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29.09.2025 à 06:00

En Allemagne, la mémoire s'estompe et l'AfD donne le tempo

Olivier Cyran
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Au sein d'une Europe en proie à la montée des extrêmes droites, l'Allemagne a longtemps fait figure d'exception. Du fait de son histoire, elle semblait sinon immunisée contre la tentation identitaire, du moins capable de la maintenir sous cordon sanitaire. Depuis quelques années cependant, les digues de la vertueuse exception germanique paraissent s'affaisser devant la montée du parti d'extrême droite Alternative für Deutschland (AfD), qui constitue désormais la deuxième force du pays. À (…)

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Au sein d'une Europe en proie à la montée des extrêmes droites, l'Allemagne a longtemps fait figure d'exception. Du fait de son histoire, elle semblait sinon immunisée contre la tentation identitaire, du moins capable de la maintenir sous cordon sanitaire. Depuis quelques années cependant, les digues de la vertueuse exception germanique paraissent s'affaisser devant la montée du parti d'extrême droite Alternative für Deutschland (AfD), qui constitue désormais la deuxième force du pays. À rebours de l'Allemagne, l'Autriche n'a jamais connu de « dénazification » à proprement parler, aussi incomplète fût-elle, et son extrême droite d'après-guerre n'a pas eu à défier les interdits moraux qui étaient de mise chez sa puissante voisine.

Différentes, les trajectoires de l'AfD et du Parti de la liberté d'Autriche (FPÖ) se rejoignent pourtant sur un point : elles se sont toutes deux consolidées depuis le début de la guerre génocidaire livrée par Israël contre Gaza. Par quels ressorts ces partis ont-ils tiré profit de la guerre au Proche-Orient et de sa réception par le monde politique et médiatique, malgré un lourd passé antisémite ? Comment leur idéologie islamophobe et xénophobe a-t-elle fini par éclabousser l'ensemble de la classe politique ? Pour le comprendre, Orient XXI publie deux grands reportages en Allemagne et en Autriche (publication le 30 septembre).

Cette enquête a été réalisée avec le concours du Fonds pour une presse libre (FPL) dans le cadre de l'appel à projets « Extrême droite : enquêter, révéler, démonter ». Plus d'infos ici

26.09.2025 à 06:00

La Palestinienne Malak Mattar « heurte la sensibilité » du monde de l'art

Catherine Cornet
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L'admission de la première peintre palestinienne à la prestigieuse école Central Saint Martins of Art and Design de Londres a mis en lumière les paradoxes d'un monde artistique contemporain qui se targue de provocation – mais dans des limites très établies. « Ma famille est affamée par Israël. » En ce début de mois de juillet 2025, alors que les élèves présentent leurs travaux de fin d'études, le panneau est immense et trône au milieu de la grande salle d'exposition de Central Saint (…)

- Lu, vu, entendu / , , ,
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L'admission de la première peintre palestinienne à la prestigieuse école Central Saint Martins of Art and Design de Londres a mis en lumière les paradoxes d'un monde artistique contemporain qui se targue de provocation – mais dans des limites très établies.

« Ma famille est affamée par Israël. » En ce début de mois de juillet 2025, alors que les élèves présentent leurs travaux de fin d'études, le panneau est immense et trône au milieu de la grande salle d'exposition de Central Saint Martins and Design, la très réputée école d'art, de mode et de design de Londres. Placée sous le panneau, l'installation de l'artiste gazaouie Malak Mattar montre un soldat israélien, une arme à la main ; un enfant gît au sol ; un chien regarde la scène, les crocs acérés, prêt à l'attaque.

Le message artistique passe immédiatement : l'urgence de la situation à Gaza est transmise comme un électrochoc. L'artiste parait avoir laissé de l'espace entre les personnages de l'installation pour que nous puissions déambuler entre eux, nous mettre — pourquoi pas — entre le bourreau et l'enfant, tenter de le protéger de l'arme à feu, du chien prêt à le dépecer.

L'installation s'inspire de l'histoire de Mohammed Bahr, jeune homme trisomique et autiste de Gaza, que l'armée israélienne a laissé se faire dépecer par un chien d'attaque avant de l'abandonner, mort, dans sa maison. Sa famille ne l'a retrouvé qu'une semaine plus tard, lorsqu'elle a pu y retourner. Sa mort d'une violence inouïe est attestée par une enquête de la BBC et racontée par la journaliste palestinienne Bisan Owda, qui rapporte les derniers mots du garçonnet : « Khalas Habibi Sibni » Allez mon chéri, laisse-moi »), alors que le chien le dévorait.

  • Installation artistique avec des silhouettes et un enfant rampant, face à un chien menaçant.
    «  Va à droite, va à gauche, ouvre cette porte, entre là-dedans, m'a ordonné le soldat. J'avais les yeux bandés, les mains attachées dans le dos. Je grelottais de froid. Je pouvais être tué à tout moment. On m'a forcé à porter l'uniforme de l'armée israélienne. Ahmed, 12 ans.  »
    Malak Mattar, grande salle d'exposition de Central Saint Martins (CSM), Londres, Juillet 2025.
  • Une sculpture en bois avec des inscriptions, un enfant rampant en arrière-plan.
    «  Les soldats ont fait une descente chez nous, ils ont laissé le chien militaire attaquer notre fils trisomique. Il lui a mordu la poitrine et la main. Innocent, notre fils l'a caressé et lui a dit “Allez mon chéri, laisse-moi”  »
    Malak Mattar, grande salle d'exposition de Central Saint Martins (CSM), Londres, Juillet 2025.

Un niveau dément de déshumanisation

Le projet artistique de la première peintre de Gaza à avoir étudié dans la prestigieuse institution anglaise — fière de compter parmi ses anciens élèves Alexander McQueen, Stella McCartney pour la mode, mais aussi des artistes radicaux comme Joe Strummer, l'ex-leader du groupe punk The Clash, le sculpteur Richard Deacon ou le peintre Robert Medley — semblait pourtant risquer de « heurter certaines sensibilités ».

Alors que le génocide à Gaza entrait dans sa phase la plus violente en juillet 2025, avec le recours à la faim comme stratégie militaire, Malak Mattar a vu disparaître toutes les personnes et les lieux qu'elle avait connus. Mais ce sont ses peintures qui nécessitaient d'être « pacifiées », selon l'institution anglaise.

La peintre explique :

Tout le monde était anxieux. Tout le staff de l'école se comportait de manière passive-agressive : j'étais là, celle dont la famille meurt de faim, mais personne ne me demandait quoi que ce soit sur mes proches. Il y a quelque chose de fou dans tout cela, lorsqu'on pense que mes oppresseurs peuvent se sentir blessés parce que je montre que mon peuple est en train d'être exterminé. Les sentiments des oppresseurs sont plus importants que l'extermination des opprimés. Le degré de déshumanisation, d'invisibilité que nous avons atteint est dément .

