02.07.2025 à 14:36
Bernard Marx
François Bayrou appelle les jeunes à manifester contre le système de retraites par répartition. Avec des arguments tous indignes (moraux, économiques ou factuels) d’un premier ministre. Notre chroniqueur éco Bernard Marx démonte son argumentaire.
« Bayrou, c’est pire que tout. »
Simone Veil
Lors de la conférence de presse qu’il a tenu à Matignon le 26 juin 2025, François Bayrou n’a pas seulement (et vainement) appelé à prolonger encore, malgré son échec, le conclave sur les retraites. Il s’est également livré à une incroyable diatribe contre le système de retraite français :
« Franchement, si les jeunes garçons et les jeunes filles, ceux qui sont dans les générations les plus récentes, s’ils étaient conscients de la situation qui leur a été faite, ils manifesteraient dans la rue contre une organisation du système qui fait peser sur leurs épaules, s’ils travaillent déjà, ou qu’ils travaillent plus tard, le financement des retraites d’aujourd’hui. Quelle famille peut accepter cela ? Et tout ça se passe sans qu’on ne dise rien. Dans l’hypocrisie la plus complète. Parce que c’est de l’hypocrisie. Vous croyez qu’il y a un, des responsables, qui ignorent tout ça. Pardon de cette expression un peu forte. Ça m’indigne. Je trouve que cette irresponsabilité est d’abord une immoralité… »
En fait, de lever un prétendu secret partagé par les « responsables », le premier ministre ressert une antienne massivement répandue et bien identifiée par l’économiste Henri Sterdyniak, « celle d’une génération égoïste (les boomers) qui aurait organisé la mise en place d’un système insoutenable dont ils bénéficieraient au détriment de leurs enfants et petits-enfants ».
Avec en ligne de mire trois objectifs principaux : pas de retour sur la retraite à 64 ans et même si possible un nouveau recul ; la désindexation des pensions et la baisse de la valeur du point pour les retraites complémentaires ; la mise en place d’une retraite par capitalisation.
1. Le système de retraite développé progressivement après la 2ème guerre mondiale a permis un changement positif majeur. La retraite n’est plus simplement un risque contre lequel il faut s’assurer. Elle peut être un projet, un nouveau temps de la vie après celui de la jeunesse et celui du travail. Elle permet que la vieillesse ne soit pas massivement un naufrage. Dans ce système, les retraités ne sont pas simplement un fardeau, mais une catégorie sociale qui apporte à leurs proches et à la société, non seulement par leurs consommations mais aussi, souvent, par leur participation familiale et sociale.
2. François Bayrou prétend dévoiler et dénoncer une organisation du système qui fait peser sur les épaules de jeunes : le financement des retraites d’aujourd’hui. Mais c’est toujours le cas. Hier, aujourd’hui, demain, en 2030 ou en 2050. Les revenus annuels des inactifs sont et seront toujours payés par un prélèvement sur les revenus de la même année des actifs. Que cela se fasse par des cotisations, des impôts ou de l’épargne. Soit François Bayrou le sait et ce qu’il dit est hypocrite, indigne et immoral. Soit le premier ministre ne l’a pas encore compris et c’est pire.
3. Le système français par répartition constitue un contrat fort de solidarité intergénérationnelle. Chaque génération a droit à des conditions de retraites satisfaisantes parce qu’elle a participé aux retraites des générations précédentes. Tout ceci explique largement pourquoi toutes les générations, y compris les jeunes adultes, sont massivement opposées au recul de l’âge de la retraite et à l’abaissement de son niveau de vie. Cela explique aussi leurs doutes et leurs inquiétudes sur la viabilité de ce contrat.
4. Actuellement, le système de retraites français assure aux salariés à la retraite un niveau de vie moyen équivalent à celui des salariés actifs – cf ci-dessous le rapport du COR 20251.
C’est une moyenne assez satisfaisante même si elle regroupe des situations qui le sont moins : retraites des femmes, carrières hachées, travaux pénibles, carrières longues, importance des séniors sans emploi, ni retraite…
La part des retraites dans le PIB (14%) est certes dans le haut du tableau international, mais pas d’une façon insupportable. Mais inversement, la France est dans le bas de tableau pour le taux de pauvreté parmi les plus de 65 ans2.
