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Organisme national, l'OPC travaille sur l’articulation entre l’innovation artistique et culturelle, les évolutions de la société et les politiques publiques au niveau territorial

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07.05.2024 à 09:51

Expérimenter de nouvelles formes de médiation culturelle auprès des tout-petits

Aurélie Doulmet

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Avec Le labo des cultures, Camille Monmège expérimente de nouvelles formes de médiation culturelle. L’association se donne pour objectif de renouveler la boîte à outils des médiateurs culturels. Le labo des cultures travaille dans une logique de recherche-action et offre des terrains d’étude à des équipes de chercheurs. Inversement, la production scientifique peut permettre de […]

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Avec Le labo des cultures, Camille Monmège expérimente de nouvelles formes de médiation culturelle. L’association se donne pour objectif de renouveler la boîte à outils des médiateurs culturels. Le labo des cultures travaille dans une logique de recherche-action et offre des terrains d’étude à des équipes de chercheurs. Inversement, la production scientifique peut permettre de réadapter un projet en cours. La fondatrice relate dans cet entretien l’exemple emblématique d’une expérimentation sur le long terme, conduite pour et avec les tout-petits à Bordeaux. Le projet Babil – Mes premiers pas au musée vise à permettre aux plus jeunes de découvrir et s’approprier les collections muséales d’un territoire par le biais d’une approche sensible.

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02.05.2024 à 14:25

L’art à l’école peut-il s’improviser ? Anatomie d’un discours anhistorique

Frédérique Cassegrain

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Rendre le « théâtre obligatoire » au collège dès la rentrée prochaine, ainsi que l’a annoncé le chef de l’État lors de sa conférence de presse du 16 janvier, est-il réaliste ? Pour Patrick Germain-Thomas, le caractère précipité de cette mesure fait fi des conditions à rassembler pour sa réussite, comme en témoignent plusieurs décennies d’apprentissage des arts à l’école.

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Texte intégral (3203 mots)
Gros plan sur des enfants qui se tiennent la main
Photo © Tyler Lagalo Sfe – Plateforme Unsplash

Lors de sa conférence de presse du 16 janvier 2024, Emmanuel Macron a évoqué plusieurs orientations de la politique éducative, dans le cadre du vaste programme intitulé « Choc des savoirs ». Il a notamment mentionné l’importance des arts à l’école, semblant découvrir leurs apports possibles pour les élèves, et souhaité que « le théâtre soit un passage obligé au collège dès la rentrée prochaine, parce que cela donne confiance, cela apprend l’oralité, le contact aux grands textes ». Au-delà du lexique utilisé dans ce discours – le choc, l’obligation –, on peut s’interroger sur l’absence totale de référence à plusieurs décennies de débats et d’expérimentations concernant la rénovation du système éducatif et des méthodes pédagogiques. C’est l’ensemble d’un processus qui est ainsi passé sous silence, des classes nouvelles mises en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale dans le cadre du plan Langevin-Wallon aux recommandations d’une charte présentée en 2016 par le Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle, dont l’article premier énonce que « l’éducation artistique et culturelle doit être accessible à tous, et en particulier aux jeunes au sein des établissements d’enseignement, de la maternelle à l’université Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle, « Charte pour l’éducation artistique et culturelle », présentée à Avignon le 8 juillet 2016. ».

Une mise en perspective s’avère donc indispensable, en relation au moins avec l’histoire récente de la rencontre entre les arts et l’école, afin de contextualiser les propos d’Emmanuel Macron. Pour cela, il convient, dans un premier temps, de retracer les grandes étapes de la construction d’un modèle original d’action publique en France dans le domaine de l’éducation artistique et culturelle et les apports reconnus des innombrables expériences pédagogiques réalisées. La fécondité des projets artistiques en milieu scolaire suppose cependant le dépassement d’obstacles et de difficultés qu’il s’agit, dans un deuxième temps, d’énoncer de façon claire et lucide, afin de préciser leurs conditions de réussite. Je confronterai ensuite ces réflexions historiques et techniques aux déclarations de la conférence de presse du 16 janvier, afin de mieux comprendre la portée et le réalisme des mesures annoncées.

