30.06.2025 à 07:29
admin
Dans son édition du 22 juin 2025, Nice-Matin a resservi à ses lecteurs la soupe marketing de l’aéroport de Nice, sous la bannière ‘’Développement durable’’ : « Les aéroports tentent de réduire leur empreinte environnementale ». Au menu, la fable de la prétendue… “neutralité carbone” de l’aéroport, sur la base de statistiques faussées. Analyse. Jean de La Fontaine n’aurait pas refusé une telle fable, mais les myriades d’avions ne sillonnaient pas encore le.. Read More
Cet article « Neutralité carbone » (sic) : l’éléphant aérien plus petit qu’une souris ? est apparu en premier sur MOUAIS.
Jean de La Fontaine n’aurait pas refusé une telle fable, mais les myriades d’avions ne sillonnaient pas encore le ciel azuréen au XVIIème siècle. Dans son édition niçoise du 22 juin 2025, Nice-Matin a resservi à ses lecteurs la petite soupe marketing de l’aéroport de Nice, sous la bannière ‘’Développement durable’’ : « Les aéroports tentent de réduire leur empreinte environnementale ».
Qu’y lit-on, une énième fois ? Que l’aéroport de Nice est ‘’exemplaire’’ en termes de RSE (responsabilité socio-environnementale), qu’il réduit son impact environnemental, avec – tenez-vous bien, une baisse de -93% d’émissions de gaz à effet de serre (GES) en dix ans. Mais quelle est donc la poudre de perlimpinpin qui permet un tel miracle ?
Pour comprendre la manœuvre, il suffit de connaître la ‘’méthodo’’ basique retenue par ces professionnels du marketing : il leur suffit d’évacuer un détail. Celui des émissions des avions, même celles de leurs décollages et atterrissages à Nice ! Aussi, l’incroyable baisse de -93% ne se rapporte qu’aux émissions des hangars, terminaux et véhicules de tarmac, mais pas celles des avions. L’aéroport n’est donc qu’un parking, comme celui des supermarchés de la Plaine du Var. Mais ça n’est jamais dit explicitement… Un ordre de grandeur : il est question de moins de 1 000 tonnes de CO2 par an. Nous venons de parler de la souris. A présent, levons les yeux et pesons Dumbo, l’éléphant aérien. La Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC), organe étatique, nous en donne le poids (en 2023, en hausse depuis) : les émissions annuelles de GES de l’aéroport de Nice étaient de 140 000 tonnes pour la partie LTO (décollages et atterrissages), et de 870 000 tonnes en incluant le périmètre des demi-croisières (au départ ou à l’arrivée sur Nice).
L’exemplarité de l’aéroport de Nice repose donc factuellement sur 0,5% des émissions annuelles des décollages et atterrissages, et 0,1% des émissions LTO et demi-croisières, voire 0,05% des émissions totales exprimées en CO2e (source : étude d’impact de l’extension T2.3 : 1,59 million de tonnes CO2e par an, incluant les effets non-CO2 qui impactent également le climat). A cette condition, il est aisé de comprendre que la ‘’neutralité carbone’’ de l’aéroport de Nice est un magnifique leurre commercial, d’ailleurs fondé par le lobby européen de l’aviation commerciale (ACI Europe) : l’Airport Carbon Accreditation. Un label qui, en théorie, contrevient très largement à l’article L. 121 du Code de la consommation, définissant et condamnant les pratiques commerciales déloyales et trompeuses.
Que la société commerciale des Aéroports de la Côte d’Azur fasse sa publicité est une chose. Mais que comprendre du quotidien Nice-Matin (aux 50 000 exemplaires/jour) qui consacre un article d’une page (d’ailleurs non déclarée comme publireportage) à relayer une communication commerciale sur un ‘’incroyable effort’’ portant sur 0,05 à 0,5% des émissions globales de l’aéroport de Nice, sans jamais contextualiser le sujet, comme le préconise la charte d’éthique professionnelle des journalistes (SNJ) ? Voilà qui ferait un intéressant sujet d’éthique, que les écoles de journalisme devraient proposer à leurs étudiant.es.
