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02.07.2025 à 12:13

La suspension d’une partie de l’aide militaire américaine à Kiev pourrait durement impacter les capacités de défense ukrainiennes

Marin Saillofest

Parmi les armements et munitions dont les livraisons à l’Ukraine ont été suspendues hier, mardi 1er juillet, par le Pentagone, figurent plusieurs systèmes utilisés quotidiennement par l’armée ukrainienne pour repousser les attaques de drones russes. Ces derniers incluent notamment des intercepteurs Patriot ainsi que des lance-missiles Stinger.

Si cette « pause » décidée par le Pentagone venait à se transformer en un arrêt prolongé voire définitif des livraisons, les capacités d’interception de Kiev seraient durement impactées.

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Texte intégral (935 mots)

Hier, mardi 1er juillet, le département de la Défense américain a annoncé avoir « mis en pause » certaines livraisons d’armes et munitions destinées à l’Ukraine. Cette décision aurait été prise suite à un examen des stocks de l’armée américaine, qui aurait atteint des niveaux jugés trop faibles pour certains systèmes.

  • Le Pentagone n’a pas fourni la liste des armes qui seraient impactées par cette pause, ni le nombre d’unités qui auraient initialement dû être livrées.
  • Selon le Wall Street Journal, sont concernées des livraisons qui se trouvaient en Pologne au moment de la décision et qui contenaient des missiles intercepteurs pour les systèmes Patriot, des missiles air-sol Hellfire, des missiles sol-air Stinger ainsi que des munitions air-air AIM notamment tirées par les F-16 ukrainiens 1.
  • D’autres publications font également mention de plusieurs milliers d’obus d’artillerie de 155mm, plus de 250 roquettes GMLRS ainsi que des lance-roquettes AT4 2.

Une part importante de ces munitions, notamment les missiles intercepteurs utilisés par les Patriot ainsi que les lance-missiles Stinger, sont utilisés quotidiennement par l’armée ukrainienne pour lutter contre les frappes de drones russes. Si cette « pause » décidée par le Pentagone venait à se transformer en un arrêt prolongé voire définitif des livraisons, les capacités d’interception de Kiev seraient durement impactées. 

  • Il s’agit de la deuxième fois en l’espace de quelques semaines que le département de la Défense ordonne de suspendre partiellement l’aide militaire à l’Ukraine.
  • Au début du mois de juin, Washington avait discrètement informé le Congrès de sa décision de rediriger de l’Ukraine vers ses forces au Moyen-Orient des kits de guidage laser APKWS utilisés par Kiev pour abattre des drones Shahed 3.
  • Dans les deux cas, l’administration Trump est susceptible de violer une nouvelle fois l’Impoundment Control Act de 1974, une loi qui vise à empêcher le président de bloquer ou de retarder l’allocation de financements autorisés par le Congrès. Le Government Accountability Office a accusé le 16 juin la Maison-Blanche d’avoir violé ce texte à deux reprises 4.
  • L’argument vraisemblablement avancé par Washington, et formulé auprès de médias américains par le sous-secrétaire à la Défense Elbridge Colby, l’artisan de la décision, consiste à faire valoir une certaine flexibilité dans les équipements livrés en cas de stocks jugés insuffisants pour assurer la défense des États-Unis.
  • Le département de la Défense pourrait potentiellement invoquer la section 831 du National Defense Authorization Act pour l’année fiscale 2024.

Cette suspension intervient alors que les frappes aériennes de drones russes contre l’Ukraine se sont considérablement intensifiées ces dernières semaines. L’armée russe a lancé près de 5 000 drones contre l’Ukraine en juin, soit 15 fois plus qu’au cours de la même période en 2024. En conséquence, le taux d’interception par Kiev est en baisse : celui-ci se situait juste au-dessus de 50 % en juin, alors qu’il était en moyenne supérieur à 80 % en 2023-2024.

Sources
  1. U.S. Halts Key Weapons for Ukraine in New Sign of Weakening Support for Kyiv », The Wall Street Journal, 1er juillet 2025.
  2. Pentagon halts weapons shipment to Ukraine amid concerns over U.S. stockpile », NBC News, 2 juillet 2025.
  3. США перенаправили компоненти до APKWS обіцяні Україні на Близький Схід – WSJ », Мілітарний, 5 juin 2025.
  4. Institute of Museum and Library Services—Applicability of the Impoundment Control Act to Reduction of Agency Functions, U.S. Government Accountability Office, 16 juin 2025.
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02.07.2025 à 10:35

Comment taxer les ultrariches ? Cadrer le débat sur l’impôt plancher

Matheo Malik

Adoptée à l’Assemblée, rejetée pour l’instant au Sénat : le parlement votera-t-il la « taxe Zucman » qui prévoit une imposition minimale sur le patrimoine des ultrariches en France ?