5. Mais, comme le souligne Henri Sterdyniak, si le niveau de vie moyen des retraités est à peu près équivalent à celui des actifs, il y a bien un problème pour les enfants et pour les jeunes qui ont un niveau de vie moyen inférieur de près de 20 points à celui des actifs. C’est particulièrement vrai pour les familles nombreuses et les familles monoparentales. Bref, « la grande inégalité intragénérationnelle est celle qui frappe les familles avec enfants, les plus riches sont les couples de deux actifs sans enfant ». Cela n’est pas sans conséquences sur l’indice de fécondité qui est maintenant de 1,6 et donc sur le financement futur du système de retraite. L’enjeu n’est pas de baisser les retraites mais d’améliorer les salaires des femmes, les prestations sociales et les services publics pour les familles.
6. Le rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites paru en juin confirme que le système français des retraites est, dans ses modalités actuelles, tout à fait soutenable que ce soit dans la prochaine décennie, à l’horizon 2050 ou même 2070. Le déficit, inexistant en 2024, serait de 5 milliards en 2025 entièrement dû au ralentissement économique. Il resterait limité à 0,5% du PIB d’ici à 2050. Les dépenses seraient maintenues à 14% du PIB mais ce sont les ressources qui baisseraient progressivement d’un point de PIB d’ici à 2050. En même temps, la promesse sociale d’un niveau de vie équivalent entre actifs et retraités ne serait plus tenue. Les pensions étant indexées sur les prix, les salaires sur la productivité et l’amélioration des carrières d’une génération à l’autre de plus en plus limitée.
Pas de raison de crier au loup. Mais pas de quoi renforcer vraiment et durablement la confiance des jeunes générations dans l’avenir du système de retraites. Et toutes les raisons au contraire pour ne pas limiter le débat sur les retraites à un choix entre la baisse des pensions, le recul de l’âge de la retraite et l’épargne pour qui en aura les moyens.
Les projections du COR évacuent totalement les questions écologiques. Elles tablent sur un taux de fécondité constant de 1,8, sur une progression de la productivité de seulement 0,7% par an, sur une évolution régressive des effectifs et des salaires de la fonction publique, sur un taux de chômage stable de 7%.
Bref tous les problèmes de l’économie française devraient être mis sur la table et débattus… Y compris une augmentation raisonnée et raisonnable des taux de cotisations des actifs.
02.07.2025 à 14:05
Pablo Pillaud-Vivien
Pour penser candidat⋅e commun⋅e en 2027, la gauche se réunit autour de l’ex-prétendante à Matignon. Toute la gauche ? Non. Mais ce n’est qu’une partie du problème…
Ce mercredi 2 juillet, Lucie Castets réunit à Paris une brochette de partis de gauche – PS, EELV, L’Après (purgés de LFI), Génération.s (le parti fondé par Benoît Hamon), Debout ! (le nouveau parti de François Ruffin) – dans une volonté clairement affichée : montrer que l’unité n’est pas un vain mot. Il y aura une photo. Une image pour dire qu’au sein de la gauche, beaucoup ne se résolvent pas à recomposition façon puzzle. Une image pour ceux qui refusent que l’histoire se répète, avec son cortège de premiers tours éparpillés, d’hégémonies mal digérées, de deuxièmes tours par défaut. Une image, donc. Mais une image ne fait pas tout.
TOUS LES JOURS, RETROUVEZ L’ESSENTIEL DE L’ACTU POLITIQUE DANS NOTRE NEWSLETTER
L’objectif de la réunion est clair : trouver une méthode pour désigner un ou une candidate commune de toute la gauche à l’élection présidentielle de 2027. Ce n’est pas rien. Cela change même la logique : placer l’unité en amont, dans le processus, et non à la dernière minute, dans l’arithmétique des rapports de force. On a vu ce que cela donnait en 2022 : une gauche divisée, un pays livré à la résignation.
L’initiative est précieuse. Mais elle pourrait se penser au-delà des partis. Le Nouveau Front populaire, né dans l’urgence, a prouvé au moins une chose : la gauche ne peut se résumer à ses formations politiques. Mouvements, syndicats, intellectuel·les, collectifs citoyens, journaux indépendants… c’est aussi de cette richesse, de cette porosité, qu’était née l’espérance. Et c’est peut-être aussi de son étiolement qu’est mort le NFP. La gauche ne pourra pas gagner en 2027 si elle se réduit à la négociation entre appareils. D’autant que ceux-ci sont bien trop faibles, désormais, pour impulser à eux seuls un élan populaire.
