16.04.2025 à 06:00
(Beyrouth) – Le gouvernement tunisien a fait de la détention arbitraire une pierre angulaire de sa politique répressive visant à priver les personnes de leurs droits civiques et politiques, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Les autorités devraient cesser de réprimer les personnes considérées comme critiques et libérer toutes celles qui sont encore arbitrairement détenues, pour la plupart uniquement pour avoir exercé leurs droits humains.
16 avril 2025 « Tous des comploteurs »Le rapport de 46 pages, intitulé « “Tous des comploteurs” : Comment la Tunisie se sert de la détention arbitraire pour écraser la dissidence », documente le recours accru des autorités à la détention arbitraire et aux poursuites judiciaires politiquement motivées afin d’intimider, punir et réduire au silence ceux qui les critiquent. Human Rights Watch a documenté les cas de 22 personnes incarcérées sur la base d’accusations abusives, y compris de terrorisme, en lien avec leurs déclarations publiques ou leurs activités politiques. Parmi elles se trouvent des avocats, des opposants politiques, des militants, des journalistes, des utilisateurs des réseaux sociaux et une défenseure des droits humains. Au moins 14 personnes détenues risqueraient la peine capitale si elles étaient reconnues coupables. En janvier 2025, plus de 50 personnes étaient incarcérées pour des motifs politiques ou pour avoir exercé leurs droits.
« Les autorités tunisiennes ne s’étaient pas livrées à une telle répression depuis la révolution de 2011 », a déclaré Bassam Khawaja, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Le gouvernement du président Kais Saied a fait replonger le pays dans une ère de prisonniers politiques, dérobant au peuple tunisien les libertés civiques qu’il avait arrachées de haute lutte. »
Depuis que le président Saied a pris le contrôle des institutions de l’État tunisien le 25 juillet 2021, les autorités ont fortement accru leur répression de la dissidence. Depuis début 2023, elles ont multiplié les arrestations et détentions arbitraires de personnes considérées comme critiques du gouvernement, ciblant des opposants de tous bords politiques.
Le président Saied attise le ciblage par les forces de sécurité et les autorités judiciaires de la dissidence, a constaté Human Rights Watch. Il a souvent accusé les personnes critiquant le gouvernement et ses adversaires politiques – sans les nommer – d’être des « traîtres » et même des « terroristes ».
Les autorités ont incarcéré les principaux adversaires politiques du président Saied, dont des figures connues de l’opposition, comme Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre (PDL), ou Rached Ghannouchi, ancien président du parti d’opposition Ennahda et ancien président du Parlement. D’autres personnalités comme l’avocate Sonia Dahmani ou le journaliste Mohamed Boughalleb ont également été détenues pour avoir critiqué les autorités.
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Le 2 mai 2024, 40 des 52 personnes initialement accusées, dont Akremi, ont été inculpées et déférées devant le tribunal en vertu de nombreux articles du Code pénal et de la loi antiterrorisme de 2015, dont certains passibles de la peine de mort. Human Rights Watch a consulté les 140 pages de l’ordonnance de clôture du juge d’instruction – clôturant l’instruction et renvoyant l’affaire renvoyée devant le tribunal –, qui indique que ces graves accusations paraissent sans objet et semblent fondées sur des éléments de preuve insuffisants. Les prétendues preuves se réduisent aux dépositions anonymes d’un « témoin » et d’un « informateur », à l’origine de l’enquête, ainsi qu’à des conversations privées sur des applications de messagerie entre militants, diplomates étrangers, journalistes et chercheurs. Le procès s’est ouvert le 4 mars 2025.
Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a publié en août 2024 un avis au sujet de l’incarcération d’Akremi et de sept autres personnes poursuivies dans cette affaire, confirmant qu’elles étaient bien détenues de façon arbitraire. Le Groupe de travail a appelé les autorités tunisiennes à les libérer immédiatement, à garantir leur droit à réparation et à enquêter sur les circonstances entourant leur arrestation et détention arbitraires.
Akremi est également poursuivi en raison d'une plainte déposée par la ministre de la Justice pour avoir critiqué la révocation arbitraire par le président Kais Saied de 57 magistrats en 2022, en lien avec une vidéo qu’il avait publiée sur Facebook. S’il est reconnu coupable, il risque jusqu’à quatre ans de prison au total, en vertu de l’article 128 du Code pénal, pour avoir « imputé à un fonctionnaire public des faits illégaux, sans en établir la véracité », et en vertu du code de l’article 86 du Code des télécommunications, pour avoir « nui aux tiers ou perturbé leur quiétude à travers les réseaux publics des télécommunications ».
Ridha Belhaj Click to expand Image Ridha Belhadj. © PrivéL’avocat et politicien Ridha Belhaj, 63 ans, a été arrêté le 24 février 2023, dans le cadre de la fameuse affaire dite « de complot ». Dans cette affaire, un juge d’instruction de Tunis a inculpé des avocats, des opposants politiques, des militants et des hommes d’affaires de complot visant à renverser l’autorité du président Saied en déstabilisant le pays. Le lendemain, un juge d’instruction du pôle antiterroriste du Tribunal de première instance de Tunis l’a interrogé sur ses liens et activités politiques avant de le placer en détention.
Le 2 mai 2024, 40 des 52 personnes initialement accusées, dont Belhaj, ont été inculpées et déférées devant le tribunal en vertu de nombreux articles du Code pénal et de la loi antiterrorisme de 2015, dont certains passibles de la peine de mort. Belhaj, qui n’a été entendu qu’une fois par le juge d’instruction, a été accusé d’avoir rencontré ou d’avoir eu des contacts avec des militants de l’opposition et des diplomates. Il était détenu depuis 24 mois au moment de la rédaction de ce rapport, dépassant la limite de 14 mois de détention provisoire prévue en droit tunisien.
Human Rights Watch a consulté les 140 pages de l’ordonnance de clôture du juge d’instruction – clôturant l’instruction est close et renvoyant l’affaire devant le tribunal –, qui indique que ces graves accusations paraissent sans objet et semblent fondées sur des éléments de preuve insuffisants. Les prétendues preuves se réduisent aux dépositions anonymes d’un « témoin » et d’un « informateur », à l’origine de l’enquête, ainsi qu’à des conversations privées sur des applications de messagerie entre militants, diplomates étrangers, journalistes et chercheurs. Le procès s’est ouvert le 4 mars 2025.
Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a publié en août 2024 un avis au sujet de l’incarcération de Belhaj et de sept autres personnes poursuivies dans cette affaire, confirmant qu’elles étaient bien détenues de façon arbitraire. Le Groupe de travail a appelé les autorités tunisiennes à les libérer immédiatement, à garantir leur droit à réparation et à enquêter sur les circonstances entourant leur arrestation et détention arbitraires.
Jaouhar Ben Mbarek Click to expand Image Jawherben Mbarek. © PrivéLe militant politique Ben Mbarek, qui a 56 ans, a été arrêté par des agents des forces de sécurité à son domicile de Tunis, le 23 février 2023 dans le cadre de la fameuse affaire dite « de complot ». Dans cette affaire, un juge d’instruction de Tunis a inculpé des avocats, des opposants politiques, des militants et des hommes d’affaires de complot visant à renverser l’autorité du président Saied en déstabilisant le pays.
Le 2 mai 2024, 40 des 52 personnes initialement accusées, dont Ben Mbarek, ont été inculpées et déférées devant le tribunal en vertu de nombreux articles du Code pénal et de la loi antiterrorisme de 2015, dont certains passibles de la peine de mort. Ben Mbarek, qui n’a été entendu qu’une fois par le juge d’instruction, a été accusé d’avoir rencontré ou d’avoir eu des contacts avec des militants de l’opposition et des diplomates. Le juge d’instruction l’a accusé de « constituer un lien entre des parties étrangères et les suspects » et d’« offense contre le président », pour avoir supposément qualifié le président Saied de « fou » pendant une manifestation.
Human Rights Watch a consulté les 140 pages de l’ordonnance de clôture du juge d’instruction – clôturant l’instruction est close et renvoyant l’affaire devant le tribunal –, qui indique que ces graves accusations paraissent sans objet et semblent fondées sur des éléments de preuve insuffisants. Les prétendues preuves se réduisent aux dépositions anonymes d’un « témoin » et d’un « informateur », à l’origine de l’enquête, ainsi qu’à des conversations privées sur des applications de messagerie entre militants, diplomates étrangers, journalistes et chercheurs. Le procès s’est ouvert le 4 mars 2025.
Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a publié en août 2024 un avis au sujet de l’incarcération de Ben Mbarek et de sept autres personnes poursuivies dans cette affaire, confirmant qu’elles étaient bien détenues de façon arbitraire. Le Groupe de travail a appelé les autorités tunisiennes à les libérer immédiatement, à garantir leur droit à réparation et à enquêter sur les circonstances entourant leur arrestation et détention arbitraires.
Le 22 février 2024, Jaouhar Ben Mbarek a été condamné par contumace à six mois d’emprisonnement, en vertu du décret-loi 54 sur la cybercriminalité, pour avoir déclaré à la radio, le 11 janvier 2023, que les élections législatives de 2022 étaient une « comédie ». La plainte originelle a été déposée par le président de l’instance électorale tunisienne, que le président Saied a restructurée en avril 2022 pour la placer sous son contrôle, d’après la sœur de Ben Mbarek, Dalila.
Sihem Bensedrine Click to expand Image Sihem Bensedrine. © 2018 NICOLAS MAETERLINCK/AFP via Getty ImagesSihem Bensedrine, 74 ans, est une défenseure des droits humains de premier plan. Elle est également l’ancienne présidente de l’Instance Vérité et Dignité, qui était chargée de révéler les violations des droits humains commises entre 1955 et 2013 et de proposer des mesures pour établir la responsabilité de l’État dans celles-ci et demander aux responsables de rendre compte de leurs actes, ainsi que des mesures de réparations et de réhabilitation. Elle a œuvré pendant près de quarante ans pour dénoncer les violations des droits humains en Tunisie. Le 1er août 2024, un juge a ordonné sa détention pour « abus de pouvoir afin de procurer des avantages injustifiés à elle-même ou un tiers », ainsi que de « fraude » et « falsification » en lien avec le rapport final de l’Instance.
Bensedrine semble avoir été poursuivie en représailles contre son travail de lutte pour mettre fin à l’impunité des atteintes aux droits humains commises pendant des décennies. Elle a sévèrement critiqué le président Saied et ses « attaques incessantes contre la démocratie ». Le 8 août 2024, trois experts de l’ONU ont déclaré que l’arrestation de Bensedrine « pourrait s’apparenter à un harcèlement judiciaire [...] pour le travail qu’elle a entrepris » en tant que présidente de l’Instance. Elle est également poursuivie dans quatre autres affaires judiciaires liées à ce travail.
Le procureur du Tribunal de première instance de Tunis a ouvert une enquête contre Bensedrine en février 2023, à la suite d’une plainte déposée en mai 2020 par un ancien membre de l’Instance, affirmant que Bensedrine auraait falsifié le rapport officiel de l’Instance sur le sujet de la corruption présumée du système bancaire. La plaignante soutenait que le rapport final publié au Journal officiel n’était pas le même qu’une version précédente présentée à l’ancien président Béji Caïd Essebsi le 31 décembre 2018. Or, la version datant de 2018 était inachevée et les membres de l’Instance étaient tenus de réviser cette version préliminaire en janvier 2019, comme le confirme un procès-verbal de l’Instance consulté par Human Rights Watch. Selon les avocats de Bensedrine, sa détention se fonde uniquement sur cette plainte.
Le 14 janvier 2025, Bensedrine a entamé une grève de la faim pour protester contre son incarcération à la prison de la Manouba. Le 26 janvier, elle a été transférée dans un hôpital, où elle n’a pas été autorisée à recevoir de visites de sa famille. Le 28 janvier, un juge a prolongé sa détention de quatre mois. Elle a mis fin à sa grève de la faim le 30 janvier, en raison de graves risques pour sa santé.
Le 19 février, un juge a ordonné la mise en liberté de Bensedrine en attendant son procès, mais lui a imposé une interdiction de voyager.
Riadh Bettaieb Click to expand Image Riadh Bettaieb. © PrivéRiadh Bettaieb, âgé de 64 ans et de double nationalité tunisienne et française, ancien ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale et membre du parti Ennahda, purge une peine de huit ans de prison pour « tentative de changer la forme du gouvernement » et « complot contre la sûreté extérieure de l’État ». Bettaieb, incarcéré depuis le 23 février 2023, n’a pas de liens avec Instalingo, selon une source proche du dossier.
