06.06.2025 à 13:34
L'album s'ouvre avec « Thief », qui vise une confidente devenue traîtresse (suggérant sa plainte contre le producteur Inflo), et sa colère distillée suggère d'éviter les mauvaises fréquentations de Simz. Bien qu'aucun autre morceau ne soit aussi violent, les émotions restent vives tout au long de l'album.
Avez-vous eu du mal à vous aimer ? A accepter votre image publique ?
Little Simz : Oui, beaucoup. A certaines périodes de ma vie, j’ai été très dure avec moi-même, peu aimante. Je ne vais pas me flageller, c’était temporaire. Il faut impérativement s’entourer de personnes capables de vous dire : «Fais attention à toi.» J’ai beaucoup de chance dans ce domaine. Et cela passe aussi par le fait d’être là pour les autres. Je suis quelqu’un de très empathique, ça en devient même parfois difficile. Je ressens des choses que je n’ai pas envie de ressentir, j’ai tendance à trop me soucier de ceux qui m’entourent. Et j’ai du mal à gérer le regard des autres, à avoir la lumière braquée sur chacun de mes mouvements, chacune de mes paroles. Je suis admirative de ceux qui parviennent à s’en foutre, à prendre cela à la légère et à jouer avec. Parce que ces personnes s’expriment justement par le regard des autres. Il y en a, évidemment, qui vont trop loin. Mais être totalement soi-même aux yeux du monde demande beaucoup, beaucoup de courage. Pour ma part, j’essaie de réserver l’aspect le plus virulent, le plus sauvage de ma personnalité, à ma musique. Ma rage demeure artistique et, dans un sens, il est presque impossible de me le reprocher. C’est pratique (rires). ( extrait interview de Libération du 4/06 par Brice Miclet)
Mais pour Simz, l'agonie est clairement une énergie, donnant naissance à certaines de ses meilleures œuvres à ce jour, comme Blood, qui écoute discrètement une conversation complexe entre frères et sœurs, oscillant entre rancœur et dévotion, ou encore la tranche d'acid-soul ravagée du morceau titre, portée par la batterie agitée de Yussef Dayes et le refrain hanté et méditatif de Michael Kiwanuka. L'ambiance n'est cependant pas si déprimante : Young est une étude de caractère aussi déchirante que Specials ; l'afrobeat Fela-esque de Lion est irrésistible (« tous les scatterbody », en effet). Le producteur et collaborateur Miles James Clinton, quant à lui, réalise tous les caprices créatifs de Simz, gardant le génie toujours à portée de main.
Du hip-hop qui dépote, en louchant un peu vers la pop parfois. Mais c’est le disque du mois. Rien moins. Achetez-le !
Jean-Pierre Simard, le 9/06/2025
Little Simz- Lotus - AWAL
06.06.2025 à 13:22
“Calathea Azul” (2022), woven textiles, sherpa textiles, resin, glitter on canvas, 24 x 24 inches. Image courtesy of April Bey and GAVLAK Los Angeles | Palm Beach
April Bey, artiste multimédia noire et queer, nous rappelle que parfois, pour se libérer, il faut transcender. S'inscrivant dans la tradition afro-futuriste, elle travaille avec un univers fictif appelé Atlantica. Atlantica s'inspire des histoires extraterrestres que son père lui racontait enfant pour expliquer l'oppression raciale aux Bahamas et aux États-Unis. Aujourd'hui installée à Los Angeles, Bey utilise Atlantica pour construire l'esthétique du futur : une réalité où les Noirs sont libérés des contraintes de la suprématie blanche, du capitalisme et du colonialisme.
“Your Failure is Not a Victory for Me” (2022), watercolor, graphite, acrylic paint, digitally printed/woven textiles, hand sewing, 110 x 72 inches. Image courtesy of April Bey and GAVLAK Los Angeles | Palm Beach. All images shared with permission
Originaire de Nassau, aux Bahamas, Bey intègre également la flore tropicale de la région dans son travail. Elle situe l'avenir des Noirs en lien direct avec l'environnement, qui peut se manifester par un paysage physique vibrant de textures harmonieuses, et s'inspire de l'héritage de l'art et de la littérature noirs, qui démontrent comment la nature a toujours contribué à la libération des Noirs.
Ses broderies complexes représentant des Noirs dans toute leur splendeur ajoutent également à ces histoires une touche de décadence qui rappelle la cuisine de la diaspora africaine. Les aliments longuement assaisonnés ou mijotés absorbent la profondeur de ces saveurs et, à la dégustation, enveloppent le palais. Le processus et le souci du détail, ainsi que les connaissances historiques et culturelles, constituent les fondements de l'œuvre.
