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08.10.2025 à 11:01

Résistance, transformation et solidarité : Le journalisme d’investigation en Asie face à la multiplication des défis

Pınar Dağ et les "regional editors" de GIJN pour la région Asie
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L'Asie est un laboratoire unique dans le paysage médiatique mondial. Mais les journalistes d'investigation y sont confrontés à des défis multiples, allant de la censure aux menaces physiques, en passant par la surveillance numérique et les pressions financières.
Texte intégral (6309 mots)

Le journalisme en Asie a toujours été davantage qu’un simple vecteur de transmission d’informations : il a également été le fondement intellectuel de la lutte contre le colonialisme, l’autoritarisme et les inégalités sociales. Au XIXème et au XXème siècle, du Bengale à Tokyo, de Manille à Istanbul, de nombreux intellectuels ont utilisé les médias comme plateforme de résistance pour diffuser les idéaux du journalisme, de la modernisation, de la conscience publique et de la liberté.

Si le journalisme en Asie est actuellement menacé par l’autoritarisme étatique, la censure et les menaces de désinformation numérique, il est également redéfini par les jeunes générations armées de nouveaux outils et reste un moyen inestimable de demander des comptes au pouvoir. En outre, les rédactions du continent adoptent également l’analyse des données et des informations qui aborde le story telling de manière plus visuelle… attirant ainsi des audiences nouvelle pour un impact plus important.

Avec sa diversité démographique et idéologique, l’Asie constitue un laboratoire unique dans le paysage médiatique mondial. Sur ce vaste continent, le journalisme, en particulier le journalisme d’investigation, va au-delà de son rôle d’information du public ; il est souvent un outil essentiel pour demander des comptes aux régimes autoritaires, dénoncer la corruption et documenter les injustices. Cependant, dans l’exercice de cette fonction, les journalistes sont confrontés à des défis multiples, tels que les menaces physiques, la surveillance numérique et les pressions financières. Selon le Classement mondial de la liberté de la presse 2025 de Reporters sans frontières, une grande majorité des pays asiatiques présentent des défis «très graves» en matière de liberté de la presse — et sept des dix pays les moins bien classés au niveau mondial se trouvent désormais en Asie : la Russie, le Vietnam, le Turkménistan, l’Afghanistan, l’Iran, la Syrie, la Chine et la Corée du Nord. Seuls trois pays, Taïwan, l’Arménie et le Timor-Leste, ont été jugés « satisfaisants » par RSF.

Dans de nombreux pays où la situation de la presse est désastreuse, les médias sont contraints d’opérer sous le contrôle total de l’État ou sont complètement réprimés. Par ailleurs, le climat de liberté de la presse en Asie évolue dans la mauvaise direction, en raison de tendances autoritaires généralisées, de la censure d’Internet et de la pression accrue exercée sur les journalistes.

Mais le tableau n’est pas entièrement sombre, et certains pays ayant une plus longue tradition de journalisme indépendant constituent des points positifs. Yasuomi Sawa, directeur exécutif du Forum des praticiens du journalisme japonais (J-Forum), affirme que le journalisme d’investigation dans le pays « gagne du terrain » et est de plus en plus reconnu dans les prix nationaux pour ses révélations de vérités cachées. Il souligne toutefois qu’il existe encore des défis spécifiques à chaque pays, tels que « la mentalité secrète des responsables gouvernementaux, l’absence de notion de « public » en japonais (comme l’information publique, le débat public ou la divulgation publique), l’orientation omniprésente vers l’anonymat dans la société et les contraintes imposées aux médias qui tentent de publier des informations avec le vrai nom des personnes citées ».

En conséquence, le journalisme d’investigation en Asie ne se contente pas de survivre, mais se taille également une place grâce à de nouveaux outils, à des collaborations et à des stratégies de résilience. Dans des pays comme les Philippines, l’Indonésie et la Thaïlande, les plateformes médiatiques indépendantes continuent de bénéficier du soutien du public. Des institutions telles que Rappler (Philippines) et Tempo (Indonésie) influencent l’opinion publique de la région grâce à des enquêtes approfondies sur la corruption, la destruction de l’environnement et les violations des droits humains. Et le renversement de régimes notoirement répressifs en Syrie et au Bangladesh a donné les premiers signes d’espoir d’une nouvelle ère de journalisme plus ouvert et indépendant.

Afin d’identifier certains des défis les plus critiques auxquels est confronté le journalisme d’investigation dans la région pour ce projet Asia Focus, le GIJN a interrogé plus de 40 de ses membres à travers le continent. Bon nombre des réponses faisaient écho à des thèmes similaires : pression autoritaire, restrictions juridiques, censure de l’État et des entreprises, menaces d’intimidation et de violence, et difficultés économiques. Les rédacteurs en chef et les journalistes de toute la région nous ont indiqué que leurs enquêtes couvraient un large éventail de sujets, allant de la corruption rampante et du blanchiment d’argent à la traite des êtres humains et à l’exploitation environnementale, des thèmes d’une importance cruciale que leur public a plus que jamais besoin qu’ils approfondissent.

« À travers Asia Focus, nous rendons hommage au travail incroyable accompli par les membres de la communauté à travers la région, malgré un environnement complexe en matière de liberté de la presse », estime Emilia Díaz-Struck, directrice de GIJN. « Nous lançons cette publication spéciale Asia Focus quelques semaines avant de co-organiser avec Malaysiakini en Asie notre prochaine conférence mondiale sur le journalisme d’investigation, une première fois dans l’histoire de notre organisation. Nous espérons que cet événement sera un espace de solidarité et de partage des connaissances qui contribuera à continuer de renforcer la communauté du journalisme d’investigation dans la région et dans le monde entier.»