La police a arrêté Bettaieb, sans présenter de mandat d’arrêt, à l’aéroport international de Tunis, alors qu'il allait embarquer à bord d’un avion pour la France. Bettaieb n’a été informé des accusations contre lui que plusieurs heures plus tard, lorsque des agents de la brigade d’investigation sur les crimes financiers complexes de la Garde nationale l’ont interrogé à la caserne d’El Gorjani.
Bettaieb a été entendu par un juge d’instruction le 27 février 2023 au Tribunal de première instance de Sousse 2, qui l’a interrogé au sujet du parti Ennahda et d’un chèque datant de 2014 d’un montant de 75 000 dinars tunisiens (24 000 USD) versé à un autre prévenu de l’affaire. Une source proche du dossier a expliqué à Human Rights Watch que les avocats de la défense de Bettaieb avaient fourni la preuve qu’il s’agissait du remboursement d’un emprunt fait plusieurs mois auparavant. Malgré tout, le juge a émis un mandat de dépôt. Bettaïeb a aussi été accusé d’« introduction illégale de liquidités en provenance de Turquie et du Qatar » en Tunisie, dans le cadre d’une « association de malfaiteurs », en se basant essentiellement sur des photos trouvées dans le téléphone d’un autre prévenu, qui montrent Bettaieb en compagnie d’un haut fonctionnaire turc, ce qui ne constitue pas une preuve crédible.
Le 20 juillet 2023, Bettaïeb a été inculpé de tentative de « changer la forme du gouvernement », d’« atteinte à la sûreté extérieure de l’État », d’« offense contre le président » et de blanchiment d’argent.
L’administration pénitentiaire de la prison de Messadine a parfois confisqué les médicaments que la famille de Bettaïeb lui apportait de France pour traiter les symptômes de son diabète de type 2, a déclaré sa famille à Human Rights Watch. Par ailleurs, elle n’a pas fourni à Bettaieb son dossier médical suite à son admission à l’hôpital à deux reprises, entre 2023 et 2024, après des urgences médicales.
Noureddine Bhiri Click to expand Image Noureddine Bhiri. © 2011 AP Photo/Hassene DridiAncien ministre de la Justice et dirigeant du parti Ennahda âgé de 66 ans, Noureddine Bhiri a été arrêté le 13 février 2023, chez lui à Tunis. Un juge d’instruction l’a entendu et écroué le lendemain, en lien avec une publication Facebook où il aurait prétendument exhorté les Tunisiens à manifester contre le président Saied le 14 janvier 2023. Deux de ses avocats ont déclaré à Human Rights Watch que l’accusation n’avait jamais fourni de preuve de l’existence de la publication présumée. Le 18 octobre 2024, un tribunal de Tunis a condamné Bhiri à dix ans de prison dans cette affaire.
Bhiri a par ailleurs été inculpé dans le cadre de la fameuse « affaire de complot » de février 2023. Dans cette affaire, un procureur de Tunis a inculpé des avocats, des opposants politiques, des militants et des hommes d’affaires de complot visant à renverser l’autorité du président Saied en déstabilisant le pays, en s’appuyant sur de nombreux articles du Code pénal et de la loi antiterrorisme de 2015. Les prétendues preuves se réduisent à deux dépositions anonymes ainsi qu’à des conversations privées sur des applications de messagerie entre militants, diplomates étrangers, journalistes et chercheurs. Le procès s’est ouvert le 4 mars 2025.
Depuis décembre 2023, Bhiri est également détenu dans le cadre d’une autre affaire, qui lui avait déjà valu d’être détenu illégalement début 2022, et fait l’objet d’une enquête dans au moins une autre affaire de conspiration.
Mohamed Boughalleb Click to expand Image Mohamed Boughalleb. © PrivéLe journaliste d’investigation Mohamed Boughalleb a été détenu du 22 mars 2024 au 20 février 2025 pour avoir enquêté sur des abus de fonds publics et avoir interrogé la gestion des dépenses publiques par les autorités.
Boughalleb a été arrêté devant l’école primaire de son fils à Tunis par des agents de la Garde nationale. Ces derniers l’ont emmené à la caserne de L’Aouina, a déclaré un de ses avocats à Human Rights Watch, où la brigade de lutte contre les crimes liés aux technologies de l’information et de la communication l’a interrogé sur des commentaires critiques publiés sur sa page Facebook personnelle, d’autres qu’il avait faits sur la chaîne de télévision Carthage+ et sur la station de radio Cap FM, sur la taille des délégations du ministre des Affaires religieuses au cours de déplacements à l’étranger. La plainte initiale avait été déposée par un fonctionnaire du ministère des Affaires religieuses, d’après la même source.
Boughalleb a passé quatre jours en garde à vue avant que le procureur n’ordonne sa détention le 26 mars 2024. Le 17 avril, il a été condamné à six mois de prison pour avoir « imputé à un fonctionnaire public des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité ». Le 28 juin 2024, la Cour d’appel de Tunis a alourdi la peine de Boughalleb, la faisant passer à huit mois de prison.
Depuis le 5 avril 2024, Boughalleb est également en détention dans le cadre d’une affaire distincte, elle aussi liée à des déclarations publiques. Le journaliste fait l’objet d’une enquête basée sur au moins une autre plainte déposée par l’ancien ministre des Affaires religieuses, Ibrahim Chaibi, sur lequel le journaliste enquêtait, le soupçonnant de corruption.
D’après son frère Jameleddine qui est aussi son avocat, l’état de santé de Mohamed Boughalleb s’est fortement dégradé en détention, où il a souffert de mauvaises conditions d’incarcération et d’un manque de soins médicaux adéquats. Sa vue et son audition ont été affectées et il a développé des problèmes cardiaques.
Le 20 février, un juge a ordonné la mise en liberté de Boughalleb en attendant son procès, mais lui a imposé une interdiction de voyager.
Ghazi Chaouachi Click to expand Image Ghazi Chaouachi. © PrivéGhazi Chaouachi, un avocat de 62 ans, ancien ministre et membre du Parlement, a été arrêté le 24 février 2023, dans le cadre de la fameuse affaire dite « de complot ». Dans cette affaire, un juge d’instruction de Tunis a inculpé des avocats, des opposants politiques, des militants et des hommes d’affaires de complot visant à renverser l’autorité du président Saied en déstabilisant le pays. Le lendemain, un juge d’instruction du pôle antiterroriste du Tribunal de première instance de Tunis l’a interrogé sur ses liens et activités politiques avant de le placer en détention.
Le 2 mai 2024, 40 des 52 personnes initialement accusées, dont Chaouachi, ont été inculpées et déférées devant le tribunal en vertu de nombreux articles du Code pénal et de la loi antiterrorisme de 2015, dont certains passibles de la peine de mort. Chaouachi, qui n’a été entendu qu’une fois par le juge d’instruction, a été accusé d’avoir rencontré ou d’avoir eu des contacts avec des militants de l’opposition et des diplomates, ainsi que d’avoir « offensé le président » dans des messages privés. Il était détenu depuis 24 mois au moment de la rédaction de ce rapport, dépassant la limite de 14 mois de détention provisoire prévue en droit tunisien.
Human Rights Watch a consulté les 140 pages de l’ordonnance de clôture du juge d’instruction – clôturant l’instruction est close et renvoyant l’affaire devant le tribunal –, qui indique que ces graves accusations paraissent sans objet et semblent fondées sur des éléments de preuve insuffisants. Les prétendues preuves se réduisent aux dépositions anonymes d’un « témoin » et d’un « informateur », à l’origine de l’enquête, ainsi qu’à des conversations privées sur des applications de messagerie entre militants, diplomates étrangers, journalistes et chercheurs. Le procès s’est ouvert le 4 mars 2025.
Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a publié en août 2024 un avis au sujet de l’incarcération de Chaouachi et de sept autres personnes poursuivies dans cette affaire, confirmant qu’elles étaient bien détenues de façon arbitraire. Le Groupe de travail a appelé les autorités tunisiennes à les libérer immédiatement, à garantir leur droit à réparation et à enquêter sur les circonstances entourant leur arrestation et détention arbitraires.
Ghazi Chaouachi est aussi accusé – sur la base d’une plainte déposée par la ministre de la Justice Leïla Jaffel – de diffuser des « fausses nouvelles », d’après la loi sur la cybercriminalité et le Code pénal, pour avoir affirmé le 18 novembre 2022 que le ministère de la Justice avait monté de toutes pièces des dossiers contre l’opposition et harcelé les juges révoqués par le président Saied le 1er juin 2022. Il risque jusqu’à douze ans de prison. Le 29 janvier 2024, un tribunal de Tunis a condamné par contumace le fils de Chaouachi, Elyes, pour avoir dénoncé publiquement les conditions de détention de son père.
Issam Chebbi Click to expand Image Issam Chebbi. © PrivéL’avocat et politicien Issam Chebbi, 67 ans, a été arrêté le 22 février 2023, dans la rue à Tunis, par les forces antiterroristes, dans le cadre de la fameuse affaire dite « de complot ». Dans cette affaire, un juge d’instruction de Tunis a inculpé des avocats, des opposants politiques, des militants et des hommes d’affaires de complot visant à renverser l’autorité du président Saied en déstabilisant le pays. Les agents ne lui ont pas présenté de mandat d’arrêt, a déclaré aux médias son épouse Faiza.
Le 2 mai 2024, 40 des 52 personnes initialement accusées, dont Chebbi, ont été inculpées et déférées devant le tribunal en vertu de nombreux articles du Code pénal et de la loi antiterrorisme de 2015, dont certains passibles de la peine de mort. Chebbi, qui n’a été entendu qu’une fois par le juge d’instruction, a été accusé d’avoir rencontré ou d’avoir eu des contacts avec des militants de l’opposition et des diplomates. Il était détenu depuis 24 mois au moment de la rédaction de ce rapport, dépassant la limite de 14 mois de détention provisoire prévue en droit tunisien.
Human Rights Watch a consulté les 140 pages de l’ordonnance de clôture du juge d’instruction – clôturant l’instruction est close et renvoyant l’affaire devant le tribunal –, qui indique que ces graves accusations paraissent sans objet et semblent fondées sur des éléments de preuve insuffisants. Les prétendues preuves se réduisent aux dépositions anonymes d’un « témoin » et d’un « informateur », à l’origine de l’enquête, ainsi qu’à des conversations privées sur des applications de messagerie entre militants, diplomates étrangers, journalistes et chercheurs. Le procès s’est ouvert le 4 mars 2025.
Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a publié en août 2024 un avis au sujet de l’incarcération de Chebbi et de sept autres personnes poursuivies dans cette affaire, confirmant qu’elles étaient bien détenues de façon arbitraire. Le Groupe de travail a appelé les autorités tunisiennes à les libérer immédiatement, à garantir leur droit à réparation et à enquêter sur les circonstances entourant leur arrestation et détention arbitraires.
Sonia Dahmani Click to expand Image Sonia Dahmai. © PrivateAvocate et chroniqueuse de premier plan, Sonia Dahmani a été arrêtée le 11 mai 2024 par des agents forces de sécurité encagoulés et habillés en civil qui ont brusquement pris d’assaut le siège de l’Ordre national des avocats de Tunisie. Son arrestation est survenue après qu’elle a fait des commentaires sarcastiques sur la chaîne de télévision Carthage+, qui remettaient en question l’idée, soutenue par le président Saied, selon laquelle des migrants africains cherchaient à s’installer en Tunisie.
Le 6 juillet 2024, le Tribunal de première instance de Tunis a condamné Dahmani à un an de prison pour ses déclarations, en vertu du décret-loi 54 sur la cybercriminalité. Sa peine a par la suite été réduite à huit mois en appel. Mais le 24 octobre, elle a été condamnée, dans une autre affaire sur la base du même décret, à deux ans de prison pour des déclarations sur le racisme en Tunisie. Le 24 janvier 2025, sa peine a été réduite à un an et demi en appel. Selon un avocat de Dahmani, elle est toujours poursuivie dans le cadre de trois autres affaires liées à ses déclarations pacifiques.
