10.04.2025 à 11:18
Au milieu de l'incertitude qui caractérise notre époque, une tendance semble se dégager très nettement : le réarmement militaire et la hausse des budgets de défense à l'échelle planétaire. Selon un rapport, publié le 10 mars dernier, par l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) :
▪ Les États-Unis sont le principal bénéficiaire du commerce des armes. De 35 % de toutes les opérations réalisées à l'échelle mondiale entre 2015 et 2019, ils sont passés à 43 % du (…)
Au milieu de l'incertitude qui caractérise notre époque, une tendance semble se dégager très nettement : le réarmement militaire et la hausse des budgets de défense à l'échelle planétaire. Selon un rapport, publié le 10 mars dernier, par l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) :
▪ Les États-Unis sont le principal bénéficiaire du commerce des armes. De 35 % de toutes les opérations réalisées à l'échelle mondiale entre 2015 et 2019, ils sont passés à 43 % du total au cours de la période 2020-2024, et comptent 41 entreprises de défense parmi les 100 plus importantes au monde. Au cours de cette même période, les États-Unis ont vendu des armes à 107 pays, se positionnant comme le premier fournisseur de 22 des 40 principaux importateurs mondiaux, avec en tête l'Arabie saoudite, qui absorbe 12 % de leurs exportations totales.
▪ Parallèlement, et comme conséquence directe de l'invasion russe en Ukraine, les membres européens de l'OTAN (23 des 27 pays membres de l'Union européenne où sont implantés les sièges de 18 des 100 entreprises les plus importantes à l'échelle mondiale) ont augmenté leurs commandes de 105 % par rapport aux cinq années précédentes. Et alors qu'en 2015-2019, 42 % du matériel provenait des États-Unis, ce pourcentage est passé à 64 % au cours des cinq dernières années.
▪ Après les États-Unis, dont les ventes ont augmenté de 21 % entre 2020 et 2024, la France occupe désormais la deuxième place, dépassant la Russie, avec une progression de 11 % par rapport à 2015-2019, ce qui lui a permis de vendre du matériel dans 65 pays et de concentrer 9,6 % du commerce mondial. Viennent ensuite, dans l'ordre, la Russie (baisse de 64 %, 7,8 % du commerce mondial et seulement deux entreprises parmi les 100 plus importantes à l'échelle mondiale), la Chine (baisse de 5,2 % et 5,9 % du commerce mondial, avec neuf entreprises parmi le top 100 mondial), l'Allemagne (baisse de 2,6 % et 5,6 % du commerce mondial), l'Italie, qui passe de la dixième à la sixième place (hausse de 138 % et 4,8 % du commerce mondial), le Royaume-Uni (baisse de 1,4 % et 3,6 % du commerce mondial), Israël (baisse de 2 % et 3,1 % du commerce mondial), l'Espagne qui, bien qu'ayant reculé d'une place, a vu ses exportations augmenter de 29 % pour atteindre 3 % du commerce mondial, et enfin la Corée du Sud, avec une hausse de 4,9 % et 2,2 % du total mondial. D'autres pays comme la Turquie (onzième place, avec une croissance de 104 % et 1,7 % du commerce mondial), les Pays-Bas (malgré une baisse de 36 %, ils représentent déjà 1,2 % du total mondial) et la Pologne (hausse de 4.031 % et 1 % du total mondial) sont en nette progression.
▪ L'Ukraine, avec 8,8 % du total des commandes, est devenue le plus grand importateur mondial de matériel de défense. Quant aux fournisseurs de Kiev, la liste compte plus de 35 pays, avec en tête les États-Unis (45 %), l'Allemagne (12 %) et la Pologne (11 %). L'Inde arrive en deuxième position (bien que ses importations aient chuté de 9,3 % au cours des cinq dernières années, elle totalise 8,3 % des commandes mondiales de matériel de défense), suivie du Qatar (qui occupait la dixième place au cours des cinq années précédentes et dont les commandes ont augmenté de 127 % entre 2020 et 2024 pour atteindre 6,8 % des importations mondiales), de l'Arabie saoudite (avec une baisse de 41 % par rapport aux cinq années précédentes, alors qu'elle était le premier importateur mondial d'armes, et une part mondiale de 6,8 %) et le Pakistan (avec une hausse de 61 % et une part mondiale de 4,6 %).
