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24.06.2025 à 06:00

Accord d'association avec Israël. L'Union européenne dos au mur

Andrea Teti
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Le Conseil des affaires étrangères de l'Union européenne (UE) a décidé, le 20 mai 2025, la révision de l'accord d'association avec Israël, qui fait de celui-ci un partenaire privilégié de l'UE. Le service diplomatique de l'UE a présenté lundi 23 juin un rapport accablant, confirmant les accusations contre Israël de plusieurs crimes internationaux. Pour autant, rien ne garantit que cela aboutira à sa suspension. Après près de 20 mois de dévastation sans précédent à Gaza, il est normal — et (…)

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Texte intégral (1738 mots)

Le Conseil des affaires étrangères de l'Union européenne (UE) a décidé, le 20 mai 2025, la révision de l'accord d'association avec Israël, qui fait de celui-ci un partenaire privilégié de l'UE. Le service diplomatique de l'UE a présenté lundi 23 juin un rapport accablant, confirmant les accusations contre Israël de plusieurs crimes internationaux. Pour autant, rien ne garantit que cela aboutira à sa suspension.

Après près de 20 mois de dévastation sans précédent à Gaza, il est normal — et humain — d'accueillir favorablement le vote de 17 États membres de l'Union européenne1 pour réévaluer l'accord d'association avec Israël2. Toute mesure susceptible de mettre fin à cette destruction désolante, toute action qui reconnaît les droits humains des Palestiniens et qui affirme que le droit international est réellement le même pour tous, ne peut qu'être saluée.

Cependant, les signaux d'alarme retentissaient déjà à la veille du vote. En effet, évaluer l'accord n'est pas — ou ne devrait pas être — une nouveauté. Comme tous les accords d'association avec des pays tiers, celui avec Israël comporte des « conditionnalités », c'est-à-dire des critères qui doivent être évalués chaque année et qui peuvent conduire à un approfondissement de la coopération ou à des reculs. L'article 2 de l'accord avec Israël stipule que les relations bilatérales dépendent du respect des droits humains.

L'UE est donc tenue de procéder à ce type d'évaluation. Ce qui est extraordinaire, ce n'est pas le vote pour une révision de l'accord, mais le fait qu'une telle évaluation sérieuse n'ait jamais été effectuée auparavant. Et que la litanie des violations des droits humains et du droit international, bien avant 2023 — sans parler des 20 derniers mois — n'a jamais déclenché l'application de ces critères.

Une ambiguïté structurelle

L'UE n'a, en réalité, jamais eu l'intention réelle de rendre ces « conditionnalités » effectives, puisqu'elle n'a jamais défini clairement les paramètres des évaluations annuelles. Les 17 États signataires et l'Union dans son ensemble ont donc systématiquement fermé les yeux sur des décennies de violations des droits humains en Israël/Palestine — ainsi que dans tous les autres pays avec lesquels l'UE a signé des accords d'association. Et rien n'indique qu'ils soient prêts à changer de cap avec ce vote.

Israël ne bénéficie pas d'un traitement de faveur en ce qui concerne la « souplesse » intrinsèque à la structure des accords d'association ; il en bénéficie, en revanche, en termes de non-application flagrante du droit international et du droit international humanitaire. Au contraire, cette flexibilité — ou ambiguïté — est une caractéristique structurelle de ce type d'accords, qui profite également, par exemple, au régime égyptien. Malgré la répression extrême dont il fait preuve, celui-ci demeure pour l'UE un « partenaire sûr ».

Tout aussi creuses sont les déclarations du gouvernement britannique, qui suspend les négociations commerciales avec Israël — mais pas les échanges commerciaux eux-mêmes — et convoque l'ambassadeur israélien, tout en menant quelques heures plus tard un énième vol de renseignement au-dessus de Gaza, l'un des plus de 500 vols effectués en soutien à Israël depuis octobre 20233. Londres continue également de fournir des armes à Israël. Il en va de même pour le communiqué « ferme » de la France, du Canada et du Royaume-Uni, qui ne s'oppose qu'à une intensification de la dévastation — non à la dévastation elle-même ni aux violations flagrantes du droit humanitaire international commises jusqu'à présent.