En août 2024, Dahmani a déposé plainte pour actes de torture et viol à la prison de la Manouba, contre le directeur de la prison et une gardienne, suite à des violations de ses droits commises le 20 août 2024. Ce jour-là, Dahmani a subi « une fouille à nu intrusive qui a violé son intégrité physique et l’a affectée psychologiquement », a déclaré sa sœur à Human Rights Watch.
Bien que certains établissements pénitentiaires et institutions étatiques peuvent parfois avancer que les fouilles corporelles avec pénétration, ou comportant un aspect humiliant, sont une nécessité du point de vue de la sécurité, ces pratiques sont souvent employées abusivement et avant tout dans le but d’intimider ou de punir les prisonniers. Elles peuvent même constituer des actes de viol, de torture et des traitements dégradants, ce qui en fait alors de graves violations des droits humains.
Said Ferjani Click to expand Image Saied Ferjani. © PrivéAncien dirigeant du parti Ennahda et ancien député âgé de 70 ans, Said Ferjani est détenu depuis le 27 février 2023 dans le cadre de l’affaire Instalingo. Selon ses avocats et sa famille, Ferjani n’a aucun lien avec la société Instalingo. Le 4 février, il a été condamné à treize ans de prison pour « complot contre la sûreté de l’État » et tentative de « changer la forme du gouvernement ». Un juge d’instruction du Tribunal de première instance de Sousse 2 l’a entendu et écroué le 1er mars 2023.
Le procureur avait accusé Ferjani, en se basant sur la déposition d’un « témoin », d’avoir fait chanter un fonctionnaire à l’aide d’une sextape – dont l’existence n’a jamais été prouvée – et de « tenter d’influencer les nominations au sein du ministère de l’Intérieur » au bénéfice d’Ennahda, avec l’aide de « parties intérieures et étrangères ». Ferjani a été inculpé de tentative de « changer la forme du gouvernement », d’« atteinte à la sûreté extérieure de l’État », d’« offense contre le président » et de blanchiment d’argent.
Par ailleurs, dans la fameuse « affaire de complot » de février 2023, Ferjani fait l’objet d’accusations infondées d’activités en lien avec le terrorisme et le « complot ». Il a été inculpé de recrutement de personnes influentes en vue de mener à bien la propagande des comploteurs .
Rached Ghannouchi Click to expand Image Rached Ghannouchi. © 2019 AP Photo/Hassene Dridi, FileDepuis le 25 juillet 2021, Rached Ghannouchi, 83 ans, ex-président du parti d’opposition Ennahda et ancien président du Parlement, a été l’un des opposants principaux du pouvoir autocratique du président Saied. Détenu depuis avril 2023 à la prison de Mornaguia à Tunis, Ghannouchi purge plusieurs peines et fait l’objet d’enquêtes et d’inculpations dans plus d’une dizaine d’affaires, dont certaines directement liées à l’exercice de sa liberté d’expression.
Le 17 avril 2023, Ghannouchi a été arrêté chez lui par des agents en civil qui n’ont pas montré de mandat d’arrêt, selon l’un de ses avocats. Le 20 avril, un juge d’instruction a émis un mandat de dépôt à son encontre sur la base des chefs d’inculpation de tentative de « changer la forme du gouvernement » et de « complot contre la sûreté intérieure de l’État ». Ces accusations portent prétendument sur les déclarations qu’il avait faites lors d’une réunion, le 15 avril, lorsqu’il avait averti que le fait d’éradiquer les mouvements politiques d’opposition, dont Ennahda et « la gauche », était un « projet de guerre civile ». Le 18 avril, la police a fermé le siège d’Ennahda sans ordonnance judiciaire. Ghannouchi n’a toujours pas été jugé dans cette affaire.
Ghannouchi a aussi été poursuivi dans une affaire distincte pour « apologie du terrorisme », après une plainte déposée par un ancien dirigeant du syndicat des forces de sécurité, selon lequel, lors des funérailles d’un membre du parti Ennahda, Ghannouchi avait déclaré que le défunt ne craignait pas les « tyrans ». Le 15 mai 2023, un tribunal de Tunis l’a condamné à un an de prison et une amende de 1 000 dinars (320 USD). Le 30 octobre 2023, la Cour d’appel de Tunis a augmenté sa peine à quinze mois de prison.
Le 1er février 2024, un tribunal de Tunis a condamné Ghannouchi à trois ans de prison après que son parti a été reconnu coupable d’avoir reçu des financements étrangers, ce qui est interdit par la loi tunisienne. Le 4 février 2025, un tribunal de Tunis l’a condamné en première instance à 22 ans de prison, une amende de 80 000 dinars (25 200 USD) et une inéligibilité de cinq ans, outre la saisie de d’actifs et de biens immobiliers, pour avoir prétendument comploté pour changer la forme du gouvernement et contre la sûreté extérieure de l’État, ainsi que pour offense contre le président et pour blanchiment d’argent, dans le cadre de l’affaire Instalingo.
Avant son emprisonnement, Ghannouchi présentait des symptômes de la maladie de Parkinson à la main gauche, et suivait un traitement pour ralentir sa progression. Pendant sa détention, durant laquelle il n’a pas reçu de traitement adéquat, le mal a gagné sa main droite et nettement impacté sa vie quotidienne, y compris sa capacité à écrire. Selon sa famille, les autorités ne lui ont accordé que quelques séances de kinésithérapie, rejeté ses demandes de traitement régulier et refusé de donner à sa famille accès à son dossier médical en lien avec ses problèmes de thyroïde.
Chadha Hadj Mbarek Click to expand Image Chadha Hadj Mbarek. © PrivéJournaliste et employée d’Instalingo, Chadha Hadj Mbarek, 39 ans, purge une peine de prison de cinq ans pour tentative de « changer la forme du gouvernement ». Elle est placée en détention depuis le 22 juillet 2023, uniquement en raison de son travail comme journaliste au sein de l’entreprise, selon toute apparence.
Selon son avocat, la fonction de Hadj Mbarek était de produire du contenu de type « art de vivre » pour une page Facebook gérée par Instalingo et d’assurer la révision d’autres contenus. Elle a d’abord été arrêtée par des agents des forces de sécurité en civil, au siège d’Instalingo dans la banlieue de Sousse, puis emmenée en garde à vue, le 10 septembre 2021. Un juge d’instruction du Tribunal de première instance de Sousse 2 a entendu Hadj Mbarek le 17 septembre 2021, avant d’ordonner sa libération pendant la durée de l’enquête. Toutefois, le procureur de la République a fait appel de la décision du juge et un mandat de dépôt a été émis à son encontre en novembre 2021. Le juge d’instruction a décidé de clore l’enquête judiciaire et d’abandonner toutes les poursuites contre elle et d’autres suspects le 16 juin 2023.
Pourtant, le procureur a de nouveau fait appel de la décision du juge. Le 20 juillet 2023, la chambre d’accusations a formellement inculpé Hadj Mbarek d « atteinte à la sûreté extérieure de l’État » et ordonné son placement immédiat en détention. Quelques heures plus tard, des véhicules de la Garde nationale encerclaient la maison familiale de Hadj Mbarek à Kelibia et des agents arrêtaient la journaliste, selon son frère Amen Hadj Mbarek.
Hadj Mbarek a subi de mauvaises conditions de détention ainsi qu’un manque d’aménagements et d’aide adaptés à son handicap. En effet, elle présente un handicap auditif reconnu par l’État et faute de conditions de détention adaptées à ce handicap dans la prison de Messadine, celui-ci s’est depuis lors aggravé. Son frère Amen a déclaré à Human Rights Watch que bien qu’ils peinaient à se comprendre à travers la vitre au cours des visites familiales, l'administration de la prison ne leur fournissaient ni papier ni stylos pour leur permettre de communiquer.
Depuis les procédures judiciaires injustes qu’elle subit et sa première arrestation, Hadj Mbarek est entrée endépression et prenait des antidépresseurs sur ordonnance. « Elle a perdu son moyen de subsistance et le fait qu'on l’associe à un complot et au terrorisme lui donne le sentiment d’être une paria », a déclaré Amen. Pour autant, les autorités pénitentiaires ont toujours refuser de lui donner accès à ces médicaments, selon son frère, et ses co-détenues l’ont « ostracisée », traitée de « terroriste » et frappée deux fois. Depuis ces incidents, l’administration de la prison a transféré Hadj Mbarek dans une autre cellule.
Rayan Hamzaoui Click to expand Image Rayan Hamzaoui. © PrivéAncien maire indépendant d’Ezzahra, dans la banlieue sud de Tunis, Rayan Hamzaoui, âgé de 36 ans, est en détention depuis le 18 mai 2023. Des agents masqués de la brigade antiterroriste de la Garde nationale l’ont arrêté chez lui, à Ezzahra, à la suite d’une enquête portant sur des suspicions d’infractions liées au terrorisme et à un « complot » contre la sûreté de l’État. Les agents l'ont emmené à la caserne d’El Aouina où ils l’ont interrogé.
L’enquête, qui concerne 21 suspects, dont plusieurs personnalités de l’opposition politique et d’anciens hauts responsables, est basée sur une accusation rédigée par un informateur anonyme. Celui-ci a affirmé que l’ancienne directrice du cabinet présidentiel, Nadia Akacha, consignait tous les déplacements du président pendant qu’elle occupait ce poste, et envoyait les informations à Hamzaoui, qui les aurait à son tour envoyées à d’autres suspects en vue d’assassiner le président. Selon un avocat de Hamzaoui toutefois, les autorités n’ont fourni aucune preuve de communication entre Hamzaoui et ne serait-ce qu’un seul des autres suspects.
Le 1er juin 2023, un juge d’instruction du pôle antiterroriste du Tribunal de première instance de Tunis a interrogé Hamzaoui sur ses liens éventuels avec d’autres suspects de l’affaire, notamment Akacha. En mars 2025, Hamzaoui n’avait toujours pas eu de nouvelle audience.
Ayant consulté la décision du procureur de la République d’ouvrir une information judiciaire, Human Rights Watch a constaté que Hamzaoui était accusé de plusieurs crimes liés au terrorisme et de blanchiment d’argent, de « complot » contre la sûreté de l’État intérieure et extérieure, de « complot criminel » ainsi que d’« offense contre le président ». S’il était reconnu coupable, il risquerait la peine de mort en vertu de plusieurs dispositions législatives.
Chaima Issa Click to expand Image Chaima Issa. © 2023 AP Photo/Hassene DridiChaima Issa est l’une des figures de proue de la coalition d’opposition Front de salut national. Elle a été arrêtée le 22 février 2023, et placée en détention dans le cadre de la fameuse affaire dite « de complot », dans laquelle un juge d’instruction de Tunis a inculpé des avocats, des opposants politiques, des militants et des hommes d’affaires de complot visant à renverser l’autorité du président Saied en déstabilisant le pays. Le 13 juillet 2023, un juge a libéré Issa provisoirement, mais lui a interdit de voyager et d’apparaître dans les lieux publics. Cette dernière interdiction a finalement été levée.
Le 2 mai 2024, 40 des 52 personnes initialement accusées, dont Issa, ont été inculpées et déférées devant le tribunal en vertu de nombreux articles du Code pénal et de la loi antiterrorisme de 2015, dont certains passibles de la peine de mort. Human Rights Watch a consulté les 140 pages de l’ordonnance de clôture du juge d’instruction – clôturant l’instruction est close et renvoyant l’affaire devant un tribunal –, qui indique que ces graves accusations paraissent sans objet et semblent fondées sur des éléments de preuve insuffisants. Les prétendues preuves se réduisent aux dépositions anonymes d’un « témoin » et d’un « informateur », à l’origine de l’enquête, ainsi qu’à des conversations privées sur des applications de messagerie entre militants, diplomates étrangers, journalistes et chercheurs. Le procès s’est ouvert le 4 mars 2025.
Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a publié en août 2024 un avis au sujet de l’incarcération d’Issa et de sept autres personnes poursuivies dans cette affaire, confirmant qu’elles étaient bien détenues de façon arbitraire. Le Groupe de travail a appelé les autorités tunisiennes à les libérer immédiatement, à garantir leur droit à réparation et à enquêter sur les circonstances entourant leur arrestation et détention arbitraires.
Dans une affaire distincte, le 10 octobre 2024, la Cour d’appel militaire de Tunis a condamné Issa à une peine de six mois avec sursis pour des commentaires qu’elle avait faits lors d’une interview radiophonique à propos du rôle joué par l’armée lors des élections législatives de 2022. Elle avait été condamnée en première instance, le 13 décembre 2023, à un an de prison avec sursis en vertu du décret-loi 54, du Code de la justice militaire et du Code pénal.