L'institution artistique, qui se targue de repousser toutes les limites, d'inviter à la provocation et de se connecter avec le monde, a eu beaucoup de mal à dénoncer le génocide, explique encore l'artiste — alors que l'école avait publié divers communiqués après l'agression russe en Ukraine en février 2022.

Une grande banderole dénonce la souffrance d
«  Ma famille est affamée par Israël.  »  ; Grande salle d'exposition de Central Saint Martins (CSM), Londres, Juillet 2025.

Gaza est un phénix

Malak Mattar est arrivée à Londres de Gaza avec un visa spécial, le Global Talent visa, pour son excellence artistique… le 6 octobre 2023. Ne recevoir aucun soutien de l'institution alors qu'elle vivait un cauchemar éveillé a été une expérience très violente. Mattar n'a que 25 ans mais, dans sa voix et dans son sourire, on sent le poids des épreuves : elle a déjà vécu trois guerres. Elle a commencé à peindre à 14 ans, lors de ce qu'elle croyait être la plus longue agression israélienne contre Gaza — 50 jours en 2014.

Aujourd'hui réfugiée à Londres, elle s'inspire de beaucoup d'images, de sons et de vidéos qu'elle a vues et revues. Il y a l'image de la vieille paysanne Mahfoza Oude accrochée à son olivier alors que des tracteurs israéliens le déracinent1. Ou encore la voix de la petite Hind Rajab enfermée dans la voiture de ses parents et assassinée le 29 janvier 2024 par des soldats israéliens après avoir passé, seule, plusieurs heures au téléphone avec les secours.

Des hommes, femmes et enfants de Gaza qui sont autant d'inspirations pour une autre toile proposée dans l'exposition « Gaza is a Phoenix. » Le tableau a été réalisé lors du court cessez-le-feu de l'hiver 2025 (du 19 janvier au 18 mars), d'où l'éphémère moment de répit et le mince espoir partagé par d'autres Gazaouis reflété dans son titre. Le phénix est aussi le symbole de la municipalité de Gaza.

Une fresque colorée mêlant des figures humaines et animales dans un contexte tumultueux.
Malak Mattar, Gaza is a Phoenix

Comme dans d'autres de ses œuvres, notamment sa fresque No Words Pas de mots »), l'artiste lutte contre l'aspect éphémère de ces images relayées sur les réseaux sociaux, qui créent l'émotion et l'empathie pendant quelques heures avant de disparaître :

Je ne veux pas que ces gens soient oubliés. Je peins des personnes que j'ai vues en vrai, en vidéo, et dont les visions m'ont changée, bouleversée au plus profond. Je suis de Gaza, et chaque fois que je vois ces images, je ne suis plus la même. J'espère pouvoir les garder dans l'Histoire à travers mes toiles.

La fresque est aussi remplie d'animaux, comme cet immense gorille qui tient un soldat dans sa main — en souvenir du fameux singe de Gaza qui s'était échappé du zoo après un bombardement israélien en juin 2024. La jeune femme a souvent recours aux animaux dans ces œuvres. Comme pour rappeler que, eux non plus, n'ont rien fait pour mériter cela.

Hypocrisie occidentale

Ces œuvres de Mattar étaient présentées dans le cadre de l'exposition annuelle des diplômés du Master en beaux-arts de l'école (MFA Graduate Show). Les autres œuvres exposées étaient tellement plus attendues et faussement provocatrices qu'elles en devenaient terriblement agaçantes.

Devant le bâtiment de Central Saint Martins, les enfants de la Londres multiculturelle et branchée de King's Cross jouent en maillot dans les fontaines de la place, le ventre bien rempli. Dans la salle d'exposition, les jeunes artistes du Master paradent. Ils sont habillés « en artistes » : capuches ou tenues vintages, avec colliers de perles sur robes écossaises et chaussures compensées. L'ensemble ressemble à un défilé de mode — ou à l'image que l'on peut se faire de la fameuse « classe créative », moteur d'une hypothétique croissance économique du XXIe siècle selon Richard Florida, docteur de l'Université Columbia en aménagement urbain.

Ici comme ailleurs, l'horreur de Gaza devient un révélateur de notre incapacité et de notre frustration à intervenir, à arrêter le massacre et, dans ce contexte précis, à dénoncer un monde de l'art contemporain tourné sur lui-même, qui a fait de la provocation un modèle de marketing.

L'avertissement installé à l'entrée de l'exposition indiquant que certaines oeuvres « pourraient heurter la sensibilité de quelqu'un », indigne Mattar :

J'étais hors de moi lorsque j'ai vu le panneau à l'entrée. Ils avaient écrit que des références explicites à des conflits armés pouvaient rendre certaines personnes mal à l'aise. Et que les enfants de moins de 18 ans devaient être accompagnés !

« Poverty porn » et bobos

En visitant le reste de l'exposition avec Malak Mattar, d'autres paradoxes apparaissent. Elle entre dans une installation représentant un council flat (appartement à loyer réduit). L'appartement est sale, jonché de bières et de mégots. Elle, qui rêve d'un logement social pour la partie de sa famille qui, pour l'instant, a réchappé au génocide et a trouvé refuge au Royaume-Uni, n'accepte pas cette stigmatisation de la pauvreté : « Un council flat ne signifie pas forcément saleté et dégradation », juge-t-elle.

Comment ne pas penser alors à la chanson mordante du groupe de rock britannique Pulp, Common People (1995) qui raconte l'histoire d'une fille à papa grecque venue étudier à la Central Saint Martins et qui voulait vivre comme « les gens du peuple » :

Ris avec les gens du peuple
Ris avec eux, même s'ils se moquent de toi
Et des choses stupides que tu fais
Parce que tu penses que la pauvreté, c'est cool.

À voir cette exposition, l'on pense au concept de Poverty porn qui décrit ce phénomène qui réduit, à des fins sensationnalistes, les personnes à leur pauvreté, en les privant de complexité, de dignité et d'autonomie. En contexte britannique, il semble faire bon ménage avec une provocation convenue : « la proportion d'acteurs, de musiciens et d'écrivains issus de la classe ouvrière a diminué de moitié depuis les années 1970 », selon un article de la British Sociological Association2.

Le nouvel esprit du capitalisme

Le gouvernement britannique a réduit drastiquement le financement des disciplines artistiques depuis plus de deux décennies. Aujourd'hui, l'éducation au Royaume-Uni est considérée comme un modèle de business, attirant une élite globale en quête de légitimation par un diplôme anglais.

Un article du magazine britannique branché Hunger Magazine sonnait déjà l'alarme quant à la logique du marché appliquée par la Central Saint Martins and Design3. Ces « environnements transactionnels », axés sur la réussite, finissent par tuer ce pour quoi elles étaient recherchées dans un premier temps : leur capacité de rupture et de créativité. Cette exposition censée présenter les œuvres d'une nouvelle génération d'artistes est une parfaite illustration d'une homogénéisation des œuvres, d'une esthétique globalisée, bourgeoise et faussement subversive, dans la lignée du « nouvel esprit du capitalisme » analysé par Luc Boltanski et Ève Chiapello4.

