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04.12.2024 à 21:37

Une planification sociale pour répondre à la crise de l’exclusion sociale

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La pauvreté progresse, à nouveau, en France. En 2021, 500 000 personnes sont tombées sous le seuil de pauvreté monétaire, fixé à 60 % du niveau de vie médian, soit 1 158 euros par mois pour une personne seule. Rupture de la continuité de l’accès aux droits pendant la crise du Covid-19, forte hausse du coût de la vie du fait de la crise énergétique, les plus fragiles ont vécu au premier chef la succession de bouleversements économiques et sociaux du dernier quinquennat. Pour n’évoquer que l’exemple inflationniste, on rappellera que la hausse des prix est ressentie avec une intensité deux fois plus importante pour 18 % des ménages[1], parmi les plus précaires, en raison de leur impossibilité à adapter leur régime de consommation, déjà restreint par leur salaire, à la hausse des prix. Ce ressac doit nous interpeller à l’heure même où la richesse nationale n’a jamais été aussi élevée et où sa concentration est toujours plus intense – plus d’un tiers de la richesse nationale étant détenu par 10 % de la population[2]. Le parti pris de cette note réside dans l’idée que la croissance de la pauvreté, en France, répond moins à des enjeux de conjoncture qu’à une structure de société. En effet, en dépit d’une générosité – somme toute assez relative –, le système social français ne parvient pas à endiguer les tendances économiques d’exclusion de l’emploi stable, de mise à la rue et de maintien des personnes dans des situations de dépendances douloureuses à des filets de sécurité sociale dont les mailles s’élargissent. Lutter contre la pauvreté ne devrait pas se limiter à une simple politique de transferts sociaux, évidemment nécessaire, mais bien s’inscrire dans une révision profonde de notre modèle économique, de notre rapport à la richesse – indicateur de la position sociale – et à son absence qui condamnerait les individus pauvres à une situation « d’individualité par défaut »[3]. Perte d’habileté physique, sociale, isolement, multiplication des troubles psychiques, la pauvreté est, en effet, toujours plus qu’une simple absence de richesse pour l’individu. Elle emporte un changement de son rapport au temps en le poussant vers la satisfaction exclusive de ses besoins présents[4]. Elle humilie l’individu « désaffilié »[5] en le soumettant à une tutelle spécifique – sociale voire clinique – tantôt paternaliste, tantôt excluante, toujours imposée. Enfin, elle le touche jusque dans l’accomplissement de ses tâches les plus intimes et se faisant, porte atteinte à sa dignité, donc à son humanité[6]. Lutter efficacement contre la pauvreté suppose donc de prendre conscience du clivage contemporain entre des « vécus dignes » et des « vies indignes »[7], que ne pourra dépasser la politique actuelle de transferts monétaires grimée d’injonctions à l’insertion. C’est bien par une mobilisation générale, partagée par les associations et le secteur privé, coordonnée et impulsée par les institutions, que la lutte contre la pauvreté pourra se mettre au niveau d’exigence imposé par les temps. L’exercice de planification solidaire que nous proposons vise à traduire, en termes organisationnels et politiques, ce sursaut. À cet effet, il propose de renforcer les instruments existants de la lutte contre la pauvreté, d’en clarifier la gouvernance et d’en multiplier les partenaires citoyens, associatifs et du secteur privé. À l’urgence écologique, le président de la République a répondu : planification écologique. Nous sommes, pour ce qui nous concerne, convaincus qu’à l’urgence sociale doit répondre une planification sociale concrète, immédiate, engagée sur une trajectoire minimale de cinq ans avec comme horizon l’éradication de la grande pauvreté d’ici à 2030. I. Constats : si la lutte contre la pauvreté constitue le fondement de la promesse républicaine des « secours publics », son caractère prioritaire n’est, pour autant, pas reconnu comme tel par les pouvoirs publics À l’occasion d’une intervention à la radiotélévision publique, le président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), Pascal Brice, s’inquiétait, en réaction au discours de politique générale du Premier ministre de l’époque, Gabriel Attal, d’une tendance à l’opposition de la classe moyenne de l’entre-deux, vivant péniblement de son travail, et des classes populaires, coûteuses en prestations de solidarité et présumées oisives[8]. S’il est évident que cette polarisation n’est pas récente – l’opposition entre le « bon pauvre » jugé méritant et l’oisif profiteur du système étant aussi ancienne que la création des premiers revenus d’assistance[9] – le risque actuel réside dans un diagnostic erroné des causes de l’exclusion et, de ce fait, dans la formulation de solutions qui contribueraient à aggraver l’intensité du problème. A. La lutte contre la pauvreté souffre d’une perception faussée, limitée à l’analyse de l’évolution des seuils monétaires par les pouvoirs publics Phénomène social protéiforme dont les ressorts et les processus renvoient à des facteurs historiques, économiques, familiaux, de genre et d’origine multiples, l’exclusion sociale[10] se caractérise donc par une myriade de définitions. Le sociologue Julien Damon, dans un article pour la revue Constructif, rassemble les différentes définitions de la pauvreté dans trois catégories : la pauvreté administrative, la pauvreté monétaire, la pauvreté comme représentation[11]. On pourrait ajouter à ces catégories le caractère socialement héréditaire d’un tel phénomène[12], tant il est difficile pour un exclu d’inverser la trajectoire sociale. La pauvreté marque la vie intérieure d’une insécurité mentale, émotionnelle, dont l’intensité varie évidemment selon les dispositions des personnes et leur trajectoire. La pauvreté existe donc au pluriel, ce dont les appareils statistiques peinent, parfois, à rendre compte. 1. La pauvreté monétaire, une mesure indispensable mais insuffisante pour rendre compte de l’ampleur du phénomène En termes quantitatifs, la pauvreté hexagonale est définie comme l’ensemble des personnes dont le niveau de revenu mensuel est inférieur au seuil de 60 % du revenu médian, soit 1158 euros par mois[13]. Ainsi, la pauvreté monétaire conçue suivant cette définition toucherait 9,1 millions de personnes, soit 14,6 % de la population active. Toutefois, son intensité varie selon les territoires ; en Outre-mer, la grande pauvreté – déterminée par une situation de privations associée à un niveau de vie inférieur à 50 % du revenu médian – atteint des seuils cinq à dix fois supérieurs[14] à ceux de la population en métropole[15]. Si le seuil métropolitain du niveau de vie était retenu, celui-ci serait incontestablement encore plus élevé. En outre, certaines configurations