Abdelhamid Jelassi Click to expand Image Abdelhamid Jelassi. © PrivéAbdelhamid Jelassi, un militant politique de 64 ans, ancien membre du parti Ennahda, a été arrêté le 11 février 2023 dans le cadre de la fameuse affaire dite « de complot ». Dans cette affaire, un juge d’instruction de Tunis a inculpé des avocats, des opposants politiques, des militants et des hommes d’affaires de conspiration pour renverser l’autorité du président Saied en déstabilisant le pays.
Le 2 mai 2024, 40 des 52 personnes initialement accusées, dont Jelassi, ont été inculpées et déférées devant le tribunal en vertu de nombreux articles du Code pénal et de la loi antiterrorisme de 2015, dont certains passibles de la peine de mort. Jelassi, qui n’a été entendu qu’une fois par le juge d’instruction, fait l’objet de chefs d’inculpation liées au terrorisme et à la conspiration, pour avoir publié des articles critiquant la confiscation du pouvoir par le président Saied, l’avoir qualifiée de « coup d’État » à la radio, et pour avoir communiqué avec des opposants politiques et des ressortissants étrangers sur les moyens de dialoguer avec d’autres nations au sujet de la situation politique de la Tunisie. Il était détenu depuis 24 mois au moment de la rédaction de ce rapport, dépassant la limite de 14 mois de détention provisoire prévue en droit tunisien.
Human Rights Watch a consulté les 140 pages de l’ordonnance de clôture du juge d’instruction – clôturant l’instruction est close et renvoyant l’affaire renvoyée devant le tribunal –, qui indique que ces graves accusations paraissent sans objet et semblent fondées sur des éléments de preuve insuffisants. Les prétendues preuves se réduisent aux dépositions anonymes d’un « témoin » et d’un « informateur », à l’origine de l’enquête, ainsi qu’à des conversations privées sur des applications de messagerie entre militants, diplomates étrangers, journalistes et chercheurs. Le procès s’est ouvert le 4 mars 2025.
Jelassi, atteint d’un cancer de la gorge et d’autres problèmes de santé, a besoin de soins hospitaliers réguliers. Depuis son emprisonnement, il a développé des difficultés respiratoires et n’a pas reçu les soins nécessaires.
Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a publié en août 2024 un avis au sujet de l’incarcération de Jelassi et de sept autres personnes poursuivies dans cette affaire, confirmant qu’elles étaient bien détenues de façon arbitraire. Le Groupe de travail a appelé les autorités tunisiennes à les libérer immédiatement, à garantir leur droit à réparation et à enquêter sur les circonstances entourant leur arrestation et détention arbitraires.
Rached Khiari Click to expand Image Rached Khiari. © PrivéJournaliste et ancien député de la coalition islamiste Al-Karama, Rached Khiari, 42 ans, a été poursuivi à plusieurs reprises depuis 2021 pour avoir critiqué les autorités. Il a passé plus de deux ans en prison pour des délits d’expression, dont deux condamnations prononcées par des tribunaux militaires, a expliqué son avocat Samir Ben Amor à Human Rights Watch.
Un juge d’instruction du Tribunal militaire de première instance de Tunis a émis un mandat d’arrêt contre Khiari en 2021, après qu’il avait affirmé publiquement que le président Saied avait reçu des fonds des États-Unis pour sa campagne présidentielle, a rapporté Ben Amor.Il a été arrêté le 3 août 2022. Le Tribunal militaire de première instance de Tunis s’était au départ déclaré incompétent, au profit de la justice civile, le 17 janvier 2023. Pourtant, le 2 mars 2023, la Cour d’appel militaire de Tunis a cassé cette décision et a condamné Khiari à six mois de prison pour « complot contre la sûreté de l’État » et « actes de nature à affaiblir la discipline militaire, l’obéissance et le respect dû au président, ou critiques sur l’action du commandement supérieur ou des responsables de l’armée portant atteinte à leur dignité ».
Le 8 décembre 2022, alors qu’il était en détention, Khiari a écopé d’une peine de trois mois de prison, dans une affaire distincte en vertu du Code de justice militaire, pour avoir soi-disant divulgué des informations sur la présence militaire des États-Unis en Tunisie dans une publication Facebook de 2016. Pourtant, selon Ben Amor, ces publications ont été postées par quelqu’un d’autre. Khiari a été libéré le 29 août 2024 après avoir purgé sa peine.
Khiari a néanmoins été de nouveau arrêté le 28 septembre 2024, le lendemain de sa condamnation par la Cour d’appel de Tunis à six mois de prison pour « atteinte à la dignité du président » et pour l’avoir qualifié de « traître » sur Facebook et dans une interview à la radio en 2021. Un tribunal de Tunis l’avait auparavant condamné par contumace à huit mois d’emprisonnement dans cette affaire, le 3 octobre 2022.
Le 10 septembre 2024, Khiari a annoncé qu’il avait quitté la politique et les médias pour se concentrer sur sa santé. Avant son emprisonnement, il était traité pour une tumeur bénigne, qui a depuis évolué en cancer du poumon, avec plusieurs tumeurs protubérantes. Son avocat a déclaré que la négligence, l’absence de diagnostic médical précis et ses mauvaises conditions de détention au sein de la prison de Mornaguia étaient autant de facteurs de l’aggravation de sa maladie.
Ahmed Laamari Click to expand Image Ahmed Laamari. © PrivéAncien député et membre du parti Ennahda, Ahmed Laamari, 73 ans, a été arrêté le 3 mars 2023 et a passé plus de six mois en détention provisoire au titre d’accusations douteuses de « constitution d’une organisation en vue de préparer et commettre le crime de sortie clandestine du territoire tunisien ». Le 25 septembre 2023, le Tribunal de première instance de Gabès a ordonné sa libération, mais lui a interdit de quitter le gouvernorat de Gabès, dans le sud du pays, en attendant son procès.
Le parquet a ouvert une enquête contre Laamari après qu’un détenu de la prison de Messadine l’a accusé de comploter contre le président Saied et d’envoyer des notes à ce sujet à un autre prisonnier – l’ancien député, ancien ministre et homme d’affaires Mehdi Ben Gharbia – qui était lui-même détenu depuis octobre 2021. Bien que cet informateur se soit rétracté par écrit quelques semaines après le placement en détention de Laamari, le juge a poursuivi les procédures.
Laamari a été arrêté de nouveau le 1er décembre 2023, à son domicile de Gabès, par des agents de la brigade antiterroriste de la Garde nationale. Le 14 décembre 2023, un juge d’instruction du pôle antiterroriste du Tribunal de première instance de Tunis l’a interrogé et écroué, a indiqué son avocat à Human Rights Watch. Il reste accusé de chercher à « changer la forme du gouvernement », d’« atteinte à la sûreté extérieure de l’État », d’ « offense contre le président » et d’association criminelle. Il est par ailleurs poursuivi pour d’autres chefs d’inculpation en vertu de douze articles de la loi antiterrorisme de 2015, risquant la peine capitale en cas de condamnation. Laamari a été libéré le 25 décembre 2024. Dès le lendemain, il a été réarrêté et brièvement détenu dans sa ville natale de Ben Guerdane, et un tribunal de Gabès l’a condamné à trois mois et demi d’emprisonnement avec sursis, le 27 décembre, pour avoir bravé son interdiction de quitter le gouvernorat de Gabès. Au moment de la rédaction de ce rapport, l’ouverture de son procès pour « complot » était fixée au 25 avril 2025.
Laamari, dont la vue s’est détériorée à cause d’une cataracte (due au diabète) qui avait mal été soignée durant les premiers mois de sa détention arbitraire de 2023, devait subir une opération de chirurgie oculaire autour de son arrestation de mars 2023, puis à nouveau en décembre de la même année. Malgré cela, il n’a pas été autorisé à consulter un spécialiste régulièrement dans la prison de Mornaguia et il a failli perdre l’usage d’un œil. Laamari avait déjà été emprisonné pendant plus de neuf ans, entre 1987 et 2011, pour son appartenance à Ennahda.
Ali Laarayedh Click to expand Image Ali Laarayedh. © 2014 Sipa via AP ImagesÂgé de 69 ans, Ali Laareyedh est un ancien ministre de l’Intérieur, ancien Premier ministre et vice-président du parti Ennahda. Il est en détention provisoire depuis le 19 décembre 2022 sur la base d’accusations liées au terrorisme, sans preuves crédibles. Ses chefs d’inculpation liés au terrorisme se fondent sur une loi de 2015 promulguée après que Laareyedh a quitté ses fonctions.
Or, selon le droit international relatif aux droits humains, « nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d’après le droit national ou international au moment où elles ont été commises ».
Le placement en détention de Laareyedh est survenu dans le cadre d’une enquête plus large sur la façon dont des milliers de Tunisiens ont pu quitter le pays et rejoindre l‘État islamique (aussi connu sous l’acronyme EI) ainsi que d’autres groupes islamistes armés en Syrie, en Irak et en Libye après 2011, date à laquelle le dirigeant autoritaire Zine el-Abidine Ben Ali avait été évincé après une longue période au pouvoir. Le procès s’est ouvert le 28 octobre 2024.
D’après le mandat de dépôt consulté par Human Rights Watch, Laareyedh est accusé de ne pas avoir endigué la propagation du salafisme, une branche de l’islam sunnite prônant le retour aux valeurs fondamentales de la religion, ni l’ascension du groupe armé islamiste Ansar al-Charia, lorsqu'il était ministre. Le juge a justifié le mandat de dépôt par des décisions de Laarayedh et sa mise en œuvre ou non de certaines politiques adoptées lorsqu’il était au pouvoir, y compris en matière de nominations au sein de son ministère, et non pas par des actes criminels précis. Laareyedh n’a été entendu par un juge d’instruction qu’une seule fois, le 19 décembre 2022, au cours de ses plus de 25 mois de détention provisoire. Les avocats de Laareyedh ont déposé plainte contre la police qu’ils soupçonnent d’avoir falsifié des documents clés du dossier de l’affaire. La plainte n’a toujours pas été traitée.
Dans une affaire distincte, Laareyedh a également été inculpé de chercher à « changer la forme du gouvernement », d’« atteinte à la sûreté extérieure de l’État » et d’« offense contre le président », ainsi que d’autres chefs d’inculpation, dont certains liés au terrorisme, a déclaré un de ses avocats à Human Rights Watch. Il encourrait la peine de mort s’il était reconnu coupable. D’autres personnalités publiques, parmi lesquels des partisans comme des opposants du président Saied, ont été poursuivies dans cette affaire.
Laareyedh a été l’un des prisonniers politiques restés le plus longtemps derrière les barreaux sous la présidence de Zine El Abidine Ben Ali. Torturé, il a passé plus de 11 ans, sur ses 15 ans d’emprisonnement, à l’isolement.
Abir Moussi Click to expand Image Abir Moussi. © 2019 AP Photo/FileÂgée de 50 ans, Abir Moussi est avocate et présidente de l’un des principaux partis d’opposition tunisiens, le Parti destourien libre (PDL). Elle était également députée du Parlement de 2019, dissous par le président Saied en mars 2022. Le 28 septembre 2023, le PDL a annoncé officiellement la candidature de Moussi à l’élection présidentielle de 2024. Quelques jours plus tard, le 3 octobre 2023, les forces de sécurité ont arrêté Moussi devant un bâtiment administratif proche du palais présidentiel de Carthage.
Le jour de son arrestation, Moussi avait tenté de déposer un recours contre des décrets présidentiels redessinant les circonscriptions électorales et organisant les élections locales. Des fonctionnaires avaient arbitrairement refusé d’enregistrer son recours. Moussi a alors décidé de protester contre cette décision en diffusant sur Facebook une vidéo en direct, filmée devant le bâtiment administratif, avant d’être arrêtée, a rapporté son avocat Nafaa Laribi. Moussi s’est vue refuser de voir ses avocats jusqu’à son audience avec un juge d’instruction, qui a ordonné son placement en détention le 5 octobre 2023.
Moussi est accusée d’avoir cherché à « changer la forme du gouvernement, inciter les gens à s’armer les uns contre les autres ou provoquer le désordre » et d’avoir « incité [des fonctionnaires], par violences, voies de fait, menaces ou manœuvres frauduleuses, à une cessation individuelle ou collective de travail », ainsi que de chefs d’inculpation liés au traitement de données personnelles sans consentement. Elle risquerait la peine de mort si elle était reconnue coupable.