Art et éducation, brève histoire d’une rencontre

Pour présenter de façon synthétique certains temps forts de la construction des politiques d’éducation artistique et culturelle en France, on peut s’appuyer sur plusieurs travaux universitaires et témoignages d’acteurs Voir notamment les ouvrages et articles suivants : P. Baqué, 40 ans de combat pour les arts et la culture à l’école (1967-2007), Paris, L’Harmattan, 2011 ; M.-Ch. Bordeaux et Fr. Deschamps, Éducation artistique, l’éternel retour ?, Toulouse, Éditions de l’Attribut, 2013 ; P. Germain-Thomas, « Les artistes et l’école, histoire d’une rencontre », Le Français aujourd’hui, no 219, décembre 2022.. Ceux-ci soulignent généralement l’impulsion donnée par le colloque d’Amiens « Pour une école nouvelle », organisé en 1968 par l’Association d’étude pour l’expansion de la recherche scientifique (AEERS), qui accorde une place significative au potentiel éducatif de l’art et de la culture, prônant en particulier l’accueil d’artistes au sein des établissements. Le principe d’une ouverture de l’école sur son environnement est rappelé dans les conclusions de la commission culturelle du VIe Plan chargée de définir les grands axes de la politique culturelle pour les années 1971-1975, sous la direction du poète Pierre Emmanuel. Dans le prolongement de ces débats, Jacques Duhamel, ministre des Affaires culturelles entre 1971 et 1973, instaure un fonds d’intervention culturelle (FIC) dont une part significative est consacrée à des projets artistiques en milieu scolaire. Cet effort est relayé par le ministère de l’Éducation nationale à la fin des années 1970 – notamment à travers une mission confiée à Jean-Claude Luc en 1977 et les projets d’actions éducatives, techniques et culturelles (PACTE) inaugurés par le ministre Christian Beullac, mis en place dans la moitié des collèges et lycées en 1980.

À partir des années 1980-1990, l’entrée de l’art dans les établissements scolaires s’inscrit dans plusieurs textes administratifs et législatifs : les protocoles d’accord de 1983 et 1993 entre les ministères de l’Éducation nationale et de la Culture Le protocole de 1993 est également signé par les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Jeunesse et des Sports. et la loi sur les enseignements artistiques de 1988. Ces textes se situent toujours dans une dynamique d’ouverture de l’école aux artistes de différentes disciplines (arts plastiques, théâtre, musique et danse, par exemple), y compris dans le temps scolaire et sous la responsabilité pédagogique des enseignants de différentes matières. On peut considérer le plan de cinq ans pour les arts à l’école, lancé à la fin de l’année 2000 par Jack Lang (ministre de l’Éducation nationale) et Catherine Tasca (ministre de la Culture), comme la clé de voûte du modèle d’action partenarial mis en place dans le dernier quart du vingtième siècle. Fondé sur l’action conjointe des enseignants et des artistes, ce plan est construit autour d’une mesure phare : les classes à projets artistiques et culturels (classes à PAC) durant lesquelles les enseignants volontaires s’associent « les compétences de praticiens d’un art (artistes, gens de métier) ou d’un domaine culturel (conservateurs, chercheurs, médiateurs) Ministère de l’Éducation nationale, Le Plan pour les arts et la culture à l’école, Paris, CNDP, 2001, p. 5. ». Ces interventions correspondent à un volume horaire d’une quinzaine d’heures par classe sur une année scolaire. Le plan prévoyait la réalisation de 20 000 classes à PAC par an entre 2001 et 2004, mais les changements politiques consécutifs aux élections présidentielles de 2002 ont entraîné une très forte réduction de ces ambitions et des budgets attribués.

