16.09.2025 à 10:24
Depuis l’antiquité, l’empire punique, véritable puissance maritime méditerranéenne, entretenait de bonnes relations commerciales avec l’Empire
L’article Chine en Tunisie, affirmation d’une coopération ambitieuse est apparu en premier sur Observatoire Français des Nouvelles Routes de la Soie.
Depuis l’antiquité, l’empire punique, véritable puissance maritime méditerranéenne, entretenait de bonnes relations commerciales avec l’Empire du Milieu. Les puniques, génies commerçants, partageaient avec les chinois un intérêt commun pour le commerce, et ce dans le cadre des anciennes routes de la soie. Ainsi, les relations entre la Tunisie et la Chine s’inscrivent dans une histoire riche et lointaine.
Néanmoins, cette richesse demeure mal exploitée et dévalorisée. En effet, la Tunisie a été le dernier Etat maghrébin à reconnaître la République Populaire de Chine, et ce en 1964. Sous le régime Bourguibien, la relation entre Pékin et Tunis était plutôt distante et antagoniste. Sa politique anti-communiste et pro-occidentale a rendu difficile le rapprochement entre les deux parties. Ces récurrentes mésententes sur les questions diplomatiques n’ont pas empêché l’établissement des liens commerciaux, et ce depuis 1958. Toutefois, la Tunisie voyait son destin intimement lié à celui de l’occident, avec qui elle entretenait des relations diplomatiques et commerciales très denses. Cela se traduit aujourd’hui par une relation commerciale sino-tunisienne longtemps restée la moins développée au Maghreb.
Contrairement au Maroc et l’Algérie, la Tunisie s’est aperçue très tardivement de l’importance du géant asiatique. En aspirant à développer une coopération plus fructueuse, la Tunisie a dévoilé son intention d’intégrer le projet BRI dès 2017 lors d’une visite officielle du ministre tunisien des affaires étrangères à Pékin. Divers accords ont été alors signés et sont en cours de réalisation, notamment dans le secteur du tourisme et des infrastructures.
Le tourisme qui constitue un des piliers de l’économie tunisienne est un terrain favorable pour une coopération sino-tunisienne développée. En effet, environs 180 millions de chinois voyageaient à travers le monde en 2018, et quelques 280 millions en 2030. La hausse du nombre de touristes chinois et le développement du secteur touristique touche considérablement le continent africain, suite aux plusieurs accords conclus entre les deux parties. La Tunisie, face à la détérioration des ressources du tourisme, tente de se faire connaître auprès du marché touristique chinois, en pleine expansion. Ainsi, en 2017, la Tunisie a enregistré une croissance de 150% en termes de touristes chinois[1] par rapport à 2016. Pour accompagner ce flux touristique et le stimuler davantage, des mesures préférentielles pour les touristes chinois ont été mis en place tel que l’annulation des frais de visas depuis 2017, renforcée par une mesure plus large adoptée en 2023 supprimant l’obligation de visa pour tous les visiteurs chinois. Le gouvernement tunisien compte également ouvrir une voie aérienne directe entre Pékin et Tunis, une façon de développer le marché chinois. Il est à noter que cette intention a été dévoilé depuis 2012, mais sa réémergence vient dans un cadre post-pandémique où le secteur touristique tunisien bas son record le plus bas. Le tourisme chinois est alors une façon de relancer le tourisme du pays, et donc son économie.
S’agissant du volet culturel de la BRI, le premier institut Confucius en Tunisie a été inauguré en 2019. D’après l’ambassadeur chinois, « cette étape marque un progrès important en Tunisie dans le cadre de la mise en œuvre des actions de suivi du Sommet de Beijing du Forum sur la coopération sino-africaine et renforce la coopération bilatérale dans le cadre de l’Initiative la Ceinture et la Route ».
Dans le secteur des infrastructures, il convient de citer à titre non exhaustif : l’hôpital universitaire à Sfax inauguré en 2020, le doublement du canal Medjerda-Cap Bon déjà construit par la Chine, le bâtiment de l’archive nationale, la rénovation de la maison des jeunes d’El Menzeh achevée en 2017, la construction d’un centre culturel à Ben Arous, de cinq hôpitaux au Nord-Ouest du pays et de l’Académie Diplomatique. Plus récemment, de nouveaux projets ont émergé, tels que l’étude d’un centre d’oncologie à Gabès, la création d’une cité médicale à Kairouan et la livraison de 300 bus chinois à la société publique de transport Transtu pour le Grand Tunis. Des discussions sont aussi en cours autour de la réhabilitation du Stade Olympique d’El Menzah avec un appui chinois.
