07.05.2025 à 11:16
La Rédaction
par Catherine Tricot
Quelques jours après Complément d’enquête, La meute sort en librairie. Écrit par Charlotte Belaïch, journaliste à Libération, et Olivier Pérou, journaliste au Monde, le livre aux éditions Flammarion est une enquête de deux ans, sur 300 pages, au sujet de la vie interne de LFI. 200 personnes ont été interrogées, la plupart témoignent à visage découvert. Certains lecteurs diront qu’on n’y apprend rien. Pas sûr. Certes, la plupart des histoires ici rassemblées ont déjà eu un écho public. Beaucoup connaissent le fonctionnement a-démocratique de LFI et le caractère autocratique du couple Mélenchon-Chikirou. Mais ce qui fait rupture, c’est l’ampleur des faits rapportés. Ensemble, ils donnent la mesure du caractère systémique et toxique du fonctionnement de l’organisation.
Il se trouve encore de rares personnes pour tenter de justifier ces faits. Comme en d’autres temps, il y a des intellectuels pour endosser ce qui ne peut l’être. Par exemple, le sociologue Didier Eribon sur France culture : « Je veux bien croire qu’il y ait des problèmes de fonctionnement. Mais après tout, c’est peut-être grâce à ça que LFI a réussi ce qu’elle a réussi. Et je les admire et les soutiens pour ça ». La fin justifie-t-elle de tels moyens. Eribon use de son magistère pour le justifier à nouveau. Il ajoute : « J’ai dit à Jean-Luc Mélenchon, je garde le droit de critiquer le mouvement et de te critiquer, toi. Il m’a dit : mais bien sûr, tout le monde a le droit de me critiquer ». Mais Didier Eribon n’a pas abusé de cette liberté accordée. En dehors de ce naufrage intellectuel, ce qui domine chez les insoumis, c’est le silence.
Pourquoi ceux qui savaient, ceux qui savent, n’ont rien dit et parfois se taisent toujours ? Dès 2019, Georges Kuzmanovic et François Cocq ont été parmi les premiers exclus et parmi les premiers à révéler le régime autocratique qui régnait. Ils étaient inconnus du grand public ; leur parole a été peu entendue. C’est très récemment que Raquel Garrido et Danielle Simonnet ont à leur tour pris la parole. Jusqu’à ces derniers jours, ceux qui osaient s’exprimer en dehors du cadre ont limité leur propos à des désaccords de ligne. Aucun ne voulait « nuire à la cause » en révélant les arrière-cuisines. Ils taisaient ce dont ils avaient profondément honte et dont ils sentaient la charge explosive. Mais peut-on faire comme si la violence viriliste, l’intimidation, le harcèlement en bande organisée étaient « des moyens de réussir » une révolution citoyenne ? Comment est-il possible que l’intrinsèque contradiction n’ait pas été relevée ?
À de rares exceptions, la question de la démocratie et celle de la violence interne sont restées hors champ. Bien seule, Clémentine Autain met en garde publiquement contre la tentation de « marginaliser tous ceux qui ont une parole parfois différente du noyau dirigeant actuel » dès 2022. Coté direction, l’absence de démocratie est théorisée. En 2019, devant l’ensemble des députés et eurodéputés LFI, Jean-Luc Mélenchon assure qu’une LFI démocratique, « ce sera sans lui ». Le message est passé. Coté militants, on en souffre quelque fois… mais on l’admet. On est pourtant des décennies après les naufrages de toutes les expériences révolutionnaires faites par un noyau sans démocratie et sans participation de tous. Aucun des cadres politiques ne l’ignore. Mais qui le dit ? Doit-on comprendre que le combat en faveur de la démocratisation des institutions et la remise en cause du présidentialisme est un conte à dormir debout ?
