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03.05.2025 à 14:44

Présidentielle en Roumanie : 6 points sur une nouvelle élection — sans Georgescu mais à l’ombre de l’extrême droite et des ingérences de Moscou et Washington

Matheo Malik

Demain, le monde regardera avec attention les Roumains revoter.

Après l’annulation historique de la présidentielle à la suite des ingérences russes, le candidat de Musk et Poutine, Călin Georgescu, est définitivement hors jeu.

Mais son influence plane — et propulsera très probablement l’extrême-droite de George Simion en tête du premier tour — dans une élection où, Trump — dont le fils a apporté son soutien a l’un des candidats — n’est pas loin.

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Texte intégral (3540 mots)

1 — Chronologie d’un scrutin annulé 

Le premier tour de l’élection présidentielle roumaine a lieu ce dimanche, 5 mai, après l’annulation du scrutin initial par la Cour constitutionnelle le 6 décembre 2024.

Le premier tour, qui a eu lieu le 24 novembre 2024, a été remporté par Călin Georgescu — l’outsider d’extrême droite que les sondages plaçaient à 1 % dans les intentions de vote un mois plus tôt — avec 22,94 % des voix.

Les représentants des partis traditionnels, socialistes (PSD, S&D) et libéraux (PNL, PPE), qui gouvernent ensemble le pays depuis 2021, ne s’étaient pas qualifiés pour le second tour. La candidate du parti de centre droit (USR, RE), Elena Lasconi, ancienne journaliste et maire de Câmpulung, était arrivée en deuxième position avec 19,18 % des voix. Seulement 2 742 votes la séparant du candidat PSD, Marcel Ciolacu. Le candidat d’extrême droite George Simion (AUR, CRE), que les sondages plaçaient en deuxième position, était quant à lui arrivé quatrième avec 13,8 % des voix.

Le 6 décembre 2024, la Cour constitutionnelle roumaine décidait, après la déclassification des rapports des services de renseignement, d’annuler l’intégralité du processus électoral, y compris les résultats du premier tour 1.

Cette décision sans précédent, adoptée à l’unanimité, fut qualifiée de « coût d’État » par Georgescu et le candidat d’extrême droite Simion.

Elle s’appuie pourtant sur les prérogatives constitutionnelles de la Cour pour garantir l’intégrité du scrutin. Cette dernière motive sa décision en arguant qu’elle a constaté que l’ensemble du processus électoral avait été altéré par des irrégularités et des violations des règles électorales, compromettant le caractère libre et équitable du vote. Selon les juges, la Roumanie avait fait l’objet d’une campagne agressive menée en contournant la loi électorale nationale, visant les infrastructures démocratiques et exploitant les algorithmes des réseaux sociaux.

Nous avions analysé les documents consultés par les juges pour rendre leur décision ici.

Le 26 février, Călin Georgescu — auquel nous avons consacré une longue enquête dans la revue — est arrêté à Bucarest après plus de 47 perquisitions pour des motifs présumés de « troubles à l’ordre constitutionnel, troubles à l’ordre public, création d’une organisation à caractère fasciste, fausses déclarations concernant les sources de financement des campagnes électorales » 2.

Sa candidature pour le nouveau scrutin a été invalidée par la commission électorale le 9 mars, car elle aurait enfreint « les règles démocratiques d’un suffrage honnête et impartial » 3.

Les élections de ce dimanche se déroulent donc dans un climat unique : Georgescu dépassait de peu les 40 % dans les sondages début mars. Dans une enquête réalisé entre le 17 et le 20 décembre 2024, 62 % des personnes interrogées estimaient que l’annulation du scrutin avait été une « mauvaise décision » 4.

2 — Qui sont les candidats ? 

Onze candidats sont en lice ce dimanche.

Selon les derniers sondages, le candidat d’extrême droite George Simion serait en tête avec environ 30 % d’intentions de vote. Il est suivi de près par deux candidats de centre droit au coude à coude : Crin Antonescu (PNL, PPE soutenu par les 3 partis au gouvernement, PSD-PNL-UDMR) avec 24,3 % et Nicusor Dan (Indépendant, ancien USR) avec 22,4 %.