Si Malak Mattar est terriblement reconnaissante d'avoir pu sortir de Gaza et de pouvoir exposer librement, il lui est difficile d'oublier ses premiers mois à Londres. Ils devaient être ses premiers moments d'émancipation artistique et individuelle, ils se sont transformés en moments d'angoisse. Les membres de sa famille étaient sous les bombes, tous séparés. Elle ne pouvait rien créer. Elle devait simplement tenter de sauver des vies. Après six mois d'errance, elle qui peignait presque exclusivement des portraits de femmes aux couleurs vives a repris ses pinceaux pour construire une immense fresque, No Words, « (Il n'y a pas de mots ») en noir et blanc. La toile représente l'errance des hommes, des femmes, des enfants et de nombreux animaux, toujours sous les bombes, toujours en fuite.

Peinture monochrome tumultueuse, représentant chaos, débris et figures humaines, avec un cheval.
Malak Mattar, No Words, huile sur lin, 2024
DR

De fait, Mattar possède une force de création et de résistance hors du commun. Au sortir de ces deux années d'études, elle a tout de même pu organiser mi-mai 2025 une exposition intitulée Falasteen (Palestine) aux Window Galleries, qui dépendent de la CSM à Granary Square. Celle-ci a été reprise et recensée par The Art Newspaper. Elle cherche, dans des œuvres toujours plus puissantes, à éveiller les consciences. Elle a ainsi été désignée directrice artistique de l'immense concert du 17 septembre à Wembley « Together for Palestine » Ensemble pour la Palestine ») organisé par le musicien Brian Eno. Cet événement caritatif a rassemblé un nombre impressionnant de groupes dont Gorillaz, Saint Levant et Neneh Cherry. Il a aussi permis à des figures de premier plan des arts et du sport de s'exprimer en soutien aux Palestiniens, dont le footballeur Éric Cantona et l'acteur Benedict Cumberbatch. Enfin, ce n'est pas un hasard si la couverture du dernier livre de la rapporteuse spéciale de l'ONU sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese, Quand le monde dort5 montre une peinture de l'artiste palestinienne intitulée Last Night in Gaza. Dernière nuit à Gaza »).


1NDLR. La photo a été prise en 2005, dans un village près de Naplouse. Mahfoza Oude, une Palestinienne de 60 ans a perdu des dizaines d'oliviers, source de revenus pour sa famille et symbole du soumoud, après l'envahissement de ses terres par des colons israéliens.

2«  Prospects for working-class creatives no better or worse today than in 1960s, says research  », British Sociological Association, 12 décembre 2022.

3Megan Wallace, «  The DIY Issue : That's So CSM  », Hunger Magazine, 19 novembre 2020.

4Luc Boltanski et Ève Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Gallimard, 1999.

5Francesca Albanese, Quand le monde dort, Mémoires d'encrier, à paraitre le 6 octobre 2025

23.09.2025 à 06:00

« Reconnaître un État palestinien, c'est reconnaître quelqu'un qui est en train de mourir »

Rami Abou Jamous
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Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, il a dû quitter en octobre 2023 son appartement de Gaza-ville avec sa femme Sabah, les enfants de celle-ci, et leur fils Walid, trois ans, sous la menace de l'armée israélienne. Ils se sont réfugiés à Rafah, ensuite à Deir El-Balah et plus tard à Nusseirat. Un mois et demi après l'annonce du cessez-le-feu de janvier 2025 — rompu par Israël le (…)

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Texte intégral (1489 mots)

Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, il a dû quitter en octobre 2023 son appartement de Gaza-ville avec sa femme Sabah, les enfants de celle-ci, et leur fils Walid, trois ans, sous la menace de l'armée israélienne. Ils se sont réfugiés à Rafah, ensuite à Deir El-Balah et plus tard à Nusseirat. Un mois et demi après l'annonce du cessez-le-feu de janvier 2025 — rompu par Israël le 18 mars —, Rami est rentré chez lui avec Sabah, Walid et le nouveau-né Ramzi. Pour ce journal de bord, Rami a reçu le prix de la presse écrite et le prix Ouest-France au Prix Bayeux pour les correspondants de guerre. Cet espace lui est dédié depuis le 28 février 2024.

Beaucoup de gens me demandent mon avis, et celui des Palestiniens de Gaza, sur la reconnaissance de l'État palestinien par le Royaume-Uni, le Canada et l'Australie, puis par la France. L'opinion des Palestiniens de Gaza ? Ils se noient dans la souffrance. Les Gazaouis n'arrivent même pas à sortir leur tête de cette noyade pour comprendre ce qui se passe autour d'eux. Ils ne savent même pas que des pays occidentaux ont reconnu un État palestinien.

Et s'ils le savaient, ils ne s'en préoccuperaient sans doute pas. Des milliers de personnes cherchent à prendre la fuite et à trouver un abri, sous les bombardements, au milieu de massacres qui ne s'arrêtent pas. Des familles entières sont noyées dans la souffrance de la pauvreté. Les gens n'ont plus d'argent. Ils vendent les bijoux de leurs femmes. Ils vendent tous leurs biens. Simplement pour payer leur fuite. Pour aller où ? Ils ne le savent même pas.

On n'a jamais vu cela : payer des milliers de dollars pour se retrouver à la rue. Cette plongée dans la déchéance revient à environ 5 000 dollars (environ 4 240 euros), pour le moyen de transport, la location d'un bout de terrain au sud et l'achat d'une tente ou d'une bâche. Beaucoup de gens partagent la location d'un camion, jusqu'à six familles par véhicules. Autant dire qu'ils ne peuvent emporter que le strict minimum.

Ceux qui partent fuient vers la mort

Chadli, mon voisin du onzième étage, a, lui, voulu tout emporter. Quand les Israéliens ont commencé à bombarder les tours, il est parti pour le sud avec toute sa famille et tous ses biens : les lits, les meubles... Même les portes, pour faire du bois à brûler. Le transport en camion lui a coûté une fortune. Il avait la chance d'avoir trouvé un appartement dans une résidence, les immeubles d'Aïn Jalout, à côté de Nusseirat.

