
12.12.2025 à 10:40
Élisabeth Sepulchre
La gauche serait donc triste, une bande de peine-à-jouir, sans cesse à lancer des anathèmes à quiconque aime les apéros et les barbecues ? La pureté idéologique à tout prix. Et pendant ce temps-là, la droite s’amuse.
Le 16 octobre 2025, Jean Dujardin, invité du 20h de France 2, s’exprime : « Le problème, c’est quand on dit qu’on aime la France, on est rapidement taxé de facho. Qu’est-ce qu’il faut que je dise alors ? Que je suis rétrograde parce que j’aime le pâté ? » Quelques jours plus tôt sur CNews, la députée RN du Var, Laure Lavalette, considérait que les gens de La France insoumise « n’aiment pas la France, ils n’aiment pas nos institutions, ils n’aiment pas Noël, ils n’aiment pas les sapins de Noël, ils n’aiment pas les barbecues, ils n’aiment pas Miss France […] ils n’aiment pas Sardou, enfin, ils n’aiment pas ce que nous sommes […] je les trouve triste moi. Moi, je ne trouve pas qu’ils respirent la joie. »
Derrière cette logorrhée absurde, une question sérieuse : la gauche aurait-elle perdu la fête et la joie de sa stratégie politique et militante ? Est-elle devenue trop morale au point d’abandonner tous ses plaisirs ? C’est du moins la raison que donnait Fabrice Lucchini pour ne pas voter à gauche sur TF1 dans l’émission « Sept à Huit » en septembre 2023 : « Moi je ne suis pas du tout de gauche. J’aurais beaucoup aimé, écoutez-moi ! J’aurais adoré ! Mais c’est un niveau d’âme et une supériorité humaine que je n’ai pas. » Ce que pointe l’acteur, c’est cette « ascèse morale » dont parle Michaël Fœssel dans Quartiers rouges. Ce dernier montre qu’à force de vouloir être irréprochable, on oublie d’être joyeux. Et surtout d’agir.
Michaël Fœssel rappelle pourtant que les grandes luttes, des Communards aux grèves de la joie de 1936, jusqu’aux gilets jaunes, se sont menées dans la joie collective, dans les usines et sur les ronds-points, dans la fête. Comme le disait la philosophe Simone Weil : « L’avenir, il ne faut pas l’attendre, il faut le faire ». L’action politique et le plaisir ne sont pas antinomiques : ils sont intrinsèques.
Pendant ce temps, l’extrême droite s’approprie ces symboles. Elle se pose en défenseur « du plaisir français » (Fœssel), du vin, du barbecue, face à une gauche caricaturée comme austère. Quand le député RN Frédéric Falcon s’oppose à l’interdiction de l’alcool à la buvette de l’Assemblée, il dénonce des « mesures d’inspiration islamiste »… Le rire et le banquet seraient de droite. Dans sa bataille culturelle, Pierre-Édouard Stérin œuvre à implanter la fête en rachetant le « Canon français ». Avec ses 320 000 abonnés sur Instagram, ces organisateurs de banquets géants promettent « la convivialité au service du terroir et du patrimoine », un mot d’ordre : « Festoyons ». Grandes nappes blanches, bouteilles de vins et de champagne à foison, charcuteries, drapeaux français et fanfares : les franchouillards se lèvent sur les tables, dansent du Aznavour ou du Sardou et boivent. « La joie est dans les choses simples, tous copains le temps d’un banquet », se définissent-ils. Comment est-ce que le Canon français, propriété de celui qui prévoit un plan pour lutter contre « les maux principaux (socialisme, wokisme, islamisme, immigration) pour sauver et servir la France », est-il devenu le défenseur d’une fête qui a longtemps été celle de la gauche ? Comment la gauche peut-elle se réapproprier la fête ? Peut-on, dans une fête de gauche, encore manger de la viande, boire du vin et chanter La Marseillaise ou doit-on réimaginer, réinventer ses plaisirs ?