Elena Lasconi (USR) n’obtiendrait quant à elle que 6 % des intentions de vote. Son propre parti, fondé par Nicușor Dan, lui a retiré son soutien pour se rallier à ce dernier — sans toutefois parvenir à la convaincre de se retirer de la course.

Un nouveau candidat, Victor Ponta, ancien Premier ministre socialiste (PSD, S&D) de 2012 à 2015 reconverti en candidat anti-système, se présente quant à lui comme Indépendant sur une plateforme inspirée du style de Donald Trump. Souhaitant capitaliser sur la popularité de l’ex-candidat condamné, il a suggéré vouloir nommer Georgescu comme Premier ministre si élu et est crédité d’environ 10 % des intentions de vote — même si quelques sondages l’ont placé au deuxième tour. 

3 — Les programmes des principaux candidats : entre l’OTAN et Moscou 

Parmi les principaux candidats, trois se sont prononcés explicitement contre l’annulation du scrutin de novembre : George Simion, Victor Ponta et Elena Lasconi. 

Sur le fond, Simion — qui se donne comme objectif « le retour à la démocratie » 5 — dont le parti est membre du groupe CRE au Parlement européen, a conservé l’essentiel de son programme de novembre.

Il défend ainsi une « Europe des nations souveraines » et affirme vouloir protéger les droits des Roumains, qu’il estime traités comme inférieurs au sein de l’Union : « Nous mettrons en œuvre des mesures pour que l’État roumain puisse offrir une assistance juridique à tout citoyen roumain confronté à des violations de son statut de citoyen égal dans l’Union. » Il promet de maintenir la Roumanie dans l’OTAN tout en garantissant sa neutralité : « Le pays doit rester neutre, car la paix est ce qui compte le plus pour moi. » Il s’oppose par ailleurs à l’envoi d’aide militaire à l’Ukraine.

À l’opposé, Crin Antonescu défend un renforcement du partenariat stratégique avec les États-Unis, estimant que les Roumains doivent « trouver quelque chose d’indispensable » pour que Washington les prenne réellement en considération. Il propose d’augmenter les dépenses de défense à au moins 3,5 % du PIB (contre 2,3 % en 2024), tout en excluant l’envoi de troupes en Ukraine. Il souhaite cependant que la Roumanie participe activement à la reconstruction du pays.

Nicușor Dan partage l’objectif d’un budget de défense à 3,5 % du PIB. Il plaide pour un rôle accru de la Roumanie dans la coopération transatlantique entre les États-Unis et l’Union 6.

Victor Ponta insiste sur l’importance stratégique de la base militaire de l’OTAN à Mihail Kogălniceanu, située face à la Crimée. Il milite également pour l’instauration de référendums obligatoires sur les grandes décisions nationales, ainsi que pour la prison à vie pour le trafic de drogue ou de corruption à grande échelle 7.

Crin Antonescu défend un renforcement du partenariat stratégique avec les États-Unis, estimant que les Roumains doivent « trouver quelque chose d’indispensable » pour que Washington les prenne réellement en considération.
Nicușor Dan partage l’objectif d’un budget de défense à 3,5 % du PIB. Il plaide pour un rôle accru de la Roumanie dans la coopération transatlantique entre les États-Unis et l’Union.

4 — Quelles hypothèses pour le deuxième tour ?

Si les sondages se confirment et que George Simion arrive en tête au premier tour, l’issue du scrutin dépendra largement de son adversaire au second tour. La présence aux urnes sera un facteur déterminant : le samedi 3 mai, à 14h plus de 200 000 personnes avaient déjà voté à l’etranger, soit deux fois plus qu’en novembre. 

Selon les dernières enquêtes d’opinion, Crin Antonescu serait alors le mieux placé pour remporter le scrutin, avec 10 points de pourcentage de plus par rapport à Simion. Il est suivi par Lasconi (+8pp), et Dan (+3pp) 8. Cette différence s’explique en partie par le fait que les électeurs de Dan seraient plus enclins à se rallier à Antonescu pour faire barrage à Simion, tandis que l’inverse pourrait être moins certain.

Hypothèse Antonescu au second tour

Hypothèse Dan au second tour

Il est à noter que le taux d’indécis atteindrait 38 % dans les scénarios de second tour opposant Simion à Ponta.