Une interprétation hâtive de ces chiffres pourrait conduire à la conclusion qu'une telle intensification des dérives militaristes serait attribuable exclusivement au pouvoir des industries de défense, en imaginant celles-ci capables à elles seules de convaincre les gouvernements et les acteurs politiques de tous bords que la voie des armes est la plus profitable quand il s'agit de défendre leurs intérêts. Sans nier, d'aucune manière, leur pouvoir considérable et leur quête constante du profit à tout prix, cela reviendrait à ignorer de nombreux autres facteurs qui permettent d'expliquer une dynamique tendant vers une intensification encore plus soutenue.
D'une part, la poussée impérialiste qui anime tant la Russie que la Chine et les États-Unis se fait chaque jour plus visible. Dans le cas de la Russie, comme on peut le déduire directement de son invasion de l'Ukraine, il s'agirait de récupérer coûte que coûte une zone d'influence propre, tant dans son voisinage européen qu'asiatique. Pendant ce temps, engagés dans un bras de fer pour la place de leader mondial, les deux autres ne font guère mystère de leurs visées sur Taïwan, le Panama et le Groenland, respectivement. Là où le modèle de comportement de ces trois puissances se rejoint, c'est dans la tendance qu'elles ont à considérer que la meilleure façon d'atteindre leurs fins est de se doter d'un arsenal militaire toujours plus puissant.
À moindre échelle, un net penchant militariste se fait également jour chez d'autres aspirants au leadership dans différentes régions du monde, lesquels cherchent à tirer parti de l'affaiblissement des États-Unis dans son rôle de gendarme mondial.
Cet affaiblissement conduit, en effet, certains pays à croire qu'une opportunité s'offre à eux de consolider ou d'atteindre une position de leadership, qu'ils considèrent comme leur destinée naturelle. Et, suivant un schéma comportemental profondément ancré dans l'histoire de l'humanité, ils choisissent de se réarmer pour mettre au pas leurs voisins. Aussi, pour en revenir à la concurrence entre les trois grandes puissances mentionnées plus haut, n'est-il guère surprenant que chacune d'entre elles choisisse de soutenir militairement les aspirants en question, dans le but de rallier de nouveaux partenaires à leur cause face à leurs rivaux.
Entre-temps, l'affaiblissement des instances internationales de prévention des conflits violents, avec une ONU sur le déclin, suscite également une inquiétude généralisée, dans la mesure où de nombreuses moyennes et petites puissances estiment que la détérioration de l'ordre international les laisse sans défense face aux violations potentielles de leur souveraineté nationale. Une inquiétude qui débouche, à son tour, sur une nouvelle course aux armements, à l'heure où de nombreux pays, craignant de se retrouver sans défense face à une attaque violente contre leurs intérêts vitaux, cherchent à renforcer leurs capacités de défense.
Emportés par cet élan, les pays membres de l'Union européenne se fourvoient en misant sur un plan de réarmement tel que celui présenté récemment par la présidente de la Commission européenne. Que les Vingt-Sept veuillent s'émanciper vis-à-vis des États-Unis et disposer de leurs propres moyens de défense de leurs intérêts se comprend. Cependant, la voie à suivre – pour ce qui est unanimement identifié comme un projet de paix, non impérialiste – ne peut être un retour au passé. Les moyens militaires doivent être considérés comme des instruments de dissuasion et de dernier recours. Par conséquent, la voie de l'armement – qui implique également de continuer à dépendre des États-Unis comme principal fournisseur à court et moyen terme – constitue une réponse inadéquate face aux défis auxquels nous nous trouvons aujourd'hui confrontés.