Boum boum. Politiques du dancefloor d’Arnaud Idelon naît d’un tag anonyme trouvé dans les toilettes de la Station : « La fête, si elle est autre que la célébration d’une puissance collective, n’est que pure mascarade ». Dans son essai, il explore la fête comme le lieu-même de l’imaginaire. Définie comme une « mascarade », la fête est le lieu où les normes sont inversées, le lieu de l’enfant, de la métamorphose et de la découverte des interdits et le lieu du performer au sens que lui donne la philosophe Judith Butler : donner à voir une façon d’être au monde qui ne peut pas correspondre aux normes, par les comportements, le langage, etc. Elle est un « espace de rencontre des mondes sociaux, un espace d’altérité et de surprise ». Ce sont dans ces moments de joie que se pensent la lutte : c’est dans cet imaginaire que l’on peut penser la transformation du monde. Et ce monde s’oppose à celui des fêtes de Stérin. La fête est contagieuse, corporelle et dansante.
Les fêtes de Stérin, elles, prennent place dans des lieux, châteaux ou grandes demeures, déjà acquis et privatisés, elles célèbrent des événements qui correspondent à un esprit de la fête « commun » comme le banquet du 12 décembre en Vendée où « l’esprit de Noël se mariera parfaitement avec ce grand moment de partage et de fête aux couleurs de la Vendée », elles pensent réunir des gens « autour de valeurs communes » (L’Humanité, 9 novembre) alors qu’elles réunissent en réalité des « trentenaire blancs ».
À rebours complet, la fête comme grande « mascarade » prend lieu, parce qu’elle est une transgression des normes, dans des espaces qu’elle veut réinvestir. C’est pourquoi, elle est souvent médiatisée comme un trouble à l’ordre public, comme une fête qui ne veut pas réunir mais au contraire diviser. C’est vrai que la fête comme « mascarade » a toujours été pensée comme une contestation qui passe par une volonté de se réapproprier l’espace public. Les banquets de 1848 face à l’interdiction des réunions publiques, les fêtes underground en Angleterre dans les années 1970, les gilets jaunes qui ont « improvisé des barbecues sur des lieux condamnés » pour « détourner de manière joyeuse des espaces qui semblent avoir été construits pour encastrer la tristesse dans le paysage » (Fœssel). Ou même les fêtes secrètes pendant le covid en 2020. Encore ce dimanche 23 novembre, la police est intervenue pour déloger une free party dans une forêt en Gironde. Ces fêtes ont pour point commun d’être toutes considérées, du moins dans un premier temps, comme un trouble à l’ordre public. C’est pourquoi leur médiatisation leur enlève ce caractère joyeux et festif. Si pour autant elles ne sont pas toutes politiquement subversives (la rave party n’est pas politique), elles s’improvisent dans des lieux en y créant quelque chose de collectif.
En mars dernier, Laetitia Saint-Paul, députée Horizons, proposait une loi à l’assemblée « visant à renforcer la pénalisation de l’organisation de rave-parties ». Les motifs ? « Lieux de dérapages où l’excès des substances et la perte de contrôle font oublier les véritables raisons de la fête ». L’Humanité rappelait que « même avant que cette loi ne soit ou non adoptée, les arrêtés préfectoraux pleuvent et interdisent les rave-parties de façon ponctuelle dans l’Hérault, la Haute-Marne, le Morbihan et l’Ille-et-Vilaine ». C’est sans doute dans ce paradoxe que la gauche peut réaffirmer sa stratégie politique de la fête : alors que la droite et l’extrême droite proposent de faire des fêtes traditionnelles, normées, encadrées, la gauche, elle, pense un monde qui conteste, fait unité et danse. La gauche manque sans doute de stratégies politiques sur la fête comme lieu d’appropriation et de résistance. N’est-ce pas ce qui la réunit chaque année à la Fête de l’Huma qui comptait cette année 610 000 participants (les fêtes de Stérin n’en compte qu’en moyenne 1500) ?