Simion et Ponta cherchent tous les deux à capter un électorat orphelin : celui de Calin Georgescu. Au scrutin de novembre, ce dernier avait cumulé au total 2,1 millions de votes, dont 31 % des voix des 18-24 ans 9 et 43 % des Roumains de la diaspora 10.

Mais plus largement, Georgescu s’est imposé comme un candidat antisystème, surfant sur la vague de dégagisme qui a marqué la majorité des scrutins mondiaux en 2024. Porté par le slogan « La Roumanie se réveille ! », il a mené une campagne nationaliste et souverainiste, articulée autour d’un rejet de l’Union européenne, de l’OTAN — qu’il considère comme des ennemis de l’esprit roumain — et de la mondialisation. Il prône un nationalisme économique radical et appelle à un rapprochement avec Moscou, réclamant le retour du gaz russe, et se déclarant admirateur de Vladimir Poutine, qu’il qualifie de « vrai leader ».

Au-delà de ces positions, Georgescu avait donné à sa campagne une dimension quasi messianique, centrée sur les « éléments essentiels à la vie » — l’eau, la nourriture et l’énergie 11 — tout en dénonçant la décadence morale de l’Occident et en mobilisant un discours teinté de références religieuses. Or malgré la récurrence de certaines thématiques, ni Ponta, ni Simion ne font aujourd’hui campagne dans cet esprit.

Si Georgescu soutient désormais officiellement la candidature de Simion, Ponta adopte une ligne souverainiste plus modérée, espérant rassembler un électorat plus large, allant du PSD à AUR, en passant par le PNL.

5 — MAGA entre en jeu

Les voix les plus influentes de l’entourage du président américain — du vice-président J.D. Vance à Elon Musk — avaient vivement critiqué l’annulation des résultats du premier tour de l’élection présidentielle du 24 novembre 2024, et apporté un soutien explicite à la candidature de Călin Georgescu qui a été invalidé par la Commission électorale le 9 mars. 

Lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, le 14 février 2025, Vance, avait comparé l’annulation du scrutin à des pratiques soviétiques. Il a dénoncé la censure sous couvert de lutte contre la désinformation et estimé que les démocraties européennes devraient être assez solides pour résister aux ingérences étrangères. 

Elon Musk a quant à lui publié son premier message de soutien à Georgescu mi-février. Le 18 février, il a partagé sur X une déclaration de Georgescu visant à interdire le réseau d’ONG de George Soros en Roumanie, ajoutant le commentaire : « La Roumanie mérite sa propre souveraineté ! » 

Musk avait aussi réagi à la décision du Bureau électoral central d’invalider la candidature de Georgescu en qualifiant la décision de « folie », ajoutant « Comment un juge peut-il mettre fin à la démocratie en Roumanie ? ». 

Dans sa tournée du 25 au 28 avril, le fils aîné de Donald Trump et influenceur conservateur, Don Jr. à rencontré Victor Ponta, qui avait déposé sa candidature au mois de mars en portant une casquette (et une cravate) rouge d’inspiration trumpiste avec l’inscription Romania pe primul loc (La Roumanie d’abord).

Dans un message publié le 29 avril, l’ambassade américaine à Bucarest a cité le discours du vice-président J. D. Vance à Munich : « la démocratie repose sur le principe sacré que la voix du peuple compte ». « Un mandat démocratique ne peut pas être obtenu en ignorant son électorat sur des questions aussi centrales que celle de savoir qui peut faire partie de notre société commune » 12.

6 — Avec quel Parlement le Président devrait-il composer ?

Lors des élections législatives du 1er décembre, le PSD a obtenu 22 % des voix. AUR est arrivée en deuxième position avec un peu plus de 18 % des suffrages, doublant ainsi son nombre de sièges. Le PNL a confirmé son recul avec 14,6 % des voix. L’USR en a obtenu 11,2 %.

Deux nouvelles formations d’extrême droite ont fait leur entrée au Parlement : SOS Romania, parti prorusse favorable à un retrait de l’Union européenne, et le Parti de la Jeunesse (POT), formation eurosceptique, souverainiste et nationaliste créée en 2023. Ils obtiennent respectivement 7,7 % et 6,4 % des voix.

Au total, l’extrême droite représente ainsi 32 % des suffrages exprimés.

