04.07.2025 à 15:14
la Rédaction
Tous les vendredis, les rédactions web de Regards et Politis unissent leurs forces pour vous donner à lire, à écouter et à penser. Des éditos, des articles et des vidéos pour comprendre une actualité de la semaine.
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par Pierre Jacquemain
Alors que les salariés de l’audiovisuel public sont en grève et massivement mobilisés, leur combat dépasse de loin la seule défense de leurs conditions de travail. C’est l’avenir même d’un service public essentiel – à la croisée de l’information, de la culture, de la création et de la démocratie – qui est aujourd’hui menacé. Depuis des années, l’audiovisuel public en France subit une érosion budgétaire lente mais continue. En comparaison de nos voisins européens, la France investit bien moins dans ce pilier démocratique.
Quand l’Allemagne ou les pays scandinaves injectent des moyens importants pour garantir une information pluraliste et indépendante, le ministère de la Culture, pourtant chargé de la tutelle de ces médias, choisit une autre voie : celle du sous-financement, des réformes précipitées et d’une centralisation dangereuse. Résultat : un écosystème fragilisé, moins apte à remplir ses missions d’intérêt général, qu’il s’agisse d’informer, de cultiver, de divertir ou de garantir la proximité avec tous les territoires.
Car c’est aussi ce qui fait la singularité de France Télévisions, de Radio France ou encore de l’INA. Des médias engagés en faveur de la transmission des savoirs, de l’éducation, de la culture ou encore de la création artistique – notamment avec le soutien à la fiction radiophonique et cinématographique –, sans oublier la mission de proximité, incarnée par le réseau Ici (ex-France Bleu et France 3). Ce maillage local est une spécificité française précieuse, qui permet de maintenir un lien direct avec les territoires, leurs réalités, leurs initiatives, leurs voix. Des voix que l’on entend peu ailleurs, souvent marginalisées dans les grands médias privés, concentrés à Paris.
C’est dans ce contexte qu’intervient la réforme controversée portée par Rachida Dati. Le projet prévoit la création d’une holding unique, France Médias, regroupant France Télévisions, Radio France et l’INA. Le 30 juin, cette réforme a essuyé un premier revers à l’Assemblée nationale, grâce au vote d’une motion de rejet déposée par les écologistes. Mais ce rejet – paradoxalement soutenu par les voix du Rassemblement national – ne marque pas la fin du texte, qui part dès lundi prochain au Sénat, avant un retour en seconde lecture à l’Assemblée. Un apparent coup d’arrêt qui pourrait en réalité servir à accélérer la procédure parlementaire.Dans un paysage médiatique déjà mis à mal par les concentrations privées et les incursions d’acteurs étrangers aux intérêts peu transparents, affaiblir encore l’indépendance de l’audiovisuel public relève d’une irresponsabilité politique majeure. France Télévisions, Radio France, l’INA – ces institutions remplissent un rôle irremplaçable : celui de garantir l’accès de tous, partout sur le territoire, à une information fiable, à une création artistique vivante, à une culture accessible et à une éducation continue. Le réseau local Ici, ex-France Bleu et France 3, incarne cette proximité avec les territoires, leurs voix, leurs réalités. Ce lien direct, ce pluralisme territorial, n’existe plus dans les grands groupes privés, concentrés à Paris.La mobilisation actuelle est aussi l’occasion de mettre au jour les dysfonctionnements internes bien connus de l’audiovisuel public : une gouvernance trop verticale, un manque de diversité sociale, une lourdeur bureaucratique, un éloignement croissant du terrain. Mais la réponse ne peut être une restructuration brutale, imposée d’en haut. La priorité devrait être ailleurs : dans un financement pérenne – toujours pas garanti depuis la suppression de la redevance –, dans un soutien renforcé à l’investigation (au lieu de sabrer la seule émission d’enquête de la radio publique, « Secrets d’info »), dans une gouvernance démocratique et indépendante, et dans l’autonomie renforcée des rédactions locales.
Ce n’est pas en affaiblissant l’audiovisuel public qu’on le rendra plus efficace. C’est en réaffirmant sa mission d’intérêt général qu’il pourra se réinventer, au service de tous.
Pierre Jacquemain
par Pierre Jequier-Zalc
Pour tenter de justifier sa réforme de l’audiovisuel public, Rachida Dati met en avant la nécessité de diversifier les publics du service public de l’info. Un prétexte pour une mainmise sur l’audiovisuel public.