Alors maintenant que tout ceci est sur la table, qu’attendons-nous de LFI, de ses actuels dirigeants et de ceux qui la dirigeaient hier encore ? On attend d’abord que cessent ces pénibles éléments de langage assénés par Mathilde Panot ou Manuel Bompard : « Tout cela n’est que mensonges », « ragots » et « fausses informations ». Et surtout, on attend que tous s’extraient de ces pratiques. Il n’est pas possible de continuer le déni et le cynisme bravache. Pourquoi faut-il que les insoumis crèvent cet abcès et renoncent à cette culture ? Parce qu’ils n’ont pas le choix. Bien que les situations soient sans comparaison, rappelons qu’en 1956, Maurice Thorez, alors secrétaire du PCF, n’a pas assumé les révélations des crimes du stalinisme, il a voulu cacher la réalité… Mais le réel a fini par s’imposer. Et la déstalinisation du PCF s’est faite trop lentement et dans un chaos total. Il en est résulté une mutation sans cap, une dévitalisation du communisme français et finalement un déclin irréversible du PCF.
Ce qui est aujourd’hui menacé avec cette histoire lamentable, c’est l’idée même de radicalité. LFI est une organisation de jeunes militants, parfois audacieuse, mais qui n’exprimera son potentiel que dans une dynamique interne totalement autre. Il n’est pas possible de laisser associer « radicalité des objectifs » et « immoralité politique ». C’est cela l’enjeu ultime. Il faut oser rompre les rangs ; il faut réfléchir, parler, écrire.
Dans une apathie mondiale choquante, le massacre des Gazaouis se poursuit et s’intensifie. Benyamin Netanyahou présente même clairement son plan génocidaire sur les réseaux sociaux : pérenniser la présence militaire israélienne dans l’enclave palestinienne et entasser la population à l’extrémité sud du territoire. Tout cela en empêchant toujours l’aide humanitaire d’arriver. Face à l’urgence et l’horreur de la situation, les réponses des chancelleries occidentales sont à côté de la plaque : « inquiétude » pour le nouveau chancelier allemand, « situation intenable » pour la cheffe de la diplomatie européenne, « inacceptable » pour le ministre des affaires étrangères français… Des mots qui sonnent bien creux quand c’est tout un peuple qui souffre et meurt.
P.P.-V.
« La révolution selon François, changement d’époque au Vatican » : il avait promis une Église plus ouverte et plus juste. Mais derrière les mots et les gestes symboliques, les fondements conservateurs sont restés intacts. Retour sur son héritage sur Arte.
06.05.2025 à 11:51
Pablo Pillaud-Vivien
Un an et demi avant le début de la campagne de la prochaine présidentielle, gauche et droite tentent de mesurer avantages et inconvénients de se lancer en solitaire dès le premier tour.
Il n’y a pas qu’à gauche que la division inquiète et met en péril les chances d’accès au second tour de la prochaine présidentielle. Avec l’hypothèse de l’inéligibilité de Marine Le Pen, des perspectives s’ouvrent à droite. Jordan Bardella comme plan B est loin de faire l’unanimité et interroge sur la capacité du dauphin de porter l’extrême droite à l’Élysée.
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Les LR sont les premiers à considérer le changement à la tête du RN comme un appel d’air. Après leurs déboires aux dernières élections présidentielles (20 ans sans victoire ; pas de deuxième tour pour le favori de 2017 François Fillon ; pire score de l’histoire de la droite en 2022 : 4,75% pour Valérie Pécresse), 2027 leur apparaît comme stratégique. C’est un peu la survie du mouvement qui se joue. Ainsi, les deux prétendants à la présidence des LR, Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez, rivalisent-ils d’idées afin de récupérer une partie de l’électorat frontiste. Auprès d’eux, ils bénéficient d’une aura dont le RN est dépourvu : issus d’un parti de pouvoir, ils offrent une assurance de crédibilité et de sérieux. Mais cela en détournera d’autres désireux de rupture : Retailleau et Wauquiez équilibrent leurs discours pour tenter de ramasser le plus grand nombre en jouant sur les deux tableaux.
Du côté des macronistes, on s’interroge aussi. Si la droite n’est pas unie, elle pourrait ne pas être au second tour au profit de la gauche. Pour pallier ce risque, il leur faut réaliser l’unité du « bloc central ». Édouard Philippe et Gérald Darmanin l’ont bien compris. Leur position politique se résume ainsi : les macronistes et les LR unis s’assurent une place au second tour face au RN, là où deux candidatures séparées projettent dans l’inconnu. Ne laissant planer aucun doute sur leurs ambitions, ils font valoir leurs arguments : ils ont pour eux d’être tout à la fois d’anciens membres de LR et des macronistes de la première heure. Darmanin ajoute à son arc la corde sarkozyste : il flirte avec les idées du RN.
