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09.10.2025 à 06:00

« Oui », mais non. Nadav Lapid oublie Gaza dans les brumes

Jean Stern
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Le réalisateur israélien en exil à Paris est retourné dans son pays pour y tourner Oui. Il affiche une colère louable contre son gouvernement, mais rate sa cible avec un film vaniteux et autocentré, aussi laid que la société va-t-en-guerre qu'il prétend dénoncer. Oui, le nouveau film de Nadav Lapid, est un long métrage indigeste, dans le sens où il donne littéralement envie de vomir. Et c'est exactement ce que le cinéaste recherche. La démarche est en soi curieuse, et l'on pourrait la (…)

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Texte intégral (1439 mots)

Le réalisateur israélien en exil à Paris est retourné dans son pays pour y tourner Oui. Il affiche une colère louable contre son gouvernement, mais rate sa cible avec un film vaniteux et autocentré, aussi laid que la société va-t-en-guerre qu'il prétend dénoncer.

Oui, le nouveau film de Nadav Lapid, est un long métrage indigeste, dans le sens où il donne littéralement envie de vomir. Et c'est exactement ce que le cinéaste recherche. La démarche est en soi curieuse, et l'on pourrait la réduire à celle d'un sale gosse si les enjeux n'étaient pas tragiques pour les Palestiniens. Le réalisateur israélien en exil à Paris affiche sa colère on ne peut plus légitime — et qui semble son moteur — contre le gouvernement de son pays. Bien. Mais il cultive dans ce film — par ailleurs interminable — une savante et vaine ambiguïté sur ce qui fait vomir : l'horreur de la guerre à Gaza ou bien la laideur de la société israélienne qui la soutient ?

Lapid a réussi à faire croire, à longueur de plateaux télé, radios et d'interviews presse rythmés de punchlines bien senties, qu'il détestait ce qu'Israël était devenu. Cela lui a valu un déluge d'éloges et de critiques positives. De quoi s'interroger, car Oui est un film pénible, sur la forme et sur le fond.

Une dénonciation hors cadre

J'avais aimé ses films Synonymes, Ours d'or à Berlin en 2019, et surtout Le genou d'Ahed, prix du jury à Cannes en 2021. Peut-être parce que dans ces deux films, Nadav Lapid, que Libération qualifie drôlement de « rebelle idéal », tenait à distance la fiction. Entre le processus d'intégration à la République française puis celui de soumission idéologique des artistes israéliens, le réalisateur se faisait le chroniqueur de son propre destin. Assez égocentrique, sans doute, mais cela fonctionnait parce qu'il maîtrisait ses acteurs et sa caméra vagabonde.

Rien de tel avec Oui. Comme si le sujet Gaza le dépassait, comme s'il était trop lourd. Lapid gave les spectateurs de métaphores sur la désespérance des Israéliens, mais s'avère incapable de se coltiner à un réel dont la dénonciation devient abstraite, hors du cadre.

Y. (Ariel Bronz), le personnage principal, est un musicien fantasque. Avec sa femme Jasmine (Efrat Dor), ils se compromettent dans des soirées de la haute société où se côtoient tycoons douteux d'origine russe, généraux au gros cul et bourgeoises bagouzées et frustrées. Y. et Jasmine boivent, dansent et chantent. Ils font les putes quand l'occasion se présente. Y. semble ne jamais travailler, ne pas s'intéresser à grand-chose et trimballe avec Jasmine l'illusion d'une famille, d'une vie et d'un pays en guerre qu'il ne voit pas. Cela peut paraître dérangeant, mais n'est que descriptif d'un état d'esprit qui contourne l'obstacle.

Le réel rejoint la fiction lorsque Y. compose un nouvel hymne pour son pays avec les vraies paroles d'une chanson à la gloire des massacreurs de Gaza. Cette chanson existe pour de bon, un chœur d'enfants la déroule d'ailleurs dans un clip trouvé par Lapid sur le web et repris tel quel dans le film1. Cette pièce maîtresse est finalement plus terrifiante que les 2h30 du film. In fine, Y. se vautre un peu plus dans la soumission aux riches, avec force métaphores sexuées, et Jasmine fout le camp avec leur fils. Et la guerre ? Eh bien, dans les brumes.

Comme son héros, Lapid se disperse dans une désinvolture provocatrice, désagréable et laide. Y. est laid, Israël est laid. Mais n'est-ce pas plutôt la laideur de la guerre à Gaza qu'il fallait affronter ? La description de la perversité sociale et sexuelle des hyper-riches israéliens complices de l'état-major de l'armée lasse assez vite, et semble aussi vaine que la vanité de ces gens-là — qui triomphent, même chez Lapid, censé incarner leur contraire.