En dépit de cette irrégularité dans les financements, on observe un réel processus d’institutionnalisation d’un modèle fondé sur le partenariat entre les acteurs des mondes de l’art et de l’éducation, tant à l’échelle nationale que locale. Tous les cahiers des charges des établissements culturels financés par l’État comportent un volet « Éducation artistique et culturelle » Ainsi que le mentionne la charte des missions de service public pour le spectacle vivant élaborée par Catherine Trautmann dès 1998., et la loi de 2013 sur la refondation de l’école mentionne à nouveau la possibilité d’accueillir les artistes dans les établissements. Un éventail diversifié d’expériences pédagogiques d’une très grande richesse se déroule ainsi chaque année sur l’ensemble du territoire. De nombreux travaux de recherche et témoignages de professionnels convergent pour en démontrer le remarquable potentiel éducatif Ce potentiel est évoqué, par exemple, dans les ouvrages et revues académiques suivants : J.-M. Lauret, L’art fait-il grandir l’enfant ?, Toulouse, Éditions de l’Attribut, 2014 ; A. Kerlan, Un collège saisi par les arts, Toulouse, Éditions de l’Attribut, 2015 ; P. Germain-Thomas (dir.), « Les artistes à l’école, fin d’une illusion ou utopie en devenir ? », Quaderni, no 92, hiver 2016-2017.. Les apports possibles de ces expériences se déclinent en trois principales dimensions : une dimension relationnelle car elles peuvent agir sur le rapport à soi et aux autres, une dimension cognitive car elles favorisent la concentration et l’attention des élèves et une dimension d’ouverture culturelle car elles sont parfois la seule porte d’entrée vers certaines pratiques culturelles pour des populations qui n’y auraient pas accès autrement. Mais l’observation et la démonstration de ces apports supposent un certain nombre de conditions qui ne peuvent être occultées.

Les conditions de la réussite éducative

Selon les témoignages unanimes des acteurs concernés, l’entrée des activités artistiques dans les établissements comporte des difficultés et des obstacles. L’adhésion des élèves et leur participation active aux pratiques proposées ne sont jamais acquises, elles reposent sur la compétence, l’expérience et le talent pédagogique des professionnels engagés On peut se reporter sur ce point aux résultats d’un travail de recherche commandité par le Centre chorégraphique national de Bourgogne Franche-Comté à Belfort, accessible en ligne : P. Germain-Thomas, « Pour une pédagogie de la relation et de l’attention », Rapport final de l’enquête qualitative sur le projet Territoires dansés en commun (TDC), 2019-2021.. Les élèves demandent à être convaincus du sens profond de ces expériences, d’autant plus qu’elles entraînent souvent un rapport au sensible, au corps et à l’intime. Pour cela, trois principales conditions sont à prendre en compte : la qualité de l’organisation, le contenu même des projets et la formation des acteurs.

Sur la dimension organisationnelle, la construction de ces projets est très complexe en matière d’emplois du temps : elle suppose la disponibilité d’espaces réservés aux pratiques et un accompagnement rigoureux des artistes et des enseignants, généralement orchestré par les structures culturelles. Si les pratiques artistiques proposées aux jeunes font fréquemment appel à l’improvisation, celle-ci ne peut être de mise dans l’architecture des projets. La préparation en amont est capitale, et cet impératif se retrouve sur le registre du contenu, élaboré idéalement au cours de contacts préalables entre les artistes et les enseignants et impliquant plusieurs composantes : la confrontation aux pratiques, la rencontre des élèves avec les artistes et les œuvres et la participation à un débat critique sur ces œuvres.

La formation des artistes et des enseignants investis dans ces actions est reconnue de façon unanime comme une nécessité incontournable.

Troisième condition, la formation des artistes et des enseignants investis dans ces actions est reconnue de façon unanime comme une nécessité incontournable. Il s’agit d’expériences singulières qui provoquent un déplacement par rapport aux pratiques habituelles et requièrent non seulement des connaissances techniques mais aussi l’adaptation à de nouvelles formes de relation, souvent d’une très grande intensité, à la hauteur des attentes des élèves. Les pratiques artistiques en milieu scolaire sont gouvernées par un principe de réciprocité : l’attention donnée par les élèves et leur engagement dans les pratiques sont proportionnels à ce qu’ils ressentent de l’attention portée à chacun d’entre eux, selon une logique de don/contre-don  Voir sur ce point : P. Germain-Thomas, « Pour une pédagogie de la relation et de l’attention », op. cit..