Ce qu’il faut construire, ce n’est pas un catéchisme commun mais un espace où toutes les sensibilités puissent s’exprimer, se confronter, se répondre. Bref, une gauche qui débat sans se fracturer. Une gauche qui rassemble sans imposer.
Autre question : sur quoi allons-nous nous rassembler ? Le programme du NFP est une base. Peut-on le poser comme la seule légitime ? Il est fondé, dans la gauche, de discuter ce programme et il est même nécessaire de rouvrir un processus d’élaboration politique. Ce qu’il faut construire, ce n’est pas un catéchisme commun mais un espace où toutes les sensibilités puissent s’exprimer, se confronter, se répondre. Bref, une gauche qui débat sans se fracturer. Une gauche qui rassemble sans imposer.
Car c’est bien un esprit de rassemblement qu’il faut faire renaître. Aujourd’hui, il est dramatiquement absent. La gauche ne souffre pas tant de ses désaccords que de l’incapacité à les nommer sans rompre. Toutes les questions qui divisent la gauche ne seront pas résolues d’ici 2027. Aussi parce qu’elles relèvent de conceptions différentes. Mais elles ne doivent pas empêcher de bâtir ensemble. Il semble n’y avoir que deux consensus pour borner l’espace : récuser le social-libéralisme et le modèle xénophobe, façon Danemark ou Sahra Wagenknecht.
Il faut espérer que la réunion de ce jour autour de Lucie Castets ne se transformera pas en conclave entre chefs de partis. Choisir un⋅e candidat⋅e dans un huis clos politique, c’est s’assurer de l’indifférence, ou pire, de la colère. Reste alors une piste crédible : la primaire. Classique ou à choix préférentiels. Mais à une condition : que celui ou celle qui l’emporte ne cherche pas à imposer sa ligne et que, dans le même temps, il ou elle dise quelque chose de gauche et de fort. Qu’il ou elle incarne au contraire la certitude que la gauche ne gagnera qu’en étant diverse, loyale et rassemblée. Ce que cette réunion de juillet peut enclencher, ce n’est pas encore l’unité. Mais c’est peut-être la culture politique qui la rend possible.
02.07.2025 à 12:04
la Rédaction
Ce mercredi 2 juillet, Lucie Castets réunit à Paris une brochette de partis de gauche – PS, EELV, L’Après (purgés de LFI), Génération.s (le parti fondé par Benoît Hamon), Debout ! (le nouveau parti de François Ruffin) – dans une volonté clairement affichée : montrer que l’unité n’est pas un vain mot. Il y aura une photo. Une image pour dire qu’au sein de la gauche, beaucoup ne se résolvent pas à recomposition façon puzzle. Une image pour ceux qui refusent que l’histoire se répète, avec son cortège de premiers tours éparpillés, d’hégémonies mal digérées, de deuxièmes tours par défaut. Une image, donc. Mais une image ne fait pas tout.
L’objectif de la réunion est clair : trouver une méthode pour désigner un ou une candidate commune de toute la gauche à l’élection présidentielle de 2027. Ce n’est pas rien. Cela change même la logique : placer l’unité en amont, dans le processus, et non à la dernière minute, dans l’arithmétique des rapports de force. On a vu ce que cela donnait en 2022 : une gauche divisée, un pays livré à la résignation.
L’initiative est précieuse. Mais elle pourrait se penser au-delà des partis. Le Nouveau Front populaire, né dans l’urgence, a prouvé au moins une chose : la gauche ne peut se résumer à ses formations politiques. Mouvements, syndicats, intellectuel·les, collectifs citoyens, journaux indépendants… c’est aussi de cette richesse, de cette porosité, qu’était née l’espérance. Et c’est peut-être aussi de son étiolement qu’est mort le NFP. La gauche ne pourra pas gagner en 2027 si elle se réduit à la négociation entre appareils. D’autant que ceux-ci sont bien trop faibles, désormais, pour impulser à eux seuls un élan populaire.
Autre question : sur quoi allons-nous nous rassembler ? Le programme du NFP est une base. Peut-on le poser comme la seule légitime ? Il est fondé, dans la gauche, de discuter ce programme et il est même nécessaire de rouvrir un processus d’élaboration politique. Ce qu’il faut construire, ce n’est pas un catéchisme commun mais un espace où toutes les sensibilités puissent s’exprimer, se confronter, se répondre. Bref, une gauche qui débat sans se fracturer. Une gauche qui rassemble sans imposer.
