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06.05.2025 à 06:30

En Allemagne, le Bundestag vote pour élire Friedrich Merz à la tête du nouveau gouvernement

Marin Saillofest

Aujourd’hui, mardi 6 mai, le Bundestag devrait voter en faveur du nouveau chancelier allemand Friedrich Merz, à la tête d’une coalition rassemblant la CDU/CSU et le SPD. La composition finale de son gouvernement, dévoilée hier, lundi 5 mai, laisse voir plusieurs profils expérimentés — dont certains sont proches des cercles économiques — côtoyer des ministres « juniors » qui participeront à leur premier gouvernement fédéral.

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Le futur gouvernement Merz — dont la composition finale a été dévoilée hier, lundi 5 mai, avec le nom des ministres SPD — est issu des élections fédérales allemandes de février, qui ont consacré la victoire de la CDU/CSU (208 sièges sur 630) et ont poussé à une nouvelle « GroKo » avec le SPD (120 sièges).

Le cabinet du nouveau chancelier rassemblera plusieurs personnalités expérimentées, ainsi qu’un certain nombre de ministres « junior » n’ayant pas participé précédemment à un gouvernement au niveau fédéral ou régional.

  • Parmi les ministres du SPD, Boris Pistorius — initialement désigné candidat du parti social-démocrate à la chancellerie l’an dernier après la chute du gouvernement de coalition de Scholz — est le seul qui conservera son portefeuille de la Défense, à sa charge depuis janvier 2023. 
  • L’ex-présidente du Bundestag (2021-2025) Barbel Bas, qui a également été secrétaire d’État au ministère des transports et du numérique sous la direction d’Alexander Dobrindt de 2013 à 2018 puis chargée d’affaires auprès de la chancelière pour la numérisation, a été nommée ministre de la Recherche et de l’espace.
  • L’ancienne vice-présidente du groupe parlementaire du SPD au Bundestag, Verena Hubertz, fera elle aussi sa première entrée dans un gouvernement, en charge du portefeuille du logement, du développement urbain et de la construction.
  • Stefanie Hubig, également originaire du land de Rhénanie-Palatinat, dont elle fût depuis 2016 la ministre de l’Éducation, occupera quant à elle la fonction de ministre de la Justice.
  • L’union chrétienne-démocrate (CDU) et l’Union chrétienne sociale bavaroise (CSU) ont annoncé les noms de leurs ministres dès le 28 avril : des ministres en partie venus du monde de l’entreprise, majoritairement du sud et de l’ouest de l’Allemagne. 

Le nouveau gouvernement Merz affiche, avec 8 femmes et 9 hommes, une quasi-parité. Toutefois, sur les 17 ministres, seulement trois sont originaires de Länder de l’Est du pays : Katherina Reiche (Économie), Carsten Schneider (Environnement) et Reem Alabali-Radovan (Développement international) qui, bien que née à Moscou, a grandi dans le Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, à la frontière avec la Pologne.

06.05.2025 à 03:00

« La France pourrait solliciter les services des établissements pénitentiaires du Salvador » : l’entretien avec le consigliere de Bukele

Matheo Malik

Depuis quelques mois, un petit pays d’Amérique centrale est au cœur de l’attention.

Son président, Nayib Bukele — autoproclamé « dictateur le plus cool du monde » — aurait trouvé une solution révolutionnaire pour vider les rues des criminels. Aujourd’hui, il vend les services pénitentiaires des méga-prisons du Salvador au reste du monde.

Nous avons rencontré son vice-président, Félix Ulloa, l’architecte de cette contre-révolution sécuritaire et carcérale.

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Texte intégral (3960 mots)

Au Salvador, comme aux États-Unis, un candidat se présente et est élu à l’élection présidentielle avec un vice-président. C’est Félix Ulloa qui accompagne ainsi depuis le début — depuis le 1er juin 2019 — Nayib Bukele à la tête du Salvador. 

Ulloa a toujours été une figure respectée dans le pays. Avocat reconnu qui a fait la majeure partie de ses études en Europe, il avait notamment œuvré à la défense des droits de l’homme pendant la guerre civile salvadorienne (1979-1992). 

Son soudain alignement avec Bukele en rejoignant la vice-présidence avait pu surprendre — Ulloa est maintenant son principal porte-parole. 

Nous le rencontrons. 

Comment avez-vous perçu le retour de Donald Trump aux États-Unis et ses cent premiers jours au pouvoir à la Maison-Blanche ? Qu’est-ce que la présidence Trump change ou implique pour le Salvador ?

Le président Trump et le président Bukele ont une relation très cordiale, empreinte de beaucoup de respect. Ils partagent de nombreuses visions communes pour résoudre les problèmes de chacun de nos pays. Nous nous réjouissons de cette relation harmonieuse entre les deux présidents. 

Nous considérons que le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche relève du droit souverain de chaque peuple et de chaque démocratie à élire ses dirigeants dans le cadre d’élections légitimes et transparentes. C’est la décision souveraine du peuple américain qui a fait de Donald Trump le nouveau président. 

C’est tout ce que nous pouvons dire, car en tant que membres d’un gouvernement étranger, nous ne nous prononçons jamais sur les affaires internes d’un autre État et nous ne pouvons donc pas faire de commentaires — mais simplement reconnaître objectivement les faits.

Or dans ce cas, les faits objectifs sont que les élections qui ont eu lieu en novembre dernier ont clairement reflété la volonté du peuple des États-Unis d’Amérique. 

Au cœur de cette relation entre les États-Unis et le Salvador se trouvent les détenus envoyés dans les prisons salvadoriennes. Comment justifier légalement que le CECOT (Centre de confinement du terrorisme) devienne une sorte de prison américaine, un territoire américain par extension ? N’est-ce pas une forme de vassalisation extrême envers les États-Unis et cela ne pose-t-il pas même un problème de souveraineté pour vous ?

Absolument pas. Ce que nous faisons est différent. Le Salvador est un pays qui propose des services à la communauté internationale.