Un arrière-fond tenu à distance

La guerre livrée par Israël à Gaza n'est dans ce film que l'arrière-fond du propos, brumeux le plus souvent, toujours tenu à distance en tout cas. Elle se déploie de loin en loin, à travers un dispositif de vrais-faux flashs d'information, ou via des images tournées depuis la tristement célèbre « colline de l'amour », où certains Israéliens vont se bécoter face à Gaza — autrement dit, depuis le point de vue d'un Israélien contemplant la destruction en cours. Du haut de cette colline, la vue est imprenable et les bruits de la guerre sont assourdis. Dans ce film tonitruant, le contraste est saisissant. Les Israéliens de fiction de Lapid gueulent moins contre la guerre que contre eux-mêmes. Ils ne cherchent pas l'expiation mais l'oubli, et soutiennent la guerre, car c'est le plus simple. Dans le cas de Y., c'est même le plus lucratif.

Il y a d'ailleurs dans tout cela quelque chose de logique qui rend l'objet du film vain. On peut s'en désoler mais, dans la plupart des guerres, les populations soutiennent leur pays. Et si ce n'est pas le cas, elles font la révolution. Israël en est loin, très loin… L'ex-petite amie (Naama Preis) de Y., devenue une sorte de propagandiste de l'armée, est le personnage le plus sympathique du film, c'est dire… Sur la « colline de l'amour », les deux anciens amants font comme tout le monde, ils se roulent une pelle. Énième trahison dans le cas de Y.

Une élite culturelle incapable d'affronter la saleté du réel

La misère grandiloquente de ce film est le produit d'un égocentrisme typique d'une certaine gauche culturelle israélienne, qui se complaît dans la posture du dedans-dehors. Lapid vit ainsi à l'étranger et affiche son exil comme une situation victimaire. Mais il tourne sans problème à Tel-Aviv, avec le concours de financements israéliens, certes minoritaires, qu'il dénonce sur le principe tout en les acceptant. Il inscrit d'ailleurs son film à la cérémonie des Césars locaux (les Ophir Awards), car c'est là bel et bien son territoire, la colline dont il parle au sens, d'ailleurs, littéral du terme, comme on le voit à l'écran.

Lapid a eu des phrases fortes dans les médias qui lui ont valu les sympathies du public. On peut dire que c'est déjà ça. Mais son film montre, une fois de plus, les ravages de la politique israélienne chez l'élite culturelle, globalement incapable d'affronter la saleté du réel autrement que par des systèmes métaphoriques douteux ou des complaintes autocentrées. Le réalisateur veut renvoyer son pays à un miroir maléfique. Au passage, il oublie de se regarder dans la glace.


1C'est d'ailleurs le détournement bien réel d'un chant sioniste de 1948. La famille de l'auteur s'était opposée à l'utilisation par Lapid de cette version «  modernisée  », mais en vain… 

08.10.2025 à 06:00

Maroc. Quand la Génération Z se soulève

Hajar Raissouni
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Depuis le samedi 27 septembre, la vie du royaume est rythmée par les manifestations quotidiennes du mouvement GenZ 212. Lancée par des jeunes autonomes refusant toute affiliation politique ou syndicale, la contestation innove et mobilise. Mais elle doit aussi faire face aux limites de son manque de structuration, tandis que les élites au pouvoir semblent attendre le discours du roi prévu pour le 10 octobre. Elle était jusque-là perçue comme indifférente à la chose publique. Mais les (…)

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Texte intégral (3040 mots)

Depuis le samedi 27 septembre, la vie du royaume est rythmée par les manifestations quotidiennes du mouvement GenZ 212. Lancée par des jeunes autonomes refusant toute affiliation politique ou syndicale, la contestation innove et mobilise. Mais elle doit aussi faire face aux limites de son manque de structuration, tandis que les élites au pouvoir semblent attendre le discours du roi prévu pour le 10 octobre.

Elle était jusque-là perçue comme indifférente à la chose publique. Mais les manifestations qui secouent le Maroc depuis le 27 septembre 2025 ont braqué les projecteurs sur la jeune génération à l'initiative du mouvement de contestation. Selon les chiffres du Haut-Commissariat au Plan, les jeunes de moins de 25 ans représentent 26 % de la population marocaine et se caractérisent par « un fort attachement à la technologie, de grandes ambitions et une capacité d'influence sociale et économique ». Ils sont aussi particulièrement touchés par la précarité économique et sociale. Au deuxième trimestre 2025, le taux de chômage des 15-24 ans a atteint 35,8 %, contre 21,9 % pour les jeunes de 25 à 34 ans, et une moyenne nationale de 12,8 %.

Lors des premières manifestations, qui ont principalement eu lieu à Rabat, Casablanca, Meknès et Tanger, avant que d'autres villes ne rejoignent la contestation, le mouvement est apparu comme largement spontané, sans mots d'ordre. Seules quelques banderoles ont été déployées. Mais très vite, des slogans ont émergé : « Nous ne voulons pas de la Coupe du monde… la santé avant tout », « Le peuple veut la fin de la corruption ». Des critiques directes du volume des dépenses consacrées aux infrastructures et à la construction des stades en prévision de l'organisation par le Maroc de la Coupe d'Afrique des nations (CAN, décembre 2025 — janvier 2026), et surtout de la Coupe du monde 2030, aux côtés de l'Espagne et du Portugal. Ces dépenses interrogent sur les priorités de l'État, alors que les services publics de base, comme la santé et l'éducation, connaissent une nette détérioration.