Le théâtre « passage obligé » : l’impossible n’est pas français !

Il est difficile de contredire l’idée que le théâtre soit susceptible de donner confiance à la jeunesse ou d’apprendre l’oralité, bien que le terme « oralité » mérite sans doute d’être quelque peu précisé. C’est plutôt le vœu de mettre en place des cours de théâtre obligatoires au collège « dès la rentrée prochaine » qui doit être interrogé, en relation avec les principes de base d’un apprentissage des arts à l’école, issus de plusieurs décennies d’expériences.

Concernant le premier de ces principes, la rigueur organisationnelle nécessaire, l’annonce du chef de l’État provoque une certaine perplexité. De fortes incertitudes demeurent quant aux rôles des acteurs qui seraient mobilisés pour organiser et délivrer cet enseignement du théâtre, les façons possibles de le planifier, le recours éventuel aux artistes et les missions des structures culturelles. À quelque mois de la mise en œuvre, un tel degré d’imprécision ne peut qu’entraîner une forme de précipitation qui entre en contradiction totale avec les conditions de fécondité de l’approche des arts en milieu scolaire. Naturellement, cette précipitation s’oppose tout autant au deuxième des principaux facteurs de réussite : la préparation des contenus. Si le théâtre devenait un enseignement obligatoire, n’y aurait-il pas lieu d’élaborer des programmes ? De les communiquer aux enseignants qui seraient chargés de ces cours, afin qu’ils puissent les préparer ? N’y aurait-il pas lieu également de prévoir des formations pour ces enseignants et/ou artistes qui seraient amenés à intervenir ? On aborde ici la troisième condition fondamentale de l’entrée des arts à l’école : la formation des intervenants. Sur ce point, la prise en compte d’autres aspects de la politique gouvernementale ne peut qu’inquiéter. En effet, le premier ministre Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation nationale, n’avait-il pas émis le souhait « qu’à la rentrée 2024 plus aucun élève ne soit privé de son professeur en raison d’une formation ou d’une contrainte administrative E. Pommiers, « La formation continue des enseignants hors temps de cours, une équation impossible », Le Monde, 27 septembre 2023. » ? L’observation des orientations de la politique culturelle suscite les mêmes inquiétudes à ce sujet.

Dans le rapport de la Commission des finances de l’Assemblée nationale sur le volet culturel de la loi de finances 2024 élaboré par Jean-René Cazeneuve Assemblée nationale, rapport de la Commission des finances sur le projet de loi de finances 2024 élaboré par Jean-René Cazeneuve, « Culture : création, transmission des savoirs et démocratisation de la culture »., député du parti Renaissance, celui-ci se félicite de « l’incontestable succès » du pass Culture, « au service de l’éducation artistique et culturelle ». Le pass Culture comprend deux dimensions : une part collective et une part individuelle. La part collective est financée par le ministère de l’Éducation nationale et versée aux établissements scolaires pour prendre en charge des activités culturelles choisies par les enseignants. La part individuelle, financée par le ministère de la Culture, consiste à verser une somme cumulée de 380 euros aux jeunes entre 15 ans et 18 ans. Le budget de cette part individuelle s’élève à 210,5 millions d’euros Tous les chiffres cités sont des crédits de paiement (CP), c’est-à-dire la limite supérieure des dépenses pouvant être payées durant l’année considérée. en 2024. On peut évidemment s’étonner en premier lieu que le versement d’une somme d’argent soit considéré comme un acte éducatif, mais il convient aussi d’interroger l’ampleur du financement de cette mesure en relation avec le budget consacré à la formation des professionnels (enseignants, artistes, médiateurs) engagés dans l’éducation artistique et culturelle. Ce budget s’élève à 7 millions d’euros pour 2024 et il est en baisse d’environ un tiers par rapport à 2022 (10,5 millions d’euros) selon les données présentées dans le rapport, dont l’auteur considère pourtant que « les crédits en faveur de l’éducation artistique et culturelle ne pâtissent pas de la mise en œuvre du pass Culture ». Pour 2024, le montant prévu pour la formation, considérée par les professionnels comme une priorité absolue, représente 1,7 % du budget total de l’action intitulée « Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle » (389,2 millions d’euros).