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28.11.2024 à 08:30

Une poignée d’investisseurs contrôle les plus grandes entreprises pétrolières : que faire ?

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🇫🇷 🇬🇧 Par Robert I. Bell, Professeur de management au Brooklyn College, City University of New York Résumé Dans un contexte où les grandes entreprises pétrolières mondiales sont dominées par une petite poignée d’investisseurs institutionnels, une réforme fiscale ambitieuse, mêlant crédit d’impôt et taxation différentielle des rachats d’action, pourrait jouer un rôle essentiel dans la redirection de leurs investissements vers les énergies renouvelables. Les cinq plus grandes entreprises pétrolières mondiales — Exxon, Chevron, TotalEnergies, BP et Shell — sont aujourd’hui contrôlées par un nombre restreint d’investisseurs institutionnels : 25 au total, détenant entre 38 % et 50 % de leurs actions [1]. Bien que ces investisseurs varient, on observe une forte homogénéité parmi eux, avec la présence systématique de grands noms tels que BlackRock, JP Morgan Chase et Vanguard. De ce fait, un petit groupe d’investisseurs domine de manière effective l’industrie pétrolière mondiale, et les dirigeants de ces entreprises œuvrent en priorité pour satisfaire leurs intérêts. Pourquoi cette concentration pose-t-elle problème ? Influence politique excessive Tout d’abord, ces géants pétroliers exercent une influence politique considérable à l’échelle mondiale. Un exemple récent l’illustre bien : en avril 2024, Donald Trump a organisé un dîner avec une vingtaine de dirigeants de l’industrie pétrolière dans son domaine en Floride, leur demandant un milliard de dollars pour financer sa campagne présidentielle [2]. En retour, il a promis de supprimer l’Inflation Reduction Act (IRA) de Joe Biden ainsi que d’autres mesures visant à limiter le réchauffement climatique et à réduire la pollution. Trump, quel que soit son niveau d’intelligence, sait où se trouve l’argent et l’influence qu’il peut acheter. Obstacle à la transition vers les énergies renouvelables Cette structure de propriété empêche ensuite les grandes compagnies pétrolières de se reconvertir vers les énergies renouvelables. Bien que certains des 25 investisseurs puissent être des idéologues néolibéraux, la plupart d’entre eux ne poursuivent qu’un seul objectif : maximiser les profits de leurs actionnaires. Les compagnies pétrolières leur offrent une source de profits régulière et importante. Les véhicules, avions, navires et produits pétrochimiques — notamment le plastique — assurent à l’industrie pétrolière des bénéfices presque garantis. Et lorsque ces bénéfices ne suffisent pas, les compagnies rachètent leurs propres actions et versent des dividendes généreux, souvent à titre exceptionnel. Par conséquent, seule une très faible part des bénéfices générés par ces entreprises est réinvestie dans les énergies renouvelables. Personne n’a besoin d’être un idéologue pour que ce système perdure : les cadres supérieurs de ces entreprises préservent leur emploi en travaillant pour les actionnaires (c’est-à-dire les 25) et les actionnaires (c’est-à-dire les 25) travaillent simplement pour leurs investisseurs. En d’autres termes, chacun est responsable devant quelqu’un d’autre et a une bonne raison de ne pas se préoccuper du tableau d’ensemble. Absence de volonté de lutte contre le réchauffement climatique Ces investisseurs ne semblent pas non plus préoccupés par la crise climatique immédiate. Heather