Tanguy Bocconi, journaliste à ici Roussillon (Radio France) et élu CGT au CSE, est l’invité de #LaMidinale.
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03.07.2025 à 12:28
Catherine Tricot
Peut-on faire vivre le Nouveau Front populaire en 2027, et l’espoir qu’il porte, au-delà de l’accord des législatives de 2024 ? L’ambition est grande. Un premier jalon a été posé hier.
Ce fut plus qu’une belle photo. Ceux qui ont décidé de s’engager dans un processus pour aboutir à un candidat commun à gauche ne sont pas venus que pour envoyer une carte postale et donner rendez-vous à la rentrée. Ils ont proposé une démarche et un calendrier. À l’appel, il y avait bien la puissance invitante, Lucie Castets. Autour d’elle, les cinq partis, qui avaient déjà affirmait vouloir une telle démarche, l’ont dit cette fois ensemble. Il y avait donc à Bagneux, ce 2 juillet, le PS avec son premier secrétaire Olivier Faure, les écologistes avec sa secrétaire nationale Marine Tondelier, l’Après avec son porte-parole Alexis Corbière, « Debout ! » avec son fondateur François Ruffin et Génération.s avec son coordinateur Benjamin Lucas-Lundy.
TOUS LES JOURS, RETROUVEZ L’ESSENTIEL DE L’ACTU POLITIQUE DANS NOTRE NEWSLETTER
Premier signe encourageant, la réunion a commencé le matin par des échanges avec des représentants de la gauche hors parti. Les syndicalistes qui avaient soutenu le NFP il y a un an sont revenus dire leur envie de participer, à leur manière : sur les contenus et les mobilisations. Évidemment, ils ne présenteront ni ne soutiendront aucun candidat en particulier mais ils ont rappelé que sans eux, il n’y aurait pas de large mobilisation. Ils ont les bataillons engagés. Ils sont là, confiants mais ne signent pas de chèque en blanc. Il y eut aussi un échange avec les représentants des grandes ONG qui soutenaient le NFP, à l’exemple d’Oxfam mobilisé dans les combats contre les inégalités. Enfin, des associations citoyennes engagées dans le champ électoral (associations de quartier, primaire populaire) sont venues dire que les citoyens ne doivent pas être une nouvelle fois laissés sur le bord de la route avec des fanions à agiter quand les coureurs passent. L’ensemble de ces organisations ont voulu parler au nom des 9 millions d’électeurs du NFP.
Second signe revigorant, il fut décidé de vraiment se mettre au travail. Six conventions dans six villes pour débattre des grands sujets qui doivent faire le socle d’un projet partagé. Ça commencera par la politique industrielle et l’école. Ces deux thèmes sont moins conflictuels que délaissés. Une mise à jour des enjeux et de propositions paraît bien nécessaire. La référence au programme du NFP reste un totem, celui qui ancre l’existence de ce lieu. Mais pas un tabou. Il n’est pas l’horizon ultime de toute pensée politique. Parfait.
Une union se fonde d’abord sur l’envie d’aboutir. Manifestement, cet état d’esprit était présent hier. Donc tous les obstacles peuvent être franchis, voire déplacés. Et il en reste deux, quand on admet que LFI n’en sera pas : Raphaël Glucksmann et le PCF.
Reste le sujet sensible : la désignation d’une candidature unique. Les socialistes n’ont pas encore pris de décision sur la façon d’aboutir. On en restera donc – provisoirement– à une formulation générale : il y aura un processus pour désigner un candidat commun. C’est acté et le chemin sera tracé avant Noël. Les écologistes et les socialistes auront vraisemblablement un candidat qui bénéficiera du soutien de leur parti respectif. Avec Ruffin et Autain, il y a déjà quatre probables candidats pour porter les couleurs du rassemblement. Peut-être d’autres.
Hier, chacun affirmait vouloir que ce processus de choix soit large et surtout qu’il enclenche de la dynamique populaire. La solution par « conclave des partis » paraît peu satisfaisante. Ce sera sans doute une forme de primaire quand les préventions et les craintes sur la fracturation qu’elle peut engendrer seront levées. Ils en débattront lors des réunions hebdomadaires qui vont commencer. Ces cinq partis de gauche passent à la vitesse supérieure. Ce processus doit déboucher autour de l’été 2026, juin ou septembre.