Les partis proeuropéens ont tenté de former une coalition pour enrayer la progression de l’extrême droite, sans pour autant y parvenir complètement. L’USR est restée dans l’opposition 13. Le PSD, le PNL et l’Union démocrate magyare de Roumanie (UDMR) ont formé un gouvernement de coalition et reconduit Marcel Ciolacu au poste de Premier ministre. Le gouvernement a prêté serment le 23 décembre 2024.

Les attributions du président concernent surtout la politique étrangère — c’est lui qui représente la Roumanie au Conseil européen — mais il propose également le candidat au poste de Premier ministre.

Il est possible — mais pas certain ni automatique — que le résultat des élections présidentielles puisse conduire à la démission de l’actuel exécutif, surtout si le candidat des trois partis formant le gouvernement — Crin Antonescu — perd le scrutin.

Sources
  1. Hotărârea nr. 32 din 6 decembrie 2024 privind anularea procesului electoral cu privire la alegerea Președintelui României din anul 2024, Curtea Constituțională, 6 décembre 2024.
  2. 47 de percheziții pe raza județelor Sibiu, Mureș, Timiș, Ilfov și Cluj, Parchetul de pe langa Inalta Curte de Casație și Justitie.
  3. Decizie finală a CCR : Călin Georgescu nu poate candida la alegerile prezidențiale, Digi24, 11 mars 2025.
  4. 62 % dintre respondenți consideră că anularea alegerilor prezidențiale a fost o decizie proastă – sondaj IRES, G4Media, 28 décembre 2024.
  5. Am un singur obiectiv în cursa prezidențială : revenirea la democrație ! FOTO&VIDEO, AUR, 14 mars 2025.
  6. Ce spun programele electorale despre candidații la alegerile prezidențiale din 4 mai : „Seci și conservatoare”, Europa Liberă România, 1er mai 2025.
  7. VIDEO Victor Ponta și-a lansat programul pentru Președinție : „M-am schimbat mult față de acum 10 ani” / Ce promite fostul premier / Atac la PSD, HotNews, 6 mars 2025.
  8. Ultimul mare sondaj înainte de primul tur al alegerilor prezidențiale 2025 de duminică. Luptă extrem de strânsă pentru finala prezidențială, HotNews, 2 mai 2025.
  9. Profiluri electorale teritoriale. Cum s-au distribuit geografic și socio-demografic preferințele pentru candidații din turul 1, Critic Atac, 29 novembre 2024 ; George Costiță, Profilul alegătorului. Cine l-a votat pe Călin Georgescu, Europa Liberă Romania, 25 novembre 2024.
  10. Cum s-a împărțit votul în diaspora. Călin Georgescu, avans de peste 129.000 de voturi față de următorul clasat, Elena Lasconi, Digi24, 25 novembre 2025.
  11. Călin Georgescu, Program de Președinte.
  12. Publication sur Facebook de l’ambassade des États-Unis en Roumanie, 29 avril 2025.
  13. De ce nu a participat USR luni seară la negocierile pentru noul guvern. Întâlnirea celorlalte partide s-a încheiat fără nicio concluzie, Digi24, 16 décembre 2024.

03.05.2025 à 14:23

L’administration Trump soutient explicitement l’AfD depuis que le renseignement intérieur allemand considère le parti une organisation d’extrême droite 

Ramona Bloj

Ce vendredi 2 mai, l’Office fédéral de protection de la constitution (Bundesamt für Verfassungsschutz, BfV), c’est-à-dire le service de renseignement intérieur allemand, a « certifié l’extrémiste de droite » du parti Alternative für Deutschland (AfD) dans son ensemble. Jusqu’ici, cette qualification ne s’appliquait qu’aux branches régionales de trois Länder de l’Est (Thuringe, Saxe-Anhalt, Saxe), ainsi qu’à l’association de jeunesse du parti Junge Alternative, dissoute en mars pour faire place à une nouvelle organisation plus étroitement contrôlée par le parti.

Friedrich Merz sera voté au poste de chancelier mardi, le 6 mai.