D'une part, les armes ne permettent pas de déjouer les nombreuses menaces qui pèsent sur notre sécurité, qu'il s'agisse de la crise climatique ou de la montée des mouvements antidémocratiques, pour ne citer que ces exemples. D'autre part, cela impliquerait une réforme préalable de la structure politique et des processus décisionnels de l'UE afin que, conformément à tout État de droit, ces armes soient soumises à un gouvernement civil. En tout état de cause, l'Union européenne ne semble pas être en mesure de pouvoir résister à la vague militariste dans laquelle nous nous trouvons désormais empêtrés.
04.04.2025 à 09:59
Le mouvement syndical fait face à un problème de technologie. Pour être plus précis, il est face à un problème sur la façon de penser la technologie. Le récent battage médiatique autour de l'intelligence artificielle (IA) et la confusion qu'il a semée dans les syndicats ne sont que le dernier exemple en date d'un phénomène qui n'a cessé de se répéter au cours du siècle dernier : les employeurs affirment qu'une nouvelle technologie révolutionnaire est sur le point de changer radicalement le (…)
- Opinions / Monde-Global, Négociation collective, Travail décent, Chômage, Travail, Syndicats, Sciences et technologie, Avenir du travail, Charles KatsidonisLe mouvement syndical fait face à un problème de technologie. Pour être plus précis, il est face à un problème sur la façon de penser la technologie. Le récent battage médiatique autour de l'intelligence artificielle (IA) et la confusion qu'il a semée dans les syndicats ne sont que le dernier exemple en date d'un phénomène qui n'a cessé de se répéter au cours du siècle dernier : les employeurs affirment qu'une nouvelle technologie révolutionnaire est sur le point de changer radicalement le lieu de travail et les dirigeants syndicaux s'empressent d'intégrer cette « révolution » dans leurs négociations. Pourtant, chaque fois, l'histoire reste la même : les employeurs utilisent les nouvelles machines pour intensifier la pression sur les travailleurs, accélérer les cadences et saisir davantage de contrôle sur le processus de travail. Ce décalage entre les grandes promesses des nouvelles technologies et les réalités vécues n'est pas une coïncidence. De fait, c'est même le but.
La technologie et le progrès technologique font partie des idées les plus excessivement déterminées qui façonnent la vie moderne et, historiquement, les employeurs se sont servis de ces concepts pour dominer les travailleurs. Le discours sur la révolution technologique et le progrès technologique (c.-à-d. l'histoire que la société se raconte à elle-même sur les avancées technologiques) se fait généralement au détriment des syndicats et du pouvoir des travailleurs. Lorsqu'il s'agit de négocier sur la technologie, il incombe donc au mouvement syndical de dissocier les discussions sur certains changements technologiques spécifiques des histoires sur le progrès technologique. Il incombe au mouvement syndical de séparer le progrès technologique du progrès social. L'histoire de l'essor de l'idée même de l'automatisation et les développements plus récents autour de l'IA illustrent clairement cette leçon.
Depuis le milieu du XXe siècle, la promesse d'un progrès technologique issu des laboratoires des grandes entreprises est en fait la promesse d'une intégration plus poussée des prémisses d'un travail dégradé dans la vie professionnelle des gens ordinaires. Évidemment, il ne s'agit pas là d'un attribut des machines elles-mêmes. Il s'agit d'une qualité de la domination sociale que les machines provoquent.
Les machines et la façon dont elles sont conçues et la manière dont les employeurs les mettent en œuvre ne sont pas déterminées par la technologie : elles le sont par les relations sociales, par les structures du capitalisme. Par conséquent, afin de comprendre les effets du changement technologique sur le lieu de travail, nous devons comprendre les piliers intellectuels qui sous-tendent la manière dont nous parlons de l'introduction de nouveaux mécanismes dans le travail. Or, ce que l'histoire de ces piliers intellectuels nous apprend, c'est que la promesse de ce que l'on appelle l'automatisation n'est pas vraiment l'abolition du travail, mais la dégradation de celui-ci.