Une heure après leur arrivée, ils ont reçu par téléphone l'ordre d'évacuer. Et l'immeuble a été bombardé. Heureusement, Chadli était installé au premier étage, et seuls les étages supérieurs ont été détruits. Il est resté dans son appartement, où il y a quand même eu beaucoup de casse. Il est maintenant en train de chercher un autre lieu de repli. Sans succès jusqu'à présent. J'ai eu récemment sa femme au téléphone. Elle m'a dit :« On n'a pas le choix, on va rester ici à attendre. On ne sait pas quoi faire après, et on n'a nulle part où aller. »

Cet exemple montre qu'il n'y a aucun endroit sûr dans la bande de Gaza. Ceux qui partent fuient vers la mort. Les seuls choix, ce sont l'heure et la manière de mourir. Beaucoup d'autres fuient vers le sud à pied, dans la peur, dans la panique, parce qu'ils n'ont trouvé ni camion ni endroit où s'installer. On est noyés dans cette mort lente et silencieuse. Reconnaître un État palestinien, c'est reconnaître quelqu'un qui est en train de mourir. On te dit « Voilà, on te reconnaît, maintenant tu peux t'éteindre tranquillement. Tu peux t'éteindre en étant fier, parce qu'à la fin, 70 ans après, on te reconnaît ». C'est vraiment la pire chose que l'on peut entendre : « tu t'appelles Palestine, on te fait une belle cérémonie d'adieu, tu peux disparaître. »

L'occupé est en train de disparaître

Jusqu'ici ces pays occidentaux reconnaissaient l'occupant, mais pas l'occupé. C'est bien de reconnaître enfin l'occupé, mais l'occupé est en train de disparaître, et ils ne font rien pour l'empêcher. Ils savent que nous sommes en train de mourir, d'être déportés, car même l'occupant lui-même l'affirme ouvertement. La France et les autres savent qu'un génocide est en marche, mais ils se contentent de nous « reconnaître ». Tu peux partir maintenant, car on ne fera rien pour empêcher ta mort.

Les Gazaouis, eux, ne pensent qu'à survivre un jour de plus. Ces derniers jours, la fuite vers le sud ne s'est pas arrêtée. Des flots de camions défilent dans les rues de Gaza. Leur chargement dépasse de trois ou quatre mètres en hauteur, ce qui explique parfois les pannes d'Internet : ils arrachent régulièrement les câbles tendus d'un bord à l'autre de la route. Après l'ouverture pendant 48 heures de l'axe principal nord-sud, la route Salaheddine, les bombardements ont repris à l'est et au sud de la ville. Gaza est en train de se vider petit à petit.

Tout à l'heure, les Israéliens ont lancé des tracts juste à côté de chez moi, près du rond-point Ansar. Ils nous ordonnent d'aller vers le sud. Beaucoup de gens veulent partir, mais n'en ont pas les moyens. D'autres ont les moyens mais ne veulent pas partir. Souvent, ceux qui veulent rester ont déjà fait l'expérience du déplacement et de la vie sous la tente, et ils savent à quel point c'est affreux. Au contraire, nombre de ceux qui veulent partir sont restés à Gaza-ville depuis le début, ils ne peuvent imaginer ce qui les attend. Au sud, il n'y a plus aucun endroit libre.

Hier encore, il n'y avait pas de troupes israéliennes au sol dans mon environnement. Mais des quartiers entiers se vident sous les tirs des quadricoptères, ces drones armés qui visent les gens, et qui précèdent souvent des bombardements massifs. Il y a aussi les blindés télécommandés, des véhicules transformés en bombes roulantes, qui explosent un peu partout. La première cible, ce sont toujours les lieux qui abritent des déplacés, écoles ou camps de fortune.

La boussole du quartier

Ces derniers jours, les massacres ont continué dans les quartiers de Chati nord et de Sabra, entre autres. Des familles entières ont été tuées dans le bombardement de leur maison, que ce soit à Gaza-ville ou au sud. Ma famille et moi, nous sommes toujours chez nous, dans notre tour. Autour de nous, les gens hésitent. Et on en arrive à ce que je craignais : je suis devenu comme une sorte de boussole du quartier. Tout le monde me pose la question : tu restes ou tu pars ?

Je sais que si je reste, beaucoup vont rester. Si je pars, beaucoup vont partir. C'est une responsabilité trop lourde. Je ne veux pas que des gens restent chez eux uniquement parce que je ne bouge pas, et porter le poids de ce qui pourrait leur arriver.

Beaucoup de ceux qui sont partis vers le sud y ont été assassinés, massacrés. Il n'y a pas de « zone humanitaire » au sud comme le prétendent les Israéliens. Ils emploient beaucoup plus de force que d'habitude, dans le but de déplacer tout le monde, afin de nous déporter vers l'étranger. Pour le moment, je ne sais pas comment la situation va évoluer, je n'en ai aucune idée. J'espère seulement que tout cela va s'arrêter.

16.09.2025 à 06:00

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03.09.2025 à 06:00

Palestine. À New York, la subversion du droit international

Rafaëlle Maison
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La reconnaissance d'un État palestinien par plusieurs pays occidentaux est présentée comme le point fort de la prochaine réunion de l'Assemblée générale de l'ONU à New York, du 9 au 23 septembre 2025. En réalité, la France et l'Arabie saoudite chercheront à convaincre l'ensemble des États membres des Nations Unies de se rallier à une déclaration posant les principes de règlement du « conflit israélo-palestinien ». Un texte qui pourrait sceller l'abandon du droit international concernant la (…)

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Texte intégral (3752 mots)

La reconnaissance d'un État palestinien par plusieurs pays occidentaux est présentée comme le point fort de la prochaine réunion de l'Assemblée générale de l'ONU à New York, du 9 au 23 septembre 2025. En réalité, la France et l'Arabie saoudite chercheront à convaincre l'ensemble des États membres des Nations Unies de se rallier à une déclaration posant les principes de règlement du « conflit israélo-palestinien ». Un texte qui pourrait sceller l'abandon du droit international concernant la Palestine.

Il y a plus d'un an, dans son avis historique du 19 juillet 2024, la Cour internationale de justice (CIJ) a rappelé les éléments essentiels du droit international s'agissant de l'occupation par Israël du territoire palestinien, y compris Gaza. Donnant suite à cet avis, l'Assemblée générale des Nations unies (AGNU) a adopté, le 18 septembre 2024, une résolution engageant les États à adopter des mesures de sanction contre Israël afin de l'obliger à se retirer du territoire palestinien occupé, et ceci dans le délai d'un an, soit en septembre 2025. Par ailleurs, dans ses ordonnances relatives à Gaza, la Cour rappelait les obligations de tous les États Parties à la Convention sur le génocide aux fins de prévenir et de ne pas se rendre complices d'un génocide. Fin septembre 2024, le cadre était donc clairement posé aux Nations unies, sur la base d'une analyse objective du droit international. Mais plusieurs inflexions sont rapidement apparues.

