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Humans Right Watch enquête sur les violations des droits humains commises à travers le monde

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09.05.2024 à 06:00

Soudan : Nettoyage ethnique au Darfour occidental

Human Rights Watch

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Click to expand Image Décombres de l'école Imam al-Kazem, à El Genaina (Darfour occidental), au Soudan, qui a été incendiée en avril 2023. Cette école servait de site de rassemblement pour des personnes déplacées par le conflit.  © 2023 Roots for Human Rights and Monitoring Violations Les attaques menées par les Forces de soutien rapide et des milices alliées à El Geneina, capitale de l’État du Darfour occidental au Soudan, ont fait au moins plusieurs milliers de morts et provoqué le déplacement de centaines de milliers de personnes.Les Nations Unies et l’Union africaine devraient imposer d’urgence un embargo sur les ventes d’armes au Soudan, sanctionner les responsables de crimes graves et déployer une mission pour protéger les civils.Les graves violations commises qui ont ciblé les Massalits et d’autres communautés non arabes dans le but manifeste, au minimum, de les expulser définitivement de la région constituent un nettoyage ethnique.

(Nairobi) – Les attaques menées par les Forces de soutien rapide (Rapid Support Forces, RSF) et des milices alliées à El Geneina, capitale de l’État du Darfour occidental au Soudan, entre avril et novembre 2023, ont fait au moins plusieurs milliers de morts et provoqué le déplacement de centaines de milliers de personnes, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre généralisés ont été commis dans le cadre d’une campagne de nettoyage ethnique contre l’ethnie Massalit et d’autres populations non arabes à El Geneina et dans ses environs.

9 mai 2024 “The Massalit Will Not Come Home”

Le rapport de 218 pages, intitulé « “The Massalit Will Not Come Home”: Ethnic Cleansing and Crimes Against Humanity in El Geneina, West Darfur, Sudan » (« “Les Massalits ne rentreront pas chez eux” : Nettoyage ethnique et crimes contre l’humanité à El Geneina, dans le Darfour occidental, au Soudan » - résumé et recommandations en français),  documente comment les Forces de soutien rapide, une force militaire indépendante en conflit armé avec l’armée soudanaise et leurs alliés – des milices principalement arabes et le groupe armé Troisième Front-Tamazouj – ont ciblé les quartiers majoritairement massalits d’El Geneina lors de vagues d’attaques incessantes entre avril et juin 2023. Les abus se sont de nouveau intensifiés au début du mois de novembre. Les assaillants ont commis d’autres abus graves tels que des actes de torture, des viols et des pillages. Plus d’un demi-million de réfugiés du Darfour occidental ont fui vers le Tchad depuis avril 2023. À la fin du mois d’octobre 2023, 75 % de ces réfugiés étaient originaires d’El Geneina.

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« Alors que le Conseil de sécurité de l’ONU et les gouvernements se réveillent devant la catastrophe qui se profile à El Fasher, les atrocités à grande échelle perpétrées à El Geneina devraient être considérées comme un rappel des atrocités qui pourraient survenir en l’absence d’action concertée », a indiqué Tirana Hassan, directrice exécutive de Human Rights Watch. « Les gouvernements, l’Union africaine et les Nations Unies devraient agir maintenant pour protéger les civils. »

Le ciblage des Massalits et d’autres communautés non arabes en commettant des violations graves à leur encontre dans le but manifeste, au minimum, de les expulser définitivement de la région constitue un nettoyage ethnique. Le contexte particulier dans lequel les massacres généralisés ont eu lieu soulève également la question d’une possible intention des RSF et de leurs alliés de détruire en totalité ou en partie les Massalits, au moins dans le Darfour occidental, ce qui indiquerait qu’un génocide y a été et/ou y est commis.

Entre juin 2023 et avril 2024, Human Rights Watch s’est entretenu avec plus de 220 personnes au Tchad, en Ouganda, au Kenya et au Soudan du Sud, ainsi que d’autres entretiens à distance. Les chercheurs ont également examiné et analysé plus de 120 photos et vidéos des événements, des images satellites ainsi que des documents transmis par des organisations humanitaires pour corroborer les récits d’abus graves.

Les violences à El Geneina ont commencé neuf jours après le début des combats à Khartoum, la capitale du Soudan, entre les Forces armées soudanaises (Sudanese Armed Forces, SAF), l’armée soudanaise, et les RSF. Dans la matinée du 24 avril, les RSF ont affronté un convoi militaire soudanais qui traversait El Geneina. Puis les RSF et des groupes alliés ont attaqué des quartiers à majorité massalit, se battant contre des groupes armés principalement massalit qui défendaient leurs communautés. Au cours des semaines suivantes, et même après que les groupes armés massalits ont perdu le contrôle de leurs quartiers, les RSF et les milices alliées ont systématiquement pris pour cible des civils non armés.

Les violences ont atteint leur apogée avec un massacre à grande échelle qui s’est déroulé le 15 juin, lorsque les RSF et leurs alliés ont ouvert le feu sur un convoi, long de plusieurs kilomètres, de civils qui tentaient désespérément de fuir, escortés par des combattants massalits. Les RSF et les milices ont poursuivi, rassemblé et abattu des hommes, des femmes et des enfants qui couraient dans les rues ou tentaient de traverser à la nage le flot rapide de la rivière Kajja. Beaucoup se sont noyés. Les personnes âgées et les blessés n’ont pas été épargnés.

Un garçon de 17 ans a décrit le meurtre de 12 enfants et 5 adultes de plusieurs familles : « Deux membres des RSF… ont arraché les enfants à leurs parents et, comme les parents se sont mis à crier, deux autres membres des RSF ont tiré sur les parents et les ont tués. Puis ils ont empilé les enfants et leur ont tiré dessus. Ils ont jeté leurs corps dans la rivière et leurs affaires après eux. »

Ce jour-là et les jours suivants, les attaques se sont poursuivies contre des dizaines de milliers de civils qui tentaient d’entrer au Tchad, laissant la campagne jonchée de cadavres. Les vidéos publiées à l’époque montrent des foules de civils courant pour sauver leur vie sur la route reliant El Geneina au Tchad.

Human Rights Watch a également documenté le meurtre d’habitants arabes et le pillage de quartiers arabes par les forces massalit, ainsi que l’utilisation par les Forces armées soudanaises d’armes explosives dans des zones peuplées, causant des préjudices inutiles aux civils et aux biens civils.

Les RSF et des milices alliées ont de nouveau intensifié leurs attaques en novembre, visant les Massalits qui avaient trouvé refuge à Ardamata, une banlieue d’El Geneina, rassemblant des hommes et des garçons massalits et, d’après l’ONU, tuant au moins 1 000 personnes.

Au cours de ces exactions, des femmes et des filles ont été violées et ont subi d’autres formes de violences sexuelles, et des détenus ont été torturés et soumis à d’autres mauvais traitements. Les assaillants ont méthodiquement détruit des infrastructures civiles essentielles, ciblant des quartiers et des sites, y compris des écoles, dans des communautés déplacées principalement massalits. Ils se sont livrés à des pillages à grande échelle, et ont brûlé, bombardé et rasé des quartiers, après les avoir vidés de leurs habitants.

Ces actes ont été commis dans le cadre d’attaques généralisées et systématiques visant les Massalits et d’autres populations civiles non arabes des quartiers à majorité massalit et, en tant que tels, constituent également les crimes contre l’humanité de meurtres, de tortures, de persécutions et de transferts forcés de la population civile, a déclaré Human Rights Watch.

La possibilité qu’un génocide ait été et/ou soit en train d’être commis au Darfour exige une action urgente de la part de tous les gouvernements et institutions internationales pour protéger les civils. Ceux-ci devraient mener des enquêtes pour déterminer si les faits démontrent une intention spécifique de la part des dirigeants des RSF et de leurs alliés de détruire en totalité ou en partie les Massalits et d’autres communautés ethniques non arabes au Darfour occidental, c’est-à-dire une intention de commettre un génocide. Si tel est le cas, des mesures devraient être prises pour stopper sa perpétration et s’assurer que les responsables de sa planification et de son exécution sont traduits en justice.

La communauté internationale devrait soutenir les enquêtes de la Cour pénale internationale (CPI), tandis que les États parties à la Cour devraient veiller à ce qu’elle dispose des ressources financières nécessaires dans son budget ordinaire pour s’acquitter de son mandat au Darfour et dans toutes ses affaires.

Human Rights Watch a identifié le commandant des RSF, Mohammed « Hemedti » Hamdan Dagalo, son frère Abdel Raheem Hamdan Dagalo, et le commandant des RSF au Darfour occidental, Joma’a Barakallah, comme ayant la responsabilité du commandement des forces qui ont perpétré ces crimes. Human Rights Watch a également désigné des alliés des RSF, dont un commandant du groupe armé Tamazouj et deux chefs tribaux arabes, comme portant la responsabilité des combattants qui ont commis des crimes graves.

Les Nations Unies, en coordination avec l’Union africaine, devraient déployer de toute urgence une nouvelle mission pour protéger les civils en danger au Soudan. Le Conseil de sécurité devrait imposer des sanctions ciblées aux personnes responsables de crimes graves au Darfour occidental, ainsi qu’aux individus et aux entreprises qui ont enfreint et enfreignent actuellement l’embargo. Le Conseil devrait élargir l’embargo actuel sur les transferts d’armes au Darfour, pour couvrir l’ensemble du Soudan.

« L’inaction mondiale face à des atrocités d’une telle ampleur est inexcusable », a conclu Tirana Hassan. « Les autres gouvernements devraient veiller à ce que les responsables soient amenés à rendre des comptes, notamment par des sanctions ciblées et en renforçant la coopération avec la CPI. »

08.05.2024 à 21:34

Cisjordanie : Les forces israéliennes ont illégalement tué des Palestiniens

Human Rights Watch

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Click to expand Image Israeli forces enter the Balata refugee camp in the occupied West Bank city of Nablus during a large-scale search-and-arrest operation on November 23, 2023.  © 2023 Sipa via AP Images Les forces de sécurité israéliennes ont utilisé illégalement la force meurtrière contre des Palestiniens en Cisjordanie, notamment en exécutant délibérément des Palestiniens qui ne représentaient aucune menace apparente pour la sécurité, selon l’analyse de plusieurs incidents survenus depuis 2022.Les Nations Unies ont rapporté que le nombre de Palestiniens tués a atteint un niveau sans précédent récent, dans un environnement dans lequel les responsables n'ont pas à craindre que le gouvernement israélien leur demande des comptes.Les autres gouvernements devraient soutenir l'enquête de la Cour pénale internationale sur les crimes graves commis en Palestine, et imposer des sanctions ciblées contre les individus responsables de graves abus.

(Jérusalem, 8 mai 2023) – Les forces de sécurité israéliennes ont recouru illégalement à la force meurtrière en tuant par balles des Palestiniens en Cisjordanie, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui, suite à des recherches menées sur plusieurs incidents.  Lors de quatre incidents survenus entre juillet 2022 et octobre 2023, les forces israéliennes ont abattu ou exécuté délibérément huit Palestiniens qui ne représentaient aucune menace apparente pour la sécurité, selon les conclusions de Human Rights Watch.

Cela fait plusieurs années que Human Rights Watch et d’autres organisations de défense des droits humains documentent le recours illégal et excessif à la force meurtrière par les forces israéliennes en Cisjordanie, ainsi que le manquement du gouvernement israélien à son devoir de sanctionner les individus responsables. En 2023, selon les Nations Unies, le nombre de Palestiniens tués par les forces de sécurité israéliennes était plus du double du nombre enregistré en n’importe quelle autre année depuis le début de la collecte systématique de ces données par l’ONU en 2005 ; durant les trois premiers mois de 2024, ce nombre a continué de croître à un rythme élevé.

« Les forces de sécurité israéliennes tuent illégalement des Palestiniens non seulement à Gaza, mais aussi en Cisjordanie, où elles ont exécuté délibérément des Palestiniens qui ne représentaient aucune menace apparente », a déclaré Richard Weir, chercheur senior auprès de la division Crises et conflits à Human Rights Watch. « Le nombre de meurtres a atteint un niveau sans précédent récent, dans un environnement où les forces israéliennes n’ont pas à craindre que leur gouvernement les demande des comptes. »

Entre mai et novembre 2023, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 14 témoins et 6 proches de victimes de tirs mortels perpétrés par les forces de sécurité israéliennes en Cisjordanie. Human Rights Watch s'est également entretenu avec des membres du personnel médical en Cisjordanie, a examiné des dossiers médicaux, et a vérifié des vidéos publiées sur les réseaux sociaux ainsi que des reportages parus dans les médias. Le 8 août 2023 et à nouveau le 23 avril 2024, Human Rights Watch a écrit aux Forces de défense israéliennes (FDI, ou IDF en anglais) en posant des questions sur les huit décès et sur les règles concernant le recours à la force par l’armée israélienne, mais n’a reçu aucune réponse à ce jour.

Human Rights Watch a également publié un document de questions-réponses sur le cadre juridique international applicable au recours à la force en Cisjordanie, et aux violences dans ce territoire.

Dans un incident sur lequel Human Rights Watch a enquêté, survenu à Jénine le 28 décembre 2022, les forces israéliennes ont tiré sur Sidqi Zakarneh, le blessant ; puis, alors qu’il rampait par terre, elles ont à nouveau tiré sur lui, le tuant. Des vidéos montraient qu’il ne participait pourtant pas à des violences et ne semblait pas être armé. Dans un autre incident, survenu à Jaba (nord de la Cisjordanie) le 6 juillet 2022, Rafiq Ghannem est sorti de sa maison tôt dans la matinée, apparemment sans arme, pour enquêter sur des bruits forts qui pouvaient être entendus ; selon des membres de sa famille, il s’est alors retrouvé face à des forces israéliennes, qui l’ont abattu quand il a tenté de fuir.

En 2023, les forces israéliennes ont tué 492 Palestiniens, dont 120 enfants, en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Ce chiffre est plus du double de celui en n’importe quelle autre année depuis que l’ONU a commencé à documenter systématiquement les décès dans cette région. Au cours des trois mois qui ont suivi les attaques menées par le Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, environ 300 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie. Entre le 1er janvier et le 31 mars 2024, les forces israéliennes ont tué 131 Palestiniens en Cisjordanie.

En 2023, des Palestiniens ont tué 25 civils israéliens en Cisjordanie – chiffre le plus élevé depuis au moins 15 ans – ainsi que 5 membres des forces armées israéliennes, également selon l’OCHA.

Dans toute la Cisjordanie, les Palestiniens peuvent être exposés au risque d’être tués par les forces de sécurité israéliennes, même en allant au travail ou en revenant dans leur quartier. Des enfants palestiniens ont été abattus alors qu’ils se rendaient à l’école, comme l’a documenté Human Rights Watch en août 2023. Le journal israélien Haaretz a constaté que parmi les incidents au cours desquels des Palestiniens ont été tués en 2022, l’armée israélienne n’a allégué que les victimes étaient armées ou qu’il y avait eu un « échange de tirs » que dans 45 % des cas.

Entre le 7 octobre 2023 et le 18 mars 2024, les forces israéliennes ont mené en moyenne 640 opérations de « recherche et arrestation » par mois en Cisjordanie, soit presque le double de la moyenne mensuelle (340) enregistrée durant les neuf premiers mois de 2023, selon l’OCHA. Les opérations menées du 7 octobre 2023 au 18 mars 2024 ont entraîné la mort de 304 Palestiniens, sur un total de 409 Palestiniens tués par les forces israéliennes durant cette période.

Le 19 octobre 2023, lors d’une opération de « recherche et arrestation » menée près de la ville de Tulkarem en Cisjordanie, les forces israéliennes ont abattu Taha Mahamid, 15 ans, et, quelques minutes plus tard, ont blessé son père, Ibrahim, qui était accouru pour transporter le corps de son fils. Visiblement ni l’un ni l’autre n’était armé, selon une vidéo et d’autres éléments de preuve. Quatre mois après cet incident, Ibrahim Mahamid est décédé des séquelles de ses blessures. Des témoins ont affirmé que les tirs du 19 octobre ont eu lieu à un moment où il n'y avait aucun affrontement actif dans le quartier, et que ni Taha ni son père ne représentaient une menace imminente pour les forces israéliennes ; des séquences vidéo confirment ces déclarations.

Les forces de sécurité israéliennes en Cisjordanie sont soumises au droit international des droits humains. Les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois précisent que ceux-ci « ne recourront intentionnellement à l'usage meurtrier d'armes à feu que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines ».

Israël n’a pas rendu publiques les règles sur l'usage de la force diffusées à son armée. Cependant, dans les incidents documentés par Human Rights Watch, des soldats israéliens responsable de l'application des lois ont eu recours à la force meurtrière alors que cela n'était pas strictement inévitable pour protéger des vies, notamment en tirant sur des personnes qui fuyaient ou qui ne semblaient pas liées à des affrontements ou à d'éventuels actes de violence.

Les homicides illégaux répétés et l’impunité endémique s’inscrivent dans un contexte d’apartheid et de persécution – des crimes contre l’humanité – que les autorités israéliennes commettent contre les Palestiniens, selon Human Rights Watch et d’autres organisations de défense des droits humains.

Les gouvernements d’autres pays devraient suspendre leurs ventes d’armes à Israël, et d’autres formes de soutien militaire, en raison du risque de complicité dans de graves abus en Palestine. Ces pays devraient aussi agir en faveur de l’obligation de rendre des comptes, notamment en soutenant l'enquête de la Cour pénale internationale sur les crimes graves commis en Palestine, et imposer des sanctions ciblées contre les individus responsables de graves abus.

« Les pratiques permissives et discriminatoires du gouvernement israélien en matière de recours à la force et l’impunité endémique sont une facette de l’apartheid et de la violence structurelle à laquelle les Palestiniens sont confrontés chaque jour », a déclaré Richard Weir. « Les homicides illégaux en Cisjordanie se poursuivront aussi longtemps que durera la répression systémique des Palestiniens par les autorités israéliennes contre les Palestiniens. »

Suite en anglais, avec des informations plus détaillées sur les incidents.

…………….