Franck Goldnadel, directeur de ladite société, répète ainsi que son aéroport exemplaire essaie de réduire l’impact environnemental de l’aéroport en « réduisant les émissions de gaz à effet de serre ». Il est juste en contradiction frontale avec ce que d’aucuns appellent la réalité :
– Les émissions des compagnies aériennes pratiquant l’aéroport de Nice, 1er aéroport de province, ne font que croître globalement (source DGAC).
– L’extension du Terminal 2 de l’aéroport va générer une hausse de plus de 350 000 tonnes de CO2e par an (soit plus d’un tiers des émissions annuelles de l’ensemble de la ville de Nice), +150 tonnes de polluants atmosphériques (dans une ville déjà bien polluée) et une hausse d’exposition sonore de la population, avec un trafic annuel accru de +28 000 vols d’ici 2034 (tous ces éléments sont issus de l’étude d’impact du dossier officiel).
Sur ce dernier point, il faut quand même noter que la même poudre magique parvient, dans le dossier officiel de l’aéroport, à diminuer de -11% les émissions annoncées de CO2 d’ici 2034, malgré une hausse du trafic de +28 000 vols par an et une consommation accrue de +54 000 tonnes de kérosène[1] (multipliez par 7 pour obtenir le tonnage de CO2e). Absolument impossible et mensonger, mais … les informations en costume-cravate passent crème, tant dans de nombreux médias, qu’à la mairie de Nice ou à la Préfecture des Alpes-Maritimes.
Pour terminer, le Collectif Citoyen 06, toujours très engagé contre l’extension de l’aéroport de Nice (et non pas l’aéroport lui-même, faut-il le rappeler), a réagi vivement sur les réseaux sociaux à cette ultime version d’une longue liste d’articles de la même veine. Et contrairement au qualificatif un peu facile de ‘’donneurs de leçons’’, avancé par certains journalistes ou chefs d’agence, nous ne faisons que rappeler, d’ailleurs depuis des années, qu’un dossier comme celui de l’aéroport de Nice, pièce maîtresse du dispositif économique du territoire, mais aussi gros pourvoyeur d’impacts environnementaux, mérite un traitement beaucoup plus équilibré et étoffé que celui habituellement accordé.
Finalement et une nouvelle fois, il convenait juste de rappeler à la rédaction de ce quotidien qu’un éléphant, même doté du meilleur service de communication, reste beaucoup plus volumineux et lourd qu’une souris. En 2025, et en pleine crise climatique, il serait fâcheux que la posture et le greenwashing prévalent sur le dialogue et la factualité. Bref, nous faisons partie du nombre croissant de citoyen.nes qui ne lâcheront rien. Pourquoi ? Parce que la charte précitée rappelle que « le journaliste s’efforce de donner une information exacte, complète, vérifiée et contextualisée. ». Et parce que l’intérêt général prévaudra toujours sur l’intérêt privé.
Le reste n’est que détail.
Soutenez-nous, abonnez-vous !!
Cet article « Neutralité carbone » (sic) : l’éléphant aérien plus petit qu’une souris ? est apparu en premier sur MOUAIS.
22.06.2025 à 10:25
admin
« Qui a volé l’appétit des femmes ? » se demande Lauren Malka dans « Mangeuses », avec ce constat : toutes les femmes souffrent un jour d’anxiétés alimentaires causées par les injonctions patriarcales. Mouais et Télé Chez Moi ont récoltés des témoignages de femmes qui ont la dalle. Des paroles fortes, intimes, parfois crues, à voir ici en ligne. Et que vivent les ogresses ! Les diktats du patriarcat.. Read More
Cet article DALLEUSES, le film est apparu en premier sur MOUAIS.
Cet article DALLEUSES, le film est apparu en premier sur MOUAIS.
15.06.2025 à 12:32
admin
La ville de Nice distribue gratuitement un kit de rentrée scolaire à tous les écoliers. Bonne nouvelle ? Mouais.
Cet article Généreuse, la distribution de matériel scolaire par la mairie de Nice ? Mouais… est apparu en premier sur MOUAIS.