Car c’est bien un esprit de rassemblement qu’il faut faire renaître. Aujourd’hui, il est dramatiquement absent. La gauche ne souffre pas tant de ses désaccords que de l’incapacité à les nommer sans rompre. Toutes les questions qui divisent la gauche ne seront pas résolues d’ici 2027. Aussi parce qu’elles relèvent de conceptions différentes. Mais elles ne doivent pas empêcher de bâtir ensemble. Il semble n’y avoir que deux consensus pour borner l’espace : récuser le social-libéralisme et le modèle xénophobe, façon Danemark ou Sahra Wagenknecht.
Il faut espérer que la réunion de ce jour autour de Lucie Castets ne se transformera pas en conclave entre chefs de partis. Choisir un⋅e candidat⋅e dans un huis clos politique, c’est s’assurer de l’indifférence, ou pire, de la colère. Reste alors une piste crédible : la primaire. Classique ou à choix préférentiels. Mais à une condition : que celui ou celle qui l’emporte ne cherche pas à imposer sa ligne et que, dans le même temps, il ou elle dise quelque chose de gauche et de fort. Qu’il ou elle incarne au contraire la certitude que la gauche ne gagnera qu’en étant diverse, loyale et rassemblée. Ce que cette réunion de juillet peut enclencher, ce n’est pas encore l’unité. Mais c’est peut-être la culture politique qui la rend possible.
10 milliards par-ci, 15 milliards par-là… Chaque année, l’État arrose les entreprises à coups d’aides publiques sans trop réfléchir à qui elles sont destinées, juste parce que c’est le fond de leur logiciel : être pro-business. C’est ce que devrait confirmer une commission d’enquête sénatoriale qui a vu se succéder des auditions aussi édifiantes que consternantes. Résumé : les aides aux entreprises, subventions, exonérations, crédits d’impôts et autres joyeusetés fiscales, c’est open bar, sans contrôle ni conditions. Pas d’obligations sociales ou écologiques, pas de retour sur investissement pour la collectivité. Juste un gros chèque. Et un haussement d’épaules. Une générosité rarement débattue au Parlement, jamais conditionnée à l’emploi ni à la transition écologique et, évidemment, sans transparence. On parle quand même d’une somme qui dépasserait le budget de l’Éducation nationale, rien que ça. Mais chut, il ne faudrait pas effrayer le Medef. Pendant ce temps-là, la moindre allocation pour les pauvres est scrutée au microscope et le RSA sous conditions fait la Une des chaînes d’info. À gauche, on parle de planification écologique, de services publics, de justice fiscale quand le pouvoir, lui, planifie les profits privés.
P.P.-V.
« Plein cagnard », sur Arte. Un court-métrage de canicule. Donc de circonstances. Par le jeune réalisateur Titouan Ropert. Étouffant et malaisant. Bref, nous quand il fait 37 degrés.
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02.07.2025 à 11:15
Pablo Pillaud-Vivien
Rokhaya Diallo, journaliste, réalisatrice et autrice du Dictionnaire amoureux du féminisme aux éditions Plon, est l’invitée de #LaMidinale.
01.07.2025 à 12:45
Pablo Pillaud-Vivien
Ce mardi sera votée la motion de censure déposée par le Parti socialiste. Une motion pour prouver son opposition… mais qui ne cache pas que la gauche parlementaire s’enfonce dans l’éclatement stratégique. L’acte est politique mais le moment révèle surtout l’impasse institutionnelle et le cynisme des jeux de rôle à l’Assemblée.
C’est une motion de censure qui n’en est pas vraiment une, ou plutôt : une motion de censure sans censeur crédible, sans stratégie claire. Cet après-midi, le Parti socialiste a déposé une motion de censure contre le gouvernement Bayrou. Et contrairement aux lectures hâtives, il ne s’agit pas du début d’un sursaut unitaire de la gauche parlementaire. Il faut plutôt y voir une nouvelle manière d’organiser la concurrence interne à la gauche.