 

08.05.2024 à 06:00

Mali : Des groupes islamistes armés et des milices ethniques commettent des atrocités

Human Rights Watch

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Click to expand Image La Route Nationale 15, allant de la région de Mopti au sud du Mali – où le GSIM, un groupe islamiste armé, a attaqué deux villages le 27 janvier 2024 – au Burkina Faso. © 2021 Amaury Hauchard / AFP

(Nairobi) – Un groupe islamiste armé lié à Al-Qaïda a tué au moins 32 civils, dont 3 enfants, et a incendié plus de 350 maisons dans le centre du Mali en janvier 2024, forçant environ 2 000 villageois à fuir, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Plus tôt en janvier, une milice ethnique a tué au moins 13 civils, dont 2 enfants, a enlevé 24 autres personnes et s’est livrée au pillage de biens et de bétail dans le centre du Mali. Ces attaques ont violé le droit international humanitaire et constituent des crimes de guerre apparents.

Human Rights Watch a documenté deux attaques menées par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, ou JNIM en anglais) contre les villages d’Ogota et d’Ouémbé, dans la région de Mopti, le 27 janvier, et deux attaques menées par des milices dozos contre les villages de Kalala et de Boura, dans la région de Ségou, au début du mois de janvier. Ces attaques ont eu lieu dans le contexte d’un cycle de meurtres et de violences communautaires commis en guise de représailles dans le centre du Mali. Les autorités militaires de transition du Mali, qui ont pris le pouvoir lors d’un coup d’État en mai 2021, devraient enquêter d’urgence sur ces abus, poursuivre les responsables de manière équitable et mieux protéger tous les civils en danger.

« Des groupes armés islamistes et des milices ethniques attaquent brutalement des civils sans crainte de poursuites », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « Les autorités devraient agir pour mettre fin aux cycles meurtriers de violence et de meurtres commis par vengeance et mieux protéger les civils menacés. »

Entre février et avril, Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques avec 25 personnes ayant connaissance de ces attaques, dont 15 témoins, 3 activistes maliens et 7 représentants d’organisations internationales. Human Rights Watch a également analysé des images satellite de maisons incendiées à Ogota et Ouémbé.

Le Mali combat des groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda et au groupe armé extrémiste État islamique (EI) depuis 2015. En décembre 2023, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), s’est retirée du pays à la demande des autorités militaires de transition maliennes, suscitant des inquiétudes quant à la protection des civils et à la surveillance des abus commis dans ce pays. En janvier, les autorités de transition ont annoncé que le Mali quitterait la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), privant ainsi les victimes d’abus de la possibilité de demander justice auprès de la Cour de Justice de la CEDEAO.

Des témoins ont déclaré que le 27 janvier, le GSIM a attaqué Ogota, peuplé principalement de Dogons, en représailles à la présence de la milice Dan Na Ambassagou dans les environs. « Ils ont envahi le village, tirant sur tout et n’importe qui, pendant plus d’une heure », a déclaré une femme de 40 ans. « Ils ont mis le feu à tout le village. »

Le 6 janvier, des milices dozos ont attaqué Kalala, un village majoritairement peuplé de Peuls, et tué 13 civils. « Nous avons retrouvé six corps devant la mosquée, et les autres à l’intérieur ou à l’extérieur des maisons », a déclaré un éleveur. « Les Dozos nous ont pris pour cible parce que nous sommes [des] Peuls et qu’ils pensent que tous les Peuls sont des terroristes. » Des témoins de Kalala ont déclaré que l’attaque avait été menée en représailles aux attaques menées en octobre et en novembre par le GSIM dans des villages environnants, contre des membres de l’ethnie bambara.

Les autorités militaires maliennes de transition n’ont pas enquêté de manière adéquate sur les incidents impliquant des membres de groupes armés islamistes ou de milices ethniques, a déclaré Human Rights Watch. Dans son rapport de février, Alioune Tine, Expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Mali, a déclaré qu’il regrettait « qu’aucun progrès significatif n’ait été observé concernant le jugement des auteurs présumés des multiples violations des droits humains et des atteintes à ces droits ainsi que des violations du droit international humanitaire attribuées aux groupes extrémistes violents, aux milices et groupes d’autodéfense communautaires ainsi qu’aux forces maliennes. »

Des témoins des attaques du GSIM ont déclaré que les forces de sécurité maliennes n’ont pas protégé leurs communautés de manière adéquate. « L’État malien nous a abandonnés », a déclaré un homme de 34 ans originaire de Bankass, dans la région de Mopti. « Depuis 2018, les djihadistes nous imposent la charia [loi islamique], attaquent nos villages, minent nos routes [et] enlèvent nos enfants. Nous avons toujours demandé l’aide de nos autorités, mais elles n‘ont pas répondu. Ces attaques se poursuivent parce que les terroristes jouissent d’une grande liberté d’action et ne sont jamais tenus de rendre des comptes. » Un témoin de l’attaque de la milice dozo à Boura le 3 janvier a cependant trouvé que les autorités étaient prêtes à réagir promptement, affirmant que les gendarmes présents localement « ont agi rapidement … et ont arrêté trois miliciens ».

Human Rights Watch a également documenté de graves abus commis par les forces de sécurité maliennes et par des forces présumées du groupe Wagner soutenues par la Russie lors d’opérations de contre-insurrection dans le centre du Mali.

En vertu du droit international humanitaire, les combats au Mali sont considérés comme un conflit armé qui n’a pas de caractère international. Le droit applicable comprend l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et les lois coutumières de la guerre, qui s’appliquent aux groupes armés non étatiques ainsi qu’aux forces armées nationales. Les lois de la guerre interdisent les exécutions sommaires, la torture, les attaques contre les civils et les biens civils et le pillage, entre autres violations. Le gouvernement a l’obligation d’enquêter de manière impartiale et de poursuivre de manière appropriée les personnes impliquées dans des crimes de guerre, qui sont des violations graves des lois de la guerre commises avec une intention criminelle.

« L’incapacité du gouvernement de transition malien à demander des comptes aux groupes armés islamistes et aux milices ethniques ne fait qu’encourager les forces responsables d’abus à commettre de nouvelles atrocités », a déclaré Ilaria Allegrozzi. « Les autorités devraient redoubler d’efforts pour enquêter de manière appropriée et traduire en justice tous les responsables d’abus graves. »

Pour lire des témoignages et des informations plus détaillées, veuillez voir ci-dessous. Les noms des personnes interrogées n’ont pas été divulgués pour leur protection.

Abus commis par le GSIM

Le groupe islamiste armé GSIM a fait son apparition en mars 2017 en tant que coalition de groupes alignés avec Al-Qaïda, parmi lesquels Ansar Dine, Al-Qaïda au Maghreb islamique, Al-Mourabitoune et la Katiba Macina. Human Rights Watch a déjà documenté dans le passé de graves abus commis par le GSIM dans tout le Mali.

Le GSIM a concentré ses efforts de recrutement sur les Peuls, en exploitant les frustrations de ces derniers, liées à la corruption du gouvernement et à la concurrence pour l’accès aux ressources naturelles. Cette situation a exacerbé les tensions entre les Peuls et les autres groupes ethniques, en particulier les Bambaras et les Dogons, et a conduit à la formation de groupes d’autodéfense ethniques, à l’instar des Dozos et de Dan Na Ambassagou, qui ont pris en main la protection de leurs villages et de leurs biens.

Ogota et Ouémbé, région de Mopti, 27 janvier

Le 27 janvier vers 18 heures, des dizaines de combattants du GSIM armés de fusils d’assaut de type kalachnikov et circulant sur des motos et des véhicules équipés de mitrailleuses lourdes ont mené des attaques simultanées sur les villages d’Ogota et d’Ouémbé, situés à trois kilomètres l’un de l’autre, selon quatre témoins.

Les combattants, qui portaient des foulards et parlaient le fulfulde, une langue largement répandue au Mali, ont tué 28 villageois à Ogota, dont 8 femmes, 4 hommes âgés et 3 enfants, et 4 villageois à Ouémbé, dont 2 femmes. Selon des témoins, les combattants ont brûlé au moins 150 maisons à Ogota et 130 maisons à Ouémbé, puis sont revenus le 1er février pour brûler les maisons restées intactes.

Le 29 janvier, les médias internationaux ont fait état de ces attaques, citant des informations émanant des autorités locales. Dans une déclaration du 1er février, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, s’est dit « alarmé par les informations selon lesquelles une trentaine de civils ont été tués lors d’attaques menées par des individus armés non encore identifiés » à Ogota et Ouémbé, et a demandé qu’une enquête impartiale soit menée et que les responsables soient « traduits en justice dans le cadre de procès conformes aux normes internationales ».

Un agriculteur de 46 ans, originaire d’Ouémbé, a déclaré :

J’ai vu arriver les terroristes. Ils se sont séparés en deux groupes : l’un se dirigeait vers Ouémbé, l’autre vers Ogota. Le groupe qui se dirigeait vers Ouémbé … était composé d’une vingtaine de motos et d’un pick-up surmonté d’une mitrailleuse. Le groupe qui se dirigeait vers Ogota était plus important. Quelques minutes après le passage du convoi, des coups de feu ont été entendus en provenance d’Ogota, puis des coups de feu ont également été entendus en provenance d’Ouémbé. Les tirs ont duré environ une heure et demie.

Les villageois ont déclaré qu’ils pensaient avoir été attaqués parce que certains membres de la milice Dan Na Ambassagou avaient refusé de déposer leurs armes à la suite d’un accord entre cette milice et le GSIM. Dan Na Ambassagou est une organisation qui fédère plusieurs groupes d’autodéfense, créée en 2016 « pour protéger le pays dogon » qui assurait la sécurité à Ogota, à Ouémbé et dans les villages environnants.

Un ancien milicien de Dan Na Ambassagou, âgé de 24 ans et originaire d’Ogota, a déclaré :

Au début du mouvement, nous avons combattu les djihadistes, mais fin 2018, nous avons réalisé que les djihadistes étaient mieux armés et que notre implication dans la milice faisait de nos villages des cibles pour les djihadistes. Les djihadistes ont coupé les routes des marchés, kidnappé nos proches, nous ont empêché de pratiquer l’agriculture et ont assiégé nos villages au point que nos enfants sont morts de faim. Certains d’entre nous ont décidé de négocier avec les djihadistes et de déposer les armes. Mais certains miliciens ont refusé les négociations et notre mouvement s’est divisé en deux : nous avons accepté un accord avec les djihadistes, mais d’autres ont continué à les combattre. C’est à cause de ceux qui ont continué à combattre que notre village a été attaqué.

Des témoins d’Ogota et d’Ouémbé ont déclaré que les habitants avaient appris quelques jours plus tôt l’existence d’une menace imminente du GSIM. Ils ont contacté les soldats maliens basés à Bankass et à Bandiagara, respectivement à environ 40 et 70 kilomètres d’Ogota et d’Ouémbé, afin d’obtenir une protection, sans succès.

Un agriculteur de 46 ans, originaire d’Ouémbé, a déclaré :

Nous vivons avec les terroristes depuis 2018. Quand ils ont de mauvaises intentions à l’encontre d’un village, ils le disent clairement dans les groupes WhatsApp. Nous avons donc contacté nos proches qui sont fonctionnaires à Bandiagara en leur demandant d’informer les soldats de menaces qui pèsent sur notre village et sur Ogota. Ils ont rencontré les autorités militaires à Bandiagara et leur ont dit que les terroristes se rassemblaient dans la brousse à Bankass et qu’ils prévoyaient d’attaquer nos villages. Mais les soldats n’ont rien fait.

Meurtres à Ogota

Les villageois d’Ogota ont déclaré que les combattants du GSIM étaient arrivés au coucher du soleil du côté sud du village. Ils ont commencé à tirer lourdement depuis le sommet d’une colline, provoquant la panique et la fuite des villageois. Ils ont ensuite pris le village d’assaut, tirant sur les personnes qui tentaient de s’échapper ou de se cacher.

Une femme de 40 ans a déclaré :

Les djihadistes s’exprimaient en langue fulfulde et criaient « Allah Akbar » [Dieu est grand]. Ils se sont réjouis en disant que « le village ennemi est tombé » et que « c’est ce que nous allons faire avec tous les villages qui ne respectent pas l’islam ». Mon mari s’est enfui lorsque les tirs ont commencé, nous laissant mes enfants et moi dans la maison. Deux femmes et leurs enfants sont venus se cacher avec nous. Lorsque les tirs ont cessé, nous avons décidé de partir, mais dès que nous sommes sortis, les tirs ont repris, j’ai été touchée aux jambes et je suis tombée. Les deux femmes m’ont laissée et ont couru avec mes enfants. … Lorsque les djihadistes sont partis, mon mari est revenu pour me sauver.

L’ancien milicien raconte que lorsque l’attaque a commencé, il a appelé les membres de la milice Dan Na Ambassagou à l’aide, « mais ils ne sont arrivés que lorsque les djihadistes étaient déjà repartis ».

Un homme de 34 ans a déclaré :

Quand l’attaque a débuté, je me trouvais à environ quatre kilomètres d’Ogota. J’ai entendu des rafales de mitrailleuses pendant une heure et demie et j’ai vu des flammes dans le village. Lorsque les tirs ont cessé, je suis retourné à Ogota où des villageois et des miliciens essayaient de secourir les blessés…. Il y avait de la fumée dans tout le village, et on pouvait voir des cadavres à l’intérieur et à l’extérieur des maisons. Certaines personnes avaient été abattues alors qu’elles s’enfuyaient, d’autres avaient été exécutées dans leurs maisons. Les maisons étaient encore en feu. Dans une maison, nous avons trouvé cinq corps carbonisés : une femme, un homme de 50 ans et trois hommes plus âgés.

Human Rights Watch a examiné deux listes de victimes compilées par des survivants et des habitants, avec les noms de 28 personnes tuées, dont 3 enfants de moins de 2 ans, 4 hommes de plus de 68 ans, et 8 femmes qui avaient entre 30 et 50 ans. Au moins 5 des personnes tuées semblent avoir reçu une balle dans la tête, 9 ont été brûlées et les autres ont été criblées de balles, ont indiqué des témoins.

« Nous avons enterré les corps le lendemain de l’attaque », a déclaré un agriculteur de 45 ans. « Certains corps étaient couverts de blessures par balles. D’autres, surtout ceux qui étaient carbonisés, ne pouvaient pas être soulevés, alors nous les avons enterrés là où nous les avons trouvés. Les autres ont été enterrés séparément. »

Tueries à Ouémbé

Des villageois d’Ouémbé ont décrit un scénario similaire.

« J’étais chez moi lorsque j’ai entendu des coups de feu nourris », a raconté un agriculteur de 43 ans. « Le temps de rassembler ma famille, j’ai vu les terroristes arriver en grand nombre. Ils criaient "Allah Akbar" et tiraient sans arrêt. J’ai fui vers Segué. »

Un homme de 46 ans a déclaré :

Nous avons entendu des coups de feu répétés et des rafales de mitrailleuses qui faisaient ‘pa-pa-pa’. Je me suis réfugié dans la brousse avant que les terroristes n’envahissent le village.… La nuit, quand les tirs ont cessé, je suis revenu et j’ai trouvé les corps de quatre personnes, deux hommes et deux femmes, dans une maison où ils s'étaient probablement cachés.... Ils avaient été tués d’une balle dans la poitrine et dans la tête. Nous les avons enterrés le lendemain.

Human Rights Watch a examiné deux listes de victimes compilées par des survivants et des habitants, avec les noms de quatre personnes tuées, deux hommes, âgés de 50 à 60 ans, et deux femmes, âgées de 30 à 40 ans.

Incendies criminels à Ogota et Ouémbé

Des témoins ont déclaré qu’au cours des attaques du 27 janvier, des combattants du GSIM ont incendié au moins 150 maisons à Ogota et environ 130 à Ouémbé, forçant environ 2 000 villageois à fuir. Ces témoins ont ajouté que les combattants étaient revenus quatre jours plus tard pour brûler les maisons restantes à Ogota et à Ouémbé.

« C’était un village fantôme », a déclaré un homme de 45 ans originaire d’Ogota, qui est retourné au village après l’attaque et a ensuite fui avec sa famille à Bankass.

« Il ne restait plus rien du village », a déclaré cet homme de 46 ans, originaire d’Ouémbé, qui est retourné au village après l’attaque. « Les gens avaient fui, les maisons brûlaient encore. Toutes ces personnes ont été déplacées, y compris moi et ma famille. Nous sommes à Bankass maintenant et nous manquons de tout. »

Sur les images satellite que Human Rights Watch a analysées, des traces de brûlures sont visibles sur toute la superficie des villages d’Ogota et d’Ouémbé. Elles sont apparues pour la première fois dans les deux villages sur une image du 28 janvier à 10h38 heure locale, et n’étaient pas visibles le jour d’avant à la même heure. D’autres traces de brûlures sont apparues dans les deux villages sur une image du 1er février à 10h38 heure locale, alors qu’elles n’étaient pas visibles la veille.

26 janvier 2024: © Image © 2024 Planet Labs PBC 1 février 2024: © Image © 2024 Planet Labs PBC

Comparaison d’images satellites infrarouges entre le 26 janvier et le 1er février 2024 montrant des traces de brûlures dans le village d’Ogota dans la région de Mopti au Mali. Sur les images infrarouges, la végétation apparait en rouge alors que les zones brûlées apparaissent clairement plus foncées. 

26 janvier 2024: Image © 2024 Planet Labs PBC 1 février 2024: Image © 2024 Planet Labs PBC

Comparaison d’images satellites infrarouges entre le 26 janvier et le 1er février 2024 montrant des traces de brûlures dans le village d’Ouémbé dans la région de Mopti au Mali. Sur les images infrarouges, la végétation apparait en rouge alors que les zones brûlées apparaissent clairement plus foncées.

Abus commis par des milices dozos

Les Dozos, ou « sociétés de chasseurs traditionnels » constitués principalement de membres de l’ethnie bambara, agissent depuis environ 2014 comme forces d’autodéfense de villages dans les régions de Ségou et de Mopti. Human Rights Watch a documenté dans le passé de graves abus commis par les Dozos contre des civils peuls, ainsi que des allégations selon lesquelles les Dozos et d’autres groupes d’autodéfense ont agi pour le compte de l’armée malienne.

