21.05.2025 à 11:14
Le constat est cinglant. Après des années d'inflation galopante, de baisse du pouvoir d'achat et d'insécurité croissante, la promesse d'une prospérité partagée n'a pas été tenue.
Dans une déclaration commune rare publiée sous la bannière du Labour 7 (L7), les syndicats des pays du G7 ont lancé un appel direct aux dirigeants : changez de cap avant qu'il ne soit trop tard. Leur message est clair : à moins d'un changement radical de politique économique, les gouvernements et les banques (…)
Le constat est cinglant. Après des années d'inflation galopante, de baisse du pouvoir d'achat et d'insécurité croissante, la promesse d'une prospérité partagée n'a pas été tenue.
Dans une déclaration commune rare publiée sous la bannière du Labour 7 (L7), les syndicats des pays du G7 ont lancé un appel direct aux dirigeants : changez de cap avant qu'il ne soit trop tard. Leur message est clair : à moins d'un changement radical de politique économique, les gouvernements et les banques centrales risquent de pérenniser la stagnation à long terme, d'accroître encore les inégalités et d'attiser la polarisation sociale.
La flambée de l'inflation en 2022-2023 a entraîné une crise du coût de la vie qui oblige les familles travailleuses des pays du G7 à se couper en quatre pour subvenir à leurs besoins essentiels. Aujourd'hui, même un emploi à temps plein ne garantit pas un niveau de vie acceptable aux travailleurs et à leur famille. Les banques centrales ont réagi en haussant fortement les taux d'intérêt, mais cette stratégie s'est avérée coûteuse. Les entreprises ont modéré leurs investissements, les prêts hypothécaires se sont renchéris et la demande des consommateurs s'est affaiblie. La réaction des banques centrales a freiné la reprise de l'économie, qui peinait déjà à se remettre des effets de la pandémie.
Même si les prix commencent à se stabiliser, les contrecoups de la politique monétaire restrictive se font encore ressentir. Une grande partie de la dette contractée par les entreprises et les ménages alors que les taux d'intérêt étaient bas arrive à échéance et doit être refinancée, cette fois à des coûts nettement plus élevés.
Une situation qui pèse sur le budget des ménages et fragilise le bilan des entreprises, avec pour conséquence un ralentissement de la consommation et des investissements. Des répercussions sur le marché du travail également, où l'on assiste à une augmentation des licenciements et à un gel des embauches non seulement dans des secteurs tels que la construction et l'industrie manufacturière, particulièrement sensibles aux variations des taux d'intérêt, mais aussi dans l'ensemble de l'économie.
Dans ce contexte, le L7 a lancé un appel énergique en faveur d'une transition économique urgente. Nous demandons instamment une accélération des baisses des taux d'intérêt et un passage à une politique budgétaire expansionniste. Au cœur de notre proposition se trouvent la création d'emplois de qualité, l'investissement social et la résilience économique, abandonnant enfin les cadres d'austérité modérée qui ont fini par dominer les politiques de la plupart des pays du G7 et au-delà.
Si l'inflation a dominé l'actualité ces dernières années, il est clair que la menace la plus importante réside désormais dans la stagnation prolongée et la détérioration du marché du travail, tant en termes de création d'emplois que de conditions de travail. Le L7 avertit que la poursuite d'une politique monétaire restrictive risque de faire baisser l'inflation en dessous des objectifs des banques centrales et de déclencher une spirale descendante néfaste de contraction économique, entraînant une restructuration de l'emploi et une hausse du chômage. À moins d'un changement de cap, le G7 pourrait sombrer imperceptiblement dans la récession.
La politique budgétaire n'a pas non plus été à la hauteur. Au nom de la discipline et afin d'éviter d'alimenter l'inflation, les gouvernements ont adopté des politiques budgétaires trop prudentes, voire des mesures d'austérité pure et simple, entraînant un grave sous-investissement dans les services publics, tout en retardant les investissements essentiels dans les infrastructures et la transition écologique.
Irresponsables sur le plan budgétaire, ces choix sont tout aussi irresponsables sur le plan social. La déclaration du Labour 7 appelle de toute urgence à un accroissement des investissements dans la protection sociale, l'éducation, les soins de santé, les politiques actives en faveur du marché du travail, les énergies propres et abordables, ainsi que les infrastructures vertes. De tels investissements sont non seulement nécessaires pour stimuler la demande et l'emploi et accélérer la reprise économique, mais ils sont également essentiels pour préparer les économies aux chocs climatiques et géopolitiques à venir.