Sarah Durieux, militante féministe et autrice de Militer à tout prix (qui était l’invitée de La Midinale de Regards en mars dernier) écrivait en juin une tribune dans Libération appelant la gauche politique et militante à « ouvrir les portes plutôt que de faire passer un test de pureté à toute personne qui voudrait s’engager », à « défendre nos valeurs sans rien sacrifier, tout en élargissant le cercle de nos solidarités et en cherchant des alliés, pas des ennemis ». La gauche a des valeurs et des principes. Faire la fête, c’est la recherche de l’émancipation, c’est repenser les moyens d’inclure tout le monde dans ses cercles. La fête, c’est un moment de communauté, de présent et donc d’engagement. Dans leur vade-mecum Burn-out militant, Hélène Balazard et Simon Cottin-Marx écrivent : « Danser, chanter, rire sont des manières de symboliquement montrer que la joie et la paix vaincront ». Ils rappellent que des collectifs comme Planète BoumBoum, les réseaux CREFAD ou les karaokés de Solidaires à Marseille en ont fait une stratégie : lutter en dansant.
La fête doit redevenir une force politique. C’est en pensant la fête que la gauche réussira à se réancrer dans le réel. Dans son épilogue, Michaël Fœssel écrit que « le plaisir constitue […] une émotion sans laquelle un discours politique perd toute chance de rejoindre le réel ». Penser le futur, non pas dans le moralisme individuel ou dans la contrainte mais dans la démesure et dans le kiff collectif absolu : « C’est par là que les fêtes désorganisées, mais aussi les amours indifférentes aux frontières entre classes sociales, les bistrots improvisés sur les ronds-points, les poèmes écrits par les ouvriers ou les ruses gagnantes pour déjouer les absurdités managériales manifestent leur sens politique. Grandes ou petites, ces joies démontrent que tout, dans la société de consommation, n’est pas consommation ». En se réappropriant la fête dans sa stratégie politique, la gauche permettrait de lutter contre le libéralisme. Loin d’une rhétorique abstraite, elle rappellerait « la valorisation du fait d’avoir plus d’un seul corps, c’est-à-dire de ne plus attendre de sa seule force travail qu’elle paie ses jouissances, sépare une approche libertaire des mœurs d’une approche seulement libérale. » Et, « il y a des émotions joyeuses, conquises à la marge de la société et qui appellent sa transformation ».
11.12.2025 à 12:14
Catherine Tricot
L’Europe n’a pas qu’un ennemi : le chancelier allemand ouvre la boîte de Pandore du chacun-pour-soi face aux États-Unis… Alors que le projet européen, englué dans le néolibéralisme, a besoin d’une refondation radicale.
La publication de la nouvelle défense stratégique produit par l’administration Trump est un document politique, dense et extrêmement clair. Il s’appuie sur deux piliers : d’une part la défense des intérêts économiques américains, nationaux et entreprises privées confondus, avec affirmation d’un droit de préemption en particulier en Amérique latine ; d’autre part, un engagement politique tous azimuts en faveurs des « valeurs traditionnelles », contre le wokisme et contre l’immigration. Pour ce qui concerne les Européens, Donald Trump a fait une explication de texte dans un entretien publié par Politico. En parlant des dirigeants européens, il déclare : « Je pense qu’ils sont faibles […] Ils ne savent pas quoi faire », ajoute-t-il. Et il annonce « l’effacement civilisationnel » du vieux continent.
Depuis vendredi, jour de la publication de la stratégie américaine, le silence des chefs d’États et dirigeants de l’Union européenne semble lui donner raison. Ils ne savent pas quoi faire et hésitent sur l’attitude à adopter. Les réactions oscillent entre dédain et déni. Pour les uns, ce document ne serait pas digne des hautes qualités de l’administration américaine, ce ne serait qu’un « tract politique » ; pour les autres, dont la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, il ne faut pas trop s’en faire, les États-Unis restent notre « plus grand allié ».