Générosité ? Mouais ! Tout d’abord, rappelons que le loi fait obligation aux communes de financer le fonctionnement des écoles, mais elle n’oblige pas à une somme par élève. On se retrouve donc dans des situations inégalitaires selon la ville où on habite. C’est donc un acte ordinaire de la vie municipale que de fournir du matériel aux élèves via les crédits pédagogiques alloués aux écoles notamment. D’ailleurs, « Les crédits pédagogiques habituellement alloués aux écoles sont inchangés » nous dit fièrement M. Estrosi (Nice-Matin 14/06/2025). Je confirme, ils sont inchangés. Depuis 2011. Par exemple la mairie attribue 31€ de crédits pédagogiques par élève de maternelle depuis 2011. À comparer avec l’inflation depuis cette date… Le seul prix du papier a plus que doublé dans cette période.
Pourquoi maintenant ? M. Estrosi est maire de Nice depuis 2008, et il ne se préoccupe de la gratuité de l’école qu’en 2015. Est-ce parce qu’il a des difficultés à acheter les fournitures de sa fille Bianca qui entre en CE2 à la rentrée ? Ou est-ce la proximité des élections municipales ? (mars 2026, pensez à vous inscrire sur les listes électorales) On voit bien la visée électoraliste de cette distribution par la mise en scène qui en est faite. Il la fait à l’école de Fabron, un de ses fiefs électoraux et une des très rares écoles de Nice à avoir adopté l’uniforme. Il la fait pour la rentrée 2025 de façon à pouvoir s’en vanter dans les débats électoraux.
Pourquoi comme ça ? A notre connaissance, il n’y a eu aucune concertation avec les enseignant·es via leurs organisations syndicales. Christian Estrosi paie pour l’école et Estrosi Christian décide et veut tout régenter, parfois au-delà de ses attributions. Enfin, comme d’habitude, c’est le journal officiel (Nice-Matin) qui leur a appris qu’iels devront distribuer ces kits, à qui et comment. Cette manière de faire court-circuite les enseignant·es et le travail d’équipe qu’iels font pour enseigner aux élèves les savoir-faire qui leur permettent de gérer leur matériel. Les établissements […] se chargeront de les distribuer aux élèves avant le départ pour les grandes vacances. Cricri a parlé ! Obéissez ! Où est l’autonomie pédagogique des enseignants là-dedans ? Pourquoi comme ça ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi pas les maternelles ?
Les fournitures seront données à tous les élèves et il est vrai qu’ils disposeront ainsi du même matériel. (ibid) Certes, mais c’est là une individualisation de l’aide et de la responsabilité. Iels ont eu leurs kits en juin, maintenant qu’iels se démerdent. Quid de la liberté pédagogique des enseignants dans le choix du matériel et la manière de s’en servir ? Quid des choix d’équipe de partage et de collectivisation du matériel ? Quid de l’aide aux plus défavorisé·es ? Égalité ou Équité ? Autant de questions qui mériteraient un long développement de cet article que nous ferons peut-être plus tard.
En attendant, comme à son habitude, Christian Estrosi décide tout, fait tout, se met en scène et met en scène ses actions, pourvu qu’on voie sa tête dans Nice-Matin et sur les Internets il est content. Surtout qu’il a bientôt une élection à gagner.
Cet article Généreuse, la distribution de matériel scolaire par la mairie de Nice ? Mouais… est apparu en premier sur MOUAIS.
02.06.2025 à 10:18
admin
Ce 24 mai, un sabotage a éteint Cannes lors de la journée de clôture du festival, ainsi que 160.000 foyers. Des anarchistes ont revendiqué l’action. Une élue locale les a qualifiés « d’abrutis décérébrés irresponsables » (sic) tandis que la sous-direction anti-terroriste a été saisie pour coordonner l’enquête. Et nous, nous alertons : attention à ne pas faire un nouveau Tarnac… Ce Samedi 24 mai donc, un double sabotage a.. Read More
Cet article A propos d’un sabotage, d’anarchisme et de répression est apparu en premier sur MOUAIS.