Kalala, région de Ségou, 6 janvier

Dans la soirée du 6 janvier, des milices dozos ont attaqué Kalala et tué 13 personnes, dont 3 hommes âgés, dont l’un était aveugle, une femme âgée et 2 enfants, selon 3 témoins. Ils ont également brûlé au moins une maison, 10 huttes et 20 hangars.

Les villageois pensent que les Dozos ont attaqué Kalala, dont la population est majoritairement peule, en représailles aux attaques du GSIM contre des Bambaras dans plusieurs villages des environs à la fin de l’année 2023.

Un homme de Kalala a déclaré :

Entre octobre et novembre 2023, des habitants de Berta, Diado, Kéré, Goumba et Kafagou, majoritairement peuplés de Bambaras, ont commencé à s’armer et ont rompu les accords qu’ils avaient conclus avec les djihadistes. Ces derniers les ont alors chassés de leurs villages. Ceux qui ont été chassés de leurs maisons se sont organisés et ont attaqué Kalala, un village principalement habité par des Peuls. Un village peul dans notre région est considéré comme un village djihadiste par les autres communautés.

Des témoins ont déclaré que des dizaines de miliciens dozos à moto, portant des tenues marrons caractéristiques des chasseurs dozos et des amulettes autour du cou, ainsi que des fusils d’assaut et des fusils de chasse de type kalachnikov, sont arrivés à Kalala après le coucher du soleil. Ils se sont arrêtés sur le terrain de football du village et ont commencé à tirer. Ils se sont dirigés vers la mosquée et ont sommairement exécuté au moins six hommes.

Un villageois a déclaré :

Quand j’ai vu une douzaine de Dozos se diriger vers la mosquée, je me suis caché dans les toilettes de la mosquée.… Les Dozos ont regroupé six hommes devant la mosquée et un Dozo a tiré une balle dans la tête de chacun d’entre eux. J’ai assisté à la scène depuis la porte [des toilettes]. Parmi ces six personnes, il y avait le chef du village, le muezzin [qui appelle à la prière quotidienne], un aveugle de 83 ans et un homme de 80 ans.

Des témoins ont déclaré qu’après les meurtres, les Dozos avaient fait du porte-à-porte, pillé et brûlé des huttes et d’autres biens, et tué sept autres personnes.

Une femme de 45 ans a déclaré :

Je suis tombée sur deux miliciens dozos. L’un d’eux m’a demandé : « Où sont tes enfants et ton mari ? ». J’ai répondu que mes enfants n’étaient pas là et que mon mari était malvoyant, et je les ai suppliés d’avoir pitié de nous.… Ils sont partis mais ont mis le feu à l’abri devant la maison.… Mon mari m’a dit de le laisser et de m’enfuir.… J’ai rejoint 20 autres femmes et enfants. Nous avons marché dans la brousse pendant la nuit.… A 6 heures du matin, nous nous sommes séparés, certains sont allés à l’est, vers Tionce, et d’autres à l’ouest, vers Saye. Je suis allée à Kalala Bamara où une femme m’a aidée et m’a ramenée dans sa brouette dans mon village pour y chercher mon mari.

La femme a déclaré que lorsqu’elle est arrivée au village, elle a vu les corps des 13 personnes. « Certaines [avaient] reçu une balle dans la tête », a-t-elle déclaré, et « le village avait été pillé » avec « plusieurs huttes et hangars qui avaient été brûlés ». Elle a retrouvé son mari vivant et s’est enfuie avec lui à Saye.

Un homme qui a aidé à enterrer les corps à Kalala a déclaré :

Nous n’avons pas pu enterrer nos proches pendant de nombreux jours car nous redoutions de nouvelles attaques des Dozos. Le 3 février, nous avons décidé d’y retourner et nous avons découvert que les corps des six hommes tués devant la mosquée avaient déjà été enterrés dans une fosse commune, qui n’était pas couverte. Nous ne savons pas qui l’a creusée, mais nous pensons que ce sont les djihadistes [du GSIM] qui ont fait ça. Nous l’avons simplement recouverte de sable, nous avons enterré les sept autres corps et nous sommes partis précipitamment.

Human Rights Watch a obtenu trois listes de victimes compilées par des survivants et des habitants de Kalala, avec 13 noms de personnes âgées de 4 à 83 ans. Parmi les personnes tuées, selon les témoins, se trouvaient le chef du village et une femme âgée dont le corps carbonisé a été retrouvé dans sa maison.

Boura, région de Ségou, 3 janvier

Le 3 janvier, vers 8 heures du matin, des dizaines de miliciens dozos circulant sur au moins 100 motos ont pris d’assaut le village de Boura, enlevant 24 personnes, dont le chef du village âgé de 72 ans, selon trois témoins. Ils ont également pillé des maisons et du bétail.

Des témoins ont déclaré que les Dozos venaient de la localité de Ndokoro, située à 14 kilomètres de là, et qu’ils avaient attaqué ce village à prédominance ethnique peule. Depuis la fin de l’année 2023, le GSIM a enlevé des miliciens dozos dans plusieurs villages autour de Boura.

« Au début de l’année 2023, l’armée a patrouillé dans notre région, si bien que les djihadistes ont soupçonné les Dozos de collaborer avec l’armée », raconte une femme de 40 ans. « Les djihadistes ont alors commencé à kidnapper des Dozos. En représailles, les Dozos ont attaqué notre village. »

Human Rights Watch a déjà fait état d’allégations selon lesquelles les Dozos et d’autres groupes d’autodéfense agissaient pour le compte de l’armée malienne.

Des témoins ont déclaré que les miliciens étaient venus à moto, qu’ils portaient des tenues marrons caractéristiques des chasseurs dozos et des amulettes, et qu’ils étaient armés de fusils d’assaut de type kalachnikov. Ils ont déclaré que les assaillants faisaient du porte-à-porte à la recherche d’hommes et pillaient des maisons.

La femme âgée de 40 ans a déclaré :

Mon mari a pu s’échapper. J’ai essayé de m’enfuir aussi avec mes enfants, mais le village était déjà bouclé. Je suis rentrée chez moi et j’ai prié Dieu. Deux Dozos sont venus chez moi et m’ont demandé où était mon mari. J’ai répondu qu’il n’était pas là. Ils sont entrés dans la maison et m’ont forcée à leur donner mes bijoux en argent.… Vers 10 heures, ils ont quitté le village.… Tout avait été pillé. Tous les hommes avaient fui. Seuls les femmes et les enfants demeuraient.

Human Rights Watch a examiné une liste, compilée par des survivants et des habitants de Boura, contenant les noms des personnes enlevées, dont 23 hommes, âgés de 18 à 80 ans, et un garçon de 17 ans.

Un homme de 50 ans, qui s’est enfui à l’arrivée des Dozos, a déclaré qu’il s’était rendu dans la ville de Ségou, à 140 kilomètres de là :

Je suis allé à la gendarmerie pour informer les gendarmes que notre village avait été attaqué par une centaine de Dozos qui ont pillé le village, pris nos animaux et enlevé des personnes. Les gendarmes ont enregistré ma plainte.… Ils ont très vite réagi et sont allés boucler la route qui relie Ségou à notre village.… Le lendemain, les gendarmes ont pu intercepter un camion transportant nos animaux qui avaient été enlevés, soit plus de 60 vaches, et ont arrêté trois Dozos.

Des témoins ont déclaré que les membres des familles des personnes enlevées ne cherchaient pas leurs proches par crainte des attaques des Dozos. « Certaines personnes nous ont dit qu’ils avaient été tués, mais personne n’a trouvé leurs corps et il n’y a aucune preuve d’une telle action », a déclaré une femme de 40 ans. L’homme de 50 ans qui a signalé l’attaque à la gendarmerie a déclaré qu’il avait également informé les gendarmes de ces enlèvements, mais « nous n’avons toujours pas de nouvelles ».

07.05.2024 à 22:55

Gaza : Israël bafoue les ordonnances de la Cour internationale de justice

Human Rights Watch

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Click to expand Image Des camions égyptiens transportant de l'aide humanitaire à destination de la bande de Gaza étaient en attente devant le poste frontière de Rafah, du côté égyptien, le 23 mars 2024.  © 2024 Khaled Desouki/AFP via Getty Images

(Jérusalem, 7 mai 2024) – Israël bafoue les ordonnances de la Cour internationale de Justice (CIJ), pourtant juridiquement contraignantes, en faisant obstacle à l’entrée d’aide humanitaire et de services vitaux à Gaza, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Depuis janvier 2024, dans le cadre de la plainte portée par l’Afrique du Sud alléguant qu’Israël viole la Convention sur le génocide de 1948, la CIJ a émis deux ordonnances exigeant qu’Israël prenne des « mesures conservatoires » afin de fournir des services de base et une assistance humanitaire aux habitants de la bande de Gaza.

Le 5 mai, les autorités israéliennes ont fermé le passage de Kerem Shalom après une attaque aux tirs de roquette du Hamas, et le 7 mai, elles ont saisi le contrôle du passage de Rafah, empêchant ainsi l'aide d'entrer ou les gens de quitter Gaza via les principaux points de passage utilisés ces derniers mois. Lors des récentes semaines, les autorités israéliennes ont autorisé l’entrée de davantage de camions humanitaires et ouvert un passage supplémentaire ainsi qu’un port pour l’entrée de l’aide ; mais ces mesures ont été modestes et loin de suffire pour répondre aux forts besoins, selon les Nations Unies et les agences humanitaires non gouvernementales. Ces agences ont déclaré qu’Israël continuait de bloquer l’apport d’aide essentielle et que seule une petite proportion de cette aide, déjà limitée, parvenait au nord de la bande de Gaza où elle est vitale.

« Bien que des enfants soient en train de mourir de faim à Gaza, les autorités israéliennes continuent de bloquer l’aide essentielle à la survie de la population de Gaza, ignorant les ordonnances de la Cour internationale de justice », a déclaré Omar Shakir, directeur pour Israël et la Palestine à Human Rights Watch. « Chaque jour où les autorités israéliennes bloquent l’aide vitale, davantage de Palestiniens risquent de mourir. »

Le 26 janvier, la CIJ a émis une ordonnance qui enjoignait Israël de « prendre sans délai des mesures effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence ». Le 28 mars, face à la « propagation de la famine », le tribunal a émis une nouvelle ordonnance enjoignant Israël d’assurer la fourniture sans entrave de l’aide humanitaire, en pleine coopération avec l’ONU, notamment en ouvrant de nouveaux points de passage terrestres.

La deuxième ordonnance de la Cour exigeait qu’Israël fasse rapport à la CIJ sur la mise en œuvre des mesures de la Cour dans un délai d’un mois. Cependant, depuis le 2 mai, les autorités israéliennes ont continué à faire obstacle aux services de base et à l’entrée du carburant et de l’aide vitale, des actes qui constituent des crimes de guerre et incluent le recours à la famine des civils comme arme de guerre.

Selon l'ONU, le nombre moyen de camions d'aide entrant à Gaza via les points de passage de Kerem Shalom et Rafah n'a augmenté que de 24 camions par jour au cours du mois qui a suivi la deuxième ordonnance de la CIJ – passant d'une moyenne quotidienne de 162 camions par jour (du 29 février au 28 mars) à une moyenne quotidienne de 186 camions par jour (du 29 mars au 28 avril). Cela ne représente toujours qu'environ 37 pour cent du nombre d'entrées quotidiennes à Gaza avant le 7 octobre 2023, lorsque 80 pour cent de la population de Gaza dépendait de l'aide dans le contexte de bouclage illégal imposé par Israël depuis plus de 16 ans.

Les autorités israéliennes soutiennent que l’ONU est responsable pour les retards de distribution, mais, en tant que puissance occupante, Israël est obligé d’assurer le bien-être de la population occupée et de veiller à ce que les besoins humanitaires de la population de Gaza soient satisfaits.

Le 1er mai, en réponse aux pressions du gouvernement américain, les autorités israéliennes ont ouvert le passage d’Erez – un point de contrôle entre Israël et le nord de Gaza – pour les livraisons d’aide, permettant ainsi à 30 camions d’entrer. On ne sait pas si d'autres camions sont entrés depuis lors via Erez. En avril, les autorités avaient également commencé à permettre l’arrivée d’une certaine aide depuis le port d’Ashdod, situé au sud de Tel Aviv. Dans une réponse du 30 avril à une requête de la Haute Cour contestant les restrictions sur l’aide, le gouvernement israélien a déclaré qu’il prévoyait également d’ouvrir un point de passage supplémentaire pour l’aide au nord.

Toutefois, malgré ces mesures, Médecins Sans Frontières (MSF) a affirmé le 1er mai que la fourniture d’articles essentiels comme les réservoirs d'oxygène, les générateurs, les réfrigérateurs et les équipements médicaux essentiels continuait d'être bloquée, que très peu d'aide parvenait au nord de Gaza, et qu’il n’y a « aucune clarté ni cohérence quant à ce qui est autorisé à entrer à Gaza ».

Début avril, des chercheurs de Human Rights Watch se sont rendus dans la région égyptienne du Nord-Sinaï, qui jouxte la bande de Gaza, et se sont entretenus avec des travailleurs de 11 agences des Nations Unies et d’organisations humanitaires envoyant de l'aide à Gaza. Tous ont déclaré que les autorités israéliennes continuent d'empêcher l'entrée de l'aide via l'Égypte. Ils ont affirmé que l’insuffisance de l'aide, malgré une récentehausse, et le rejet arbitraire de l’entrée d'articles essentiels, ne répondent pas au besoin colossal d'aide.

Plusieurs personnes ont déclaré que les autorités israéliennes interdisent, dans certains cas, les articles qu’elles considèrent comme « à double usage », c’est-à-dire qui pourraient être utilisés à des fins militaires, mais il n’existe pas de liste claire de tels articles. En réponse à une demande d'accès à l'information concernant des listes d'« articles à double usage », les autorités israéliennes ont déclaré qu'elles utilisaient toujours une liste qu'elles avaient publiée en 2008. Tania Hary, directrice exécutive de Gisha, une organisation israélienne de défense des droits humains, a déclaré à Human Rights Watch : « Nous voyons que [les autorités israéliennes] interprètent cette liste de manière très large, ce qui n'est pas nouveau, sauf que ceci se déroule sur fond de catastrophe humanitaire. »

Suite à l’attaque menée par des combattants du Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre 2023, de hauts responsables israéliens ont fait des déclarations publiques exprimant leur objectif de priver les civils de Gaza de nourriture, d’eau et de carburant – politique concrétisée par les forces israéliennes. D’autres responsables israéliens ont déclaré publiquement que l’aide humanitaire à Gaza serait conditionnée soit à la libération des otages illégalement détenus par le Hamas, soit à la destruction du Hamas.

Le Coordonnateur israélien des activités gouvernementales dans les territoires (Coordinator of the Government Activities in the Territories, COGAT), l’organisme militaire chargé de coordonner l’aide humanitaire à Gaza, contrôle totalement ce qui peut être transporté à Gaza. Après avoir été inspectés en Égypte, les camions d'aide humanitaire doivent passer par deux sites d'inspection contrôlés par Israël : Nitzana et Kerem Shalom. Les personnes interrogées par Human Rights Watch ont déclaré que les camions doivent souvent attendre des jours, voire des semaines, pour être inspectés en raison des horaires de travail limités, du temps requis pour utiliser des scanners, ainsi que des procédures d'inspection supplémentaires rajoutées depuis les attentats du 7 octobre en Israël.

Human Rights Watch a écrit au COGAT le 2 avril pour solliciter des commentaires concernant l’obstruction de l’aide par Israël, mais n’a pas reçu de réponse.

Plusieurs pays ont réagi aux restrictions illégales de l’aide par le gouvernement israélien en larguant de l’aide par avion. Les États-Unis se sont également engagés à construire un port maritime temporaire à Gaza. Cependant, les groupes humanitaires et les responsables de l'ONU ont affirmé que de tels efforts étaient insuffisants pour y prévenir une famine.

Les autorités israéliennes devraient ouvrir d’urgence des points de passage supplémentaires et lever les interdictions sur la livraison de biens d’aide essentiels. Elles devraient fournir aux agences humanitaires une liste des articles interdits, ainsi que des spécifications pour les articles autorisés sous certaines conditions. Les inspecteurs devraient fournir des explications écrites pour tout rejet et permettre aux agences de faire appel de tels refus, a déclaré Human Rights Watch.

Le 4 mai, Cindy McCain, directrice américaine du Programme alimentaire mondial, a déclaré : « La famine est là, une véritable famine dans le nord, et [elle] se déplace vers le sud. » Le 22 avril, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) avait déjà  signalé que « 1,1 million de personnes sont confrontées à des niveaux de faim catastrophiques ».

Texte complet en anglais : en ligne ici.

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07.05.2024 à 06:00

Israël : Une frappe menée au Liban avec une arme américaine a tué des secouristes

Human Rights Watch

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Click to expand Image A man carries belongings of a paramedic killed at a paramedic center hit on March 27, 2024, by an Israeli airstrike in Habbarieh, southern Lebanon, March 27, 2024.  © 2024 AP Photo/Mohammed Zaatari

(Beyrouth, 7 mai 2024) – Une frappe israélienne menée le 27 mars contre un centre d’urgence et de secours dans le sud du Liban était une attaque illégale contre des civils, perpétrée en l’absence des précautions nécessaires, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Si cette attaque contre des civils a été menée intentionnellement ou de manière imprudente, elle devrait faire l’objet d’une enquête en tant que crime de guerre apparent. La frappe, menée avec un kit de guidage pour munition d'attaque directe conjointe (Joint Direct Attack Munition, JDAM) de fabrication américaine et une bombe polyvalente de 500 livres (environ 230 kilogrammes) de fabrication israélienne, a tué sept bénévoles de services d'urgence et de secours à Habariyeh, ville située à cinq kilomètres au nord du Plateau du Golan occupé par Israël.

La frappe, menée à l’aube le 27 mars, a visé une structure résidentielle abritant le Corps d'urgence et de secours de l'Association libanaise de secours, une organisation humanitaire non gouvernementale qui fournit des services d'urgence, de sauvetage et de formation aux premiers secours au Liban. Human Rights Watch n'a trouvé aucune preuve d'une cible militaire sur le site. Une semaine auparavant, Israël avait pourtant transmis au Département d'État américain un document assurant que les armes fournies par les États-Unis n'étaient pas utilisées en violation du droit international.