D'abord, la majorité des États s'est abstenue de prendre les mesures exigées. Puis, l'Assemblée générale a décidé de soutenir une conférence internationale (résolution 79/81 du 3 décembre 2024) dont la présidence sera assurée par la France et l'Arabie saoudite. Enfin, au lieu d'accentuer ses demandes de sanctions face à un génocide mis en œuvre, notamment, par la privation de biens essentiels à la survie, l'Assemblée générale s'est contentée de demander à la CIJ un nouvel avis sur l'entrave à l'aide humanitaire sans même mentionner le génocide (résolution 79/232 du 19 décembre 2024). En présence de résolutions extrêmement décevantes, on pouvait s'attendre aux résultats de la Conférence de New York, présidée, fin juillet 2025, par la France et l'Arabie Saoudite, et à laquelle n'ont pourtant participé ni Israël ni les États-Unis. Ces résultats frappent tout de même par leur potentiel de subversion du droit rappelé par la CIJ en 2024.

Un État diminué

Le texte avancé sous la présidence française et saoudienne de la Conférence de New York annonce les principes de règlement du « conflit israélo-palestinien ». Cette « déclaration sur le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution des deux États » est aussi soutenue par les États ou organisations régionales ayant animé les « groupes de travail » de la Conférence. Se sont donc déjà ralliés à cette déclaration 15 États1, ainsi que la Ligue des États arabes et l'Union européenne. Tout l'enjeu est désormais, pour la France et l'Arabie saoudite, d'obtenir de l'ensemble des États membres des Nations unies qu'ils approuvent la déclaration, comme en témoigne la lettre adressée par la France et l'Arabie saoudite aux délégations étatiques à New York le 29 juillet 20252.

C'est bien sûr la « solution à deux États » qui est promue dans ce document. Mais la nature de l'État palestinien qu'il est question de soutenir rend cette solution plus qu'incertaine. Saluant les engagements récemment pris par le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, la déclaration souligne en effet que la Palestine « n'a pas l'intention de devenir un État militarisé ». Dans ce contexte, c'est un processus de « désarmement, démobilisation et réintégration » (DDR) qui doit être mené à bien, dans lequel le Hamas devrait remettre ses armes à l'Autorité palestinienne (§ 11 de la déclaration). D'un point de vue politique, il s'agit aussi d'écarter le Hamas du pouvoir à Gaza puis, après un cessez-le-feu, d'organiser des élections démocratiques dans le délai d'un an. Pourtant, la « compétition démocratique » envisagée ne serait soutenue que si elle s'organise « entre acteurs palestiniens engagés à respecter le programme politique et les engagements internationaux de l'OLP » (§ 22 de la déclaration). Sous couvert d'une aide à l'émancipation palestinienne, le texte soutient en réalité la création d'un État palestinien démilitarisé, qui sera donc soumis à l'expansionnisme israélien. Les expressions politiques autorisées dans le cadre des élections espérées seraient également limitées, de même, d'ailleurs, que les choix de politique économique que pourrait retenir le prétendu « État » de Palestine.

Car s'il est question de « promouvoir le développement économique de la Palestine », ce sera pour « faciliter le commerce » et « améliorer la compétitivité du secteur privé palestinien » sur la base d'une révision du Protocole de Paris relatif aux relations économiques, conclu dans le cadre du processus d'Oslo (§ 27 de la déclaration). L'assistance internationale, présentée comme relevant de « donateurs », devrait permettre à l'Autorité palestinienne de « mettre en œuvre son programme de réformes ». Ces « réformes crédibles » devront mettre l'accent « sur la bonne gouvernance, la transparence, la viabilité des finances publiques, la lutte contre l'incitation à la violence et les discours de haine, la fourniture de services, l'environnement des affaires et le développement » (§ 21 de la déclaration). Ces formules résonnent bien comme un programme libéral, obérant les choix souverains de l'État à venir et exigeant — de manière apparemment incongrue, mais en réalité significative — un contrôle sur la liberté d'expression.

Dans la même veine, résolument inquiétante, le texte envisage la fin de l'action de l'UNRWA, l'Agence onusienne en charge des réfugiés palestiniens, puisque celle-ci devrait « remettre ses “services publics” dans le territoire palestinien aux institutions palestiniennes dûment habilitées et préparées ». Ceci interviendra « lorsqu'une solution juste au problème des réfugiés » aura été trouvée (§ 14 de la déclaration), dans un « cadre régional et international apportant une aide appropriée au règlement de la question des réfugiés, tout en réaffirmant le droit au retour » (§ 39 de la déclaration). La formule, particulièrement floue, n'envisage pas de mettre en œuvre ou faciliter le droit au retour. Elle ne vise probablement que la compensation due en cas de non-retour, sur la base de la résolution 194 de l'Assemblée générale de décembre 1948.

Cet ensemble de principes semble bien soutenir en partie l'agenda israélien, qui, comme le souligne Monique Chemillier-Gendreau dans son dernier ouvrage, est de « rendre impossible un État palestinien »3. Il s'agit de rendre impossible un État souverain, en soutenant une entité sous contrôle, un État privé des attributs essentiels de la souveraineté. D'ailleurs, en matière sécuritaire, l'État à venir devra, « dans le rejet constant de la violence et du terrorisme », « travailler à des arrangements de sécurité bénéfiques pour toutes les Parties », en l'occurrence Israël (§ 20 de la déclaration). C'est donc le prolongement de la coopération sécuritaire de l'Autorité palestinienne avec Israël qui conditionnera le déploiement de la « mission internationale temporaire de stabilisation » annoncée dans la déclaration. Cette mission, comprenant des forces armées, viendrait faciliter le respect du cessez-le-feu et de l'accord de paix à venir, en apportant des « garanties de sécurité à la Palestine et à Israël » (§ 16 de la déclaration). Elle devrait être mandatée par le Conseil de sécurité, ce qui apparaît totalement illusoire et omet le rôle que pourrait tenir l'Assemblée générale dans le déploiement d'une opération visant à forcer le siège de Gaza.

Tels sont les principes qui sont présentés à l'ensemble des États membres de Nations unies : ils relèvent d'une ingénierie politique vouée soit à l'échec, soit à la soumission.

Condamnation de la lutte armée, innocence d'Israël

Mais une version encore plus radicale de ce programme, annonçant l'effacement des responsabilités d'Israël, est également présentée par plusieurs États lançant, fin juillet 2025, un « Appel de New York ». Il s'agit d'une brève déclaration de quinze États occidentaux, parmi lesquels on trouve étonnamment l'Espagne, l'Irlande et la Slovénie4. Cet appel vient, de manière quasi indécente, effacer la réalité des crimes commis par Israël et stigmatiser la lutte armée palestinienne.

