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La revue des révolutions féministes

▸ Les 10 dernières parutions

04.12.2025 à 17:54

💝Oh oh oh

La Déferlante

💡Des livres pour les adultes… 🎁 Deux bandes dessinées, de la part de Lucie Geffroy Lucie est corédactrice en chef de La Déferlante et veille sur les sorties de bandes […]
Texte intégral (2333 mots)

💡
Des livres pour les adultes…

🎁 Deux bandes dessinées, de la part de Lucie Geffroy

Lucie est corédactrice en chef de La Déferlante et veille sur les sorties de bandes dessinées.

Vieille

Dans la rue, personne ne la voit, elle est vieille, elle est moche et a des poils sur le nez. Avec Vieille, l’autrice de bande dessinée Delphine Panique dresse le portrait d’une vieille dame revêche à souhait qui trimballe son caddie et ses sarcasmes dans la ville. Alternant réflexions (pas si) absurdes sur la mort et tendres digressions sur sa vie de femme, elle renvoie chacun·e à sa propre finitude et interroge la place des femmes âgées dans notre société. Un pur bijou de sensibilité et de poésie.

👵🏼 Delphine Panique, Vieille, Misma, 2025, 19 euros

Une obsession

Il faut parfois accepter de se perdre pour mieux se trouver. C’est dans le décor d’une Venise fantasmée que Nine Antico propose une enquête minutieuse sur son obsession pour les garçons, sa quête de l’orgasme et les affres de son désir. En racontant avec une rare honnêteté plusieurs moments clefs de sa vie sexuelle, comme autant de flashs surgis du passé, elle décortique la zone grise du consentement. Au fil des pages, c’est aussi une formidable ode au dessin comme outil d’émancipation qui s’écrit. Un puissant voyage intérieur.

🍑 Nine Antico, Une obsession, Dargaud, 2025, 29,95 euros

🎁 Un récit anthropologique, de la part d’Amélie Bonnin

En plus d’être une talentueuse réalisatrice, Amélie est notre directrice artistique.

Le livre que j’offre tout le temps s’intitule Croire aux fauves, de Nastassja Martin. Il m’a saisie de manière absolue et puissante, alors même que je ne savais pas du tout où je mettais les pieds. C’est l’histoire (vraie) d’une anthropologue qui tombe nez à nez avec un ours, quelque part dans les montagnes du

Kamtchatka, en Russie. C’est la rencontre entre une femme et un animal, la découverte d’un territoire et des croyances qui l’habitent… C’est profond inattendu, extraordinaire et inoubliable. Un voyage.

🌨 → Nastassja Martin, Croire aux fauves, Gallimard, 2024, 7,99 euros

🎁 Un roman, de la part d’Alice Béja

Alice est maîtresse de conférence à Sciences Po Lille, spécialiste des États-Unis, et membre de notre comité éditorial.

Elba est née dans un asile psychiatrique pour femmes à Naples. De là, elle observe et côtoie celles que l’on considère comme des folles, qui bien souvent y sont enfermées pour avoir refusé d’être des mères et des épouses. Décrivant la répression, la mise à l’écart des femmes, puis le mouvement de fermeture des asiles, elle interroge la frontière toujours floue entre « folie » et « normalité » ainsi que les normes sociales qui la définissent.

❤️‍🔥 → Viola Ardone, Les Merveilles, trad. Laura Brignon, Albin Michel, 2024, 22,90 euros

🎁 Un essai poétique, de la part de Sarah Benichou

Sarah est journaliste indépendante et membre de notre comité éditorial.

Dans ce récit mi-autobiographique, mi-politique, l’autrice retrace la façon dont le colonialisme français et le sionisme ont méthodiquement détruit les mondes « juifs musulmans » au point qu’on en nie, aujourd’hui, l’existence. Ciselé comme un bijou, ce texte fait résonner les mots et les images, l’intime et le politique, les archives et les souvenirs, la prose et la poésie, offrant une respiration salvatrice au milieu du confusionnisme contemporain qui oppose « Juifs » et « Arabes » pour accompagner la destruction de la Palestine. Un livre court, exigeant et accessible, qui fait du bien au cœur des enfants des diasporas maghrébines en France, et ouvre l’esprit des autres.

💍 → Ariella Aïsha Azoulay, La Résistance des bijoux. Contre les géographies coloniales, trad. Jean-Baptiste Naudy, Rot-Bo-Krik, 2023, 15 euros

🎁 Une méthode créative, de la part de Marion Pillas

amie chère.

Artiste queer franco-libanaise, Nathalie Sejean s’intéresse depuis plusieurs années aux mécanismes créatifs et à l’impact des œuvres sur nos représentations du monde. Dans La Méthode carnet d’idées, elle nous explique, exemples à l’appui, comment, avec un crayon et un carnet, nous pouvons « gouverner le monde, sans utiliser l’intelligence artificielle ». Car plus nous serons nombreux·ses à collecter nos idées et nos curiosités, « plus nous développerons notre capacité individuelle et collective à […] construire une société qui nous enchante et dans laquelle nos singularités sont encouragées à être exprimées ».

🐜 → Nathalie Sejean, La Méthode carnet d’idées, La Fourmi, 2025, 20 euros

🎁 Un guide pour les parents, de la part d’Emmanuelle Josse

Corédactrice en chef de La Déferlante, Emmanuelle est aussi éditrice à La Déferlante Éditions.

Dernier paru de notre maison d’édition, Grandir sans tabou donne tous les outils aux parents pour entamer avec leurs enfants un dialogue serein sur les relations affectives, la sexualité, le corps et le consentement. Illustré de cas pratiques et ponctué de témoignages d’expertes et d’experts, il est, selon nous – et en toute objectivité ! –, le cadeau parfait à offrir à toutes celles et tous ceux qui sont en contact avec des enfants. La preuve, même Quoi de mum, la newsletter des parents féministes le recommande chaudement (scrollez, c’est tout en bas !).

🐤 → Claire Marcadé Hinge et Marianne Marty-Stéphan, Grandir sans tabou. Comment parler de sexualité avec les enfants, La Déferlante Éditions, 2025, 17,50 euros

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… et pour les enfants

🎁 Un roman pour ados, de la part de Malwenn Cailliau

Malwenn est assistante d’édition à La Déferlante.