En Asie centrale et dans le Caucase

Une nouvelle vague de répression contre la liberté de la presse a déferlé sur le Caucase. Malgré les manifestations massives en Géorgie, les législateurs ont récemment voté une loi controversée sur les « agents étrangers », inspirée du modèle russe, que la société civile et les organisations de médias craignent de voir utilisée pour museler la dissidence et la presse. En Azerbaïdjan, plus d’une douzaine de journalistes ont été arrêtés pour trafic de devises étrangères après avoir reçu des fonds prétendument illégaux, alors qu’il s’agissait en réalité de subventions accordées à des organismes de presse par des bailleurs de fonds internationaux réputés.

« Le journalisme d’investigation ici est aussi synonyme de résilience », explique Fatima Karimova, cofondatrice et rédactrice en chef de Mikroskop Media, membre en exil de GIJN. « Disposant d’un accès limité aux données et aux ressources, les journalistes s’appuient sur leur créativité, des sources alternatives et des collaborations transfrontalières pour dénoncer la corruption, les violations des droits humains et les abus de pouvoir, souvent au péril de leur vie et de leur carrière. »

Les défis auxquels est confronté le journalisme touchent également toute l’Asie centrale. Après la publication d’une enquête sur une possible corruption au sein de l’administration du président kirghize, des journalistes de Temirov Live ont été arrêtés, certains membres de l’équipe ont été emprisonnés et accusés d’avoir « créé un groupe criminel » et « incité à des troubles de masse ». Un tribunal kirghize a également ordonné la fermeture du média d’investigation et membre du GIJN Kloop, et récemment, deux membres de l’équipe de tournage du site ont été condamnés à cinq ans de prison pour des « accusations fallacieuses », selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) et Amnesty International.

« Les médias sont fermés ou étranglés financièrement, tandis que de nouvelles lois sont utilisées comme des armes pour faire taire les voix critiques », prévient Anna Kapushenko, rédactrice en chef de Kloop. « Malgré ces pressions, le journalisme d’investigation au Kirghizistan continue de se distinguer par son courage, sa résilience et son engagement pour demander des comptes aux personnes en responsabilité. »

Ruslan Myatiev, rédacteur en chef du site Turkmen.news, autre membre en exil de GIJN, souligne, pour sa part, que l’accès restreint aux données constituait un obstacle supplémentaire au journalisme d’investigation dans la région. « Le journalisme d’investigation en Asie centrale en est actuellement à ses balbutiements », explique Ruslan Myatiev. « Le gouvernement ne publie aucun registre, il est donc extrêmement difficile de mettre au jour la corruption et les actes répréhensibles. Cependant, les gens en ont assez de la corruption, y compris ceux qui occupent des postes élevés. Ils sont notre principale source de données et d’informations, qui deviennent ensuite des articles d’investigation dignes de ce nom. »

En Turquie

Le journalisme d’investigation en Turquie subit de fortes pressions juridiques, politiques et économiques, mais reste actif grâce aux efforts de journalistes indépendants, d’ONG et de fondations. L’un des développements récents les plus importants est l’adoption d’une loi de 2022 sur la désinformation, qui criminalise les « informations fausses ou trompeuses » susceptibles de nuire à l’ordre public, à la sécurité ou à la santé publique. Depuis son adoption, cette loi a été utilisée pour lancer des milliers d’enquêtes et poursuivre des dizaines de journalistes. Des journalistes tels qu’Ahmet Kanbal (Mezopotamya), İsmail Arı (BirGün) et d’autres ont été poursuivis en vertu de cette loi pour avoir rendu compte des élections, des conséquences d’un tremblement de terre ou du fonctionnement des institutions publiques.

Les indices de liberté de la presse reflètent cette érosion : la Turquie occupe une place très basse dans le classement mondial de la liberté de la presse 2025 (159e sur 180 pays). Les organismes de réglementation ont été utilisés pour infliger des amendes, retirer les publicités publiques, bloquer l’accès à certains contenus ou suspendre les licences de diffusion des médias critiques ou alignés sur l’opposition. Les risques physiques, les arrestations, le harcèlement en ligne et hors ligne, ainsi que les menaces judiciaires sont monnaie courante. Les journalistes qui couvrent les manifestations, la corruption et les catastrophes telles que le tremblement de terre de février 2023 sont confrontés à des obstructions, des détentions et d’autres formes de répression. Une récente enquête menée par le Syndicat des journalistes turcs a révélé que 43 % des journalistes interrogés avaient été victimes de censure, les jeunes journalistes et les femmes étant les plus souvent touchés. De même, 25 % d’entre eux déclarent s’autocensurer fréquemment.

En raison de ces tendances, les institutions indépendantes et à but non lucratif sont devenues essentielles pour rendre compte de la responsabilité. Par exemple, la Fondation Uğur Mumcu pour le journalisme d’investigation forme et soutient les compétences et l’éthique des jeunes reporters, même lorsque les médias traditionnels sont soumis à des contraintes. En outre, les journalistes qui ont remporté des prix internationaux démontrent l’importance de ce domaine en Turquie et son impact au niveau international. Les réseaux sociaux et les plateformes numériques permettent au journalisme d’investigation de toucher un public plus large, mais le principal obstacle dans ce domaine reste les graves menaces qui pèsent sur la liberté d’expression et l’indépendance.

