08.12.2026 à 11:59

At the Cafe. 3 March 2015 © Farshid Tighehsaz
James Blake - My Willing Heart
さてどちらへ行かう
風が吹く
et maintenant
de quel côté aller ?
le vent souffle
Santoka
La maison où manque la mère, même si la lampe l'éclaire, il y fait nuit.
Proverbe kabyle
Un jour tu auras droit à la parole.
Que feras-tu de l'énorme cadavre du silence ?
Chawki Abdelamir (Irak, 1949; poète et traducteur en français de Adonis)
09.12.2025 à 12:34

Hawkins a transformé ce qui ressemblait à un job improbable en véritable entreprise : Sand Castle University fonctionne comme une structure mobile, entre sculptures sur commande, animations d’événements et cours pour apprendre à bâtir “proprement” sur le sable. L’autre carburant, ce sont les réseaux : filmer la construction, montrer les détails, et donner l’impression qu’un mini-palais pousse tout seul au rythme des marées.
Et parfois, elle joue carrément la carte “pop-culture”, parce que le sable adore les symboles reconnaissables : si vous aimez quand l’imaginaire devient une architecture grandeur nature, vous allez forcément sourire devant Poudlard en château de sable (vidéo). Même magie, aucune autorisation de lancer des sorts sur la marée.
Son secret technique est … capillaire
Pourquoi le sable humide tient-il debout alors que le sable sec s’écroule comme un soufflé vexé ? Parce que l’eau crée de minuscules ponts capillaires entre les grains : ces micro-ménisques génèrent des forces qui augmentent la cohésion du matériau. Et c’est là qu’arrive la règle d’or des châteaux solides : ni trop sec, ni trop mouillé. Trop peu d’eau : pas assez de ponts. Trop d’eau : l’effet “cohésion” s’effondre et tout devient pâteux.
Dans la pratique, les pros recherchent un sable à granulométrie “coopérative”, compactent par couches (pour éviter les poches d’air), puis sculptent par retraits successifs : on enlève de la matière au lieu d’empiler des détails fragiles. Si vous voulez rester dans l’univers “sculpture hyper réaliste qui fait oublier le matériau”, vous pouvez d’ailleurs enchaîner avec les fantastiques sculptures de sable de Guy-Olivier Deveau : même obsession du détail, même talent pour donner au sable un air beaucoup trop sérieux pour être honnête.
Autre détail savoureux : Hawkins n’utilise pas seulement des outils “de plage”. Elle pioche aussi dans la maçonnerie, la construction, la poterie… parfois même des petits outils de finition qui servent surtout à lisser, araser, nettoyer. Parce que oui : la haute couture du sable passe par des gestes de précision. Le château de sable, version pro, c’est moins “pelle + seau” et plus “atelier de sculpteur sous contrainte météo”.
Le retournement de scénario, c’est la fin : beaucoup de séquences populaires montrent Hawkins démolir ses propres sculptures. Ça paraît cruel, mais il y a une logique : selon les plages et les périodes, les consignes de sécurité (y compris pour la faune) imposent de laisser le sable “plat” et d’éviter les obstacles. En clair : ce qui est superbe à 18h peut devenir un problème à 2h du matin, quand la plage appartient à d’autres habitants. Sur la côte du Golfe, la saison de nidification/éclosion des tortues marines en Alabama est généralement donnée du 1er mai au 31 octobre, et il faut limiter les risques pour les tortues et les bébés en route vers la mer.
Et au fond, c’est aussi ça qui rend ce médium fascinant : le sable n’est jamais “acquis”. Il peut être architecture, sculpture, décor… mais il reste un matériau de passage, fait pour bouger.
En savoir plus :
• Le site web de l’artiste ici
• Son compte Instagram là
• US Fish & Wildlife Service
• Scientific American
Eric Deloizeau, le 9/12/2025
La sand castle university de Janel Hawkins
09.12.2025 à 12:22

Joyeusement décalé, le très immersif La Rat, composé de huit titres, est alimenté par des boucles imprégnées de funk et des percussions sombres et graves : « Crab Dish » combine une basse floue et roulante et des parasites crépitants avec une philosophie des fruits de mer qui rappelle les Beastie Boys de l'époque Paul's Boutique ; « Problems » est un mélange sonore de respirations lourdes et effrayantes, de distorsions radio et de percussions délicieusement syncopées ; et « Puppet Show » est fièrement étrange, avec un riff de violon bancale et déformé et une voix déjantée qui décrit en détail un défilé cérémoniel qui semble impliquer de la fumée de cigarette et beaucoup de chiens. La version vinyle de l'album étant déjà épuisée, La Rat semble destiné à devenir un véritable classique culte pour les collectionneurs.
La Rat s'avance vers le centre du cercle avec une collection de boucles et de mesures imprégnées de funk et de soul, bandes sonores d'une virée nocturne à travers une ville pluvieuse. L'esthétique de La Rat s'étend plus loin qu'un cycliste ivre sur un canal bondé, ripostant au statu quo à travers huit titres, avec des clins d'œil à la psychédélique, au blues, au jazz et à la musique latine. Les collages rythmiques qui en résultent ont ensuite jeté les bases d'une rafale de raps hors normes, issus de l'esprit d'un parolier adeptes du copier-coller. Le duo collaboratif s'inspire de sources aussi variées que Georgia O'Keeffe, MC Hellshit et DJ Carhouse, Pauline Oliveros et Rammellzee, et finit par se réapproprier une partie de l'univers survolté du hip-hop. Si avec cette introduction vous n’êtes pas alléchés, écoutez les sornettes de Brigitte micron !
Phil Spectro le 9/12/2025
La Rat - La Rat - South of North