Mireille, Astrid et Hakima, trois copines soudées mais pas très populaires au collège, se lancent dans un voyage à vélo sur les routes de France, avec pour destination, Paris et la garden-party de l’Élysée. Véritable ode à l’amitié, Les Petites Reines s’adresse aussi bien aux ados qu’aux adultes qui veulent rire tout en parlant de sujets sérieux. L’autrice, Clémentine Beauvais, aborde sans concessions les questions de misogynie, de grossophobie, de racisme ou de handicap.

🚲 → Clémentine Beauvais, Les Petites Reines, Sarbacane, 2015, 15,50 euros

🎁 Un roman illustré, de la part de Sophie Hofnung

Sophie est correctrice, éditrice et traductrice. Elle nous recommande un roman jeunesse sur lequel elle a adoré travailler.

Dans la tribu, seuls les garçons ont le droit de faire le Voyage et de devenir chasseurs. Pourtant, Trog est de loin la plus habile à l’arc, la plus rapide pour allumer un feu ou identifier les animaux dangereux. Bien décidée à bousculer les traditions, elle se lance dans une série d’aventures et de découvertes palpitantes. Elle fait preuve d’un courage et d’une ingéniosité dont bien peu imaginaient une fille capable…

👑 → Puño et Marta Altés (illus.), Le Voyage de Trog, trad. Sophie Hofnung, Talents Hauts, 2023, 13,50 euros

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On y sera

🍷 Salon Mi-livre mi-raisin, Paris

Sam 6 et dim 7 décembre 2025
La Bellevilloise, Paris 20e

La Déferlante sera présente tout le week-end à la sixième édition de ce salon où se rencontrent éditeur·ices et vigneron·nes indépendant·es. Vous retrouverez sur notre stand l’ensemble de nos revues, livres et goodies.

🎟Infos et billetterie

💦 Littérature érotique

Mar 9 décembre 2025, à 19 heures
Maison de la poésie, Paris 3e

Dans le cadre de (OUiiii), un cycle de rencontres autour de la littérature féministe et érotique, Élodie Font échangera avec sa consœur Axelle Jah Njiké. Des extraits de son livre À nos désirs, paru chez La Déferlante Éditions en 2024, seront lus par la comédienne Marie-Sonha Condé.

👉🏼 → Plus d’informations

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28.11.2025 à 17:30

Lutte contre la grossophobie : est-ce une loi qu’il nous faut ?

Lucie Inland

Le 11 octobre 2025, Sara, 9 ans, se suicidait chez elle, à Sarreguemines (Moselle). Dans la presse, sa mère et des camarades de classe racontent l’acharnement de certains enfants : « T’es grosse, […]
Texte intégral (1120 mots)

Le 11 octobre 2025, Sara, 9 ans, se suicidait chez elle, à Sarreguemines (Moselle). Dans la presse, sa mère et des camarades de classe racontent l’acharnement de certains enfants : « T’es grosse, t’es moche, t’es conne. » En 2017 Christopher Fallais, 16 ans, mettait lui aussi fin à ses jours chez lui à Janzé, près de Rennes. Depuis quatre ans, dans le collège privé où il était scolarisé, « on le traitait de gros, de gras, de pédé parce qu’il faisait du cheval », raconte sa mère. Au même âge, et pour les mêmes raisons, Jonathan Destin s’est immolé par le feu près de Lille, en 2011. Devenu, avec sa mère, un fervent militant contre le harcèlement scolaire, il meurt onze ans plus tard des suites de ses brûlures.

L’Éducation nationale recense, chaque année, environ 700 000 cas de harcèlement, dont un grand nombre ont pour cause la grossophobie. « Près de 25 % des jeunes en surpoids déclarent avoir subi des discriminations, un chiffre qui grimpe à 40 % chez ceux en situation d’obésité », révèle une étude publiée en 2020 par la Ligue contre l’obésité. Dès l’école primaire, un grand nombre d’enfants voient le fait d’être gros·se comme une tare : « C’est quelque chose que l’on retrouve dans les dessins animés. Les gros sont souvent à la traîne ou bêtes », rappelait Aline Thomas, cofondatrice de La Grosse Asso, association de lutte contre la grossophobie, dans un article de 20 Minutes.

« Des problèmes d’interprétation »

Pourtant, à ce jour, le terme « grossophobie » n’apparaît nulle part dans la loi française. L’article 225–1 du Code pénal se contente d’une formule vague : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur sexe, de leur origine, de leur apparence physique ou de leur âge. » Pour Daria Marx, militante et autrice de Dix questions sur la grossophobie (Libertalia, 2024), l’énoncé est « trop large pour permettre de circonscrire clairement la grossophobie ». Chloé Heyriès, avocate spécialisée sur les questions de discrimination, confirme : « Le Défenseur des droits dit depuis […] 2019 qu’il faudrait une incrimination spécifique pour mieux protéger les victimes. »

C’est ce que réclame également le député Romain Daubié (groupe Les Démocrates) dans une proposition de loi déposée devant l’Assemblée nationale le 30 septembre 2025, estimant que « cette invisibilisation contribue à la banalisation d’une violence quotidienne ». L’élu de l’Ain s’inspire d’une pétition lancée quelques jours plus tôt par l’influenceuse Harmony Albertini, qui propose de formuler ainsi la définition de la grossophobie : « Tout propos, comportement, traitement défavorable ou incitation portant atteinte à la dignité, à la santé, à la liberté ou à la considération d’une personne en raison de son poids, de sa corpulence ou de son apparence physique liée à la taille de son corps, incluant les préjugés sur sa santé, son hygiène de vie, ses capacités ou sa valeur. »


« Il est fréquent de voir stigmatiser “le gros de service” au motif que “c’est pour son bien” »


Biais grossophobes

Aussi louable soit l’intention, de nombreuses personnes grosses et militantes anti-grossophobie s’interrogent sur l’utilité même d’une loi pour lutter contre ces violences. « Les moyens alloués devraient porter sur l’éducation des acteur·ices de la chaîne pénale », analyse la juriste Sabrina Erin Gin, qui rappelle que sur le front des discriminations, l’existence d’un texte peut dissuader de prendre d’autres mesures : « L’adoption d’une loi coûte très peu cher et donne l’impression d’un travail accompli. » De même que la culture du viol biaise le regard de la société sur les auteur·ices et les victimes de violences sexuelles jusque dans les tribunaux, l’omniprésence, dans les esprits, des biais grossophobes empêche de prendre conscience de la gravité de ses conséquences sur les personnes qui la subissent.