Enfin, dernier signe, le plus réconfortant, fut l’ambiance de ce premier rendez-vous. Aux dires des participants que nous avons contactés, elle fut sereine et tranquille. Les désaccords énoncés sans difficulté avec l’envie de les surmonter. Cyrielle Chatelain (la présidente du groupe écologiste à l’Assemblée), Johanna Rolland (la maire PS de Nantes) et Lucie Castets ont endossé les habits d’organisatrices pragmatiques, de bâtisseuses d’union. Une union se fonde d’abord sur l’envie d’aboutir. Manifestement, cet état d’esprit était présent hier. Donc tous les obstacles peuvent être franchis, voire déplacés.
Car il en reste deux, quand on admet que LFI n’en sera pas. Le premier : faire venir Raphaël Glucksmann qui, sans fermer la porte aux « unionistes », avance de son côté ses propres idées. Il sait que si la mayonnaise unioniste prend, elle rencontrera l’attente des électeurs de gauche et des militants socialistes. Il lui faudra alors mettre au pot commun ses propositions et accepter qu’elles soient débattues. Un candidat de Place publique pourrait les défendre. À ce stade, Raphaël Glucksmann n’est pas emballé car il sait bien ne pas être au barycentre politique de la gauche. Mais il sait aussi dépendre, pour partie, du PS.
Le PCF est l’autre caillou sur le chemin. Lui non plus ne ferme pas définitivement la porte, mais il n’est pas venu. La décision de faire l’école buissonnière n’a été prise que lundi, veille de rendez-vous, et rendue publique au travers d’une lettre de Fabien Roussel adressée à Lucie Castets. Typique de la culture communiste, la missive évoque en quelques lignes le monde, la guerre, le fascisme et les difficultés quotidiennes des Français, pour aboutir à la priorité des municipales et à l’urgence de ne pas participer. Pas d’arguments de principe ni de fond contre la démarche. On verra donc plus tard. Mais symboliquement, la venue du PCF compte pour contrebalancer le poids symbolique des socialistes, pas encore totalement crédibles quant à leur engagement à gauche.
Un petit pas pour l’homme et même pour la gauche. Mais sans retour en arrière probable. Franchement on prend.
03.07.2025 à 12:26
la Rédaction
Le Festival des idées revient pour sa cinquième saison à La Charité-sur-Loire, dans la Nièvre, ces 4, 5 et 6 juillet. Cet incontournable rendez-vous de la gauche, dans un cadre superbe, est initié par l’ancien député socialiste Christian Paul et le journaliste Guillaume Duval – avec le concours de la galaxie des journaux indépendants de gauche, dont Regards. Au programme, trois priorités : « Décrypter le dérèglement mondial, dans une Europe désormais prise en tenaille entre Trump et Poutine, pour contrer cette sombre dérive » ; « Analyser ce qui travaille et taraude la société française au point de lui faire perdre son identité démocratique, pour reprendre l’initiative » ; « Chercher des leviers d’action pour aujourd’hui dans un pays qu’il faut réapprendre à habiter et à rassembler en se projetant à l’horizon 2050 ». Palestine, médias, immigration, ruralité, industrie, démocratie, Europe, égalité, IA, climat… La gauche, au sens extra-large, se creuse les méninges pour préparer la France au monde qui vient. Avec 2027 pour horizon proche.
03.07.2025 à 12:09
la Rédaction
par Catherine Tricot
Ce fut plus qu’une belle photo. Ceux qui ont décidé de s’engager dans un processus pour aboutir à un candidat commun à gauche ne sont pas venus que pour envoyer une carte postale et donner rendez-vous à la rentrée. Ils ont proposé une démarche et un calendrier. À l’appel, il y avait bien la puissance invitante, Lucie Castets. Autour d’elle, les cinq partis, qui avaient déjà affirmait vouloir une telle démarche, l’ont dit cette fois ensemble. Il y avait donc à Bagneux, ce 2 juillet, le PS avec son premier secrétaire Olivier Faure, les écologistes avec sa secrétaire nationale Marine Tondelier, l’Après avec son porte-parole Alexis Corbière, « Debout ! » avec son fondateur François Ruffin et Génération.s avec son coordinateur Benjamin Lucas-Lundy.