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Texte intégral (1813 mots)

L’agence de renseignement dispose d’une gradation opérative en fonction du niveau de menace pour la Constitution : du « cas de contrôle » (Prüffall), en passant par le « cas de suspicion » (Verdachtsfall) jusqu’à la « confirmation » de l’appartenance à l’extrême droite (gesichert rechstextrem). Le service peut ainsi recourir à une palette d’actions variées, dont l’utilisation d’indicateurs.

Du populisme anti-euro à l’extrême droite

L’AfD, fondée en 2013, comme un parti euro-sceptique et souverainiste, a évolué sous l’influence de son aile nationale Der Flügel vers le radicalisme de droite et une conception ethnique de la nation allant jusqu’à l’apologie ou la minimisation de la période nazie. Depuis 2018, différentes sections régionales sont surveillées par le renseignement intérieur, une mesure étendue en 2021 à l’ensemble du parti

  • Comme l’affirme le communiqué de l’office de protection de la Constitution, « la conception ethno-nationaliste du peuple dominante au sein du parti n’est pas compatible avec l’ordre fondamental libéral et démocratique ». 
  • Le service de renseignement poursuit : « l’AfD considère les ressortissants allemands d’origine immigrée venus de pays musulmans comme des citoyens de moindre valeur que les membres du peuple allemand défini par le parti selon des critères ethniques. »

En janvier 2024, la plateforme d’investigation Correctiv avait révélé une rencontre secrète de membres de l’AfD avec des personnalités de l’ultra-droite dans la ville de Potsdam pour discuter de plans de « remigration » concernant des migrants considérés comme indésirables mais aussi des citoyens allemands d’origine étrangère 1. Les révélations avaient conduit à des manifestations rassemblant plusieurs centaines de milliers de personnes dans plusieurs villes d’Allemagne. 

  • La candidate de l’AfD à la chancellerie pour les élections de février 2025, Alice Weidel, a repris à son compte le mot de « remigration ».

Le fait qu’à elle seule, la confirmation d’un parti comme étant d’extrême droite (“gesichert rechtsextrem”) puisse avoir des conséquences légales ou pour sa surveillance peut sembler étonnant vu de France. 

  • En Allemagne, l’appellation d’extrême droite désigne une forme d’extrémisme souvent violente et toujours hostile à la Constitution, alors que dans l’acception française du terme, il s’agit d’une orientation politique sans préjuger de sa légalité.
  • Par conséquent, l’AfD est généralement désigné comme populiste de droite (« rechtspopulistisch ») plutôt que « rechtsextrem ».
  • De manière plus générale, les termes mêmes de « droite » (rechts) ou de « gauche » (links) renvoient à des positions politiques plus radicales en Allemagne qu’en France. Ainsi, la CDU ne se définit pas comme un parti de droite (rechte Partei), préférant l’appellation de « parti bourgeois » (bürgerliche Partei). L’appellation de gauche (Linke) est revendiquée par des partis marqués par l’anticapitalisme et la radicalité de gauche, comme le parti Die Linke, tandis que le SPD revendique au mieux son identité « social-démocrate ».

En raison du passé nazi de l’Allemagne, la Loi fondamentale de 1949 prévoit, à l’article 21-2, un régime légal plus strict permettant l’interdiction de partis lorsqu’ils sont jugés hostiles à « l’ordre constitutionnel libéral et démocratique ». Selon ce dernier, « les partis qui, d’après leurs buts ou d’après le comportement de leurs adhérents, tendent à porter atteinte à l’ordre constitutionnel libéral et démocratique, ou à le renverser, ou à mettre en péril l’existence de la République fédérale d’Allemagne, sont inconstitutionnels ».

L’interdiction du parti reste peu probable

L’Office de protection de la Constitution n’est pas une instance juridique, mais une agence gouvernementale. 

  • C’est au Tribunal constitutionnel fédéral qu’il revient en dernière instance de décider ou non d’une interdiction du parti. 
  • La procédure peut être initiée par l’un des organes constitutionnels (Bundestag, Bundesrat, gouvernement fédéral).  
  • Dans l’histoire de la république fédérale, seules deux procédures d’interdiction ont abouti, toutes deux dans les dix premières années : le SRP, parti néo-nazi fut interdit en 1952, et le parti communiste d’Allemagne (KPD) en 1956. 
  • À l’inverse, la tentative d’interdire le parti néo-nazi NPD a échoué par deux fois devant la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe, en 2003 et en 2017. La première fois, l’interdiction a été rejetée en raison de la trop grande représentation des agents infiltrés de l’Office de protection de la constitution parmi les déclarations imputées au parti. La seconde fois, l’interdiction a été rejetée au motif que le parti était insignifiant dans le débat public.