Nous proposons des services touristiques, des services technologiques — l’une des plus grandes succursales de Google est installée ici, au Salvador — et des services médicaux.

La qualité des détenus n’est pas évaluée par le Salvador, mais par l’État qui demande la prestation de service.

Félix Ulloa

Pour répondre à votre question, compte tenu de la qualité et de la sécurité des installations que nous proposons, nous offrons ce service que l’on pourrait appeler un hébergement pénitentiaire. C’est comme si une personne venait au Salvador pour se faire soigner ; nous proposons des soins médicaux aux personnes qui viennent se faire soigner les dents ici entre autres exemples. 

Nous ne voyons donc pas là un problème de droit international ou de conflit international dans la mesure où ce service est fourni en contrepartie d’une prestation. La qualité des détenus ou de la personne qui vient n’est pas évaluée par le Salvador, mais par l’État qui demande la prestation de service.

Cela signifie-t-il qu’aujourd’hui, n’importe quel pays, le gouvernement français par exemple, pourrait contacter votre administration pour lui demander d’accueillir des prisonniers dans les prisons salvadoriennes ? 

Bien sûr, ce serait avec plaisir. N’importe quel pays peut solliciter les services des établissements pénitentiaires du Salvador. Nous avons la capacité pour fournir ce service.

Il s’agit d’une relation strictement commerciale ou financière, une relation de prestation de services ; il ne s’agit pas, comme beaucoup l’ont dit, de l’exportation d’un système pénitentiaire.

En fait, nous avons déjà reçu la visite de plusieurs gouvernements qui sont venus au Salvador pour examiner notre système. La dernière délégation en date est celle de l’Équateur, dont les membres ont visité nos installations : non seulement le CECOT, mais aussi le centre pénitentiaire de Santa Ana, où ils ont pu voir comment fonctionne notre système. 

Les fonctionnaires équatoriens ont dans leurs différentes déclarations souligné la qualité de vie des détenus et leur insertion sur le marché du travail. Ils ont pu voir les ateliers que nous avons dans différentes industries, la production de vêtements, d’uniformes, de tables pour les écoles, la production agricole avec des élevages de porcs,de poulets. 

Au bout du compte, il existe tout un système pénitentiaire au Salvador qui sert de modèle à d’autres pays. À cet égard, nous donnons par exemple aux détenus la possibilité de découvrir de nouvelles formes de travail ou de développer de nouveaux métiers pour certains d’entre eux dans la boulangerie, l’agriculture, la couture, la menuiserie, etc. grâce à un programme appelé « Zéro Oisiveté ».

N’importe quel pays peut solliciter les services des établissements pénitentiaires du Salvador.

Félix Ulloa

Fort de cette nouvelle influence sans précédent — qui relève de ce que l’on pourrait appeler un soft power —, quel rôle aspire à jouer le Salvador de Bukele, sur la scène internationale, dans la région latino-américaine et dans le monde ?

Nous ne souhaitons pas exporter notre modèle, mais nous sommes ouverts à partager notre expérience avec les gouvernements ou les institutions qui nous demandent de l’expliquer. Dans ce cas, nous le faisons sans aucun problème. 

Vous avez d’ailleurs mentionné le cas de la France : j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, et de lui expliquer le fonctionnement de notre plan de contrôle territorial et de notre politique de sécurité. Nous leur avons envoyé de la documentation afin qu’ils puissent découvrir par eux-mêmes l’expérience réussie du Salvador en matière de sécurité.

Après avoir été le pays le plus violent du monde, avec un taux de plus de 30 meurtres par jour — plus d’un Salvadorien assassiné toutes les heures en 2015 — nous sommes aujourd’hui le pays le plus sûr de tout l’hémisphère occidental. Nous sommes plus sûrs que le Canada, qui a un taux de 2,5 morts pour 100 000 habitants. Nous sommes à 1,9 pour 100 000 habitants, ce qui fait de nous le pays le plus sûr des Amériques.

On entend souvent dire que de nombreux pays veulent appliquer le même modèle que le Salvador… 

Bien sûr, le succès de notre modèle attire l’attention de nombreux gouvernements. Leurs peuples réclament l’application du modèle salvadorien parce que tout le monde peut voir comment les Salvadoriens profitent désormais de leur vie quotidienne. Aujourd’hui, quand on va au Salvador, on voit des gens souriants. Dans les transports, dans les lieux publics, partout où il y a du monde, on voit des visages heureux.

Il y a cinq ans, ces mêmes visages étaient des visages d’angoisse. On ne voyait que de la tristesse et de l’inquiétude. Il y a donc un peuple qui témoigne des avantages de la politique de sécurité de ce gouvernement. Cela va à l’encontre des critiques de certains organismes qui se permettent de parler sans connaître la réalité du Salvador, sans avoir vécu l’angoisse de notre peuple.

Si l’on prend seulement la période précédant l’arrivée au pouvoir du président Bukele, le 1er juin 2019, sous les deux gouvernements précédents, de 2009 à 2019, 41 000 Salvadoriens ont été assassinés. Ce sont les chiffres de l’Institut de médecine légale : 41 000 Salvadoriens en une décennie. 

Aujourd’hui, cela fait plus de 880 jours qu’il n’y a pas eu un seul homicide.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Au-delà des considérations de personnes ayant une vision critique ou biaisée, les données parlent d’elles-mêmes.

Et c’est le peuple salvadorien qui, par son soutien constant aux politiques du président, valide l’ensemble de la politique de sécurité de notre gouvernement.

J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, et de lui expliquer le fonctionnement de notre plan de contrôle territorial et de notre politique de sécurité.

Félix Ulloa

Est-il possible d’instaurer la paix au Salvador comme votre administration l’a fait sans négocier — ou sans avoir négocié à un moment donné — avec les maras ?

