptômes étant attribués à tort à des infections sexuellement transmissibles, à des problèmes de mycose, voire à une « sensibilité générale ». Un indice révélateur permet cependant d’orienter le diagnostic : les symptômes disparaissent lorsqu’un préservatif est utilisé. En 2024, une revue de littérature a corroboré ces résultats, suggérant que l’HLS est à la fois plus fréquente et plus souvent méconnue qu’on ne le pensait.
Un allergène présent dans le liquide séminal
L’allergène principal semble être la kallicréine prostatique ou antigène spécifique de la prostate (PSA) : une protéine présente dans le liquide séminal. Celle-ci est systématiquement présente, quel que soit le partenaire. Autrement dit, une femme présentant cette allergie présentera une réaction au sperme de n’importe quel homme, pas seulement à celui d’un compagnon spécifique.
Des preuves de l’existence d’une réactivité croisée ont également été mises en évidence. Ainsi, Can f 5, une protéine présente dans les squames des chiens est structurellement similaire à l’antigène PSA humain. De ce fait, certaines femmes allergiques aux chiens peuvent également présenter une allergie au sperme. En 2007, des cliniciens ont également décrit le cas d’une jeune femme ayant développé une urticaire diffuse ainsi que des difficultés à respirer après avoir eu un rapport sexuel avec son compagnon. Celui-ci avait consommé peu de temps auparavant des noix du Brésil, souvent impliquées dans les réactions allergiques. Il semblerait que la réaction de la jeune femme ait été provoquée par la présence de protéines de noix dans le sperme de son partenaire.
Les hommes aussi peuvent être concernés
La première étape pour poser un diagnostic de HSP consiste à établir un historique sexuel et médical détaillé. Celui-ci est ensuite généralement suivi par la réalisation d’analyses sanguines destinées à détecter les anticorps IgE anti-PSA, ou de tests cutanés avec le liquide séminal du partenaire.
Lors de nos travaux de recherche, nous avons démontré que des tests effectués avec des spermatozoïdes lavés, donc dépourvus de liquide séminal, n’ont pas engendré de réaction chez des femmes présentant habituellement des symptômes allergiques. Ces résultats confirment que le déclencheur allergique n’est pas la cellule spermatozoïde elle-même, mais bien les protéines du liquide séminal.
Soulignons que les femmes ne sont pas les seules susceptibles de développer ce type d’allergie. Certains hommes peuvent aussi être allergiques à leur propre sperme. Cette pathologie, connue sous le nom de syndrome de la maladie post-orgasmique, provoque des symptômes pseudo-grippaux – fatigue, brouillard cérébral et courbatures – immédiatement après l’éjaculation. On suppose qu’il s’agit d’une réaction auto-immune ou allergique. Le diagnostic reste complexe à poser, cependant il arrive qu’un test cutané mettant en œuvre le sperme puisse se révéler positif.
Qu’en est-il de la fertilité ?
L’hypersensibilité au liquide séminal n’engendre pas directement l’infertilité, mais elle peut compliquer le projet de conception. En effet, éviter l’allergène – ce qui constitue la solution la plus efficace pour lutter contre la plupart des allergies – n’est pas envisageable pour un couple qui souhaite concevoir…
Parmi les traitements possibles figurent la prise d’antihistaminiques en prophylaxie (qui consiste à prendre des médicaments antiallergiques avant l’exposition supposée à l’allergène, afin de prévenir ou d’atténuer les réactions), les traitements anti-inflammatoires et la désensibilisation (par administration progressive de liquide séminal dilué). Dans les cas les plus sévères, les couples peuvent recourir à une fécondation in vitro effectuée avec des spermatozoïdes lavés, ce qui permet d’éviter le contact avec les allergènes à l’origine de la réaction.
Il est important de souligner que l’hypersensibilité au liquide séminal n’est pas une cause d’infertilité. De nombreuses femmes qui en sont atteintes ont pu avoir des enfants, certaines naturellement, d’autres en ayant recours à une assistance médicale.