Premier signe encourageant, la réunion a commencé le matin par des échanges avec des représentants de la gauche hors parti. Les syndicalistes qui avaient soutenu le NFP il y a un an sont revenus dire leur envie de participer, à leur manière : sur les contenus et les mobilisations. Évidemment, ils ne présenteront ni ne soutiendront aucun candidat en particulier mais ils ont rappelé que sans eux, il n’y aurait pas de large mobilisation. Ils ont les bataillons engagés. Ils sont là, confiants mais ne signent pas de chèque en blanc. Il y eut aussi un échange avec les représentants des grandes ONG qui soutenaient le NFP, à l’exemple d’Oxfam mobilisé dans les combats contre les inégalités. Enfin, des associations citoyennes engagées dans le champ électoral (associations de quartier, primaire populaire) sont venues dire que les citoyens ne doivent pas être une nouvelle fois laissés sur le bord de la route avec des fanions à agiter quand les coureurs passent. L’ensemble de ces organisations ont voulu parler au nom des 9 millions d’électeurs du NFP.
Second signe revigorant, il fut décidé de vraiment se mettre au travail. Six conventions dans six villes pour débattre des grands sujets qui doivent faire le socle d’un projet partagé. Ça commencera par la politique industrielle et l’école. Ces deux thèmes sont moins conflictuels que délaissés. Une mise à jour des enjeux et de propositions paraît bien nécessaire. La référence au programme du NFP reste un totem, celui qui ancre l’existence de ce lieu. Mais pas un tabou. Il n’est pas l’horizon ultime de toute pensée politique. Parfait.
Reste le sujet sensible : la désignation d’une candidature unique. Les socialistes n’ont pas encore pris de décision sur la façon d’aboutir. On en restera donc – provisoirement– à une formulation générale : il y aura un processus pour désigner un candidat commun. C’est acté et le chemin sera tracé avant Noël. Les écologistes et les socialistes auront vraisemblablement un candidat qui bénéficiera du soutien de leur parti respectif. Avec Ruffin et Autain, il y a déjà quatre probables candidats pour porter les couleurs du rassemblement. Peut-être d’autres.
Hier, chacun affirmait vouloir que ce processus de choix soit large et surtout qu’il enclenche de la dynamique populaire. La solution par « conclave des partis » paraît peu satisfaisante. Ce sera sans doute une forme de primaire quand les préventions et les craintes sur la fracturation qu’elle peut engendrer seront levées. Ils en débattront lors des réunions hebdomadaires qui vont commencer. Ces cinq partis de gauche passent à la vitesse supérieure. Ce processus doit déboucher autour de l’été 2026, juin ou septembre.
Enfin, dernier signe, le plus réconfortant, fut l’ambiance de ce premier rendez-vous. Aux dires des participants que nous avons contactés, elle fut sereine et tranquille. Les désaccords énoncés sans difficulté avec l’envie de les surmonter. Cyrielle Chatelain (la présidente du groupe écologiste à l’Assemblée), Johanna Rolland (la maire PS de Nantes) et Lucie Castets ont endossé les habits d’organisatrices pragmatiques, de bâtisseuses d’union. Une union se fonde d’abord sur l’envie d’aboutir. Manifestement, cet état d’esprit était présent hier. Donc tous les obstacles peuvent être franchis, voire déplacés.
Car il en reste deux, quand on admet que LFI n’en sera pas. Le premier : faire venir Raphaël Glucksmann qui, sans fermer la porte aux « unionistes », avance de son côté ses propres idées. Il sait que si la mayonnaise unioniste prend, elle rencontrera l’attente des électeurs de gauche et des militants socialistes. Il lui faudra alors mettre au pot commun ses propositions et accepter qu’elles soient débattues. Un candidat de Place publique pourrait les défendre. À ce stade, Raphaël Glucksmann n’est pas emballé car il sait bien ne pas être au barycentre politique de la gauche. Mais il sait aussi dépendre, pour partie, du PS.
Le PCF est l’autre caillou sur le chemin. Lui non plus ne ferme pas définitivement la porte, mais il n’est pas venu. La décision de faire l’école buissonnière n’a été prise que lundi, veille de rendez-vous, et rendue publique au travers d’une lettre de Fabien Roussel adressée à Lucie Castets. Typique de la culture communiste, la missive évoque en quelques lignes le monde, la guerre, le fascisme et les difficultés quotidiennes des Français, pour aboutir à la priorité des municipales et à l’urgence de ne pas participer. Pas d’arguments de principe ni de fond contre la démarche. On verra donc plus tard. Mais symboliquement, la venue du PCF compte pour contrebalancer le poids symbolique des socialistes, pas encore totalement crédibles quant à leur engagement à gauche.
Un petit pas pour l’homme et même pour la gauche. Mais sans retour en arrière probable. Franchement on prend.