Bien sûr. Ce gouvernement n’a jamais négocié avec les maras. Et nous pouvons le soutenir, contrairement aux gouvernements précédents — de gauche comme de droite. Les conversations entre des fonctionnaires, par exemple du gouvernement du FMLN (gauche), ont été enregistrées : il existe des preuves que l’ancien ministre Arístides Valencia et Benito Lara, qui étaient tous deux des hauts fonctionnaires du gouvernement, ont négocié avec un gang. Et de l’autre côté, il existe également des preuves que le maire de San Salvador de l’époque, Ernesto Muyshondt, et le président de l’Assemblée législative, Norman Quijano — tous deux du parti de droite ARENA, ont négocié avec l’autre gang. Tout cela a été enregistré, traité et porté devant les tribunaux. Des procédures judiciaires sont en cours.

Dans le cas du Salvador, depuis 2019, le président Bukele n’a jamais autorisé aucune forme de négociation avec les gangs. Certains articles de presse affirment que certains fonctionnaires ont négocié, mais il s’agit d’actions isolées. Ce n’est pas une politique du gouvernement.

[Lire la grande enquête d’El Faro «Les gangs du président» : première partie et deuxième partie]

Au contraire, dans le passé, lorsque les maras voulaient obtenir davantage de prestations de la part du gouvernement en place, on négociait. Par exemple, les chefs de gang menaient une vie confortable dans les prisons, on leur organisait des fêtes, on faisait monter des strip-teaseuses, ils bénéficiaient de toutes les prestations qu’ils souhaitaient. S’ils en voulaient davantage, ils haussaient le taux d’homicides et les gouvernements, pour le faire baisser, négociaient avec eux en leur accordant davantage de prestations.

Ils ont voulu faire la même chose en mars 2022 : en un week-end, ils ont assassiné plus de 80 personnes, pensant que le gouvernement céderait à leurs revendications.

Ce jour-là, l’état d’urgence a été décrété et la guerre contre les gangs a été déclarée. Elle est toujours en cours aujourd’hui. Depuis lors, plus de 85 000 membres de gangs ou collaborateurs sont poursuivis en justice. Certains d’entre eux ont déjà été condamnés, d’autres sont en attente de jugement.

Cela prouve qu’il n’y a eu aucune négociation avec eux. La preuve en est que les chefs des gangs les plus importants sont en prison. 

Auparavant, on arrêtait des membres de bas ou de moyen rang, des porte-parole (palabreros), des tueurs à gage (gatilleros), des membres des maras (homeboys). Nous avons déjà arrêté 13 des 15 plus hauts responsables de la MS-13. Il n’en manque plus que deux ou trois, mais nous avons démantelé toutes les structures.

Cela vous montre qu’il ne peut y avoir aucune négociation lorsque tout le pouvoir logistique, économique, organisationnel et militaire des structures criminelles est en train d’être démantelé. 

Il s’agit d’une relation strictement commerciale ou financière, une relation de prestation de services ; il ne s’agit pas, comme beaucoup l’ont dit, de l’exportation d’un système pénitentiaire.

Félix Ulloa

Vous dites que les chefs les plus haut placés ont été arrêtés, mais vous avez sans doute vu les dernières publications d’El Faro avec le chef de gang du Barrio 18, Charli, qui affirme avoir été libéré de prison par le gouvernement Bukele et avoir conclu des accords avec lui. 

Eh bien, ils peuvent dire n’importe quoi. 

Lorsque le président Bukele était maire de San Salvador, ils ont dit qu’il avait également négocié avec les gangs pour libérer les rues du centre-ville. Il est possible que des membres de gangs aient participé aux négociations avec les chefs des vendeurs ambulants et que c’est pour cela qu’ils disent qu’il s’agit de négociations entre les gangs et le gouvernement. 

Mais il n’y a jamais eu de négociation en tant que politique d’État. 

Avez-vous un registre de toutes les arrestations au Salvador ? Savez-vous combien de personnes sont actuellement détenues dans les prisons salvadoriennes ?

Actuellement, il y a plus de 85 000 détenus rien qu’au niveau des membres de gangs.

Il y a des prisonniers pour des raisons personnelles, pour des délits de droit commun, etc., mais les membres de gangs ont leur propre régime. Ils sont soumis à un régime spécial, celui de l’état d’urgence. Nous n’appliquons pas ce régime aux délinquants de droit commun, mais uniquement aux membres des gangs.

Qu’adviendra-t-il des Vénézuéliens qui ont été expulsés des États-Unis vers le Salvador et que Bukele a proposé à Maduro d’échanger contre des prisonniers vénézuéliens ?

On voit là la double morale de la communauté internationale.

D’un côté, un rapport récent des Nations unies demande la libération des Vénézuéliens détenus au Salvador. Le président Bukele a proposé leur libération en échange de celle des prisonniers politiques détenus au Venezuela par le dictateur Maduro. Ces derniers sont emprisonnés pour leurs opinions, pour leur affiliation politique.

Les membres de gangs ont leur propre régime. Ils sont soumis à un régime spécial, celui de l’état d’urgence.

Félix Ulloa

Ici, ils sont emprisonnés pour avoir commis des crimes dans un pays qui les a envoyés et nous les recevons dans le cadre de notre hébergement pénitentiaire. Ainsi, lorsque le président propose cette solution, cette issue, personne dans la communauté internationale ne pense aux prisonniers politiques du Venezuela. On parle même de la mère de María Corina Machado, qui est également harcelée au Venezuela.

C’est là que nous voyons un double standard : d’un côté, on défend des personnes qui ont commis des actes illégaux et qui sont détenues pour des crimes, et de l’autre, on ne défend pas des personnes qui sont détenues simplement pour leurs opinions. 

C’est ce que nous voulons que l’on voie — et c’est ce que le président Bukele a mis en évidence : la double morale de la communauté internationale face à un fait notoire. Comme l’a dit le président, si Maduro a libéré 30 prisonniers politiques pour un seul qui était détenu aux États-Unis, pourquoi ne libère-t-il pas maintenant le même nombre de prisonniers politiques que le nombre de Vénézuéliens détenus au Salvador ?

Quelle est la prochaine étape du plan de sécurité du modèle salvadorien ? Qui allez-vous arrêter si les gangs ne sont plus dans les rues et que, comme vous l’indiquez, 85 000 mareros sont emprisonnés ?

