17.06.2025 à 17:27
Alain Karsenty, Économiste de l’environnement, chercheur et consultant international, Cirad
Le paiement pour services environnementaux ou PSE est, selon sa définition officielle, un instrument économique pour l’environnement consistant en la rémunération d’une personne ou d’une organisation qui rend un service environnemental. Un dispositif de ce type a été créé par le gouvernement français, notamment à destination des agriculteurs. L’objectif : rémunérer les pratiques vertueuses contribuant à maintenir et à restaurer les services écosystémiques dont bénéficie toute la société.
D’ici le 1er septembre 2026, tous les États membres de l’Union européenne doivent élaborer leur plan de restauration de la nature. Il vise à enrayer l’érosion de la biodiversité et à revitaliser les écosystèmes sur l’ensemble du territoire. Une action politique qui met en lumière la notion de paiement pour service environnemental.
Les services environnementaux sont rendus à d’autres humains – où qu’ils soient dans le temps et l’espace – à travers une action intentionnelle visant à préserver, restaurer ou augmenter un service écosystémique. Un agriculteur qui stoppe l’usage de pesticides ou créé des îlots de plantes mellifères fournit un service environnemental qui va favoriser le service écosystémique de pollinisation rendu par les abeilles.
Quant aux services écosystémiques, ils sont définis par le Millenium Ecosystem Assessment comme « les bénéfices directs et indirects que les hommes retirent de la nature ». Certains insectes apportent un service de pollinisation, une formation végétale apporte des bénéfices en termes de régulation du ruissellement et de fixation du carbone.
Alors faut-il parler de paiements pour services écosystémiques ou pour services environnementaux ?
Si l’on se réfère aux travaux de l’évaluation française des écosystèmes et services écosystémiques (EFESE), il est plus logique de parler de paiements pour services environnementaux. L’EFESE distingue clairement deux notions :
Service écosystémique : fonction d’un écosystème dont l’utilisation permet de retirer un avantage – pour l’agriculteur, ou de manière plus générale pour la société.
Service environnemental : action ou mode de gestion d’un acteur, comme un agriculteur, qui améliore l’état de l’environnement en permettant l’augmentation d’un service écosystémique.
Muradian et ses collègues envisagent les paiements pour service environnemental comme « des transferts de ressources entre des acteurs sociaux, dans le but de créer des incitations pour aligner les décisions individuelles et/ou collectives quant à l’usage des sols avec l’intérêt social concernant la gestion des ressources naturelles ». Ils rémunèrent des personnes ou des entreprises pour un certain usage des terres que l’on associe, à tort ou à raison, à une amélioration des services écosystémiques.
Nous pouvons caractériser les paiements pour service environnemental à travers sept points clés :
Paiements directs : les paiements sont effectués directement aux prestataires de services environnementaux, souvent par le biais d’un intermédiaire comme un programme. Les bénéficiaires sont les usagers du foncier et des ressources dont les pratiques ont un impact direct sur les services écosystémiques. Les paiements peuvent être en argent, sous forme d’investissements ou de services, comme la sécurisation foncière. Le montant des paiements peut être négocié ou, le plus souvent, faire l’objet d’un barème fixé par le programme.
« Bénéficiaire-payeur » : les bénéficiaires directs ou indirects des services environnementaux – individus, communautés, entreprises, ou institutions agissant au nom de l’intérêt général – paient pour ces services.
Caractère volontaire et contractuel : les bénéficiaires des paiements adhèrent librement au programme à travers des accords contractuels qui les engagent pour une certaine durée. Mais le financement des PSE n’est pas forcément volontaire et peut être contraint (renchérissement des factures d’eau, redevances sur différents produits ou services, impôt).
Conditionnalité : les paiements dépendent de la fourniture continue des services environnementaux, au sens du respect des obligations contractuelles. Les paiements sont généralement basés sur la mise en œuvre de pratiques de gestion dont les parties conviennent contractuellement qu’ils sont susceptibles de donner lieu à ces avantages.
Ciblage : En général, les PSE sont concentrés sur certaines zones d’importance écologique et/ou menacée (ciblage géographique). Le ciblage social, c’est-à-dire le fait de réserver l’offre de PSE aux producteurs à faibles revenus ou à des populations autochtones, est moins pratiqué. Toutefois, quand les paiements se font sur une base surfacique, les montants versés sont souvent plafonnés ou dégressifs à partir d’un seuil de surface.