En Inde et au Sri Lanka

Au cours de la dernière décennie, le paysage médiatique dans cette région a connu un changement significatif, le contrôle gouvernemental étant désormais plus prononcé que jamais. La majorité des médias grand public en Inde, en particulier, sont largement devenus les vecteurs de la propagande du parti au pouvoir. De nombreuses chaînes d’information télévisées de premier plan appartiennent à des entreprises qui façonnent leur contenu de manière à favoriser les intérêts du gouvernement. Dans ce contexte, le véritable journalisme d’investigation a été relégué à la marge, survivant principalement en dehors du cycle d’information grand public.

Dans le même temps, la liberté de la presse dans cette région n’a cessé de décliner, les journalistes étant victimes de harcèlement judiciaire au titre des lois sur la diffamation, la sédition et la lutte contre le terrorisme. Les menaces physiques et les insultes en ligne sont monnaie courante, et les contraintes économiques sont vives. Le classement de l’Inde dans l’indice mondial de la liberté de la presse a chuté ces dernières années, passant à la 151ème place en 2025, tandis que celui du Sri Lanka se situe désormais à la 139ème place. En conséquence, le journalisme d’investigation est de plus en plus soutenu par des médias financés par des donateurs et basés sur des abonnements, les médias grand public évitant ce type de reportages en raison des pressions exercées par le gouvernement et les annonceurs.

« Les rédactions d’investigation asiatiques sont souvent confrontées à d’énormes difficultés financières, à la répression gouvernementale, à des menaces juridiques, au contrôle des entreprises et aux attaques de désinformation menées par des trolls en ligne », explique Mayank Aggarwal, rédacteur en chef de The Reporters’ Collective. « Malgré ces difficultés, les rédactions d’investigation de la région, y compris de nombreuses organisations locales, sont un exemple brillant de ce que des rédactions indépendantes déterminées peuvent accomplir en trouvant des alliés. Pour surmonter leurs contraintes, elles utilisent des outils numériques, les lois sur la liberté d’information, collaborent avec des experts et les réseaux sociaux pour dénoncer la corruption, demander des comptes et rendre compte de tous les actes répréhensibles que les gouvernements et les entreprises cachent. »

Les plateformes de médias numériques en Inde ont créé des espaces alternatifs pour les sujets qui intéressent véritablement le public. The Reporters’ Collective, qui est membre de GIJN, s’est fait connaître pour ses enquêtes, qui ont mis au jour des problèmes tels que l’opacité des obligations électorales, les irrégularités dans les programmes gouvernementaux et les liens entre les entreprises et les politiciens. The Scroll et The Wire ont enquêté sur des questions telles que la surveillance, les violations environnementales et l’abus de pouvoir de l’État, tandis que le magazine The Caravan a proposé des reportages approfondis sur les violences communautaires, le système judiciaire et la corruption politique. Newslaundry, quant à lui, s’est concentré sur les médias eux-mêmes, enquêtant sur les structures de propriété, la désinformation et l’érosion de l’indépendance éditoriale.

« Des enquêtes puissantse et percutantes continuent d’être menées en Asie. Cela offre également de plus grandes possibilités pour le journalisme collaboratif », estime Dilrukshi Handunnetti, cofondatrice du Centre d’investigation journalistique du Sri Lanka, l’un des deux membres de GIJN dans le pays. Elle cite cette récente enquête du Centre d’investigation journalistique du Sri Lanka établissant un lien entre le changement climatique et une vulnérabilité croissante à la dengue comme exemple du pouvoir du journalisme innovant, combinant recherche universitaire et journalisme d’investigation. Elle souligne que cet article était le premier à établir un lien scientifique direct entre ces deux questions au Sri Lanka. « L’article a été salué par les autorités sanitaires et le public », note Dilrukshi Handunnetti.

Au Pakistan

La liberté de la presse au Pakistan a toujours été remise en question. Et bien que son classement dans l’indice mondial de la liberté de la presse se soit légèrement amélioré ces dernières années, le pays occupe toujours la 158ème place, parmi les pires au monde, et apparaît en rouge vif sur la carte mondiale de la liberté de la presse établie par RSF.

La censure croissante exercée par l’État sur toutes les formes de médias, qu’ils soient numériques, imprimés ou électroniques, y contribue largement. En outre, la consolidation des médias par les grandes entreprises et les modèles de revenus vulnérables à la mainmise de l’État, ces mêmes médias dépendant des publicités gouvernementales, se combinent pour créer un environnement difficile pour la survie du journalisme d’investigation.

Malgré ces restrictions, des médias numériques indépendants existent bel et bien. Le site d’investigation Fact Focus, qui s’appuie sur des données, a publié des enquêtes approfondies dénonçant la corruption au sein des plus hautes sphères du gouvernement. D’autres sites, comme Lok Sujag, membre de GIJN, se concentrent sur l’hyper-local pour rendre compte de l’actualité des petites villes et villages du pays. Des journalistes ont également choisi de devenir indépendants en utilisant les réseaux sociaux, principalement YouTube, pour gagner leur vie et héberger leurs propres chaînes médiatiques, plus personnelles et libres de toute contrainte commerciale.

L’État a tenté de contrer cette dernière tendance en modifiant les lois sur le contenu numérique et la diffamation dans les espaces en ligne, ainsi qu’en se livrant à un harcèlement pur et simple. Par exemple, le cofondateur de Fact Focus ne vit pas au Pakistan, mais sa famille, qui réside toujours dans le pays, a fait l’objet de menaces juridiques, ce que de nombreux militants et journalistes considèrent comme une tentative évidente de l’intimider ou de le réduire au silence. Allant encore plus loin, et illustrant la situation désastreuse dans laquelle se trouve actuellement la presse au Pakistan, le gouvernement a même bloqué le site web de Fact Focus.