Nous en sommes actuellement à la sixième étape.

Le « Plan de contrôle territorial » en compte sept. 

Nous sommes à l’avant-dernière étape, celle de l’intégration sociale.

C’est pour cela qu’a été créée la Direction de l’intégration sociale, qui permet de reconstruire le tissu social détruit par la violence à l’époque où les maras contrôlaient le territoire national et la vie des communautés. La vie et la mort étaient entre leurs mains. Ce tissu social s’est alors désarticulé. Nous sommes en train de le reconstruire.

Il existe une politique de construction des CUBOS (Centres urbains de bien-être et d’opportunités). Nous les construisons dans les zones où les maras avaient leurs quartiers généraux ou dans les zones les plus touchées par la violence. Ce sont désormais des espaces publics qui sont en train d’être redonnées à la population.

Les écoles ont été récupérées, elles ne sont plus la cible des maras qui recrutaient les élèves pour percevoir des extorsions ou pour le trafic de drogue. En d’autres termes, l’école est redevenue le centre éducatif par excellence. Nous avons récupéré les espaces publics, les parcs, etc. 

Nous voyons désormais des gens se rendre dans les parcs le soir : c’était impensable autrefois. Auparavant, dans les espaces publics, les enfants ne pouvaient pas traverser la rue : ils seraient passés d’un gang contrôlant un secteur à un autre contrôlant le secteur d’en face. Aujourd’hui, ces espaces ont disparu : des tournois de football et de basket-ball sont organisés dans tous les quartiers.

En d’autres termes, la normalité et l’harmonie ont été rétablies dans les villes. 

Qu’est-ce qui va arriver aux très nombreux innocents détenus arbitrairement par le régime qui se trouvent dans les prisons salvadoriennes ?

Si vous suivez les informations officielles, vous verrez que plus de 7 000 personnes ont été libérées après avoir prouvé devant les tribunaux qu’elles n’avaient aucun lien avec les maras

Si l’on considère que nous avons arrêté plus de 80 000 personnes et libéré plus de 7 000, le taux d’erreur est inférieur à 10 %.

Félix Ulloa

Le système judiciaire garantit une procédure régulière à toute personne arrêtée. Si elle n’a pas les moyens de payer un avocat, l’État lui en fournit un. Plus de 300 avocats ont été engagés par le bureau du procureur général de la République pour représenter les personnes qui n’ont pas les moyens de payer un avocat.

Ensuite, les procédures ne dépendent plus du gouvernement, mais de la justice, des juges. Si les preuves adéquates et correctes leur sont présentées, les personnes poursuivies retrouvent leur liberté. Ce ne sont pas des dizaines, ni des centaines, mais des milliers de personnes qui ont été libérées. Le dernier rapport du Bureau du procureur pour la défense des droits de l’homme indique qu’au cours des trois années d’état d’urgence, un peu plus de 7 000 personnes ont pu retrouver leur liberté en démontrant qu’elles n’appartenaient pas à des structures criminelles.

On pourrait vous rétorquer que c’est déjà 7 000 de trop… Un si grand nombre d’innocents emprisonnés est considérable.

Si l’on considère que nous avons arrêté plus de 80 000 personnes et libéré plus de 7 000, le taux d’erreur est inférieur à 10 %.

Dans une guerre comme celle que nous menons contre les gangs, c’est pour nous un succès. 

Cela signifie que ce que nous faisons n’est pas parfait — nous en sommes conscients. Mais cela reste très positif. Aucune œuvre humaine n’est parfaite. Nous essayons de réduire la marge d’erreur.

C’est pourquoi nous avons également mis en place des protocoles pour arrêter les personnes. Nous n’allons pas arrêter tous les jeunes tatoués. Les mauvaises pratiques des policiers ou des militaires qui ont commis des abus, violé les droits de l’Homme ou arrêté des personnes pour des raisons personnelles ont été corrigées. La semaine dernière, un policier a été condamné à 25 ans de prison pour avoir extorqué de l’argent à des gens et utilisé son pouvoir pour les envoyer en prison.

Ces erreurs sont en train d’être corrigées. Il existe un bureau au sein de la police chargé de recueillir les plaintes contre les mauvaises pratiques des policiers. Le gouvernement salvadorien a été accusé de violer les droits de l’Homme. C’est un autre mensonge : la politique de l’État est de défendre les droits de la population.

Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, 41 000 personnes avaient été assassinées. Autrement dit, les droits humains de 41 000 personnes avaient été violés — ainsi que ceux de toute leur famille, des orphelins, des veuves, de tout leur entourage. L’État ne les défendait pas. Nous sommes intervenus pour les défendre. 

On nous dit qu’il y a 300 ou 400 plaintes de personnes qui ont été arrêtées illégalement. En termes de proportionnalité, on peut voir que l’action du gouvernement vise clairement à protéger l’ensemble de la population.

Nous avons libéré plus de 7 millions de personnes qui étaient enfermées chez elles par peur des maras. Les villes et les quartiers ont été libérés aujourd’hui. En échange, nous avons arrêté 85 000 individus qui font l’objet d’une procédure judiciaire régulière. Ce sont les tribunaux qui sont ensuite chargés de déterminer les peines. 

05.05.2025 à 18:58

Élection présidentielle en Roumanie : la diaspora a largement voté pour George Simion — notamment en Europe

Marin Saillofest

George Simion, le candidat d’extrême droite de l’Alliance pour l'unité des Roumains (AUR, CRE) est arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle roumaine qui s’est tenu hier, dimanche 4 mai.

À l’étranger, Simion a remporté 61 % des votes exprimés, avec jusqu'à près de 75 % des voix en Allemagne, en Italie et en Espagne.

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Texte intégral (651 mots)

Hier, dimanche 4 mai, le candidat d’extrême droite à l’élection présidentielle roumaine, George Simion (AUR/CRE), est arrivé en tête du premier tour avec près de 41 % des suffrages exprimés. Il fera face au second tour, prévu le 18 mai, au maire de Budapest et candidat indépendant Nicușor Dan (21 % des voix).