Marco Wanderwitz, élu CDU de Saxe, avait réclamé pendant la précédente législature une procédure d’interdiction de l’AfD elle-même 2

  • Il ne siège désormais plus au Bundestag et une partie de ses collègues chrétiens-démocrates sont même partisans d’une normalisation des relations avec l’AfD, comme Jens Spahn, qui succèdera bientôt à Friedrich Merz à la tête du groupe parlementaire CDU/CSU 3
  • Devant le congrès de l’Église protestante qui se tient ce week-end à Hanovre, Olaf Scholz a souligné que l’interdiction d’un parti ne peut pas se prendre par-dessus la jambe, tandis que son successeur à la tête du parti Lars Klingbeil, s’y est montré plus ouvert vis à vis d’une éventuelle interdiction auprès du journal Bild 4
  • Dans le nouveau Bundestag, l’AfD compte 152 députés, et représente le premier parti d’opposition. Pour le moment, malgré son poids de plus en plus important, l’AfD n’a pas réussi à faire élire un de ses membres vice-président du Bundestag ou président d’une Commission du parlement.  

L’annonce de la décision, même si elle marque un tournant, pose quelques problèmes.

  • La requalification du parti repose en effet sur un rapport qui est tenu secret. 
  • Par ailleurs, le directeur sortant de l’Office pour la protection de la constitution, Thomas Haldenwang, a été élu député sous la bannière de la CDU lors des élections du 23 février, et il n’a pas encore été remplacé. 
  • C’est la Ministre de l’intérieur sortante, Nancy Faeser (SPD) qui a pris sur elle, en tant qu’autorité de tutelle, d’annoncer la décision de l’agence, alors même qu’elle quittera ses fonctions dans quatre jours après l’élection du gouvernement Merz le 6 mai.  
  • Son successeur, Alexander Dobrindt (CSU) devra reprendre le dossier, alors qu’il s’était opposé en tant que chef du groupe parlementaire de son parti à une procédure d’interdiction de l’AfD 5.

L’AfD reçoit encore un soutien des États Unis

La co-présidente de l’AfD Alice Weidel a dénoncé un processus politique de « justice secrète et de démoralisation », comparant l’agence de renseignements à la Stasi. L’AfD souhaite ainsi profiter à la fois du supposé manque de transparence lié à la non-divulgation du dossier à quelques jours du changement de gouvernement

  • Comme lors de la campagne législative du début d’année, le parti d’extrême droite a reçu le soutien du gouvernement américain, exprimé respectivement par le secrétaire d’État Marco Rubio et le vice-président J.D. Vance sur la plateforme X. 
  • Ni l’un ni l’autre des dirigeants américains ne semblent très au courant des subtilités institutionnelles de la protection de la Constitution allemande, et préfèrent dresser des parallèles avec l’histoire allemande. 
  • Le compte en anglais sur X du Ministère fédéral des affaires étrangères, encore dirigé pour quelques jours par Annalena Baerbock, a réagi par un démenti ferme. 
  • Elon Musk qui faisait partie des soutiens les plus vocaux du parti d’extrême droite pendant la campagne a également réagi, qualifiant l’AfD de parti centriste.
  • Le chœur de réactions s’est encore amplifié avec la remarque du président salvadorien Nayib Bukele. 
Sources
  1. Plan secret contre l’Allemagne, Correctiv, 10 janvier 2024.
  2. Marco Wanderwitz (CDU) fordert in Brief komplettes AfD-Verbot, Die Welt, 21 juillet 2024.
  3. Jens Spahn und die AfD : Gegenwind aus der eigenen Partei, Der Spiegel, 19 avril 2025.
  4. Scholz und Faeser bleiben zurückhaltend bei AfD-Verbotsverfahren, Tagesschau, 2 mai 2024.
  5. Bundestag : CSU-Landesgruppe lehnt geplanten AfD-Verbotsantrag ab, Die Zeit, 1er octobre 2024.