Dans sa conférence du 16 janvier, Emmanuel Macron insiste sur le fait que « la France, c’est aussi une histoire, un patrimoine qui se transmet et qui unit ». S’il est un patrimoine qu’il semble méconnaître dans son discours, voire ignorer complètement, c’est celui acquis après plus de soixante années d’action publique dans le domaine de l’éducation artistique et culturelle, conduite par l’État, les collectivités territoriales et les mondes professionnels. Ce patrimoine est aussi celui des compétences et des savoir-faire accumulés par les responsables de la médiation qui organisent et accompagnent la rencontre entre les artistes et les enseignants, au sein des institutions culturelles et éducatives. Un tel accompagnement nécessite un temps long et ne peut s’improviser : il conditionne un processus d’interconnaissance et d’adaptation entre des professionnels de cultures différentes, ainsi que la fécondité possible d’expérimentations pédagogiques innovantes dont la valeur émancipatrice est reconnue de façon unanime par les acteurs de terrain, pour le bénéfice des élèves.

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26.04.2024 à 09:15

Enseignement agricole : l’art et la culture pour comprendre l’époque

Frédérique Cassegrain

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L’éducation socioculturelle est une composante singulière de l’enseignement agricole. Elle mêle approche culturelle, méthodes actives et connaissance sensible du territoire pour penser une pédagogie affûtée aux enjeux de son époque. Y figurent notamment la relation au vivant, la gestion des patrimoines naturels et la compréhension des dynamiques territoriales afin de donner aux élèves les moyens de décrypter un environnement complexe dont ils seront les futurs acteurs.

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Texte intégral (2283 mots)
La fabrication du sel, « Portraits d’acteurs des territoires ruraux », Élèves de Terminale bac pro SAPAT – LEGTA de Hyères. Artiste Léna Durr. Photo © Léna Durr

Au début des années 1960, quand Edgard Pisani, ministre de l’Agriculture du général de Gaulle, conçoit et met en œuvre une grande réforme de la politique agricole, il prévoit, dans un volet spécifique dédié à l’enseignement, la création d’une éducation socioculturelle des jeunes.

C’est en réalité Paul Harvois Paul Harvois, né en 1919, instituteur, deviendra inspecteur adjoint de l’Éducation populaire, puis chef du bureau de la promotion sociale et des activités culturelles au ministère de l’Agriculture. Il est considéré comme le fondateur de l’éducation socioculturelle. qui prendra en charge cette partie importante des lois de modernisation agricole (1960 et 1962) Loi no 60-808 du 5 août 1960 d’orientation agricole et loi complémentaire no 62-933 du 8 août 1962. et qui donnera toute sa dimension à l’éducation socioculturelle (ESC) Dans le texte, l’acronyme ESC sera le plus souvent employé. en tant que discipline. Construite sur la base de méthodes pédagogiques héritées de l’Éducation nouvelle et des mouvements associatifs en milieu rural, l’ESC va connaître, au cours de sa (récente) histoire, un certain nombre de bouleversements ayant trait à sa mise en œuvre mais également à ses contenus. Le projet éducatif des origines demeure plus que jamais d’actualité : il porte une approche de la culture qui se veut d’abord une ouverture sur le monde, un moyen de s’intégrer à parts égales dans l’époque Circulaire du 9 novembre 1970 sur le fonctionnement de l’éducation culturelle : « La plus grande partie des élèves appartient au milieu rural qui est en pleine mutation et dont l’environnement culturel n’offre généralement pas les mêmes ressources que dans les centres urbains. », d’en saisir les enjeux socioculturels et ceux, plus contemporains, de la relation au vivant.