Ce Samedi 24 mai donc, un double sabotage a privé de courant la ville de Cannes lors de la journée de clôture du festival, ainsi que 160.000 foyers des Alpes-Maritimes et du Var. « Nous revendiquons la responsabilité de l’attaque contre des installations électriques sur la Côte d’Azur », a-t-il rapidement été exprimé dans un communiqué, relayé par un site d’information nantais, Indymedia, et signé par « deux bandes d’anarchistes » affirmant avoir saboté le « principal poste électrique alimentant l’agglomération de Cannes» et « scié la ligne de 225 kV venant de Nice », et se trouvant à Villeneuve-Loubet.
Dans la nuit de samedi à dimanche, à Nice, un transformateur électrique a ensuite été incendié, perturbant le réseau de tramway et l’aéroport.
« Cette action visait non seulement à perturber le festival, mais aussi à priver de courant tous les établissements industriels », peut-on lire dans ce communiqué titré « Coupez ! » : «Coupez ! Votre spectacle qui sert de vitrine à une République française grandiloquente […] votre cérémonie obscène au bord d’une mer devenue cimetière de réfugié-es […] le courant de vos industries militaires-technologiques » (1).
Dans son ample « Histoire du sabotage » en deux volumes (2), Victor Cachard parcourt « les nombreux mouvements qui s’opposent à toutes les formes d’exploitation et d’oppression. Des attaques contre la fortification, durant le Moyen Âge, aux incendies contre les antennes 5G aujourd’hui, en passant par les traîne-savates dans les usines et le sabotage de la colonisation, ces deux tomes permettent de comprendre ce qu’est le sabotage et pourquoi il est toujours d’actualité », nous indique l’éditeur. C’est donc une tradition de lutte qui remonte à loin -et qui a fait ses preuves. Le premier tome revient sur « les origines anarchistes de la pratique » : « C’est au moment où les militants renoncent à l’assassinat politique que la décision est prise de porter atteinte à la production ». Puis, dans le tome 2, « après les deux grandes guerres mondiales, le sabotage change de visage. Il sort des industries, quitte le monde du travail pour s’attaquer plus largement aux technologies meurtrières » – dont Thales-Alenia Aerospace, donc, « leader du secteur de la défense, [qui] fabrique des systèmes de visée pour canons et de guidage de missiles, et de télécommunications spatiales. C’est de loin le principal fabricant de satellites en Europe, et plus particulièrement de ceux à usage militaire » nous dit le communiqué des saboteurs.
Disons les choses très clairement : à Mouais, journal anarchiste, nous ne faisons pas ça. Propagandistes, nous le sommes par l’écrit, pas par le fait, même si nous soutenons les camarades qui s’y livrent, et qui ne font de mal à personne. Tenant·e·s de l’écologie sociale du regretté Murray Bookchin, nous sommes plutôt adeptes de la plantation de potagers punks urbains et de l’écriture de poèmes.
Et une chose nous inquiète. C’est que cet acte, somme toute relativement inoffensif – le courant est rapidement revenu, et aucune victime n’est à déplorer – n’entraîne à sa suite une répression sans commune mesure avec les faits reprochés, sous la houlette de la Sous-direction anti-terroriste (SDAT) a qui a été confiée l’affaire.
Or, les méthodes anti-terroristes, pour tout ce qui relève de l’anarchisme – enfin, en termes policiers on dit « mouvance anarcho-autonome » -, nous les connaissons. Ce sont notamment celles qui ont été infligées aux neuf personnes arrêtées simultanément et au petit bonheur la chance en Haute-Garonne, Ille-et-Vilaine, Val-de-Marne et Dordogne le 8 décembre 2020 à six heures du matin, cagoulées, et longuement incarcérées, parfois plus d’un an, comme ce fut le cas pour le surnommé Libre Flot, finalement libéré en avril 2022 suite à 37 jours de grève de la faim, et dont nous avons assisté au procès grotesque (3).