Parmi les tendances les plus marquantes du scrutin, la dynamique du vote de la diaspora — historiquement un facteur clef dans les élections présidentielles roumaines — a changé de manière significative. 

  • La diaspora roumaine rassemble plus de cinq millions de personnes, dont près d’un million ont déposé un bulletin hier.
  • Le candidat de l’Alliance pour l’unité des Roumains a obtenu le vote de 61 % des électeurs roumains vivant à l’étranger.
  • Dan a quant à lui reçu 25,4 % des voix, et le candidat de la coalition au gouvernement (socialistes, libéraux et Union démocrate magyare de Roumanie – PNL/PPE, PSD/S&D, UDMR/PPE), Crin Antonescu, 6,7 %.
  • Il s’agit d’un changement important par rapport aux scrutins présidentiels précédents, où la diaspora a toujours favorisé les candidats du centre droit, plutôt pro-européens, jouant ainsi un rôle clef dans le renversement de la tendance électorale au deuxième tour. Cela a notamment été le cas lors de l’élection présidentielle de 2009, lorsque la présence massive aux urnes et un vote majoritairement en faveur de Traian Basescu à l’étranger avaient permis à ce dernier de l’emporter avec environ 70 000 voix d’avance sur son adversaire Mircea Geoana (PSD).
  • En 2014, lors du deuxième tour opposant Victor Ponta (PSD) et Klaus Iohannis (PNL), c’est la forte mobilisation des électeurs – une croissance de la participation de 10 points entre les deux tours – et une présence record à l’étranger qui ont permis au candidat libéral de remporter le scrutin, malgré un retard d’un million de voix sur Ponta au premier tour.

C’est en Europe occidentale et en Scandinavie que le candidat d’extrême droite a réalisé hier ses meilleurs scores : il a obtenu 74,3 % des voix en Allemagne, 73,7 % en Italie et 73,6 % en Espagne, 57,7 % en Islande et 54,4 % en Norvège. Dan est quant à lui arrivé en tête du premier tour en Asie et dans la majeure partie des pays américains (à l’exception du Brésil) et africains (en Éthiopie et au Zimbabwe, il est à égalité avec Antonescu). En Europe, le candidat indépendant est arrivé premier dans les trois États baltes, en Europe centrale ainsi que dans les Balkans et en Moldavie (où Simion est interdit d’entrée à cause de ses propos irrédentistes).

Il semble que le narratif de victimisation mis en place par Simion à destination de la diaspora roumaine ait contribué à son succès dans l’ouest et le nord de l’Europe. Le 23 mai 2024, lors d’un meeting à Piatra Neamț, le candidat d’extrême droite avait prononcé un discours enflammé contre la domination étrangère et comparé la Roumanie à une colonie exploitée par les puissances d’Europe occidentale — en particulier la France.

  • Dans son programme, Simion affirmait vouloir protéger les droits des Roumains, qu’il estime traités comme inférieurs au sein de l’Union : « Nous mettrons en œuvre des mesures pour que l’État roumain puisse offrir une assistance juridique à tout citoyen roumain confronté à des violations de son statut de citoyen égal dans l’Union européenne ».

05.05.2025 à 17:26

Avec Friedrich Merz le moteur franco-allemand peut de nouveau faire passer l’Europe à l’échelle : penser les coordonnées d’un accord historique

Matheo Malik

Cette semaine, Friedrich Merz deviendra chancelier allemand et rencontrera Emmanuel Macron.

Ce moment est potentiellement historique : face aux nouveaux Empires, Paris et Berlin pourraient propulser la construction européenne avec un accord très ambitieux — à condition d’agir vite.

Shahin Vallée et Joseph de Weck proposent une feuille de route en 6 mesures.

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Texte intégral (4249 mots)

DERNIÈRE MINUTE : Merz échoue à devenir chancelier dès le premier tour au Bundestag à 6 voix près : que va-t-il se passer maintenant ?

Friedrich Merz a tiré les leçons de la profonde mutation que traversent les États-Unis d’Amérique. Pour la première fois depuis la guerre, un chancelier allemand exhorte les Européens à devenir indépendants de Washington et à se préparer à un monde sans OTAN. La Pologne est également consciente de l’ampleur du défi sécuritaire et, après avoir négligé pendant des années l’intégration européenne en matière de défense, Varsovie souhaite enfin ouvrir la discussion sur la possibilité de se placer sous le parapluie nucléaire français 1. Même le Danemark, pays connu pour sa rigueur budgétaire, qui bénéficiait jusqu’en 2022 d’une clause d’exemption de la politique européenne de sécurité et de défense commune, souhaite désormais que l’Union augmente la dette commune pour financer sa défense collective.

Alors que le monde est entré dans une phase de ruptures, l’Union pourrait être à l’aube d’une étape historique : un moment « Philadelphie » à l’échelle européenne, en matière d’intégration défensive, budgétaire et politique. Cette bifurcation dépendra cependant en grande partie de la capacité de la France et de l’Allemagne à faire ensemble un grand pas en avant.

Avec Friedrich Merz et Emmanuel Macron, les deux États membres les plus importants de l’Union ont à leur tête les dirigeants les plus pro-européens depuis le début des années 1990.

Shahin Vallée et Joseph de Weck

Le contexte n’est pas facile. Depuis quelques années, et notamment sous la mandature du chancelier Scholz, les relations franco-allemandes ont été marquées par des tensions, de l’acrimonie et de la méfiance. Berlin ne voyait guère l’intérêt de construire une Europe capable de stimuler la croissance et de se défendre — la plus grande économie européenne se portait très bien toute seule.

De son côté, Paris n’inspirait guère confiance : son économie en berne depuis plusieurs années, l’ambivalence des électeurs français à l’égard du projet européen, les gesticulations gaullistes en matière de défense et une situation budgétaire préoccupante contribuaient à refroidir toute convergence franco-allemande.