Pourquoi cette allergie est-elle si peu connue ?
La méconnaissance de l’hypersensibilité au liquide séminal tient probablement au fait que les symptômes liés aux rapports sexuels sont souvent passés sous silence par les patientes. La gêne, la stigmatisation et le manque de sensibilisation des médecins à cette question font que bien des femmes souffrent en silence.
Dans l’étude de menée en 1997 par Bernstein et ses collaborateurs, près de la moitié des femmes présentant des symptômes après des rapports sexuels n’avaient jamais été testées pour une hypersensibilité au liquide séminal. Durant des années, elles se sont donc vues poser un diagnostic erroné, et prescrire un traitement inadapté.
En définitive, si vous ressentez systématiquement des démangeaisons, des douleurs ou une sensation de malaise après un rapport sexuel et que ces symptômes ne surviennent pas lors d’un rapport protégé par préservatif, il est possible que vous souffriez d’hypersensibilité au liquide séminal.
Il est temps de braquer les projecteurs sur cette affection trop méconnue, pour que cette question soit enfin abordée en consultation.

Michael Carroll ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
30.06.2025 à 15:49
Célébrités, jeans et haute couture : comment Anna Wintour a changé la mode pendant ses 37 ans chez « Vogue »
Texte intégral (1757 mots)
Papesse de la mode, Anna Wintour, 75 ans, quitte la toute-puissante rédaction en chef de l’édition américaine de Vogue. Icône de la pop culture, la directrice artistique a inspiré le personnage de diva hautaine du livre le Diable s’habille en Prada (2003) et est citée dans les chansons des rappeurs Azealia Banks ou Jay Z. Sachant joué de son image, la journaliste britanno-américaine a fait un caméo dans le film Ocean’s Eleven, une apparition dans Zoolander 1 puis 2 et a même son personnage chez les Simpsons. Éternelle figure d’influence, Anna Wintour conservera un poste de direction au sein du groupe de presse Condé Nast.
Après trente-sept ans de règne, Anna Wintour, poids lourd de l’industrie de la mode, quitte ses fonctions de rédactrice en chef de l’édition états-unienne du magazine Vogue.
Il ne s’agit toutefois pas d’une retraite, puisque Mme Wintour conservera ses fonctions de responsable du contenu de toutes les marques, au niveau mondial, du groupe de presse de mode et style de vie Condé Nast (propriétaire de Vogue et d’autres publications telles que Vanity Fair et Glamour) et de directrice de l’édition internationale du magazine de mode, Vogue World.
Néanmoins, le départ de Mme Wintour de l’édition américaine du magazine est un fait marquant pour l’industrie de la mode qu’elle a, à elle seule, changée à jamais.
La fièvre des magazines de mode
Les magazines de mode tels que nous les connaissons aujourd’hui ont été formalisés pour la première fois au XIXᵉ siècle. Ils ont contribué à établir la « théorie du ruissellement de la mode », selon laquelle les tendances étaient traditionnellement dictées par certaines élites de l’industrie, notamment les rédacteurs en chef des principaux magazines.
Le Vogue états-unien lui-même a été créé à New York en 1892 par l’homme d’affaires Arthur Baldwin Turnure. Le magazine s’adressait à l’élite de la ville et couvrait initialement divers aspects de la vie de la haute société. En 1909, Vogue est racheté par Condé Nast. Dès lors, le magazine s’impose de plus en plus comme une pierre angulaire de l’édition de mode.

La période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale a particulièrement ouvert les portes au consumérisme de masse de la mode et à l’expansion de la culture des magazines de mode.
Wintour a été nommée rédactrice en chef du Vogue US en 1988. Le magazine a alors pris un tournant moins conservateur et a vu son influence sur le plan culturel grandir.