Depuis qu’elle est débattue, le constat sur lequel repose cette proposition — les milliardaires sont moins imposés que les Français en moyenne — a suscité de multiples objections, d’ordre économique et politique.

Son inspirateur, l’économiste Gabriel Zucman, y répond en détail.

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Texte intégral (4304 mots)

L’Assemblée nationale a voté en février la création d’un impôt plancher soumettant les contribuables possédant plus de 100 millions d’euros de patrimoine à une taxe minimale égale à 2 % de leur fortune 1. Bloqué pour le moment par le Sénat, ce texte devrait revenir très vite dans la discussion parlementaire 2. Il est en effet désormais clair que l’imposition des ultra-riches a un rôle à jouer dans la résolution de l’équation budgétaire de la France, du simple fait des masses en jeu : la richesse des 500 plus grandes fortunes recensées par le magazine Challenges avoisine aujourd’hui l’équivalent de 40 % du PIB 3, contre 6 % en 1996, première année du classement. 

À mesure que le débat monte en puissance, les adversaires de l’impôt plancher se mobilisent — et cela va continuer.

La première salve a été tirée sur le réseau social X (ex-Twitter) par les économistes Sylvain Catherine, François Geerolf et Antoine Lévy qui prétendent remettre en cause le constat selon lequel les milliardaires sont nettement moins imposés que la moyenne des Français 4.

Leurs arguments sont infondés.

52 % vs. 26 % : des chiffres incontestables 

Rappelons les faits. Les Français s’acquittent en moyenne de 52 % de leurs revenus en impôts et cotisations sociales, tous prélèvements compris. Nul mystère à cela : il s’agit du montant total de prélèvements obligatoires collecté par la puissance publique 5, rapporté au revenu national net de la France — c’est-à-dire à l’ensemble des revenus touchés par les Français, quelle que soit leur nature : salaires, intérêts, revenus tirés de la détention d’entreprise, etc. Ces deux montants, publiés par tous les organismes statistiques internationaux (OCDE, Eurostat, etc.), sont incontestables. 

Pour 1 euro gagné par les milliardaires, 26 centimes environ vont aux charges communes, contre 52 centimes pour un euro gagné par un Français moyen.

Gabriel Zucman

Ce niveau d’imposition relativement élevé correspond à nos choix de société en matière d’éducation, de santé, de retraites et de solidarité nationale. Des choix dont il faut se réjouir, car tout laisse à penser qu’ils ont eu un rôle décisif dans la croissance considérable de la productivité depuis un siècle, l’avènement d’une société plus égalitaire et le progrès de la démocratie.

Pour les milliardaires, cependant, le taux de prélèvements obligatoires s’effondre à 26 % environ tout compris. Chacun peut à nouveau le vérifier en consultant l’étude de l’Institut des Politiques Publiques sur le sujet 6, menée en partenariat avec l’administration fiscale, dont l’objectivité et la rigueur sont reconnues. 

Concrètement, cela signifie que pour 1 euro gagné par les milliardaires — quelle que soit la façon dont cet euro est perçu — 26 centimes environ vont aux charges communes, contre 52 centimes pour un euro gagné par un Français moyen. 

52 % contre 26 %  : la réalité ne pourrait pas être plus simple ni plus limpide. Comment donc la nier  ? Il faut pour cela soit contester le taux de 52 %, soit réfuter celui de 26 %, soit prétendre que ces deux taux ne peuvent pas être comparés l’un à l’autre. 

Ce serait  peine perdue car ces deux chiffres sont à la fois exacts — au-delà des marges d’erreurs inhérentes à toute statistique économique, qui en l’occurrence sont faibles — et comparables. 

Comprendre le taux d’imposition moyen

Commençons par les arguments avancés pour contester le taux moyen de 52 %. 

Ils sont de trois types et consistent soit à ignorer certains prélèvements, soit à soustraire des impôts payés les dépenses publiques perçues, soit à remettre en cause le calcul du revenu utilisé au dénominateur de ce taux. Ces arguments méritent d’être entendus, afin que chacun puisse comprendre  leur faiblesse.