Le chancelier allemand, Friedrich Merz, lui, a réagi… en deux temps. S’il juge « inacceptables certains aspects » du texte américain, il y voit aussi un confirmation de son « évaluation selon laquelle nous, en Europe, et donc aussi en Allemagne, devons devenir beaucoup plus indépendants des États-Unis en matière de politique de sécurité ». Selon lui, les États-Unis ont « aussi besoin de partenaires dans le monde, et l’Europe peut être l’un de ces partenaires »… La fin de la phrase ne se retrouve pas dans les journaux français alors qu’elle est abondamment commentée dans la presse allemande : « L’Europe peut être l’un de ces partenaires ; si vous ne savez rien faire avec l’Europe, alors faites au moins de l’Allemagne votre partenaire ».
L’Europe est au pied du mur. Notre faiblesse tient à la mise en œuvre radicale et sans nuance des préceptes néolibéraux. Il s’en est suivi une désindustrialisation catastrophique et une souffrance qui donnent des ailes aux extrêmes droites partout en Europe.
On peut continuer de faire l’autruche, ne pas voir que l’Europe est profondément, structurellement déstabilisée. Le chacun pour soi pourrait devenir la règle et renoncer à un espace qui permet d’agir sur les grands enjeux de notre époque : réchauffement climatique, recherche, numérique, luttes contre les inégalités, grand banditisme… Les esprits chagrins feront remarquer que les intérêts de l’Allemagne tels que la CDU les envisage sont déjà la principale boussole de l’UE. La politique de rigueur, la priorité aux exportations en sont des traductions concrètes. L’Europe est au pied du mur. Pour ne pas se désagréger, elle doit se refonder de fond en comble. Imaginer qu’une politique autonome de sécurité en serait le premier pilier est un gag. D’abord parce que cela n’en prend pas du tout la direction : Ursula von der Leyen a consenti cet été à acheter des armes américaines pour des centaines de milliers de dollars. Ces armes resteront sous contrôle américain. Ensuite parce que notre faiblesse tient à la mise en œuvre radicale et sans nuance des préceptes néolibéraux : concurrence généralisée, abaissement des coûts. Il s’en est suivi une désindustrialisation catastrophique et une souffrance qui donnent des ailes aux extrêmes droites partout en Europe.
La menace n’est pas pour demain. Évidemment, si la France passait sous la direction du RN, ce serait un tournant. Mais d’ores et déjà avec l’alliance droite/extrême droite, l’Europe met en œuvre une politique Omnibus qui défait tous les engagements environnementaux. L’État français l’initie bien souvent puis le soutient et l’encourage. Les obsessions trumpiennes gagnent du terrain. Les députés européens s’apprêtent à voter l’expulsion des « étrangers indésirables » vers des pays tiers, comme l’Angleterre l’a imaginée avec le Rwanda.
Faut-il encore se référer aux origines du projet européen ? Il est vrai que les discours sur les valeurs européennes (démocratie, État de droit, droits de la personne…) font parfois l’effet de masque devant la réalité des politiques. Mais ces valeurs,
11.12.2025 à 12:12
la Rédaction

par Catherine Tricot
La publication de la nouvelle défense stratégique produit par l’administration Trump est un document politique, dense et extrêmement clair. Il s’appuie sur deux piliers : d’une part la défense des intérêts économiques américains, nationaux et entreprises privées confondus, avec affirmation d’un droit de préemption en particulier en Amérique latine ; d’autre part, un engagement politique tous azimuts en faveurs des « valeurs traditionnelles », contre le wokisme et contre l’immigration. Pour ce qui concerne les Européens, Donald Trump a fait une explication de texte dans un entretien publié par Politico. En parlant des dirigeants européens, il déclare : « Je pense qu’ils sont faibles […] Ils ne savent pas quoi faire », ajoute-t-il. Et il annonce « l’effacement civilisationnel » du vieux continent.