« Les forces israéliennes ont utilisé une arme américaine pour mener au Liban une frappe qui a tué sept travailleurs humanitaires civils, alors qu’ils faisaient simplement leur travail », a déclaré Ramzi Kaiss, chercheur sur le Liban à Human Rights Watch. « Les assurances fournies par Israël aux États-Unis, concernant son respect des lois de la guerre, sonnent creux. Les États-Unis devraient reconnaître cette réalité, et cesser leurs transferts d’armes à Israël. »

Les États-Unis devraient immédiatement suspendre leurs ventes d’armes et leur aide militaire à Israël, compte tenu des preuves que l’armée israélienne utilise illégalement les armes américaines, a déclaré Human Rights Watch. Le ministère libanais des Affaires étrangères devrait également procéder rapidement à une déclaration autorisant la Cour pénale internationale à enquêter sur des crimes relevant de sa compétence et commis sur le territoire libanais depuis octobre 2023, et à engager des poursuites à cet égard.

Dans un post sur Telegram publié le 27 mars, l'armée israélienne a déclaré que « des avions de combat ont frappé un complexe militaire dans la région d'al-Habariyeh, dans le sud du Liban » et qu'« un important terroriste, membre de l’organisation Jamaa Islamiyya [Groupe islamique], qui a lancé des attaques contre le territoire israélien, a été éliminé, tout comme d'autres terroristes qui l'accompagnaient ». Un député du Groupe islamique, un parti politique islamiste libanais dont la branche armée, les Forces Fajr, a été engagée dans des hostilités transfrontalières avec Israël, a toutefois déclaré à Human Rights Watch qu'aucun combattant du groupe n'avait été tué lors de la frappe, et a nié toute affiliation avec le Corps d'urgence et de secours de l'Association libanaise de secours.

Human Rights Watch a mené des entretiens avec six personnes d'Habariyeh : les parents de trois frères tués, le propriétaire du bâtiment, un membre de l'équipe d'urgence et de secours qui avait quitté le centre peu avant l'attaque, un habitant qui se trouvait sur les lieux peu après l'attaque, et un responsable local. Human Rights Watch s'est également entretenu avec le chef du Corps d'urgence et de secours de l'Association libanaise de secours, un député du Groupe islamique, et deux membres de la Direction générale de la défense civile libanaise, dont le chef de l'équipe de défense civile qui a extrait les corps des décombres.

Human Rights Watch a également examiné des photographies de restes d'armes trouvés sur le site ; des photographies et des vidéos du site avant et après l'attaque partagées en ligne par des journalistes, des agences de presse et des secouristes ; et des images partagées directement avec les chercheurs. Le 19 avril, Human Rights Watch a transmis à l'armée israélienne et au Département d'État américain une lettre résumant ses conclusions et comprenant des questions, mais n'a pas reçu de réponse à ce jour.

Des photos des restes d'armes trouvés sur le site de la frappe et partagées avec Human Rights Watch montrent un fragment métallique avec l’inscription « MPR 500 », confirmant qu'il s'agissait d'une bombe polyvalente de 500 livres fabriquée par la société israélienne Elbit Systems, ainsi que des morceaux d’un kit de guidage JDAM, produit par la société américaine Boeing.

Les sept personnes tuées étaient toutes des bénévoles qui avaient commencé à travailler avec le centre peu après l’ouverture de son antenne à Habariyeh fin 2023, ont déclaré leurs familles, leurs collègues et le chef du Corps d’urgence et de secours. Les personnes tuées étaient les frères jumeaux Ahmad et Hussein al-Chaar (âgés de 18 ans), Abdul Rahman al-Chaar, Ahmad Hammoud, Mohammed Farouk Atwi, Abdullah Atwi et Baraa Abou Qaiss ; la victime la plus âgée avait 25 ans.

L'attaque a eu lieu peu après 00h30 le 27 mars, tuant les sept travailleurs du centre, a déclaré Samer Hamdan, chef de l'équipe de protection civile sur le site. Des photographies et des vidéos prises par des habitants et des journalistes montrent les décombres du centre rasé, ainsi qu’une ambulance détruite garée à proximité, avec des bandes rouges identifiables sur la partie arrière et les côtés du véhicule.

En vertu du droit international humanitaire, toutes les parties à un conflit ont l’obligation de faire la distinction entre les combattants et les civils, et de cibler uniquement les combattants. En cas de doute, une personne doit être considérée comme un civil.

En mars, Human Rights Watch et Oxfam ont conjointement soumis au Département d’État américain un mémorandum soulignant diverses violations israéliennes du droit international humanitaire, et estimant que ses assurances d’utiliser légalement les armes américaines sont peu crédibles.

Texte complet en anglais : en ligne ici.

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Articles

OLJ    Ici-Beyrouth

07.05.2024 à 06:00

ONU : Le projet de « Pacte pour l’avenir » devrait être révisé afin d’être axé sur les droits humains

Human Rights Watch

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Click to expand Image United Nations Headquarters building in Manhattan, New York City, on December 21, 2021. © 2021 Sergi Reboredo / VWPics via AP Images

(New York) – Les États membres des Nations Unies devraient saisir l’occasion des négociations sur le « Pacte pour l’avenir » pour s’engager à renforcer les droits humains, notamment par la promotion de la justice économique et la protection du droit à un environnement sain, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Le Pacte de l’ONU pour l’avenir, actuellement en cours de négociation, doit être adopté lors du Sommet de l’avenir, une réunion spéciale de l’ONU prévue pour septembre 2024. Parmi les sujets en discussion entre les 193 pays membres de l’ONU, figurent des réformes de politique économique et les moyens de réaliser le droit à un environnement propre, sain et durable, ainsi que l’accent qui devrait être mis sur les droits humains d’une manière générale.

« Le Pacte pour l’avenir ne devrait pas connaître le même sort que d’autres documents de l’ONU qui ont été adoptés, puis ignorés », a déclaré Louis Charbonneau, directeur du plaidoyer auprès de l’ONU à Human Rights Watch. « Les gouvernements devraient s’engager à agir pour mettre fin aux inégalités économiques croissantes qui privent des milliards de personnes de leurs droits et à une crise climatique dont l’impact négatif se fait de plus en plus sentir sur la vie et sur les moyens d’existence à travers le globe ». 

De nombreux gouvernements qui reconnaissent l’importance d’un développement durable ignorent souvent le fait que les droits humains sont essentiels pour parvenir à ce but, a déclaré Human Rights Watch. Ils devraient affronter les changements climatiques et gérer de manière responsable les nouvelles technologies. Et quoique la plupart des gouvernements reconnaissent combien il importe de respecter le droit international humanitaire lors des conflits, ils ne parviennent pas à s’accorder sur les moyens de traiter les atrocités qui sont commises contre les civils dans la bande de Gaza, au Soudan et en Ukraine.

Même si le document final n’aura pas un caractère contraignant, ce Pacte offrira une occasion cruciale d’affirmer une vision des droits humains qui pourrait permettre d’atténuer certaines des profondes divisions existant entre les gouvernements sur ces questions et sur bien d’autres. Dans ce processus, les gouvernements devraient renforcer la capacité du système de l’ONU à remplir les engagements contenus dans la Charte de l’Organisation, en protégeant et en promouvant la paix et la sécurité, le développement et les droits humains.

Certains gouvernements ont été déçus par la version initiale du projet de Pacte, considérant qu’elle n’accordait pas assez d’attention aux droits humains, ont indiqué des diplomates à Human Rights Watch.

Un certain nombre de pays cherchent à renforcer les termes relatifs aux droits humains contenus dans le projet de Pacte. Mais la Chine, la Russie, Cuba, l’Iran et d’autres ont cherché au contraire à affaiblir, diluer ou supprimer les références aux droits humains.

Les gouvernements occidentaux sont partiellement critiquables pour avoir laissé de l’espace à ceux qui rejettent une approche axée sur les droits humains, a déclaré Human Rights Watch. Leur application sélective des droits humains sape la crédibilité d’un tel programme d’action, en particulier pour les pays du Sud. Alors que les États-Unis et les autres pays occidentaux condamnent à juste titre les atrocités commises par la Russie en Ukraine, par exemple, beaucoup d’entre eux n’ont pas fait preuve du même degré de fermeté en ce qui concerne les atrocités commises par Israël à Gaza. Tandis que l’Union européenne s’affirme comme un champion de la protection des droits humains à l’échelle mondiale, elle s’oppose aux efforts en cours à l’ONU pour rendre le système fiscal international plus équitable pour les pays en développement.

Toutes les déclarations des gouvernements en faveur des droits humains auraient une résonance plus forte s’ils les appliquaient uniformément, y compris dans leur propre pays et vis-à-vis de leurs amis et alliés, a affirmé Human Rights Watch.

Plutôt que d’ignorer les vues des pays du Sud sur les réformes à apporter au système financier international, les États du Nord devraient soutenir l’introduction de changements nécessaires à l’architecture de la finance internationale. Ces changements devraient inclure la mise en conformité des politiques et pratiques des institutions financières internationales avec les droits humains, un soutien aux efforts visant à parvenir à une convention fiscale mondiale, la lutte contre les flux financiers illégaux et la réduction du fardeau de la dette des gouvernements.

Le concept d’une « économie des droits humains », défendu par le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, offre la possibilité de répondre aux attentes légitimes des pays du Sud par une approche plus globale des droits humains.  

Les gouvernements devraient également faire en sorte que le futur Pacte réaffirme le caractère central des droits humains dans l’approche de la crise climatique. Ils devraient approuver explicitement le droit à un environnement propre, sain et durable, reconnu par l’Assemblée générale de l’ONU en 2022, tout en soulignant la nécessité urgente d’éliminer progressivement les combustibles fossiles, dans une transition équitable qui soit compatible avec les droits humains. Les combustibles fossiles sont le principal moteur de la crise climatique et toutes les étapes de leur utilisation ont été liées à de graves dommages en matière de droits humains.

Le Pacte devrait également souligner l’importance de la société civile et des droits aux libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique. La prochaine Conférence de l’ONU sur la société civile qui doit se tenir à Nairobi, au Kenya, les 9 et 10 mai, est une occasion pour les responsables et les délégations de l’ONU qui supervisent le processus d’élaboration du Pacte d’entendre les points de vue de centaines de représentants des sociétés civiles du monde entier. Les rédacteurs devraient les écouter attentivement pour comprendre quelles sont les priorités des sociétés civiles pour le Pacte pour l’avenir et pour ses deux annexes, le Pacte numérique mondial sur les « principes partagés pour un avenir numérique ouvert, libre et sécurisé pour tous » et la Déclaration sur les générations futures. À ce jour, lors du processus de rédaction du Pacte, la sollicitation de commentaires des organisations de la société civile a été aléatoire.

« Au lieu de rester les bras croisés lorsque des gouvernements piétinent les droits humains, ou de condamner de manière sélective les abus commis par leurs adversaires tout en fermant les yeux sur ceux de leurs amis, les pays membres de l’ONU devraient s’engager à mettre fin à la répression où qu’elle s’exerce et à améliorer la vie de tous », a affirmé Louis Charbonneau.

06.05.2024 à 15:09

Un large soutien international en faveur d’un traité sur les « robots tueurs »

Human Rights Watch

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Click to expand Image Austrian Foreign Minister Alexander Schallenberg welcomes participants to the international “Humanity at the Crossroads” conference on autonomous weapons systems, in Vienna on April 29-30, 2024 © 2024 Michael Gruber/ BMEIA

(Washington, le 2 mai 2024) – Les gouvernements préoccupés par les systèmes d’armes autonomes – appelés robots tueurs – devraient agir de toute urgence pour entamer des négociations sur un nouveau traité international visant en interdire certains usages et les réglementer, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. De telles armes sélectionneraient des cibles et feraient usage de la force à partir de capteurs plutôt que d’interventions humaines.

« Nous nous approchons d’un seuil critique pour agir s’agissant des préoccupations relatives aux systèmes d’armes autonomes, et le soutien aux négociations atteint des niveaux sans précédent », a déclaré Steve Goose, directeur de la division Armes de Human Rights Watch. « L’adoption d’un traité international solide pour encadrer de tels systèmes est plus nécessaire et urgente que jamais. »

Les 29 et 30 avril 2024, plus d’un millier de représentants de 144 pays et organisations internationales, mais aussi de l’industrie, des milieux académiques et de la société civile, dont Human Rights Watch, ont participé à Vienne à une conférence internationale de haut niveau sur les dangers posés par les systèmes d’armes autonomes. Un message du pape François a été prononcé à cette occasion, et les ministres des Affaires étrangères de l’Autriche, de l’Albanie, du Bangladesh, du Costa Rica et de la Sierra Leone, la Haute Représentante pour le désarmement de l’ONU et le président du Comité international de la Croix-Rouge ont pris la parole. Presque tous les intervenants ont souligné la gravité de cette question et la nécessité d’agir sans délais.

L’Autriche, qui accueillait la conférence, a rendu public un résumé de la réunion, qui « affirme notre ferme engagement à travailler de toute urgence et avec toutes les parties prenantes intéressées pour élaborer un instrument juridique international visant à réglementer les systèmes d’armes autonomes ».

La conférence de Vienne fait suite à une série de réunions régionales sur les problèmes liés aux armes autonomes qui se sont tenues au cours des 14 derniers mois au Costa Rica, au Luxembourg, à Trinité-et-Tobago, aux Philippines et en Sierra Leone. La plupart ont publié des communiqués régionaux appelant à la négociation urgente d’un instrument juridiquement contraignant prévoyant des interdictions et des restrictions applicables aux systèmes d’armes autonomes.

Le 22 décembre 2023, 152 pays ont voté en faveur de la première résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies sur les systèmes d’armes autonomes, quatre s’étant prononcés contre et 11 abstenus. La résolution 78/241 demande au Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, de solliciter les vues des États et des autres parties prenantes sur ces systèmes, « notamment sur les moyens d’agir face aux enjeux et aux inquiétudes qu’ils soulèvent sur les plans humanitaire, juridique, sécuritaire, technologique et éthique » et de lui présenter, au cours du second semestre 2024, un rapport de fond rendant compte de l’ensemble des vues exprimées.

« Tous les pays ont un rôle à jouer pour empêcher ces machines de causer la perte de vies humaines dans les conflits armés et dans le cadre du maintien de l’ordre », a souligné Steve Goose. « Les gouvernements devraient présenter leurs points de vue à l’ONU sur les préoccupations et les défis relatifs à ces systèmes d’armes autonomes, et exprimer leur soutien à la négociation d’un nouveau traité international. »

Certains de ces systèmes existent depuis des années, mais les types, la durée de fonctionnement, la portée géographique et l’environnement dans lesquels ils sont utilisés sont limités. Cependant, les progrès technologiques stimulent le développement de systèmes qui fonctionnent sans contrôle humain significatif, déléguant les décisions de vie ou de mort aux machines, qui détermineraient en lieu et place d’un opérateur humain, où, quand ou contre quelle force elles opéreraient.

Pour la première fois, le point relatif aux « systèmes d’armes létaux autonomes » a été ajouté à l’ordre du jour provisoire de la session annuelle de l’Assemblée générale des Nations Unies, qui débutera en septembre. L’Assemblée offre aux pays un forum inclusif et accessible pour aborder cette question. Relever le défi des robots tueurs sous ses auspices permettrait de mieux prendre en compte des préoccupations largement négligées jusqu’à présent, notamment les dimensions éthiques du problème, le droit international relatif aux droits humains, la prolifération et les impacts sur la sécurité mondiale et la stabilité régionale et internationale, y compris le risque d’une course aux armements et l’abaissement du seuil de déclenchement d’un conflit, selon Human Rights Watch.

La plupart des soutiens au traité ont appelé à l’interdiction des systèmes d’armes autonomes qui, par nature, fonctionnent sans contrôle humain significatif ou ciblent des personnes, ainsi qu’à des réglementations garantissant qu’aucun système ne puisse être utilisé sans contrôle humain significatif.

Des discussions ont lieu à la Convention sur les armes classiques (CCAC) à Genève depuis mai 2014, mais n’ont abouti à aucun résultat substantiel. La principale raison de l’absence de progrès tient au fait que les États qui sont parties à la Convention s’appuient sur une prise de décision par consensus, un seul pays pouvant interdire l’adoption d’une proposition. Une poignée de grandes puissances militaires ont exploité cette situation pour bloquer à plusieurs reprises les propositions visant à négocier un accord juridiquement contraignant.

« Les systèmes d’armes autonomes constituent un problème grave qui peut affecter n’importe quel pays au monde, c’est pourquoi des règles mondiales claires et vigoureuses sont essentielles », a conclu Steve Goose. « Les mesures volontaires telles que les codes de conduite et les déclarations politiques ne font qu’ouvrir la voie à un avenir de meurtres automatisés. »

Human Rights Watch est cofondateur de Stop Killer Robots, la coalition de plus de 250 organisations non gouvernementales réparties dans 70 pays qui œuvre en faveur d’une nouvelle législation internationale sur les systèmes létaux d’armes autonomes.

03.05.2024 à 20:31

Asie : Prix « Human Rights Press Awards »

Human Rights Watch

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Click to expand Image The staff of the newspaper Etilaat Roz, keep on working even after the Taliban took control of the country, in Kabul, Afghanistan, September 19, 2021. © 2021 Marcus Yam/Getty Images Play Video

(Taipei, 3 mai 2024) – Les lauréats des prix « Human Rights Press Awards », qui récompensent les meilleurs reportages en Asie, ont été annoncés aujourd’hui, à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse. Ces prix, répartis en sept catégories, sont conjointement administrés par Human Rights Watch, par l’École de journalisme et de Communication de masse Walter Cronkite de l’Université d’État de l’Arizona, et par les Clubs des correspondants étrangers de Thaïlande et de Taiwan.

Parmi les lauréats figurent des reportages sur les thèmes suivants : le nombre croissant de suicides parmi les femmes afghanes vivant sous le régime abusif des talibans ; la persécution des minorités religieuses au Myanmar ; et la répression menée par le gouvernement chinois contre les manifestants du mouvement « Livre blanc » qui étaient opposés aux confinements liés au Covid-19.

« Les prix “Human Rights Press Awards” récompensent les journalistes dont les reportages portent sur les questions de droits les plus urgentes en Asie », a déclaré Tirana Hassan, directrice exécutive de Human Rights Watch. 