Dans Gros n’est pas un gros mot (Flammarion, collection « Librio », 2018), les deux cofondatrices de l’association Gras Politique, Daria Marx et Eva Perez-Bello s’interrogent : alors qu’il est encore fréquent de voir des parents ou du personnel scolaire stigmatiser « le gros de service » au motif que « c’est pour son bien », comment ces personnes peuvent-elles seulement identifier un comportement grossophobe et analyser ses conséquences ? « Quand tu es gros·se tu es censé·e maigrir, donc la société ne va pas s’adapter à toi », décrypte Loulie Houmed, fondatrice du collectif Gros Amours. Au contraire, l’OMS comme les associations de personnes concernées rappellent que, dès le plus jeune âge, les enfants gros·ses ont tendance à être exclu·es des sociabilités et voient souvent leur assiette et leur activité physique étroitement surveillées.

La proposition de loi déposée fin septembre n’a pas encore été mise à l’ordre du jour de l’Assemblée. Mais face à ces violences qui passent encore fréquemment sous les radars et devant l’urgence d’aider des enfants en grave détresse, comme Sara, Christopher ou Jonathan, les associations et collectifs de personnes concernées n’attendent plus que la loi change. En 2022, Gras Politique a conçu une brochure de sensibilisation à la grossophobie à destination des enseignant·es. GRASbuge s’adresse, pour sa part, à toutes les personnes en contact avec des enfants par le biais d’un livret pour déconstruire les préjugés. Les deux documents sont téléchargeables librement sur leurs sites.

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25.11.2025 à 21:50

Carte des associations financées par la galaxie Pierre-Édouard Stérin

Collectif Hors Cadre

En juillet 2024, le quotidien L’Humanité révèle un document, rédigé en automne 2023 par l’équipe du milliardaire ultra-conservateur Pierre-Edouard Stérin, qui a fait fortune avec les coffrets cadeaux Smartbox. Le […]
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En juillet 2024, le quotidien L’Humanité révèle un document, rédigé en automne 2023 par l’équipe du milliardaire ultra-conservateur Pierre-Edouard Stérin, qui a fait fortune avec les coffrets cadeaux Smartbox. Le texte fixe les points d’étapes du « plan Périclès » (l’acronyme de Patriotes / Enracinés / Résistants / Identitaires / Chrétiens / Libéraux / Européens / Souverainistes ), qui prévoit le déploiement d’« environ 150 millions d’euros sur les dix prochaines années via le financement ou la création de projets ». L’objectif : favoriser, grâce à l’injection de fonds dans divers médias et structures associatives, la diffusion d’une idéologie réactionnaire visant à contrer  « les maux principaux [du] pays – socialisme, wokisme, islamisme, immigration ». Et créer  ainsi les conditions d’une victoire électorale du Rassemblement national aux municipales de 2026, et d’une alliance entre la droite et l’extrême droite aux présidentielles de 2027.

Avant même la révélation du projet Périclès, des journalistes indépendant·es du collectif Hors Cadre se sont intéressé·es aux associations qu’il soutient notamment à travers les Nuits du bien commun, ces soirées de charité destinées à lever des fonds pour des associations. Comment le milliardaire développe-t-il son influence en finançant des associations qui interviennent dans les champs de l’éducation, la culture ou de l’aide aux personnes défavorisées ? Élu·es locaux ou représentant·es de l’État sont-ils au courant du projet idéologique qu’elles colportent ? Ce vaste travail d’investigation sur l’empire « philanthropique » de Pierre-Édouard Stérin vise à répondre à ces questions.


Cette carte interactive, coordonnée par Martin Delacoux et Clément Vogt du collectif Hors Cadre, en partenariat avec WeDoData, présente l’ensemble des associations qui ont fait l’objet d’une enquête journalistique. La carte indique le lieu où se situent leurs sièges et antennes, les fonds privés récoltés, en particulier grâce à la « galaxie » de Pierre-Édouard Stérin, ainsi que les fonds publics perçus. Chaque entrée renvoie vers les enquêtes correspondantes, qui apparaîtront au fur et à mesure de leur publication.

À l’heure où de très nombreuses associations craignent pour leur avenir du fait d’une baisse drastique de leurs financements publics, cette cartographie vise aussi à informer citoyen·nes et élu·es pour identifier le projet idéologique porté plus ou moins clairement par les associations présentées, et l’origine de leurs fonds.

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20.11.2025 à 12:17

Journée du souvenir trans : des ressources pour comprendre

La Déferlante

🏳️‍⚧️à la une Aujourd’hui 20 novembre, on célèbre la journée du souvenir trans, autrement appelée TDoR (pour Transgender Day of Rememberance en anglais). L’occasion pour La Déferlante de rassembler et […]
Texte intégral (2900 mots)

🏳️‍⚧️
à la une

Aujourd’hui 20 novembre, on célèbre la journée du souvenir trans, autrement appelée TDoR (pour Transgender Day of Rememberance en anglais). L’occasion pour La Déferlante de rassembler et de partager des ressources pour comprendre les ressorts de la transphobie et ses conséquences concrètes sur la vie des personnes concernées.
Comme le rappelle le journaliste Élie Hervé, auteur d’un des essais que nous recensons ici, les appels vers deles numéros d’urgence à destination des jeunes trans ont explosé de + 700 % aux États-Unis depuis la réélection de Donald Trump. En France, les actes transphobes ont augmenté de 27 % en 2023, et 63 % des adultes trans ont pensé mettre fin à leurs jours ou ont fait une tentative de suicide avant leur transition médicale. Il est donc plus que jamais nécessaire, comme nous le faisons dans notre revue et notre newsletter depuis bientôt cinq ans, de continuer à documenter ces violences.

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Dans La Déferlante

Leadeuse malgré elle

Colombienne, trans, arrivée en France au début des années 2000, Giovanna Rincon, directrice d’Acceptess‑T, raconte son engagement pour les droits des personnes trans, qui, au sein de son association, sont souvent des travailleuses du sexe séropositives.

✊🏾 → À retrouver dans les archives de la newsletter

« Tu vas pas muter »

Dans une série de photographies publiées dans le numéro 19 de La Déferlante (septembre 2025), le photographe Nanténé Traoré s’intéresse au rituel des injections hormonales dans la communauté trans.