Pourquoi exclure certains prélèvements n’a pas grand sens

Sans surprise, on peut réduire le taux moyen de 52 % en sortant certains prélèvements du champ des prélèvements obligatoires. Si l’on exclut par exemple les cotisations retraites, alors le taux d’imposition du Français moyen tombe à 41 % environ. Si l’on oublie en plus la TVA, alors ce dernier tombe à 32  %. En grignotant assez, on peut finir par tomber sous les 26 %.

Mais ces soustractions n’ont guère de justification.

Il n’y a en effet pas de raison valable d’exclure tel prélèvement ou tel autre, pas même les cotisations retraite. Tous les organismes statistiques du monde les y incluent et les économistes conservateurs le font évidemment toujours eux-mêmes quand il s’agit de dénoncer le poids de l’impôt en France. Les cotisations retraite sont certes associées à des transferts, mais c’est le cas pour tous les impôts et toutes les cotisations : la puissance publique ne brûle pas l’argent qu’elle collecte, fort heureusement, mais le dépense — en pensions de retraites, services de santé et d’éducation, etc.

Il y a des différences de degré — certains prélèvements, comme les cotisations retraite, sont plus directement associés à des transferts individuels que d’autres — mais pas de nature. Tous ces prélèvements s’imposent aux ménages, qu’ils les approuvent ou non, et le lien entre prélèvements et transferts n’est jamais parfait — même pour les retraites, loin s’en faut.

L’approche suivie par les chercheurs qui s’intéressent à la distribution des taxes — depuis les travaux pionniers de Gerhard Colm et Helen Tarasov aux États-Unis dans les années 1940 7 — consiste donc à inclure tous les prélèvements, car c’est la démarche qui minimise l’arbitraire statistique. Et c’est bien ce que fait l’INSEE dans ses propres Comptes nationaux distribués, qui montrent que toutes les catégories sociales — à l’exception des ultra-riches, non couverts par la statistique publique — paient entre 40 % et 55 % de leurs revenus en impôts et cotisations. 

À nouveau, nul mystère là-dedans  : cela reflète l’importance de la TVA, des cotisations sociales et de la CSG/CRDS, qui pèsent lourd pour tous les déciles de la distribution des revenus.

Soustraire les dépenses publiques : un raisonnement trompeur

Deuxième technique pour réduire le taux de 52 % : soustraire les dépenses publiques, ou certaines d’entre elles, du montant d’impôt payé.

Cette stratégie consiste concrètement à remplacer l’analyse de la progressivité du système fiscal — l’ensemble des prélèvements obligatoires perçus par un État — par celle du caractère redistributif ou non de l’intervention de l’État dans l’économie — taxes plus dépenses publiques. Autrement dit, à déplacer l’attention de la question des impôts vers celle de la dépense. Les milliardaires paient peu d’impôt  ? « Oui, mais les catégories plus modestes bénéficient de la solidarité nationale  ! ». Les dépenses publiques étant nettement plus progressives que les prélèvements obligatoires — pour schématiser, les impôts sont proportionnels au revenu, là où les dépenses s’approchent davantage d’une somme forfaitaire par tête — ce déplacement de l’analyse conduit évidemment à altérer complètement le tableau d’ensemble.

Il ne s’agit en partie que d’un écran de fumée rhétorique, car taxes et dépenses publiques constituent des objets distincts. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen pose le principe de l’égalité devant les charges publiques en son article 13 mais ne dit rien au sujet de la distribution de la dépense par exemple. La question de l’égalité devant l’impôt est au cœur du contrat social depuis la Révolution française, et tout démontre que la distribution des prélèvements obligatoires — indépendamment de la façon dont ces derniers sont utilisés — joue un rôle fondamental dans la cohésion sociale et la confiance dans les institutions.

La prise en compte des dépenses va néanmoins un peu au-delà du simple tour de passe-passe sémantique.

Dans l’approche économique de base, il n’existe en effet aucune différence entre un impôt et un transfert monétaire, formalisé comme un impôt négatif. Quand il s’agit d’expliquer les choix individuels — d’offre de travail, par exemple — c’est le montant d’impôt payé net des transferts perçus qui constitue la variable pertinente dans les modèles micro-économiques. 

La question de l’égalité devant l’impôt est au cœur du contrat social depuis la Révolution française, et tout démontre que la distribution des prélèvements obligatoires joue un rôle fondamental dans la cohésion sociale et la confiance dans les institutions. 