D’après Laribi, les forces de sécurité ont fait usage d’une force excessive lors de l’arrestation de Moussi, au point de lui causer des blessures physiques, et l’ont privée d’accès à des soins médicaux, ce qui lui a valu des complications de santé et un transfert à l’hôpital le 3 octobre 2024.
Moussi fait l’objet de plusieurs autres poursuites judiciaires, notamment en vertu du décret-loi 54 sur la cybercriminalité.
Entre décembre 2022 et mars 2023, l’instance électorale a déposé quatre plaintes fondées sur ce texte de loi à l’encontre de Moussi, dont deux au moins sont liées à des critiques du processus électoral qu’elle avait publiquement exprimées, à l’instar d’une lettre ouverte au président Saied dénonçant le manque de légitimité de l’instance.En février 2024, Moussi a été placée en détention dans le cadre de deux enquêtes sur la base de l’article 24 du décret-loi 54 sur la cybercriminalité à la suite de deux des plaintes de l’Instance. Le 5 août 2024, le Tribunal de première instance de Tunis l’a condamnée à deux ans de prison pour ses commentaires sur les élections législatives. Le 22 novembre 2024, la peine de Moussi a été réduite en appel à seize mois de prison. Au moment de la rédaction de ce rapport, elle attend toujours d’être jugée pour une deuxième affaire basée sur le décret 54.
Rached TambouraÉtudiant en calligraphie, artiste de rue et graphiste indépendant âgé de 28 ans, Rached Tamboura est incarcéré depuis le 18 juillet 2023 pour des graffiti dénonçant la politique du président Saied vis-à-vis des migrants ressortissants de pays africains et l’accord sur la migration passé entre la Tunisie et l’Union européenne.
Ce jour-là, des agents de police ont arrêté Tamboura dans la rue, dans sa ville de Monastir, au sud-est de Tunis, et l’ont interrogé sur des publications sur les réseaux sociaux affichant une image d’un pochoir sur le mur d’un bâtiment administratif de la délégation de Monastir, a indiqué à Human Rights Watch un de ses avocats. L’image, qui a circulé sur Internet, est composée d’un petit portrait de Saied, assorti des mots « raciste, vassal, cupide, fasciste », à côté d’une esquisse du continent africain.
Le procureur de la République a accusé Tamboura d’« offense contre le président » et d’utiliser les réseaux de communication en vue de « produire, répandre, diffuser [...] de fausses nouvelles, de fausses données [et] des rumeurs » dans le but de « diffamer un agent public, porter atteinte à sa réputation, lui nuire financièrement ou moralement », d’« inciter au discours de haine », de « porter atteinte à [ses] droits » et de « porter préjudice à la sûreté publique ou à la défense nationale ou de semer la terreur parmi la population ». Tamboura a été placé en détention provisoire le 20 juillet 2023, après une unique audience avec un juge d’instruction, a rapporté son avocat.
Le 4 décembre 2023, le Tribunal de première instance de Monastir a condamné Tamboura à deux ans de prison, selon le jugement consulté par Human Rights Watch. Le 31 janvier, la Cour d’appel de Monastir a abandonné l‘accusation d’« offense contre le président », tout en confirmant la condamnation initiale, selon l’avocat.
Khayam Turki Click to expand Image Khayem Turki. © PrivéL’homme politique Khayam Turki, qui a 59 ans, a été arrêté le 11 février 2023, à son domicile de Tunis par des agents de la brigade antiterroriste de la Garde nationale, dans le cadre de la fameuse affaire dite « de complot ». Dans cette affaire, un juge d’investigation? a inculpé des avocats, des opposants politiques, des militants et des hommes d’affaires de complot visant à renverser l’autorité du président Saied en déstabilisant le pays.
Le 2 mai 2024, 40 des 52 personnes initialement accusées, dont Turki, ont été inculpées et déférées devant le tribunal en vertu de nombreux articles du Code pénal et de la loi antiterrorisme de 2015, dont certains passibles de la peine de mort. Khayam a été inculpé d’« atteinte à la sécurité alimentaire et à l’environnement, de façon à compromettre l’équilibre des systèmes alimentaire et environnemental », de financement d’une organisation « terroriste » et de complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l’État. Il était détenu depuis 24 mois au moment de la rédaction de ce rapport, dépassant la limite de 14 mois de détention provisoire prévue en droit tunisien.
Human Rights Watch a consulté les 140 pages de l’ordonnance de clôture du juge d’instruction – clôturant l’instruction et renvoyant l’affaire devant le tribunal –, qui indiquent que ces graves accusations paraissent sans objet et semblent fondées sur des éléments de preuve insuffisants. Les prétendues preuves se réduisent aux dépositions anonymes d’un « témoin » et d’un « informateur », à l’origine de l’enquête, ainsi qu’à des conversations privées sur des applications de messagerie entre militants, diplomates étrangers, journalistes et chercheurs. Le procès s’est ouvert le 4 mars 2025.
Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a publié en août 2024 un avis au sujet de l’incarcération de Turki et de sept autres personnes poursuivies dans cette affaire, confirmant qu’elles étaient bien détenues de façon arbitraire. Le Groupe de travail a appelé les autorités tunisiennes à les libérer immédiatement, à garantir leur droit à réparation et à enquêter sur les circonstances entourant leur arrestation et détention arbitraires.
Les autorités se sont appuyées sur un arsenal juridique agressif, notamment sur des accusations infondées liées à la sécurité et au terrorisme en vertu du code pénal ainsi que sur la loi antiterrorisme de 2015, qui confère aux forces de sécurité des pouvoirs étendus de surveillance, autorise à retenir un suspect jusqu’à 15 jours en garde à vue et permet aux informateurs et aux témoins de demeurer anonymes. Les autorités ont aussi eu recours à des lois qui violent les droits à la liberté d’expression et à la vie privée, notamment à certaines dispositions du code pénal et du code des télécommunications, ainsi qu’au décret-loi 54 sur la cybercriminalité. De nombreuses personnes détenues dont le cas est documenté dans ce rapport ont été inculpées de « tentative de changer la forme du gouvernement », qui est passible de la peine de mort.
Les autorités tunisiennes ont maintenu de nombreuses personnes les ayant critiquées en détention provisoire pendant plus de 14 mois, ce qui est pourtant le délai maximal autorisé par le droit tunisien. Par ailleurs, les autorités judiciaires ont régulièrement amené de nouvelles inculpations ou émis de nouveaux mandats de dépôt afin de garder certaines personnalités derrière les barreaux, parfois sans même les faire comparaître devant un juge, a constaté Human Rights Watch.
Les attaques répétées des autorités contre la justice, en particulier le démantèlement du Conseil supérieur de la magistrature par le président Saied, ont gravement sapé son indépendance et porté atteinte au droit des Tunisiens à un procès équitable. Les autorités ont également ciblé des avocats de la défense, à travers un harcèlement judiciaire, des poursuites pénales et des interdictions de voyager, pour avoir légitimement exercé leur profession. Enfin, les autorités tunisiennes ont poursuivi, condamné, et détenu des civils jugés critiques des autorités devant les tribunaux militaires, qui ne devraient pourtant pas être compétents pour juger des civils.
Human Rights Watch a constaté que les personnes détenues subissaient souvent des conditions d’incarcération très dures et que les autorités n’avaient pas fourni de soins médicaux adéquats à plusieurs personnes en détention pour l’expression pacifique de leurs opinions ou leurs activités politiques. Dans certains cas, elles sont exposées 24 heures sur 24 à une surveillance vidéo et à une lumière artificielle, ou subissent des fouilles à nu.
La journaliste Chadha Hadj Mbarek, qui a un handicap auditif, et qui purge une peine de cinq ans pour « tentative de changer la forme du gouvernement », fait face à de mauvaises conditions de détention et un manque d’aménagements et d’aide raisonnables. Alors qu’elle rencontre des difficultés pour entendre ses proches lors des visites familiales, en raison de la configuration des parloirs, elle ne reçoit aucun soutien pour pouvoir communiquer. De plus, l’administration pénitentiaire l’a empêchée d’accéder à ses médicaments, a témoigné son frère Amen à Human Rights Watch.
« Elle a perdu son moyen de subsistance et le fait qu’on l’associe à un complot et au terrorisme lui donne le sentiment d’être une paria », a-t-il déclaré.
La Tunisie est un État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui garantissent le droit à la liberté d’expression et de réunion, à un procès équitable et à ne pas subir d’arrestation ou de détention arbitraires.
Les autorités tunisiennes devraient immédiatement libérer toutes les personnes arbitrairement détenues, retirer les inculpations abusives à leur encontre et cesser de poursuivre des individus en justice pour l’exercice de leurs droits humains. Les partenaires internationaux de la Tunisie devraient exhorter le gouvernement à mettre fin à sa répression et à préserver un espace de liberté d’expression, d’association et de réunion.
L’Union européenne et ses États membres, qui jusqu’ici, ont dans l’ensemble failli à s’exprimer sur la situation désastreuse des droits humains, devraient exprimer publiquement leur inquiétude sur le recul des droits en Tunisie et réexaminer toute coopération avec le pays pour veiller à ce qu’elle soit conditionnée au respect de ses obligations internationales vis-à-vis des droits humains. La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples devrait presser la Tunisie de se conformer immédiatement aux jugements contraignants de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
« Les partenaires internationaux de la Tunisie ont persisté à ignorer la détérioration de la situation des droits humains en Tunisie, alors même que des opposants politiques et des personnes critiques écopent coup après coup de lourdes peines de prison », a conclu Bassam Khawaja. « La communauté internationale a l’urgente responsabilité de faire tout son possible pour obtenir la libération de toutes les personnes injustement incarcérées. »
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15.04.2025 à 19:53
La semaine dernière, les autorités tanzaniennes ont arrêté le principal candidat de l'opposition à la prochaine élection présidentielle, Tundu Lissu, sur la base d'accusations infondées. Elles ont ensuite utilisé les appels de son parti à des réformes électorales comme prétexte pour exclure sa candidature. Ceci fait suite à de précédentes actions du gouvernement de la présidente Samia Suluhu Hassan, visant à réprimer l'opposition politique et les voix critiques.
Les autorités ont inculpé Tundu Lissu de trahison et de « publication de fausses informations » en ligne, et l'ont placé en détention ; elle l’ont aussi accusé d'inciter le public à faire obstruction aux élections prévues en octobre, son parti, le Chadema (abréviation de « Chama Cha Demokrasia na Maendeleo », Parti pour la démocratie et le développement), ayant appelé à un éventuel boycott du scrutin. Le Chadema a appelé le gouvernement à entreprendre des « réformes électorales fondamentales » dans le cadre de sa campagne « Pas de réformes, pas d'élections » (« No Reform, No Election »).
En Tanzanie, la trahison est passible de la peine de mort, et les personnes accusées de ce délit ne peuvent pas bénéficier d’une libération sous caution.
Le 12 avril, la Commission électorale nationale indépendante (INEC), l'organisme électoral tanzanien, a disqualifié Chadema de la participation aux élections après que des responsables de ce parti ont refusé de signer le Code de déontologie électorale de 2025. Chadema avait indiqué que le parti ne signerait pas ce code tant que le gouvernement n'aurait pas entrepris de réformes électorales. Gaston Garubindi, directeur des affaires juridiques et des droits humains de Chadema, a déclaré à Human Rights Watch qu'il pensait que le gouvernement ciblait délibérément Tundu Lissu afin de faire dérailler la campagne pro-réformes du parti.
Des gouvernements tanzaniens successifs ont réprimé l'opposition politique lors des précédentes élections. Avant les élections de 2020, le gouvernement de l'ancien président John Magufuli avait arrêté arbitrairement de nombreux dirigeants, responsables et sympathisants de partis d'opposition, dont Lissu. Il avait également suspendu des médias, censuré les communications mobiles et bloqué les réseaux sociaux.
Avant les élections locales de novembre 2024, le gouvernement de la présidente Suluhu, arrivée au pouvoir après la mort de Magufuli en 2021, a arrêté arbitrairement des centaines de partisans du Chadema, imposé des restrictions d'accès aux réseaux sociaux et interdit des médias indépendants. Les autorités ont été impliquées dans l'enlèvement et l'exécution extrajudiciaire d'au moins huit détracteurs du gouvernement. Le Chadema a déclaré que des milliers de ses candidats avaient été disqualifiés.
