13.06.2025 à 17:33
Cinq ans après avoir accueilli les Jeux olympiques de Tokyo de 2020, et quatre ans après les Jeux paralympiques de 2021, le Japon prend enfin des mesures pour protéger les athlètes contre les abus dans le sport. Ce mois-ci, le Parlement japonais (« Kokkai », ou Diète nationale) a adopté une révision de la Loi fondamentale sur le sport (« Basic Act on Sport ») de 2011. Cet amendement législatif exige du gouvernement japonais, au niveau national et local, qu'il adopte des mesures contre toute forme d'abus physique ou sexuel, ainsi que contre les violences verbales et d’autre abus commis par des entraîneurs et d'autres personnes en position de pouvoir dans le monde du sport.
En juillet 2020, Human Rights Watch a publié un rapport documentant le recours aux châtiments corporels dans le sport au Japon ; le rapport dénonçait les abus systémiques envers les enfants dans le cadre des entraînements sportifs, du niveau scolaire jusqu'aux institutions d'élite. Nous avons appelé à l'interdiction de toute forme d'abus envers les enfants athlètes dans le sport organisé. Peu après, nous avons lancé avec des organisations partenaires, la campagne internationale #AthletesAgainstAbuse (« Athlètes anti-abus »), visant à mettre fin aux abus dans le sport.
Ces réformes restent tout à fait nécessaires. En avril dernier au Japon, un entraîneur de baseball d'un lycée a été sanctionné pour avoir giflé des joueurs. En février, un entraîneur de kendo dans un collège a été sanctionné pour avoir frappé des élèves avec un « shinai » (bâton de kendo) et refusé de laisser boire de l'eau à un élève malade pendant un entraînement d'été.
Des initiatives courageuses prises par des athlètes japonais, ainsi que des pressions nationales et internationales, ont contribué à accélérer la réforme juridique.
En août 2020, le Comité international olympique a demandé au Comité olympique japonais de mettre fin aux abus et au harcèlement dans le sport japonais. En avril 2023, six grandes instances sportives japonaises ont lancé la campagne « Non au harcèlement sportif » pour sensibiliser le public à ce problème.
D’autres acteurs ont aussi agi dans ce sens. L’Agence japonaise des sports (Japan Sports Agency, JSA), chargée de la promotion du sport dans ce pays, a publié une liste de lignes d'assistance téléphonique pour signaler les abus pour chaque organisation sportive. L’Association japonaise des sports (Japan Sport Association, JSPO), a mis en place un code disciplinaire pour les entraîneurs. La JSA prévoit également d'établir des lignes directrices concernant des sanctions disciplinaire en cas d’abus commis par des entraîneurs dans les écoles.
L'amendement à la Loi fondamentale sur le sport pourrait marquer un tournant et mettre fin à la tradition du recours à la violence physique comme technique d'entraînement. Mais le Premier ministre japonais Shigeru Ishiba ne devrait pas s'arrêter là. Pour lutter contre les abus dans le sport, il devrait également créer un organisme indépendant chargé exclusivement de signaler et de sanctionner les abus envers les enfants dans le sport. Ce serait une importante avancée si le Japon souhaite sérieusement mettre fin aux abus envers ses athlètes.
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13.06.2025 à 16:29
Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies a rendu une décision historique, tenant le Guatemala responsable de la violation des droits de Fátima, une adolescente de 13 ans contrainte de poursuivre une grossesse suite à un viol et de devenir mère alors qu'elle était encore enfant. Cette décision met en évidence la nécessité pour le Guatemala d'agir pour prévenir les violences sexuelles et garantir que les survivantes, en particulier les filles, reçoivent le soutien et la justice qu'elles méritent.
Le Comité a estimé que l'absence d'enquête du Guatemala sur les nombreux viols subis par Fátima et l'absence de poursuites contre l'auteur des viols, un enseignant ayant aussi travaillée comme fonctionnaire pour l’Etat, constituaient une violation des droits de Fátima au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Comité a conclu que son droit à une vie digne avait été lésé en raison de l'impact de la grossesse, due à un viol, sur sa santé mentale, physique et sociale, ainsi que sur d’autres facettes de sa vie. Le Comité a souligné que le fait de forcer Fátima à mener sa grossesse contre son gré l'avait soumise à des traitements assimilables à de la torture et avait mis sa vie en danger. Le Comité a en outre constaté que Fátima manquait de recours efficaces en raison de l'incapacité du gouvernement à lui garantir l'accès à une éducation sexuelle complète et à l'avortement. Bien que le cadre juridique guatémaltèque autorise l'avortement thérapeutique – une option envisageable en cas de risque vital pour la personne enceinte –, les filles ne sont souvent pas informées de leur droit à ces soins, ce qui les prive de fait du soutien nécessaire.