Le Festival des idées revient pour sa cinquième saison à La Charité-sur-Loire, dans la Nièvre, ces 4, 5 et 6 juillet. Cet incontournable rendez-vous de la gauche, dans un cadre superbe, est initié par l’ancien député socialiste Christian Paul et le journaliste Guillaume Duval – avec le concours de la galaxie des journaux indépendants de gauche, dont Regards. Un festival qui propose de belles nourritures politiques. Au programme, une trentaine de tables rondes, de débats pour penser un monde en pleine bascule vers la violence, l’ultra-capitalisme et le fascisme. Pour cette édition, le Festival se donne trois priorités : « Décrypter le dérèglement mondial, dans une Europe désormais prise en tenaille entre Trump et Poutine, pour contrer cette sombre dérive » ; « Analyser ce qui travaille et taraude la société française au point de lui faire perdre son identité démocratique, pour reprendre l’initiative » ; « Chercher des leviers d’action pour aujourd’hui dans un pays qu’il faut réapprendre à habiter et à rassembler en se projetant à l’horizon 2050 ». Palestine, médias, immigration, ruralité, industrie, démocratie, Europe, égalité, IA, climat… La gauche, au sens extra-large, se creuse les méninges pour préparer la France au monde qui vient. Avec 2027 pour horizon proche.
L.L.C.
« État limite », sur Arte. Dans ce documentaire, on suit le docteur Jamal Abdel-Kader, seul et unique psychiatre de l’hôpital Beaujon, à Clichy (Hauts-de-Seine). Un voyage au cœur de l’hôpital public, rouage essentiel de la société en pleine crise politique, économique, existentielle.
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02.07.2025 à 14:36
Bernard Marx
François Bayrou appelle les jeunes à manifester contre le système de retraites par répartition. Avec des arguments tous indignes (moraux, économiques ou factuels) d’un premier ministre. Notre chroniqueur éco Bernard Marx démonte son argumentaire.
« Bayrou, c’est pire que tout. »
Simone Veil
Lors de la conférence de presse qu’il a tenu à Matignon le 26 juin 2025, François Bayrou n’a pas seulement (et vainement) appelé à prolonger encore, malgré son échec, le conclave sur les retraites. Il s’est également livré à une incroyable diatribe contre le système de retraite français :
« Franchement, si les jeunes garçons et les jeunes filles, ceux qui sont dans les générations les plus récentes, s’ils étaient conscients de la situation qui leur a été faite, ils manifesteraient dans la rue contre une organisation du système qui fait peser sur leurs épaules, s’ils travaillent déjà, ou qu’ils travaillent plus tard, le financement des retraites d’aujourd’hui. Quelle famille peut accepter cela ? Et tout ça se passe sans qu’on ne dise rien. Dans l’hypocrisie la plus complète. Parce que c’est de l’hypocrisie. Vous croyez qu’il y a un, des responsables, qui ignorent tout ça. Pardon de cette expression un peu forte. Ça m’indigne. Je trouve que cette irresponsabilité est d’abord une immoralité… »
En fait, de lever un prétendu secret partagé par les « responsables », le premier ministre ressert une antienne massivement répandue et bien identifiée par l’économiste Henri Sterdyniak, « celle d’une génération égoïste (les boomers) qui aurait organisé la mise en place d’un système insoutenable dont ils bénéficieraient au détriment de leurs enfants et petits-enfants ».
Avec en ligne de mire trois objectifs principaux : pas de retour sur la retraite à 64 ans et même si possible un nouveau recul ; la désindexation des pensions et la baisse de la valeur du point pour les retraites complémentaires ; la mise en place d’une retraite par capitalisation.
1. Le système de retraite développé progressivement après la 2ème guerre mondiale a permis un changement positif majeur. La retraite n’est plus simplement un risque contre lequel il faut s’assurer. Elle peut être un projet, un nouveau temps de la vie après celui de la jeunesse et celui du travail. Elle permet que la vieillesse ne soit pas massivement un naufrage. Dans ce système, les retraités ne sont pas simplement un fardeau, mais une catégorie sociale qui apporte à leurs proches et à la société, non seulement par leurs consommations mais aussi, souvent, par leur participation familiale et sociale.