Depuis vendredi, jour de la publication de la stratégie américaine, le silence des chefs d’États et dirigeants de l’Union européenne semble lui donner raison. Ils ne savent pas quoi faire et hésitent sur l’attitude à adopter. Les réactions oscillent entre dédain et déni. Pour les uns, ce document ne serait pas digne des hautes qualités de l’administration américaine, ce ne serait qu’un « tract politique » ; pour les autres, dont la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, il ne faut pas trop s’en faire, les États-Unis restent notre « plus grand allié ».
Le chancelier allemand, Friedrich Merz, lui, a réagi… en deux temps. S’il juge « inacceptables certains aspects » du texte américain, il y voit aussi un confirmation de son « évaluation selon laquelle nous, en Europe, et donc aussi en Allemagne, devons devenir beaucoup plus indépendants des États-Unis en matière de politique de sécurité ». Selon lui, les États-Unis ont « aussi besoin de partenaires dans le monde, et l’Europe peut être l’un de ces partenaires »… La fin de la phrase ne se retrouve pas dans les journaux français alors qu’elle est abondamment commentée dans la presse allemande : « L’Europe peut être l’un de ces partenaires ; si vous ne savez rien faire avec l’Europe, alors faites au moins de l’Allemagne votre partenaire ».
On peut continuer de faire l’autruche, ne pas voir que l’Europe est profondément, structurellement déstabilisée. Le chacun pour soi pourrait devenir la règle et renoncer à un espace qui permet d’agir sur les grands enjeux de notre époque : réchauffement climatique, recherche, numérique, luttes contre les inégalités, grand banditisme… Les esprits chagrins feront remarquer que les intérêts de l’Allemagne tels que la CDU les envisage sont déjà la principale boussole de l’UE. La politique de rigueur, la priorité aux exportations en sont des traductions concrètes. L’Europe est au pied du mur. Pour ne pas se désagréger, elle doit se refonder de fond en comble. Imaginer qu’une politique autonome de sécurité en serait le premier pilier est un gag. D’abord parce que cela n’en prend pas du tout la direction : Ursula von der Leyen a consenti cet été à acheter des armes américaines pour des centaines de milliers de dollars. Ces armes resteront sous contrôle américain. Ensuite parce que notre faiblesse tient à la mise en œuvre radicale et sans nuance des préceptes néolibéraux : concurrence généralisée, abaissement des coûts. Il s’en est suivi une désindustrialisation catastrophique et une souffrance qui donnent des ailes aux extrêmes droites partout en Europe.
La menace n’est pas pour demain. Évidemment, si la France passait sous la direction du RN, ce serait un tournant. Mais d’ores et déjà avec l’alliance droite/extrême droite, l’Europe met en œuvre une politique Omnibus qui défait tous les engagements environnementaux. L’État français l’initie bien souvent puis le soutient et l’encourage. Les obsessions trumpiennes gagnent du terrain. Les députés européens s’apprêtent à voter l’expulsion des « étrangers indésirables » vers des pays tiers, comme l’Angleterre l’a imaginée avec le Rwanda.
Faut-il encore se référer aux origines du projet européen ? Il est vrai que les discours sur les valeurs européennes (démocratie, État de droit, droits de la personne…) font parfois l’effet de masque devant la réalité des politiques. Mais ces valeurs, comme celles de notre République, sont encore des carburants pour refuser la guerre de tous contre tous – qu’elle soit chaude ou hybride, civilisationnelle ou commerciale. Il y a une urgence à proposer aux Européens cette refondation du projet. Il devra avoir la même ambition que celle qui posa les premières pierres. Qui va commencer ?