03.05.2025 à 07:00

Après le Canada, l’effet Trump va-t-il favoriser la victoire des Travaillistes en Australie ?

Marin Saillofest

Aujourd’hui, samedi 3 mai, les Australiens se rendent aux urnes pour renouveler leur parlement. En miroir avec le renversement de la tendance en faveur des Libéraux canadiens suite à l’investiture de Trump observé en début de semaine, le Parti travailliste australien dirigé par l’actuel Premier ministre Anthony Albanese a lui aussi bénéficié de « l’effet Trump », et, si les sondages d’opinion se confirment, devrait remporter les élections.

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Texte intégral (761 mots)

Les Australiens votent aujourd’hui, samedi 3 mai, pour élire 150 députés et 40 sénateurs, soit la totalité de la chambre basse et un peu plus de la moitié de la chambre haute du parlement. Les sondages donnent une légère avance au Parti travailliste de l’actuel Premier ministre Anthony Albanese, avec environ 34 % des voix contre 32 % pour la Coalition libérale-nationale de Peter Dutton.

  • Le système électoral pour les élections à la Chambre des représentants (appelé « vote alternatif ») est peu utilisé en-dehors de l’Australie : chaque électeur doit classer tous les candidats, et le scrutin donne lieu à un second tour instantané en éliminant progressivement les derniers classés jusqu’à atteindre une majorité absolue par circonscription.
  • De ce fait, même si les deux partis en tête sont très proches en intentions de voix, les sondages actuels pour le second tour instantané donnent environ 54 % des députés de la Chambre aux Travaillistes.
  • En ce qui concerne le Sénat, le scrutin est également très spécifique, mais proportionnel, ce qui aboutit généralement à une chambre parlementaire sans majorité.

Jusqu’au début de l’année, la Coalition libérale-nationale était donnée gagnante, caracolant à plus de 40 % des intentions de voix et captant le mécontentement populaire face à la hausse des prix, notamment des logements, et la faible croissance. Son leader, Peter Dutton, n’est pas très apprécié pour autant, considéré comme peu charismatique et accusé d’avoir sévèrement réprimé des manifestations lorsque son parti était au pouvoir ainsi que de tenir des propos climatosceptiques.

  • En face, le leadership d’Albanese face à Trump semble avoir payé : le Premier ministre australien a déclaré « défendre les intérêts nationaux » de son pays contre les droits de douane, et n’a pas hésité à entamer un rapprochement avec ses partenaires asiatiques ces derniers mois tout en ralliant les Occidentaux dans le soutien à l’Ukraine.
  • Selon un sondage du Lowy Institute, 41 % des Australiens considèrent qu’Albanese serait plus compétent pour gérer la politique étrangère de Canberra, contre 29 % pour Dutton.
  • La part d’Australiens déclarant faire confiance aux États-Unis pour « agir de manière responsable dans le monde » a quant à elle chuté de 20 points entre 2024 et 2025, passant de 56 à 36 % 1.
  • L’inversion de la tendance électorale à l’œuvre en Australie en faveur des Travaillistes est similaire à la situation politique canadienne, où les menaces d’annexion répétées de Trump depuis le 20 janvier ont conduit à un ralliement des électeurs autour du Parti libéral et de Mark Carney.
  • Si l’Australie a été relativement épargnée par les menaces de Trump, le retour du président républicain à la Maison-Blanche ainsi que son rejet des alliances ont renforcé le rôle — traditionnellement secondaire — que joue la politique étrangère lors des élections.

En saluant Trump comme étant un « grand penseur » ainsi qu’un « dealmaker », tandis que son alliée Jacinta Price a déclaré vouloir « Make Australia Great Again » (Rendre l’Australie Grande à Nouveau), Dutton s’est aliéné une partie de l’électorat susceptible de voter pour son parti. Mercredi 30 avril, le média d’investigation Centre for Climate Reporting a révélé que la campagne de Dutton avait été conseillée par Chris LaCivita, co-directeur de la campagne de Trump de 2024 2.

Sources
  1. Lowy Institute Poll 2025 Preview, 16 avril 2025.
  2. Trump’s campaign chief claimed he secretly advised Australian Liberal Party ahead of general election », Centre for Climate Reporting, 30 avril 2025.
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