Zichal, responsable mondial du développement durable chez JPMorgan Chase & Co, l’un des principaux actionnaires de ces géants, l’a confirmé dans une interview accordée à Bloomberg lors de la semaine du climat en septembre 2024 : « Nous nous concentrons sur ce que nous pouvons contrôler, à savoir maximiser le rendement du capital » [3]. Plutôt que de réorienter leurs investissements vers les énergies renouvelables, ces institutions préfèrent continuer à canaliser les flux de trésorerie des entreprises pétrolières vers leurs portefeuilles d’actions, contribuant ainsi à l’immobilisme de ces structures. Potentiel des Supermajors pour la transition énergétique Cela est d’autant plus regrettable que les supermajors disposent des ressources et des compétences nécessaires pour contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique, notamment grâce à leur expertise dans les technologies offshores, qui pourraient être utilisées pour développer des parcs éoliens flottants. Cependant, des entreprises comme Equinor ont malheureusement utilisé cette expertise pour continuer à exploiter le pétrole en mer, masquant ainsi un greenwashing déguisé [4]. D’autres entreprises, comme Orsted [5], ont choisi une voie plus radicale en se reconvertissant vers les énergies renouvelables, mais ces efforts restent isolés. Il convient d’ailleurs de souligner que si Orsted est détenue majoritairement par le gouvernement danois, Equinor est détenue à 67 % par le gouvernement norvégien. Les recettes du gouvernement norvégien provenant d’Equinor sont ainsi reversées au fonds de pension gouvernemental (Government Pension Fund Global), géré par la Norge Bank. Son site web indique que « ces dépôts représentent moins de la moitié de la valeur du fonds. La majeure partie a été gagnée en investissant dans des actions, des titres à revenu fixe, des biens immobiliers et des infrastructures d’énergie renouvelable » [6] [7]. Cela dit, le fonds, outre les revenus qu’il tire du pétrole et du gaz naturel norvégiens, détient des parts importantes dans Shell, TotalEnergies, Chevron et Exxon [8]. Ainsi, si le pays a su éviter la « malédiction du pétrole » en réinvestissant une partie de ses profits dans des infrastructures durables, une part importante de ses revenus conduit à propager les effets néfastes du réchauffement climatique à l’échelle mondiale. Le gouvernement norvégien ne semble pas pressé de faire évoluer cet état de fait. Que faire ? Le système financier mondial est si inertiel que toute tentative de s’attaquer à la concentration de la propriété des entreprises pétrolières, ou à la question des « 25 » actionnaires, semble presque irréalisable à première vue. Les mouvements de désinvestissement ont tenté d’aborder cette question sous un angle moral, mais sans grand succès. Une approche plus pragmatique, qui considérerait la question sous l’angle financier et fiscal, pourrait-elle être plus efficace ? L’objectif ne devrait en effet peut-être pas être de faire sortir les investisseurs du pétrole, mais de faire sortir les compagnies pétrolières elles-mêmes du pétrole. La taxe sur le rachat d’actions : effet Robin des Bois ou piège fiscal ? La réaction des gilets jaunes à une taxe sur le diesel nous a appris qu’une taxe ciblée sur le carbone, qui peut être facilement présentée comme frappant de manière disproportionnée ceux qui se considèrent comme des pauvres, est une très mauvaise idée sur le plan politique. En revanche, une taxe sur les

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