Au Moyen Orient

Les journalistes d’investigation dans le monde arabe sont confrontés chaque jour à de graves défis existentiels : attaques ciblées, conflits meurtriers, lois draconiennes et financement limité. Bien qu’il existe quelques points positifs, comme la couverture intrépide des reporters à Gaza et la réapparition d’une certaine liberté de la presse après la chute du régime d’Assad en Syrie, des obstacles majeurs se profilent.

Nulle part ailleurs les menaces qui pèsent sur la presse ne sont plus évidentes qu’en Palestine. On estime que la campagne de bombardements et l’offensive terrestre menées par Israël à Gaza depuis l’incursion du Hamas il y a deux ans ont fait plus de 65.000 victimes civiles à ce jour. Dans le même temps, Israël a interdit à tout journaliste étranger de couvrir ces morts massives, que le dernier rapport de la commission des Nations unies qualifie désormais de « génocide ». En outre, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) et la Fédération internationale des journalistes ont recensé plus de 200 morts parmi les professionnels des médias à Gaza depuis le début de la guerre, dont certains auraient été délibérément pris pour cible par l’armée israélienne, selon le CPJ.

Dans d’autres pays du Moyen-Orient, comme la Jordanie, le Qatar et le Liban, une série de lois strictes sur la presse ont entravé le travail d’investigation. Entre 2023 et 2025, des médias indépendants au Liban, tels que Daraj, ont fait l’objet d’une enquête du procureur général pour leur travail.

À l’atmosphère déjà tendue qui règne dans la presse dans la région s’est ajouté cette année un gel brutal et dévastateur du soutien financier de l’USAID, qui a gravement affecté le secteur du développement dans la région, entraînant la suspension ou la réduction de nombreux programmes journalistiques. Rawan Damen, directrice générale d’ARIJ, membre de GIJN, décrit l’impact sur cette organisation : « Le gel des fonds signifie une perte d’environ 20% de notre budget annuel qui était censé soutenir plusieurs projets, notamment une bourse de journalisme environnemental et notre forum annuel. »

Malgré ces difficultés, les journalistes de la région travaillent d’arrache-pied pour que les coupables soient traduits en justice. L’ARIJ et d’autres organisations ont enquêté sur les meurtres de journalistes à Gaza dans le cadre du projet Gaza. En Syrie, une récente collaboration entre des médias internationaux et syriens a montré comment l’ancien régime kidnappait et trafiquait des enfants. En outre, Reuters a publié cette année une série d’articles importants sur le nouveau régime post-Assad, comprenant des détails sur les massacres et la corruption. Et une récente enquête transfrontalière de la BBC a révélé le trafic et l’exploitation de femmes ougandaises dans le golfe Persique.

En Chine, à Hong Kong et à Taïwan

Avec une liberté de la presse régulièrement classée parmi les plus faibles au monde, la Chine emprisonne chaque année depuis 2014 plus de journalistes que tout autre pays. Aujourd’hui, tant l’industrie de l’information traditionnelle chinoise que sa tradition unique de journalisme d’investigation sont au bord de l’extinction, remplacées par le contrôle total du Parti communiste chinois sur le paysage médiatique. Et le « Grand Firewall » chinois continue de se renforcer, favorisant un écosystème numérique fermé où tout le contenu des réseaux sociaux — de la publication et la diffusion aux commentaires des utilisateurs — est strictement censuré sur des plateformes telles que WeChat, Zhihu et Xiaohongshu.

Les médias institutionnels ayant été neutralisés et les médias privés systématiquement fermés, le peu qui reste du journalisme critique chinois existe désormais sous la forme de petits groupes décentralisés. Ces groupes sont généralement non institutionnalisés, hautement spécialisés dans les sujets qu’ils couvrent et dispersés de manière inégale dans le paysage des réseaux sociaux. Bon nombre des responsables de ces sites d’information sont des journalistes professionnels formés pendant la période plus ouverte de 2003 à 2013. Ils abordent désormais des sujets tabous pour les médias d’État, souvent sous le couvert d’ouvrages littéraires de non fiction ou d’histoires personnelles qui explorent les destins et les choix individuels.

Avec la détérioration de la liberté de la presse en Chine, un nombre croissant de journalistes du pays ont choisi ou ont été contraints de s’exiler. Parmi les plus connus figurent les anciens reporters de CCTV Chai Jing et Wang Zhi’an. Tous deux ont rassemblé plus d’un million d’abonnés sur YouTube, ce qui leur confère une influence considérable en dehors du contrôle de l’État. Outre ces personnalités de premier plan, ces dernières années ont également vu l’émergence de plateformes médiatiques anonymes et indépendantes telles que Mang Mang Magazine et WOMEN, fondés par des journalistes cherchant à poursuivre leur travail depuis l’étranger.

La liberté de la presse à Hong Kong s’est rapidement détériorée depuis l’adoption de la loi sur la sécurité nationale en 2020. Les deux plus grands médias pro-démocratie ont été fermés il y a des années, et Radio Television Hong Kong (RTHK) est passée du statut de radiodiffuseur public à celui de porte-parole officiel de l’État. Les médias indépendants en langue chinoise sont désormais une espèce en voie de disparition, mais malgré cela, ces dernières années ont vu l’émergence de nouveaux médias d’investigation, tels que The Collective. En outre, comme un grand nombre de Hongkongais ont émigré à l’étranger, une vague de médias gérés par des exilés a vu le jour, notamment The Chaser NewsFlow HK MagazineGreen Bean Media, et Photon Media.