📷 → Voir le portfolio dans le numéro 19, septembre 2025.

Résistance outre-Manche

Depuis plus d’une décennie, la transphobie s’intensifie au Royaume-Uni, dans les médias et sous l’impulsion des mouvements féministes antitrans. Dans un reportage publié en mai 2023, Valeria Costa-Kostritsky montre comment les militant·es trans et leurs allié·es organisent la résistance.

💂🏽 → À lire dans le numéro 10 de La Déferlante, mai 2023.

L’alliance des haines

Dans cette enquête, les journalistes Perrine Bontemps et Victor Mottin expliquent comment, depuis plusieurs années, les sphères transphobes s’inspirent ouvertement des théories conspirationnistes.

👀 → À lire dans le numéro 13, mars 2024.

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On lit

Une enquête

Dans cet ouvrage nourri de plusieurs années de terrain, le journaliste Élie Hervé décortique les mécanismes de la transphobie ordinaire, en particulier ses ressorts médiatiques. Mais l’originalité de cette enquête, c’est qu’elle laisse une large place à la parole des personnes concernées, mettant ainsi en regard les comportements transphobes et leurs conséquences concrètes sur les vécus trans. On comprend ainsi à quel point la panique morale autour des transidentités encourage les agressions dans l’espace public, mais également les discriminations en matière d’embauche, de logement et de soin. En fin de compte, « chaque année, ce sont plus de trois cents personnes trans qui sont assassinées dans le monde […]. À cela s’ajoutent des dizaines de suicides par an ».

🖋 → Élie Hervé, Transphobia, éditions Solar, 2025. 19,90 euros.

Un essai

Dans ce livre paru à l’automne 2024, Maud Royer, présidente de l’association Toutes des femmes et membre du comité éditorial de La Déferlante, analyse les ressorts de l’offensive transphobe en cours depuis le début des années 2020. Si, en France, les argumentaires antitrans ont moins qu’ailleurs infiltré les milieux féministes, ils ont en revanche largement infusé dans le grand public et dans la classe politique, portés par une curieuse alliance entre intellectuel·les classés à gauche et personnalités d’extrême droite. Dans son essai limpide et parfaitement documenté, Maud Royer propose également des pistes d’action : en premier lieu la lutte pour le droit à l’autodétermination de genre, déjà en vigueur dans d’autres pays européens.

📕 → Maud Royer, Le Lobby transphobe, éditions Textuel, 2024. 17,90 euros.

Un récit

En 2020, Tal Madesta entame une transition de genre. En prenant ce chemin qui implique de redéfinir entièrement son rapport à soi, aux autres, au monde social, il va faire l’expérience désolante de la violence transphobe et du deuil. Mais il va aussi découvrir la joie d’aimer autrement et d’expérimenter avec intensité sa propre liberté. Avec cet ouvrage, Tal Madesta poursuit le récit sensible d’une révolution intime et politique, dans le fil des chroniques qu’il avait écrites dans les quatre numéros de La Déferlante de l’année 2022.

🌊 → Tal Madesta, La Fin des monstres, La Déferlante Éditions, 2023. 15 euros.

📺
On regarde

Orlando

« Ma biographie existe, et c’est cette putain de Virginia Woolf qui l’a écrite en 1928… » Ainsi commence ce documentaire expérimental réalisé par Paul B. Preciado. En réponse au roman publié presque un siècle plus tôt par l’autrice d’Une chambre à soi, le philosophe compose un film dans lequel le personnage de femme trans d’Orlando est tour à tour incarné par une vingtaine de personnes trans, non binaires et intersexes. Un choix de réalisation radical qui vient révéler la polyphonie des identités et des vécus trans.

👑Orlando de Paul B. Preciado, coproduit par Arte et les Films du poisson. 99 minutes, disponible sur arte.tv jusqu’au 7 avril 2026.

En Argentine

Durant plusieurs mois, en 2019, alors que la campagne présidentielle bat son plein et que les féministes argentines manifestent pour la légalisation de l’avortement, la réalisatrice Isabelle Solas s’immerge dans la communauté des femmes trans de Buenos Aires. Elle y croise deux travailleuses sociales, qui de maisons communautaires en réunions militantes, conseillent, accompagnent et encouragent leurs sœurs – parmi lesquelles de nombreuses travailleuses du sexe très précaires – à faire entendre leur voix dans l’espace public, malgré la transphobie ambiante et l’hostilité d’une partie des militantes féministes. L’une d’entre elles, Violeta, s’est lancée dans une thèse en anthropologie. À une amie venue assister à sa soutenance, elle assène ce qui pourrait être la devise de ce groupe de femmes : « Il nous faut nous émanciper, pour qu’ils arrêtent de parler à notre place. »

⚔Nos corps sont vos champs de bataille, documentaire d’Isabelle Solas, Dublin films, 2021. 100 minutes. Disponible en VOD.

✊🏼
Médias

Un nouveau venu

Média queer et indépendant né du bouillonnement politique des années 2024 et 2025, Problematik veut s’inspirer des marges pour penser des alternatives à la montée des fascismes. Leur site d’information proposera des interviews, des reportages, des portraits, des tribunes.

💰Je soutiens Problematik

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Un glossaire pour tout comprendre

Alors que l’actualité montre à quel point la guerre culturelle qui fait rage est aussi une bataille sémantique, il nous a paru important que La Déferlante propose à ses lecteur·ices des définitions de concepts clés pour appréhender l’époque dans une perspective féministe intersectionnelle. Queer, panique morale, fake news : toutes les définitions sont en accès libre sur notre site internet, qui est alimenté au fil des numéros pour faciliter la compréhension des concepts mobilisés dans chaque dossier.

🔏Retrouvez toutes nos définitions en libre accès

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On y sera

🎉 Soirée de lancement

Jeu 27 novembre 2025, à 18h
Maison des Métallos, Paris 11e

Dans le cadre du lancement du numéro 20 de La Déferlante « Soigner dans un monde qui va mal », une table ronde réunira la psychiatre Loriane Bellahssen, la psychologue Salima Boutebal et la militante féministe Valérie Rey-Robert pour parler de santé mentale. La discussion sera suivie d’un concert de Louisadonna.