La crainte d’une arrivée de l’extrême droite au pouvoir sera-t-elle, cette fois encore, plus forte que le rejet suscité par le pouvoir ? Les électeurs de gauche iront-ils voter pour Retailleau ou Darmanin au second tour ? Édouard Philippe pourrait bénéficier de ce rejet.
Mais si « primaire sauvage » à droite il devait y avoir, il pourrait se passer ce qu’il est advenu en 2017 et 2022 à gauche : Jean-Luc Mélenchon avait rassemblé sur son nom une majorité des voix de gauche car il était celui qui, dans les tout derniers moments, était apparu comme le plus en dynamique et le seul à avoir une chance à gauche de figurer au second tour. Ce fut plus fort que tout. La droite peut donc avoir deux candidats, un seul survivra à la primaire sauvage pour bloquer le candidat de gauche.
Reste l’enjeu de second tour. Le durcissement de la polarisation gauche/droite/extrême droite rend plus difficile pour les électeurs de changer de camp entre les deux tours. La crainte d’une arrivée de l’extrême droite au pouvoir sera-t-elle, cette fois encore, plus forte que le rejet suscité par le pouvoir ? Les électeurs de gauche iront-ils voter pour Retailleau ou Darmanin au second tour ? Édouard Philippe pourrait bénéficier de ce rejet. Ce sont les sondages qui le diront… De même, dans un second tour RN/gauche, que feront les électeurs de droite convaincue que le candidat de gauche est l’allié des terroristes ? Plus les blocs se figent, plus l’enjeu du second tour pèse sur le premier : pour chaque camp il faut avoir le candidat qui plie le match dans son camp pour se hisser au second tour puis qui soit capable de récupérer une partie des électeurs du camp d’en face, et qui, a minima, ne mobilise pas contre lui… Subtile équilibre !
06.05.2025 à 11:34
la Rédaction
Il n’y a pas qu’à gauche que la division inquiète et met en péril les chances d’accès au second tour de la prochaine présidentielle. Avec l’hypothèse de l’inéligibilité de Marine Le Pen, des perspectives s’ouvrent à droite. Jordan Bardella comme plan B est loin de faire l’unanimité et interroge sur la capacité du dauphin de porter l’extrême droite à l’Élysée.
Les LR sont les premiers à considérer le changement à la tête du RN comme un appel d’air. Après leurs déboires aux dernières élections présidentielles (20 ans sans victoire ; pas de deuxième tour pour le favori de 2017 François Fillon ; pire score de l’histoire de la droite en 2022 : 4,75% pour Valérie Pécresse), 2027 leur apparaît comme stratégique. C’est un peu la survie du mouvement qui se joue. Ainsi, les deux prétendants à la présidence des LR, Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez, rivalisent-ils d’idées afin de récupérer une partie de l’électorat frontiste. Auprès d’eux, ils bénéficient d’une aura dont le RN est dépourvu : issus d’un parti de pouvoir, ils offrent une assurance de crédibilité et de sérieux. Mais cela en détournera d’autres désireux de rupture : Retailleau et Wauquiez équilibrent leurs discours pour tenter de ramasser le plus grand nombre en jouant sur les deux tableaux.
Du côté des macronistes, on s’interroge aussi. Si la droite n’est pas unie, elle pourrait ne pas être au second tour au profit de la gauche. Pour pallier ce risque, il leur faut réaliser l’unité du « bloc central ». Édouard Philippe et Gérald Darmanin l’ont bien compris. Leur position politique se résume ainsi : les macronistes et les LR unis s’assurent une place au second tour face au RN, là où deux candidatures séparées projettent dans l’inconnu. Ne laissant planer aucun doute sur leurs ambitions, ils font valoir leurs arguments : ils ont pour eux d’être tout à la fois d’anciens membres de LR et des macronistes de la première heure. Darmanin ajoute à son arc la corde sarkozyste : il flirte avec les idées du RN.