TOUS LES JOURS, RETROUVEZ L’ESSENTIEL DE L’ACTU POLITIQUE DANS NOTRE NEWSLETTER
En première ligne, Olivier Faure. Réélu à la tête du PS sur la promesse de maintenir son parti à gauche et reprendre le leadership à LFI de ce côté-là de l’échiquier politique, le premier secrétaire se doit d’en apporter les gages. Sa motion de censure est l’un d’eux. Un geste pour prouver, à ceux qui doutent encore, que les socialistes savent se dresser contre le pouvoir en place – surtout quand celui-ci est affaibli, illisible, et, surtout… quand la censure n’a aucune chance d’être adoptée.
Le paradoxe n’échappe à personne : aucune motion de censure commune de la gauche n’a été déposée. Les socialistes ont fait le choix de la déposer seuls. Aucun élan commun, aucune stratégie partagée. Ce n’est pas la gauche qui se ressoude : c’est chacun pour soi, chacun pour sa ligne, chacun pour son espace. Olivier Faure ira bien à la réunion organisée par Lucie Castets, ce mercredi, visant à rassembler toute la gauche – sauf LFI qui ne veut pas s’y associer et le PCF qui reste mystérieux – mais là encore, il s’agira d’une autre tentative de recomposition sans commun. Dans l’hémicycle, chacun se compte ; dans les couloirs, chacun se contourne.
Cette situation est le symptôme d’une crise politique qui s’approfondit dans les détails. Elle se mesure dans les positions de ceux qui votent pour des raisons inversement tactiques à ce qu’ils déclarent. Le RN ne votera pas la censure, non pas pour soutenir le gouvernement, mais pour éviter que celui-ci ne soit remplacé par un autre.
Pourquoi alors les socialistes censurent-ils ? Parce que François Bayrou les a trahis, tout simplement. Ils affirment qu’il s’était engagé à faire retourner dans l’hémicycle la réforme des retraites de 2023. Ce n’est donc pas le fond ou l’échec du « conclave » qui motivent la sanction, mais la rupture d’un pacte, d’une parole donnée. En un sens, c’est un rétrécissement de la politique. De toute façon, un texte pourra toujours être examiné dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Bref, tout est encore possible, tout est encore flou – donc tout peut continuer, même l’improvisation.
Cette situation est le symptôme d’une crise politique qui s’approfondit dans les détails. Elle se mesure dans les positions de ceux qui votent pour des raisons inversement tactiques à ce qu’ils déclarent. François Hollande l’a reconnu : il votera la censure uniquement parce qu’elle ne passera pas. Il le dit, il l’assume. Que dire alors des manœuvres du Rassemblement national ? Lundi, le RN a voté une motion de rejet sur la loi audiovisuelle pour mieux pouvoir, plus tard, voter le texte amendé. Ce n’est pas qu’ils veulent ou non la loi : ils veulent surtout garder la main sur le calendrier et l’image. Le RN ne votera pas la censure, non pas pour soutenir le gouvernement, mais pour éviter que celui-ci ne soit remplacé par un autre.
Le sujet du vote n’est plus qu’un prétexte. Ce n’est pas nouveau, bien sûr, mais cela devient une méthode généralisée, épuisante, insupportable. Le billard à quinze bandes est désormais la norme. Et le cynisme parlementaire est devenu si visible qu’il n’a même plus besoin de rideau. Il y a une fatigue qui monte, dans le pays, mais aussi dans l’hémicycle. Le gouvernement, lui, est suspendu à des équilibres précaires, maintenu en vie par l’absence d’alternative. Mais pendant ce temps, la gauche n’avance pas. Elle mesure ses angles, ses pertes et ses marges. Et chacun continue de faire mine de croire que l’union viendra… plus tard.
01.07.2025 à 12:41
la Rédaction
C’est une motion de censure qui n’en est pas vraiment une, ou plutôt : une motion de censure sans censeur crédible, sans stratégie claire. Cet après-midi, le Parti socialiste a déposé une motion de censure contre le gouvernement Bayrou. Et contrairement aux lectures hâtives, il ne s’agit pas du début d’un sursaut unitaire de la gauche parlementaire. Il faut plutôt y voir une nouvelle manière d’organiser la concurrence interne à la gauche.
En première ligne, Olivier Faure. Réélu à la tête du PS sur la promesse de maintenir son parti à gauche et reprendre le leadership à LFI de ce côté-là de l’échiquier politique, le premier secrétaire se doit d’en apporter les gages. Sa motion de censure est l’un d’eux. Un geste pour prouver, à ceux qui doutent encore, que les socialistes savent se dresser contre le pouvoir en place – surtout quand celui-ci est affaibli, illisible, et, surtout… quand la censure n’a aucune chance d’être adoptée.