La situation semble tout aussi préoccupante pour les élections prévues plus tard cette année.
Les gouvernements préoccupés devraient exhorter la présidente Suluhu à mettre fin à ces mesures répressives, et à garantir le respect des droits fondamentaux et des libertés en Tanzanie, afin que les citoyens puissent bénéficier des élections libres et équitables auxquelles ils ont droit.
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14.04.2025 à 18:09
(Nairobi, 14 avril 2025) – Alors que le conflit au Soudan entre dans sa troisième année, les dirigeants réunis à Londres devraient s'efforcer d’urgence de protéger les civils et de garantir un acheminement de l'aide humanitaire sûr et sans entrave, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. La conférence, coorganisée par le Royaume-Uni, l'Union européenne, la France et l'Allemagne, se tient alors que les civils à travers le Soudan continuent d'être victimes d'abus flagrants et de violences délibérées.
Les Forces de soutien rapide (FSR, ou RSF en anglais) et les Forces armées soudanaises (FAS, ou SAF en anglais) ont commis des exactions généralisées, notamment des exécutions extrajudiciaires, des violences sexuelles, des pillages généralisés et la destruction d'infrastructures civiles depuis le début du conflit le 15 avril 2023. Les FSR et les milices alliées ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité dans le cadre d'une campagne de nettoyage ethnique au Darfour occidental. Des dizaines de milliers de personnes ont été tuées et d'autres blessées. On estime que 12,9 millions de personnes ont fui leur foyer ; La moitié de la population soudanaise souffre de faim aiguë, et la famine se propage.
« Depuis deux ans, les belligérants soudanais soumettent la population à d'horribles exactions et souffrances, et bloquent l'aide humanitaire, plongeant le pays dans l'une des pires catastrophes humanitaires au monde », a déclaré Mohamed Osman, chercheur sur le Soudan à Human Rights Watch. « Les dirigeants internationaux devraient veiller à ce que les discussions visant à améliorer la situation humanitaire s'accompagnent d'engagements au plus haut niveau en faveur de la protection des civils. »
Le Royaume-Uni, en tant que pays co-organisateur de la conférence, devrait s'appuyer sur les efforts déployés par le passé au Conseil de sécurité des Nations Unies pour faire avancer le débat sur la protection des civils. Les participants devraient veiller à ce que d’autres pays, notamment ceux d'Afrique et du Moyen-Orient, prennent des engagements concrets en faveur de la protection des civils soudanais, par exemple en formant une coalition de pays déterminée à agir dans ce sens en envisageant des options telles que le déploiement d'une mission de protection des civils, a déclaré Human Rights Watch.
Soudan, deux ans de conflit Plus d'infosLes pays participant à la conférence de Londres devraient également reconnaître publiquement le rôle vital des secouristes locaux et des professionnels de santé, s'engager à leur apporter soutien et protection, et indiquer clairement que les crimes de guerre tels que les attaques contre les installations et le personnel médicaux auront des conséquences.
Ces dernières semaines, les FAS ont repris le contrôle de zones auparavant sous le contrôle des FSR. Le 27 mars 2025, le lieutenant-général Abdel Fattah al-Burhan, commandant des FAS, a annoncé que ses forces avaient repoussé les FSR hors de la capitale, Khartoum, largement sous leur contrôle depuis le début du conflit. Le 20 mars, l'ONU a signalé que des dizaines de civils, dont des travailleurs humanitaires locaux, avaient été tués par des bombardements aériens et des tirs d’artillerie, que les FSR avaient exécuté sommairement des personnes à leur domicile, et que les forces des deux camps avaient pillé des biens civils et des fournitures d'aide humanitaire.
Trois volontaires à Khartoum ont déclaré à Human Rights Watch que, dans les mois précédant leur expulsion des FSR par les FAS, celles-ci avaient ciblé des cantines communautaires dans les zones sous leur contrôle, arrêtant plusieurs volontaires, pillant des réserves de nourriture et imposant des « frais de protection ». Les FAS ont également intimidé et arrêté des volontaires dans les zones sous leur contrôle.
Le 3 avril, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Volker Türk, s’est déclaré « consterné par les informations faisant état d’exécutions extrajudiciaires généralisées de civils à Khartoum après sa reprise par les Forces armées soudanaises le 26 mars ».
Alors que les personnes déplacées commencent à rentrer à Khartoum, des images confirment la destruction massive d'infrastructures civiles et le pillage de biens. Des médias internationaux ont rapporté la découverte d'un centre de détention géré par les FSR et d’une fosse commune contenant plus de 500 corps, ce nombre pouvant atteindre 550 ; d'anciens détenus ont parlé de torture et de famine sur ce site.
« À notre retour à Khartoum, nous avons trouvé la ville en ruines », a déclaré à Human Rights Watch une femme de 51 ans rentrée chez elle à Bahri, ville jumelée à Khartoum. « Dans notre quartier, tout le monde a perdu un proche ou un voisin à cause des combats. Certains de nos voisins sont portés disparus depuis des mois. Nous avons découvert que des gens utilisaient une aire de jeux à proximité comme cimetière, faute de pouvoir enterrer leurs proches correctement dans le cimetière. »
Les civils sont toujours la cible d'attaques dans les zones où les hostilités se poursuivent. Depuis près d'un an, les combats incessants à El Fasher, capitale du Darfour-Nord, ont fait d'innombrables victimes et contraint nombre d'entre eux à fuir vers Zamzam, un camp de déplacés situé à 15 kilomètres de là, où la famine a été déclarée pour la première fois en août 2024 et que les FSR ont attaqué à plusieurs reprises en 2025. En janvier 2025, une frappe de drone présumée sur un hôpital d'El Fasher a tué des dizaines de personnes. Ces attaques ont contraint le Programme alimentaire mondial des Nations Unies à suspendre la distribution de nourriture en février. Selon l'ONU, au moins 70 enfants ont été tués ou blessés à El Fasher au cours des trois derniers mois. Les dirigeants réunis à Londres devraient exhorter les parties belligérantes à El Fasher et dans ses environs à protéger les civils, à autoriser la circulation des personnes et à acheminer l'aide humanitaire en toute sécurité, conformément à leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et à la résolution du Conseil de sécurité adoptée en juin 2024.
Pendant l'offensive des FAS visant à reconquérir l'État de Gezira, largement sous contrôle des RSF, entre décembre 2023 et février 2025, les FAS et les milices alliées ont attaqué des civils dans la capitale régionale, Madani, et aux alentours. Human Rights Watch a constaté que le Bouclier du Soudan, un groupe armé combattant aux côtés des FAS, a intentionnellement pris pour cible des civils et leurs biens lors d'une attaque contre le village de Tayba le 10 janvier 2025, tuant au moins 26 personnes. Les FSR, qui ont commis des exécutions sommaires, des viols et des pillages à grande échelle dans la Gezira alors que cet État était sous leur contrôle, ont aussi continué d'attaquer certaines parties de l'État, tuant au moins 18 personnes en mars 2025.
Les bombardements aériens menés par les FAS se poursuivent ; en mars, une attaque contre un marché bondé à Tora, au Darfour-Nord, aurait tué et blessé des dizaines de personnes.
Les deux camps entravent l'acheminement de l'aide et continuent de cibler les intervenants locaux, tandis que les coupes budgétaires dans l'aide humanitaire, notamment celles imposées par l'administration Trump, ont encore davantage compromis les opérations humanitaires, notamment la capacité opérationnelle des intervenants locaux. Des experts de l'ONU ont déclaré en juin 2024 que les deux parties utilisaient la famine comme arme de guerre. Le 14 mars 2025, le Secrétaire général de Médecins sans frontières (MSF) s'adressant au Conseil de sécurité des Nations Unies, a souligné que « la violence contre les civils attise les besoins humanitaires ».
L'impunité pour les crimes commis au Soudan enhardit les forces responsables des exactions, a déclaré Human Rights Watch. Le 18 février 2025, Volker Türk a déclaré que « l’obligation de rendre des comptes, quels que soient le rang et l'affiliation des auteurs des violations, est essentielle pour briser le cycle récurrent de la violence et de l'impunité au Soudan ».
Les gouvernements réunis à Londres devraient également s'engager à mettre fin à l'impunité, notamment en garantissant le soutien politique et financier nécessaire aux enquêtes en cours, notamment celles menées par la Cour pénale internationale, la Mission d'établissement des faits de l'ONU et la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, et en incitant les parties belligérantes à autoriser l'accès au Soudan à des observateurs et enquêteurs indépendants.
Un autre facteur clé qui alimente la violence et encourage les parties belligérantes est le flux incessant d'armes provenant d'acteurs extérieurs. En septembre 2024, Human Rights Watch a documenté l'utilisation d'équipements apparemment nouvellement acquis de fabrication étrangère dans des régions du Soudan, notamment au Darfour, bien qu’un embargo sur les armes imposé par l'ONU y soit toujours en vigueur.
Les dirigeants réunis à Londres devraient condamner les violations de l'embargo sur les armes, notamment par les Émirats arabes unis, et s'engager à étendre cet embargo et le régime de sanctions de l'ONU, ainsi qu'à empêcher la vente d'armes susceptibles de tomber entre les mains des belligérants soudanais.
« Les dirigeants mondiaux ont l'occasion de prendre des mesures plus fermes pour empêcher les belligérants au Soudan de commettre davantage d’atrocités contre les civils, et pour insister sur l'acheminement d’aide humanitaire aux personnes qui en ont le plus besoin », a conclu Mohamed Osman. « Les dirigeants devraient fournir une aide vitale, apporter un soutien financier et politique aux intervenants locaux, appuyer les efforts de justice et soutenir la création d'une mission internationale de protection des civils. »
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Articles
Mediapart France24 RFI
BBC Afrique
Radio
RFI (itw J.-B. Gallopin)
11.04.2025 à 06:00
(Washington, 11 avril 2025) – Les gouvernements des États-Unis et du Salvador ont soumis plus de 200 ressortissants vénézuéliens à des disparitions forcées et à des détentions arbitraires, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
Le 15 mars 2025, le gouvernement américain a expulsé 238 Vénézuéliens vers le Salvador, où ils ont été immédiatement transférés vers le Centre de confinement du terrorisme (Centro de Confinamiento del Terrorismo, CECOT), une gigantesque prison connue pour ses conditions de détention abusives.
Depuis lors, les Vénézuéliens sont détenus au secret. Les autorités américaines et salvadoriennes n'ont pas divulgué la liste des personnes expulsées, mais la chaîne de télévision CBS News a publié une liste de noms qui a fait l’objet d’une fuite. Des proches de personnes apparemment transférées au Salvador ont déclaré à Human Rights Watch que les autorités américaines avaient déclaré ne pouvoir leur communiquer aucune information sur la situation de ces personnes, et les autorités salvadoriennes ne leur ont apporté aucune réponse non plus.
« Ces disparitions forcées constituent une grave violation du droit international relatif aux droits humains », a déclaré Juanita Goebertus, directrice de la division Amériques à Human Rights Watch. « La cruauté des gouvernements américain et salvadorien a privé ces personnes de la protection de la loi, et a causé une immense douleur à leurs familles. »
Les autorités américaines devraient rendre publique l'identité des Vénézuéliens expulsés vers le Salvador. Le gouvernement salvadorien devrait confirmer leur emplacement actuel, préciser si leur détention est légalement fondée, et les autoriser à communiquer avec le monde extérieur.
Human Rights Watch a mené des entretiens avec 40 proches de personnes apparemment expulsées vers le Salvador. Human Rights Watch a adressé une lettre aux autorités salvadoriennes le 5 avril, leur demandant des informations sur l'identité des personnes détenues, leurs conditions de détention au CECOT et le fondement juridique de leur détention. À ce jour, le gouvernement salvadorien n'a pas répondu à ce courrier.
Tous les membres des familles interrogés par Human Rights Watch ont déclaré que les autorités américaines de l'immigration avaient initialement informé leurs proches, qui se trouvaient dans des centres de rétention aux États-Unis, qu'ils seraient renvoyés au Venezuela. Aucun des détenus n'a été informé par avance de son transfert au Salvador, ont indiqué leurs familles.