🎟Infos et billetterie

🐤 Grandir sans tabou

Ven 28 novembre 2025, à 19h30
Librairie À la marge, Montreuil (Seine-saint-Denis)

Claire Marcadé Hinge et Marianne Marty-Stéphan, les deux autrices de Grandir sans tabou, notre guide pour parler de sexualité avec les plus jeunes, échangeront avec Mai-Lan Chapiron, autrice engagée pour la protection des enfants.

👉🏼 → Plus d’informations

Dim 30 novembre 2025, 19h30
Librairie Divergences, Quimperlé (Finistère)

Claire Marcadé Hinge et Marianne Marty-Stéphan reviendront sur l’écriture de leur livre et répondront aux questions des lectrices bretonnes.

💁🏼 → Pour en savoir plus

📽 Au cinéma

Mar 2 décembre 2025, à 19h45
Le Kino Ciné, Villeneuve d’Ascq

Marion Pillas, corédactrice en chef de La Déferlante, échangera avec Nora Philippe, la réalisatrice, et Cécile Duflot, présidente d’Oxfam France, en marge de la projection en avant-première du documentaire Girls for Tomorrow, en salle le 10 décembre.

🎫 → Infos et billetterie

🍷 Des revues, des livres et du vin

Sam 6 et Dim 7 décembre 2025
La Bellevilloise, Paris 20e

Lire notre revue ou nos livres en sirotant un verre de vin de producteur·ices indépendant·es ? Ce sera possible durant tout un week-end au festival Mi-livre Mi-Raisin qui, pour sa 6e édition parisienne, réunit à nouveau éditeur·ices et viticulteur·ices. Vous y retrouverez un stand avec toutes nos publications et nos goodies.

🎟 → Infos et réservations

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13.11.2025 à 16:45

Financements libyens  : une affaire d’hommes puissants

Coline Clavaud-Mégevand

Le 19 septembre 1989, une bombe explose dans un avion, le DC-10 de la compagnie UTA, entre Brazzaville (capitale de la République du Congo) et Paris, et tue les 170 passager·es et membres de l’équipage à son bord.

Dix ans plus tard, six agents des services secrets libyens, dont Abdallah Senoussi, beau-frère du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, ont été reconnus coupables de cet attentat et condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité par la justice française, sans toutefois être extradés vers Paris.

En 2005, Claude Guéant, directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, et Brice Hortefeux, ministre délégué aux Collectivités territoriales, rencontrent Abdallah Senoussi à Tripoli et auraient entamé avec lui des négociations en vue du financement, par la dictature libyenne, de la future campagne de Nicolas Sarkozy pour l’élection présidentielle française en 2007. En contrepartie, les deux lieutenants du futur candidat se seraient engagés à ce que la condamnation d’Abdallah Senoussi soit révisée. Ce « pacte corruptif » est au cœur des trois mois de procès (du 6 janvier au 10 avril 2025) qui ont débouché, le 25 septembre 2025, sur la condamnation de l’ancien président français à cinq ans de prison ferme pour association de malfaiteurs ( le procès en appel est prévu pour mars 2026). Le tribunal a également reconnu le préjudice moral infligé aux parties civiles. 

Comment êtes-vous devenue partie civile au procès de l’affaire du financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy ?

Mon père, Jean-Pierre Klein, est mort, un peu avant mes 5 ans, dans ce que j’ai longtemps cru être un accident d’avion, mais qui était en réalité un attentat. En 1999, j’étais trop jeune pour assister au procès d’Abdallah Senoussi. Mais j’ai rejoint le collectif de familles de victimes monté par ma tante, Danièle Klein, et par Yohanna Brette, dont la mère, Martine Brette, était hôtesse de l’air sur le vol. C’est en janvier 2025, lors des débats qui visaient à déterminer si Nicolas Sarkozy avait bénéficié de fonds libyens pour sa campagne présidentielle et s’il existait un pacte de corruption avec le régime de Kadhafi, que j’ai pris conscience de la violence à laquelle on avait été exposé·es en tant que proches des victimes. Violence de l’intention de mort derrière l’attentat, mais aussi violence du pacte noué par Nicolas Sarkozy et ses proches collaborateurs.

Vous faites une lecture genrée du procès. Pourquoi ?

Dans ce procès, les prévenus, leurs avocats, la grande majorité des témoins sont des hommes… Même les voix les plus présentes dans les médias sont masculines. C’est quand le procès a débuté, le 6 janvier 2025, en voyant les prévenus en vrai [l’ex-président Nicolas Sarkozy et onze autres prévenus, dont les anciens ministres Brice Hortefeux et Claude Guéant], que je me suis rendu compte qu’ils étaient tous des hommes âgés, bourgeois, vivant dans les quartiers chics de l’Ouest parisien. Ils m’ont renvoyé une impression très forte d’entre-soi.

J’ai été frappée par leur manière de s’adresser au tribunal, leur aplomb, c’était très impressionnant. Jusqu’au 23 janvier [jour de la déposition des familles des victimes pendant le procès], nous n’avons entendu quasiment aucune voix féminine. Puis nous avons été neuf femmes à raconter notre histoire à la barre. Dans une tribune publiée en octobre dans Libération, ma tante et Yohanna Brette nous appellent « les filles du DC-10 ».

Notre avocate, Laure Heinich [également avocate de certaines victimes de Patrick Poivre d’Arvor], a joué un rôle dans cette prise de conscience des dynamiques de genre. Lors de sa plaidoirie, elle a parlé des proches de victimes au féminin, même s’il y a des hommes dans notre groupe. Ce choix m’a permis de mettre des mots sur ce qui était jusque-là une impression diffuse. Laure Heinich a aussi parlé de nous en tant que femmes dignes et qui ne cherchaient pas la vengeance, ainsi qu’en tant que citoyennes. Auparavant, j’avais pu me dire : « Cette affaire me dépasse », et d’un coup, grâce à ses mots d’avocate, je me suis sentie légitime. Ce procès est devenu pour moi celui d’un monde d’hommes qui se croyaient intouchables et de femmes qui ont décidé de se dresser face à eux.

« Pendant les audiences, une violence masculine sûre d’elle s’exprimait. »

Qu’avez-vous ressenti en vous adressant à la cour devant laquelle s’est tenu ce procès historique, ce fameux 23 janvier ?