L’investiture du prochain chancelier pourrait changer la donne. Pour la première fois depuis le début des années 1990, avec Friedrich Merz et Emmanuel Macron les deux États membres les plus importants de l’Union voient deux dirigeants à leur tête qui souhaitent inscrire leur trajectoire politique dans l’avancée du projet européen. Compte tenu de la reconfiguration fondamentale et irréversible du monde imposée par l’administration Trump, il existe désormais une réelle chance de surmonter les frictions franco-allemandes et de bâtir les conditions d’un nouvelle accord historique pour faire passer l’Europe à l’échelle.

Après des dizaines d’auditions et des discussions avec des décideurs et des personnes clefs à Berlin, Bruxelles et Paris, nous sommes en mesure de définir les six coordonnées qui nous paraissent nécessaires pour garantir la réussite de cette nouvelle grande convergence franco-allemande. Pour les comprendre il faut toutefois saisir le contexte politique et stratégique dans lequel se déroulera la visite du chancelier Merz à l’Élysée ce mercredi 7 mai.

L’Allemagne doit enfin réussir sa Zeitenwende

Paris soutient depuis longtemps que l’on ne peut pas compter sur les États-Unis pour assurer la sécurité de l’Europe. Si le moment que nous traversons semble donner raison à la France, celle-ci doit se garder de proférer à tout-va des « je vous l’avais bien dit » — car l’Allemagne semble enfin se rallier à ce point de vue. Le soir de son élection, Friedrich Merz a ainsi déclaré que l’Europe devait tracer sa propre voie en matière de défense et que Berlin devait se préparer à vivre dans un monde sans OTAN. Il s’agit là d’un changement tectonique pour l’Allemagne, dont la sécurité dépend de Washington depuis la Seconde Guerre mondiale.

Le néo-impérialisme de la Russie, le retrait opéré par les États-Unis de leurs engagements en matière de sécurité en Europe, leur guerre commerciale et leur campagne en faveur du parti d’extrême droite AfD, ont conduit l’Allemagne à changer d’attitude envers les États-Unis et la défense européenne en général — ainsi que vis-à-vis de la dissuasion nucléaire en particulier.

En effet, dans la lignée des résultats du sondage Eurobazooka, plusieurs enquêtes d’opinion nationales suggèrent que depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie en 2022, l’attitude des Allemands à l’égard de la bombe a radicalement changé 2 : 69 % des Allemands sont favorables à ce que la dissuasion nucléaire française s’étende à l’ensemble des membres de l’Union européenne. 54 % sont favorables à ce que Berlin entame des discussions avec Paris et Londres sur la création d’une force de dissuasion nucléaire européenne indépendante. 37 % s’y opposent et 11 % sont indécis. La confiance des Allemands envers la France s’élève à 85 % 3, tandis que seulement 16 % d’irréductibles — un chiffre historiquement bas — considèrent encore les États-Unis comme un partenaire fiable, ce qui suggère qu’une fenêtre s’ouvre pour une discussion sur la défense avec la France, qui était jusqu’à présent totalement hors de propos.

54 % des Allemands sont favorables à ce que Berlin entame des discussions avec Paris et Londres sur la création d’une force de dissuasion nucléaire européenne indépendante.

Shahin Vallée et Joseph de Weck

Friedrich Merz a brisé plusieurs tabous particulièrement lourds en quelques semaines. Le chancelier estime désormais disposer de ressources budgétaires suffisantes pour investir dans sa propre défense et son renouveau économique. Pour autant, même si l’Allemagne consacre 500 milliards d’euros à sa défense, sa sécurité ne pourra être assurée sans le soutien du reste de l’Europe. D’autant que si les États-Unis décidaient de ne plus soutenir ni financer les efforts de guerre en Ukraine, l’Union devrait continuer à dépenser des dizaines de milliards d’euros chaque année pour empêcher une victoire russe. Berlin aurait donc tout intérêt à financer ces efforts européens en commun — sans quoi elle pourrait se retrouver à payer seule une part disproportionnée et excessive de ces coûts.

De son côté la France doit désormais faire sa propre Zeitenwende

À Paris, la perspective d’un tel changement d’époque est certes accueillie avec enthousiasme mais aussi avec la perception quelque peu naïve qu’un accord facile serait possible — la France étendrait alors explicitement son parapluie nucléaire en échange d’une garantie de l’Allemagne d’abonder un important fonds européen commun de défense qui profiterait largement au complexe militaro-industriel français.

Mais un tel accord « bombe contre dette » ne saurait fonctionner. Politiquement, il ne passera pas en Allemagne. Plus important encore, il ne suffit pas à construire une nouvelle architecture européenne de sécurité et de défense solide : la France devra elle aussi opérer sa propre Zeitenwende et changer en profondeur certaines de ses conceptions en matière de défense si l’Europe veut devenir stratégiquement autonome.

Dans l’offre qu’elle proposera à Berlin, Paris doit aller au-delà d’une simple déclaration unilatérale dans sa doctrine nucléaire selon laquelle l’intérêt vital de la France serait compromis si l’Allemagne était en danger — formulation qui sous-tend la coopération entre le Royaume-Uni et la France en matière de politique nucléaire dans l’accord de Lancaster House. En réalité, au cours des dernières décennies, grâce à de petites retouches successives apportées à sa doctrine nucléaire, la posture de dissuasion nucléaire de la France inclut déjà une « dimension européenne » 4. En 2015, le président François Hollande avait posé la question suivante : « Qui pourrait croire qu’une agression mettant en danger la survie de l’Europe resterait sans conséquences ? » En 2020, Emmanuel Macron a confirmé la « dimension européenne » de la stratégie de dissuasion nucléaire de la France et a clairement indiqué qu’il était prêt à aller plus loin dans son discours du 5 mars de cette année, juste après les élections allemandes : « répondant à l’appel historique du futur chancelier allemand, j’ai décidé d’ouvrir le débat stratégique sur la protection par notre dissuasion de nos alliés du continent européen ».

La France devra elle aussi opérer sa propre Zeitenwende et changer fondamentalement certaines de ses conceptions en matière de défense si l’Europe veut devenir stratégiquement autonome.