C’est aussi, évidemment, le fiasco de la piteuse « affaire de Tarnac », qui a vu, après l’arrestation en novembre 2008 de dix personnes, désignées par la ministre de l’Intérieur de l’époque, Michèle Alliot-Marie comme appartenant à un groupuscule dit de « l’ultra-gauche, mouvance anarcho-autonome », le nommé Julien Coupat se retrouvant mis en examen pour « direction d’une structure à vocation terroriste », « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » et « dégradations en réunion en relation avec une entreprise terroriste ». « L‘antiterrorisme est la forme moderne du procès en sorcellerie », déclarera-t-il par la suite.
Tout le monde sera relaxé. Comme l’a dit un éditorial du Monde :
« De manière logique, la décision de la juge tire le bilan piteux d’une enquête erratique, confuse et lacunaire. Le seul fait concret retenu est la pose d’un crochet sur une caténaire. Mais il n’y a ni flagrant délit, ni preuves, ni aveux que Julien Coupat et sa compagne, directement mis en cause, ont participé à ce sabotage. En outre, les experts admettent que cet acte de malveillance ne menaçait en rien des personnes. Quant à l’enquête, elle a mis au jour bien des irrégularités et des incohérences, opportunément couvertes par le secret défense, au point de jeter le doute, voire le discrédit, sur les méthodes de la DCRI » (4).
Ainsi, nous prévenons ceux qui seraient tentés par un coup de filet chez tous les anarchistes innocents de la Côte d’Azur (déjà pas très nombreux, pauvres de nous) : prenez garde à ne pas refaire des « procès en sorcellerie » ineptes.
La rédac’
(1) https://nantes.indymedia.org/posts/146409/communique-du-sabotage-contre-des-installations-electriques-sur-la-cote-dazur/
(2) https://www.editionslibre.org/produit/histoire-du-sabotage-tome-1-2/
(3) https://blogs.mediapart.fr/macko-dragan/blog/201023/la-justice-n-vraiment-que-ca-foutre
(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_de_Tarnac
Cet article A propos d’un sabotage, d’anarchisme et de répression est apparu en premier sur MOUAIS.
26.05.2025 à 08:31
admin
Parmi les 12 millions de personnes directement concernées en France par le handicap, 3 millions vivent avec des troubles psychiques sévères. Stigmatisation, préjugés, pénurie d’aidant·e·s, déni pur et simple de leurs troubles, ces pathologies donnent l’impression d’être taboues. Et l’État n’y prête guère attention, malgré le dispositif d’Allocation Adulte Handicapé (AAH). Témoignage. Comme le signale Marie-Jeanne Richard, présidente de l’Unafam (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou.. Read More
Cet article Le handicap psychiatrique, l’un des derniers impensés de notre société ? est apparu en premier sur MOUAIS.
Comme le signale Marie-Jeanne Richard, présidente de l’Unafam (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques), lors du baromètre 2022 de cette association, « le sujet des troubles psychiques et de leur prise en charge [reste] très confidentiel ». Et pourtant, ajoute-elle, « la situation des personnes concernées et de leurs aidants s’est dégradée cette année. La psychiatrie est en hypertension, faisant de l’accès et du maintien dans les soins un parcours du combattant » – avec, notamment, de très longues errances médicales, et d’interminables retards de diagnostic. Elle conclut : « Quant au handicap psychique, c’est celui dont on ne prononce pas le nom ! » Et en effet, j’en sais quelque chose : souffrant de trouble borderline, il m’est souvent arrivé de devoir prétexter un autre souci de santé -grippe, gastro, etc-, quand je n’étais pas en capacité de me rendre au travail, par crainte, généralement fondée, de me faire dire que « ça n’est pas une vraie maladie », que « j’aurais pu faire un effort », voire qu’une crise psychotique ou dépressive serait un simple « caprice ».