Pour financer ces priorités, les syndicats préconisent une refonte en profondeur de la politique fiscale : introduction d'une fiscalité plus progressive sur la fortune et les revenus du capital, augmentation des taux d'imposition des sociétés, imposition des bénéfices exceptionnels et taxe sur les transactions financières, le tout soutenu par une coopération internationale renforcée afin de prévenir l'évasion et la fraude fiscales.
Il ne s'agit pas de propositions radicales, mais de mesures de bon sens visant à rééquilibrer un système où le fardeau a été transféré de manière disproportionnée sur les travailleurs, tandis que les multinationales et les grandes fortunes continuent de prospérer, souvent grâce aux gains exceptionnels résultant de la crise.
Les guerres commerciales en cours ne font qu'exacerber ces difficultés. La récente hausse des droits de douane a déjà perturbé les chaînes d'approvisionnement mondiales et entraîné des coûts supplémentaires pour les investisseurs, les producteurs et les consommateurs. Comme le souligne la déclaration du L7, ce sont les travailleurs à faible revenu qui paient le prix fort dans cette nouvelle ère de guerre commerciale.
Le choix politique qui s'offre au G7 n'est pas seulement économique, il est moral et générationnel. Les décideurs économiques vont-ils persévérer dans un statu quo qui privilégie la restriction budgétaire à court terme au détriment d'une prospérité partagée à long terme ? Ou sauront-ils saisir cette occasion pour amorcer une reprise plus juste et plus inclusive, centrée sur les travailleurs, qui rétablisse la confiance dans les institutions publiques et s'attaque aux causes profondes de l'instabilité économique ?
La réunion de cette semaine à Banff est plus qu'une simple discussion politique : il s'agit d'un référendum sur l'avenir du travail, de l'équité et de la solidarité dans certains des pays les plus riches du monde. Les voix des travailleurs se sont clairement fait entendre. Reste à voir si les décideurs politiques du G7 seront à l'écoute ou s'ils les abandonneront au feu croisé des politiques macroéconomiques.
15.05.2025 à 10:00
En 2025, les Nations unies ont proclamé l'Année internationale des coopératives, reconnaissant leur rôle-clé dans le développement durable, la justice sociale et la résilience économique.
À travers cette initiative, l'ONU souhaite promouvoir une meilleure reconnaissance des coopératives à l'échelle mondiale, encourager les États à soutenir leur développement, et mettre en lumière les bonnes pratiques qui permettent à ces structures de répondre aux défis actuels : crise climatique, (…)
En 2025, les Nations unies ont proclamé l'Année internationale des coopératives, reconnaissant leur rôle-clé dans le développement durable, la justice sociale et la résilience économique.
À travers cette initiative, l'ONU souhaite promouvoir une meilleure reconnaissance des coopératives à l'échelle mondiale, encourager les États à soutenir leur développement, et mettre en lumière les bonnes pratiques qui permettent à ces structures de répondre aux défis actuels : crise climatique, précarisation du travail et inégalités économiques.
Une coopérative est une association autonome de personnes unies volontairement pour satisfaire leurs besoins économiques, sociaux et culturels communs par le biais d'une entreprise détenue collectivement et contrôlée démocratiquement. Les membres participent activement à la prise de décision, selon le principe « une personne, une voix », indépendamment de leur apport en capital. Cette gouvernance égalitaire distingue les coopératives des entreprises classiques, où le pouvoir est souvent proportionnel à l'investissement financier. Ce modèle favorise une gestion plus horizontale et une transparence accrue.
Il existe trois millions de coopératives dans le monde et elles peuvent être de toute tailles. La plus grande coopérative du monde, Mondragon Corporation, créée au Pays basque espagnol en 1956, compte 80.000 employés et génère un chiffre d'affaires de 11 milliards d'euros dans divers secteurs. On trouve des coopératives d'entreprises, dans les domaines de l'agriculture, de l'artisanat, du commerce, de l'industrie mais aussi dans les secteurs bancaires et d'assurances (mutuelles), ou dans celui des services médicaux (comme par exemple le réseau de santé Unimed, au Brésil). Enfin, on trouve des coopératives d'usagers, dans la grande distribution (à l'exemple de Coop Italia), dans le logement (copropriétés coopératives, coopératives HLM, habitat pour le troisième âge), et même dans le secteur des technologies open source et l'économie numérique de partage (cf. les coopératives 4.0).