Le 17 mars, la Maison-Blanche a annoncé que 238 Vénézuéliens avaient été expulsés vers le Salvador. Le gouvernement salvadorien a publié une vidéo montrant les visages de certains d'entre eux, mais aucun des deux gouvernements n'a publié la liste des personnes expulsées et détenues au CECOT, ni expliqué le fondement juridique, le cas échéant, de leur détention. Le même jour, la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, a déclaré que 137 personnes avaient été expulsées en vertu de la loi « Alien Enemies Act » de 1798, une loi archaïque et rarement utilisée qui permet au président des États-Unis d'ordonner l'arrestation et l'expulsion de personnes ayant des liens avec « une nation ou un gouvernement hostile ». Karoline Leavitt a ajouté que 101 autres personnes avaient été expulsées en vertu du programme « Titre 8 » (« Title 8 »), conformément aux procédures d'immigration habituelles.
L'administration Trump a invoqué la loi Alien Enemies Act contre un groupe criminel organisé vénézuélien connu sous le nom de « Tren de Aragua », afin de justifier les expulsions. Pourtant, le gouvernement américain n'a présenté aucune preuve établissant que les personnes expulsées étaient affiliées au Tren de Aragua. Un agent du département Immigration et contrôle des douanes des États-Unis (Immigration and Customs Enforcement, ICE) a déclaré que « de nombreux membres du TdA expulsés […] n'ont pas de casier judiciaire aux États-Unis ».
Plusieurs proches de personnes expulsées au Salvador ont aussi montré aux chercheurs de Human Rights Watch des documents gouvernementaux indiquant que ces personnes n'avaient « aucun casier judiciaire » au Venezuela, ni dans d'autres pays d'Amérique latine où elles ont vécu ces dernières années.
L'agence ICE dispose d’un système en ligne de localisation des détenus (Online Detainee Locator System, ODLS), que les avocats et les familles utilisent pour retrouver les personnes détenues aux États-Unis pendant les procédures d'immigration. a recoupé En utilisant les numéros de dossier de certaines personnes expulsées, Human Rights Watch a confirmé qu'elles avaient été radiées du système ODLS. L'agence ICE indique sur son site web, mis à jour le 7 avril, que « l'ODLS ne dispose d'informations que sur les étrangers détenus actuellement sous la garde de l'ICE ou qui ont été libérés de cette garde au cours des 60 derniers jours ». Cela semble indiquer que les noms des proches des Vénézuéliens interrogés par Human Rights Watch ont été supprimés de la liste plus tôt que ne le prévoit la pratique habituelle de l'ICE.
Certains proches de Vénézuéliens expulsés ont déclaré que lorsqu'ils ont appelé les centres de détention américains ou les bureaux de l'ICE pour demander où se trouvaient ces personnes, les autorités leur ont répondu qu'ils ne pouvaient fournir aucune information, que ces personnes n'apparaissaient plus dans le système de localisation ou que leur localisation était inconnue. Dans quelques cas, les autorités les ont informés que leurs proches avaient été expulsés des États-Unis, mais sans préciser où ils avaient été envoyés.
Le 20 mars, CBS News a obtenu et publié une liste interne du gouvernement américain contenant les noms, sans numéro d'identification, de personnes envoyées au Salvador. Ni les autorités salvadoriennes ni les autorités américaines n'ont confirmé l'authenticité de cette liste, bien que Human Rights Watch y ait trouvé tous les noms des cas que l’organisation a documentés.
Plusieurs personnes ont déclaré à Human Rights Watch qu’elles ne connaissaient pas le système judiciaire salvadorien, ni la manière de contacter les autorités compétentes pour obtenir des informations sur leurs proches.
Certaines personnes ont indiqué avoir envoyé un courriel a Andrés Guzman, Haut-commissaire salvadorien aux droits humains et à la liberté d'expression, mais n'avoir reçu qu'un accusé de réception automatique ou une réponse indiquant que leur demande avait été transmise aux « institutions compétentes ». Un avocat salvadorien représentant plusieurs détenus a déclaré à Human Rights Watch qu'il n'avait pas été autorisé à rencontrer ses clients, ni à s'entretenir avec eux.
Plusieurs personnes ont déclaré qu'elles pensaient que leurs proches se trouvaient au Salvador, sur la base de certains indices. Certaines personnes ont identifié le visage ou des parties du corps de leurs proches dans une vidéo publiée par les autorités salvadoriennes. D'autres ont découvert que le nom de leur proche avait été supprimé de la base de données de localisation de l'ICE le 16 mars ou aux alentours de cette date, ou ont trouvé le nom de leur proche sur la liste de CBS News.
Le gouvernement salvadorien n'a invoqué aucun fondement juridique pour la détention des Vénézuéliens expulsés des États-Unis, et n'a fourni aucune indication quant à la date, le cas échéant, de leur libération. Il semble donc que leur détention est totalement arbitraire et potentiellement indéfinie, ce qui constitue une grave violation des obligations du Salvador en matière de droits humains, a déclaré Human Rights Watch.
En vertu de droit international, une disparition forcée survient lorsque les autorités privent une personne de sa liberté et refusent ensuite de révéler son sort ou le lieu où elle se trouve. Cette violation est particulièrement grave car elle soustrait des personnes à la protection de la loi, ce qui accroît le risque de nouveaux abus.
« Personne ne devrait être contraint de rassembler des bribes d’informations provenant des médias ou d’interpréter le silence des autorités pour pouvoir apprendre où ses proches sont détenus », a conclu Juanita Goebertus. « Les autorités salvadoriennes devraient d’urgence divulguer les noms de tous les détenus transférés par les États-Unis, confirmer leur lieu de détention et leur permettre de contacter leurs familles. »
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Articles
7sur7.be/AFP Humanité.fr Le Dauphiné
10.04.2025 à 18:22
(Taipei, 10 avril 2025) – Le gouvernement vietnamien devrait enquêter sur la mort dans des circonstances suspectes d'un haut lama tibétain, Humkar Dorje Rinpoché, à Hô-Chi-Minh-Ville le 29 mars, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
Humkar Dorje, 56 ans, est décédé après des mois d'inquiétude au sein de la communauté tibétaine quant à son sort et à son bien-être. Ses fidèles en Inde, où de nombreux Tibétains vivent en exil, affirment que les autorités vietnamiennes et chinoises l'ont arrêté au Vietnam après sa fuite du Tibet. Son monastère en Chine, sous tutelle officielle, a au contraire affirmé qu'il était mort d’une maladie lors d'une retraite monastique.
« La mort d'Humkar Dorje Rinpoché au Vietnam est particulièrement préoccupante, compte tenu de la répression sévère exercée par le gouvernement chinois contre les Tibétains et des précédents enlèvements de Tibétains au Vietnam », a déclaré Maya Wang, directrice adjointe pour la Chine à Human Rights Watch. « Les autorités vietnamiennes devraient enquêter de manière crédible et impartiale sur ces allégations et prendre les mesures appropriées, notamment en communiquant les résultats de l'autopsie à la famille d'Humkar Dorje. »
Le haut lama Humkar Dorje dirigeait le monastère de Lung Ngon, dans le comté de Gabde, situé dans la préfecture autonome tibétaine de Golok qui fait partie de la province du Qinghai en Chine. Il comptait des milliers de fidèles en Chine et à l'étranger, notamment au Vietnam. Éducateur de renom, il avait fondé, avec l'autorisation et la supervision des autorités chinoises, une école professionnelle et plus de dix autres écoles dans la province du Qinghai, où il parrainait l'éducation d’enfants de la région.
La disparition et le décès d'Humkar Dorje sont survenus dans le contexte de la répression exercée par le gouvernement chinois contre d'éminents éducateurs tibétains et les écoles qu'ils dirigent, qui promeuvent la langue et la culture tibétaines, au Tibet ainsi que dans des zones à l'est de cette région, dont la préfecture de Golok.
Humkar Dorje était porté disparu depuis au moins le mois de novembre 2024, selon les médias tibétains en exil. Lorsque des habitants du comté de Gabde ont exprimé leur inquiétude à son sujet en décembre, les autorités locales auraient interdit toute discussion publique à son sujet. Ce silence a pris fin le 1er avril, lorsque les autorités du comté de Gabde ont montré aux représentants du monastère un certificat de décès délivré par un hôpital de Hô-Chi-Minh-Ville.
Le 3 avril, des moines du monastère de Lung Ngon ont publié une déclaration publique officielle, affirmant que Humkar Dorje avait « présenté des signes de mauvaise santé », était « parti seul vers un lieu inconnu » à une date non précisée pour une retraite religieuse, et était « mort subitement d’une maladie » au Vietnam le 29 mars, sans donner plus de détails.
Le 5 avril, des disciples de Humkar Dorje vivant en Inde ont toutefois contredit ces affirmations ; ils ont indiqué que le haut lama avait fui vers le Vietnam, après avoir été convoqué par la police chinoise pour un interrogatoire en septembre 2024. Ils ont affirmé que la police vietnamienne, agissant manifestement de concert avec des agents du ministère chinois de la Sécurité d'État, l'avait arrêté le 25 mars. Humkar Dorje est décédé quatre jours plus tard.
La déclaration du monastère est incomplète et pourrait avoir été rédigée sous la contrainte, a déclaré Human Rights Watch, compte tenu du contrôle strict exercé par les autorités chinoises sur la gestion des monastères tibétains.
Les lamas tibétains partent souvent en retraite pour de longues périodes, mais il semble très improbable que les moines du monastère de Lung Ngon aient ignoré où se trouvait le haut lama Humkar Dorje ou s’il avait voyagé à l’étranger, ou qu’ils aient dissimulé des informations pendant plusieurs mois. De plus, si le haut lama était parti en retraite ou avait été malade, les autorités n'auraient aucune raison d'interdire toute discussion sur sa situation.
Des fidèles de Humkar Dorje en Inde ont déclaré qu'il avait fui son monastère fin septembre 2024, après avoir été interrogé à Gabde par des représentants du gouvernement et des forces de sécurité locales. Un article de presse officiel chinois paru le 15 octobre 2024 décrivait la visite d'un haut fonctionnaire du comté au monastère de Lung Ngon pour « inspecter la gestion du temple » ; mais l'article ne mentionnait pas Humkar Dorje, ce qui était inhabituel.
Précédemment, Humkar Dorje était apparemment en bons termes avec les autorités chinoises depuis longtemps. Diplômé en 2001 de l'école nationale chinoise des lamas bouddhistes tibétains, il occupait un poste prestigieux au sein de l'Assemblée populaire du comté, où il était président adjoint du comité permanent du Congrès. Il était également président de la branche de l'Association bouddhique de Chine au comté de Gabde, ce qui en faisait la plus haute figure religieuse de ce comté.
En juillet 2024, Humkar Dorje avait présidé une importante cérémonie religieuse publique au monastère de Lung Ngon, ce qui aurait nécessité une autorisation officielle. En août, des articles de presse officiels l'ont présenté comme l'un des chefs d'une délégation gouvernementale visitant un autre monastère local. En septembre, les médias officiels ont montré un responsable national et des membres d'une délégation provinciale partageant un repas avec Humkar Dorje à son monastère, affirmant que « les divers travaux menés par le temple de Longen [Lung Ngon] ces dernières années ont été pleinement approuvés par les services à tous les niveaux de la province, de la préfecture et du district ».
Les mentions de Humkar Dorje dans des publications officielles chinoises ont cessé fin septembre ; c’est vers cette date qu’il aurait fui au Vietnam, selon ses fidèles qui vivent en exil en Inde.
Les autorités chinoises exercent depuis longtemps une répression transnationale – des violations des droits humains commises au-delà des frontières d'un pays pour réprimer la dissidence – notamment contre les Tibétains vivant à l'étranger, ciblant ceux qui critiquent le gouvernement chinois ou participent à des activités considérées comme menaçantes pour le gouvernement.
Des informations non confirmées émanant d'autres fidèles d'Humkar Dorje indiquent que certains membres du monastère de Lung Ngon qui se trouvaient avec lui au Vietnam pourraient avoir aussi été détenus par les autorités vietnamiennes et remis à la Chine, malgré les risques importants de torture et autres mauvais traitements dans ce pays.
Le gouvernement vietnamien est tenu de respecter le principe de non-refoulement qui est inscrit dans le droit international ; ce principe interdit aux pays de renvoyer une personne vers un autres pays où elle serait exposée à un risque réel de persécution.
En 2022, le gouvernement chinois a précédemment rapatrié, avec la coopération des autorités vietnamiennes, au moins deux dissidents politiques chinois qui avaient fui au Vietnam – Dong Guangping et Wang Bingzhang – avant d’y être arrêtés.