Contrairement au mouvement du 20 février, né en 2011, soutenu à l'époque par plus de 20 organisations de défense des droits humains et syndicales et qui avait vu la participation de jeunes appartenant à des structures politiques, les manifestations actuelles émanent d'un groupe de jeunes peu structuré : la GenZ 212, combinaison de « Génération Z »1 et l'indicatif téléphonique du Maroc.

Malgré la participation de figures de gauche à certaines manifestations, comme Nabila Mounib, secrétaire générale du Parti socialiste unifié (PSU), et Abdelhamid Amine, ancien président de l'Association marocaine des droits humains (AMDH), il n'y a eu aucun soutien actif à ce mouvement. Quelques organisations politiques et de défense des droits humains se sont contentées de publier des communiqués exprimant leur soutien aux revendications sociales et dénonçant l'approche sécuritaire adoptée par le pouvoir.

La démocratie via Discord

Pour se coordonner, la GenZ 212 passe principalement par la plateforme Discord, dont le serveur compte plus de 170 000 membres au Maroc. Discord est une application de messagerie instantanée et un réseau social communautaire lancé en 2015, qui permet aux utilisateurs d'échanger des messages texte et des appels vocaux ou vidéo. Elle était à l'origine prisée par les gamers, les adeptes de jeux vidéo. Si son usage s'est démocratisé dans certains pays comme la France, elle reste au Maroc largement utilisée par les jeunes gamers de la génération Z. Elle leur permet d'échanger pendant les parties de jeu, de diffuser des sessions en direct et de partager leurs expériences. Le choix de cette plateforme pour coordonner les appels à manifestation rappelle des exemples similaires ailleurs dans le monde, à Madagascar et surtout au Népal, où des manifestants de la même génération ont eu recours à la même application le 4 septembre 2025, après la suspension de plusieurs réseaux sociaux par les autorités.

On trouve sur Discord plusieurs chaînes de discussion, une pour chaque région du royaume, ce qui facilite la coordination entre les habitants des mêmes villes et villages. Les horaires des discussions quotidiennes sont annoncés sur les pages des réseaux sociaux du mouvement. Elles commencent souvent après 22h. L'administrateur de la chaîne commence par faire le bilan de la journée de manifestation. Les membres prennent ensuite la parole à tour de rôle pour exprimer leurs opinions, et faire part de leurs suggestions. Souvent, les échanges se poursuivent pendant des heures. À la fin de chaque soirée, on passe au salon appelé « Annonces » où les membres doivent répondre à la question suivante : « À vous de décider : soutenez-vous la poursuite des manifestations demain ? » Les membres n'ont que deux options : « oui » ou « non ». Jusque-là, le « oui » dépasse tous les jours les 80 %, témoignant d'un engagement clair de la part de la majorité des participants à poursuivre la mobilisation.

Dans ces discussions quotidiennes sur Discord, la spontanéité qui caractérise les manifestations apparaît comme intentionnelle. Les membres de la Génération Z insistent constamment sur leur totale indépendance vis-à-vis des partis politiques et des syndicats, témoignant ainsi de l'aversion de toute une jeunesse pour les structures intermédiaires, qui ont perdu toute crédibilité à leurs yeux. Sur les réseaux sociaux également, ils le revendiquent haut et fort : « Nous n'appartenons à aucun parti ni mouvement politique. Nous sommes des jeunes libres, notre voix est indépendante et notre seule revendication est la dignité et les droits légitimes de chaque citoyen. »

Alors que les appels aux manifestations des 27 et 28 septembre commençaient à circuler, plusieurs sites web et pages pro-gouvernementales se sont empressés d'accuser les organisateurs de « séparatisme » et de « servir des intérêts étrangers » dans le but de déstabiliser le royaume et menacer son intégrité territoriale. En réponse à ces accusations, les administrateurs de la page GenZ 212 ont publié sur les réseaux sociaux une déclaration le 18 septembre où l'on peut lire : « Nous ne sommes ni contre la monarchie ni contre le roi. Au contraire, nous considérons la monarchie comme essentielle à la stabilité et à la continuité du Maroc. »

Il convient de noter que depuis le début du règne du roi Mohammed VI, aucun mouvement social ou politique n'a lancé de slogan contre la monarchie. Même le Mouvement du 20 février appelait à une « monarchie parlementaire ».

Les mobilisations changent, les revendications restent

Les revendications du mouvement ne sont pas propres à cette génération. Elles reflètent plutôt des préoccupations partagées par tous les Marocains. Interrogée par Orient XXI, la militante des droits humains Siman explique :

La génération Z est peut-être à l'origine de ce mouvement, mais elle n'est pas la seule à manifester dans la rue. Les revendications exprimées aujourd'hui ne sont pas nouvelles, mais s'inscrivent dans la continuité de celles du Mouvement du 20 février, puis du Hirak du Rif, qui a conduit à l'arrestation de plusieurs jeunes dans la région.