“I’m the One Selling the Records…They Comin to See ME” (2021), digitally woven tapestry, sherpa, canvas, metallic cord, glitter (currency), hand-sewing, epoxy resin on wood panel, 36 x 48 inches. Image courtesy of April Bey and GAVLAK Los Angeles | Palm Beach
Cette œuvre, à l'image de l'environnement et de la cuisine, est immersive. Paillettes, armatures en fourrure écologique, tissus cirés tissés en grandes couvertures et motifs colorés séduisent par leur plaisir et leur vitalité. Ce charme sensoriel transporte le spectateur au-delà du visuel et dans l'esprit du corps, reliant les générations à travers l'espace et le temps et semant les graines du futur. Alexis Pauline Gumbs illustre ce lien dans un essai sur la respiration de combat, que nos ancêtres utilisaient pour revendiquer leur liberté dans un monde qui ne la reconnaissait pas, et Bey évoque ce fil conducteur dans des pièces émouvantes telles que « Don’t Think We’re Soft Because We’re Gracious ». L'œuvre de Bey s'inscrit dans la longue et transformatrice histoire des personnes noires et queer qui ont subverti les structures de pouvoir par le biais du futur, de l'amour et de l'hybridité. Et à juste titre ? Car elle sait qu'être queer, c'est vivre dans le futur de toute façon. Vous pouvez la suivre sur Instagram pour des mises à jour et pour voir des gros plans de ses œuvres.
Mimo Ratello, le 9/06/2025
April Bey et ses tapisseries mixtes
“Fear No Man” (2022), digitally printed and woven blanket with hand-sewn “African” Chinese knockoff wax fabric, 80 x 60 inches. Image courtesy of April Bey and GAVLAK Los Angeles | Palm Beach
06.06.2025 à 13:02
C’est-à-dire que nous sommes dans un pays où les élus remettent en cause même les politiques qui marchent. En effet, le combat contre la pollution des villes était bien engagé.
Souvenez-vous du trou dans l’ozone qui a bien fait flipper la planète entière. Comme les rayons UV ne font pas dans la discrimination, les décideurs, pour ne pas se retrouver aveugles et le visage plein de pustules après un week-end sur la côte, ont pris des décisions drastiques et sages. Depuis, le trou se résorbe un peu plus chaque année et les enfants d’aujourd’hui n’en ont même jamais entendu parler. Pourtant, qui se souvient que des marchands de frigidaires, gros utilisateurs de CFC (chlorofluorocarbures) à l’époque, aient jamais fait faillite ? Exactement !
Idem avec Le premier ‘Clean Air Act’ de 1956, à Londres, qui a permis de faire disparaître le Smog. Le ‘Clean Air Act’ des Américains en 1970 a eu lui aussi des résultats probants. Les économies de ces deux pays ne se sont pas effondrées pour autant. Autrement dit, la politique peut donc œuvrer sans dommage à éviter le pire. C’était l’objet des ZFE et elle a fini par porter ses fruits. À Paris, « la qualité de l’air s’est globalement améliorée. Les concentrations moyennes de dyoxide d’azote ont baissé de 40 % entre 2012 et 2022 et les concentrations moyennes des particules fines ont diminué de 25 % sur la même période », indique AirParif, l’organisme chargé du contrôle de la qualité de l’air, cité par Le Parisien (30/05/2025).
Le problème demeure cependant que ces mesures exacerbent des inégalités qui connaissent déjà des niveaux records, le pays saigné par les baisses d’impôts des plus riches : Macron et Trump, même combat ! En effet, il n’est pas très fair-play de préserver la qualité de l’air dans les métropoles tandis que dans les banlieues, et pire encore à la campagne, l’air est devenu si pollué et irrespirable que la nature sauvage cherche refuge en ville. Comment faire ?
Des solutions existent pourtant pour atteindre sans douleur et au bénéfice de tous les objectifs vertueux des ZFE, en voici une : il suffit par exemple d’interdire dans Paris toutes les voitures DE MOINS de 30 ans et le problème est réglé. Et de quelle façon !
Voyons. Avec une telle mesure, Paris intra-muros est dès demain débarrassé des embouteillages et de sa pollution car les voitures de plus de trente ans ne représentent que 11 % du parc. Bref, malgré les vieux moteurs à explosion, les Parisiens respirent mieux du jour au lendemain. Surtout, ce qui est rare étant cher, voilà des véhicules qui pour les riches, d’un jour à l’autre pour ainsi dire, deviendraient une commodité vite recherchée. Les pauvres, qui en sont propriétaires, retireraient alors un prix excellent de leur vieille guimbarde – la loi du marché, tout ça… – de quoi en tout cas s’acheter, même si elle coûte bonbon, une voiture neuve hybride ou électrique ou à hydrogène ou à voiles, en tout cas beaucoup moins polluante que l’actuelle pour faire ces longs trajets de banlieue à banlieue.