Communiqué complet en anglais :

https://www.hrw.org/news/2024/05/03/asia-2024-human-rights-press-awards


Site des « Human Rights Press Awards » comprenant la liste complète des lauréats :

https://humanrightspressawards.org/2024-winners

 

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03.05.2024 à 20:30

La CPS a émis un mandat d’arrêt contre l’ex-président centrafricain François Bozizé

Human Rights Watch

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Click to expand Image François Bozizé, ancien président de la République centrafricaine, lors du premier anniversaire de l'Accord pour la Paix en République centrafricaine au Palais de la Renaissance à Bangui, en République centrafricaine, le 6 février 2020. © 2020 Photo par Gaël Grilhot / AFP via Getty Images

Plus tôt dans la semaine, la Cour pénale spéciale (CPS) de la République centrafricaine a émis un mandat d’arrêt à l’encontre de l’ancien président François Bozizé. Il est accusé de responsabilité pour des crimes contre l’humanité prétendument commis entre février 2009 et le 23 mars 2013 par la Garde présidentielle et par d’autres services de sécurité au centre de formation militaire de Bossembelé, parfois surnommé « Guantanamo », situé au nord de la capitale, Bangui.

En avril 2013, je me suis entretenu avec 10 anciens détenus de « Guantanamo » qui ont décrit des conditions de détention déplorables, dont une quasi-famine, de constants passages à tabac, des actes de torture et des exécutions extrajudiciaires. Un peu plus tard, on m’a fait visiter deux cellules situées de chaque côté de la villa privée de Bozizé : des puits de béton creusés dans le sol, avec juste assez d’espace pour qu’une personne s’y tienne debout. Les plaques en ciment qui les recouvraient comportaient des trous d’aération pour permettre à une personne de respirer, mais aucun espace n’était prévu pour qu’elle puisse bouger. Selon des témoignages fiables d’anciens prisonniers, des individus ont été placés dans ces cellules et y ont été maintenus jusqu’à leur mort.

La CPS est un tribunal novateur au sein du système judiciaire centrafricain, chargé d’enquêter et de juger les crimes internationaux graves commis dans le pays depuis 2003. Cette Cour est dotée de juges et de procureurs nationaux et internationaux.

Bozizé avait fui Bangui une première fois en mars 2013 quand la Séléka, une coalition rebelle à dominante musulmane, avait pris le contrôle de la République centrafricaine dans un contexte d’abus généralisés – la plupart commis par la Garde présidentielle de Bozizé qui avait tué des centaines de civils et détruit des milliers d’habitations lors de troubles sociaux qui avaient éclaté au milieu des années 2000. L’impunité pour des crimes présumés remonte encore plus loin dans le passé. Les exactions de la Séléka ont provoqué en réaction l’apparition de milices locales, appelées anti-balaka, qui prenaient pour cible des civils musulmans et ont causé le déplacement de centaines de milliers de personnes.

Bozizé est revenu dans le pays en 2019, alors que la République centrafricaine était toujours en proie au conflit, et est par la suite apparu comme l’un des principaux dirigeants d’une coalition rebelle qui a attaqué Bangui fin 2020, avant de repartir en exil, en Guinée-Bissau.

Umaro Sissoco Embaló, le président de la Guinée-Bissau, a déclaré à des médias locaux qu’il était surpris par l’émission du mandat d’arrêt et que Bozizé n’avait rien fait en Guinée-Bissau qui soit de nature à remettre en cause son statut d’exilé. Bozizé est un exemple flagrant de l’impunité en République centrafricaine depuis plus d’une décennie. La Guinée-Bissau a maintenant l’occasion de jouer un rôle positif en facilitant sa comparution en justice.

03.05.2024 à 10:53

France : Macron devrait faire preuve de fermeté au sujet des droits en Chine

Human Rights Watch

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Click to expand Image French President Emmanuel Macron and China's President Xi Jinping during the official welcoming ceremony in Beijing on April 6, 2023. © 2023 Sipa via AP Images

(Paris) – Le président français Emmanuel Macron devrait énoncer les conséquences auxquelles le gouvernement chinois devra faire face pour les crimes contre l’humanité et l’aggravation de la répression dont il est responsable lors de la visite du président chinois Xi Jinping à Paris, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. La visite de Xi Jinping, les 6 et 7 mai 2024, marquera les 60 ans de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la République populaire de Chine, et les discussions devraient principalement porter sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le conflit au Moyen-Orient et des questions commerciales.

« Le président Macron devrait faire comprendre à Xi Jinping que les crimes contre l’humanité commis par Pékin ont des conséquences sur les relations entre la Chine et la France », a déclaré Maya Wang, Directrice par intérim pour la Chine à Human Rights Watch. « Le silence et l’inaction de la France en matière de droits humains ne feraient qu’enhardir le sentiment d’impunité du gouvernement chinois pour ses abus, en alimentant encore la répression dans le pays et à l’étranger. »

Le respect des droits humains s’est gravement détérioré sous le régime de Xi Jinping. Son gouvernement a commis des crimes contre l’humanité – notamment des détentions de masse,  le recours au travail forcé et la persécution culturelle – à l’encontre des Ouïghours et d’autres musulmans turciques au Xinjiang. Il a adopté une législation draconienne qui a supprimé les libertés à Hong Kong, et a intensifié la répression contre les détracteurs du gouvernement dans tout le pays.

En mars 2021, les gouvernements de l’Union européenne ont décidé d’adopter à l’unanimité  des sanctions ciblées contre une poignée de responsables et d’entités chinoises considérés comme responsables de la répression au Xinjiang. La Chine a immédiatement riposté par des contre-sanctions, ce qui a contribué au refroidissement des relations bilatérales et à la suspension d’un accord commercial bilatéral.

Le président Macron s’est rendu à Pékin en 2019 et en 2023, mais s’est abstenu de s’exprimer publiquement sur la détérioration de la situation des droits humains dans le pays. Il devrait changer de cap et évoquer publiquement les préoccupations en matière de droits humains lors de la visite de Xi Jinping, a déclaré Human Rights Watch.

Plus précisément, Macron devrait exhorter le président chinois à mettre fin aux crimes contre l’humanité au Xinjiang et à libérer les centaines de milliers d’Ouïghours qui sont toujours arbitrairement détenus ou emprisonnés, y compris Rahile Dawut, un universitaire ouïghour, et Ilham Tohti, économiste et lauréat du prix Sakharov. Macron devrait faire pression sur Xi Jinping pour qu’il mette fin à l’oppression à laquelle se livre le gouvernement chinois au Tibet.

Macron devrait aussi demander à Xi jinping de révoquer les deux lois draconiennes sur la sécurité nationale imposées par Pékin à Hong Kong. S’appliquant également aux actions menées hors de Chine, ces deux lois affectent non seulement les habitants de Hong Kong, mais aussi les entreprises enregistrées en France qui critiquent le gouvernement chinois. Macron devrait faire pression pour que soient libérés les leaders pro-démocratiques hongkongais emprisonnés, parmi lesquels Joshua Wong, Chow Hang-tung et Jimmy Lai.

Enfin, le président français devrait faire pression sur le gouvernement chinois pour qu’il mette fin à sa répression incessante des militants pacifiques dans toute la Chine, en libérant notamment l’avocat des droits humains Yu Wensheng et sa femme, Xu Yan, arrêtés en avril 2023 alors qu’ils allaient rencontrer une délégation de l’UE à Pékin.

Cependant, s’exprimer sur les droits humains, comme l’UE l’a fait à plusieurs reprises dans ses déclarations, n’aboutira à des résultats positifs que si ces déclarations s’accompagnent de conséquences concrètes, a déclaré Human Rights Watch. Macron devrait clairement indiquer à Xi Jinping que la France demandera des comptes pour les crimes choquants commis par Pékin, notamment en poussant pour qu’une enquête soutenue par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU soit menée au Xinjiang.

Le président Macron devrait en outre être clair sur le fait que la poursuite de la répression par Pékin constituera une entrave au commerce et aux affaires entre les deux pays et plus généralement avec l’UE, en particulier quand les législations de l’UE sur le devoir de diligence et le travail forcé entreront en vigueur.

Cette approche des droits humains est conforme à la vision d’ « autonomie stratégique » de Macron pour l’Europe – idée selon laquelle le continent devrait être fort, ne pas être un « vassal » stratégique des États-Unis et ne pas dépendre trop fortement de la Chine pour la production de biens. Le président français a également décrit un « modèle humaniste » qui repose sur des valeurs telles que la démocratie et les droits humains.

« Macron devrait démontrer l’engagement du gouvernement français à répondre aux attaques de Xi Jinping contre les droits à l’intérieur et à l’extérieur de la Chine », a déclaré Maya Wang. « Cela exige de faire preuve de leadership, de détermination et de clarté en matière de droits humains. Le président français devrait se montrer à la hauteur de la tâche, et ne pas céder à une politique de statu-quo. 

02.05.2024 à 21:56

Kenya : Les inondations menacent les populations marginalisées

Human Rights Watch

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Click to expand Image A family uses a boat after fleeing floodwaters that wreaked havoc in the Githurai area of Nairobi, Kenya, April 24, 2024. © 2024 AP Photo/Patrick Ngugi, File

(Nairobi, 2 mai 2024) – Les autorités kenyanes n’ont pas réagi de manière adéquate aux crues soudaines résultant de fortes pluies, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Les inondations ont fait plus de 170 morts et causé le déplacement de plus de 200 000 personnes ; elles ont détruit des biens, des infrastructures et des moyens de subsistance à travers le pays, et exacerbé les vulnérabilités socioéconomiques.

Le gouvernement du Kenya a l’obligation, en matière de droits humains, de prévenir les dommages prévisibles dus au changement climatique et aux événements météorologiques extrêmes, et de protéger la population en cas de catastrophe. Les phénomènes météorologiques extrêmes tels que les inondations menacent en particulier les populations marginalisées et à risque, notamment les personnes âgées, les personnes handicapées, les personnes vivant dans la pauvreté et les populations rurales.

« La dévastation en cours met en évidence l’obligation du gouvernement de se préparer et de répondre rapidement aux impacts prévisibles du changement climatique et des catastrophes naturelles », a déclaré Nyagoah Tut Pur, chercheuse auprès de la division Afrique à Human Rights Watch. « Les autorités kenyanes devraient de toute urgence assurer un soutien aux communautés touchées, et protéger les populations exposées à un risque particulièrement élevé. »

Communiqué complet en anglais : en ligne ici.

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02.05.2024 à 06:00

Ukraine : Les forces russes ont exécuté des soldats ukrainiens qui se rendaient

Human Rights Watch

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Click to expand Image A Ukrainian soldier stands in front of the graves of Ukrainian soldiers killed in the war at a cemetery in Kharkiv.  © 2024 David Young/picture-alliance/dpa/AP Images

(Kiev, 2 mai 2024) – Depuis début décembre 2023, les forces russes ont apparemment exécuté au moins 15 soldats ukrainiens qui tentaient de se rendre, et peut-être six autres qui se rendaient ou s’étaient déjà rendus, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Ces incidents devraient faire l’objet d’enquêtes en tant que crimes de guerre présumés.

« Depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, les forces russes ont commis de nombreux crimes de guerre odieux », a déclaré Belkis Wille, directrice adjointe de la division Crises et conflits à Human Rights Watch. « Les exécutions sommaires – c’est-à-dire meurtres – de soldats ukrainiens, abattus de sang-froid alors qu’il se rendaient ou étaient blessés, en violation du droit humanitaire international, font aussi partie de cette liste honteuse. »

Human Rights Watch a enquêté sur trois incidents qui semblent montrer les exécutions sommaires d'au moins 12 soldats ukrainiens, en vérifiant et en analysant des vidéos filmées par des drones et publiées sur des réseaux sociaux le 2 décembre 2023, le 27 décembre 2023 et le 25 février 2024. Dans chaque cas, les soldats ukrainiens montraient clairement leur l'intention de se rendre ; puisqu'ils ne participaient plus aux hostilités, ils étaient devenus « hors de combat » en vertu du droit international humanitaire qui codifie les lois de la guerre, et donc ne pouvaient plus être ciblés.

Human Rights Watch a pu vérifier l'emplacement de deux de ces trois incidents grâce à l’analyse des vidéos, mais n’a pas pu déterminer l'emplacement exact du troisième incident, en raison du manque de détails géographiques dans cette vidéo. Human Rights Watch n’a pas pu non plus vérifier l’identité des utilisateurs des drones ayant filmé ces trois incidents.

Human Rights Watch a enquêté sur un quatrième incident en analysant une vidéo publiée sur les réseaux sociaux le 19 février, montrant deux soldats russes qui exécutaient trois soldats ukrainiens non armés alors qu’ils se rendaient. Le compte qui a publié cette vidéo a indiqué le lieu de l'incident, mais Human Rights Watch n'a pas été en mesure de confirmer cette information de manière indépendante.

Enfin, Human Rights Watch a enquêté sur un cinquième incident en analysant une vidéo publiée sur la chaîne Telegram le 18 février, en menant un entretien avec un soldat ukrainien, et en examinant la couverture médiatique de cet incident qui comprenait des entretiens avec des proches de l’une des victimes. Les informations recueillies suggèrent que six soldats ukrainiens ont été exécutés lors de cet incident, même si les circonstances manquent de clarté.

Dans l’un des cinq incidents, une vidéo filmée par un drone a été mise en ligne le 25 février, y compris sur X (anciennement Twitter) et vérifiée par Human Rights Watch. On y voit au moins sept soldats ukrainiens qui sortent d'une tranchée parmi des arbres situés entre deux champs, en retirant leurs gilets pare-balles ; au moins un soldat retire son casque. Tous s’allongent par terre, le ventre au sol, tandis que cinq soldats russes – identifiables par les bandes rouges sur leurs bras et jambes – pointent leurs armes sur eux. Puis trois soldats russes tirent sur les soldats ukrainiens qui s’étaient pourtant clairement rendus, par derrière et des deux côtés.

Click to expand Image A still frame extracted from drone footage filmed near Ivanivske village in the Donetska region of Ukraine moments before Russian soldiers shoot at seven surrendering Ukrainian soldiers at close range. © GloOouD, X (formerly known as Twitter), 2024.

Six soldats ukrainiens allongés par terre réagissent visiblement à l'impact des tirs ; un autre soldat tente de se relever et de retourner vers la tranchée, mais est abattu avant d'y parvenir. Cet incident s'est produit près du village d'Ivanivske, dans la région de Donetsk. L'emplacement a d'abord été vérifié par EjShahid, membre bénévole de GeoConfirmed (plateforme de géolocalisation), puis a été confirmé par les chercheurs de Human Rights Watch.

Ces exécutions apparentes ne semblent pas être des cas isolés. Human Rights Watch a également vérifié une vidéo filmée par un drone russe et publiée le 5 février 2024, montrant un autre champ de bataille. Human Rights Watch n'a pas pu déterminer si les soldats ukrainiens s’étaient rendus dans ce cas-ci ; mais une voix masculine entendue dans la vidéo (derrière l’écran), qui semble crédible, donne apparemment des ordres aux soldats russes sur ce champ de bataille dans la région de Donetsk. Cette voix dit en russe : « Ne faites aucun prisonnier, tirez sur tout le monde. » L’analyse audiovisuelle des images étaye la conclusion selon laquelle ce drone est russe.

Click to expand Image Image d’une vidéo filmée par un drone russe en Ukraine et diffusée sur Telegram le 5 février 2024. Un soldat russe (carré rouge) s’approche d’un soldat ukrainien (carré jaune). On entend une voix (derrière l’écran) parlant russe et donnant cet ordre : « Ne faites aucun prisonnier, tirez sur tout le monde. » Quelques instants plus tard, la vidéo montre des soldats russes tuant deux soldats ukrainiens.   © 2024 Compte Telegram @atodoneck

En mars 2023, le premier rapport de la Mission de surveillance des droits de l'homme des Nations Unies en Ukraine (HRMMU), couvrant la première année ayant suivi l'invasion russe, a documenté les exécutions de 15 prisonniers de guerre ukrainiens par les forces armées russes et le groupe Wagner durant cette période. En octobre 2023, le 2ème rapport de l’ONU sur l’Ukraine (couvrant les six mois du 1er février 2023 au 31 juillet 2023) a documenté les exécutions  sommaires de six autres prisonniers de guerre ukrainiens durant cette période. En mars 2024, le 4ème rapport périodique de l’ONU sur l’Ukraine (couvrant les trois mois de décembre 2023 à fin février 2024) a fait état d’« allégations crédibles » au sujet de 12 incidents concernant au total les exécutions d'au moins 32 prisonniers de guerre capturés ou d’autres personnes hors de combat. L’ONU a pu vérifier de manière indépendante trois de ces incidents, lors desquels sept soldats ukrainiens ont été exécutés.

Le 9 avril, le Bureau du Procureur général d’Ukraine a annoncé qu’il menait 27 enquêtes criminelles sur l’exécution de 54 prisonniers de guerre ukrainiens. Ce Bureau a déclaré à Human Rights Watch qu'il n'était pas en mesure de partager actuellement davantage d'informations sur ces affaires, mais a indiqué que trois « avis de suspicion » avaient été émis contre des soldats russes suspectés d’avoir commis des exécutions extrajudiciaires, et que l’un de ces avis avait abouti à une décision de justice par contumace ; le Bureau a récemment annoncé l’émission d’un quatrième « avis de suspicion ».

Par ailleurs, la Mission de surveillance des droits de l'homme des Nations Unies en Ukraine a documenté des cas dans lesquels les forces armées ukrainiennes ont maltraité des prisonniers de guerre russes peu après l'invasion russe, et par la suite.

Le 22 avril, Human Rights Watch a transmis au ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou une lettre sollicitant des informations plus détaillées sur les incidents évoqués ci-dessus, ainsi que sur tout ordre donné aux forces russes de tuer des soldats ukrainiens qui se rendent, au lieu de les faire prisonniers. À ce jour, Human Rights Watch n'a reçu aucune réponse.