Mais si « primaire sauvage » à droite il devait y avoir, il pourrait se passer ce qu’il est advenu en 2017 et 2022 à gauche : Jean-Luc Mélenchon avait rassemblé sur son nom une majorité des voix de gauche car il était celui qui, dans les tout derniers moments, était apparu comme le plus en dynamique et le seul à avoir une chance à gauche de figurer au second tour. Ce fut plus fort que tout. La droite peut donc avoir deux candidats, un seul survivra à la primaire sauvage pour bloquer le candidat de gauche.
Reste l’enjeu de second tour. Le durcissement de la polarisation gauche/droite/extrême droite rend plus difficile pour les électeurs de changer de camp entre les deux tours. La crainte d’une arrivée de l’extrême droite au pouvoir sera-t-elle, cette fois encore, plus forte que le rejet suscité par le pouvoir ? Les électeurs de gauche iront-ils voter pour Retailleau ou Darmanin au second tour ? Édouard Philippe pourrait bénéficier de ce rejet. Ce sont les sondages qui le diront… De même, dans un second tour RN/gauche, que feront les électeurs de droite convaincue que le candidat de gauche est l’allié des terroristes ? Plus les blocs se figent, plus l’enjeu du second tour pèse sur le premier : pour chaque camp il faut avoir le candidat qui plie le match dans son camp pour se hisser au second tour puis qui soit capable de récupérer une partie des électeurs du camp d’en face, et qui, a minima, ne mobilise pas contre lui… Subtile équilibre !
Ça coince pour le futur chef du gouvernement allemand : lors du vote au Parlement qui devait l’introniser chancelier, le conservateur Friedrich Merz n’a pas obtenu la majorité requise. Il y aura donc un second tour, sans majorité absolue. C’est une première dans l’histoire de la RFA qui dit bien la difficulté pour le SPD et la CDU d’accorder leurs violons : les premiers tiquent sur la loi immigration quand les seconds, plus ordo-libéraux que jamais, voient d’un mauvais œil la fin de la règle d’or budgétaire. Bref, la proportionnelle et ses négociations post-élections, dont on vante souvent les mérites en France, a des limites sans projet partagé.
P.P.-V.
« Montée du fascisme et pop culture : entretien avec Patrick Boucheron ». L’Humanité invite politiques et intellectuels dans une très bonne émission « Ça ira ! ». Ils recevaient Patrick Boucheron, le médiéviste co-auteur des cérémonies des JO (derrière Thomas Joly). Boucheron revient sur le sens politique du message adressé au monde : « Paris, ville de la liberté des corps ». L’historien du Collège de France insiste : « Cela a eu lieu » et l’engouement – tant national que mondial – dit bien une réalité. On recommande aussi ses réflexions sur les féminicides et notamment sur Bertrand Cantat, le tueur de Marie Trintignant, et, de fait, de sa femme Krisztina Rády.
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05.05.2025 à 15:23
Melaine Fanouillère
Et c’est parti pour la saison 5 du podcast L’Actu des Oublié.e.s, notre rendez-vous en terre de luttes !
Les oublié.es. Les invisibles, les précaires pris.es dans l’œil du cyclone capitaliste. Les peuples dont l’existence est menacée, celles et ceux qui lèvent le poing dans l’ombre, oublié.es des caméras et des micros. Leur résistance quotidienne, leur soulèvement spontané, leurs expériences sociales soufflent un espoir déterminé, sèment les graines des pratiques futures, s’érigent avec courage en rempart contre l’obscurantisme. Quand un peuple ou une portion du peuple retrouve sa liberté de parole, conquiert des espaces où se réunir et expérimente l’auto-organisation, la transformation sociale commence.
L’instant révolutionnaire où l’expérience sociale font dire à des millions de personnes « Nous ne reviendrons pas à la normalité ». Voilà ce que raconte l’Actu des Oublié.e.s, pour tendre et finalement soulever un espoir internationaliste face à la violence néo-libérale pour prendre soin de nous, des terres et de la diversité du vivant.
Un an et demi après l’arrivée au pouvoir du néo-fasciste Milei, l’Argentine est exsangue. Le président à la tronçonneuse gouverne pour transformer l’État en machine de guerre au service des puissants et détruit consciencieusement son aspect social. Pourtant, le mouvement social se reforme, grâce à la lutte conjointe du milieu étudiant, des retraités et du mouvement transféministe.