La déposition que j’ai faite ce jour-là, je l’ai écrite dans ma tête les nuits qui ont précédé. Je ne dormais pas, et j’imaginais ces hommes autour d’une table, organisant l’attentat, puis d’autres hommes, dix-huit ans plus tard, négocier l’immunité du terroriste Abdallah Senoussi, en échange de versements d’argent. Quand, le lendemain, j’ai pris la parole à la barre, j’ai eu le trac, une peur presque physique, je tremblais. J’avais l’impression d’occuper une place qui n’était pas la mienne. Mais eux, alors même qu’ils étaient assis sur le banc des prévenus, ils n’avaient pas l’air mal à l’aise ! C’est en voyant ça que j’ai eu le courage de ne plus m’effacer. À 40 ans, j’ai senti que je devenais adulte.

Ce procès a donc été l’occasion d’une prise de conscience intime ?

Oui, autant que politique. Longtemps, j’ai cru que j’avais été épargnée par la violence masculine. Mais à force d’écouter ces hommes parler, j’ai revu mon enfance. Mon père, qui est mort dans un attentat. Puis mon beau-père, qui criait beaucoup, qui jetait des objets contre les murs quand il était en colère. C’est dans ce contexte que j’ai grandi. Pendant les audiences, j’ai compris que c’était la même mécanique qui s’exprimait par la voix des prévenus : une violence masculine sûre d’elle. On ne parlait pas seulement de corruption, mais de domination. Pourtant, la première fois que j’ai entendu Sarkozy à la barre lors de son premier interrogatoire le 13 janvier, j’ai presque eu pitié de lui. Il évoquait sa mère, son rêve d’enfant de devenir président… Il se racontait comme une victime, en inversant les rôles. Et puis j’ai remarqué qu’il esquivait, il tempêtait, il martelait ses éléments de langage, dans un discours parfaitement maîtrisé. J’entendais la rhétorique d’un homme puissant, qui n’a pas à se justifier. Pour autant, l’annonce du verdict n’a pas été un moment joyeux. Nous, les filles du DC-10, n’avons jamais cherché à « gagner » contre Sarkozy, Hortefeux ou Guéant, seulement à faire reconnaître la gravité des faits.

Que représente pour vous le groupe des « filles du DC-10 » ?

Sans elles, je n’aurais pas tenu lors du procès. On s’écrivait beaucoup sur notre groupe WhatsApp et on continue à le faire. Le 25 septembre, après le verdict, j’étais vidée. Ma tante m’a dit : « C’est normal. On en a plein la tête, mais on va souffler et on va repartir toutes ensemble » [le procès en appel est prévu pour mars 2026]. J’essaye de reprendre des forces, mais, ces temps-ci, ce n’est pas simple. Ce lundi [10 novembre], les parties civiles s’attendaient à ce que la demande de remise en liberté de Nicolas Sarkozy soit acceptée. On comprend et on respecte cette décision. On salue l’interdiction qui lui est faite d’entrer en contact avec Gérald Darmanin ou tout membre du cabinet du garde des Sceaux [personnes pouvant bénéficier d’informations sur la procédure]. Ce que je crains, c’est le traitement médiatique et notamment la victimisation de Sarkozy. Ça a commencé dès l’annonce de sa libération, avec Bruno Retailleau, qui a salué sur le réseau X son « courage », ou Bernard-Henri Lévy, qui a déclaré que son incarcération était « inutile » et « dégueulasse »… C’est ça qui est violent, traumatisant même. Heureusement, il y a ce point de vigilance vis-à-vis du garde des Sceaux dans l’ordonnance de libération, qui me fait dire que la justice prend en compte tous les faits et qu’elle ne lâche pas le dossier. Alors on va y retourner pour le procès en appel et on reconstituera cette petite bulle de sororité qui nous protège.

Texte intégral (1757 mots)

Le 19 septembre 1989, une bombe explose dans un avion, le DC-10 de la compagnie UTA, entre Brazzaville (capitale de la République du Congo) et Paris, et tue les 170 passager·es et membres de l’équipage à son bord.

Dix ans plus tard, six agents des services secrets libyens, dont Abdallah Senoussi, beau-frère du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, ont été reconnus coupables de cet attentat et condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité par la justice française, sans toutefois être extradés vers Paris.

En 2005, Claude Guéant, directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, et Brice Hortefeux, ministre délégué aux Collectivités territoriales, rencontrent Abdallah Senoussi à Tripoli et auraient entamé avec lui des négociations en vue du financement, par la dictature libyenne, de la future campagne de Nicolas Sarkozy pour l’élection présidentielle française en 2007. En contrepartie, les deux lieutenants du futur candidat se seraient engagés à ce que la condamnation d’Abdallah Senoussi soit révisée. Ce « pacte corruptif » est au cœur des trois mois de procès (du 6 janvier au 10 avril 2025) qui ont débouché, le 25 septembre 2025, sur la condamnation de l’ancien président français à cinq ans de prison ferme pour association de malfaiteurs ( le procès en appel est prévu pour mars 2026). Le tribunal a également reconnu le préjudice moral infligé aux parties civiles. 

Comment êtes-vous devenue partie civile au procès de l’affaire du financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy ?

Mon père, Jean-Pierre Klein, est mort, un peu avant mes 5 ans, dans ce que j’ai longtemps cru être un accident d’avion, mais qui était en réalité un attentat. En 1999, j’étais trop jeune pour assister au procès d’Abdallah Senoussi. Mais j’ai rejoint le collectif de familles de victimes monté par ma tante, Danièle Klein, et par Yohanna Brette, dont la mère, Martine Brette, était hôtesse de l’air sur le vol. C’est en janvier 2025, lors des débats qui visaient à déterminer si Nicolas Sarkozy avait bénéficié de fonds libyens pour sa campagne présidentielle et s’il existait un pacte de corruption avec le régime de Kadhafi, que j’ai pris conscience de la violence à laquelle on avait été exposé·es en tant que proches des victimes. Violence de l’intention de mort derrière l’attentat, mais aussi violence du pacte noué par Nicolas Sarkozy et ses proches collaborateurs.

Vous faites une lecture genrée du procès. Pourquoi ?

Dans ce procès, les prévenus, leurs avocats, la grande majorité des témoins sont des hommes… Même les voix les plus présentes dans les médias sont masculines. C’est quand le procès a débuté, le 6 janvier 2025, en voyant les prévenus en vrai [l’ex-président Nicolas Sarkozy et onze autres prévenus, dont les anciens ministres Brice Hortefeux et Claude Guéant], que je me suis rendu compte qu’ils étaient tous des hommes âgés, bourgeois, vivant dans les quartiers chics de l’Ouest parisien. Ils m’ont renvoyé une impression très forte d’entre-soi.