Gabriel Zucman

Cette perspective a de réelles limites  : en pratique, les ménages ne perçoivent pas les transferts comme des impôts négatifs, et cela pour de bonnes raisons : par exemple parce que les taxes sont déduites immédiatement, là où les transferts sont souvent payés avec un décalage et un certain degré d’incertitude — n’importe qui ayant eu affaire à la CAF a pu en faire l’expérience. 

Mais prenons néanmoins au sérieux l’approche qui soustrait les transferts des impôts payés.

On constate que l’injustice fiscale demeure : même en retirant tous les transferts monétaires qu’on peut assimiler à un impôt négatif (prime d’activité, allocations familiales, assurance chômage, aides au logement, revenu de solidarité active, etc.), les milliardaires continuent à payer nettement moins d’impôts et cotisations (26 %) que le Français moyen — 45 % net de toutes les prestations famille, emploi, logement, pauvreté et exclusion sociale 8 — et bien moins que la plupart des déciles de la distribution. 

On peut bien sûr continuer à grignoter : en soustrayant en outre les dépenses de retraite, le taux de prélèvements obligatoires net de transferts tombe à 28 % pour le Français moyen (ce qui reste supérieur au taux des milliardaires) ; et si l’on enlève tout le reste (santé, éducation, police, défense, justice, etc.), le taux moyen tombe sous la barre des 0 % : en l’occurrence — 6 %, c’est-à-dire le niveau du déficit public. Cette arithmétique n’est pas inintéressante — j’y ai moi-même contribué en participant à produire la première analyse de la distribution de l’ensemble des dépenses publiques américaines 9. Elle a le grand mérite de rappeler que la dépense publique réduit fortement les inégalités, ce dont il faut se réjouir – c’est bien pour cela que la question de l’impôt, qui permet cette dépense, est si importante à mes yeux. Les ménages les plus pauvres sont bénéficiaires nets de la redistribution — les dépenses publiques dont ils bénéficient sont supérieures aux prélèvements dont ils s’acquittent — et c’est heureux.

Mais tout cela n’enlève rien au problème de base, à savoir que le système fiscal français échoue à faire contribuer les milliardaires aux charges communes.

Même net des transferts perçus, ces derniers paient moins que les contribuables situés en dessous d’eux — les cadres supérieurs, pour simplifier. Sur ce point, tout le monde est d’accord. Or c’est le coeur du problème, car cet échec pose un problème évident  : comment mettre à contribution les personnes aisées — ce qui, compte tenu de l’ampleur des déficits et de nos besoins d’investissement, est essentiel — tant que les ultra-riches se soustraient à la solidarité nationale  ? C’est précisément le problème économique et politique fondamental que l’impôt plancher sur les ultra-riches vise à résoudre.

Le calcul du revenu moyen et ses pièges

Une troisième technique est mobilisée pour nier le taux d’imposition moyen de 52 %  : contester la mesure du revenu, c’est-à-dire du dénominateur de ce taux. 

A priori, c’est peine perdue : personne ne peut contester que le revenu national net de la France — c’est-à-dire le PIB net de la dépréciation du capital et après ajout des revenus nets de l’étranger, soit l’ensemble des revenus perçus par les Français quelle que soit la façon dont ils le touchent — s’élève à 2 440 milliards d’euros en 2024, chiffre que chacun peut calculer en utilisant la comptabilité nationale de l’Insee 10.

Les choses se compliquent quand il s’agit de calculer le revenu national des différents groupes sociaux. Dans la littérature académique sur la comptabilité nationale distribuée, les taux d’imposition sont typiquement exprimés en pourcentage du revenu national après prise en compte des pensions de retraite et de l’assurance chômage, mais avant intégration des autres prestations sociales (allocations familiales, revenu de solidarité active, etc.). Cela pose un problème conceptuel : un individu qui ne percevrait que des minima sociaux se verrait attribuer un taux d’imposition infini — car il s’acquitterait de la TVA sur un revenu nul.

Les économistes qui se sont exprimés sur X crient au scandale : pour eux c’est la preuve que les chiffres sont biaisés.

Ils semblent ignorer que de nombreux chercheurs se sont penchés avant eux sur le sujet y ont apporté des réponses claires. L’Insee, par exemple, ajoute les prestations sociales au revenu pour le calcul des taux d’imposition, et trouve que tous les vingtiles de la distribution paient entre 40 % et 55 % de leurs revenus en impôts et cotisations (voir à nouveau la figure reproduite supra). D’autres approches sont possibles — la méthode idéale soustrait des prestations sociales la fraction de celle-ci qui est absorbée par la TVA 11 — et conduisent à des résultats similaires.