L'appel commence par une référence au 7 octobre 2023, les États condamnant « l'odieuse attaque terroriste antisémite perpétrée ». Ils reprennent ainsi d'emblée la rhétorique israélienne, assimilant la lutte armée palestinienne à une entreprise visant, par nature, les juifs. S'agissant de la situation humanitaire contemporaine à Gaza, les États se limitent en revanche à exprimer « une vive préoccupation », sans imputer à quiconque la responsabilité « du nombre élevé de victimes civiles » (sic). Ce qui est soutenu immédiatement, pour Gaza, est beaucoup plus favorable à Israël que l'accord de cessez-le-feu pourtant présenté par les États-Unis au printemps 2024, et validé par le Conseil de sécurité avant d'être rompu par Israël en mars 2025. Les quinze États de l'appel de New York se contentent d'exiger « un cessez-le-feu immédiat, la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages détenus par le Hamas et la restitution de leurs dépouilles, ainsi que la garantie d'un accès humanitaire sans entraves ». Il n'est pas ici question d'échanges de prisonniers, ni du retrait de la bande de Gaza par Israël ou de la fin du siège génocidaire. Il s'agit plutôt d'une demande de reddition, teintée de considérations humanitaires, puisque le « jour d'après » à Gaza devra comprendre « le désarmement du Hamas ».

En définitive, l'appel de New York n'est pas un appel à la reconnaissance de la Palestine, dont on peut rappeler qu'elle est déjà reconnue par 148 États et considérée comme un État non membre de l'ONU depuis 2012. Il s'agit, littéralement, d'un appel à la normalisation, c'est-à-dire à la reconnaissance d'Israël par ceux des États qui ne l'ont pas encore formellement reconnu. Les quinze signataires affirment sans ambiguïté, en fin de texte, appeler « les pays qui ne l'ont pas encore fait à établir des relations normales avec Israël et à exprimer leur volonté d'entamer des discussions concernant l'intégration régionale de l'État d'Israël ». Les relations avec Israël doivent donc être « normales », alors même que des sanctions ont été soutenues, comme on l'a rappelé, par la CIJ puis l'Assemblée générale, en raison des violations patentes de normes fondamentales du droit international par cet État. Ces violations devraient plutôt conduire à envisager d'exclure Israël de l'ONU ou des travaux de son organe plénier. Dans l'appel, le soutien à la Palestine est, à l'inverse, étroitement conditionné aux engagements pris par Mahmoud Abbas qui sont dûment rappelés, comme dans la déclaration de New York évoquée ci-dessus. Les États « saluent » ainsi :

les engagements pris (…), à savoir : (i) condamner les attaques terroristes du 7 octobre (ii) appeler à la libération des otages et au désarmement du Hamas (iii) mettre un terme au système de versements aux prisonniers (iv) réformer le système éducatif (v) demander l'organisation d'élections dans l'année à venir pour insuffler un renouvellement des générations et (vi) accepter le principe d'un État de Palestine démilitarisé.

Dans l'appel, comme dans la déclaration, toute référence au génocide en cours est proscrite. Il n'y est même jamais question des ordonnances de la CIJ visant Israël ou l'Allemagne, et rappelant tous les États Parties à la Convention de 1948 à leurs obligations de prévenir ou de faire cesser le génocide.

Effacer les acquis judiciaires de 2024

La validation par l'Assemblée générale des Nations unies de la déclaration de New York scellerait donc une nouvelle trahison de la Palestine. Basée sur l'illusion prolongée d'une possible acceptation par Israël d'un État palestinien, elle préconise aussi une méthode éculée, celle de la négociation bilatérale sous influence occidentale. Il s'agit en effet de « soutenir la conclusion et la mise en œuvre d'un accord de paix entre Israël et la Palestine (…) conformément au mandat de Madrid, notamment le principe de l'échange de territoires contre la paix » (§ 7 de la déclaration). En l'absence de négociations entre les Parties, c'est la reconnaissance conditionnée de la Palestine qui devrait initier la solution politique promue (§ 25 de la déclaration).

Mais doit-on finalement parler d'illusion ? À ce stade génocidaire de l'oppression des Palestiniens, il ne s'agit plus seulement « d'illusions néfastes »,, mais d'un « aveuglement volontaire » prospérant sur une « ambiguïté entretenue » de soutien à la Palestine, des tendances déjà dénoncées par Monique Chemillier-Gendreau5, et qui ne trompent plus. Le projet franco-saoudien est bien la dernière étape, à ce jour, de la « guerre contre la Palestine » décrite par l'historien Rashid Khalidi6. En plus de l'effacement des obligations de prévenir et faire cesser le génocide, les sanctions devant être adoptées par les États pour mettre fin à l'occupation sont minimisées (§§ 32 et 33 de la déclaration). Et si le droit à l'autodétermination est bien évoqué dans la déclaration (§§ 25 et 30), son essence est profondément affectée par l'ingénierie retenue : pas de souveraineté politique ni économique pour l'État à venir, pas de capacités de défense, mais un système de police visant à assurer la sécurité d'Israël. C'est le prolongement d'Oslo, c'est-à-dire la garantie de l'inexistence d'un gouvernement palestinien indépendant. Certes, le projet ne consacre pas directement l'expansionnisme israélien ni le génocide de Gaza : c'eût été impossible. Mais il n'envisage jamais la responsabilité juridique d'Israël. En somme, on peut sérieusement affirmer que les promoteurs de la Conférence de New York ont cherché à effacer l'acquis judiciaire de l'année 2024. Ils n'ont pas plus l'intention de favoriser une autodétermination réelle qu'ils n'ont l'intention de forcer Israël à mettre un terme à son occupation illicite et au génocide, ou de mettre en œuvre la responsabilité de cet État.

L'Assemblée générale des Nations unies acceptera-t-elle en septembre 2025, contre ses propres résolutions, d'effacer le droit international dit par la CIJ en 2024 ? Il faudrait alors reconsidérer le sens que l'Assemblée générale a, un temps, donné à sa « responsabilité permanente » s'agissant de la Palestine, et admettre qu'elle soutient désormais, en situation de génocide, une injustice majeure, sous couvert de la reconnaissance d'un État palestinien fantoche. Les peuples doivent exiger de leurs gouvernements qu'ils ne contribuent pas à cet enterrement du droit international.

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1Il s'agit du Brésil, du Canada, de l'Égypte, de l'Espagne, de l'Indonésie, de l'Irlande, de l'Italie, du Japon, de la Jordanie, du Mexique, de la Norvège, du Qatar, du Royaume-Uni, du Sénégal et de la Turquie.

2Lettre du 29 juillet 2025 : «  Les 19 coprésidents encouragent votre mission permanente à approuver ce document final avant la fin de la 79e session de l'Assemblée générale à New York  ».

3Monique Chemillier-Gendreau, Rendre impossible un État palestinien, l'objectif d'Israël depuis sa création, Textuel, 2025.

4Les quinze sont : Andorre, Australie, Canada, Espagne, Finlande, France, Irlande, Islande, Luxembourg, Malte, Norvège, Nouvelle-Zélande, Portugal, Saint-Marin, Slovénie.

5Monique Chemillier Gendreau, op.cit.

6Rashid Khalidi, The Hundred years' war on Palestine, Profile Books, 2020.