GenZ 212 intervient en effet après un mois de mobilisations importantes au Maroc, notamment devant plusieurs hôpitaux de la ville d'Agadir (sud-ouest) pour protester contre l'état des services de santé, à la suite du décès de huit femmes après leur accouchement, dans des circonstances qui restent mystérieuses. Selon le ministère de la santé, une enquête a été ouverte, mais ses conclusions n'ont pas encore été publiées. D'autres villes ont également été le théâtre de manifestations en faveur des victimes du tremblement de terre de la province d'Al Haouez, qui a frappé le pays en septembre 2023. Enfin, plusieurs marches en soutien à la Palestine et contre la normalisation des relations du Maroc avec Israël depuis 2020 ont également eu lieu. Autant de mobilisations qui, contrairement aux manifestations de GenZ 212, n'ont pas été réprimées et se sont déroulées dans une atmosphère relativement calme.

Selon les chiffres compilés par les sections de l'AMDH au cours des trois premiers jours de manifestations, plus de 300 personnes ont été arrêtées rien qu'à Rabat, et des dizaines d'autres ailleurs. Le premier jour, les interpellés ont été libérés à l'aube. Mais les forces de l'ordre ont changé d'approche dès le lendemain. Selon les chiffres publiés par l'Espace marocain des droits de l'Homme2 le nombre total de personnes arrêtées et placées en garde à vue s'élève à 272, dont 39 mineurs. Trente-six personnes ont été condamnées à des peines de prison, et 221 ont été libérées sous une caution allant de 300 à 600 euros. La plupart des jeunes ont été inculpés de « rassemblement non autorisé, d'entrave à l'action des forces de l'ordre et d'appel à un rassemblement non autorisé ». Ces arrestations ne se sont pas déroulées sans violence. Plusieurs jeunes femmes ont été harcelées pendant leur garde à vue, et de jeunes hommes arrêtés ont été insultés, qualifiés de « pervers » et de « génération de la perversion ». Selon nos sources, le procureur du Roi a constaté des signes de violence physique sur certains d'entre eux. Selon la militante de droits humains Samia Regragui, « la répression et les arrestations ont augmenté la sympathie de la population envers les manifestants, ce qui constitue un véritable acquis ».

L'autonomie, une arme à double tranchant

Cette sympathie a toutefois été mise à l'épreuve dès le quatrième jour de manifestations, à cause des actes de violence qui ont notamment éclaté dans des zones qui n'étaient pas concernées par le mouvement GenZ 212. Des affrontements ont eu lieu dans plusieurs villes entre manifestants et forces de l'ordre, faisant des blessés des deux côtés et détruisant des biens publics et privés. Le mercredi 1er octobre, trois personnes ont été tuées par la police à Leqliaa, une ville située à 20 kilomètres au sud d'Agadir.

Le soir même, la situation a fait l'objet d'une grande discussion sur Discord, où de nombreux participants ont condamné sans équivoque les actes de vandalisme, affirmant que leurs auteurs « ne représentent ni n'appartiennent au mouvement ». D'autres, en revanche, ont estimé que c'était la violence excessive avec laquelle les autorités ont répondu aux manifestations pacifiques qui était à l'origine des réactions de colère et de violence de certains manifestants. D'autres encore se sont demandé si cette violence n'était pas provoquée, et n'avait pas pour but de nuire à l'image du mouvement, dans le but de saper le soutien populaire dont il bénéficie et d'instiller la peur parmi les Marocains.

Malgré les appels à arrêter les manifestations lancés par certains responsables politiques, comme l'ancien premier ministre islamiste Abdelilah Benkirane, les membres du groupe Discord ont continué à voter pour la poursuite des manifestations pacifiques. Mais la spontanéité du mouvement GenZ 212 et son rejet de toute organisation et de toute direction formelles constituent une arme à double tranchant. Si elle préserve l'indépendance du mouvement et le protège de toute tentative de manipulation politique ou d'exploitation par les partis, notamment à l'approche des élections législatives prévues pour septembre 2026, l'absence de structures organisationnelles rend difficile l'harmonisation des slogans et des revendications. Surtout, elle entrave le contrôle des formes d'expression pour un mouvement qui se revendique comme pacifique.