2. François Bayrou prétend dévoiler et dénoncer une organisation du système qui fait peser sur les épaules de jeunes : le financement des retraites d’aujourd’hui. Mais c’est toujours le cas. Hier, aujourd’hui, demain, en 2030 ou en 2050. Les revenus annuels des inactifs sont et seront toujours payés par un prélèvement sur les revenus de la même année des actifs. Que cela se fasse par des cotisations, des impôts ou de l’épargne. Soit François Bayrou le sait et ce qu’il dit est hypocrite, indigne et immoral. Soit le premier ministre ne l’a pas encore compris et c’est pire.
3. Le système français par répartition constitue un contrat fort de solidarité intergénérationnelle. Chaque génération a droit à des conditions de retraites satisfaisantes parce qu’elle a participé aux retraites des générations précédentes. Tout ceci explique largement pourquoi toutes les générations, y compris les jeunes adultes, sont massivement opposées au recul de l’âge de la retraite et à l’abaissement de son niveau de vie. Cela explique aussi leurs doutes et leurs inquiétudes sur la viabilité de ce contrat.
4. Actuellement, le système de retraites français assure aux salariés à la retraite un niveau de vie moyen équivalent à celui des salariés actifs – cf ci-dessous le rapport du COR 20251.
C’est une moyenne assez satisfaisante même si elle regroupe des situations qui le sont moins : retraites des femmes, carrières hachées, travaux pénibles, carrières longues, importance des séniors sans emploi, ni retraite…
La part des retraites dans le PIB (14%) est certes dans le haut du tableau international, mais pas d’une façon insupportable. Mais inversement, la France est dans le bas de tableau pour le taux de pauvreté parmi les plus de 65 ans2.
5. Mais, comme le souligne Henri Sterdyniak, si le niveau de vie moyen des retraités est à peu près équivalent à celui des actifs, il y a bien un problème pour les enfants et pour les jeunes qui ont un niveau de vie moyen inférieur de près de 20 points à celui des actifs. C’est particulièrement vrai pour les familles nombreuses et les familles monoparentales. Bref, « la grande inégalité intragénérationnelle est celle qui frappe les familles avec enfants, les plus riches sont les couples de deux actifs sans enfant ». Cela n’est pas sans conséquences sur l’indice de fécondité qui est maintenant de 1,6 et donc sur le financement futur du système de retraite. L’enjeu n’est pas de baisser les retraites mais d’améliorer les salaires des femmes, les prestations sociales et les services publics pour les familles.
6. Le rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites paru en juin confirme que le système français des retraites est, dans ses modalités actuelles, tout à fait soutenable que ce soit dans la prochaine décennie, à l’horizon 2050 ou même 2070. Le déficit, inexistant en 2024, serait de 5 milliards en 2025 entièrement dû au ralentissement économique. Il resterait limité à 0,5% du PIB d’ici à 2050. Les dépenses seraient maintenues à 14% du PIB mais ce sont les ressources qui baisseraient progressivement d’un point de PIB d’ici à 2050. En même temps, la promesse sociale d’un niveau de vie équivalent entre actifs et retraités ne serait plus tenue. Les pensions étant indexées sur les prix, les salaires sur la productivité et l’amélioration des carrières d’une génération à l’autre de plus en plus limitée.
Pas de raison de crier au loup. Mais pas de quoi renforcer vraiment et durablement la confiance des jeunes générations dans l’avenir du système de retraites. Et toutes les raisons au contraire pour ne pas limiter le débat sur les retraites à un choix entre la baisse des pensions, le recul de l’âge de la retraite et l’épargne pour qui en aura les moyens.
Les projections du COR évacuent totalement les questions écologiques. Elles tablent sur un taux de fécondité constant de 1,8, sur une progression de la productivité de seulement 0,7% par an, sur une évolution régressive des effectifs et des salaires de la fonction publique, sur un taux de chômage stable de 7%.
Bref tous les problèmes de l’économie française devraient être mis sur la table et débattus… Y compris une augmentation raisonnée et raisonnable des taux de cotisations des actifs.
02.07.2025 à 14:05
Pablo Pillaud-Vivien
Pour penser candidat⋅e commun⋅e en 2027, la gauche se réunit autour de l’ex-prétendante à Matignon. Toute la gauche ? Non. Mais ce n’est qu’une partie du problème…
Ce mercredi 2 juillet, Lucie Castets réunit à Paris une brochette de partis de gauche – PS, EELV, L’Après (purgés de LFI), Génération.s (le parti fondé par Benoît Hamon), Debout ! (le nouveau parti de François Ruffin) – dans une volonté clairement affichée : montrer que l’unité n’est pas un vain mot. Il y aura une photo. Une image pour dire qu’au sein de la gauche, beaucoup ne se résolvent pas à recomposition façon puzzle. Une image pour ceux qui refusent que l’histoire se répète, avec son cortège de premiers tours éparpillés, d’hégémonies mal digérées, de deuxièmes tours par défaut. Une image, donc. Mais une image ne fait pas tout.