10.04.2025 à 06:00

Maâti Monjib. « La corruption est partout au Maroc »

Omar Brouksy
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Entretien avec Maâti Monjib, historien franco-marocain, qui, après trois jours de grève de la faim, menace de la reprendre pour protester contre son interdiction de quitter le territoire marocain pour assister à un colloque organisé par l'Université de la Sorbonne. D'une voix diminuée par la grève de la faim entamée le 3 avril 2025, le jour même où il a été interdit, à l'aéroport de Rabat, de quitter le territoire à l'invitation de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Maâti Monjib (…)

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Texte intégral (3046 mots)

Entretien avec Maâti Monjib, historien franco-marocain, qui, après trois jours de grève de la faim, menace de la reprendre pour protester contre son interdiction de quitter le territoire marocain pour assister à un colloque organisé par l'Université de la Sorbonne.

D'une voix diminuée par la grève de la faim entamée le 3 avril 2025, le jour même où il a été interdit, à l'aéroport de Rabat, de quitter le territoire à l'invitation de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Maâti Monjib raconte son calvaire politique et judiciaire qui dure depuis plus de cinq ans. Son tort ? Il fait partie des voix de la gauche marocaine qui appellent à une véritable réforme du régime monarchique.

Historien franco-marocain de renom, Monjib, 63 ans, a été gracié par le roi en juillet 2024 des poursuites politiquement motivées (notamment « blanchiment d'argent ») dont il a été la cible, ainsi que plusieurs journalistes et militants. Mais cette décision royale n'a pas eu d'effet sur son cas. Sa suspension de l'Université de Rabat, où il enseignait l'histoire politique contemporaine du Maroc, n'a donc pas été annulée et ses biens, y compris sa voiture et son compte bancaire, sont gelés. D'autant que l'affaiblissement de l'état de santé du roi semble avoir renforcé, et élargi, la marge de manœuvre de l'entourage royal sécuritaire, incarné par Fouad Ali El Himma (conseiller et ami d'enfance du monarque), Abdellatif Hammouchi (patron de la police politique) et, dans une moindre mesure, Yassine Mansouri, le chef de la Direction générale des études et de la documentation (DGED), l'équivalent de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) en France.

Omar Brouksy.— Que s'est-il passé lorsque vous avez essayé de quitter le Maroc le jeudi 3 avril ?

Maâti Monjib.— Je suis arrivé à l'aéroport de Rabat-Salé vers 11 heures. Au début, j'avoue que j'étais inquiet, car j'ai vu deux « visages familiers ». Je les connais et ils me connaissent depuis quelques années. Pourtant, j'ai eu très vite ma carte d'embarquement. Cela m'a redonné espoir. Mais au moment où je m'orientais vers le box des policiers pour faire tamponner mon passeport, j'ai constaté la présence d'un autre « visage familier ». Mon cœur, affaibli par l'arythmie, a commencé à battre plus fort.

« Vous êtes dans l'ordinateur »

J'ai présenté mon passeport à une policière tirée à quatre épingles, protégée par une vitre épaisse, mais transparente. Elle a vérifié et revérifié mon document. Après l'avoir passé et repassé sur une machine électronique, elle m'a dit : « Rien à faire monsieur. Vous ne pouvez pas passer. Vous êtes interdit de quitter le territoire. » J'ai demandé à voir son supérieur. Un officier en civil est arrivé en quelques secondes. Je lui ai expliqué qu'une interdiction légale de quitter le territoire ne peut pas dépasser un an. Il m'a répondu : « Je sais, mais vous êtes dans l'ordinateur. » J'ai rétorqué « Et alors ? ». Ma question restera sans réponse.

J'ai retrouvé mes amis défenseurs des droits humains au café de l'aéroport. Ils étaient venus à l'aéroport par solidarité. Parmi eux Khadija Ryadi, un véritable soldat des libertés au Maroc et prix des Droits humains des Nations unies en 2013. J'ai annoncé, la voix étranglée par la colère, mon entrée immédiate dans une grève de la faim de trois jours.

O.B.— Pourquoi avez-vous décidé d'entamer une grève de la faim alors que votre santé est fragile ? Vous êtes cardiaque et diabétique…

M.M.— Je suis pacifique de nature et j'ai toujours utilisé des méthodes pacifiques : souffrir pour se faire entendre. J'ai déjà fait jouer tous les outils judiciaires et politiques à ma disposition. Les quelques hommes puissants du royaume — à l'exception du roi — ont été contactés par des amis communs. Rien à faire. Toujours les mêmes remontrances que je peux résumer ainsi : « Monsieur Monjib veut réunir les islamistes et les gauchistes de tout bord pour abattre la monarchie. Il rêve. Mais son rêve est dangereux. C'est un fattan (instigateur de guerre civile). De plus, c'est quasiment le seul Marocain qui fait montre d'irrévérence à l'égard des symboles de la monarchie… » Je reprendrais la grève si l'interdiction est maintenue.

Pour une monarchie constitutionnelle

O.B.— Qu'est-ce que vous leur répondez ?

M.M.— Je commence par leur dernier argument. Je milite pacifiquement, par ma parole et mes écrits, depuis toujours, pour un vrai régime parlementaire qui protège les libertés et droits des citoyens. Dans un tel régime, le roi règne sans gouverner. C'est la seule façon de concilier monarchie et démocratie. Sinon c'est le despotisme, la rente et la corruption qui dominent. Regardez comment, il y a quelques semaines, le chef du gouvernement Aziz Akhannouch est devenu à la fois sujet et metteur en scène d'un scandale grotesque de conflit d'intérêts. Il s'agit de l'affaire de la grande station de dessalement à Casablanca : son holding familial a remporté le marché dans le cadre des partenariats public-privé1 En plus, il subventionnera en tant que chef du gouvernement ce projet, son propre projet, dans le cadre de la charte d'investissement. Vous en rendez-vous compte ? Un chef du gouvernement signe avec lui-même une convention d'investissement stratégique gigantesque tout en s'accordant une subvention de plusieurs milliards, sous le prétexte qu'il ne dirige pas personnellement sa holding. Même dans un film de science-fiction, on ne le croirait pas.

Sans oublier l'autre conflit d'intérêts et soupçons de délit d'initié dans l'affaire du gisement de gaz à Tendrara (région orientale)2. De tels scandales avaient fait l'objet d'une enquête du journaliste indépendant Youssef El Hireche3. Conséquence : il a été condamné l'année dernière à dix-huit mois de prison ferme4.