Elle n’a pas peur de briser le moule
Les choix éditoriaux audacieux de Wintour ont refaçonné la presse de mode, notamment les couvertures de magazines. Ses choix ont à la fois reflété et dicté l’évolution de la culture de la mode.
La première couverture de Vogue, publiée en 1988, mélangeait des vêtements de haute couture (Christian Lacroix) et des marques grand public (jeans Guess délavés), ce qui n’avait encore jamais été fait. C’était aussi la première fois qu’une paire de jeans apparaissait en couverture de Vogue, ce qui a parfaitement planté le décor d’une longue carrière passée à pousser le magazine à explorer de nouveaux domaines.
Wintour a aussi été une des premières à avoir placé les célébrités (et pas simplement les mannequins et les modèles) au centre du discours sur la mode. Tout en s’appuyant sur de grands noms tels que Beyoncé, Madonna, Nicole Kidman, Kate Moss, Michelle Obama et Oprah Winfrey, elle a donné sa chance à des stars montantes, àdes jeunes mannequins qu’elle mettait en couverture et dont elle propulsait les carrières.
L’héritage de Wintour à Vogue a consisté à faire passer la mode d’un défilé frivole à une industrie puissante, qui n’a pas peur d’affirmer ses choix. C’est particulièrement vrai lors du Met Gala, qui se tient chaque année pour célébrer l’ouverture d’une nouvelle exposition sur la mode au Metropolitan Museum of Art’s Costume Institute (New York).
Au départ, en 1948, c'était une simple soirée annuelle de collecte de fonds pour le Met, et c’est en 1974 que l’évènement a été pour la première fois associé à une exposition de mode.
Wintour a repris les rênes du Met Gala en 1995 et a fait d’une soirée de charité un rendez-vous prestigieux, haut lieu de brassage entre l’histoire et la mode, notamment en invitant des artistes en vue du cinéma ou de la mode.
Cette année, le thème du gala et de l’exposition Superfine : Tailoring Black Style porte sur le stylisme noir à travers l’histoire. À une époque où les États-Unis sont confrontés à une grande instabilité politique, Wintour a été célébrée pour le rôle qu’elle a joué dans l’élévation de l’histoire des Noirs grâce à cet événement.
Pas sans controverse
Cependant, si son influence culturelle ne peut être mise en doute, l’héritage de Wintour au Vogue états-unien n’est pas sans controverses. Ses querelles sans fin avec l’organisation de défense des animaux PETA en particulier – en raison de son soutien indéfectible à la fourrure – ont été longtemps minimisées.
En 2005, Wintour a été directement visée par les militants anti-fourrure : a elle été entartée alors qu’elle quittait un défilé de Chloé. Cette affaire n’a jamais vraiment été réglée. Vogue a continué à présenter des vêtements en fourrure, alors même que les consommateurs ont tendance à se détourner des matières animales, les fourrures en premier lieu.
La mode devient de plus en plus politique. Il reste à voir comment des magazines tels que Vogue vont réussir à appréhender et embrasser ce virage.
blogs de mode au cours des dernières décennies a donné naissance à une vague d’influenceurs de la mode, avec des foules d’adeptes, qui remettent en question la structure unidirectionnelle du « ruissellement » de l’industrie de la mode.Aujourd’hui, les réseaux sociaux ont dépassé l’influence des médias traditionnels, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du secteur de la mode. Le pouvoir des rédactrices de mode telles qu’Anna Wintour s’en voit considérablement diminué.
Le départ de Mme Wintour de son poste de rédactrice en chef fera couler beaucoup d’encre, mais jamais autant que celle qui aura permis d’imprimer tous les textes dont elle a supervisé la parution, aux manettes du plus grand magazine de mode du monde.

Rachel Lamarche-Beauchesne a été affiliée au Animal Justice Party (Parti de la justice animale en Australie)
Jye Marshall ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
30.06.2025 à 15:01
« Querer », « Adolescence »… les séries sont-elles plus efficaces que les campagnes de sensibilisation ?