Le droit international humanitaire, ou le droit de la guerre, exige que les parties à un conflit armé international traitent les soldats devenus « hors de combat » et les prisonniers de guerre avec humanité en toutes circonstances. Le fait de tuer, maltraiter ou torturer volontairement ces forces est un crime de guerre. L’ordre de tuer des prisonniers de guerre ou d’exécuter des soldats qui se rendent plutôt que de les capturer – soit un ordre « de ne pas faire de quartier » – est strictement interdit par le droit international humanitaire. De tels ordres violent non seulement le droit international humanitaire, que la Russie est obligée de respecter, mais aussi le code militaire russe ; le fait de donner un tel ordre ou de l’exécuter constitue un crime de guerre.

Au-delà de ses obligations en vertu du droit international humanitaire, la Russie est aussi un État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui interdit strictement les exécutions extrajudiciaires.

En vertu du droit international humanitaire, la Russie a en outre l’obligation d’enquêter sur les crimes de guerre présumés commis par ses forces, ou par d’autres individus sur les territoires qu’elle contrôle, et d’engager des poursuites appropriées. Cependant, même avant les violations du droit international humanitaire commises par la Russie en Ukraine, Human Right Watch a documenté depuis plus de trois décennies des violations russes commises en Tchétchénie, en Géorgie et en Syrie ; il est clair que la Russie est peu disposée à poursuivre les auteurs de crimes de guerre, ou d’autres violations du droit international commises par ses forces.

« Chacun de ces incidents est en soi horrible, mais les preuves les plus accablantes sont peut-être celles indiquant dans au moins un cas que les forces russes ont explicitement donné l’ordre de tuer des soldats ukrainiens au lieu de les laisser se rendre, approuvant ainsi un crime de guerre », a conclu Belkis Wille.

Suite en anglais, comprenant des informations plus détaillées sur ces incidents.

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Médias

Le Monde   FranceInfo   TV5Monde   TFI Info   

Ouest-France   Valeurs Actuelles   La Croix   Le Point

LaLibre.be   LeSoir.be

29.04.2024 à 21:48

EAU : Procès inique de défenseurs des droits

Human Rights Watch

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Click to expand Image In this Aug. 25, 2016 file photo, human rights activist Ahmed Mansoor speaks to Associated Press journalists in Ajman, United Arab Emirates. © 2016 AP Photo/Jon Gambrell

(Beyrouth, 29 avril 2024) – Un procès collectif inéquitable tenu actuellement aux Émirats arabes unis (EAU) soulève de graves préoccupations en matière de procédure régulière, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. De nombreux accusés ont été détenus en isolement cellulaire prolongé, pratique susceptible de constituer un acte de torture.

En décembre 2023, alors même que les EAU accueillaient la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP28), les autorités émiraties ont porté des accusations contre au moins 84 personnes, en guise de représailles pour leur participation à la création d'une organisation indépendante de plaidoyer en 2010. Parmi les accusés figurent d'éminents militants et dissidents qui purgent déjà de longues peines de prison en raison de précédentes accusations abusives, notamment l’éminent défenseur des droits humains Ahmed Mansoor, l’universitaire Nasser bin Ghaith, l’homme d’affaires Khalaf al Romaithi, et plusieurs personnes condamnées à la suite d’un précédent procès collectif inéquitable tenu en 2013 (procès « UAE94 ») ; beaucoup d’entre eux ont été détenus arbitrairement même après avoir purgé leur peine.

« Ce procès de masse inéquitable est une farce, et les allégations de torture et de violations flagrantes des normes de procès équitables mettent en évidence l’absence d’état de droit et de justice aux Émirats arabes unis », a déclaré Joey Shea, chercheuse sur les Émirats arabes unis à Human Rights Watch. « Les autres pays, entreprises et célébrités mondiales ayant conclu des partenariats avec les Émirats arabes unis devraient appeler d’urgence à la fin de ces abus, et à la libération immédiate des militants des droits humains comme Ahmed Mansoor. »

Parmi les préoccupations en matière de procédure régulière pour ce procès collectif figurent l’accès restreint aux pièces du dossier, aux informations sur les affaires et à l’assistance juridique ; la manière dont les juges tentent d’influencer des témoignages ; les violations du principe de la double incrimination ; des allégations crédibles de graves abus et de mauvais traitements ; et le maintien de secrets concernant les audiences.

Dans un communiqué publié le 6 janvier, les autorités émiraties ont annoncé avoir inculpé les 84 accusés de « création et gestion d’une organisation terroriste clandestine », le Comité Justice et Dignité. Les accusations semblent provenir de la loi antiterroriste abusive de 2014 des Émirats arabes unis, qui prévoit des peines allant jusqu'à la prison à vie, voire la mort, pour quiconque crée, organise ou dirige une « organisation terroriste clandestine ».

Entre fin mars et fin avril 2024, Human Rights Watch a mené à distance des entretiens avec des sources bien informées et des représentants du Centre de plaidoyer en faveur des détenus émiratis (Emirates Detainees Advocacy Centre, EDAC).

Les recherches de Human Rights Watch indiquent que de nombreux accusés ont été maintenus en isolement cellulaire pendant au moins 10 mois. Les communications téléphoniques et les visites familiales ont été interdites durant des périodes comprises entre 10 mois et un an, à l'exception de brefs appels téléphoniques en décembre 2023, lors desquels les accusés ont pu appeler leurs proches pour les informer des nouvelles inculpations, et leur demander d'engager des avocats.

Au cours du procès, les accusés ont décrit à plusieurs reprises des conditions de détention abusives, notamment des agressions physiques, le manque d'accès aux soins médicaux, l’exposition à une musique incessante à volume élevé, et des cas de nudité forcée.

Ce procès de masse inéquitable est mené de manière partiellement secrète, les autorités émiraties ayant empêché les avocats des accusés d’accéder librement aux dossiers et aux documents judiciaires. Selon des proches des accusés, les avocats n'ont apparemment pas pu obtenir des copies physiques ou électroniques des documents judiciaires ; ils ne peuvent visualiser les documents que sur un écran dans une pièce sécurisée, sous la supervision d'agents de sécurité. Des sources bien informées ont indiqué que les avocats ne sont pas autorisés à prendre des photos des documents, et doivent écrire leurs notes manuellement.

Les autorités émiraties ont également empêché les proches des accusés d'assister librement au procès. Lors de certaines audiences, les autorités n'ont pas autorisé les proches à entrer dans la salle d'audience ; ils ont été redirigés vers une autre salle où le déroulement de l’audience était visible sur un écran, mais sans son, donc sans possibilité d’écouter les débats.

Au moins 60 accusés ont déjà été condamnés en 2013 pour leur implication au sein du Comité Justice et Dignité, selon l'EDAC. Cela suscite des inquiétudes quant au fait que les autorités émiraties violent le principe de la double incrimination, qui interdit de juger une personne deux fois pour le même délit après que le verdict ait été prononcé.

Texte complet en anglais : en ligne ici.

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26.04.2024 à 21:00

En Guinée, le procès relatif au massacre du stade entre dans sa phase finale

Human Rights Watch

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Click to expand Image Eleven men accused of responsibility for the 2009 massacre and mass rape of pro-democracy protesters by forces linked to a former military junta, stand during their trial in Conakry, Guinea, September 28, 2022. © 2022 Souleymane Camara/Reuters

La dernière phase majeure du procès historique national en Guinée portant sur le massacre brutal de manifestants pacifiques perpétré en 2009 s’est achevée le 23 avril. Cette dernière phase, connue sous le nom de « confrontations », a débuté le 15 avril lorsque les juges et toutes les parties ont posé des questions à certains des accusés – dont l’ancien président guinéen – ainsi qu’à des victimes et des témoins, en vue de remédier aux incohérences de déclarations antérieures.

Ce procès porte sur l’un des événements les plus brutaux de l’histoire de la Guinée. Le 28 septembre 2009, les forces de sécurité guinéennes ont ouvert le feu sur des manifestants pacifiques réunis dans un stade, lors d'un rassemblement prodémocratie, faisant plus de 150 morts. Des membres des forces de sécurité ont commis des viols individuels et collectifs à l’encontre de plus de 100 femmes, puis ont tenté de dissimuler leurs crimes.

Avant la phase des confrontations, le procès a connu de nombreux retards suite à la requête du parquet le 4 mars demandant aux juges de requalifier les chefs d’accusation de crimes ordinaires en crimes contre l’humanité. Les parties civiles, qui sont des victimes participant au procès, ont soutenu la demande.

Les juges ont entendu toutes les parties sur la question de la requalification au cours de trois jours d'audience.

La défense a soutenu que la requalification entraînerait une application rétroactive de la loi, dans la mesure où les crimes contre l’humanité ont été incorporés dans le droit guinéen après que les actes en question auraient été commis. Cependant, l’accusation et les parties civiles ont souligné la ratification par la Guinée en 2003 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, arguant que, du fait de cette ratification, les crimes contre l’humanité faisaient alors partie des obligations juridiques nationales de la Guinée.

Le 20 mars, les juges ont décidé qu'ils se prononceraient sur la demande de requalification lorsqu'ils rendraient leur verdict, laissant la question ouverte alors que le procès approche de sa conclusion. Cherchant à ce que la question de la reclassification soit tranchée plus tôt, la défense a fait appel de cette décision, mais selon les médias cet appel a été rejeté. Cela a ouvert la voie à la reprise du procès.

Le parquet, encore une fois soutenu par les victimes, a également demandé un « transfert judiciaire » – une visite physique du tribunal sur les emplacements présumés de fosses communes, où des dizaines de corps liés au massacre du stade auraient été enterrés. Les juges ont rejeté la demande, sans fournir d'explication.

Les plaidoiries finales devraient commencer le 13 mai, après quoi les juges délibéreront sur le verdict.

25.04.2024 à 06:00

Burkina Faso : L’armée a massacré 223 villageois

Human Rights Watch

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Click to expand Image La mosquée des femmes au centre du village de Soro (département de Thiou) situé dans la province du Yatenga, dans le nord du Burkina Faso. Mars 2024 © 2024 Privé

(Nairobi) – L’armée burkinabè a exécuté sommairement au moins 223 civils, dont au moins 56 enfants, dans deux villages le 25 février 2024, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

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Ces massacres, qui comptent parmi les pires exactions commises par l’armée au Burkina Faso depuis 2015, semblent s’inscrire dans le cadre d’une campagne généralisée menée par l’armée contre des civils accusés de collaborer avec des groupes islamistes armés, et pourraient constituer des crimes contre l’humanité. Des soldats ont tué 44 personnes, dont 20 enfants, dans le village de Nondin, ainsi que 179 autres personnes, dont 36 enfants, dans le village voisin de Soro ; ces deux villages sont situés dans le district de Thiou, dans la province du Yatenga, dans le nord du pays.

Les autorités burkinabè devraient d’urgence ouvrir une enquête approfondie sur les massacres, avec le soutien de l'Union africaine et des Nations Unies afin d'en garantir l'indépendance et l'impartialité.

« Les massacres perpétrés dans les villages de Nondin et Soro ne sont que les derniers exemples d’exactions menées contre les civils par l’armée burkinabè dans le cadre de ses opérations de contre-insurrection », a déclaré Tirana Hassan, directrice exécutive de Human Rights Watch. « L’échec continu des autorités burkinabè à prévenir de telles atrocités et à mener des enquêtes démontre la nécessité d’un appui international afin de garantir une enquête indépendante crédible sur de potentiels crimes contre l’humanité. »

Click to expand Image © 2024 Human Rights Watch

Du 28 février au 31 mars, Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques avec 23 personnes, dont 14 témoins des tueries, trois activistes de la société civile locale et trois membres d’organisations internationales. Human Rights Watch a vérifié des vidéos et des photographies partagées après les tueries par des survivants, dont certains qui étaient blessés.

Les 24 et 25 février, des groupes islamistes armés ont mené plusieurs attaques à travers le pays contre des cibles militaires, notamment des casernes et des bases, et contre des infrastructures civiles telles que des sites religieux, tuant de nombreux civils, soldats et membres de milices. Le 26 février, le ministre burkinabé de la Défense, Mahamoudou Sana, a dénoncé dans une déclaration aux médias ce qu’il a décrit comme des attaques « simultanées et coordonnées » menées par des combattants islamistes, mais n’a pas mentionné les massacres de civils à Nondin et à Soro.

Le 1er mars, Aly Benjamin Coulibaly, procureur du tribunal de grande instance de Ouahigouya, a déclaré dans un communiqué avoir reçu des informations faisant état « des attaques meurtrières massives » contre les villages de Komsilga, Nodin et Soro dans la province du Yatenga le 25 février, avec un bilan provisoire d'environ « 170 personnes exécutées » et d'autres blessées, et avoir ordonné l'ouverture d'une enquête. Le 4 mars, Aly Benjamin Coulibaly a déclaré s’être rendu sur les lieux des incidents le 29 février avec la police judiciaire, mais a indiqué qu’il n’avait pas été en mesure de localiser les dizaines de corps dont on lui avait dit qu’ils se trouvaient sur place.

Des villageois ont indiqué que le 25 février, des membres des forces armées se sont arrêtées à Nondin, avant de se rendre à Soro, cinq kilomètres plus loin. Ils pensent que les tueries ont été perpétrées en représailles à une attaque menée par des combattants islamistes contre un camp de soldats et miliciens burkinabè situé à l’extérieur de la capitale provinciale, Ouahigouya, à environ 25 kilomètres de Nondin, un peu plus tôt dans la journée. « Avant que les soldats ne commencent à nous tirer dessus, ils nous ont accusés d’être complices des djihadistes [combattants islamistes] », a déclaré une survivante de Soro, âgée de 32 ans, qui a reçu une balle dans la jambe. « Ils ont dit que nous ne coopérions pas avec eux [l’armée] parce que nous ne les avions pas informés des mouvements des djihadistes. »

Le 25 février, la Radiodiffusion Télévision du Burkina (RTB), la chaîne de télévision nationale, a signalé une « attaque d’envergure » menée par des combattants islamistes vers 7 heures du matin « contre la position du bataillon mixte » à Ouahigouya. Elle a indiqué que les soldats du Bataillon d’Intervention Rapide (BIR), une unité des forces spéciales impliquée dans des opérations de contre-insurrection, « ont poursuivi les combattants qui fuyaient vers Thiou » et « neutralis[é] le maximum de ceux qui ne pouvaient aller vite ». Le rapport, qui ne fait aucune référence aux victimes civiles, indique que les soldats ont demandé que les drones aériens ne suivent pas les combattants qu’ils pourchassaient, et de « leur laisser ce groupe, » ce qui pourrait indiquer qu’ils ne voulaient pas que les drones enregistrent ce qui s’est passé par la suite.

Des témoins ont déclaré qu’entre 8h30 et 9h, environ 30 minutes après qu’un groupe de combattants islamistes armés soit passé près du village en criant « Allah Akbar ! » (Dieu est grand), un convoi militaire composé de plus de 100 soldats burkinabè est arrivé à moto, en camionnette et dans au moins deux voitures blindées dans le quartier Basseré de Nondin, situé près de la route nationale 2 asphaltée. Ils ont déclaré que les soldats ont fait du porte-à-porte, ordonnant aux gens de sortir de chez eux et de montrer leurs cartes d’identité. Ils ont ensuite rassemblé les villageois par groupes avant d’ouvrir le feu sur eux. Les soldats ont également tiré sur les personnes qui tentaient de fuir ou de se cacher.

Des villageois ont décrit un scénario similaire à Soro, où les soldats sont arrivés environ une heure plus tard et ont tiré sur les personnes qui avaient été rassemblées ou qui tentaient de se cacher ou de s’échapper. « Ils ont séparé les hommes et les femmes en groupes », a déclaré un agriculteur de 48 ans. « J’étais dans le jardin avec d’autres personnes lorsqu’ils [les soldats] nous ont appelés. Alors que nous commencions à avancer, ils ont ouvert le feu sur nous sans distinction. Je me suis réfugié derrière un arbre, ce qui m’a sauvé la vie. »

Human Rights Watch a obtenu deux listes de noms de victimes établies par des survivants et d’autres personnes qui ont aidé à enterrer les corps. Des témoins ont déclaré que les survivants et des habitants des villages voisins avaient enterré les corps dans trois fosses communes à Nondin, et dans huit fosses communes à Soro. Ils ont expliqué que dans les deux villages, certains corps retrouvés quelques jours plus tard dans la brousse avaient été enterrés individuellement.

Click to expand Image Nombre de corps signalés et emplacements des huit fosses communes visibles sur une vidéo partagée à Human Rights Watch. Six des fosses communes sont clairement visibles sur les images satellites du 15 mars 2024. Deux autres sont cachées par l'ombre des bâtiments. Image © 2024 Planet Labs PBC. Graphique et analyse © 2024 Human Rights Watch

Le 26 février, un groupe de membres de familles de victimes de Nondin et de Soro s’est rendu à la brigade de gendarmerie de Ouahigouya pour faire une déclaration, ce qui a conduit le procureur du tribunal de grande instance à annoncer l’ouverture d’une enquête.

Le 21 mars, à l’issue d’une brève visite au Burkina Faso, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a déclaré dans un communiqué avoir reçu « des assurances » du président burkinabé que « des mesures sont prises pour veiller à ce que [le] comportement [des forces de sécurité] soit pleinement conforme au droit international humanitaire et au droit international des droits de l’homme », sur fond d’informations « faisant état de violations graves commises par les forces de sécurité ... qui doivent faire l’objet d’enquêtes approfondies et de mesures correctives. »

Human Rights Watch a déjà documenté de graves abus commis par l’armée burkinabè lors d’opérations antiterroristes, notamment des exécutions sommaires et des disparitions forcées, ainsi que des frappes de drones indiscriminées.

Toutes les parties au conflit armé au Burkina Faso sont liées par le droit international humanitaire, qui comprend l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et le droit international coutumier. L’article 3 commun interdit le meurtre, la torture et les mauvais traitements des civils et des combattants capturés. Les personnes qui commettent des violations graves des lois de la guerre avec une intention criminelle sont responsables de crimes de guerre. Les commandants qui savaient ou auraient dû savoir que leurs forces commettaient de graves abus et qui n’ont pas pris les mesures nécessaires peuvent être poursuivis au titre de la responsabilité du commandement.

Le Burkina Faso est un État partie à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ainsi qu’au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui garantit le droit à la vie et interdit les exécutions extrajudiciaires. En 2004, le Burkina Faso a ratifié le Statut de Rome, traité fondateur de la Cour pénale internationale.