Comme le rapporte la journaliste Lætitia Delhon dans son article Le handicap, première cause de discrimination1, les handicapé·e·s doivent encore subir, dans nos sociétés, « un traitement médiatique souvent sommaire, partial et paresseux », prenant pour exemple « tel sportif devient ce héros qui a su « dépasser » son handicap, telle action se révèle « magnifique » parce que « inclusive », etc. Mais, dit-elle, rares sont « les analyses de fond sur ce sujet social pourtant majeur, qui interroge la citoyenneté, l’altérité et la solidarité ». Et, pourtant, en juillet 2021, un établissement girondin accueillant des personnes polyhandicapées annonce que trois d’entre elles, d’une trentaine d’années, « sont mortes faute de soins […] elles ont péri par manque de personnel pour s’occuper d’elles ». Elle en conclut : « Quoi de commun entre un individu malvoyant, un autre sourd, une personne atteinte d’un handicap moteur, une autre souffrant de troubles psychiques ou d’autisme ? Rien, en dehors des discriminations structurelles qu’elles subissent ». En effet, les handicapé·e·s sont surreprésenté·e·s parmi les non-diplômés : -29 %, contre 13 %- ou les chômeurs -15 %, contre 8 % ; « Leur niveau de vie est inférieur à celui de l’ensemble de la population [et] selon le rapport annuel du défenseur des droits publié en juillet, le handicap constitue le premier motif de discrimination ».
« Toutes ces personnes sont assujetties à un cadre légal empli de centaines de dispositifs créés selon un objectif officiel d’adapter la société aux besoins des personnes », nous dit encore L. Dehlon. Et j’ai justement rencontré Xavier à la terrasse de la librairie des Parleuses. Souffrant d’une pathologie psychique -il est bipolaire-, il est donc allocataire, comme moi et 1,2 million de personnes, de l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Le revenu minimum reversé par l’Etat français aux gens reconnus par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) au sein des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) des Maisons de l’autonomie (MDA) -oui, notre pays étant ce qu’il est, il y aura beaucoup de sigles ici.
L’histoire de Xavier avec l’AAH, qu’il touche depuis ses 19 ans, est longue, et son lien avec les souffrances psys également : « A 7 ans, premières pensées morbides, à 12, première tentative de suicide… » Il a donc fort conscience que ce genre de pathologie, « c’est le parent pauvre du handicap, la maladie invisible. Et qu’il faut invisibiliser dans ta vie professionnelle, sinon tu vas te retrouver stigmatisé comme tire-au-flanc ». Il ajoute : « Moi, dans ma bipolarité, je n’ai jamais pu tenir un métier plus de 6, 9 mois… Il y a tout l’aspect, comment dire, d’inadaptation en soi du bipolaire, ou du borderline dans ton cas, à un système capitaliste qui n’est pas du tout conçu pour son absence de linéarité ».
Au moment de la validation du dossier, la Maison de l’autonomie promet pourtant des postes aménagés, ou un accompagnement ; qu’en est-il ? « Mon cul, t’as rien, que dalle, zéro aménagement de poste, zéro accompagnement social, rien. T’es laissé dans le désert ». Un désert où l’on se retrouve seul, et où le reste de la société, minimisant les troubles, ajoute de la souffrance à la souffrance déjà ressentie en affirmant que « les maladies mentales, ça n’existe pas, ça arrive à tout le monde de pas être bien » -mais cela arrive-il à tout le monde de se scarifier lors d’une crise dont on ne garde aucun souvenir ? De vomir de douleur ? De ne pouvoir bouger de son canapé, pleurant sans discontinuer pendant des jours, des semaines ? Mais les gens « n’ont pas conscience de ça. Comme les SEGPA quand on était gosses, t’es le fou du bus, le cassos… »
En outre, « Je suis toujours comme un oiseau sur la branche, à ne pas savoir de quoi va être fait le lendemain, à me dire que s’il y a le moindre petit détail dans mon dossier qui ne va plus, qu’ils se rendent compte que j’ai eu un revenu de 5 ans avant, mais que je l’avais pas déclaré, ça y est, on te coupe l’AAH ». Sachant qu’en outre, « t’as pas le droit d’être bien, en fait. En réalité, t’as pas le droit d’avoir des moments dans ta vie où il y a une sorte de rémission dans tes malheurs liés à ta maladie. Il faut toujours montrer que t’es à la limite de la possibilité de la crise ». Le travail à temps plein d’un « malade psy » : être malade psy justement, et quand tu iras mieux, l’État te laissera en rase campagne. Ainsi, l’allocataire psy de l’AAH se retrouve véritablement dans une précarité totale, « victime des aléas de sa maladie au jour le jour », dont une des causes peut être l’insécurité financière, il ne faut pas l’oublier, « une insécurité absolument liée à nos conditions matérielles d’existence -si on ne nous les assure pas, chez nous, ça prend des proportions énormes ». Avec, de plus, un paradoxe : « Si grâce à la relative stabilité matérielle permise par L’AAH -même si c’est sous le seuil de pauvreté-, tu vas mieux, ils décident de te l’enlever. Et effectivement, là, tu redeviens une chair à hospitalisation en HP [Hôpital Psychiatrique]».