Texte intégral (2108 mots)

À travers Querer et Adolescence, deux miniséries venues d’Espagne et du Royaume-Uni, 2025 aura vu la fiction européenne s’attaquer de front aux violences de genre et aux modèles de masculinité. Au-delà de leurs récits, ces œuvres posent une question cruciale : que peut la fiction pour sensibiliser à ces enjeux, dans les écoles, dans la sphère privée, comme dans l’espace public ?
On entend souvent que les séries influencent celles et ceux qui les regardent. Et généralement cette influence est décrite comme négative : les séries traduiraient et amplifieraient les stéréotypes, les violences, etc. Ce postulat est très éloigné des travaux de recherche. D’une part, ceux-ci démontrent que le public est (inégalement) actif, notamment en créant du discours face à ces imaginaires. D’autre part, les séries ne participent pas qu’à la diffusion de stéréotypes : elles les transforment et les tordent également.
Masculinité, violences sexistes… des séries qui permettent d’« en parler »
Adolescence est une minisérie britannique de quatre épisodes qui a été diffusée en mars 2025 sur Netflix. Elle suit la mise en accusation pour meurtre (d’une camarade de classe) d’un garçon de 13 ans. Abordant simultanément les questions de masculinité, de féminicide et de l’impact des réseaux sociaux, la série reçoit un fort écho en France et devient le centre d’une discussion sur l’éducation des garçons et le rôle de l’école dans la déconstruction de la masculinité.
Querer est également une minisérie de quatre épisodes, mais tournée et conçue en Espagne. Elle a été diffusée en France en juin 2025 sur Arte. Elle suit Miren, qui porte plainte contre son mari pour viols répétés, après trente ans de mariage. La série met notamment en lumière les réactions et le soutien contrastés des proches, la difficulté de ce type de procès et la normalisation des violences au sein des couples. Diffusée peu après le procès médiatisé de Mazan, la série bénéficie d’un important bouche-à-oreille.
Les séries participent de la mise à l’agenda politique et médiatique de ces questions. C’est d’ailleurs l’un de leurs objectifs assumés. Le réalisateur de Querer, Eduard Sala, a déclaré que la série visait « non seulement à divertir mais aussi à changer le monde ». Le scénariste d’Adolescence, Stephen Graham, a déclaré souhaiter que « la série provoque des dialogues entre les parents et leurs enfants », considérant qu’elle « n’est que le début du débat ».
Un rôle actif du public
Querer comme Adolescence sont des dispositifs efficaces pour parler des violences et harcèlements sexistes et sexuels (VHSS) car elles ont su trouver des relais médiatiques importants dans la presse, à la radio et à la télévision.
Mais ce n’est pas tout, si la sensibilisation par les séries se fait, c’est également que le public en parle, notamment le public le plus engagé : les fans. La série devient un levier pour entamer des conversations dans les communautés en ligne, pour sensibiliser à ces questions ou pour partager son expérience et ainsi mettre en lumière les réalités des VHSS.
A contrario, la série peut également provoquer des réactions de cyberviolence et de cyberharcèlement de la part de publics toxiques. Il suffit pour cela de regarder les commentaires des posts Facebook sur la série Querer, où féministes et masculinistes argumentent sur les thèmes de la série. Pour la série Adolescence, les commentaires sur les comptes Instagram de fans mentionnent le besoin de voir la série pour mieux comprendre les adolescents et leur vie privée et sociale.
Des pouvoirs publics qui se saisissent des séries
En juin 2025, s’inspirant d’une mesure prise au Royaume-Uni, la ministre de l’éducation nationale Élisabeth Borne a proposé que la série Adolescence soit utilisée comme support pédagogique à partir de la classe de quatrième. Querer (qui a reçu le grand prix au festival Séries Mania) semble emprunter le même chemin, notamment dans des formations en psychologie ou en criminologie.