J’ai été frappée par leur manière de s’adresser au tribunal, leur aplomb, c’était très impressionnant. Jusqu’au 23 janvier [jour de la déposition des familles des victimes pendant le procès], nous n’avons entendu quasiment aucune voix féminine. Puis nous avons été neuf femmes à raconter notre histoire à la barre. Dans une tribune publiée en octobre dans Libération, ma tante et Yohanna Brette nous appellent « les filles du DC-10 ».

Notre avocate, Laure Heinich [également avocate de certaines victimes de Patrick Poivre d’Arvor], a joué un rôle dans cette prise de conscience des dynamiques de genre. Lors de sa plaidoirie, elle a parlé des proches de victimes au féminin, même s’il y a des hommes dans notre groupe. Ce choix m’a permis de mettre des mots sur ce qui était jusque-là une impression diffuse. Laure Heinich a aussi parlé de nous en tant que femmes dignes et qui ne cherchaient pas la vengeance, ainsi qu’en tant que citoyennes. Auparavant, j’avais pu me dire : « Cette affaire me dépasse », et d’un coup, grâce à ses mots d’avocate, je me suis sentie légitime. Ce procès est devenu pour moi celui d’un monde d’hommes qui se croyaient intouchables et de femmes qui ont décidé de se dresser face à eux.


« Pendant les audiences, une violence masculine sûre d’elle s’exprimait. »


Qu’avez-vous ressenti en vous adressant à la cour devant laquelle s’est tenu ce procès historique, ce fameux 23 janvier ?

La déposition que j’ai faite ce jour-là, je l’ai écrite dans ma tête les nuits qui ont précédé. Je ne dormais pas, et j’imaginais ces hommes autour d’une table, organisant l’attentat, puis d’autres hommes, dix-huit ans plus tard, négocier l’immunité du terroriste Abdallah Senoussi, en échange de versements d’argent. Quand, le lendemain, j’ai pris la parole à la barre, j’ai eu le trac, une peur presque physique, je tremblais. J’avais l’impression d’occuper une place qui n’était pas la mienne. Mais eux, alors même qu’ils étaient assis sur le banc des prévenus, ils n’avaient pas l’air mal à l’aise ! C’est en voyant ça que j’ai eu le courage de ne plus m’effacer. À 40 ans, j’ai senti que je devenais adulte.

Ce procès a donc été l’occasion d’une prise de conscience intime ?

Oui, autant que politique. Longtemps, j’ai cru que j’avais été épargnée par la violence masculine. Mais à force d’écouter ces hommes parler, j’ai revu mon enfance. Mon père, qui est mort dans un attentat. Puis mon beau-père, qui criait beaucoup, qui jetait des objets contre les murs quand il était en colère. C’est dans ce contexte que j’ai grandi. Pendant les audiences, j’ai compris que c’était la même mécanique qui s’exprimait par la voix des prévenus : une violence masculine sûre d’elle. On ne parlait pas seulement de corruption, mais de domination. Pourtant, la première fois que j’ai entendu Sarkozy à la barre lors de son premier interrogatoire le 13 janvier, j’ai presque eu pitié de lui. Il évoquait sa mère, son rêve d’enfant de devenir président… Il se racontait comme une victime, en inversant les rôles. Et puis j’ai remarqué qu’il esquivait, il tempêtait, il martelait ses éléments de langage, dans un discours parfaitement maîtrisé. J’entendais la rhétorique d’un homme puissant, qui n’a pas à se justifier. Pour autant, l’annonce du verdict n’a pas été un moment joyeux. Nous, les filles du DC-10, n’avons jamais cherché à « gagner » contre Sarkozy, Hortefeux ou Guéant, seulement à faire reconnaître la gravité des faits.

Que représente pour vous le groupe des « filles du DC-10 » ?

Sans elles, je n’aurais pas tenu lors du procès. On s’écrivait beaucoup sur notre groupe WhatsApp et on continue à le faire. Le 25 septembre, après le verdict, j’étais vidée. Ma tante m’a dit : « C’est normal. On en a plein la tête, mais on va souffler et on va repartir toutes ensemble » [le procès en appel est prévu pour mars 2026]. J’essaye de reprendre des forces, mais, ces temps-ci, ce n’est pas simple. Ce lundi [10 novembre], les parties civiles s’attendaient à ce que la demande de remise en liberté de Nicolas Sarkozy soit acceptée. On comprend et on respecte cette décision. On salue l’interdiction qui lui est faite d’entrer en contact avec Gérald Darmanin ou tout membre du cabinet du garde des Sceaux [personnes pouvant bénéficier d’informations sur la procédure]. Ce que je crains, c’est le traitement médiatique et notamment la victimisation de Sarkozy. Ça a commencé dès l’annonce de sa libération, avec Bruno Retailleau, qui a salué sur le réseau X son « courage », ou Bernard-Henri Lévy, qui a déclaré que son incarcération était « inutile » et « dégueulasse »… C’est ça qui est violent, traumatisant même. Heureusement, il y a ce point de vigilance vis-à-vis du garde des Sceaux dans l’ordonnance de libération, qui me fait dire que la justice prend en compte tous les faits et qu’elle ne lâche pas le dossier. Alors on va y retourner pour le procès en appel et on reconstituera cette petite bulle de sororité qui nous protège.

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07.11.2025 à 10:08

Maternité des Lilas : retour sur une fermeture annoncée

Elsa Sabado

En cette soirée d’Halloween, les « sorcières », comme aiment à se faire appeler les soignantes de la maternité des Lilas, près de Paris, n’avaient pas le cœur à la fête. Après […]
Texte intégral (1338 mots)

En cette soirée d’Halloween, les « sorcières », comme aiment à se faire appeler les soignantes de la maternité des Lilas, près de Paris, n’avaient pas le cœur à la fête.

Après avoir laissé sortir, au milieu d’une haie d’honneur, leur dernière patiente, elles ont vu les portes de l’établissement se fermer définitivement derrière elles. Comme annoncé en juillet 2025, l’agence régionale de santé (ARS) Île-de-France ne financera plus cette maternité. Elle invoque trois raisons : une prise en charge insuffisamment sécurisée pour les patientes (qui a valu à la maternité le retrait de sa certification en janvier 2025 par la Haute Autorité de santé), une fréquentation en chute libre (1 200 naissances en 2020 contre 700 en 2024) et la menace d’une cessation de paiements. Trois difficultés dont l’ARS est pourtant en partie responsable.