Additionnalité : les paiements sont effectués pour des actions qui vont au-delà de celles que les gestionnaires des terres accompliraient même en l’absence de paiements. Cette condition est controversée, car elle risque d’exclure des bénéfices des PSE des populations ou des producteurs aux pratiques déjà écologiquement vertueuses. En pratique, elle est rarement appliquée du fait des coûts de vérification, par rapport à un scénario business-as-usual. Il en va de même pour l’additionnalité légale. On ne devrait pas, en principe, rémunérer pour empêcher des pratiques déjà prohibées par les règlements, mais beaucoup de programmes de PSE le font néanmoins pour faciliter l’application des lois.
Sécurité foncière : un titre de propriété n’est pas une condition sine qua non. Les bénéficiaires des paiements doivent disposer au minimum d’un « droit d’exclusion » et de droits de gestion sur la terre dont ils sont les usagers.
La série « L’envers des mots » est réalisée avec le soutien de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France du ministère de la Culture
À découvrir aussi dans cette série :
Alain Karsenty ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
17.06.2025 à 08:20
Service Environnement, The Conversation France
Pour informer les consommateurs sur le bien-être des animaux d’élevage, plusieurs critères doivent être pris en compte. Julie Chiron, chef de projet évaluation des risques liés à la santé, l’alimentation et au bien-être des animaux, les a listés dans un article publié en février 2025 dont que vous reproposons ici en version courte.
Le bien-être animal s’est affirmé comme un fort enjeu de société ces dernières décennies. Une proposition d’étiquetage visant à informer les consommateurs de ce bien-être pour les animaux d’élevage est à l’étude au ministère de l’agriculture.
Une proposition d’étiquetage pour informer les consommateurs du bien-être des animaux d’élevage a récemment été soumise au ministère de l’agriculture ainsi qu’à l’Agence d’évaluation du risque européenne.
Plusieurs étiquettes existent en la matière en Europe et en France, mais aucune loi n’encadre les allégations qui peuvent y figurer. C’est pourquoi l’Anses a récemment formalisé les lignes directrices scientifiques sur lesquelles celui-ci devrait reposer.
La notion de bien-être animal a beaucoup évolué au cours de l’histoire. Dans le droit, l’animal a longtemps été considéré comme une chose. Du XIXe siècle aux années 1960, sa protection s’est longtemps limitée à condamner les actes de cruauté, aucune norme ne s’attachant aux conditions de vie des animaux d’élevage. Il faudra attendre la fin des années 1960 pour que de nouvelles lois promeuvent la démarche préventive, avec des obligations faites au propriétaire quant à la manière. L’enjeu : les protéger des mauvais traitements mais aussi leur garantir un niveau minimum de bien-être.
Le comité Brambell, mis en place par le gouvernement britannique à la suite des critiques émises contre l’intensification de l’élevage, a rendu son rapport en 1965. Il a mené à la formulation de cinq principes : absence de faim et de soif, absence d’inconfort et de douleur, absence de douleur et de maladie, absence de peur, de détresse et liberté d’expression d’un comportement normal de son espèce grâce à un environnement adapté.
Ceci a longtemps fait office de définition du bien-être animal, à tort. On reconnaît aujourd’hui aux animaux des capacités émotionnelles et cognitives, dont les besoins peuvent varier entre mêmes individus d’une même espèce ou d’un même élevage.
Cette prise en compte des émotions se démarque du concept de bientraitance, qui fait référence aux seules actions humaines positives envers l’animal. Or, si la bientraitance est une condition nécessaire, elle n’est pas suffisante.
L’Anses a donc proposé en 2018 une définition du bien-être animal comme « l’état mental et physique positif lié à la satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux, ainsi que de ses attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal. »
Quel périmètre retenir pour une étiquette du bien-être des animaux d’élevage ? L’Anses considère qu’il faut également s’intéresser à ceux utilisés pour la sélection et la multiplication des animaux utilisés dans l’élevage.
L’agence a pris en compte 14 critères couvrant six domaines (génétique, alimentation, environnement, santé, interactions comportementales et état mental). Certains sont centrés sur l’animal, et d’autres sur son environnement, car les indicateurs fondés uniquement sur l’environnement ne permettent que l’évaluation de la bientraitance. Un indicateur global a ainsi été proposé, qui agrège les scores obtenus pour les deux étapes de sélection/multiplication et d’élevage.
L’Anses propose aussi que le score final soit multi-niveaux pour refléter les situations variées des élevages, et surtout que la méthodologie de construction du score soit transparente afin d’en assurer la vérifiabilité.
Cet article a été édité par le service Environnement de The Conversation à partir de la version longue écrite par Julie Chiron, chef de projet évaluation des risques liés à la santé, l'alimentation et au bien-être des animaux, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.