Les crimes contre l’humanité sont une série d’infractions, y compris le meurtre, qui sont sciemment commises dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile. Le terme « généralisée » fait référence à l’ampleur des actes ou au nombre de victimes. Une attaque « systématique » indique un schéma ou un plan méthodique.

Le gouvernement du Burkina Faso a l’obligation d’exercer sa compétence pénale à l’égard des auteurs de crimes internationaux graves. Les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité sont des crimes qui relèvent de la compétence universelle, ce qui permet à d’autres pays d’engager des poursuites, indépendamment du lieu où les crimes ont été commis ou de la nationalité des victimes et des auteurs de ces crimes.

« L’armée burkinabè a régulièrement commis des atrocités de masse contre des civils au nom de la lutte contre le terrorisme, et presque personne n’a été tenu pour responsable », a déclaré Tirana Hassan. « Les victimes et survivants des abus de l’armée ainsi que leurs familles ont le droit de voir les individus responsables de graves abus être poursuivis en justice. Le soutien d’enquêteurs de l’UA ou de l’ONU est le meilleur moyen d’assurer des enquêtes crédibles et des procès équitables. »

Pour les témoignages et autres détails sur cette attaque, voir ci-dessous. Les noms des personnes interrogées n’ont pas été divulgués pour leur protection.

Conflit armé au Burkina Faso

Les forces du Burkina Faso luttent contre une insurrection menée par le Groupe pour le soutien de l’islam et des musulmans (GSIM), lié à Al-Qaïda, et l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) depuis que les groupes armés sont entrés dans le pays depuis le Mali en 2016. Ces deux groupes armés contrôlent de vastes étendues de territoire et attaquent à la fois les civils et les forces de sécurité gouvernementales.

Le Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED), un projet de collecte et d’analyse de données ventilées et de cartographie des crises, a enregistré des événements violents liés à ce conflit qui ont entraîné la mort de plus de 8 000 personnes en 2023 et de plus de 430 autres pour le seul mois de janvier 2024.

Le 26 novembre 2023, des combattants du GSIM ont attaqué des casernes militaires dans la ville assiégée de Djibo au nord, dans la région du Sahel, et ont fait irruption dans des maisons et un camp de personnes déplacées, tuant au moins 40 civils. Le 25 février, l’EIGS a revendiqué l’attaque d’une église dans la ville d’Essakane, dans la région du Sahel, qui a tué 15 civils.

Des groupes islamistes armés ont également assiégé des villes et des villages du Burkina Faso et bloqué l’acheminement de nourriture, de produits de première nécessité et d’aide humanitaire à la population civile, provoquant la famine et des maladies parmi les habitants et les personnes déplacées. Ces actes constituent des violations du droit international humanitaire assimilables à des crimes de guerre.

Depuis 2022, le Burkina Faso a connu deux coups d’État militaires. Les autorités militaires se sont fortement appuyées sur des milices pour contrer les attaques des groupes islamistes armés. En octobre 2022, le gouvernement a lancé une campagne visant à renforcer ces milices en recrutant 50 000 auxiliaires civils, appelés Volontaires pour la défense de la patrie (VDP).

Depuis que les combats ont pris de l’ampleur, l’armée a été associée à des massacres de civils pour lesquels personne n’a eu à rendre des comptes. Le 20 avril 2023, des soldats ont tué 83 hommes, 28 femmes et 45 enfants, brûlé des maisons et pillé des biens dans le village de Karma et ses environs, dans la province du Yatenga. Les autorités ont annoncé l’ouverture d’une enquête, mais n’y ont pas donné suite.

Le 12 novembre, l’Union européenne a demandé une enquête sur un massacre perpétré dans la région du Centre Nord, au cours duquel une centaine de personnes auraient été tuées. Le 5 novembre, le gouvernement a déclaré que des hommes armés non identifiés avaient tué au moins 70 personnes, principalement des personnes âgées et des enfants, dans le village de Zaongo, et que l’incident faisait l’objet d’une enquête. Human Rights Watch n’a pas eu connaissance de quelconque progrès dans cette enquête. Human Rights Watch s’est entretenu avec des témoins qui ont déclaré que l’armée était responsable du massacre de Zaongo, ce que les médias internationaux ont corroboré.

Le 19 décembre 2023, les médias ont fait état de centaines de civils tués dans plusieurs villages autour de la ville de Djibo, dans la région du Sahel. Les autorités ont rejeté la responsabilité de ces attaques sur des groupes islamistes armés, mais des sources locales, dont certaines ont communiqué avec Human Rights Watch, ont pointé du doigt la responsabilité de l’armée.

Le conflit a forcé deux millions de personnes à quitter leur foyer et entraîné la fermeture de plus de 6 100 écoles depuis 2021.

En septembre 2023, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont signé un pacte de défense mutuelle, l’Alliance des États du Sahel, et en janvier, les trois pays ont décidé de se retirer du bloc régional de la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Le 6 mars, les chefs des armées des trois pays ont annoncé la création d’une force conjointe pour lutter contre les groupes islamistes armés.

Attaque de représailles

Nondin et Soro font partis des nombreux villages du district de Thiou que le GSIM a assiégés. Le 25 février, des combattants du GSIM ont attaqué la base d’une milice gouvernementale située à proximité d’un camp militaire à Ouahigouya, tuant et blessant plusieurs miliciens.

Des témoins et des habitants pensent que ces meurtres ont été perpétrés en représailles d’une prétendue collaboration avec les groupes islamistes armés.

Un fermier de Nondin âgé de 50 ans a déclaré :

J’étais assis devant un kiosque quand les djihadistes sont revenus de Ouahigouya en criant victoire et « Allah akbar ! » A leur arrivée, ils se sont séparés en deux groupes. L’un a continué vers Thiou et le second a pris le chemin rural qui part de notre quartier et traverse tout le village pour aller au village de Sim. Environ 30 minutes plus tard, un groupe de soldats lourdement armés est arrivé, suivi d’un autre groupe. ... Ils ont dit : « Sortez ! Sortez ! Vous soutenez les djihadistes ! Vous allez voir ! »

Un homme de 43 ans travaillant dans une mine d’or juste à l’extérieur de Soro a déclaré :

J’ai vu les djihadistes passer et crier « Allah Akhbar ! ». Trente minutes plus tard, le premier groupe de soldats est arrivé et s’est arrêté devant la mine. L’un d’eux m’a demandé : « Pourquoi ne nous avez-vous pas prévenus quand vous avez vu passer les terroristes ? » J’ai répondu qu’il n’y avait pas de réseau téléphonique ici et que nous ne pouvions donc pas passer d’appels. Ils n’ont rien dit et ont continué vers Soro.

« Ils [les soldats] ont dit que nous collaborions avec les djihadistes », a déclaré un homme de 36 ans à Soro. « Ils ont dit que nous ne les avions pas informés des mouvements des djihadistes. »

Meurtres à Nondin

Les survivants ont décrit des scènes d’horreur au cours desquelles des soldats ont ordonné à des personnes de sortir de chez elles, les ont rassemblées et les ont exécutées. Ils ont déclaré que les soldats avaient tué plusieurs dizaines de personnes en moins d’une heure, en tirant sur des groupes ou sur des individus qui s’enfuyaient.

Un homme de 61 ans, qui a été blessé et a perdu 11 membres de sa famille, dont sa femme, son fils, ses frères et ses neveux, a déclaré que des soldats burkinabè masqués parlant le moré, une langue communément parlée au Burkina Faso, « avec un accent de Ouahigouya », étaient entrés dans sa cour et avaient ordonné à sa famille de sortir de la maison :

Ils nous ont fait asseoir... puis ont ouvert le feu sur nous. Ils ont tiré « Pan ! Pan ! Pan ! » Ils nous ont tiré dessus comme ça et tué tous les membres de ma famille. J’ai été blessé à l’aisselle parce que j’ai levé les mains pour demander « pitié ». Une balle m’a traversé l’aisselle et une autre m’a transpercé la cuisse droite.

Un agriculteur de 60 ans qui s’était caché dans sa maison a déclaré :

Ils n’ont fait preuve d’aucune pitié. Ils ont tiré sur tout ce qui bougeait, ils ont tué hommes, femmes et enfants. Certains [soldats] portaient des masques sur le visage. Ils étaient lourdement armés. J’ai vu un soldat demander quelque chose à une femme et l’exécuter à bout portant.

Un défenseur des droits humains qui a visité la morgue de l’hôpital régional de Ouahigouya le 26 février a déclaré :

J’ai vu plus de 20 corps dont au moins cinq [étaient] des femmes. Le chauffeur de l’ambulance m’a dit qu’il s’agissait des corps des personnes tuées à Nondin et des VDP tués la veille sur leur base de Ouahigouya. J’ai aussi parlé à plusieurs parents des victimes de Nondin. La morgue est très petite et ne pouvait accueillir plus de six corps. Les autres corps se trouvaient dans une pièce adjacente. Certains corps étaient couverts, d’autres non. Je pouvais clairement voir les marques des balles sur les corps, certaines dans la poitrine, d’autres dans l’abdomen, les jambes, la tête.

Des témoins ont déclaré que les survivants et des habitants des villages voisins avaient enterré les corps dans trois fosses communes à Nondin. En l’absence de photographies ou de vidéos, Human Rights Watch n’a pas été en mesure de confirmer l’emplacement de ces fosses sur des images satellite.

Meurtres à Soro

Human Rights Watch a vérifié et géolocalisé six photographies et six vidéos filmées à Soro et partagées avec les chercheurs par des survivants, montrant des dizaines de corps d’hommes, de femmes et d’enfants éparpillés entre les maisons ou empilés en tas imposants dans des espaces ouverts. L’une de ces vidéos montre trois tas de corps. La personne qui réalise la vidéo filme les corps de 11 enfants puis marche quelques mètres pour filmer au moins 18 corps d’hommes, et continue à filmer à proximité un autre tas d’au moins 20 corps, parmi lesquels on dénombre beaucoup de femmes. Les vidéos montrent également plusieurs animaux morts, dont au moins 7 cadavres d’animaux d’élevage dans un enclos fermé. Aucune des vidéos et photographies vérifiées par Human Rights Watch ne montre d’armes et tous les corps sont habillés en vêtements civils.

Des témoins ont déclaré que les soldats de Soro ont abattu des personnes après les avoir rassemblées, ou lorsqu’elles tentaient de fuir ou qu’elles se cachaient dans des maisons, des greniers ou derrière des murs.

Une femme de 32 ans a déclaré que les militaires avaient garé leurs véhicules le long de la route principale et étaient entrés dans le village à moto ou à pied, puis avaient rassemblé les gens et leur avaient ordonné de présenter leurs cartes d’identité :

Ils nous ont séparés en groupes d’hommes et de femmes. Ils ne nous ont posé qu’une seule question : « Pourquoi ne nous avez-vous pas prévenus de l’arrivée des djihadistes ? » Et ils ont ajouté, en se répondant à eux-mêmes : « Vous êtes des terroristes ! » Puis ils ont commencé à nous tirer dessus à balles réelles. J’ai reçu une balle dans la jambe droite et j’ai perdu connaissance. Je n’ai pas su ce qui s’est passé ensuite, jusqu’à ce que des gens [...] viennent m’aider, après le départ des soldats. Plusieurs morts me sont tombés dessus.

Un fermier de 36 ans, blessé à la main droite, a déclaré :

Nous leur avons donné nos cartes d’identité mais ils ont commencé à nous tirer dessus. Ils ont tiré à balles réelles. Quand je m’en suis rendu compte, je me suis laissé tomber et c’est à ce moment-là que j’ai reçu une balle dans la main droite. J’ai alors vu du sang couler du corps de mon voisin et j’en ai pris un peu pour le mettre sur ma tête afin que les soldats me croient mort. Je suis resté allongé, pensant qu’ils allaient encore passer pour vérifier s’il y avait des survivants et que c’en était fini pour moi, mais ils ne sont pas revenus parce qu’ils étaient trop pressés. Je suis resté là où je me trouvais... jusqu’à leur départ.

Selon des témoins, les soldats ont rassemblé les personnes en trois groupes – hommes, femmes et enfants – et leur ont tiré dessus à bout portant, achevant ceux qui étaient encore vivants.

Un homme de 25 ans qui a perdu 16 membres de sa famille, dont sa femme, sa mère et son père, a déclaré :

Ils [les soldats] étaient agités et parlaient par talkie-walkie en langue moré, avec un accent caractéristique de notre région. ... Ils recevaient des instructions par talkie-walkie. ... J’ai compris : « Faites sortir tout le monde ! ». ... Dès que nous sommes arrivés sur la route principale, ils nous ont criblés de coups de feu. Ils ont tiré sur tout le monde. Les gens se sont mis à tomber les uns sur les autres. J’ai été blessé à l’épaule gauche. La balle a traversé mon aisselle et m’a cassé le bras. ... Je pense que les soldats voulaient s’assurer qu’il n’y avait pas de survivants parce qu’avant de partir, ils ont tiré plusieurs fois sur des personnes qui étaient déjà à terre.

Une femme de 22 ans blessée à la jambe droite, à l’abdomen et aux épaules, dont la fille de 7 mois a été blessée au pied et au bras gauches, a déclaré :

J’étais à la maison avec ma fille. Soudain, le village s’est mis à grouiller, il y avait du bruit partout. Je n’ai pas quitté la maison jusqu’à ce que les soldats fassent irruption. Deux militaires sont arrivés devant ma porte sur deux motos, ils étaient habillés en tenue militaire burkinabè et portaient des casques. Ils m’ont demandé de sortir en me criant dessus en langue moré, en disant : « Tu es sourde ou quoi ? Tu n’as pas entendu que tout le monde était dehors ? ». J’ai pris ma fille, je suis sortie. Les soldats m’ont emmenée à l’endroit où ils avaient rassemblé toute la population de Soro. Ils m’ont fait asseoir avec [un groupe de] femmes. Quelques minutes plus tard, ils ont ouvert le feu sur nous. J’ai été grièvement blessée ; je ne me souviens de rien jusqu’à mon arrivée à l’hôpital.

Les habitants ont raconté avoir creusé des fosses communes pour enterrer les corps le 25 février. Un homme de 23 ans a déclaré :

Nous étions une dizaine. Le 25 février, nous avons creusé deux fosses communes, de 16 heures à 19 heures. Le lendemain, nous avons creusé six autres fosses communes. Dans la première, nous avons mis 39 corps d’hommes ; dans la deuxième, nous avons mis 51 corps de femmes et d’enfants ; dans la troisième, nous avons mis 12 corps d’hommes ; dans la quatrième, nous avons mis des enfants de 6, 7 et 8 ans… Je ne me souviens pas de leur nombre, mais il y avait entre 9 et 10 enfants ; dans la cinquième tombe, nous avons mis 14 corps d’hommes ; et dans la sixième, nous avons mis 15 corps de femmes. Pour les septième et huitième tombes, j’étais trop fatigué pour regarder.  Je n’ai pas aidé à enterrer les corps dans ces deux dernières tombes, mais je sais qu’il y en avait 20 environ pour les deux.

Click to expand Image Capture d'écran d'une vidéo montrant l'une des huit fosses communes signalées à Soro. La personne qui a enregistré la vidéo a déclaré qu'elle contenait les corps de 10 enfants. Human Rights Watch a également géolocalisé une photographie montrant les corps de neuf garçons sur le sol au même endroit. Mars 2024 © 2024 Privé

Human Rights Watch a examiné et géolocalisé une vidéo transmise par un survivant et enregistrée le 9 mars à Soro montrant huit fosses communes. Pour chacune d’entre elles, le survivant a donné le nombre ou une approximation du nombre de corps qu’elle contenait, pour un total d’environ 170 corps.

Human Rights Watch a géolocalisé ces huit fosses communes en s’appuyant sur l’imagerie satellite du 15 mars. Six fosses communes sont clairement visibles sur l’image satellite, tandis que les deux autres sont cachées par l’ombre des bâtiments.

 Traumatisme 

Les survivants ont décrit des symptômes correspondant au syndrome de stress post-traumatique et à la dépression, notamment la peur, l’anxiété, l’incapacité à parler et à se concentrer, la solitude et l’insomnie.

« J’ai du mal à exprimer ce que je ressens et à me souvenir de ce qui s’est passé », a déclaré le survivant de 22 ans originaire de Soro. « Mon esprit est embrumé, mon regard est vide. »

« Ceux qui ont survécu, comme moi, ont été sortis d’un tas de cadavres », a déclaré le jeune homme de 25 ans originaire de Soro. « J’ai perdu 16 membres de ma famille ; ils ont tous été exterminés. Il ne reste plus que moi. Je suis seul. Je suis perdu et ébranlé. »

« Je ne sais pas ce que je ressens », a déclaré un survivant de 50 ans originaire de Nondin. « J’ai du mal à dormir. Je fais des cauchemars. Je revois les cadavres, les bébés, les femmes, allongés. J’entends les coups de feu. »

Les autorités devraient rapidement accorder des réparations adéquates, notamment une indemnisation, ainsi qu’un soutien aux moyens de subsistance et l’accès à des soins médicaux et psychologiques de long terme pour les survivants des deux attaques, a déclaré Human Rights Watch. Les donateurs internationaux dont l’Union européenne devraient augmenter leur soutien pour fournir de l’aide médicale et psychosociale aux victimes de violations graves des droits humains et du droit international humanitaire.

Justice et obligation de rendre des comptes

Les survivants des attaques de Nondin et de Soro ont déclaré qu’ils voulaient savoir qui avait ordonné les meurtres et exigé que les responsables rendent des comptes. Mais la généralisation des abus militaires et l’impunité qui en découle ne leur laissent que peu d’espoir de justice.

« Nous voulons que justice soit faite », a déclaré un commerçant de 25 ans originaire de Soro. « Nous voulons que les coupables soient punis. »

« Nous voulons que la vérité soit établie », a déclaré un homme de 50 ans originaire de Nondin. « Nous voulons savoir pourquoi on nous a fait ça et nous exigeons que les auteurs soient traduits en justice. »

Un activiste des droits humains qui a accompagné le 26 février des membres de familles de personnes tuées à Nondin et à Soro à la gendarmerie de Ouahigouya pour faire une déclaration, a déclaré : « Je savais qu’il s’agissait d’une étape nécessaire et cruciale à franchir dans le cadre de notre campagne en faveur d’une obligation de rendre des comptes, mais c’était également très douloureux car, d’une certaine manière, je sais qu’il n’y aura pas de suivi. »

Un homme de 43 ans, originaire de Soro, a déclaré :

Nous sommes allés à la gendarmerie de Ouahigouya et nous avons donné notre version des faits. Nous voulons que justice soit faite mais nous sommes déçus. Nous ne savons plus à qui parler, quand même nos propres soldats nous massacrent et qu’aucune justice n’a été rendue pour d’autres massacres.