Le cas de Fátima illustre une tendance plus large à la violence sexuelle, un problème omniprésent et systémique au Guatemala. Entre 2018 et 2024, 14 696 filles de moins de 14 ans ont accouché et sont devenues mères, souvent contre leur gré. Les recherches de Human Rights Watch montrent que les filles ayant subi des violences sexuelles au Guatemala sont souvent exclues de l'éducation, peinent à accéder aux soins de santé et à la sécurité sociale, et se heurtent à d'énormes obstacles pour accéder à la justice. Le Guatemala manque d'une approche centrée sur les droits des enfants et tenant en compte les questions liées au genre, face au problème des violences sexuelles. Les filles autochtones et les filles malentendantes sont confrontées à des difficultés supplémentaires en raison des barrières linguistiques, entre autres.
La récente décision du Comité des droits de l'homme des Nations Unies représente une étape cruciale dans la défense des droits des femmes et des filles au Guatemala et est le fruit de plusieurs années de plaidoyer du mouvement « Niñas, No Madres » (« Des filles, pas des mères »).
Le Guatemala a besoin de réformes globales pour mieux prévenir les violences sexuelles, notamment contre les filles, et pour garantir aux filles un accès complet aux soins de santé, à l'éducation, à la sécurité sociale et à la justice, y compris à des réparations adéquates.
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12.06.2025 à 09:30
(Nairobi, 12 juin 2025) – Les élections législatives et communales qui se sont tenues au Burundi le 5 juin se sont déroulées dans un contexte de restrictions sévères à la liberté d'expression et de l'espace politique, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.
La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a annoncé lors d’une conférence de presse le 11 juin que le parti au pouvoir avait remporté 96,5 pour cent des voix et la totalité des sièges élus à l'Assemblée nationale. Le parti au pouvoir a aussi remporté la quasi-totalité des sièges au niveau communal. Des responsables du parti au pouvoir et des jeunes ont intimidé, harcelé et menacé la population et censuré la couverture médiatique afin d'assurer une victoire écrasante.
« Les Burundais ont voté lors d'une élection sans véritable concurrence politique, permettant au parti au pouvoir de consolider davantage son contrôle », a déclaré Clémentine de Montjoye, chercheuse senior sur les Grands Lacs à Human Rights Watch. « Face aux frustrations grandissantes suscitées par l'aggravation de la crise économique et les manquements systémiques à l’égard des droits humains, le parti au pouvoir n'a pris aucun risque lors de ces élections. »
Le Conseil national de défense de la démocratie–Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD), au pouvoir au Burundi depuis 2005, a cherché à démanteler toute opposition réelle, y compris de la part de son principal rival, le Congrès national pour la liberté (CNL). Plusieurs partis d'opposition, dont le CNL, le Conseil des Patriotes (CDP) et l'Union pour le progrès national (UPRONA), ont dénoncé des irrégularités lors du scrutin. Des élections sénatoriales et d'autres élections locales sont prévues respectivement pour le 23 juillet et le 25 août, et la prochaine élection présidentielle se tiendra en 2027.
Dans les jours qui ont suivi le scrutin, Human Rights Watch a mené des entretiens avec des activistes locaux, des journalistes, des citoyens et un membre de la ligue des jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure, qui ont fait état d'actes d'intimidation et d'irrégularités aussi bien pendant la période préélectorale que pendant le scrutin.
Des médias et récits de témoins indiquent que le scrutin du 5 juin a été largement dominé par le parti au pouvoir. « Les Imbonerakure se tenaient devant le bureau de vote et disaient aux gens de voter pour le parti au pouvoir », a déclaré un électeur dans la ville de Bururi. « Tous les agents au bureau de vote étaient membres du parti au pouvoir. Le chef du bureau de vote m'a lui-même dit de voter pour le parti au pouvoir. »
Des personnes interviewées à Bujumbura, la plus grande ville du pays, ainsi qu’à Cibitoke et Rumonge ont décrit des scènes similaires dans leurs bureaux de vote. Une organisation de la société civile burundaise a fait état des mêmes pratiques à Bubanza, Gitega, Makamba et Ngozi. « On nous a dit de faire tout ce qui était nécessaire pour que les gens votent uniquement pour le CNDD-FDD », a déclaré un membre des Imbonerakure.
Des partis d'opposition et des témoins ont déclaré que des représentants de partis d'opposition, des journalistes et des observateurs ont été empêchés d'entrer dans des bureaux de vote, y compris pendant le dépouillement des votes.
Dans plusieurs communes, le nombre de votes exprimés aurait dépassé le nombre d'électeurs inscrits. Des médias et des témoins ont également fait état de bourrage d'urnes et de distribution sélective des cartes d'électeur, empêchant les membres de l'opposition de voter.