Taiwan, en revanche, jouit d’une liberté de la presse bien plus grande que la Chine continentale ou Hong Kong et obtient la meilleure note globale du continent, se classant au 24ème rang mondial selon RSF. Néanmoins, le pays reste confronté à la propagation de la désinformation et à l’impact de l’évitement de l’actualité, selon Sherry Lee, directrice des opérations et ancienne rédactrice en chef de GIJN  The Reporter. « Le défi est différent, mais tout aussi profond », explique Lee. « L’infiltration de la désinformation et l’influence omniprésente de la Chine. Ces forces ont conduit de nombreuses personnes à éviter les actualités et à aborder l’information et le journalisme avec un profond scepticisme, parfois même avec un sentiment de nihilisme. »

Au Bangladesh

Le journalisme d’investigation reste sous pression au Bangladesh, même si le renversement récent du gouvernement répressif de la Ligue Awami a suscité un optimisme prudent et que le classement du pays dans l’indice mondial de la liberté de la presse a bondi de 16 points au cours de l’année écoulée. Les médias restent toutefois méfiants à l’égard du nouveau régime et continuent d’avancer prudemment dans la publication d’enquêtes importantes, dans un contexte de tumulte et d’incertitude politique.

Cette prudence s’explique en partie par le maintien en vigueur de la loi antiterroriste adoptée en 2009. Cette loi a régulièrement été utilisée comme une arme pour attaquer et intimider la presse et a créé un précédent en matière de poursuites et d’emprisonnement de journalistes pour avoir publié des articles embarrassants pour les dirigeants ou exprimé des opinions dissidentes. Une enquête menée par le Daily Star a révélé que 266 journalistes du pays font l’objet de poursuites pénales liées aux manifestations nationales de 2024 qui ont conduit à la destitution du gouvernement et que plus de 20 journalistes sont actuellement emprisonnés. Le célèbre journaliste Manjarul Alam Panna a été arrêté alors qu’il donnait une conférence lors d’un séminaire, sur la base d’accusations liées à la loi antiterroriste.

Alors que les journalistes bangladais continuent de travailler dans ces conditions difficiles, on s’inquiète de la diminution du nombre d’enquêtes journalistiques importantes. De nombreux médias ont délibérément adopté une politique attentiste afin de traverser la période de transition politique que connaît actuellement le pays. Cette approche frustre certains journalistes, car elle limite leur capacité à mener et à publier des enquêtes percutantes alors même qu’ils ont accès à des informations importantes.

En Asie du Sud-Est

Le journalisme d’investigation varie considérablement à travers l’Asie du Sud-Est. Dans des pays comme le Myanmar, le Vietnam, le Laos et le Cambodge, la presse indépendante n’existe pas dans les faits, car ces pays exercent un contrôle total ou de facto sur les médias. D’autres pays, comme la Thaïlande (85ème) et la Malaisie (88ème), ont enregistré des progrès modestes dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF et bénéficient d’exemples de sites d’information très performants en matière de responsabilité, parmi lesquels Malaysiakini, membre du GIJN, qui co-organisera cette année la Conférence mondiale sur le journalisme d’investigation, et Prachatai, basé à Bangkok. D’autres pays, comme Singapour et l’Indonésie, ont connu une détérioration notable de leur climat médiatique au cours de la dernière décennie.

Dans le pays le plus peuplé de la région, l’Indonésie, diverses formes de violence – allant des insultes et intimidations verbales à la violence physique, en passant par la criminalisation et le meurtre – continuent de frapper les journalistes, la plupart des actes étant perpétrés par la police, selon l’Alliance des journalistes indépendants (IJA) du pays. Les cyberattaques telles que le doxxing, le piratage de comptes et les attaques DDoS continuent également de cibler les journalistes et les médias de masse.

Cette situation désastreuse a été exacerbée par l’effondrement du financement durable des médias indépendants à la suite d’un décret signé par le président américain Donald Trump. « À la suite du décret de Trump qui a entraîné la fermeture de l’USAID, plusieurs médias indépendants en Indonésie ont perdu leur soutien pour mener des enquêtes journalistiques de qualité », explique Fransisca Susanti, directrice exécutive de JARING, membre de GIJN, qui propose des services de renforcement des capacités, de production de contenu et d’aide d’urgence aux médias du pays.

« Les médias ne disposent généralement pas d’un budget dédié. La plupart des enquêtes en Indonésie proviennent de sources extérieures, notamment de financements internationaux », explique Bayu Wardhana, secrétaire général de l’IJA. Il met donc en garde contre un déficit de couverture des politiques du pays en matière de ressources naturelles, qui sont souvent « destructrices pour l’environnement et contrôlées par une poignée de personnes ».

Malgré ces défis, Bayu estime que le journalisme d’investigation continue de prospérer grâce à la persévérance de projets tels que IndonesiaLeaks et le Club des journalistes d’investigation (KJI). L’espoir continue également de grandir, selon Sustani, grâce à « la collaboration non seulement entre les médias, mais aussi entre les médias et les ONG afin de rendre le journalisme d’investigation plus percutant ».