VENTE DU JOUR
Les actionnaires du PSG veulent racheter le Parc des Princes pour moderniser le stade et lui permettre d’accueillir davantage de monde. Sûrement aussi pour ne plus avoir subir quelque pression que ce soit de la part du propriétaire, la Ville de Paris, quant à la politique tarifaire par exemple ou autre naming publicitaire de l’enceinte. Du coup, ils menacent de partir pour Massy où ils posséderaient leur propre enceinte dont ils seraient maîtres de tout. Anne Hidalgo était catégorique : on ne vend pas le Parc. Mais son ancien poulain, devenu candidat à sa succession, Emmanuel Grégoire, change de ligne et propose une vente encadrée du stade au PSG qui, dès lors, pourrait rester à Paris. Il rejoint la position qu’avait exprimée Rachida Dati il y a quelques mois : comme d’autres bâtiments emblématiques avant lui comme la Bourse du Commerce devenue salle d’exposition pour Pinault, le Parc des Princes sortirait du domaine public. Chez les écologistes, David Belliard refuse, lui, toute cession et veut trancher par une consultation citoyenne offrant trois options, du maintien public à une gouvernance partagée avec supporters et club. Le communiste Ian Brossat propose d’associer les supporteurs via une forme d’actionnariat populaire inspirée des « socios », pour ancrer le stade dans le patrimoine commun. Quant à Sophia Chikirou, elle souhaite que le PSG reste à Paris… sans plus de précision à ce stade. Derrière ces lignes de fracture, c’est le statut d’un équipement populaire, bien commun à protéger ou actif à négocier, qui cristallise l’affrontement.
P.P.-V.

« Disunited Nations – Proche-Orient : l’ONU dans la tourmente », sur Arte. Rapporteuse spéciale de l’ONU pour la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese dénonçait dès mars 2024 un génocide à Gaza. Dans les pas de cette dernière, une plongée au cœur de la crise de l’institution, confrontée à son impuissance à empêcher le massacre de populations civiles.



Pour recevoir cette newsletter quotidiennement (et gratuitement) dans votre boîte mail, suivez le lien : regards.fr/newsletter !
10.12.2025 à 19:15
Pablo Pillaud-Vivien
Yannick Jadot, sénatrice écologiste de Paris, auteur de Climat : la drôle de guerre aux éditions Denoël, est l’invité de #LaMidinale.
10.12.2025 à 13:16
Pablo Pillaud-Vivien
La droite glisse vers l’extrême droite. Son nouveau pivot idéologique : les idées de Reconquête. Réussir là où Éric Zemmour a défriché.
Hier soir, 18 députés LR ont soutenu Sébastien Lecornu ; 28 se sont abstenus. Seuls trois ont voté contre le projet de budget de la Sécurité sociale. Bruno Retailleau, qui avait publiquement appelé à voter contre, est plus isolé que jamais parmi les députés LR. Ce vote en ordre dispersé est une nouvelle manifestation d’un parti qui se délite. Derrière les hésitations visibles et les guéguerres entre chefs de la droite, c’est pourtant bien un nuage de trajectoires qui convergent : une droite qui cherche à se réinventer en flirtant avec le RN, sans pour autant se livrer complètement.
On mesure le chemin parcouru depuis le « cordon sanitaire » de Jacques Chirac. Déjà en 2007, Nicolas Sarkozy avait changé son fusil d’épaule en siphonnant les voix de l’extrême droite, bricolant de facto une première fusion des imaginaires. Depuis, la droite zigzague : soutien à Emmanuel Macron pour éviter le gouffre, puis signaux en direction du RN. Les jalons sont connus : candidature de François Fillon en 2017 appuyée par la matrice catholique-conservatrice de la Manif pour tous ; Bruno Retailleau en était le porte-parole. Puis élection de Laurent Wauquiez, puis d’Éric Ciotti, puis de Bruno Retailleau à la direction des LR. De congrès en crises internes, la droite institutionnelle se déporte vers un bloc réactionnaire composite.