Comment calcule-t-on le taux d’imposition des milliardaires ?

Reste enfin la contestation du taux de 26 % acquitté par les ultra-riches, obtenu par l’Institut des Politiques Publiques dans son étude « Quels impôts les milliardaires paient-ils ? » 12.

Comme le titre l’indique, le but de ce travail était d’estimer les taux effectifs d’imposition des plus grandes fortunes  ; ses auteurs se sont donc logiquement concentrés sur les impôts payés par ces dernières  : impôt sur le revenu, CSG/CRDS, impôt sur les sociétés, ISF (l’étude porte sur 2016, avant son abolition) et cotisations sociales non-contributives. La TVA, les cotisations retraite, la taxe d’habitation et la taxe foncière sont exclues du champ de l’analyse, car ces impôts sont infimes relativement au revenu des milliardaires — même la TVA, les milliardaires ne consommant qu’une toute petite fraction de leur revenu. Cela explique que le taux moyen d’imposition dans l’étude de l’IPP soit inférieur à 52  %. Une fois que les autres prélèvements sont réintégrés, le taux moyen redevient de l’ordre de 52  % sans que celui des milliardaires n’augmente significativement pour autant. 

Quand on prend en compte l’ensemble des prélèvements obligatoires, en suivant les définitions standard et universellement acceptées de ces termes, un écart d’imposition béant existe bel et bien entre les super-riches et le Français moyen.

Gabriel Zucman

À tout prendre, le taux de 26 % estimé par l’IPP est en réalité trop élevé, car il porte sur l’année 2016. Or l’essentiel des 26 % provient de l’impôt sur les sociétés, et depuis 2016 le taux nominal de ce dernier est passé en France de 33 % à 25  %. De plus, une grande partie de l’impôt sur les sociétés acquitté par les milliardaires français — à travers les sociétés qu’ils détiennent, L’Oréal, LVMH, etc. — est payée non pas en France mais à l’étranger, en particulier aux États-Unis. Or ces derniers ont également vu leur impôt sur les sociétés fondre, passant de 35 % à 21 % en 2018.

Tout porte donc à croire qu’une actualisation des chiffres de l’IPP conduirait donc à un taux plus faible.  

La pertinence d’une comparaison : oui, les milliardaires paient bien moins

Si les milliardaires français ne paient pas beaucoup d’impôt aujourd’hui, alors peut être en paieront-ils à l’avenir, par exemple au moment de futures distributions de dividendes  ?

Ce serait un petit lot de consolation, mais hélas cet argument est lui aussi erroné.

D’abord parce que si certains milliardaires s’acquittaient véritablement d’impôts élevés à un moment de leur cycle de vie, alors cela devrait se refléter dans le plan de coupe étudié par l’IPP. Ensuite parce qu’il n’y aucune raison de penser que les milliardaires débourseront des sommes importantes à quelque moment que ce soit. 

Leur principale technique d’optimisation consiste en effet à toucher des dividendes par l’intermédiaire de sociétés holding familiales, où ces dividendes ne sont pas fiscalisés. Les sommes ainsi perçues sont pour l’essentiel épargnées et réinvesties  : elles n’ont pas besoin d’être sorties des structures, car elles sont considérablement supérieures aux besoins de consommation individuelle des personnes concernées. Bien sûr l’épargne ainsi réalisée au sein des holdings augmente d’autant la valeur de ces dernières, créant de ce fait une plus-value latente. Mais cette plus-value est  effacée au moment des transmissions intergénérationnelles, ce qui garantit que ni les milliardaires eux-mêmes, ni leurs descendants n’auront à payer d’impôt sur le revenu sur les sommes correspondantes. 

La conclusion est claire  : quand on prend en compte l’ensemble des prélèvements obligatoires, en suivant les définitions standard et universellement acceptées de ces termes, un écart d’imposition béant existe bel et bien entre les super-riches et le Français moyen.

Bien sûr, si l’on enlève de l’analyse les plus gros impôts payés par les ménages modestes (TVA, cotisations sociales), alors l’écart se réduit. De même que si l’on ajoute aux impôts payés aujourd’hui par les milliardaires ceux qu’ils paieront (ou plutôt ne paieront pas) dans le futur.