Traduit de l’anglais par AW avec l’aide de Deepl


Les « regional editors » de GIJN pour la région Asie ont collaboré à la rédaction de ce rapport. Il s’agit notamment de Pinar DağOlga SimanovychDeepak TiwariAmel GhaniMajdoleen HasanJoey QiSK Tanvir Mahmud, and Kholikul Alim.

Nyuk est né en 2000 en Corée du Sud. Il étudie actuellement au département d’éducation artistique appliquée de l’université Hanyang à Séoul, en Corée du Sud, où il travaille également comme illustrateur. Depuis l’exposition à Hidden Place en 2021, il a participé à diverses expositions d’illustrations. Il s’intéresse principalement au dessin à la main, qui représente la valeur de son univers artistique.

27.09.2025 à 15:17

Comment « Le Monde » a révélé l’ampleur de la contamination des eaux souterraines en France

Raphaëlle Aubert
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Raphaëlle Aubert, journaliste d'investigation et de données au Monde, partage les méthodes utilisées par son équipe lors de son enquête sur la pollution des eaux souterraines en Europe.
Texte intégral (2891 mots)

Atrazine-Déséthyl. Chlorothalonil-R471811. Perchlorates. Ces noms ne vous sont peut-être pas familiers. Ils ne l’étaient pas non plus pour nous lorsque nous avons débuté l’enquête « Under the surface ». Ce sont pourtant ceux de quelques-uns des 300 polluants que l’on retrouve dans presque toutes les eaux souterraines surveillées en France, source d’eau potable pour les deux tiers de la population.

Dans plus de 28 % des stations de mesure du réseau français de surveillance des eaux souterraines, leur présence a dépassé les limites légales de qualité au moins une fois au cours des huit dernières années.

L’épuisement des ressources en eau est également un défi urgent. La France connaît des sécheresses de plus en plus fréquentes, et les conflits d’usage pour les ressources entre les villes, les agriculteurs et l’industrie exacerbent les tensions.

Cette enquête a commencé dans le cadre de l’investigation transfrontalière “Under the Surface” examinant la dégradation des eaux souterraines en Europe. Un projet collaboratif initié par Datadista et Arena for Journalism in Europe et soutenu par JournalismFund Europe. Alors qu’ils enquêtaient sur la dégradation des eaux souterraines en Espagne, les journalistes Antonio Delgado et Ana Tudela sont parvenus à trouver comment accéder aux derniers rapports des États membres de l’Union européenne sur l’état de leurs masses d’eau ; rapports que ces pays doit envoyer à la Commission européenne tous les six ans.

Arena for Journalism in Europe a suggéré d’étendre l’enquête à l’échelle européenne et m’a contactée pour travailler sur la situation en France. J’ai fait équipe avec mes collègues Léa Sanchez, qui m’a aidée dans l’analyse des données et la rédaction des articles, et Elsa Delmas, avec qui j’ai collaboré pour la cartographie et le développement de l’article visuel. Léa Girardot et Thomas Steffen, respectivement graphiste et responsable du service de la direction artistique numérique, nous ont également épaulées pour le design et les infographies.

Plonger dans les données

Les premières données européennes ont révélé une situation préoccupante : les masses d’eau souterraines françaises y apparaissaient en piteux état, notamment en termes de qualité. Nous voulions découvrir pour quelles raisons. Quels contaminants étaient à l’origine de cette dégradation ? D’où venaient-ils ? Était-il possible d’informer nos lecteurs de l’état des eaux souterraines au plus près de chez eux ?

Grâce aux rapports européens, nous savions que la France compilait de nombreuses données en continu de nombreuses données. Ades, le Portail national d’accès aux données sur les eaux souterraines, nous a permis d’accéder aux résultats de toutes les mesures effectuées dans toutes les stations. Mais ces « données ouvertes » n’étaient pas aussi accessibles que nous l’aurions aimé… À l’époque, l’interface de programmation d’application (API) ne pouvait traiter des requêtes ambitieuses. Le bouton d’exportation de l’interface, difficile à trouver, ne nous permettait pas de télécharger les données de tout le pays en une seule fois. Nous avons donc extrait les données région par région, en exportant des millions d’enregistrements et en les stockant sur notre propre serveur.

Mais ce n’était que le début du défi. Les noms des produits chimiques étaient cryptiques et le nombre de mesures, écrasant. Nous nous sommes tournées vers le « journalisme évalué par des experts » (« expert-reviewed journalism », en anglais), en collaborant étroitement avec des scientifiques, afin de donner un sens à ces informations.

L’hydrogéologue Florence Habets, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), a accepté de nous accompagner dès le début de l’enquête.

« Vous devriez vous intéresser à l’atrazine », nous a-t-elle dit. « Cet herbicide est interdit depuis des années, mais on le retrouve encore dans les échantillons. » La scientifique avait raison : cette substance, et en particulier ses métabolites (sous-produits de la substance active), dépassait 1 microgramme par litre dans environ 1.700 stations de surveillance (7 % des points où elles ont été testées).

Cartes issues de l’enquête, montrant les zones de production de betteraves en France (en haut) et les résultats des analyses de l’herbicide chloridazone (en bas), autorisé par l’UE pour le contrôle des mauvaises herbes dans les cultures. Visuels : avec l’aimable autorisation de Raphaëlle Aubert, Le Monde.

Choisir les substances d’intérêt 

Pour déterminer les polluants à surveiller, nous avons suivi les critères d’évaluation des eaux souterraines du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Laurence Gourcy, hydrogéologue au BRGM, nous a ainsi guidées dans l’interprétation des données et des méthodologies. Nous avons retiré 25 substances de la liste du BRGM, notamment des éléments naturels tels que le fer, le manganèse ou des substances liées au traitement de l’eau. Notre liste restreinte comptait alors 226 contaminants.