Quand les partis politiques se réveillent

Après trois jours de silence radio, les partis de la majorité gouvernementale — le Rassemblement national des indépendants, le Parti authenticité et modernité et le Parti Istiqlal — se sont réunis le mardi 30 septembre 2025 à Rabat, sous la présidence du chef du gouvernement Aziz Akhannouch. Ensemble, ils ont affirmé comprendre la colère de la jeunesse, et être disponibles à y répondre par le dialogue et la discussion, dans le cadre des institutions prévues à cet effet. La majorité gouvernementale a également reconnu le retard chronique dont souffre le secteur de la santé, tout en soulignant que sa réforme est un chantier colossal qui nécessite du temps. Dans sa brève déclaration du jeudi 2 octobre 2025, le Premier ministre Aziz Akhannouch a néanmoins mis en garde contre les actes de « violence et de vandalisme » observés dans certaines villes, évoquant une « escalade dangereuse portant atteinte à la sécurité et à l'ordre public ». Mais aucune mesure concrète n'a été prise. Pour Khalid Al-Bakkari, professeur universitaire au Centre Régional des Métiers de l'Éducation et de la Formation de Casablanca (CRMEF) et militant des droits humains :

Comme ses prédécesseurs, le gouvernement actuel a renoncé à nombre de ses prérogatives constitutionnelles. Il en est venu à considérer la gestion des manifestations et des crises majeures — notamment celles liées aux catastrophes naturelles — comme relevant de la compétence de l'État et non de la sienne, c'est-à-dire de celle du Makhzen3. C'est pour cela que le gouvernement reste passif. Le chef du gouvernement n'a ni communiqué avec les citoyens ni tenu de réunion avec le ministre de l'intérieur.

Le mouvement GenZ 212 a finalement choisi d'adresser ses revendications directement au roi, ignorant les appels au dialogue du gouvernement. Ses demandes sont claires : la démission du gouvernement d'Aziz Akhannouch, la poursuite des personnes impliquées dans des affaires de corruption et la libération des personnes arrêtées lors des manifestations. Désormais, tous les regards se tournent vers le roi Mohammed VI, dont le discours, à l'occasion de l'ouverture de l'année législative, le vendredi 10 octobre 2025, est extrêmement attendu.


1NDT. Nom donné aux personnes nées entre 1997 et 2012. Il s'agit de la première génération qui a grandi avec Internet.

2NDLR. Groupe de défense des droits humains créé en 2022 et proche de l'organisation islamique Al-Adl wal-Ihsane (Justice et bienfaisance) fondée par le cheikh Abdessalam Yassine.

3Mot qui désigne les institutions régaliennes de l'État marocain : le palais, le ministère de l'intérieur, les services de sécurité, l'armée et les renseignements.

07.10.2025 à 06:00

Israël-Iran, la course à l'abîme

Trita Parsi
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Une nouvelle conflagration entre Israël et l'Iran paraît inévitable et, peut-être, toute proche, les Européens ayant délibérément choisi de s'aligner sur les faucons de l'administration Trump dans le contentieux nucléaire. Au risque d'être entraînés dans un conflit majeur et incontrôlable. Analyse. Israël va-t-il se lancer dans une autre guerre contre l'Iran ? Téhéran s'attend à cette attaque et s'y prépare. Lors de la dernière guerre, en juin 2025, il avait misé sur le long terme et (…)

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Texte intégral (3668 mots)

Une nouvelle conflagration entre Israël et l'Iran paraît inévitable et, peut-être, toute proche, les Européens ayant délibérément choisi de s'aligner sur les faucons de l'administration Trump dans le contentieux nucléaire. Au risque d'être entraînés dans un conflit majeur et incontrôlable. Analyse.

Israël va-t-il se lancer dans une autre guerre contre l'Iran ? Téhéran s'attend à cette attaque et s'y prépare. Lors de la dernière guerre, en juin 2025, il avait misé sur le long terme et programmé ses attaques de missiles dans l'optique d'un conflit prolongé. Pour le prochain round, cependant, il n'est pas exclu que l'Iran frappe de manière décisive dès le début des hostilités dans le but de dissiper toute idée qu'il puisse être asservi à une domination militaire d'Israël.

Ainsi, la guerre à venir sera probablement beaucoup plus sanglante que la première. Si le président étatsunien Donald Trump cède à nouveau à la pression de Tel-Aviv et se mêle au combat, les États-Unis pourraient être confrontés à une guerre totale avec l'Iran qui ferait de l'invasion de l'Irak en 2003 une promenade de santé en comparaison.

La guerre des 12 jours en juin n'a jamais porté uniquement sur le programme nucléaire iranien. Il s'agissait plutôt de modifier l'équilibre des forces au Proche-Orient, les capacités nucléaires iraniennes étant certes un facteur important, mais pas décisif. Depuis plus de 20 ans, Israël presse les États-Unis d'intervenir militairement contre l'Iran afin de l'affaiblir et de rétablir un équilibre régional en sa faveur — un équilibre qu'Israël ne saurait atteindre seul.

Une guerre sans vainqueur

Dans ce contexte, les bombardements israéliensavaient trois objectifs principaux, au-delà de l'affaiblissement des infrastructures nucléaires iraniennes : entraîner les États-Unis dans un conflit militaire direct avec l'Iran, décapiter le régime iranien et transformer l'Iran en nouvelle Syrie ou Liban — des pays qu'Israël peut bombarder en toute impunité et sans aucune réaction étatsunienne. Un seul des trois objectifs a été atteint. Pire, Trump n'a pas « anéanti » le programme nucléaire iranien. Et ce dernier n'a pas été ramené au point où la question pourrait être considérée comme réglée.