Il faut aussi mentionner le projet de transformation du port de Zarzis en un centre économique et commercial s’étalant sur 1000 hectares regroupant un pont de Boughrara à l’île de Djerba, un pôle technologique, un projet d’une ligne ferroviaire Médnine-Zarzis, une zone logistique Ben Guerdane et un parc d’activités économiques à Zarzis. Ce port revêt une importance stratégique ; il est à 70 Km de la Lybie, à 200 Km de l’Algérie et à 2 heures de l’Europe depuis l’aéroport Djerba-Zarzis. Dès l’achèvement prévu en 2022 du segment routier entre Gabès-Mednine, la zone sera aussi reliée à l’autoroute transmagrébine. Le projet permettra alors un développement économique très important pour la région Sud de la Tunisie, pauvre en investissements étrangers. Il constituera, en outre, une porte d’entrée vers la Lybie, marché en pleine reconstruction. Toutefois, il n’est pas surprenant de voir le projet du port Zarzis être constamment retardé, tout comme le projet du port Enfidha qui traine depuis 2009. Les causes sont certainement multiples, mais l’absence d’une politique de développement claire et l’instabilité politique que connaît le pays depuis 2011 pèse lourdement sur les projets d’investissement étranger.
Cependant, le développement du port de Bizerte pourrait constituer un avantage pour l’insertion de la Tunisie au sein du projet des nouvelles routes de la soie maritime. Si le port de Tanger contrôle le détroit de Gibraltar, le port de Bizerte contrôle le détroit de Sicile reliant la Méditerranée orientale à la Méditerranée occidentale. Parfaitement au cœur de la Méditerranée contrôlant les voies menant au Moyen-Orient, l’Europe et l’Asie, Bizerte pourrait devenir un hub commercial à mi-chemin du canal de Suez, de la mer Noire et de l’Atlantique.
En effet, des compagnies chinoises ont dévoilé leur intention de développer un port en eaux profondes de troisième génération à Bizerte depuis 2018. Toutefois, ce n’est pas seulement la Chine, c’est aussi les Etats-Unis et la France. Le port de Bizerte est alors pris au cœur de la rivalité entre Pékin et Washington qui se concurrencent pour son développement. Quant à Paris, elle met en œuvre tous les moyens pour freiner la montée en puissance de ce port de peur qu’il menace son hub commercial, Marseille.
Outre les caractéristiques citées plus haut, le port de Bizerte se situe le long d’un câble sous-marin stratégique de fibre optique reliant les Etats-Unis, l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie. Ainsi, toute tentative de contrôler le port signifierai le contrôle évident des flux de données entre l’Asie et l’Europe dans un cadre mondial où l’accès au renseignement stratégique représente une priorité de sécurité nationale. Dans ce contexte, les Etats-Unis mettent en œuvre tous les moyens d’épargner la Chine du projet de développement du port de Bizerte.
Dans un contexte technologique, élément structurant de la rivalité sino-américaine, la Tunisie a dévoilé son intention de conclure un accord sur l’implémentation de la cinquième génération avec la Chine. En réponse, l’ambassadeur américain Donald Blome en Tunisie a publié un article d’opinion pour dévoiler les risques de coopérer avec l’entreprise chinoise Huawei : « Aucun pays ne devrait confier ses réseaux à des entreprises redevables à des gouvernements autoritaires. Huawei, à titre d’exemple, est soumise à la loi chinoise relative au renseignement national, ce qui signifie qu’elle doit remettre toute donnée au gouvernement du Parti communiste chinois sur demande. Huawei a été inculpée par les tribunaux fédéraux américains et encourt des poursuites pénales aux États-Unis pour fraude, racket et conspiration pour vol de secrets commerciaux à des entreprises basées aux États-Unis ».[2]
En effet, la Tunisie, à l’instar du Maroc et plusieurs autres Etats, a subi une pression américaine visant à faire éradiquer le géant Huawei du marché de la cinquième génération. Malgré cela, la Chine reste un partenaire technologique potentiel, et la compétition géopolitique influence directement les choix tunisiens.