Shahin Vallée et Joseph de Weck

Ce débat stratégique sur l’avenir de la dissuasion nucléaire sur le continent soulève plusieurs questions fondamentales.

La France pourrait-elle accepter un certain niveau de concertation avec l’Allemagne et d’autres pays européens intéressés dans l’élaboration de la doctrine nucléaire tout en conservant, pour des questions de crédibilité, l’autorité et la souveraineté totales sur la « force de frappe » ? Plus important encore : la France pourrait-elle envisager d’étendre son parapluie vers l’Est, au-delà de l’Allemagne et des autres membres fondateurs de l’Union, pour inclure la Pologne ? Quelles seraient les conséquences pour l’arsenal actuel ? Devrait-il être étendu ? Ou simplement modernisé ? Surtout, comment cela s’accorderait-il avec les engagements de l’Europe en matière de non-prolifération ?

Comme on pouvait le prévoir, l’ébranlement de la confiance dans le parapluie américain a désormais invité la question de la dissuasion nucléaire dans le débat public polonais.

En l’absence d’une stratégie européenne crédible en la matière, il est probable que Varsovie chercherait à devenir une puissance nucléaire à part entière, potentiellement en collaboration avec l’Ukraine. Cela soulève évidemment des questions cruciales pour la posture de dissuasion nucléaire de la France, pour sa crédibilité et pour sa pertinence. En effet, étendre explicitement la portée de ses intérêts vitaux à la Pologne signalerait de facto une nouvelle posture vis-à-vis des pays baltes et peut-être de l’Ukraine, ce qui pourrait être perçu comme une escalade par la Russie et ne serait réellement crédible que si elle s’accompagnait d’une augmentation significative du nombre de têtes nucléaires et de la capacité de frappe.

En ce sens, l’annonce par le président Macron de la construction d’une quatrième base aérienne à Luxeuil-Saint-Sauveur, dotée d’une capacité nucléaire, à la frontière avec l’Allemagne, est une mesure importante pour joindre le geste à la parole, conformément à son annonce de mener des discussions avec les alliés européens jusqu’à l’été 2025.

Enfin, compte tenu du sous-investissement historique de l’Allemagne dans le domaine de la défense, il est tout à fait juste que l’Allemagne finance aujourd’hui une plus grande partie des efforts européens en matière de défense afin de rattraper son retard. Mais cela ne signifie pas pour autant que Berlin doive céder aveuglément à la demande — elle aussi historique — de la France en faveur d’emprunts et de dépenses communs de l’Union pour la défense sans un véritable alignement plus large des politiques de défense. Pour beaucoup en Allemagne, il serait en effet inacceptable de financer le complexe militaro-industriel français par un chèque en blanc — et c’est compréhensible. Si la dette européenne ne sert qu’à financer des dépenses de défense nationales disparates, il n’est donc pas certain que la sécurité et la capacité de défense de l’Europe s’en trouveront renforcées de manière optimale.

Pour beaucoup en Allemagne, il serait en effet inacceptable de financer le complexe militaro-industriel français par un chèque en blanc — et c’est compréhensible.

Shahin Vallée et Joseph de Weck

Six points pour un accord historique franco-allemand

Un nouvel accord mutuellement bénéfique, qui renforcerait réellement la sécurité allemande et européenne, ne saurait donc se limiter à une dette commune européenne en échange de la dissuasion nucléaire.

Il doit voir plus large et s’appuyer sur les six mesures suivantes.