Le terme « automatisation » a été inventé dans les années 1940 par les dirigeants de la Ford Motor Company dans le cadre de leur bataille visant à affaiblir les travailleurs militants et syndiqués de l'atelier. Obligés par le mouvement ouvrier et la législation américaine de reconnaître les syndicats et de négocier avec eux, les dirigeants de l'industrie automobile devaient trouver un moyen de saper le pouvoir des travailleurs sans pour autant s'attaquer ouvertement au principe de la syndicalisation. En s'appuyant sur la foi généralisée de l'après-guerre dans le progrès technologique, ils ont fait valoir que c'était le progrès technologique lui-même qui dégradait les emplois des travailleurs, et non les décisions de la direction. Selon eux, c'est l'automatisation, et non les cadres, qui est responsable de l'accélération de la chaîne de montage, du licenciement des travailleurs ou de l'externalisation du travail d'usine vers des régions non syndicalisées du pays. Dit autrement, l'objectif initial de la notion d'automatisation était de détourner les discours d'utopie technologique pour, un jour, abolir les syndicats, pas le travail.
En peu de temps, les dirigeants de toutes les industries ont adopté l'idée de l'automatisation, au point que le terme est devenu essentiellement impossible à distinguer de l'idée même de progrès technologique. À l'instar de ce qui s'est passé dans l'industrie automobile, le terme « automatisation » était tout aussi souvent synonyme d'accélération et de surcharge de travail que de remplacement du travail humain. C'est le cas dans les mines de charbon, dans le transport ferroviaire de marchandises et même lors de l'introduction des ordinateurs dans les bureaux.
Et pourtant, malgré les objectifs anti-travailleurs et anti-syndicats du concept, des personnes appartenant à toutes les tendances politiques ont adopté le discours sur l'automatisation et bon nombre de ses postulats les plus fondamentaux, à savoir que le progrès technologique et la perte de contrôle du travailleur sur le processus de travail ne font qu'un.
Parmi ceux qui ont adopté la logique du discours sur l'automatisation figurent la majorité des responsables du mouvement syndical. D'un point de vue rhétorique, voire intellectuel, le discours entourant l'automatisation a surclassé les dirigeants syndicaux, qui ne se sont généralement pas opposés aux employeurs lorsqu'il a été question d'introduire de nouvelles technologies ; ils ne voulaient pas être perçus comme des « luddites ». Cela s'explique en partie par le fait que le discours sur l'automatisation flattait également le technoprogressisme de la gauche, encore présent aujourd'hui. Les responsables syndicaux ne savaient pas ce que l'« automatisation » apporterait. Souvent, ils ne pouvaient pas la définir exactement, mais ils pensaient qu'elle était réelle et décisive. Ils n'ont donc pas réussi à faire la différence entre les histoires de progrès technologique et la mission du patron, qui consiste à contrôler à la fois le travail et les travailleurs. Les dirigeants syndicaux pensaient que l'« automatisation » allait améliorer le niveau de leurs travailleurs, mais cela ne s'est pas produit. Ils pensaient que l'automatisation allait faire monter en compétence leur travail, mais c'est le contraire qui s'est produit. Enfin, ils pensaient que les changements opérés sous l'égide de l'automatisation étaient principalement technologiques, mais ce n'était pas le cas.
Aujourd'hui, ce que nous appelons IA ne représente que la plus récente évolution du discours sur l'automatisation. Le terme « IA » est notoirement vague et, bien que parfois les gens l'utilisent pour décrire une innovation technologique spécifique (comme l'apprentissage automatique et les grands modèles de langage, LLM), les employeurs utilisent tout aussi souvent le terme pour masquer des changements plutôt ordinaires dans le processus de travail sous couvert de révolution. En conséquence, parmi les journalistes et les universitaires, souligner que les systèmes d'IA soi-disant automatisés font encore appel à des travailleurs humains a engendré une véritable petite industrie. Ils ont montré comment les employeurs ont utilisé le spectre de l'IA pour pousser les travailleurs à aller plus vite, pour les surveiller et pour délocaliser la main-d'œuvre dans les pays du Sud. En général, cependant, les employeurs continuent à utiliser l'idée de l'IA de la même manière qu'ils utilisaient l'automatisation au milieu du XXe siècle, à l'instar d'Elon Musk, qui affirmait l'année dernière que, grâce à l'IA, « aucun d'entre nous n'aura d'emploi ».
