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28.04.2025 à 17:31

Italie-Vatican : entre proximité institutionnelle et fractures idéologiques

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La République italienne a suspendu toutes ses activités officielles jusqu’aux obsèques du Saint-Père, qui ont eu lieu ce samedi. Si le pape François était le guide spirituel des catholiques du monde entier, il était aussi le chef d’État du plus petit pays au monde, situé au cœur même de Rome : le Vatican. Les relations entre l’Italie et le Saint-Siège sont anciennes et complexes, mêlant spiritualité, politique, histoire et intérêts (parfois divergents). Depuis l’unification italienne au XIXe siècle, ces liens ont été marqués par des tensions – notamment la question territoriale – jusqu’à la signature des accords du Latran en 1929. Malgré des divergences idéologiques parfois profondes, l’Église et l’État italien n’ont jamais véritablement rompu le dialogue, preuve de l’influence durable du catholicisme dans la société italienne. Les accords du Latran, socle de la relation entre les deux États Les accords du Latran, signés le 11 février 1929 par Benito Mussolini, le Saint-Siège et le cardinal Gasparri pour le pape Pie XI, constituent un tournant majeur dans les relations entre les deux entités. Ils viennent clore la « question romaine », ouverte en 1870 lorsque les troupes italiennes ont annexé Rome et mis fin aux États pontificaux. Par la suite et pendant près de 60 ans, les papes avaient refusé de reconnaître la légitimité du nouvel État italien. Les accords du Latran stabilisent les rapports entre les deux pays sur trois axes majeurs : d’abord un traité politique, par lequel l’Italie reconnaît l’indépendance et la souveraineté de l’État de la Cité du Vatican, nouvellement créé. Ce traité garantit également à l’Église une série de privilèges, notamment l’extraterritorialité pour certaines basiliques majeures et résidences (comme le Latran, Sainte-Marie-Majeure ou Castel Gandolfo), ainsi qu’une totale immunité pour les autorités ecclésiastiques sur ces sites. Les accords prévoient aussi une convention financière, à travers laquelle l’Italie […]

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Texte intégral (1443 mots)

La République italienne a suspendu toutes ses activités officielles jusqu’aux obsèques du Saint-Père, qui ont eu lieu ce samedi. Si le pape François était le guide spirituel des catholiques du monde entier, il était aussi le chef d’État du plus petit pays au monde, situé au cœur même de Rome : le Vatican. Les relations entre l’Italie et le Saint-Siège sont anciennes et complexes, mêlant spiritualité, politique, histoire et intérêts (parfois divergents). Depuis l’unification italienne au XIXe siècle, ces liens ont été marqués par des tensions – notamment la question territoriale – jusqu’à la signature des accords du Latran en 1929. Malgré des divergences idéologiques parfois profondes, l’Église et l’État italien n’ont jamais véritablement rompu le dialogue, preuve de l’influence durable du catholicisme dans la société italienne.

Les accords du Latran, socle de la relation entre les deux États

Les accords du Latran, signés le 11 février 1929 par Benito Mussolini, le Saint-Siège et le cardinal Gasparri pour le pape Pie XI, constituent un tournant majeur dans les relations entre les deux entités. Ils viennent clore la « question romaine », ouverte en 1870 lorsque les troupes italiennes ont annexé Rome et mis fin aux États pontificaux. Par la suite et pendant près de 60 ans, les papes avaient refusé de reconnaître la légitimité du nouvel État italien.

Les accords du Latran stabilisent les rapports entre les deux pays sur trois axes majeurs : d’abord un traité politique, par lequel l’Italie reconnaît l’indépendance et la souveraineté de l’État de la Cité du Vatican, nouvellement créé. Ce traité garantit également à l’Église une série de privilèges, notamment l’extraterritorialité pour certaines basiliques majeures et résidences (comme le Latran, Sainte-Marie-Majeure ou Castel Gandolfo), ainsi qu’une totale immunité pour les autorités ecclésiastiques sur ces sites. Les accords prévoient aussi une convention financière, à travers laquelle l’Italie s’engage à indemniser le Saint-Siège pour la perte des États pontificaux. Le Vatican reçoit à ce titre une compensation de 1,75 milliard de lires (en partie en espèces, en partie en obligations d’État), ce qui permet à l’État pontifical de constituer une base financière solide. Enfin, un concordat religieux, qui établit le catholicisme comme religion d’État et qui confère à l’Église un rôle prépondérant dans la société italienne, encore aujourd’hui.          

Ces accords marquent une alliance stratégique entre l’Église et le régime fasciste. En échange de la reconnaissance du Vatican, BenitoMussolini obtient le soutien tacite de l’Église, qui voit dans le régime un rempart contre le communisme. L’Église gagne en revanche un statut institutionnel puissant dans l’Italie unifiée. Un mariage de raison et d’intérêt plus qu’un réel accord politique voulu par les deux parties. Malgré la chute du fascisme et le retour de la république en 1946, les accords du Latran restent en vigueur. Aujourd’hui encore, ils constituent le cadre juridique des relations entre le Saint-Siège et l’État italien.