Depuis au moins trois ans, la Géorgie vit révolte sur révolte. Plusieurs causes sont à la racine de la colère, mais la cible est la même : le parti politique au pouvoir, Rêve Géorgien, qui entretient un régime corrompu, homophobe et de plus en plus soumis aux exigences de Vladimir Poutine. Cet hiver, les manifestations devant le parlement ont repris, de la capitale Tbilissi jusqu’au provinces les moins attendues.
Pour commencer 2025, deux épisodes sont consacrés à la Corée du Sud et au mouvement massif pour la destitution de l’actuel président Yoon Suk-Yeol, incarnation de l’extrême droite néo-libérale, anti-féministe revendiqué et lié aux cercles évangélistes et complotistes. Le 3 décembre, celui-ci déclarait la loi martiale, l’interdiction de toute activité politique et la paralysie du parlement ; mais la société civile dans toutes ses composantes réagit spontanément pour l’empêcher d’agir. Un mois plus tard, la bataille politique fait rage pour obtenir sa destitution définitive et son arrestation.
Pour commencer 2025, deux épisodes sont consacrés à la Corée du Sud et au mouvement massif pour la destitution de l’actuel président Yoon Suk-Yeol, incarnation de l’extrême droite néo-libérale, anti-féministe revendiqué et lié aux cercles évangélistes et complotistes. Le 3 décembre, celui-ci déclarait la loi martiale, l’interdiction de toute activité politique et la paralysie du parlement ; mais la société civile dans toutes ses composantes réagit spontanément pour l’empêcher d’agir. Un mois plus tard, la bataille politique fait rage pour obtenir sa destitution définitive et son arrestation.
À l’occasion de la journée mondiale pour l’élimination des violences faites aux femmes et aux minorités de genre, nous partons en Inde où la colère s’est répandu dans le pays en août dernier à la suite d’un viol et meurtre à l’hôpital de Kolkata. Les femmes indiennes sont alors sorties dans les rues pour reconquérir la nuit et les espaces dans lesquelles elles sont exclues, humiliées, violentées.
L’Indonésie a connu en août dernier une semaine d’insurrection pour dénoncer l’oligarchie qui s’installe au pouvoir. La spontanéité du mouvement, sa force et sa victoire rapide, mais aussi la répression à laquelle il a fait face, témoigne de la puissance actuel du mouvement anti-autoritaire dans le pays-archipel.
Cinq mois après l’insurrection du 13 mai, alors que le couvre-feu est toujours en vigueur à Nouméa, retour sur le déroulé du mouvement contre le dégel électoral en Kanaky/Nouvelle Calédonie et la répression coloniale imposée par l’État français.
Cette semaine, nous retournons sur le continent africain où les répliques du séisme provoqué par la jeunesse kényane continuent de se propager. Le Kenya a connu une vague contestataire inédite, en partie victorieuse puisqu’elle s’est soldée par l’abandon de la loi de finances 2024 et l’annulation de celle de 2023… Davantage encore que les victoires, l’énergie débordante et décomplexée de la jeunesse, malgré les tirs à balles réelles ainsi que l’absence de leader et de récupération politique, ont marqué et transformé le rapport à l’engagement politique.
Cet élan ne s’est pas arrêté au Kenya. Alors même que les manifestations se poursuivait à Nairobi, la contestation s’est élargit aux pays voisins, peuplés eux aussi d’une jeunesse de plus en plus nombreuse, laissée pour compte et désabusée par l’impasse que constitue l’économie globale mondialisée.
Des mains s’agglutinent contre les petites grilles des fourgons policiers à la peinture bleue défraichie. Les images d’un pays en proie au chaos font le tour du monde, la violence d’état n’a plus de limite et les arrestations arbitraires se multiplient. Difficile de distinguer ce qui, du régime en place, tient encore ou s’apprête à céder.
Lorsque le président Ruto présente la loi de finances 2024 au Parlement, en juin dernier, la jeunesse kényane déferle dans les rues. Cette protestation inédite, sans leader, joyeuse et déterminée, résiliente et multiforme, symbolise tout autant le rejet des politiques néo-libérales que l’étincelle d’une jeunesse qui cherche à impulser une nouvelle dynamique de lutte au Kenya et au-delà.