En d'autres termes, en ayant attaqué l'Iran en juin, Tel-Aviv n'a remporté, au mieux, qu'une victoire partielle. Israël aurait préféré que Trump s'engage pleinement en ciblant à la fois les forces conventionnelles et les infrastructures économiques de l'Iran. Mais si la Maison Blanche était favorable à une opération militaire éclair et déterminante, Donald Trump craignait une guerre totale. Sa stratégie visant à bombarder les installations nucléaires iraniennes avait donc pour objectif de limiter toute escalade plutôt que de l'amplifier. À court terme, Donald Trump a réussi — au grand dam d'Israël — mais, à plus long terme, il a laissé Israël le piéger dans une logique de confrontation.

Son refus d'agir au-delà d'une campagne limitée de bombardements est l'une des raisons pour lesquelles Israël a accepté un cessez-le-feu. Au fur et à mesure que la guerre perdurait, Israël subissait des pertes sérieuses : sa défense aérienne a été dégradée et l'Iran a gagné en efficacité pour la pénétrer avec ses missiles. Alors qu'Israël aurait probablement poursuivi la guerre si les États-Unis s'y étaient totalement engagés, son calcul a changé dès lors qu'il est devenu clair que les frappes ordonnées par Trump étaient limitées. Certes, Israël a réussi à attirer Trump et les États-Unis dans le conflit, mais il a échoué à les y maintenir.

Les illusions d'un soulèvement

Les deux autres objectifs d'Israël, toutefois, furent clairement des échecs. Malgré les premiers succès du renseignement israélien — comme l'assassinat de 30 officiers supérieurs et de 19 scientifiques nucléaires — Tel-Aviv n'a pu que perturber temporairement les opérations iraniennes de commandement et de contrôle. En l'espace de 18 heures, l'Iran a remplacé la plupart, sinon la totalité, de ces hauts gradés. Il a aussi lancé un puissant barrage de missiles, démontrant sa capacité à absorber des pertes importantes tout en initiant une contre-attaque intense.

Israël espérait que ses premières frappes sèmeraient la panique au sein du régime iranien et précipiteraient sa chute. Selon le Washington Post, des agents du Mossad, parlant couramment le farsi, ont appelé les portables de hauts responsables iraniens en menaçant de les tuer, eux et leurs familles, s'ils ne tournaient pas des vidéos dénonçant le régime et s'ils ne faisaient pas ouvertement défection. Plus de 20 appels de ce genre ont été passés pendant les premières heures de la guerre, alors que l'élite dirigeante iranienne était encore sous le choc de pertes importantes1. Pourtant, il n'y a aucune preuve qu'un seul général iranien a capitulé face à ces menaces.

Contrairement aux espoirs de Tel-Aviv, l'assassinat d'officiers supérieurs des Gardiens de la révolution (IRGC) n'a pas conduit à des manifestations de masse ou à un soulèvement contre la République islamique. Au lieu de cela, les Iraniens de toute obédience politique se sont rassemblés autour du drapeau, sinon du régime lui-même, tandis qu'une vague de nationalisme déferlait à travers le pays.

Le régime n'est pas tombé

Israël n'a pu tirer profit de l'impopularité du régime. Presque deux ans après avoir commis des atrocités à Gaza et lancé une attaque violente contre l'Iran en pleine négociation sur le nucléaire, seule une minuscule fraction d'Iraniens — principalement dans la diaspora — considère Israël positivement.

De fait, au lieu de mobiliser la population contre les autorités, Israël a réussi à redonner de l'air à une République islamique à bout de souffle. Plutôt que de condamner le régime pour avoir investi dans un programme nucléaire, une industrie de missiles et un réseau de groupes alliés non étatiques, de nombreux Iraniens sont aujourd'hui furieux que ces éléments de la dissuasion iranienne se soient avérés insuffisants. C'est ce qu'a expliqué un artiste de Téhéran à Narges Bajoghli, anthropologue à l'Université étatsunienne Johns Hopkins :

J'étais de ceux qui scandaient pendant les manifestations de ne pas envoyer d'argent iranien au Liban ou en Palestine. Mais maintenant, je comprends que les bombes auxquelles nous sommes tous confrontés sont les mêmes et que si nous ne disposons pas de défenses solides dans toute la région, la guerre viendra à nous.2.

Il n'est pas certain que cet état d'esprit durera. Mais à court terme, les attaques israéliennes semblent avoir paradoxalement renforcé le régime en affermissant la cohésion interne et en réduisant le fossé entre l'État et la société.

Campagne électorale aux États-Unis

Israël n'a pas non plus réussi à transformer l'Iran en une seconde Syrie ni à imposer dans la durée une domination des airs qui ne dépendait pas de l'allié étatsunien. Bien qu'Israël ait pris la maîtrise de l'espace aérien iranien pendant la guerre, il n'a jamais pu opérer en toute impunité. Et la réponse des missiles lui a infligé des dégâts inacceptables.