Une coalition de stations de radio, de chaînes de télévision et de journaux imprimés ou en ligne a coordonné la couverture des élections, qui aurait été financée par le ministère de la Communication, des Technologies de l’Information, et tous les contenus produits devaient être soumis à une équipe éditoriale centrale, qui censurait les reportages qui ne correspondaient pas au discours officiel, selon des médias. Un journaliste a déclaré à Human Rights Watch que des responsables de la CENI ont demandé aux médias « de ne pas parler des irrégularités ».
En décembre, la CENI a rejeté les candidatures de membres de l'opposition, notamment des membres de la coalition d'opposition Burundi pour tous (Burundi Bwa Bose en Kirundi) et du CNL, qui souhaitaient se présenter aux élections de juin, écartant ainsi les principales voix de l'opposition. Certains ont pu faire recours de cette décision devant la Cour constitutionnelle, mais Agathon Rwasa, arrivé second à la dernière élection présidentielle et ancien dirigeant du CNL, et d’autres étaient toujours interdits de se présenter.
En janvier 2024, le ministre de l'Intérieur a accusé le CNL de collaborer avec une organisation terroriste, à la suite de quoi l'assemblée générale du parti a voté la destitution d'Agathon Rwasa de ses fonctions de dirigeant. En avril 2024, le Burundi a adopté un nouveau code électoral qui a considérablement augmenté les frais d'inscription des candidats et imposé aux personnes ayant quitté un parti politique d'attendre deux ans avant de pouvoir se présenter à nouveau, empêchant ainsi Agathon Rwasa de se présenter.
Les autorités, aidées par les Imbonerakure, ont forcé la population à s'inscrire sur les listes électorales fin 2024, selon des informations relayées par les médias et des témoignages. « La population voulait montrer qu'elle ne voyait pas l'intérêt de ces élections et a tenté de boycotter le processus d'inscription », a déclaré un observateur à Cibitoke. « Les gens ont été forcés [de s'inscrire], empêchés d'accéder aux marchés, aux centres de santé, aux services administratifs ou d'aller aux champs. Les Imbonerakure étaient partout pour intimider les gens. »
L'Union africaine a déployé une mission d'observation et publié un rapport préliminaire le 7 juin, saluant le déroulement « pacifique » des élections législatives et communales au Burundi. L’UA a également salué le taux de participation élevé, le « climat de liberté et de transparence » et la couverture médiatique. Cette évaluation contraste fortement avec le propre cadre normatif de l'UA en matière de démocratie, d'élections et de droits humains, qui promeut des processus électoraux crédibles, inclusifs et transparents. La Conférence internationale sur la région des Grands Lacs et la Communauté économique des États de l'Afrique centrale ont également déployé des missions d'observation. L'Église catholique, qui a critiqué les élections précédentes au Burundi, a déployé des observateurs, mais certains ont été refoulés des bureaux de vote.
Les élections générales de mai 2020 s’étaient déroulées dans un climat très répressif, entaché d'allégations d'irrégularités. Tout au long de la période préélectorale, des membres des Imbonerakure avaient commis de nombreux abus, en particulier à l'encontre de personnes perçues comme opposées au parti au pouvoir, y compris des meurtres, des disparitions forcées, des arrestations arbitraires, des passages à tabac, et des actes d’extorsion et d'intimidation.
Des Burundais ont déclaré à Human Rights Watch qu'ils ressentaient une frustration grandissante à l'égard de la gouvernance du parti au pouvoir, dans un contexte où la population est confrontée à un taux d'inflation annuel de 40 %, à des pénuries chroniques, à des écarts importants entre les taux de change officiels et officieux, à des réserves limitées de devises étrangères et à une crise du carburant qui paralyse les transports depuis des années. L’aggravation du conflit en République démocratique du Congo voisine, qui a compromis le commerce transfrontalier et provoqué l'arrivée de plus de 70 000 réfugiés et demandeurs d’asile depuis janvier 2025, ainsi que la réduction des financements des bailleurs de fonds, ont encore aggravé la situation.
En février, les autorités burundaises ont expulsé du pays la directrice et une chargée de sécurité du Programme alimentaire mondial des Nations Unies, après qu’elles eurent conseillé au personnel de faire des réserves de produits de première nécessité. La société civile et des figures de l'opposition continuent de signaler des cas de harcèlement, d'extorsion, de détentions arbitraires et de passages à tabac perpétrés par les Imbonerakure et les autorités, alors que le gouvernement reste profondément hostile à toute critique, réelle ou perçue.
L'article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Burundi est un État partie, stipule que « Tout citoyen a le droit et la possibilité ... [de] voter et d'être élu, au cours d'élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l'expression libre de la volonté des électeurs. »
« La démocratie burundaise a été vidée de sa substance, avec un parti au pouvoir qui ne rend pas de comptes à son peuple et qui refuse toute dissidence, alors même que le désespoir lié à la situation économique s’accroit » a conclu Clémentine de Montjoye. « En l'absence d'une opposition crédible, ces élections ne font que renforcer le pouvoir autoritaire et plongent davantage les Burundais dans une crise profonde de gouvernance. »