Pourtant, LR reste dans une position paradoxale. Malgré leur faiblesse, ceux qui rêvent d’une alliance des droites n’ont pas renoncé à la conduire. Si la mue culturelle est largement achevée, sa transposition dans l’espace politique reste à faire. Et l’affaire n’est pas simple.
Bruno Retailleau comme Marine Le Pen imagine une union par les électeurs : les deux camps ne veulent pas se compromettre ensemble. LR redoute de devenir supplétif d’un parti trop populaire ; le RN craint de se dissoudre dans une bourgeoisie réactionnaire. Jean-Marie Le Pen les avait mis en garde :« Ne pas devenir un parti de droite comme un autre ».
Laurent Wauquiez a des plans d’ores et plus précis. Il projette une grande primaire allant de Gérald Darmanin à Sarah Knafo, mais n’incluant pas le RN. LR veut aujourd’hui être ce que le candidat Reconquête n’a pas réussi à incarner : respectable, bourgeoise, lettrée, catholique, autoritaire et libérale, bref une extrême droite de salon, débarrassée de ce que le RN a de trop populaire et de trop social. Les évolutions du patronat accompagnent ce glissement : il entend bien obtenir une nouvelle radicalisation des politiques sociales et économiques. Eric Zemmour avait proposé cette synthèse : la droite bourgeoise, mais en plus dur. LR s’y installe désormais, avec plus d’habileté, parce qu’elle parle le langage des élites économiques. Avec le LR nouveau, le patronat trouve un bon cheval, bien qu’encore très faible.
Marine Le Pen n’a jamais voulu d’alliance avec Éric Zemmour. Sa stratégie est une alliance par le bas qu’elle a déjà largement gagnée. La confrontation avec LR est donc autant une concurrence électorale qu’une bataille sociologique. Jordan Bardella veut faire le pont, tout sourire sur TikTok et à l’aise dans les congrès du Medef.
Le RN avance. Sa banalisation est achevée, sa base populaire consolidée, sa ligne lisible. Ce n’est pas lui qui dérive vers la droite, c’est la droite qui s’y reformate. Après la dissolution par le macronisme, LR trouve sa place : être la droite radicale qu’Éric Zemmour n’a pas su devenir, être la respectabilité que Marine Le Pen n’endosse pas. Devenir l’extrême droite des beaux quartiers, celle qui réconcilie patrimoine et autorité. C’est un projet mais ça ne fait toujours pas beaucoup d’électeurs.
10.12.2025 à 13:15
la Rédaction

Hier soir, 18 députés LR ont soutenu Sébastien Lecornu ; 28 se sont abstenus. Seuls trois ont voté contre le projet de budget de la Sécurité sociale. Bruno Retailleau, qui avait publiquement appelé à voter contre, est plus isolé que jamais parmi les députés LR. Ce vote en ordre dispersé est une nouvelle manifestation d’un parti qui se délite. Derrière les hésitations visibles et les guéguerres entre chefs de la droite, c’est pourtant bien un nuage de trajectoires qui convergent : une droite qui cherche à se réinventer en flirtant avec le RN, sans pour autant se livrer complètement.
On mesure le chemin parcouru depuis le « cordon sanitaire » de Jacques Chirac. Déjà en 2007, Nicolas Sarkozy avait changé son fusil d’épaule en siphonnant les voix de l’extrême droite, bricolant de facto une première fusion des imaginaires. Depuis, la droite zigzague : soutien à Emmanuel Macron pour éviter le gouffre, puis signaux en direction du RN. Les jalons sont connus : candidature de François Fillon en 2017 appuyée par la matrice catholique-conservatrice de la Manif pour tous ; Bruno Retailleau en était le porte-parole. Puis élection de Laurent Wauquiez, puis d’Éric Ciotti, puis de Bruno Retailleau à la direction des LR. De congrès en crises internes, la droite institutionnelle se déporte vers un bloc réactionnaire composite.