Mais si l’on se contente plus rigoureusement de quantifier ce qui est effectivement payé par les différentes catégories sociales — tout ce qui est payé, mais rien que ce qui est payé — on retombe sur une vérité simple et limpide  : quelle que soit la façon dont on aborde le sujet, les ultra-riches sont nettement moins imposés que le reste de la population française dans son ensemble.

Sources
  1. Proposition de loi, n° 768 – 17e législature, Assemblée nationale.
  2. La « taxe Zucman » sur le patrimoine des ultrariches a été rejetée par le Sénat », Le Monde, 12 juin 2025.
  3. Les 500 plus grandes fortunes de France en 2024, Challenges.
  4. Nous partageons le constat qu’un impôt plancher sur les grandes fortunes est le plus efficace face à l’inégalité fiscale », Le Monde, 11 juin 2025.
  5. Taux de prélèvements obligatoires rapportés au produit intérieur brut, Insee.
  6. Quels impôts les milliardaires paient-ils ? », Note de l’IPP, juin 2023.
  7. Who Pays the Taxes ? Allocation of Federal, State, and Local Taxes to Consumer Income Brackets, U.S. Government Printing Office, 1940.
  8. Les dépenses de protection sociale accélèrent en 2023 en France, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.
  9. Distributional National Accounts : Methods and Estimates for the United States », The Quarterly Journal of Economics, vol. 133, Issue 2, mai 2018.
  10. Produit Intérieur Brut (PIB) et grands agrégats économiques en 2024, Les comptes de la Nation en 2024, Insee.
  11. cet article.
  12. Quels impôts les milliardaires paient-ils ? », Note de l’IPP, juin 2023.
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02.07.2025 à 08:27

À partir d’aujourd’hui, nous sommes plus proches de 2050 que de 2000

Marin Saillofest

À midi et une seconde aujourd’hui, mercredi 2 juillet, l’humanité se trouvera plus proche de la fin de 2050 que de l’an 2000.

Ce futur qui paraît encore si lointain et incertain sera ainsi plus proche d’un passé qui, pour certains — nous en sommes sûrs —, n’est pas encore vraiment passé.

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L’humanité s’apprête à franchir aujourd’hui un seuil très symbolique. À midi et une seconde, nous serons plus proches de la fin de l’année 2050 que de l’an 2000.

  • Entre le premier janvier 2000 et le 1er janvier 2050, il y a 18 263 jours en tenant compte de treize années bissextiles.
  • La moitié de cette période correspond à 9 131 jours et 12 heures.
  • Le point médian tombe donc précisément ce mercredi à midi pile.

Ce futur qui paraît encore si lointain et incertain sera ainsi plus proche d’un passé qui, pour certains, n’est pas encore vraiment passé. 

Au cours des 25 dernières années, l’humanité a pourtant connu de nombreuses transformations majeures, dont les grandes lignes peuvent être résumées en quelques chiffres clefs.

  • Seulement 6,7 % de la population mondiale utilisait Internet en 2000, contre 67,4 % aujourd’hui. Dans l’Union, ce chiffre est passé de 19,7 % à 90,2 %.
  • Tous les réseaux sociaux que nous utilisons chaque jour ont été créés après 2000 : Facebook (2004), YouTube (2005), Twitter/X (2006), Instagram (2010), TikTok (2016)… Il en est de même pour les services de streaming, comme Netflix ou Spotify.
  • Les premiers smartphones datent de 2007, avec l’Iphone de première génération, tandis que les ordinateurs personnels n’ont été commercialisés à large échelle qu’à partir de la fin des années 1990.
  • En 2000, le PIB de la Chine en dollars constants était inférieur à celui de l’Allemagne. Aujourd’hui, il est près de cinq fois supérieur.
  • Le trafic aérien mondial a plus que doublé en l’espace de 25 ans, et culmine aujourd’hui à 130 000 vols par jour.
  • La manière dont nous voyageons et appréhendons l’espace a elle aussi été bouleversée par l’émergence de compagnies low-cost et des réservations en ligne.
  • Les premières voitures électriques modernes, les cryptomonnaies et la blockchain, les vaccins à ARN messager, l’impression 3D, les objets connectés, les drones grand public, les banques numériques, les QR codes ou encore le paiement sans contact n’existaient pas avant l’an 2000 — ou, du moins, n’étaient pas disponibles à grande échelle.
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