Sur le plan militaire, la Chine a apporté son soutien à la Tunisie dans le cadre de sa lutte contre le terrorisme, souci commun, par le biais de dons militaires. Il ne s’agit nullement de coopération militaire, mais plutôt de soutien en vue d’un développement des relations tuniso-chinoises. La Tunisie a même appelé en 2017 à élever le statut du partenariat au rang de partenariat stratégique, chose qui ne semble plus être à l’ordre du jour.
Depuis 2024, la coopération économique s’est renforcée. Les échanges commerciaux bilatéraux ont atteint 9,2 milliards de dinars tunisiens en 2024, en hausse de 8 % par rapport à 2023. Mais le déséquilibre demeure marqué : durant les cinq premiers mois de 2025, les importations en provenance de Chine ont bondi de 42,7 % et représentent désormais 14 % du total des importations tunisiennes. En juillet 2025, la Chine a officiellement dépassé l’Italie et la France pour devenir le premier fournisseur de la Tunisie. Des accords d’investissement d’une valeur de 490 millions de dollars ont été signés récemment, incluant le secteur bancaire, les nouvelles technologies et la construction d’un centre commercial près de Tunis. La Chine manifeste également un intérêt croissant pour les secteurs minier et industriel tunisiens, avec des projets de rachat d’usines et d’unités de production.
La Tunisie, de son côté, cherche à mieux valoriser ses exportations vers la Chine. Selon le Cepex, environ 214 millions USD d’exportations potentielles restent inexploitées, notamment pour l’huile d’olive, les dattes et les produits de la pêche. Des délégations chinoises venues de Wuhan et d’autres provinces explorent déjà ces pistes.
En guise de conclusion, la coopération sino-tunisienne n’est plus seulement à son début mais entre dans une phase de consolidation. Elle s’annonce prometteuse et fructueuse mais demeure fragile et sous-exploitée à cause de la persistance de plusieurs failles dans la politique tunisienne. Il convient de soulever que les différentes orientations éparpillées prises à l’égard de Beijing ne représentent pas une stratégie claire au service d’un projet global, à l’instar du Maroc. L’intégration du Maroc au sein de la BRI émane certainement d’une forte volonté politique, mais aussi de son attractivité et de sa capacité à faire valoriser ses atouts à l’égard de Pékin. Les faibles performances de la Tunisie en termes de connectivité, de logistiques et d’infrastructures représentent de véritables handicaps pour son insertion au sein des chaînes de valeurs mondiales, et par voie de conséquence au sein de la BRI.
Toutefois, la signature en préparation d’un accord de partenariat global sino-tunisien et l’intérêt croissant de la Chine pour les infrastructures, la santé et l’industrie tunisiennes pourraient marquer un tournant stratégique. La Tunisie pourrait ainsi se positionner comme un pivot régional entre l’Afrique, le monde arabe et la Chine. L’Asie-Pacifique constitue indiscutablement le centre de gravité du monde d’aujourd’hui. Rester méconnaissant de cet espace stratégique signifie être à la périphérie du monde de demain, être voué à l’oubli. Autrement formulé, la fine connaissance de l’Empire
Par Donia Jemli et Adrien MUGNIER
[1] Oumar Diagana, Tunisie-Chine : plus d’un demi-siècle d’amitié et de partenariat gagnant-gagnant. Espace Manager. 2019.
[2] Donald Blome, De bonnes décisions en 5G aujourd’hui permettront de protéger la sécurité et la vie privée de tous les tunisiens : Article d’opinion par l’ambassadeur des Etats-Unis en Tunisie Donald Blome. Ambassade des Etats-Unis en Tunisie. 2020.
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11.09.2025 à 09:44
Le projet SimFer, implanté sur le site de Simandou en Guinée, est désormais officiellement lancé.
L’article Simandou : lancement officiel du projet minier SimFer en Guinée est apparu en premier sur Observatoire Français des Nouvelles Routes de la Soie.
Le projet SimFer, implanté sur le site de Simandou en Guinée, est désormais officiellement lancé. Il est piloté par une coentreprise regroupant la China Railway Construction Corporation (CRCC) et CHALIECO, deux géants chinois du secteur minier et industriel.
Avec ce démarrage, l’exploitation minière va progressivement monter en puissance. L’objectif fixé est ambitieux : atteindre une production annuelle de 60 millions de tonnes de minerai de fer. Une telle capacité place le projet parmi les plus importants développements miniers du continent africain.