Les coopératives réinvestissent généralement leurs excédents dans l'activité, les salaires, la formation ou des projets d'intérêt collectif (comme par exemple les coopératives de garde d'enfants ou de soins à domicile en Inde). Elles jouent un rôle essentiel dans le développement économique local, notamment en milieu rural ou dans des secteurs délaissés par les grands groupes. En créant des emplois durables et inclusifs, elles favorisent l'autonomie des territoires, comme en Palestine, dans la production d'huile d'olive. Au Japon, le système coopératif - l'un des plus développés du monde-, a contribué significativement à l'essor du pays après la Seconde Guerre mondiale.
Dans les pays en développement, les coopératives d'épargne et de crédit aident les petits entrepreneurs dans leurs activités, comme par exemple en République démocratique du Congo, en leur accordant des micro-crédits et un soutien administratif. Un rôle essentiel pour les sortir du travail informel, et ce, même en Europe. « La coopérative donne plus de force aux gens. Elle nous donne le sentiment que nous pouvons changer notre vie », témoignage un vendeur à la sauvette, à Madrid.
Car les coopératives permettent à des populations souvent marginalisées – femmes, jeunes, travailleurs précaires – de reprendre le pouvoir sur leur outil de travail, par exemple pour les travailleurs des plateformes en Amérique Latine. Ce modèle limite les inégalités, améliore les conditions de travail et encourage la solidarité intergénérationnelle et interculturelle.
Les coopératives ont démontré une résilience supérieure face aux crises économiques. Selon un article de The Conversation leur modèle centré sur les membres, et non sur le profit à court terme, leur permet de résister plus efficacement aux chocs financiers, voire également aux chocs climatiques, comme au Rojava. Elles privilégient la continuité de l'activité, la préservation des emplois et l'adaptation locale. Cette orientation vers le long terme et le bien commun les rend moins vulnérables aux logiques spéculatives et aux pressions des actionnaires.
Leur gouvernance participative encourage aussi l'innovation collective en période difficile. Ainsi, il arrive que des employés, parfois avec l'aide de syndicalistes, transforment eux-mêmes leur entreprise en coopérative, comme dans l'industrie textile en Tunisie, ou l'usine Fralib de production de thé, en France.
Les pratiques coopératives offrent des pistes concrètes pour réformer le secteur privé. Comme le souligne un autre article de The Conversation, les entreprises classiques gagneraient à s'inspirer de la gouvernance partagée, de la transparence financière et de l'ancrage territorial des coopératives. Dans un contexte où les consommateurs, les salariés et les investisseurs sont de plus en plus attentifs aux valeurs et à l'impact social des entreprises, les principes coopératifs peuvent renforcer la confiance, l'engagement des équipes et la fidélité des clients. Certaines grandes entreprises ont d'ailleurs déjà adopté des pratiques participatives ou solidaires issues de l'économie sociale.
Malgré leurs nombreux atouts, les coopératives doivent surmonter plusieurs obstacles : garantir la participation réelle de leurs membres dans un monde en mutation rapide, maintenir une gestion rigoureuse tout en respectant leurs valeurs, et accéder à des financements adaptés. Elles sont souvent confrontées à une méconnaissance de leur fonctionnement, voire à un manque de reconnaissance institutionnelle.
Pour renforcer leur impact, notamment pour la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) de l'ONU, il est essentiel de soutenir leur développement par la formation, des politiques publiques incitatives, et une meilleure visibilité dans l'espace économique. C'est l'un des objectifs de l'Année internationale des coopératives : favoriser leur montée en puissance dans les transitions à venir.
Pour aller plus loin :
- Visitez le site de l'Alliance Coopérative Internationale, pour découvrir l'histoire du mouvement coopératif et quelques chiffres mondiaux.
– Connaître la Recommandation 193 de l'Organisation internationale du Travail (OIT) qui recommande depuis 2002 la structuration coopérative du travail, afin notamment de garantir le « travail décent » et l' « émancipation des plus pauvres par la participation au progrès économique », en créant des emplois, et favoriser une protection et une assistance mutuelle.