Xavier, anarchiste convaincu, inscrit à la CNT, veut participer à la société, cotiser, pour les conquis sociaux, pour la retraite, « histoire de pouvoir gueuler dans la rue quand ils veulent y toucher ». Mais « quand je me mets à travailler, je prends un risque. Quand je déclare des revenus sur trois mois, je prends le risque que les six mois d’après, je n’aie plus rien parce que si mon emploi s’arrête, l’AAH le temps qu’elle soit en route, je risque de me retrouver dans le vide. Mais je prends ce risque parce que je me dis qu’effectivement, l’AAH c’est une chance énorme, mais ça ne peut pas être mon seul moyen de survie ».
Jimmy Behague, président de la Neurodiversité-France, dans un billet de blog daté du 11 février 2025 (date du 20e anniversaire de cette loi), et titré : « La loi de 2005 sur le handicap, l’illusion de la justice », revient sur ce qui est selon lui la genèse de tous ces dysfonctionnements, en visant une loi « érigée en modèle alors qu’elle demeure une partie du problème ». « Toutes les lois en France concernant le handicap, écrit-il, absolument toutes, reposent sur une philosophie particulière qui est celle de la compensation des besoins. Par philosophie, j’entends ici un ensemble de principes moraux, politiques, culturels articulés en vue d’une même fin. La compensation des besoins serait la ligne directrice pour annihiler les discriminations et permettre aux personnes handicapées de participer à la vie de la Cité de manière autonome ». Ce qui pose problème.
Il affirme ainsi, très justement : « Nous pourrions collectivement nous interroger sur cette notion car, finalement, on ne l’applique qu’à certains publics dont les personnes en situation de handicap. Pourtant des personnes dorment dehors et l’on ne compense pas leur besoin de logement, des familles ne peuvent pas prendre trois repas par jour et on ne compense pas leur besoin de se nourrir, des personnes n’ont pas de travail et on ne compense pas leur besoin d’emploi, et beaucoup de personnes sont pauvres et on ne compense pas leur besoin d’argent ou du moins pas de manière à les empêcher de rester pauvres. Du reste, on ne compense finalement pas non plus les besoins des personnes en situation de handicap, on compense ce qu’on pense être leurs besoins ».
En d’autres termes : pour notre société, s’il n’y a aucun problème à ce qu’un SDF dorme dans la rue ou qu’une famille monoparentale crève la dalle, les handicapé·e·s représentent elles et eux en quelque sorte une anomalie qu’il s’agit de corriger. Et que cela se fasse par le biais d’une compensation financière -bienvenue, il ne s’agit pas de le nier- ne doit pas nous faire oublier que l’immense partie des structures sociales demeurent non-adaptées -et n’ont de toute façon pas vocation à l’être. Jimmy Behague cite le livre « De chair et de fer », de Charlotte Puiseux où elle raconte « à quel point la société voulait remettre droit son corps différent, rectifier au prix de douleurs atroces ce qui était hors normes sans apport quelconque pour sa santé ». L’intégration des personnes handicapées dans notre société capitaliste menée au forceps, ressemble ainsi bien plus à une rééducation, ou à une mise sous tutelle -toujours conditionnelle, et sur la base de critères arbitraires- sous couvert d’inclusivité des personnes n’entrant pas dans une norme psychique et/ou physique tout aussi arbitraire.