Pour savoir si les mesures étaient préoccupantes ou non, les normes officielles constituaient la meilleure source d’information. Nous avons donc rassemblé toutes les normes de qualité environnementale que nous avons pu trouver dans l’Union européenne et en France, en particulier ceux cités dans les arrêtés de 2008 et 2023. Nous avons ainsi pu déterminer si une concentration pouvant sembler négligeable – telle que 0,1 microgramme d’une substance par litre d’eau – dépassait les seuils légaux. La réponse est oui, pour de nombreux polluants tels que les pesticides.

Cependant, bon nombre des polluants que nous avons pu trouver dans les données n’étaient pas du tout réglementés dans les eaux souterraines. Nous avons ajouté à notre liste 74 de ces composés, qui font l’objet d’une surveillance particulière de la part des autorités. Il s’agit notamment du bisphénol A, utilisé dans la production de plastiques et de résines époxy, de produits pharmaceutiques et de certains PFAS ou « polluants éternels » – auxquels j’étais particulièrement attentive, ayant déjà enquêté sur ce type de contamination. Bien qu’il n’existe aucun seuil officiel, la découverte de traces de médicaments tels que des antiépileptiques, des analgésiques ou des pilules contraceptives dans nos eaux souterraines a aussi démontré à quel point celles-ci sont vulnérables quel point celles-ci sont vulnérables.

Notre liste était enfin complète, avec 300 contaminants. Comment les rendre compréhensibles pour le grand public ? Une fois de plus, les scientifiques nous ont été d’une grande aide. Florence Habets nous a conseillé de les grouper par type d’usage.

Nous avons créé six catégories :

  • Les pesticides et leurs métabolites, provenant de l’agriculture.
  • – Les nitrates, nitrites et autres engrais azotés.
  • Les substances chimiques issues de l’industrie. Les Hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), provenant de la combustion incomplète du bois ou d’autres matières organiques.
  • Les métaux, métalloïdes et autres minéraux
  • Les médicaments

Pour filtrer et analyser les données, nous avons écrit un script Python à l’aide de Pandas, une bibliothèque open source conçue pour l’analyse de données. Comme le traitement de plusieurs gigaoctets prenait des heures, nous lancions souvent le script pendant la nuit, pour analyser les résultats au réveil.

Ceux-ci ont été sans appel :

  • 28 % des quelque 24.700 stations de surveillance ont enregistré au moins un dépassement ces dernières années.
  • Certaines stations excèdent même les seuils pour 10, 20, voire plus de 30 substances.
  • Des pesticides et leurs métabolites ont été détectés dans 99 % des points de surveillance.

Par ailleurs, cette cartographie alarmante demeure partielle.les zones vides sur la carte ne signifient pas nécessairement que l’eau est propre : en effet, la principale motivation pour tester les eaux souterraines est la possibilité de les pomper pour la production d’eau potable. Certains puits, déjà trop pollués, ont été abandonnés et n’apparaissent pas dans nos données, faute de surveillance.

Quid de la raréfaction de l’eau ? Pour faire parler les données quantitatives, nous avons fait appel à l’expertise du Centre international d’évaluation des ressources en eaux souterraines (IGRAC). Ses hydrogéologues et ses analystes de données avaient déjà mis au point une méthode pour calculer les tendances des niveaux des eaux souterraines. Grâce à leur soutien sur cet aspect de l’enquête, nous avons pu concentrer nos efforts sur les données relatives à la pollution.

De nombreux autres scientifiques, spécialisés dans des domaines allant de la santé publique à la biogéochimie en passant par les systèmes d’information géographique, ont accepté de nous conseiller ou d’examiner nos travaux. Établir une relation de confiance avec eux a été essentiel à la réussite de notre enquête.

Rendre visible l’invisible

Les chiffres seuls semblaient trop abstraits. Pour les rendre tangibles, nous avons recherché des témoignages auprès des communautés touchées. À Chartres, au sud-ouest de Paris, la contamination de plusieurs nappes par les nitrates et les pesticides, et les prélèvements agricoles conséquents, mettent l’approvisionnement de la ville sous tension, notamment en période de sécheresse. De nombreuses municipalités confrontées à une pollution fréquente investissent dans des traitements ou de nouveaux forages, ce qui augmente le prix de l’eau potable pour leurs administrés.

Nous voulions également que les lecteurs puissent visualiser l’ampleur du problème. Nos cartes sont devenues la pièce maîtresse de l’enquête, et j’encourage vivement tout journaliste souhaitant reproduire notre méthodologie à présenter ses résultats sur une carte interactive. Nous avons superposé nos résultats à d’autres ensembles de données spatiales, telles que la culture de betteraves (calculée à partir du « registre parcellaire graphique »), associée à un herbicide spécifique appelé chloridazone.

Un outil cartographique qui mérite d’être mis en avant est Protomaps, une solution open source basée sur OpenStreetMap, qui permet aux journalistes et aux développeurs d’héberger leurs propres  fonds de cartes sous forme de tuiles vectorielles. En 2022-2023, je l’ai mis en place pour notre rédaction comme alternative open source aux logiciels propriétaires, très coûteux. Utilisé avec MapLibre et DeckGL, Protomaps nous a permis de créer une grande variété de visuels, des modules explorables aux cartes animées à mesure que l’article défile. Grâce à cet outil et à ses compétences en développement, Elsa Delmas a transformé nos ensembles de données et nos prototypes de cartes en un saisissant article « scrolltytelling » – ou “récit-molette”, cette pratique qui consiste à raconter une enquête en indexant des visuel animés sur le récit. Nous avons également inclus des boutons « explorer la carte » pour permettre aux lecteurs les plus curieux de faire une pause dans leur lecture et de zoomer sur n’importe quel point.