Une Église toujours influente dans l’Italie contemporaine

Les accords du Latran ont été révisés : depuis 1984, le catholicisme n’est plus religion d’État en Italie. Toutefois, l’influence de l’Église demeure significative. L’enseignement religieux, bien que facultatif, est encore proposé dans les collèges et lycées. Plusieurs lois italiennes reflètent encore cette influence.

La première est celle sur le blasphème qui constituait un délit (article 724 du Code pénal) jusqu’en 1999. Désormais considéré comme une simple infraction passible d’une amende (entre 51 et 309€). Il n’est que très rarement sanctionné, car dans certaines régions (comme la Vénétie) le blasphème fait partie du langage courant et son contrôle est quasi impossible. Toutefois, dans le monde du sport, la règle est plus appliquée : l’article 37 du code de justice sportive prévoit une suspension d’un match pour tout joueur surpris en train de blasphémer sur le terrain, à condition qu’un enregistrement audio en atteste. Ce fut le cas de Davide Lanzafame en 2010, premier footballeur sanctionné pour cette raison.

La seconde concerne l’objection de conscience, notamment dans le domaine médical. Cette disposition permet aux praticiens de refuser de réaliser certains actes, comme l’avortement. Dans certaines régions (comme la Calabre), le taux de médecins objecteurs dépasse 90 %, rendant l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) très difficile et obligeant les femmes à se déplacer vers d’autres régions. Cette réalité provoque un déséquilibre majeur dans la planification hospitalière. Le même phénomène est observé pour la distribution de la pilule du lendemain, parfois introuvable dans certaines communes, faute de médecins enclins à la prescrire.

Enfin, le Vatican bénéficie de conditions fiscales très avantageuses en Italie. L’Église ne paie pas de taxe foncière sur ses propriétés immobilières, bien que la réforme de 2012 ait limité cette exonération. Par ailleurs, chaque contribuable italien doit reverser 0,8 % de ses impôts à une organisation de son choix. En l’absence de précision, ce montant est attribué par défaut à l’Église catholique, qui a ainsi perçu près d’un milliard d’euros en 2024. Sur le plan administratif, l’Église conserve une certaine autorité : les mariages religieux sont légalement reconnus, au même titre que les unions civiles célébrées en mairie.

Tensions politiques et divergences idéologiques

Le pape François a régulièrement fait des déclarations opposées au gouvernement italien, sur plusieurs sujets. Sur la question migratoire, il affirmait : « Dieu est avec les migrants, les rejeter est un péché grave », une déclaration en totale contradiction avec la rhétorique de la droite souverainiste, qui dénonce une supposée « substitution ethnique et culturelle », selon les mots de Giorgia Meloni. De même, François a défendu une posture neutre dans la guerre en Ukraine, appelant à la paix, et s’est montré solidaire de la population de Gaza dans le conflit israélo-palestinien, contrastant avec la ligne dure du gouvernement italien.

Dans ce contexte, la droite souverainiste italienne n’a d’autre solution que de défendre les valeurs de la religion chrétienne sous un prisme civilisationnel. Matteo Salvini, en 2021, affirmait que le pape François « n’était pas [son] pape », lui préférant Benoît XVI, plus conservateur. Pour Giorgia Meloni, c’est plus la défense des traditions chrétiennes qui importe, même si la figure du Pape ne peut pas être totalement évincée.

Les funérailles du pape François ont ouvert une autre polémique en Italie. La date de la cérémonie coïncide avec l’une des fêtes nationales italiennes, la libération du fascisme. Le ministre de la Protection civile, Nello Musumeci, a appelé les Italiens à fêter ce jour « avec la modération et la sobriété que les circonstances imposent ». Une manière, pour certains, de limiter les manifestations anti-fascistes dans le pays, sous le couvert des funérailles du pape Bergoglio.

Une élection papale aux enjeux politiques majeurs

Le choix du successeur de François aura un impact réel en Italie. Un pape progressiste renforcerait l’opposition morale à la ligne Meloni, tandis qu’un pontife plus conservateur pourrait favoriser un rapprochement. Giorgia Meloni, adepte du choc idéologique, pourrait tirer parti d’un pape réformateur pour renforcer son propre positionnement. Dans un pays où l’identité religieuse reste un levier politique, la personnalité du futur pontife peut devenir un enjeu de politique intérieure, instrumentalisé par les différentes forces partisanes pour légitimer ou contester les orientations gouvernementales. Dans tous les cas, les deux États devront composer, comme ils l’ont toujours fait, avec leurs convergences comme leurs désaccords, pour préserver un équilibre au cœur de la péninsule italienne.

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