Alors, quelles solutions ? Pour Xavier, ça ne fait pas un pli : « Le salaire inconditionnel, évidemment. Dans une société qui produit énormément de richesses comme la nôtre, dans une nation qui est une des plus grosses productrices de richesses, de biens, de services, de tout ce que tu veux, c’est irrémédiable ». « Un salaire inconditionnel qui permette de sortir de la précarité permanente, de l’instabilité financière qui mine l’envie de faire -que ce soit d’ailleurs du bénévolat ou du travail salarié, ou autre ». Et, bien sûr, l’anarchie comme mode de vie pour tous et toutes, inclusif et bienveillant. On a hâte.
Par Mačko Dràgàn
ABONNEZ-VOUS ! https://mouais.org/abonnements2025/
1 Le Monde Diplomatique, octobre 2022
Cet article Le handicap psychiatrique, l’un des derniers impensés de notre société ? est apparu en premier sur MOUAIS.
22.05.2025 à 11:26
admin
Chaque mois, nous donnons à un service public, plus ou moins bien géré. Et chaque mois également, bien malgré nous, nous engraissons une feignasse d’actionnaire. Alors, si vous conciliez le meilleur des deux mondes, en devenant vous-même un actionnaire pas feignasse d’un service public de qualité ? « Mouais, le journal dubitatif (quoique) est une revue bimestrielle française reconnue publication d’information politique et générale et basée à Nice. Anarchiste, elle traite.. Read More
Cet article Vous aussi, devenez actionnaires (d’un service public d’information) est apparu en premier sur MOUAIS.
« Mouais, le journal dubitatif (quoique) est une revue bimestrielle française reconnue publication d’information politique et générale et basée à Nice. Anarchiste, elle traite de questions sociales et écologiques au niveau local, national et international », nous dit un autre service public d’information à soutenir, Wikipedia, récemment attaqué par toute l’extrême-droite, de Musk à Fourest, comme étant « wokipedia ».
Ceci est hélas symptomatique de l’air du temps : il ne fait pas bon de vouloir « donner la parole à ceux qui ne l’ont pas forcément.. Avec une subjectivité assumée ! » -du moins, quand cette subjectivité a le cœur à gauche et tourné vers Gaza.
Votre Mouais, dont vous lisez tous les deux mois sur papier ou toutes les semaines en accès libre en ligne des coups de griffes, témoignages de luttes, enquêtes en terrain hostile ciotto-estrosiste, reportages en Palestine & ailleurs et autre entretiens savoureux avec Ludivine Bantigny, Guillaume Meurice, Leane Alestra, Francis Dupuis-Déri ou encore Maïa Mazaurette, tire donc lui aussi un peu la langue, et aura bien besoin d’une ration supplémentaire de croquettes pour tenir sur la durée.
Notre équipe vient donc vers vous avec une proposition unique : devenir adhérent, pour quelque euros par mois (prix libre), d’un service public d’information de qualité car géré par des anarchistes, les personnes les plus fiables qui soient, l’histoire humaine peut suffisamment en témoigner.
Ce faisant, vous pourrez continuer à nous lire gratuitement en ligne sans culpabiliser, et en plus, cerise sur la pâtée du chat, les 10 premières personnes recevrons en cadeau la bande dessinée Chro-nique l’Agro-industrie, de Coyotte et aux éditions Mouais, chroniques douce-amères de la vie d’une jeune maraîchère emplie d’utopie punk et confrontée aux parfois brutales réalités du monde agricole.
En outre, ceci vous accordera :
· Zéro possibilité d’influer sur notre ligne éditoriale, ce qui, si vous n’êtes pas Vincent Bolloré et nous vous le souhaitons, vous remplira de joie ;
· Un retour sur investissement de 3000 % à peu près, calculé au prorata de votre bonheur de soutenir chaque mois une presse fière et libre.
C’est par ici https://www.helloasso.com/associations/association-pour-la-reconnaissance-des-medias-alternatifs-arma/formulaires/1
(et la possibilité de vous abonner au papier est toujours disponible bien sûr, ici même : https://mouais.org/abonnements2025/)
Cet article Vous aussi, devenez actionnaires (d’un service public d’information) est apparu en premier sur MOUAIS.