La corruption est partout au Maroc. Elle touche même les petites classes moyennes. La santé et l'éducation sont profondément touchées. D'où leur état de délabrement avancé. Un bachelier de niveau moyen a des difficultés à écrire une lettre manuscrite correcte de demande de travail. Regardez aussi comment les premiers responsables des institutions de gouvernance sont renvoyés, poussés à la démission ou humiliés quand ils tentent de faire leur travail. Le dernier exemple date du mois de mars : Bachir Rachdi, limogé par le roi de la direction de l'Instance de lutte contre la corruption. Avant lui c'était Driss Guerraoui, un grand économiste et homme honnête, ancien directeur du conseil de la concurrence. Sa faute ? Il avait donné la preuve, documents officiels à l'appui, que les grands distributeurs de carburants, y compris celui qui appartient au holding du chef du gouvernement, organisaient presque au grand jour une entente (illégale) sur les prix à la pompe. Ils voulaient contourner la baisse substantielle des subventions étatiques à ce secteur, décidée sous la pression de la rue, à la suite du « Printemps arabe ». Le gouvernement Akhannouch est en passe de liquider les quelques « acquis » du « Printemps marocain ».

O.B.— Est-ce que vos biens continuent toujours d'être gelés par les autorités marocaines ?

M.M.— Oui, mon compte bancaire est gelé, et je n'ai pas le droit de vendre ma voiture ou mon domicile. Cela dure depuis plus de quatre ans. C'est totalement illégal, et c'est pour cela que la « justice » ne nous fournit aucun document écrit, ni à mes avocats ni à moi, qui attesterait que mes biens sont saisis. Vu l'expérience traumatisante du « Printemps arabe », les juges aux ordres ne veulent pas laisser de traces gênantes. Ces restrictions et mesures de surveillance judiciaire sont des jugements qui doivent être rendus et prononcés et une copie signée doit être remise à la défense si celle-ci le demande. Rien de tout cela n'est respecté dans mon cas. Mes avocats sont même interdits de photocopier mon dossier. Comment voulez-vous qu'ils puissent préparer ma défense ? D'ailleurs, ils n'ont pas besoin de me défendre, me disent des amis pour plaisanter. De fait, depuis 2021, mon procès est au point mort. La dernière convocation à paraître devant le juge d'instruction que j'ai reçue date du 27 janvier 2021.

O.B.— Qu'en est-il de votre situation à l'université ? Est-ce que la grâce royale a modifié quelque chose à votre situation judiciaire ?

M.M.— Je suis toujours suspendu de mon travail comme professeur d'histoire à l'Université Mohammed V de Rabat. Je n'ai pas été réintégré alors que la grâce royale implique le rétablissement de tous mes droits d'enseignant-chercheur. Elle précise explicitement le numéro du dossier judiciaire concerné. De fait, j'ai plusieurs procès en suspens… Cela fait partie de leur stratégie de pression tous azimuts pour fatiguer ceux qu'ils appellent « dissidents » en privé et « délinquants » dans leur presse diffamatoire.

« Une pression maximale sur la société »

O.B.— Comment expliquer cet acharnement contre vous ?

M.M.— Cet acharnement contre moi et contre quelques autres critiques du régime comme Fouad Abdelmoumni, Omar Radi, Soulaiman Raissouni ou la poétesse Saida Alami fait partie de ce que j'appelle « l'économie de répression ». Celle-ci, conçue par la police politique, vise à réaliser deux objectifs difficilement conciliables, mais qui connaît un relatif succès : exercer un contrôle maximal sur la société par le moyen d'une répression quantitativement minimale. Exemple : mettre le moins de personnes possible en prison tout en exerçant une pression maximale sur la société : poursuites judiciaires multiples, pressions sur la famille et l'entourage proche, diffamation (dans mon cas cet outil abject de « gouvernance » à la marocaine s'est traduit parfois par plusieurs centaines d'articles de dénigrement par mois, dans le cas de Radi aussi), licenciement abusif des activistes ou de membres de leur famille…

Pourquoi cette ingéniosité maléfique ? C'est tout simplement pour garder une bonne image du « plus beau pays du monde » à l'extérieur, tout en disséminant un climat délétère de peur, de suspicion, de délation. Une ambiance égoïste du chacun pour soi s'est installée peu à peu. Il est loin le temps où l'on chantait à tue-tête les slogans révolutionnaires du Mouvement du 20 février (2011). Maintenant si tu parles politique dans un bus, les gens se détournent de toi ostensiblement. Résultat, la peur règne partout au Maroc.

Le cas de Boualem Sansal

O.B.— Est-ce que la détérioration de l'état de santé du roi renforce le pouvoir de l'entourage sécuritaire ?

M.M.— Oui tout à fait. Ledit entourage contrôle quasi totalement le circuit de répartition du pouvoir. Il monopolise aussi le contrôle de l'information stratégique.

O.B.— Comment expliquer le fait que Boualem Sansal, cet écrivain franco-algérien connu pour sa grande proximité envers l'extrême droite en France, soit soutenu par toute l'élite politique et médiatique française et pas vous ?

M.M.— La réponse est simple : je suis de gauche, Sansal est à l'extrême droite. Il y a eu durant les dernières années un glissement massif de la société française vers la droite extrême. Et cela explique la différence de traitement des cas Sansal et Monjib. Toutefois, il ne faut jamais mettre un écrivain en prison pour ses écrits ou ses déclarations. Je demande donc la libération de Sansal.

O.B.— Votre cas n'est pas unique. Il reste d'autres détenus politiques au Maroc. Comment expliquer la persistance de ce phénomène ?

Au Maroc on dit « Drablekbirykhafsghir » (tape le grand, les petits auront peur). Voilà pourquoi il y a toujours d'autres personnes emblématiques en prison comme le grand avocat et ancien ministre des droits humains Mohamed Ziane. On peut citer aussi des leaders connus du Hirak du Rif, Nasser Zefzafi, Nabil Ahamjik et Mohamed Jelloul et trois autres détenus depuis huit ans. Les hirakis les moins connus, des centaines, ont été libérés après quelques jours ou quelques mois de détention. C'est finalement assez banal comme stratagème de contrôle : montrer les muscles pour ne pas (trop) les utiliser.


1NDLR. Le consortium ayant remporté le projet inclut la société Afriquia Gaz, propriété d'Aziz Akhannouch. Le contrat est estimé à environ 6,5 milliards de dirhams (623 millions d'euros).

2NDLR. Une unité de liquéfaction de gaz est construite à Tendrara, dans l'est du Maroc, par la société britannique Sound Energy. Le gaz liquéfié sera ensuite commercialisé par Afriquia Gaz, filiale du groupe marocain Akwa détenu par les familles Akhannouch et Wakrim. Depuis 1995, Aziz Akhannouch et Ali Wakrim sont à la tête de ce holding familial.

3NDLR. Cette enquête a été publiée en mai 2023 par les journalistes Khalid Elberhli et Youssef El Hireche dans le journal marocain arabophone Assahifa.

4NDLR. Youssef El Hireche a été arrêté en mars 2024. Il était accusé d'«  atteinte à un agent public  », d'«  outrage à un corps constitué  » et de «  diffusion d'informations privées sans consentement  » suite à des publications sur les réseaux sociaux. Il a été libéré par grâce royale le 29 juillet 2024.

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