Les riches disposeraient bien sûr de parkings sécurisés en périphérie pour leurs véhicules neufs qui – à part lorsqu’est venu le moment de faire la route jusqu’à Monaco ou en Suisse – seront gentiment laissés à vieillir comme un bon vin. Avec leurs nouvelles vieilles bagnoles, ceux-là pourraient caracoler sans encombre sur les grands boulevards ! En sus de trouver un nouveau mode de vie dans un Paris libéré, ils pourraient même redécouvrir le plaisir de la conduite – quand c’est l’humain qui contrôle la machine et non l’inverse – luxe qui n’existe plus avec le dernier modèle bling bling dont ils raffolent.
Ici, au contraire, pour les grands bourgeois et grosses fortunes, se procurer une caisse démodée deviendrait vite une vraie chasse au trésor. Offrir une R5 vintage au fiston qui a réussi le bac, sortir tous les jours, et non plus seulement deux dimanches par an, avec sa Mustang de 1967, offrir à madame une VRAIE Alpine Renault, une Simca 1000 à fifille et rouler en Rolls ou en Cadillac pour les premiers de cordée puisque le but du jeu demeure d’être vu avec des signes extérieurs de richesse. Pour les ménages de la classe moyenne supérieure, il leur suffira de troquer leur BMW Série 3 nouvelle version M340i (de 0 à 100 km / h en 4,4 secondes) achetée en 2019 pour une BMW 3-Series de 1985 et personne ne verra la différence.
En tout cas, avec la disparition de 90 % du parc automobile, Paris redevient d’un coup d’un seul la ville rêvée des transports en commun qui arrivent à l’heure, des traversées apaisées et bon marché à vélo ou scooter ou en taxi électriques.
Au-delà de l’avantage écologique évident pour la planète, considérer qu’il s’agit aussi d’une mesure sociale puisqu’ainsi des pans entiers de l’argent de poche des (trop) riches iraient valoriser les possessions des pauvres, dès lors encouragés eux-mêmes à conserver leur voiture écologique, achetée neuve souvenez-vous, pendant au moins 30 ans. Tout le contraire de l’obsolescence programmée. Le fait est qu’une voiture avec un moteur à explosion de quarante ans a un meilleur bilan carbone que n’importe quel SUV de 2025 pesant plus d’une tonne et demie et truffées de terres rares, de plastiques et de batteries qu’il faudra bientôt stocker à Bure (Meuse), en attendant un jour les déchets nucléaires.
Noter encore que cette redistribution massive de cash – d’aucuns diraient ce ruissellement – ne coûterait pas un rond aux contribuables : les riches seraient toujours aussi riches et m’as-tu vu, les pauvres un peu moins pauvres – leur voiture, au lieu d’en perdre, gagnerait de la valeur chaque année – et tous ensemble œuvreraient de concert à la préservation de la planète en général et à l’amélioration des conditions de vie en Île-de-France en particulier.
Qui plus est, toutes ces voitures anciennes nécessiteraient de vrais artisans mécaniciens, tôliers, ajusteurs, tapissiers, peintre, etc. pour les entretenir, les réparer, voire recréer les pièces détachées nécessaires, de quoi développer un artisanat de luxe et un réservoir d’emplois qualitatifs dans de multiples ateliers en plein Paris. Quand la De Dion-Bouton est en panne, il faut un mécano formé par LVMH !
Le dernier avantage d’une telle mesure – et non des moindres – est que, puisque Paris a vocation à devenir une ville-musée, autant que ses rues soient envahies de voitures antiques, comme à La Havane. Les touristes n’auront de cesse avant de quitter la ville que d’avoir fait un tour dans l’une de ces automobiles toutes plus surprenantes les unes que les autres et si typiques désormais de la capitale et, qui sait, des grandes villes françaises.
Si ce n’est pas là un projet de société !
Cela aurait évidemment un impact sur l’architecture. Ne serait-ce qu’avec une nouvelle répartition de l’espace public et donc des m² constructibles. Le périphérique devenu boulevard urbain, ses abords redeviendraient de l’immobilier de premier ordre et les investisseurs et financiers finiraient par y trouver leur compte.
Christophe Leray, pour Chroniques d’Architecture le 9/06/2025
Assemblée nationale : ZFE, une décision empoisonnée ?