05.05.2025 à 14:10
Catherine Tricot
Le premier ministre veut faire passer son plan d’austérité par voie de référendum. Aussi crédible que son espérance de vie à Matignon est longue.
François Bayrou, premier ministre de la France, a donné un long entretien au JDD. Ce n’est pas la première fois que des ministres de la Macronie donnent des interviews à cet hebdo. Pourtant, chaque jour apporte la preuve que les médias de Vincent Bolloré sont au service d’un projet d’extrême droite. Pourquoi persistent-ils à cautionner ce journal, par ailleurs en perte accélérée de lecteurs ?1
TOUS LES JOURS, RETROUVEZ L’ESSENTIEL DE L’ACTU POLITIQUE DANS NOTRE NEWSLETTER
Cette opération de charme en direction du RN s’inscrit dans une liste qui commence à faire sens : relance du projet de proportionnelle pour complaire au RN ; expression d’un trouble après la condamnation de Marine le Pen ; reprise du vocabulaire d’extrême droite comme la « submersion migratoire » ; nature de ses arguments contre le projet de loi sur la fin de vie, etc. En effet, dans le JDD, il se déclare être « du côté du soin et de la vie ». Les partisans du projet seraient-ils « du côté de la mort et de la maltraitance » ?
François Bayrou parle la langue de l’intégrisme. Ces faux pas et ces petits calculs pour amadouer l’ogre menaçant sont infamants et dérisoires. L’extrême droite se combat et ne s’achète pas avec des miettes et des risettes. Le déshonneur menace le premier ministre à plusieurs titres.
François Bayrou prend les chaussons de ses prédécesseurs macroniens : aucun respect pour les corps intermédiaires et la démocratie sociale, ni pour le parlement qu’il veut dessaisir d’une de ses principales prérogatives.
Mais venons-en au fond du problème : le locataire de Matignon a exprimé son souhait de vouloir soumettre à référendum son plan de redressement des comptes publics. Deux semaines après avoir réuni le Comité d’alerte sur les finances publiques, François Bayrou continue de disserter sur le mauvais état des comptes du pays, sur la nécessité de revenir aux 3% d’ici quatre ans. Il entend compenser son absence de majorité au parlement non par un surcroît de travail et de concertation avec les élus de la nation mais par un appel au peuple au travers d’un référendum qu’il n’a par ailleurs pas les moyens de convoquer : seul le président le peut.
Empêtré dans les divisions politiques de son propre camp, l’affaire Betharram et une cote de popularité particulièrement catastrophique (14% de soutien, -3% en un mois et le plus faible soutien de la Cinquième République2), François Bayrou prend les chaussons de ses prédécesseurs macroniens : aucun respect pour les corps intermédiaires et la démocratie sociale, ni pour le parlement qu’il veut dessaisir d’une de ses principales prérogatives.
Le plan d’économies de 40 milliards qu’envisage François Bayrou est encore dans les limbes – comme beaucoup de ses projets. « Cela passera par une baisse déterminée des dépenses, nous dit-il. Par la simplification. Par une meilleure efficacité de l’État et de l’action publique en général » mais « la solution n’est pas dans de nouveaux impôts ». Ni précis, ni original. On relèvera que l’argumentaire déployé est alarmiste… mais qu’il contourne toujours l’exigence d’égalité. Le premier ministre ne propose aucune vision de long terme : son seul engagement stratégique concerne l’armement tandis que la lutte contre le réchauffement climatique n’est même pas évoquée.
Fou qui peut croire faire voter un tel projet, proposé par un tel attelage. Emmanuel Macron le sait. Et c’est pour cela que ce référendum n’aura pas lieu. Et que François Bayrou va endurer une nouvelle déconvenue. Il ne bougeait pas beaucoup, il ne bougera plus du tout. La suite est inéluctable : il partira.