TOUS LES JOURS, RETROUVEZ L’ESSENTIEL DE L’ACTU POLITIQUE DANS NOTRE NEWSLETTER
L’objectif de la réunion est clair : trouver une méthode pour désigner un ou une candidate commune de toute la gauche à l’élection présidentielle de 2027. Ce n’est pas rien. Cela change même la logique : placer l’unité en amont, dans le processus, et non à la dernière minute, dans l’arithmétique des rapports de force. On a vu ce que cela donnait en 2022 : une gauche divisée, un pays livré à la résignation.
L’initiative est précieuse. Mais elle pourrait se penser au-delà des partis. Le Nouveau Front populaire, né dans l’urgence, a prouvé au moins une chose : la gauche ne peut se résumer à ses formations politiques. Mouvements, syndicats, intellectuel·les, collectifs citoyens, journaux indépendants… c’est aussi de cette richesse, de cette porosité, qu’était née l’espérance. Et c’est peut-être aussi de son étiolement qu’est mort le NFP. La gauche ne pourra pas gagner en 2027 si elle se réduit à la négociation entre appareils. D’autant que ceux-ci sont bien trop faibles, désormais, pour impulser à eux seuls un élan populaire.
Ce qu’il faut construire, ce n’est pas un catéchisme commun mais un espace où toutes les sensibilités puissent s’exprimer, se confronter, se répondre. Bref, une gauche qui débat sans se fracturer. Une gauche qui rassemble sans imposer.
Autre question : sur quoi allons-nous nous rassembler ? Le programme du NFP est une base. Peut-on le poser comme la seule légitime ? Il est fondé, dans la gauche, de discuter ce programme et il est même nécessaire de rouvrir un processus d’élaboration politique. Ce qu’il faut construire, ce n’est pas un catéchisme commun mais un espace où toutes les sensibilités puissent s’exprimer, se confronter, se répondre. Bref, une gauche qui débat sans se fracturer. Une gauche qui rassemble sans imposer.
Car c’est bien un esprit de rassemblement qu’il faut faire renaître. Aujourd’hui, il est dramatiquement absent. La gauche ne souffre pas tant de ses désaccords que de l’incapacité à les nommer sans rompre. Toutes les questions qui divisent la gauche ne seront pas résolues d’ici 2027. Aussi parce qu’elles relèvent de conceptions différentes. Mais elles ne doivent pas empêcher de bâtir ensemble. Il semble n’y avoir que deux consensus pour borner l’espace : récuser le social-libéralisme et le modèle xénophobe, façon Danemark ou Sahra Wagenknecht.
Il faut espérer que la réunion de ce jour autour de Lucie Castets ne se transformera pas en conclave entre chefs de partis. Choisir un⋅e candidat⋅e dans un huis clos politique, c’est s’assurer de l’indifférence, ou pire, de la colère. Reste alors une piste crédible : la primaire. Classique ou à choix préférentiels. Mais à une condition : que celui ou celle qui l’emporte ne cherche pas à imposer sa ligne et que, dans le même temps, il ou elle dise quelque chose de gauche et de fort. Qu’il ou elle incarne au contraire la certitude que la gauche ne gagnera qu’en étant diverse, loyale et rassemblée. Ce que cette réunion de juillet peut enclencher, ce n’est pas encore l’unité. Mais c’est peut-être la culture politique qui la rend possible.
02.07.2025 à 12:04
la Rédaction
Ce mercredi 2 juillet, Lucie Castets réunit à Paris une brochette de partis de gauche – PS, EELV, L’Après (purgés de LFI), Génération.s (le parti fondé par Benoît Hamon), Debout ! (le nouveau parti de François Ruffin) – dans une volonté clairement affichée : montrer que l’unité n’est pas un vain mot. Il y aura une photo. Une image pour dire qu’au sein de la gauche, beaucoup ne se résolvent pas à recomposition façon puzzle. Une image pour ceux qui refusent que l’histoire se répète, avec son cortège de premiers tours éparpillés, d’hégémonies mal digérées, de deuxièmes tours par défaut. Une image, donc. Mais une image ne fait pas tout.