Sans une aide substantielle des États-Unis — y compris l'utilisation du quart de leurs intercepteurs de missiles THAAD en seulement 12 jours — Israël aurait peut-être été incapable de continuer la guerre. Et c'est ce qui rend probable une nouvelle offensive israélienne. Le ministre de la défense Israël Katz et le chef d'état-major Eyal Zamir n'en font pas mystère. La guerre de juin n'était que la première phase, selon Zamir, pour qui Israël « ouvre maintenant une nouvelle phase » du conflit3. .

Que l'Iran reprenne ou non l'enrichissement de l'uranium, Israël est déterminé à ne pas lui laisser le temps de reconstituer son arsenal balistique, ni de restaurer ses systèmes antiaériens, ni de déployer des dispositifs améliorés. Cette logique est au cœur de la stratégie israélienne dite de la « tonte de la pelouse » (tactique appliquée aussi à Gaza) : frapper préventivement et de manière répétée afin d'empêcher l'adversaire de développer des capacités qui pourraient défier la domination militaire israélienne.

Cela signifie que, l'Iran ayant déjà reconstitué ses ressources militaires, Israël a intérêt à frapper le plus tôt possible. Le rétablissement le 28 septembre 2025 par l'Europe des sanctions contre Téhéran via le mécanisme « snapback »4 aux Nations unies pourrait fournir à Israël un prétexte politique pour relancer la guerre. En réponse, Téhéran a menacé de suspendre sa coopération avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).

En outre, la fenêtre pour attaquer se refermera probablement une fois que les États-Unis entreront en campagne pour les élections de mi-mandat de novembre 2026, car cela compliquera la marge de manœuvre politique de Trump. Les frappes pourraient donc bien prendre place dans les tout prochains mois.

« Tondre la pelouse »

C'est évidemment ce que les dirigeants iraniens veulent empêcher. Pour dissiper toute illusion que la stratégie israélienne de « la tonte de la pelouse » fonctionne, l'Iran, lui, est susceptible de frapper fort et vite dès le déclenchement de la prochaine guerre.

« Si l'agression se répète, nous n'hésiterons pas à réagir de manière encore plus décisive et qui sera IMPOSSIBLE à dissimuler », a promis le ministre iranien des affaires étrangères, Abbas Araghchi, sur X le 28 juillet 2025. Les dirigeants iraniens estiment que le coût pour Israël doit être exorbitant, faute de quoi les capacités balistiques de l'Iran seront progressivement érodées, laissant le pays sans défense.

Puisque la guerre de juin s'est terminée sans victoire tangible, l'issue du prochain conflit dépendra du camp qui aura le mieux appris et qui saura agir le plus rapidement. Israël est-il capable de reconstituer ses intercepteurs plus rapidement que l'Iran peut reconstruire ses lanceurs et approvisionner son arsenal de missiles ? Le Mossad est-il toujours profondément implanté en Iran ou bien la plupart de ses ressources ont-elles été épuisées pendant la dernière guerre en cherchant en vain à provoquer la chute du régime ? Téhéran a-t-il acquis plus de connaissances quant à la pénétration des défenses aériennes israéliennes qu'Israël en a acquis pour l'en empêcher ? Pour l'instant, aucune des deux parties ne peut répondre positivement à ces questions.

Et c'est précisément parce que l'Iran ne peut être certain qu'une réponse plus forte neutralisera la stratégie israélienne qu'il est susceptible de réévaluer sa posture nucléaire — surtout maintenant que d'autres piliers de sa dissuasion, y compris l'« axe de la résistance » et la doctrine de l'ambiguïté nucléaire, se sont avérés impuissants.

La réponse de Trump à une deuxième guerre entre Israël et l'Iran pèsera évidemment. Déjà, il ne semble pas disposé à s'engager dans un conflit prolongé. Politiquement, les frappes qu'il a ordonnées en juin ont déclenché une « guerre civile » au sein du mouvement MAGA (Make America Great Again).

Au plan militaire, cette guerre de 12 jours a révélé des lacunes graves dans le stock de missiles des États-Unis. Résultat, Trump et l'ex-président Joe Biden ont épuisé une partie substantielle des intercepteurs antiaériens dans une région que ni l'un ni l'autre ne considèrent comme vitale pour les intérêts fondamentaux des États-Unis. Mais en donnant son feu vert à la première salve israélienne, Trump est tombé dans le piège d'Israël — et il n'est pas certain qu'il puisse en sortir, surtout s'il s'accroche à « l'enrichissement zéro » comme base d'un accord avec l'Iran. Et un engagement limité n'est probablement plus une option. Trump devra soit entrer de plain-pied en guerre, soit rester en retrait. Et rester à l'écart exige davantage qu'un simple refus une fois pour toutes — cela demande une résistance soutenue face aux pressions israéliennes. Jusqu'à présent, le président étatsunien n'en a montré ni la force ni même la volonté.