Ce n’est pas la première fois que des séries sont mobilisées pour porter un discours de politique publique. En 2017, la série 13 Reasons Why, qui traite du harcèlement allant jusqu’au suicide d’une adolescente, avait bénéficié d’un site ressource avec des dispositifs de prévention et d’un documentaire post-série (Beyond the Reasons).
Utilisée dans des collèges et lycées anglophones avec des guides d’accompagnement pour éducateurs et parents, la série emboîte le pas d’une autre, plus connue encore : Sex Education. Celle-ci est la première teen serie portant aussi explicitement sur les questions de sexualité et de relations amoureuses, dans une approche sex-positive, très tolérante et ayant toujours à cœur la question du consentement. Un guide, « Le petit manuel Sex Education », a été mis à disposition pour des ateliers de prévention et de sensibilisation. Il est utilisé dans certains établissements scolaires. Bref, l’implémentation de séries dans des politiques éducatives ou de prévention : ce n’est pas tout à fait nouveau.
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Sensibiliser par ou avec les séries
Mais ne nous trompons pas : les séries, seules, ne constituent pas des supports de sensibilisation autonomes. Encore faut-il penser autour d’elles des dispositifs de médiation.
Les séries sont de plus en plus nombreuses à avertir de scènes de violences et à renvoyer vers des centres d’aide. Par exemple à partir de la saison 2, chaque épisode de 13 Reasons Why commence par un message d’avertissement : « Cet épisode contient des scènes qui peuvent heurter la sensibilité de certains spectateurs. » Un avertissement vidéo avec les acteurs précède également la diffusion : « Si vous êtes concerné par ces sujets, parlez-en à un adulte ou consultez le site 13reasonswhy.info ».
La série Sex Education s’est aussi prêtée à cet exercice : lors d’un épisode montrant une agression sexuelle dans un bus, des ressources officielles ont été diffusées sur les réseaux sociaux de la série et de la BBC, renvoyant notamment vers le centre d’aide britannique aux victimes de viol.
Les séries françaises sont plus discrètes dans l’intégration directe de liens dans les épisodes. Dans Skam, une série Slash/France Télévision qui suit le quotidien d’élèves de lycée, des messages apparaissent avec des liens vers le 3018 (cyberviolences), le 3919 (violences conjugales) ou vers SOS Homophobie à la fin de certains épisodes (notamment dans les saisons 4, 5 et 6, qui traitent respectivement de l’islamophobie, de la santé mentale et des violences contre partenaire intime). Le site Slash propose une page complète « Besoin d’aide », mentionnée dans les dialogues ou dans l’habillage final de la série.
Proposer des séries plutôt que des politiques publiques ?
Si sensibiliser aux questions de violences, de discrimination ou de santé mentale semble commencer à faire partie du « cahier des charges » implicite des séries qui abordent ces thématiques, séries et campagnes de sensibilisation publique ne sont pas en concurrence. Les séries résonnent avec le cadre légal de chaque pays de diffusion : la législation contre les violences de genre n’est pas la même en Espagne, en France ou au Royaume-Uni, et sa réception est propre à chaque contexte.
Dans certains cas, séries et politiques publiques peuvent gagner à jumeler leurs discours et leurs actions en matière de prévention et de sensibilisation. L’une des conditions est que les personnes en charge des actions de sensibilisation soient formées.
L’annonce aux agents de l’éducation nationale de l’arrivée d’Adolescence parmi les supports de sensibilisation pose ainsi question. Chez un grand nombre d’enseignants et d’infirmiers scolaires, les séries ne font pas partie de la culture pédagogique en routine. Sans culture commune (on pense notamment à des formations à l’outil sériel), il paraît abrupt de prétendre qu’une série puisse lutter efficacement contre les violences. D’autant plus que la série agit comme un révélateur de la parole, mais aussi des souvenirs – y compris post-traumatiques.
À cet égard, l’outil qu’est la série nécessite un double accompagnement par des encadrants formés à la fois à ce support mais aussi à l’accueil et à l’accompagnement de la parole.

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.