L’éducation à l’environnement social et culturel

En mobilisant trois grands champs éducatifs Retrouvez ici le détail des domaines d’intervention de l’ESC. (l’environnement social et culturel, l’éducation artistique et la communication humaine), l’ESC encourage la transversalité entre plusieurs domaines d’intervention. L’éducation à l’environnement social et culturel interroge la relation au territoire qu’il s’agit d’appréhender dans ses aspects culturels, sociaux, patrimoniaux, voire agroécologiques. Elle fait écho aux objectifs de la mission Les cinq missions de l’enseignement agricole figurent dans le Code rural et de la pêche maritime, partie législative, article L811-1. d’animation et de développement des territoires dévolue à l’enseignement agricole.

Elle convoque tout à la fois des connaissances sociologique, ethnologique, artistique, parfois scientifique, quand les enseignants travaillent en pluridisciplinarité sur des projets. Les propositions pédagogiques peuvent être de différentes natures selon les publics :

• La mise en évidence des enjeux culturels dans les dynamiques de territoire. La rencontre et la collaboration avec les acteurs culturels des territoires de proximité sont l’occasion de questionner la place du développement culturel dans l’espace public, ainsi que les logiques de création, de production et de diffusion artistiques et culturelles au regard des projets de territoires. Cela s’incarne, par exemple, dans les partenariats des lycées agricoles avec des FRAC ou des centres d’art au cours desquels les élèves ne sont pas seulement spectateurs, mais conçoivent eux-mêmes des expositions à partir d’une problématique. Ils s’essayent ainsi au commissariat tout en découvrant les logiques de fonctionnement d’une structure culturelle Voir, pour information, le projet DRIFT mobilisant trois FRAC de la région Nouvelle-Aquitaine et trois lycées agricoles publics : ici et ..

• L’approche culturelle des questions liées à la gestion des patrimoines naturels et plus globalement à la relation au vivant. Ici, l’éducation socioculturelle affirme la nécessité d’adopter un point de vue sensible (articulé à l’éducation artistique), mais aussi critique. L’enjeu est donc de construire une vision citoyenne des patrimoines et de la nature comme « biens communs », en s’appuyant le cas échéant sur des pratiques artistiques et/ou des artistes qui nourrissent une réflexion sur la relation au vivant.

Pour les enseignants, la pluridisciplinarité est ce qui illustre le mieux le travail conduit dans ce type de démarche de projet.

Quand le territoire est (aussi) un support pédagogique

Prenons l’exemple de PATREM Retrouvez ici la totalité du projet dans L’ADC, la lettre numérique du réseau national Animation et développement culturel de l’enseignement agricole.. (Portraits d’acteurs des territoires ruraux et maritimes), conduit par les enseignants d’ESC de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, en partenariat avec le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem) à Marseille. C’est une expérience parmi beaucoup d’autres que l’on pourrait mobiliser ici Voir notamment, dans la lettre L’ADC, la catégorie « développement durable/nature »..

Ce projet a consisté, pour de nombreux élèves de lycées agricoles de la région PACA, à réaliser des portraits d’acteurs du monde rural et maritime – principalement des professionnels en activité – en menant des entretiens de type ethnographique (filmés, photographiés et/ou enregistrés). Ce travail d’enquête, encadré par des enseignants et par le pôle Agriculture & Alimentation du Mucem, prolonge une autre démarche de sensibilisation au patrimoine conduite en collaboration avec le Centre de conservation et de ressources (CCR) du musée et – lorsque cela est possible – avec un musée de société (ou un centre d’art) proche de chaque lycée.

Les portraits élaborés par les élèves concernent tous une production agricole du territoire d’implantation de leur lycée : transhumance, pêche, viticulture, apiculture, culture du sel, etc. Ils font ensuite l’objet d’une transposition (avec la participation d’un artiste) sous divers formats : fiction, documentaire, exposition, mise en espace théâtrale, art visuel, etc.