Subordination européenne

Le rôle de l'Europe dans cette équation est devenu de plus en plus négatif. La troïka européenne dite E3 (Allemagne, France et Royaume-Uni) justifie le « snapback » comme un levier nécessaire pour faire pression sur l'Iran afin qu'il revienne à la table des négociations, même si Téhéran était sérieusement engagé dans la voie diplomatique lorsqu'Israël a décidé de bombarder cette table. Si les exigences de l'UE à l'égard de l'Iran semblent raisonnables à première vue — comme celle de donner aux inspecteurs de l'AIEA l'accès à ses sites nucléaires —, les réserves de Téhéran ne sauraient être réduites à un simple entêtement.

Les responsables iraniens soupçonnent depuis longtemps que des informations sensibles partagées avec l'AIEA se sont retrouvées entre les mains du renseignement israélien, permettant la campagne d'assassinats du Mossad contre des scientifiques nucléaires iraniens. Téhéran craint également que la divulgation de l'emplacement de son stock d'uranium enrichi ne livre à Washington — ou à Israël — une carte des futures cibles lors de la prochaine série de frappes aériennes.

Mes conversations avec les diplomates de l'UE m'ont laissé une forte impression que le groupe E3 était déterminé à déclencher le « snapback » quoi qu'il arrive. Il a, par conséquent, présenté ses exigences en sachant que l'Iran allait probablement les rejeter, au moins en partie. Les raisons de ce choix reposent sur l'évolution de l'environnement géopolitique en Europe — et la dépendance accrue de l'Europe vis-à-vis des États-Unis depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Punir Téhéran, suivre Washington

En réalité, il s'agit moins du programme d'enrichissement de l'Iran que des questions portant sur la Russie, l'Ukraine et les relations transatlantiques. Le dossier nucléaire iranien apparaît comme un simple pion dans le camp de la troïka.

L'approfondissement du partenariat de l'Iran avec la Russie dans le conflit ukrainien est apparu comme une menace directe aux yeux des Européens. Les liens économiques de l'Union avec Téhéran sont négligeables après des années de sanctions. Tandis que la sujétion de l'Europe vis-à-vis de la relation transatlantique — militaire, politique et économique — est bien plus contraignante qu'elle ne l'était en 2003. Dans ce contexte, l'escalade avec l'Iran sert deux objectifs européens : tout d'abord punir Téhéran pour s'être aligné sur Moscou, en faisant passer le message que tout soutien à la Russie à un coût élevé. Ensuite, aligner l'Europe sur les éléments bellicistes de l'administration Trump, au moment où ses relations avec les États-Unis traversent une crise historique. Pour les dirigeants européens désespérés d'entretenir la bonne volonté de Washington, l'Iran est devenu une offrande sacrificielle commode, même si cela doit mener à la guerre.

Jeu dangereux

Rien de tout cela ne relève de la spéculation. Le chancelier allemand Friedrich Merz a récemment estimé qu'en bombardant l'Iran, Israël « fait le sale boulot pour nous tous ». Sa remarque était inhabituellement franche. Merz a ainsi exprimé ce que beaucoup dans les capitales européennes concèdent en privé : les actions militaires d'Israël contre l'Iran servent les intérêts européens en affaiblissant un État désormais allié à la Russie.

Mais sous-traiter la guerre à Israël est un jeu dangereux. Cela risque d'entraîner l'Europe dans un conflit qu'elle ne contrôlera pas et ne pourra contenir. Elle n'échapperait pas aux retombées si la confrontation devait dégénérer en guerre régionale étendue — entraînant les États du Golfe, perturbant l'approvisionnement énergétique mondial et provoquant des représailles iraniennes dans toute la région.

En rétablissant les sanctions contre l'Iran, le trio européen place l'alignement tactique avec Washington et Tel-Aviv au-dessus de son propre intérêt à long terme dans la stabilité régionale. Il confond punition et stratégie, coercition et diplomatie. Et elle le fait en sachant parfaitement que le résultat le plus probable n'est pas la relance des pourparlers, mais la reprise de la guerre.

Il y a vingt ans, les Européens l'avaient bien compris. En 2003, le courage de résister à la pression américaine en faveur d'une guerre avec l'Iran avait permis d'éviter un deuxième désastre au Proche-Orient après l'invasion malavisée de l'Irak. En 2025, l'Europe risque de se mettre au service d'un autre désastre dans la région.


1Warren P. Strobel, Souad Mekhennet et Yeganeh Torbati, «  Israeli warning call to top Iranian general : “You have 12 hours to escape”  » Washington Post, 23 juin 2025.

2Narges Bajoghli, «  The Generation Iranian Hard-Liners Have Been Waiting for  », Foreign Policy, 29 juillet 2025.

3Yoni Ben Menachem,«  Israel and Iran Prepare for a New Round of Fighting  », Jerusalem Center for Security and Foreign Affairs, 29 juillet 2025.

4NDLR. Clause de sauvegarde, introduite en 2015 dans l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien, permet à tout membre signataire constatant un manquement de saisir le Conseil de sécurité.

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