05.05.2025 à 10:37
la Rédaction
par Catherine Tricot
François Bayrou, premier ministre de la France, a donné un long entretien au JDD. Ce n’est pas la première fois que des ministres de la Macronie donnent des interviews à cet hebdo. Pourtant, chaque jour apporte la preuve que les médias de Vincent Bolloré sont au service d’un projet d’extrême droite. Pourquoi persistent-ils à cautionner ce journal, par ailleurs en perte accélérée de lecteurs ?1
Cette opération de charme en direction du RN s’inscrit dans une liste qui commence à faire sens : relance du projet de proportionnelle pour complaire au RN ; expression d’un trouble après la condamnation de Marine le Pen ; reprise du vocabulaire d’extrême droite comme la « submersion migratoire » ; nature de ses arguments contre le projet de loi sur la fin de vie, etc. En effet, dans le JDD, il se déclare être « du côté du soin et de la vie ». Les partisans du projet seraient-ils « du côté de la mort et de la maltraitance » ?
François Bayrou parle la langue de l’intégrisme. Ces faux pas et ces petits calculs pour amadouer l’ogre menaçant sont infamants et dérisoires. L’extrême droite se combat et ne s’achète pas avec des miettes et des risettes. Le déshonneur menace le premier ministre à plusieurs titres.
Mais venons-en au fond du problème : le locataire de Matignon a exprimé son souhait de vouloir soumettre à référendum son plan de redressement des comptes publics. Deux semaines après avoir réuni le Comité d’alerte sur les finances publiques, François Bayrou continue de disserter sur le mauvais état des comptes du pays, sur la nécessité de revenir aux 3% d’ici quatre ans. Il entend compenser son absence de majorité au parlement non par un surcroît de travail et de concertation avec les élus de la nation mais par un appel au peuple au travers d’un référendum qu’il n’a par ailleurs pas les moyens de convoquer : seul le président le peut.
Empêtré dans les divisions politiques de son propre camp, l’affaire Betharram et une cote de popularité particulièrement catastrophique (14% de soutien, -3% en un mois et le plus faible soutien de la Cinquième République2), François Bayrou prend les chaussons de ses prédécesseurs macroniens : aucun respect pour les corps intermédiaires et la démocratie sociale, ni pour le parlement qu’il veut dessaisir d’une de ses principales prérogatives.
Le plan d’économies de 40 milliards qu’envisage François Bayrou est encore dans les limbes – comme beaucoup de ses projets. « Cela passera par une baisse déterminée des dépenses, nous dit-il. Par la simplification. Par une meilleure efficacité de l’État et de l’action publique en général » mais « la solution n’est pas dans de nouveaux impôts ». Ni précis, ni original. On relèvera que l’argumentaire déployé est alarmiste… mais qu’il contourne toujours l’exigence d’égalité. Le premier ministre ne propose aucune vision de long terme : son seul engagement stratégique concerne l’armement tandis que la lutte contre le réchauffement climatique n’est même pas évoquée.
Fou qui peut croire faire voter un tel projet, proposé par un tel attelage. Emmanuel Macron le sait. Et c’est pour cela que ce référendum n’aura pas lieu. Et que François Bayrou va endurer une nouvelle déconvenue. Il ne bougeait pas beaucoup, il ne bougera plus du tout. La suite est inéluctable : il partira.
Le week-end du 1er mai, Bruno Retailleau n’a pas chômé : il veut la dissolution de la Jeune Garde et d’Urgence Palestine. La criminalisation de l’action antifasciste et de la dénonciation du génocide en cours à Gaza fait désormais partie de l’arsenal du gouvernement pour lutter contre ce qu’il a identifié comme son opposition. Pourtant, ces deux collectifs sont marginaux en terme d’effectifs. Mais leurs combats eux sont centraux et structurent une partie du champ politique de la gauche. D’où leur harcèlement par le pouvoir. Résister passe donc aussi par organiser leur défense.
P.P.-V.
Au sortir de la guerre, en septembre 1945, l’éditeur Marcel Duhamel lance la collection de polar qui va devenir mythique, la « Série noire » chez Gallimard, dédiée aux romans policiers. France Inter a réuni son actuelle éditrice, Stéfanie Delestré, l’écrivain Caryl Férey et le très pertinent critique à Regards Arnaud Viviant. Sa lecture politique et sociale a souligné l’originalité et l’intérêt du genre : « La série noire, c’est le roman ‘dur à cuire’, qui parle des bas-fonds de la société. C’est une manière de raconter l’envers des choses, de ce que raconte la presse ». Un genre fabriqué par les prolos du roman pour les prolos de leur temps. Et pour nous tous.
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