L'exemple des États-Unis du milieu du siècle dernier nous montre que les syndicats ont eu recours à deux stratégies générales pour contourner le problème de l'« automatisation » qui, comme on peut s'en douter, était en réalité le problème de la perte de contrôle des travailleurs dans leurs ateliers.
Certains syndicats, comme l'United Packinghouse Workers of America (UPWA), ont tenté d'obtenir de leur employeur et de l'État qu'ils proposent des programmes de reorientation aux travailleurs licenciés à la suite de fermetures d'usines. L'argument était que, puisque les progrès technologiques avaient rendu ces travailleurs obsolètes, il fallait que les dirigeants revalorisent et requalifient les travailleurs pour les postes d'employés ou de superviseurs de machines qui étaient censés arriver. Ces tentatives ont généralement échoué. D'autres syndicats, comme l'International Longshore and Warehouse Union (ILWU), ont pour leur part exigé que l'employeur rachète les emplois des travailleurs avant de les mécaniser, notamment grâce à de généreuses prestations de retraite. Les stratégies de ces syndicats ont été plus fructueuses. Plutôt que de se contenter d'une vague promesse de formation pour un emploi « hautement qualifié » qui, bien souvent, ne s'est jamais concrétisée, les syndicats ont obtenu de meilleurs résultats lorsqu'ils ont traité la catégorie d'emplois menacée comme une sorte de propriété que l'employeur devait purement et simplement racheter avant de pouvoir y toucher.
Mais aucune de ces deux stratégies n'est particulièrement encourageante pour les travailleurs. Dans les deux cas, les dirigeants syndicaux ont tenu pour acquis que les travailleurs n'auraient que très peu leur mot à dire sur les changements apportés aux moyens de production, ou que le contrôle de la production par les travailleurs était quelque chose pour lequel le syndicat pouvait ou devait se battre. Bien entendu, exiger des syndicats qu'ils s'efforcent de prendre le contrôle de l'atelier et des moyens de production est plus facile à dire qu'à faire. Peu de syndicats sont assez puissants pour atteindre cet objectif franchement révolutionnaire. Mais les syndicats ont bel et bien le pouvoir de rejeter le discours de leur employeur sur la nature des changements imposés par les directions sur le processus de travail. Les syndicats ne sont pas tenus d'accepter l'analyse de la situation présentée par les patrons.
Si l'on tire les leçons du passé, les syndicats feraient bien de déconnecter les changements technologiques sur le lieu de travail de tout discours sur le progrès technologique. Lorsqu'un employeur introduit une nouvelle machine, un nouveau logiciel ou même une nouvelle méthode, les dirigeants syndicaux devraient rejeter toute présentation de cet acte comme étant l'avènement de l'avenir ou la prochaine étape de la civilisation.
Par ailleurs, les syndicats devraient avoir pour objectif ultime, aussi lointain ou utopique puisse-t-il paraître aujourd'hui, le principe du contrôle du lieu de travail et du processus de travail par les travailleurs. Bien sûr, s'opposer au discours sur le progrès technologique est périlleux : on pourrait être taxé de luddite pratiquant la politique de l'autruche, c'est-à-dire manquant de sérieux et irresponsable. Il incombe donc aux syndicats de trouver des moyens de rejeter les changements des moyens de production provoqués par l'employeur sans donner l'impression de s'opposer au progrès.
Comme mon collègue historien du travail R.H. Lossin et moi-même l'avons fait valoir ailleurs, cela suppose que les syndicats proposent leur propre définition — très spécifique — du progrès, une définition axée sur la justice pour les travailleurs, où l'idée de « technologie » n'est pas au premier plan, voire où la technologie ne figure pas du tout même. En lieu et place, il faut une définition du progrès qui met l'accent sur la redistribution du pouvoir, ici, aujourd'hui ; pas une discussion spéculative sur de vagues prérogatives futures dont les travailleurs pourraient ou non bénéficier.
01.04.2025 à 14:58