L’objectif de la réunion est clair : trouver une méthode pour désigner un ou une candidate commune de toute la gauche à l’élection présidentielle de 2027. Ce n’est pas rien. Cela change même la logique : placer l’unité en amont, dans le processus, et non à la dernière minute, dans l’arithmétique des rapports de force. On a vu ce que cela donnait en 2022 : une gauche divisée, un pays livré à la résignation.
L’initiative est précieuse. Mais elle pourrait se penser au-delà des partis. Le Nouveau Front populaire, né dans l’urgence, a prouvé au moins une chose : la gauche ne peut se résumer à ses formations politiques. Mouvements, syndicats, intellectuel·les, collectifs citoyens, journaux indépendants… c’est aussi de cette richesse, de cette porosité, qu’était née l’espérance. Et c’est peut-être aussi de son étiolement qu’est mort le NFP. La gauche ne pourra pas gagner en 2027 si elle se réduit à la négociation entre appareils. D’autant que ceux-ci sont bien trop faibles, désormais, pour impulser à eux seuls un élan populaire.
Autre question : sur quoi allons-nous nous rassembler ? Le programme du NFP est une base. Peut-on le poser comme la seule légitime ? Il est fondé, dans la gauche, de discuter ce programme et il est même nécessaire de rouvrir un processus d’élaboration politique. Ce qu’il faut construire, ce n’est pas un catéchisme commun mais un espace où toutes les sensibilités puissent s’exprimer, se confronter, se répondre. Bref, une gauche qui débat sans se fracturer. Une gauche qui rassemble sans imposer.
Car c’est bien un esprit de rassemblement qu’il faut faire renaître. Aujourd’hui, il est dramatiquement absent. La gauche ne souffre pas tant de ses désaccords que de l’incapacité à les nommer sans rompre. Toutes les questions qui divisent la gauche ne seront pas résolues d’ici 2027. Aussi parce qu’elles relèvent de conceptions différentes. Mais elles ne doivent pas empêcher de bâtir ensemble. Il semble n’y avoir que deux consensus pour borner l’espace : récuser le social-libéralisme et le modèle xénophobe, façon Danemark ou Sahra Wagenknecht.
Il faut espérer que la réunion de ce jour autour de Lucie Castets ne se transformera pas en conclave entre chefs de partis. Choisir un⋅e candidat⋅e dans un huis clos politique, c’est s’assurer de l’indifférence, ou pire, de la colère. Reste alors une piste crédible : la primaire. Classique ou à choix préférentiels. Mais à une condition : que celui ou celle qui l’emporte ne cherche pas à imposer sa ligne et que, dans le même temps, il ou elle dise quelque chose de gauche et de fort. Qu’il ou elle incarne au contraire la certitude que la gauche ne gagnera qu’en étant diverse, loyale et rassemblée. Ce que cette réunion de juillet peut enclencher, ce n’est pas encore l’unité. Mais c’est peut-être la culture politique qui la rend possible.
10 milliards par-ci, 15 milliards par-là… Chaque année, l’État arrose les entreprises à coups d’aides publiques sans trop réfléchir à qui elles sont destinées, juste parce que c’est le fond de leur logiciel : être pro-business. C’est ce que devrait confirmer une commission d’enquête sénatoriale qui a vu se succéder des auditions aussi édifiantes que consternantes. Résumé : les aides aux entreprises, subventions, exonérations, crédits d’impôts et autres joyeusetés fiscales, c’est open bar, sans contrôle ni conditions. Pas d’obligations sociales ou écologiques, pas de retour sur investissement pour la collectivité. Juste un gros chèque. Et un haussement d’épaules. Une générosité rarement débattue au Parlement, jamais conditionnée à l’emploi ni à la transition écologique et, évidemment, sans transparence. On parle quand même d’une somme qui dépasserait le budget de l’Éducation nationale, rien que ça. Mais chut, il ne faudrait pas effrayer le Medef. Pendant ce temps-là, la moindre allocation pour les pauvres est scrutée au microscope et le RSA sous conditions fait la Une des chaînes d’info. À gauche, on parle de planification écologique, de services publics, de justice fiscale quand le pouvoir, lui, planifie les profits privés.
P.P.-V.
« Plein cagnard », sur Arte. Un court-métrage de canicule. Donc de circonstances. Par le jeune réalisateur Titouan Ropert. Étouffant et malaisant. Bref, nous quand il fait 37 degrés.
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