Inaugurée en 1964, la maternité des Lilas pratiquait des avortements avant même leur dépénalisation et n’a jamais cessé d’offrir aux personnes enceintes le choix d’un accouchement pas ou peu médicalisé, laissant toute sa place au conjoint·e. Bien plus tard, à partir de 2019, elle a également été pionnière en France dans le suivi des grossesses d’hommes trans. Ce projet d’accompagnement, au plus près des besoins individuels, requiert des équipes étoffées, spécifiquement formées et donc des moyens financiers que la Sécurité sociale ne prend pas en charge. L’établissement ayant fait le choix de ne pas répercuter les coûts sur les usager·es, c’est l’État qui, jusqu’ici, absorbait son déficit. « C’est vraiment parce qu’elle portait un projet politique à part entière et grâce aux mobilisations [des salariées, des féministes et des syndicats] qu’elle a tenu jusqu’à aujourd’hui, analyse la sociologue Elsa Boulet. Depuis le milieu des années 1990, les plans de périnatalité incitent à concentrer les accouchements dans des structures disposant de davantage de matériel technique et de personnel – notamment des médecins anesthésistes – disponible en permanence. » (Lire notre encadré en bas de page.)

Une promesse trahie

Dans les années 2000, comme d’autres maternités, celle des Lilas est sommée de s’adapter pour assurer sa pérennité. En 2008, un projet de reconstruction et d’agrandissement visant à la rendre rentable, est adopté par la ministre de la Santé Roselyne Bachelot : le terrain est choisi et les plans validés. Mais, coup de théâtre : en 2011, Claude Évin, alors président de l’ARS, prenant pour prétexte un conflit en cours entre un anesthésiste et des sages-femmes de l’établissement, suspend brusquement le projet. Malgré une mobilisation des salarié·es et des usager·es, soutenue par de nombreuses personnalités du monde du spectacle (Catherine Ringer, Arthur H, Karin Viard), le projet de reconstruction est définitivement enterré en 2013, en dépit de la promesse de soutien faite par le candidat François Hollande pendant la campagne présidentielle.


« On a laissé pourrir le fruit afin qu’il tombe tout seul »

Marie-Laure Brival, ancienne directrice de la maternité des Lilas

La notoriété de la maternité des Lilas dissuade toutefois les autorités de santé de la fermer. Durant treize ans, l’agence régionale de santé continue d’éponger son déficit, estimé entre 3 et 5 millions d’euros selon les années. « On a laissé pourrir le fruit afin qu’il tombe tout seul », analyse son ancienne directrice, Marie-Laure Brival.

Gestion chaotique

Mais le déclin est amorcé. Plusieurs projets de fusion avec d’autres établissements hospitaliers sont imaginés, sans aboutir. Les soignantes craignent une dégradation de leurs conditions de travail avec, pour corollaire, une dénaturation de leur métier. En 2017, alors qu’un projet d’adossement à une clinique voisine est finalement sur le point de se concrétiser, l’homme d’affaires Louis Fabiano arrive à la tête de l’association gestionnaire. Le projet a déjà englouti 1 million d’euros sur le budget de la maternité, mais le nouveau président n’honore pas les rendez-vous proposés par l’ARS et laisse le plan s’enliser. Il est, en revanche, nettement plus diligent à servir ses propres intérêts. En 2022, il touche une commission de 160 000 euros sur la vente des murs de la maternité à de nouveaux propriétaires. La même année, le syndicat Sud dépose une plainte contre X pour prise illégale d’intérêt et abus de confiance.

La gouvernance chaotique de la maternité laisse, par ailleurs, s’instaurer un climat de violences au sein de l’équipe de salarié·es. En 2020, un dernier mouvement social unit les soignantes contre un médecin, devenu tout-puissant au sein de l’établissement, accusé de harcèlement moral et d’agressions sexuelles. Vingt-trois salariées portent plainte devant le Conseil de l’ordre des médecins, et sept au pénal, mais l’homme est relaxé par deux fois. Informée de ces problèmes, l’ARS Île-de-France regarde ailleurs, arguant qu’il s’agit d’un établissement privé.

Après quinze ans d’agonie liée à l’abandon des pouvoirs publics mais aussi au désengagement des réseaux féministes et syndicaux, la fermeture de la maternité des Lilas est à la fois une délivrance et un déchirement pour ses soignantes et ses usager·es. Les 80 salarié·es vont être licencié·es et les patient·es seront réparti·es au sein des hôpitaux des environs, à Montreuil (Seine-Saint-Denis) ou à Paris, où la prise en charge des accouchements est davantage médicalisée.

Au-delà de la disparition d’un accueil depuis toujours axé sur le droit des personnes à disposer de leur corps, la fermeture de la maternité des Lilas marque une défaite symbolique pour le féminisme, à l’heure où l’extrême droite, aux portes de l’exécutif, entend priver les femmes et les personnes trans de leurs droits à l’avortement et à une parentalité choisie.

La disparition des petites maternités

Quarante pour cent des maternités françaises ont fermé depuis l’an 2000. Il s’agit principalement d’établissements de niveau 1, qui n’étaient pas équipés de plateaux techniques pour prendre en charge les usager·es en cas de complications. Au nom de leur sécurité, les autorités de santé ont donc encouragé le regroupement des sages-femmes et des médecins dans des unités médicalisées, considérées comme les seules rentables depuis l’instauration de la tarification à l’acte en 2012. La fuite des soignant·es et des parturient·es vers ces maternités réputées plus sûres a fini de vider les petits établissements, entraînant la fermeture de tous ceux passant sous la barre des 300 naissances par an, seuil fatidique en dessous duquel les agences de santé ne garantissent plus la sécurité des accouchements. En mai 2025, en réponse à la hausse jugée « alarmante » de la mortalité infantile, en partie dûe à l’éloignement géographique croissant des structures de soins, l’Assemblée nationale votait un moratoire de trois ans sur la fermeture des petites maternités. Le texte, qui fait débat chez les expert·es en santé publique comme chez les élu·es, attend d’être validé par le Sénat.

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