Le paradoxe n’échappe à personne : aucune motion de censure commune de la gauche n’a été déposée. Les socialistes ont fait le choix de la déposer seuls. Aucun élan commun, aucune stratégie partagée. Ce n’est pas la gauche qui se ressoude : c’est chacun pour soi, chacun pour sa ligne, chacun pour son espace. Olivier Faure ira bien à la réunion organisée par Lucie Castets, ce mercredi, visant à rassembler toute la gauche – sauf LFI qui ne veut pas s’y associer et le PCF qui reste mystérieux – mais là encore, il s’agira d’une autre tentative de recomposition sans commun. Dans l’hémicycle, chacun se compte ; dans les couloirs, chacun se contourne.
Pourquoi alors les socialistes censurent-ils ? Parce que François Bayrou les a trahis, tout simplement. Ils affirment qu’il s’était engagé à faire retourner dans l’hémicycle la réforme des retraites de 2023. Ce n’est donc pas le fond ou l’échec du « conclave » qui motivent la sanction, mais la rupture d’un pacte, d’une parole donnée. En un sens, c’est un rétrécissement de la politique. De toute façon, un texte pourra toujours être examiné dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Bref, tout est encore possible, tout est encore flou – donc tout peut continuer, même l’improvisation.
Cette situation est le symptôme d’une crise politique qui s’approfondit dans les détails. Elle se mesure dans les positions de ceux qui votent pour des raisons inversement tactiques à ce qu’ils déclarent. François Hollande l’a reconnu : il votera la censure uniquement parce qu’elle ne passera pas. Il le dit, il l’assume. Que dire alors des manœuvres du Rassemblement national ? Lundi, le RN a voté une motion de rejet sur la loi audiovisuelle pour mieux pouvoir, plus tard, voter le texte amendé. Ce n’est pas qu’ils veulent ou non la loi : ils veulent surtout garder la main sur le calendrier et l’image. Le RN ne votera pas la censure, non pas pour soutenir le gouvernement, mais pour éviter que celui-ci ne soit remplacé par un autre.
Le sujet du vote n’est plus qu’un prétexte. Ce n’est pas nouveau, bien sûr, mais cela devient une méthode généralisée, épuisante, insupportable. Le billard à quinze bandes est désormais la norme. Et le cynisme parlementaire est devenu si visible qu’il n’a même plus besoin de rideau. Il y a une fatigue qui monte, dans le pays, mais aussi dans l’hémicycle. Le gouvernement, lui, est suspendu à des équilibres précaires, maintenu en vie par l’absence d’alternative. Mais pendant ce temps, la gauche n’avance pas. Elle mesure ses angles, ses pertes et ses marges. Et chacun continue de faire mine de croire que l’union viendra… plus tard.
« Surprise » pour Le Monde : la réforme de l’audiovisuel public portée par Rachida Dati a subi un « camouflet ». Les écologistes ont déposé une motion de rejet préalable, votée par le NFP et… par le RN. La surprise serait donc là. Mais derrière le « revers », la « défaite » (dixit les députés de gauche), il y a un diable. Premièrement, l’Assemblée était vide : 132 votants, 94 votes pour le rejet et 38 contre. La Macronie et ses alliés étaient déjà la tête en vacances – et ça n’est pas un oubli de leur part ! Car ce rejet n’est rien d’autre qu’une manœuvre. Se faisant, la réforme n’est pas le moins du monde morte. Elle saute simplement la case « Assemblée nationale », ses milliers d’amendements, ses heures de débats… On la retrouvera finalement dès la semaine prochaine au Sénat. Et le RN ? Lui qui était plutôt enclin à voter cette réforme la rejetterait soudainement ? C’est le second atout de ce tour de passe-passe : l’extrême droite souhaite privatiser l’audiovisuel public, Rachida Dati leur assure que ça sera plus facile à mettre en œuvre après sa réforme, d’après Patrick Cohen. On fait disjoncter l’Assemblée et ses hordes de gauchos ? Tope-la !
L.L.C.
« Mécaniques de la politique : Jean-François Mattei face à la canicule de 2003 », sur France Culture. Un podcast en quatre épisodes avec le ministre de la santé de l’époque, Jean-François Mattei, pour comprendre comment la France a pu connaître 15 000 morts à cause de la chaleur… Histoire de ne pas recommencer les mêmes erreurs !
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