Pour la Guinée, ce projet est porteur de développement économique, de création d’emplois et d’infrastructures. Pour la Chine, il s’agit d’un moyen de sécuriser un approvisionnement stable en minerai de fer, indispensable à son industrie sidérurgique et à ses projets d’infrastructures massifs.
Le lancement du projet SimFer devrait renforcer le rôle de la Guinée comme acteur majeur dans le secteur minier mondial. À l’échelle internationale, l’arrivée progressive de volumes aussi importants pourrait influencer les prix du minerai de fer et renforcer les chaînes d’approvisionnement mondiales.
Face à cette montée en puissance, la Guinée devra néanmoins se positionner face à des concurrents établis sur le marché du minerai de fer, notamment l’Australie et le Brésil, qui dominent actuellement la production mondiale grâce à des groupes comme Rio Tinto, Vale et BHP. Ces pays disposent d’infrastructures portuaires et logistiques plus développées, mais le potentiel inexploité de Simandou confère à la Guinée un avantage stratégique. Si elle parvient à surmonter les défis liés au transport et à la gouvernance, la Guinée pourrait devenir un acteur incontournable dans la compétition mondiale.
Le projet SimFer illustre la coopération économique croissante entre la Guinée et la Chine. En plus de dynamiser l’économie locale, il consolide la place de la Guinée dans le marché mondial des matières premières et ouvre de nouvelles perspectives pour les investissements étrangers.
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11.09.2025 à 08:40
La Chine et le Qatar renforcent leur partenariat stratégique, avec une coopération historique dans le commerce, le développement et la recherche de paix au Moyen-Orient
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« Nous devons nous engager dans le respect mutuel et la coopération gagnant-gagnant pour porter les relations Chine-Qatar vers de nouveaux sommets, car la Chine et le Qatar sont tous deux des pays épris de paix », a souligné jeudi Wang Ying, chargée d’affaires de Chine, lors d’un discours à l’ambassade de Chine à Doha.
Elle a rappelé que « sous l’impulsion stratégique du président Xi Jinping et de Son Altesse l’Émir Sheikh Tamim bin Hamad bin Khalifa al Thani, le partenariat stratégique Chine-Qatar a traversé une période dorée de 11 ans de développement. Actuellement, la relation Chine-Qatar se situe à son plus haut niveau historique et constitue un modèle de coopération amicale entre nations. »
Elle a ajouté que « la Chine et le Qatar se sont soutenus mutuellement sur des questions touchant aux intérêts fondamentaux et aux grandes préoccupations de chacun, tout en poursuivant des voies de développement adaptées à leurs conditions nationales. »
Sur le plan économique, « le volume des échanges bilatéraux est passé de 10,6 milliards de dollars en 2014 à 24,22 milliards en 2024, soit une croissance de plus de 128 %. Depuis 2020, la Chine demeure le premier partenaire commercial du Qatar et sa première destination d’exportation pour la cinquième année consécutive. La coopération sino-qatarie repose sur une forte complémentarité et génère des bénéfices concrets pour les deux peuples. »
Concernant la crise de Gaza, elle a rappelé que « la Chine et le Qatar défendent conjointement la justice et s’emploient à atténuer les souffrances du peuple palestinien. Le Qatar a joué un rôle central dans la médiation, permettant deux cessez-le-feu et la libération d’otages, salués par la communauté internationale. »
Elle a souligné que la Chine « a toujours maintenu une position objective et équitable, œuvrant à préserver la paix et la vie humaine. Pékin a soutenu l’adoption de la première résolution de cessez-le-feu au Conseil de sécurité de l’ONU, favorisé le dialogue de réconciliation et la signature de la Déclaration de Pékin par 14 factions palestiniennes, tout en fournissant plusieurs lots d’aide humanitaire à Gaza. »
Enfin, Wang Ying a déclaré : « La crise humanitaire à Gaza ne doit pas perdurer et la question palestinienne ne peut être une nouvelle fois marginalisée. Les aspirations légitimes du peuple arabe doivent être respectées au plus vite et la voix juste du monde islamique entendue. La solution à deux États demeure la seule issue viable pour le Moyen-Orient. »
Elle a conclu : « La Chine est prête à travailler avec le Qatar pour renforcer la synergie de leurs stratégies de développement, promouvoir une communauté de destin partagé pour l’humanité, défendre l’équité et la justice internationales, progresser vers la prospérité nationale et offrir davantage de bénéfices à leurs peuples. »
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