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RFI (itw I. Allegrozzi) 

24.04.2024 à 21:52

Iran : Un rappeur populaire condamné à mort en raison de sa voix dissidente

Human Rights Watch

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Click to expand Image Toumaj Salehi. © 2023 Wikimedia Commons

(Beyrouth, 24 avril 2024) – Un tribunal iranien a prononcé la peine de mort contre Toomaj Salehi, un rappeur populaire emprisonné sur la base d’accusations liées aux opinions qu’il a exprimées, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Les poursuites judiciaires visant Salehi, 33 ans, et la condamnation prononcée contre lui violent de manière cruelle et aberrante les droits fondamentaux, y compris le droit à un procès équitable.

Le 24 avril, Amir Raeesian, l'avocat de Toomaj Saheli, a informé le site média Shargh que la première branche du Tribunal révolutionnaire d'Ispahan avait condamné son client à mort pour « corruption sur Terre ». En novembre 2023, la Cour suprême iranienne avait pourtant annulé la peine de six ans de prison précédemment prononcée contre Salehi dans cette affaire, renvoyé l’affaire devant le tribunal de première instance, et libéré Saleh sous caution. Douze jours après ce jugement, les forces de sécurité iraniennes avaient de nouveau arrêté Salehi.

« Les juges des tribunaux révolutionnaires iraniens agissent comme s’ils étaient habilités à violer les droits fondamentaux des citoyens, en faisant fi de toute protection juridique », a déclaré Tara Sepehri Far, chercheuse senior sur l’Iran à Human Rights Watch. « Le verdict scandaleux prononcé contre Toomaj Salehi n’est que le dernier exemple de la brutalité du système judiciaire iranien. Il devrait être libéré immédiatement. »

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Le 30 octobre 2022, les autorités ont violemment arrêté Toomaj Salehi, le musicien ayant ouvertement critiqué le gouvernement lors des manifestations tenues suite au décès de Mahsa Jina Amini un mois auparavant, alors que cette jeune femme iranienne d’origine kurde était détenue par la police des mœurs. Les autorités ont détenu Salehi en isolement cellulaire et ont porté plusieurs accusations contre lui, y compris celle de « corruption sur Terre », une accusation vaguement formulée qui est passible de la peine de mort en Iran. L'agence de presse des militants iraniens des droits humains (Human Rights Activists News Agency, HRANA) a rapporté que les forces de sécurité gouvernementales avaient battu Salehi lors de sa détention.

Le 10 juillet 2023, la Première branche du Tribunal révolutionnaire d’Ispahan a condamné Salehi à six ans et trois mois de prison, en vertu de l’article 286 du Code pénal islamique en vigueur en Iran ; le tribunal a toutefois statué que le seuil requis pour l’accusation de « corruption sur Terre » n’avait pas été atteint dans cette affaire. L’article 286 punit certains crimes liés à la sécurité nationale, ou à l’ordre public, de peines pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison ; un crime qualifié de « corruption sur Terre » est passible de la peine de mort.

Le 18 novembre 2023, Amir Raeesian a déclaré à Shargh que Toomaj Salehi avait été libéré sous caution, suite au jugement de la Cour suprême annulant sa peine et renvoyant l'affaire devant le tribunal de première instance. Mais Salehi a été réarrêté le 30 novembre, avoir diffusé en ligne une vidéo dans laquelle il accusait ses interrogateurs de l’avoir maltraité ; les autorités ont alors porté de nouvelles accusations contre lui. Le 1er janvier 2024, HRANA a rapporté que Salehi avait été condamné à un an de prison et à une interdiction de voyager de deux ans, en guise de punition dans cette nouvelle affaire.

Le 18 avril, la Première branche du Tribunal révolutionnaire d’Ispahan a tenu un nouveau procès afin de juger Toomaj Salehi, visé par de nouvelles accusations comme l’a indiqué son avocat Amir Raeesian ; le tribunal a finalement reconnu Salehi coupable, et l'a condamné à mort sur la base de l'accusation de « corruption sur Terre ». Raeesian a affirmé que cette décision comportait d'importantes erreurs juridiques, dont certaines en contradiction avec le verdict de la Cour suprême. Il a ajouté qu'il ferait appel du nouveau verdict.

Human Rights Watch s'oppose à la peine de mort en toutes circonstance, en raison de son caractère intrinsèquement cruel et irréversible.

Suite au début de la répression des manifestations, les autorités judiciaires iraniennes ont considérablement accru le recours à des accusations liées a la sécurité nationale et vaguement définies contre des manifestants ; certaines accusations, y compris pour destruction de biens publics, sont passibles de la peine de mortÀ l'issue de procès manifestement inéquitables au cours desquels de nombreux accusés n'ont pas eu accès à un avocat de leur choix, les autorités ont prononcé 25 condamnations à mort en lien avec les manifestations. Au mois d’avril 2024, le gouvernement avait déjà exécuté huit personnes condamnées dans le cadre des manifestations. La Cour suprême a annulé 11 autres condamnations à mort.

Parmi les personnes arrêtées lors des manifestations figurait un autre rappeur iranien (d’origine kurde), Saman Seyedi, connu sous le nom de « Yasin ». Il a été condamné à mort pour « hostilité contre l’État » et pour « possession d’armes et complot visant à menacer la sécurité nationale », mais la Cour suprême a annulé la peine. Le 21 avril, HRANA a rapporté que la 15e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran avait condamné Seyedi à cinq ans de prison.

« Le gouvernement iranien a fait des tribunaux inéquitables la pierre angulaire de sa répression brutale de la dissidence populaire », a observé Tara Sepehri Far.

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24.04.2024 à 21:40

UE : Le Parlement européen approuve la loi sur les chaînes d'approvisionnement

Human Rights Watch

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Click to expand Image European Union flags wave in the wind as pedestrians walk by EU headquarters in Brussels, Wednesday, Sept. 20, 2023. © 2023 AP Photo/Virginia Mayo, File

(Bruxelles, le 24 avril 2024) – Le Parlement européen a voté le 24 avril en faveur d’une proposition de loi européenne qui obligerait les grandes entreprises à prévenir les violations des droits humains et les dommages environnementaux dans leurs chaînes d'approvisionnement mondiales, et à y remédier ; il s’agit d’un pas en avant en matière de responsabilité des entreprises, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. La proposition de Directive européenne sur le devoir de diligence des entreprises (Corporate Sustainability Due Diligence Directive, CSDDD) soumettrait les grandes entreprises à des obligations juridiques en matière de diligence raisonnable dans leurs chaînes d'approvisionnement mondiales, à l’égard des droits humains et des droits environnementaux.

Le vote au Parlement européen, à Strasbourg, a eu lieu à l’occasion du 11ème anniversaire de l’effondrement tragique, le 24 avril 2013, du bâtiment du Rana Plaza au Bangladesh, qui a tué 1 138 ouvrières et ouvriers du textile et a blessé plus de 2 000 autres personnes. La loi proposée exige que les grandes entreprises fassent preuve d’une diligence raisonnable en matière de droits humains et d’environnement dans leurs opérations et dans leurs chaînes de valeur mondiales. Le texte s’appliquerait aux entreprises comptant plus de 1 000 salariés en moyenne et ayant réalisé un chiffre d’affaires mondial de plus de 450 millions d'euros au cours de l'exercice précédent. La loi habiliterait les régulateurs à prendre des mesures contre les entreprises qui ne font pas preuve d'une telle diligence raisonnable et, dans certains cas, permettrait aux victimes d'abus d'entreprises de s'adresser aux tribunaux européens pour obtenir justice.

« Le 11ème anniversaire de la catastrophe du Rana Plaza est un sombre rappel de la raison pour laquelle une loi sur le devoir de diligence est attendue depuis longtemps », a déclaré Aruna Kashyap, directrice adjointe chargée des questions de responsabilité des entreprises à Human Rights Watch. « Le vote du Parlement européen envoie un message fort selon lequel l’UE ne devrait plus laisser les grandes entreprises commettre impunément des violations des droits humains et environnementaux. »

Après le vote du Parlement européen, la loi doit désormais être approuvée définitivement par les ministres des États membres de l’UE. Le vote ministériel de l'UE devrait avoir lieu fin mai.

Texte complet en anglais : en ligne ici.

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23.04.2024 à 15:00

Kazakhstan : La nouvelle loi protégeant les femmes constitue une avancée mais est incomplète

Human Rights Watch

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Click to expand Image Activists hold a rally to support women's rights on International Women's Day in Almaty, Kazakhstan, March 8, 2023. © 2023 Pavel Mikheyev/Reuters

(Berlin, le 22 avril 2024) – Le 15 avril, le président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev a signé une nouvelle loi visant à renforcer la protection contre la violence à l’égard des femmes, y compris les survivantes de violence domestique, et des enfants ; toutefois, cette loi reste insuffisante dans certains domaines clés, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. La loi vise à faire progresser les droits des femmes et à renforcer leur sécurité, mais, elle ne fait pas explicitement de la violence domestique une infraction à part entière dans le code pénal ou dans d’autres textes législatifs, parmi d’autres lacunes préoccupantes.

« Il est significatif que les dirigeants du Kazakhstan aient donné la priorité à la protection des femmes et des enfants contre la violence, et l'adoption de cette loi constitue un pas en avant important », a déclaré Hugh Williamson, directeur de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. « Mais il faudrait faire davantage pour garantir que les femmes et les enfants soient protégés contre les violences familiales conformément aux normes internationales relatives aux droits humains, notamment en criminalisant la violence domestique en tant qu'infraction à part entière. »

La nouvelle loi, connue sous le nom de loi kazakhe sur la « violence domestique », apporte des amendements au Code pénal du Kazakhstan, à la loi sur la prévention de la violence domestique, à la loi sur le mariage et la famille, ainsi qu'à d'autres lois. L’adoption de la nouvelle loi coïncide avec le procès très médiatisé de Kuandyk Bichimbaïev ancien ministre de l’Économie du Kazakhstan qui est accusé du meurtre de son épouse, Saltanat Nukenova. Le procès a attiré l'attention nationale et internationale et a permis de mettre l'accent sur le besoin urgent de lutter contre la violence domestique en imposant des sanctions appropriées aux agresseurs, et en apportant aux survivantes un soutien tenant compte de leurs traumatismes.

Au Kazakhstan, les femmes sont confrontées à des taux élevés de violence domestique. Selon le ministère de l'Intérieur, en 2023, la police a reçu 99 026 plaintes liées à des violences familiales et les tribunaux ont condamné 67 270 personnes à des sanctions administratives.

Les partenaires internationaux du Kazakhstan devraient saisir cette occasion pour exhorter le gouvernement kazakh à criminaliser la violence domestique en tant qu'infraction à part entière, à établir un mécanisme de surveillance pour garantir la bonne application de la loi, et à ratifier la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, connue sous le nom de Convention d’Istanbul.

Texte complet en anglais : en ligne ici.

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23.04.2024 à 13:15

Le nouvel envoyé de l’UA pour la prévention des génocides peut-il endiguer les atrocités en Afrique ?

Human Rights Watch

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Click to expand Image Adama Dieng, alors conseiller spécial des Nations unies pour la prévention du génocide, New York, juin 2019. © 2019 Luiz Rampelotto/EuropaNewswire/picture-alliance/dpa/AP Images

Adama Dieng a été nommé premier Envoyé spécial de l'Union africaine (UA) pour la prévention du crime de génocide et des autres atrocités de masse.

Adama Dieng sera en charge du programme de l'organisation mis en œuvre afin de « combattre l'idéologie de la haine et du génocide sur le continent », selon le président de la Commission de l'UA, Moussa Faki Mahamat. Cette nomination intervenue le 6 avril est on ne peut plus symbolique, puisqu'elle marque les 30 ans du génocide rwandais et rappelle l'incapacité de la communauté internationale à mettre fin à ce massacre.

Adama Dieng a occupé plusieurs postes au sein du système des droits humains et de justice des Nations Unies, notamment en tant que Greffier du Tribunal pénal international pour le Rwanda, puis en tant qu’Expert de l’ONU sur la situation des droits humains au Soudan. De 2012 à 2020, il a été Conseiller spécial des Nations Unies pour la prévention du génocide, avec pour mandat de tirer la sonnette d'alarme sur les situations susceptibles de conduire à un génocide, et de susciter l'action du Conseil de sécurité de l’ONU pour prévenir de telles atrocités.

La nomination d'Adama Dieng à son nouveau poste intervient alors que l'Afrique fait face à une vague de terribles atrocités de masse et de crimes graves, aux conséquences humanitaires désastreuses, qui n'attirent pas ou très peu l'attention de la communauté internationale.

Le 15 avril a marqué le premier anniversaire du conflit qui se dégrade rapidement au Soudan entre les Forces armées soudanaises (SAF) et les Forces de soutien rapide (RSF). Alors que les deux parties au conflit ont commis des violations flagrantes des lois de la guerre, les attaques ciblées contre les communautés ethniques non arabes du Darfour occidental par les RSF et les milices alliées ont fait ressurgir le spectre de la terrible guerre du Darfour. Ce conflit a fait 300 000 morts au début des années 2000 et a conduit la Cour pénale internationale à inculper le président soudanais de l'époque, Omar al-Béchir.

Au Burkina Faso, les forces gouvernementales ont procédé à des massacres de civils dans le cadre d'une campagne brutale de lutte contre les groupes armés islamistes, qui ont également commis de graves abus. En République démocratique du Congo, les forces gouvernementales et les groupes armés, dont les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda, ont commis des atrocités contre des civils lors de violences dans les provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri.

Les atrocités et les crimes graves ne se limitent toutefois pas aux périodes de guerre, comme l'illustre la répression des manifestants du 30 octobre 2022 au Tchad, au cours de laquelle des dizaines de manifestants ont été abattus par les forces de sécurité.

Le nouveau mandat régional d'Adama Dieng pourrait apporter un soutien opportun aux mécanismes internationaux existants en matière de prévention des atrocités, s'il s'avère être le signe d'une plus grande volonté politique de l'UA de mettre fin aux abus de masse et de faire respecter le principe d'obligation de rendre des comptes.

23.04.2024 à 13:10

Le Royaume-Uni tente à nouveau de déformer la vérité sur le Rwanda

Human Rights Watch

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Click to expand Image Le président du Rwanda, Paul Kagame, et le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, à Londres, le 4 mai 2023. © 2023 Press Association via AP Photo

Dans un entretien diffusé cette semaine par la BBC dans le cadre de son programme matinal, le ministre adjoint des Affaires étrangères, Andrew Mitchell, a chanté les louanges du « remarquable régime » rwandais. Alors que le débat sur le projet de loi du gouvernement concernant la sûreté du Rwanda (Safety of Rwanda bill) touchait à sa fin, Andrew Mitchell a omis de mentionner certains faits importants à propos du bilan du Rwanda en matière de droits humains.

Interrogé au sujet d’un incident de 2018, lors duquel les forces de sécurité rwandaises ont abattu 12 réfugiés congolais durant une manifestation contre la réduction de rations alimentaires dans le camp de réfugiés de Kiziba, Andrew Mitchell a affirmé que l’incident était « hautement contesté ». Dans sa déclaration politique de décembre 2023, le gouvernement britannique a également tenté de présenter ces meurtres comme « un cas isolé [sans] aucune information attestant d’incidents similaires depuis 2018 ».

Or, les faits ne sont aucunement contestables. Selon les recherches de Human Rights Watch et Amnesty International, la police rwandaise a recouru à un usage excessif de la force lors de la manifestation. Des dizaines de manifestants ont été arrêtés et poursuivis en justice, et ceux qui avaient signé une lettre adressée aux Nations Unies pour demander une augmentation des rations alimentaires se sont vus infligés les peines les plus lourdes.

L’impunité des forces de sécurité, le rapport de la Commission nationale rwandaise des droits de la personne exonérant la police ainsi que l’emprisonnement de dizaines de réfugiés sont autant d’éléments qui ont constitué une ferme mise en garde contre toute nouvelle tentative d’organiser des manifestations.

Andrew Mitchell n’a également pas mentionné l’implication du Rwanda dans l’une des plus graves crises de déplacement du continent africain, en République démocratique du Congo voisine, où il soutient le groupe rebelle armé M23 qui commet des atrocités généralisées. Andrew Mitchell a par ailleurs omis le fait que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) s’est opposé à l’accord entre le Royaume-Uni et le Rwanda en matière d’asile, semblant plutôt délibérément faire croire l’inverse à l’auditoire, en comparant cet accord à un mécanisme de transit du HCR qui permet d’accueillir temporairement des demandeurs d’asile et des réfugiés volontairement évacués de Libye vers le Rwanda.

Au lieu de concentrer son attention sur le fait que la capitale Kigali est considérée dépourvue de délinquance, Andrew Mitchell ferait mieux de se pencher sur le sort de ceux qui questionnent le bilan du gouvernement rwandais en matière de droits humains et qui ont été empêchés d’entrer dans le pays, arrêtés, ont disparu ou ont été retrouvés morts dans des circonstances non élucidées.

La loi sur la sûreté du Rwanda (Safety of Rwanda Bill) a été adoptée tard la nuit dernière. Les efforts de la Chambre des Lords pour y inclure des mécanismes de contrôle ont été rejetés par les responsables du gouvernement, qui les considéraient comme encombrants et obstructionnistes. Un tel contrôle est pourtant plus que jamais nécessaire.

Le gouvernement est peut-être parvenu à légiférer de manière à contourner l'arrêt de la Cour suprême selon lequel le Rwanda n'est pas un pays sûr vers lequel envoyer les demandeurs d’asile, mais il ne peut pas déformer la vérité à sa guise ; le bilan lamentable du Rwanda en matière de droits humains demeure visible aux yeux de tous.

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