Pourtant, LR reste dans une position paradoxale. Malgré leur faiblesse, ceux qui rêvent d’une alliance des droites n’ont pas renoncé à la conduire. Si la mue culturelle est largement achevée, sa transposition dans l’espace politique reste à faire. Et l’affaire n’est pas simple.
Bruno Retailleau comme Marine Le Pen imagine une union par les électeurs : les deux camps ne veulent pas se compromettre ensemble. LR redoute de devenir supplétif d’un parti trop populaire ; le RN craint de se dissoudre dans une bourgeoisie réactionnaire. Jean-Marie Le Pen les avait mis en garde :« Ne pas devenir un parti de droite comme un autre ».
Laurent Wauquiez a des plans d’ores et plus précis. Il projette une grande primaire allant de Gérald Darmanin à Sarah Knafo, mais n’incluant pas le RN. LR veut aujourd’hui être ce que le candidat Reconquête n’a pas réussi à incarner : respectable, bourgeoise, lettrée, catholique, autoritaire et libérale, bref une extrême droite de salon, débarrassée de ce que le RN a de trop populaire et de trop social. Les évolutions du patronat accompagnent ce glissement : il entend bien obtenir une nouvelle radicalisation des politiques sociales et économiques. Eric Zemmour avait proposé cette synthèse : la droite bourgeoise, mais en plus dur. LR s’y installe désormais, avec plus d’habileté, parce qu’elle parle le langage des élites économiques. Avec le LR nouveau, le patronat trouve un bon cheval, bien qu’encore très faible.
Marine Le Pen n’a jamais voulu d’alliance avec Éric Zemmour. Sa stratégie est une alliance par le bas qu’elle a déjà largement gagnée. La confrontation avec LR est donc autant une concurrence électorale qu’une bataille sociologique. Jordan Bardella veut faire le pont, tout sourire sur TikTok et à l’aise dans les congrès du Medef.
Le RN avance. Sa banalisation est achevée, sa base populaire consolidée, sa ligne lisible. Ce n’est pas lui qui dérive vers la droite, c’est la droite qui s’y reformate. Après la dissolution par le macronisme, LR trouve sa place : être la droite radicale qu’Éric Zemmour n’a pas su devenir, être la respectabilité que Marine Le Pen n’endosse pas. Devenir l’extrême droite des beaux quartiers, celle qui réconcilie patrimoine et autorité. C’est un projet mais ça ne fait toujours pas beaucoup d’électeurs.
RETOUR DU JOUR
De retour en Nouvelle-Calédonie après un an de détention provisoire à 17 000 kilomètres des siens, Christian Tein n’a pas choisi l’esbroufe, mais le durcissement assumé. A peine rentré dans l’archipel, le président du FLNKS a repris la main sur un mouvement profondément fracturé. Au congrès de son parti ce week-end, il a rappelé l’objectif central de pleine souveraineté et a fixé l’horizon d’une indépendance avant 2027, tout en brandissant la possibilité d’un recours unilatéral au droit à l’autodétermination en cas d’échec du dialogue avec l’État. Pour une part décisive du camp indépendantiste, la séquence ouverte par l’accord de Bougival est d’ores et déjà refermée. La France ne devrait pas sous-estimer la profondeur de la demande de décolonisation.
P.P.-V.

« Avant la catastrophe : la naissance de la dictature nazie 1933 – 1936 », sur LCP. Un documentaire passionnant sur la presse étrangère en Allemagne dans les premiers temps du pouvoir hitlérien… Il raconte l’aveuglement d’une grande partie des médias devant les succès économiques ou industriels du dictateur. Toutes choses étant égales par ailleurs, c’est bien dans cet aveuglement que sombrent nombre de correspondants aujourd’hui à Rome.



Pour recevoir cette newsletter quotidiennement (et gratuitement) dans votre boîte mail, suivez le lien : regards.fr/newsletter !