Chaque lycée impliqué (plus de dix établissements durant quatre années) a pu ainsi nouer un lien très riche à son territoire que décrit très bien une enseignante d’ESC du lycée agricole d’Hyères (83), partie prenante du projet : « Voilà une expérience vécue dans une sorte d’école – comme on pourrait la décrire dans l’absolu – où le monde du dehors et le monde du dedans s’interpénètreraient, chacun apportant ce qu’il a de meilleur : sa curiosité, ses compétences, son histoire, ses ambitions. » 

La pluridisciplinarité : un atout pour penser l’écosystème territorial

Pour les élèves, ce type d’expérience a de multiples bénéfices : l’acquisition de savoir-faire concrets (en étant formé à l’ethnologie et à la méthodologie de l’enquête de terrain) ; une sensibilisation au patrimoine à travers la découverte des collections du Mucem et celles d’autres musées de société et un regard outillé sur ce qu’est un territoire ; une familiarisation avec la recherche documentaire ; la conception d’un projet artistique original qui s’appuie sur des récits, des images, du son, des sensations ressenties lors des rencontres avec les acteurs du monde rural et maritime.

Pour les enseignants, la pluridisciplinarité est ce qui illustre le mieux le travail conduit dans ce type de démarche de projet ; le terme fait d’ailleurs partie de l’identité pédagogique de l’enseignement agricole depuis de longues années. Comme le dit l’enseignante d’ESC du lycée d’Hyères, « Chaque discipline met ses compétences au service des autres, chaque enseignant adapte sa personnalité et sa pédagogie à la nécessaire harmonisation du collectif ». Le plus souvent, l’ESC crée des passerelles avec l’histoire-géographie et la documentation. Par exemple, dans le cas du lycée d’Hyères qui avait mis la culture du sel au centre de sa proposition, l’histoire-géographie s’est penchée sur l’histoire du sel, son industrie et les dynamiques territoriales ; l’apport de l’ESC résidait dans la constitution de « carnets d’ethnographie », les techniques graphiques et d’entretiens, et fournissait plus largement des éléments sur le développement local et les dynamiques de territoires. Les compétences en matière de documentation étaient centrées sur des recherches dans le fonds documentaire du Mucem afin d’aider les élèves à identifier les objets ou photographies qu’ils pourraient utiliser pour étayer leur travail (à quoi il faut ajouter les relations avec la médiathèque pour le prêt de photos d’archives).

Reconduit durant quatre années, ce projet est venu enrichir la documentation et les collections du Mucem, ainsi que celles des musées partenaires, contribuant en cela à la collecte et au développement du patrimoine immatériel. De même a-t-il permis de valoriser le fonds des collections agricoles des musées de société impliqués (archives photographiques, audiovisuelles et sonores, ouvrages et périodiques).

La présentation rapide de cet exemple permet de saisir l’une des manières dont l’enseignement agricole travaille sa relation au territoire, le dispositif pluridisciplinaire mis en place pour l’appréhender de manière systémique, l’accompagnement pédagogique des jeunes et la place qui leur est faite – sachant qu’ils seront, pour certains, les futurs acteurs de ces territoires.

Alors que nous assistons à une recomposition de nos sociétés, très largement inspirée de notre relation au vivant et au climat, il est crucial de donner à la jeunesse les moyens de décrypter, d’analyser et de se situer dans des logiques de territoire de plus en plus complexes. L’éducation socioculturelle l’a fait tout au long de son histoire avec des méthodes et des outils souvent innovants et des valeurs éducatives d’émancipation, de solidarité et de coopération.

Pour en savoir plus sur l’ESC, ses champs éducatifs, ses enjeux pédagogiques, ses partenaires :
Le site de l’éducation socioculturelle
L’ADC, la lettre électronique du réseau Animation et développement culturel
• La revue Champs culturels
• L’ouvrage de J.-P. Menu, ancien inspecteur de l’enseignement agricole chargé de l’Éducation socioculturelle, Au fil de l’éducation socioculturelle dans l’enseignement agricole 1971-2008. Mémoire et questions vives, Paris, L’Harmattan, 2014.

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