En apparente contradiction, la déclaration du premier ministre espagnol Pedro Sánchez selon laquelle son pays « ne fait pas affaire avec un État génocidaire » a été rapidement contredite par la députée Podemos et ancienne ministre Ione Belarra, qui a énuméré plus de 40 contrats toujours en vigueur entre l'État espagnol (ou des entités privées) et l'État israélien, dans les domaines de l'armement et du renseignement. Des accords signés avant et après la déclaration du gouvernement Sánchez, selon laquelle les contrats de fourniture d'armes vers Israël — ainsi que les achats à Israël — seraient suspendus. Une coopération militaire et technologique que poursuivent également l'Allemagne et l'Italie, rendant ainsi ces gouvernements légalement complices des crimes commis par les forces israéliennes.
Le vote du Conseil des affaires étrangères de l'UE, tout comme les prises de position mentionnées ci-dessus, apparaît ainsi comme totalement superficiel, sans conséquences concrètes. L'Allemagne et l'Italie y ont par ailleurs opposé un refus.

Appliquer le droit international

Si les gouvernements européens veulent vraiment envoyer un message clair, ils doivent commencer par faire ce à quoi ils sont déjà légalement tenus, à la fois en vertu des dispositions de l'accord et de celles du droit international humanitaire, à savoir :

  • 1. Suspendre les contrats de fourniture d'armes et de technologies de surveillance avec les entreprises israéliennes publiques, parapubliques ou privées ;
  • 2. Suspendre le soutien et la coopération en matière de renseignement ;
  • 3. Appliquer les normes de l'UE déjà en vigueur concernant les échanges commerciaux, culturels et de recherche avec les institutions israéliennes publiques et privées présentes dans les territoires palestiniens occupés.

Ils devraient également soutenir l'application du droit international, à commencer par les procédures devant la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale, y compris l'exécution des mandats d'arrêt émis par cette dernière.

C'est pourquoi il faut tirer la sonnette d'alarme : tous les engagements mentionnés ci-dessus sont des obligations que l'UE est déjà censée respecter, mais qu'elle ignore depuis des décennies. Depuis octobre 2023, ce silence et cette inaction se sont traduits par une interminable litanie de responsabilités légales et morales dans la destruction la plus systématique et dévastatrice d'une population que ce siècle a connue. Reste à savoir si le rapport accablant présenté par la diplomatie européenne devant les États membres et qui accuse notamment Israël de crimes de famine, de torture, d'attaques indiscriminées et d'apartheid contre les Palestiniens conduira enfin à des décisions concrètes.

#

Traduit de l'italien par Christian Jouret.


1NDLR. Sur les 27 ministres européens des affaires étrangères, 17 ont soutenu la proposition présentée par Kaja Kallas. Il s'agit des ministres de la Belgique, de la Finlande, de la France, de l'Irlande, du Luxembourg, du Portugal, de la Slovénie, de l'Espagne, de la Suède, de l'Autriche, du Danemark, de l'Estonie, de Malte, de la Pologne, de la Roumanie, de la Slovaquie et de la Lettonie. En revanche, la Bulgarie, la Croatie, Chypre, la République tchèque, l'Allemagne, la Grèce, la Hongrie, l'Italie et la Lituanie s'y sont opposées, tandis que la Lettonie s'est abstenue.

2NDLR. Signé en 1995 et entré en vigueur en 2000, cet accord permet le libre-échange dans plusieurs secteurs de biens commerciaux entre l'UE et Israël, notamment industriels et agricoles. Il a été signé par les 15 membres de l'époque : l'Allemagne, l'Autriche, La Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni et la Suède

3Iain Overton, «  Britain sent over 500 spy flights to Gaza  », Declassified UK, 27 mars 2025.

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