  1. Les alliés européens doivent comprendre que la France ne renoncera pas à son contrôle opérationnel et à sa capacité de décision autonomes en matière de dissuasion nucléaire, à l’instar des États-Unis dans le cadre du partage nucléaire au sein de l’OTAN. En revanche, la France doit accepter de formuler une doctrine nucléaire concertée avec ses partenaires européens afin de consolider et de renforcer sa capacité de dissuasion élargie. Cela pourrait inclure des discussions conjointes sur la répartition stratégique des moyens nucléaires et des capacités de frappe à travers le continent et passer par une coopération renforcée avec le Royaume-Uni au-delà de ce qui est actuellement prévu dans l’accord de Lancaster House — qui pourrait de fait prendre la forme d’un un traité incluant l’Allemagne et d’autres pays. Enfin, cela pourrait déboucher sur une nouvelle discussion autour de la participation de la France au groupe de planification nucléaire de l’OTAN.
  2. S’il est vrai qu’un fonds européen d’envergure financé par de la dette sera absolument nécessaire pour renforcer les capacités de défense, la forme, la structure et la gouvernance de cet instrument seront déterminantes. De nombreux États membres sont réticents à l’idée que la Commission européenne et l’Union élargissent leur rôle dans le domaine de la défense et préféreraient donc un mécanisme intergouvernemental pour faciliter cet emprunt commun. Nous pensons pour notre part que l’Union manquerait une occasion historique d’améliorer l’intégration de ses finances et de tirer parti des avantages d’une émission plus importante et plus large d’actifs sûrs en ne participant pas au processus. Cela soulèverait certes des questions juridiques et institutionnelles complexes — notamment compte tenu de l’interdiction de financer des opérations de défense avec le budget européen —, mais ces sujets techniques pourraient être résolus si la volonté politique s’exprimait clairement. Plus important encore, un nouvel emprunt commun devrait être soutenu par de nouvelles ressources propres. Formellement, la nouvelle dette pourrait être entièrement financée par les contributions futures des États membres de l’Union, basées sur le revenu national brut. Mais l’engagement politique de transférer des ressources fiscales vers le budget de l’Union pour soutenir ce nouvel emprunt aurait un effet symbolique important avec des conséquences politiques et financières considérables, consolidant ainsi la transition hamiltonienne de l’Europe.
  3. Ce fonds européen de défense doit reposer sur une évaluation commune des menaces et des besoins en matière de renforcement des capacités afin d’harmoniser les priorités en matière de dépenses. Cette analyse approfondie et indépendante des risques ne devrait être influencée ni par les intérêts industriels, ni par les obsessions nationales. Il nous semble en effet difficile d’envisager le développement d’une intimité stratégique à l’échelle du continent sans le rôle de médiateur que peuvent jouer les institutions européennes. Cet examen partagé devrait servir de base à un budget commun pour les équipements de défense conjoints, tels qu’un nouveau système de reconnaissance, de renseignement et de communication par satellite en orbite basse avec une capacité de lancement propre, un nouveau système de défense aérienne à l’échelle du continent, une nouvelle force aérienne de drones, une nouvelle capacité de frappe en profondeur à longue portée — points qui font tous aujourd’hui l’objet d’un large consensus. Le livre blanc de la Commission européenne sur la défense est un premier pas important dans cette direction.
  4. Le financement commun de ces priorités partagées doit également s’accompagner d’une politique commune en matière de marchés publics, afin que, même dans les domaines où les Européens continuent de dépenser principalement au niveau national, ils puissent tirer parti de la taille du marché unique et de leur engagement en faveur de l’interopérabilité pour réaliser des économies d’échelle et gagner en efficacité, même dans les domaines où ils continuent de dépenser principalement au niveau national. Cela permettrait également de garantir que les ressources communes ne soient pas consacrées à des projets favorisés par des pays membres ou à des projets dont l’utilité est douteuse, mais qu’elles servent véritablement l’objectif supérieur qui consiste à maximiser la capacité de préparation et de défense de l’Europe.
  5. Cette politique commune en matière de passation de marchés publics soulèvera à n’en pas douter des questions fondamentales en matière de répartition des compétences entre les États membres et de politisation des choix. Cela implique qu’outre l’européanisation de la demande par le biais de marchés publics communs, des efforts doivent être consentis pour européaniser l’offre, que ce soit par la consolidation transfrontalière et l’européanisation des chaînes d’approvisionnement (la stratégie de Rheinmetall), ou par la création de champions européens plutôt que nationaux grâce à des fusions soutenues par les pouvoirs publics (la stratégie Airbus). À l’exception notable d’Airbus/EADS/MBDA, les récentes tentatives en ce sens, y compris dans le contexte franco-allemand, ont été très décevantes. La gouvernance de KNDS et son incapacité à fournir un char de nouvelle génération en temps et en heure sont un exemple typique. Les difficultés rencontrées dans le cadre du projet franco-allemand d’avion de combat de 6e génération montrent que la lutte contre l’emprise des intérêts nationaux en matière de défense n’est pas encore gagnée.
  6. Enfin, l’avenir de la politique européenne commune en matière de sécurité et de défense soulève également des questions fondamentales. Faut-il réviser le traité sur l’Union européenne afin de permettre un véritable financement de la défense par le budget de l’Union ? La politique commune en matière de sécurité et de défense, ou du moins certains de ses aspects, devrait-elle progressivement passer à la majorité qualifiée plutôt qu’à l’unanimité afin d’améliorer la capacité d’action de l’Europe ? Comment les exportations d’armes seraient-elles organisées dans un contexte où les systèmes d’armement seraient développés au niveau européen ? Sur toutes ces questions potentiellement problématiques, la gouvernance européenne n’a pas suffisamment progressé et il est illusoire d’imaginer qu’elles puissent être résolues par des processus intergouvernementaux et des accords fondés sur l’unanimité.

L’Europe est peut-être à l’aube d’une avancée considérable. Tout porte à croire que la France avait raison d’attirer l’attention sur le manque de stabilité et la fiabilité de la garantie de sécurité américaine, et que la Pologne et les pays d’Europe de l’Est avaient raison de craindre la menace russe. Si l’Allemagne s’est fourvoyée sur ces deux points, il serait naïf de croire que la construction d’une défense européenne pourrait aujourd’hui se faire entièrement selon les conditions de la France. Pour faire progresser l’Europe vers une autonomie stratégique effective, la France devra également faire son examen de conscience et se préparer à sa propre « Zeitenwende ». Cela soulèvera certainement des questions importantes sur la politique économique de la France — car sa fragilité économique sape son rôle moteur et son instabilité politique affaiblit désormais sa capacité à obtenir des engagements à long terme de la part de ses partenaires européens.

Il serait naïf de croire que la construction d’une défense européenne pourrait se faire entièrement uniquement aux conditions de la France.

Shahin Vallée et Joseph de Weck

Ces discussions sur la défense pourraient donc s’inscrire dans le cadre de négociations plus larges, portant notamment sur la mise en œuvre du rapport Draghi sur la compétitivité européenne et sur des mesures communes en matière de politique migratoire.

Le 7 mai, le chancelier Merz et le président Macron définiront un nouveau programme de travail pour faire avancer ces questions cruciales pour l’Europe.

Le sommet de l’OTAN des 24 et 26 juin et le Conseil européen des 26 et 27 juin constituent le calendrier à court terme pour l’annonce et la mise en œuvre de ces mesures. 

Il est urgent d’agir car la fenêtre est étroite pour la France comme pour l’Allemagne : Friedrich Merz est à la tête d’une coalition talonnée par l’AfD, et le pouvoir du président Macron risque de s’affaiblir à mesure que l’on se rapproche de l’échéance de 2027.

Il n’y a pourtant pas, aujourd’hui, de question stratégique plus décisive pour la France, l’Allemagne et l’Europe. La fenêtre de tir vient seulement de s’ouvrir, mais le temps presse. Le chancelier Merz et le président Macron sauront-ils saisir toute l’importance de ce moment historique ?

Sources
  1. Poland declares interest in French nuclear deterrent – or even developing its own », Notes from Poland, 10 mars 2025.
  2. Germans Back Merz’ “Whatever It Takes” on Debt and Defense », Internationale Politik Quarterly, 24 mars 2025.
  3. ARD-DeutschlandTREND – Vertrauen in die USA auf neuem Tiefpunkt »,Presselounge–WDR, 6 mars 2023
  4. France’s Nuclear Offer to Europe », CSIS, 23 octobre 2024.
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