Après la publication de notre article, nous avons publié nos données en open data. Notre méthodologie est également accessible au public. Si vous avez accès à des données ou pouvez tester des échantillons d’eau souterraine dans votre région, vous pouvez reproduire cette enquête.

Article traduit de l’anglais.


Raphaëlle Aubert est journaliste Monde. Elle s’intéresse particulièrement, par le prisme des données, aux pressions exercées par l’Homme sur l’environnement, souvent dans le cadre d’enquêtes réalisées en collaboration avec des scientifiques et d’autres journalistes. Elle a ainsi développé la carte de la contamination par les PFAS en Europe du Forever Pollution Project, publiée en 2023, et a dirigé l’évaluation des coûts de la décontamination des PFAS deux ans plus tard. En 2025, son article « 300 contaminants dans nos nappes », publié dans Le Monde avec Léa Sanchez et Elsa Delmas dans le cadre de l’enquête transfrontalière « Under the Surface », a reçu un Sigma Award qui récompense les meilleurs projets basés sur des données. Vous pouvez la contacter à l’adresse aubert@lemonde.fr.

 

02.09.2025 à 13:18

Webinaire GIJN Afrique : enquêter sur les régimes révolutionnaires et/ou militaires (replay)

Maxime Domegni
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Dans ce webinaire gratuit, GIJN réunira quatre journalistes africains expérimentés pour discuter des astuces pour obtenir des informations dans des régimes répressifs et des dictatures militaires du continent.
Texte intégral (857 mots)

GIJN Afrique a organisé le 16 septembre 2025 un webinaire durant lequel quatre journalistes d’expérience ont partagé leurs astuces pour enquêter sur les abus des régimes militaires et/ou révolutionnaires en Afrique.

Voici le REPLAY de ce webinaire :

L’Afrique se trouve à un tournant en matière de gouvernance. Entre août 2020 et septmebre 2025, le continent a connu sept coups d’État ou prises de pouvoir militaires au Niger, au Burkina Faso, au Soudan, en Guinée, au Mali, au Tchad et au Gabon, suscitant des inquiétudes quant à une résurgence des régimes militaires à travers l’Afrique.

En outre, les présidents de pays comme l’Ouganda, le Rwanda et l’Érythrée, autrefois présentés comme « une nouvelle génération de dirigeants africains », se maintiennent au pouvoir depuis trois décennies ou plus. Et les dirigeants de démocraties naissantes comme la Tanzanie, le Bénin, le Kenya, l’Éthiopie et le Mozambique deviennent de plus en plus autocratiques et remettent en cause les consensus politiques acquis par le passé. Il est donc primordial que les journalistes d’investigation s’intéressent davantage aux régimes révolutionnaires et/ou militaires sur le continent.

GIJN a donc été heureux d’organiser ce webinaire qui a fourni aux journalistes d’investigation africains des conseils, des outils et des ressources pour examiner de près les actions politiques des gouvernements militarisés du continent, qui réduisent souvent l’espace dont disposent les médias pour remplir leur rôle de redevabilité.

Dans ce seminaire en ligne, gratuit pour tous les journalistes d’Afrique et d’ailleurs, GIJN a réuni quatre journalistes africains expérimentés qui ont évoqué comment obtenir des informations dans des régimes répressifs; suivre les outils utilisés par ces régimes pour asservir leur population; vérifier les faits et de démystifier la désinformation et la propagande; et d’enquêter sur les alliés stratégiques et géopolitiques qui contribuent à maintenir les autocrates au pouvoir malgré l’opposition des citoyens.

Intervenants :

  • Justin Yarga est un journaliste d’investigation indépendant originaire du Burkina Faso, actuellement basé en Suède. Yarga a vu son pays natal, autrefois un sanctuaire de la liberté d’expression en Afrique de l’Ouest, devenir l’un des pires contrevenants. Il enquête désormais sur les régimes militaires à travers le Sahel et leurs campagnes de propagande, et a co-réalisé avec Al Jazeera l’enquête « Africa’s Ghost Reporters« .
  • Khadija Sharife est une journaliste d’investigation chevronnée et membre du conseil d’administration du GIJN. Elle a enquêté sur les régimes militarisés dans plusieurs pays africains et a rédigé un chapitre du guide de GIJN sur les enquêtes relatives au trafic d’armes.
  • Samuel Baker Byansi est le cofondateur de M28 Investigates / Unité M28, un média à but non lucratif qui mène des enquêtes, notamment à l’aide de méthodes d’infiltration et d’outils de open source, afin de dénoncer les violations des droits humains. Il a participé à l’enquête Forbidden Stories sur le gouvernement rwandais et vit actuellement en exil.
  • David Dembele est journaliste d’investigation originaire du Mali et actuellement en exil en raison de ses reportages critiques sur le régime militaire de son pays natal.

La modératrice a été Busola Ajibola, directrice adjointe, responsable du programme de journalisme, au Centre pour l’innovation et le développement du journalisme (CJID).

Consultez notre fil Twitter @gijnAfrique et notre newsletter mensuelle en français pour plus de détails sur les événements à venir.

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