Conformément au Protocole du Minnesota concernant les enquêtes sur les décès potentiellement illégaux, le gouvernement vietnamien devrait mener une enquête impartiale sur les circonstances du décès de Humkar Dorje, notamment sur le rôle des services de sécurité vietnamiens et sur toute implication éventuelle des services de sécurité chinois ou d’autres responsables de ce pays. Cette enquête devrait inclure une autopsie visant à établir les causes du décès, devant être fournie à la famille lors de la restitution du corps. Le Protocole du Minnesota définit ainsi cette obligation : « En cas d’homicide résultant potentiellement d’un acte illégal, les familles ont le droit, au moins, d’obtenir des informations sur les circonstances de la disparition du défunt, le lieu où se trouve le corps et l’état de la dépouille ainsi que, pour autant qu’elles aient été établies, la cause et le type du décès. »
« Les gouvernements étrangers devraient faire pression sur le gouvernement vietnamien pour obtenir des réponses sur la mort de Humkar Dorjé Rinpoché », a conclu Maya Wang. « Ils devraient tenir les responsables vietnamiens rendent des comptes pour toute complicité dans les pratiques abusives de la Chine au Vietnam, et prendre des mesures pour empêcher qu'elles ne se reproduisent. »
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10.04.2025 à 05:00
(Nairobi) – L'utilisation par le Soudan du Sud d'armes incendiaires improvisées larguées par voie aérienne a tué des dizaines de personnes, dont des enfants, dans l'État du Haut-Nil, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui ; ces attaques ont aussi infligé d’atroces brûlures à d’autres habitants, et détruit des infrastructures civiles. L'utilisation de ces armes par le gouvernement dans des zones peuplées pourrait constituer une série de crimes de guerre.
Des personnes ont décrit à Human Rights Watch l'utilisation d'armes incendiaires improvisées lors d'au moins quatre attaques dans les comtés de Nasir, de Longechuk et d’Ulang, dans l'État sud-soudanais du Haut-Nil ; ces attaques ont fait au moins 58 morts, et gravement brûlé d'autres personnes. La Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS, ou UNMISS en anglais), dotée d'un mandat solide de protection des civils, devrait établir des bases opérationnelles temporaires dans les zones à haut risque et réagir de manière proactive à la détérioration de la situation. Les membres du Conseil de sécurité de l'ONU devraient exhorter le Soudan du Sud à cesser ses attaques illégales, et exiger le déploiement urgent de forces de maintien de la paix dans les zones touchées.
« Ces armes incendiaires ont tué des dizaines de personnes, dont des enfants, et ont infligé à des survivants de graves brûlures qui risquent d’entraîner des séquelles durables », a déclaré Nyagoah Tut Pur, chercheuse sur le Soudan du Sud à Human Rights Watch. « Le gouvernement devrait immédiatement cesser d'utiliser de manière indiscriminée des armes incendiaires contre des communautés et faciliter l'accès sécurisé à l'aide humanitaire ; l'ONU devrait déployer d'urgence des forces de maintien de la paix dans les zones touchées. »
Les bombardements aériens menés par le gouvernement se sont intensifiés à partir du 16 mars, en réponse à deux attaques : une attaque menée le 4 mars par le groupe armé « White Army » (« Armée blanche », composé surtout de jeunes membres de l’ethnie Nuer) contre une base militaire gouvernementale à Nasir, et une autre attaque menée le 7 mars par des hommes armés contre un hélicoptère de l'ONU, qui a tué un membre d'équipage de l'ONU et plus d'une vingtaine de soldats sud-soudanais.
Carte de l'État du Haut-Nil (Soudan du Sud)
Click to expand Image Lieux des attaques documentées par Human Rights Watch dans le Haut-Nil, au Soudan du Sud, en mars 2025. Ces attaques ont été menées à Mathlang, à Kuich, et à Nasir. © 2025 Human Rights WatchLe 17 mars, le ministre de l'Information du Soudan du Sud a déclaré que l’Armée de l'air avait bombardé des « zones de la soi-disant Armée blanche », et a insinué à tort que les civils qui ne quittaient pas ces zones pouvaient être légalement pris pour cible. Il a aussi indiqué que l'Ouganda fournissait un soutien technique aux Forces de défense du peuple du Soudan du Sud (South Sudan People’s Defence Forces, SSPDF), ce que l'Ouganda a également confirmé.
Un porte-parole des forces ougandaises (Uganda Peoples’ Defence Forces, UPDF) a déclaré à Human Rights Watch que le soutien apporté par l’UPDF ne comprenait pas d'attaques aériennes ou terrestres, mais qu'il pouvait être envisagé, si le gouvernement sud-soudanais le demandait ou le jugeait nécessaire. L’UPDF a précédemment réfuté les allégations selon lesquelles ses forces auraient ciblé des civils et des biens civils, ou utilisé des « armes chimiques et des barils d'explosifs ».
Les armes incendiaires infligent de terribles brûlures et d’autres blessures physiques, qui peuvent entraîner des dommages psychologiques, des cicatrices et des handicaps à vie, et donc une exclusion sociale et économique. Elles provoquent également des incendies susceptibles de détruire de manière indiscriminée des biens civils. L'utilisation de ces armes dans des zones peuplées viole le droit international humanitaire et, si elle est commise avec une intention criminelle, constitue un crime de guerre.
Le Protocole III à la Convention sur certaines armes classiques interdit explicitement l'utilisation d'armes larguées par voie aérienne conçues pour incendier et brûler des personnes dans des zones comprenant des « concentrations de civils ». Bien que le Soudan du Sud ne soit pas un État partie à ce Protocole, son utilisation de ces armes souligne la nécessité de renforcer le droit international qui les régit.
Image satellite 1 : Mathiang
Click to expand Image Image satellite du 30 mars 2025 montrant des tukuls (maisons) incendiées à Mathiang, au Soudan du Sud, après l’attaque du 16 mars. Les petits cercles blancs correspondent aux structures brûlées. © 2025 Planet Labs PBC (image satellite) / HRW (graphisme).Human Rights Watch a mené des entretiens avec huit personnes dont des témoins, des secouristes locaux et deux représentants du gouvernement, au sujet de l'attaque du 16 mars à Mathiang, dans le comté de Longechuk.
Des témoins ont décrit des « barils » – des armes incendiaires improvisées – largués depuis ce qui semblait être un avion multimoteur. Une femme de 39 ans a déclaré : « [Le baril] est tombé vers nous, j'ai cru qu'il allait s'abattre sur notre propriété… Puis nous avons vu [l’avion] larguer d’autres barils. En tombant, [ils ont pris feu].»
Une autre femme, âgée de 40 ans, s'est réveillée en sentant « la terre trembler » et a couru dehors. Elle a alors « vu le village en feu ». Elle a ensuite vu les corps calcinés de son voisin, Khor Ruach Kerjiok, de sa femme et de leurs deux enfants âgés de moins de 10 ans. Une autre habitante a déclaré que les corps calcinés de deux femmes, Nyedier Kuach et Nyeget Kier, avaient été retrouvés dans le domicile qu’elles partageaient ; l’une avait 60 ans, l’autre était plus âgée.
Un haut responsable des services de santé a déclaré qu'au moins 21 personnes avaient été tuées, dont trois lors de leur transport vers l'Éthiopie pour y être soignées. Des agents de santé, intervenant avec des ressources très limitées, ont indiqué que les victimes souffraient de brûlures importantes. L'un d'eux a indiqué que les brûlures continuaient de se propager sur les corps des patients, indiquant qu'une substance causant des brûlures avait été utilisée lors de l'attaque.
Les témoignages des personnes sur ce qu’elles ont vu et senti lorsque les armes incendiaires improvisées ont été larguées indiquent que plusieurs types de substances inflammables ont été utilisées comme agents incendiaires.
Un secouriste a expliqué que « la zone où la [substance inflammable] a atterri a brûlé pendant plusieurs jours, avec des crépitements ». La pluie a finalement éteint les incendies, « mais ça sent toujours… pas l'essence ou le kérosène », a-t-il ajouté.
Plusieurs complexes résidentiels ont été incendiés, ainsi qu'une partie du marché et deux pompes à eau, selon un secouriste.
Une vidéo publiée sur les réseaux sociaux le 17 mars montre une fissure dans le sol avec un feu actif visible à l'intérieur. La vidéo révèle une vaste zone brûlée, comprenant plusieurs « tukuls » (petites maisons traditionnelles). Des images satellite montrent une trace de brûlure apparue entre le 16 et le 17 mars, ainsi que des tukuls incendiés à 100 mètres au nord-est du marché.
Deux témoins ont déclaré qu'au moins trois femmes ont fait des fausses couches ou ont donné naissance à des enfants mort-nés à la suite du bombardement.
Image satellite 2 : Nasir
Click to expand Image Image satellite du 25 mars 2025 montrant les séquelles des attaques du 16 et 19 mars à Nasir, au Soudan du Sud. © 2025 Planet Labs PBC (image satellite) / HRW (graphisme).Des armes incendiaires improvisées larguées par avion ont également été utilisées dans la ville de Nasir les 16 et 19 mars. Deux responsables ont déclaré qu'au moins 22 personnes avaient été tuées et des dizaines de maisons incendiées. Human Rights Watch a également examiné des images satellite montrant des traces de brûlures et des structures incendiées, notamment un ancien site de la MINUSS et des dizaines de structures le long de la route principale, entre le 16 et le 20 mars.
Image satellite 3 : Kuich
Click to expand Image Image satellite du 25 mars 2025 montrant les séquelles des attaques du 21 mars à Kuich, au Soudan du Sud. © 2025 Planet Labs PBC (image satellite) / HRW (graphisme).Les témoignages recueillis et les photographies suggèrent qu'une arme incendiaire a également été larguée à Kuich, dans le comté d'Ulang, le 21 mars. Trois témoins ont dit avoir vu ce qui semblait être un avion à hélice larguer des barils remplis de substances incendiaires.
« [L'avion] a largué quelque chose qui était en feu et il y a eu une forte explosion [lorsqu'il a touché le sol], et immédiatement tout ce qui était autour a pris feu », a déclaré une personne. « Tout le monde s'est mis à courir dans diverses directions. » Après son retour, il a appris que « des gens [avaient été] tués sur le coup et de nombreuses personnes grièvement blessées ».
Quatre témoins ont déclaré que cette attaque avait tué 15 personnes, dont 3 enfants, et gravement brûlé 17 autres personnes. Un secouriste à Ulang a décrit les victimes, la plupart brûlées : « Leur peau noircie se détachait. Un homme décédé à l'hôpital avait même les dents brûlées. J'ai aussi vu une femme âgée de 70 ans, elle avait de grosses cloques. » Au 30 mars, sept personnes survivantes étaient toujours dans un état critique.
Parmi les structures civiles incendiées figuraient un centre de nutrition et un dispensaire. Un garde, Duop Bichiok Diew, âgé d'une cinquantaine d'années, est décédé des suites de brûlures. Des abris et un marché ont également été détruits.
Des photos publiées sur les réseaux sociaux le 24 mars montrent plusieurs structures réduites en cendres près de la rivière Sobat, à Kuich. À proximité du centre de nutrition, des sites d'impact visibles brûlaient encore. Des images satellite ont confirmé qu'au moins une douzaine de structures avaient brûlé entre le 21 et le 22 mars.
Les attaques menées par le gouvernement contre des zones peuplées des trois comtés, notamment par des tirs d'hélicoptères et des tirs de munitions, se poursuivent, mettant davantage en danger les civils et aggravant la situation humanitaire, déjà marquée par une épidémie de choléra.
Des dizaines de milliers de personnes ont fui le Soudan du Sud, notamment vers l’Éthiopie. L'accès humanitaire reste fortement limité, les organisations humanitaires étant confrontées à la violence et aux restrictions bureaucratiques.
Le Soudan du Sud reste soumis à un embargo sur les armes imposé par l'ONU, interdisant tout soutien militaire extérieur aux parties belligérantes. La participation des forces ougandaises aux opérations constitue une violation de l'embargo. Le Conseil de sécurité devrait dénoncer les violations commises par l'Ouganda et garantir le renouvellement de l'embargo afin de protéger les civils contre les violences illégales, a déclaré Human Rights Watch. Le Conseil devrait aussi faire pression sur le Soudan du Sud pour qu'il garantisse la sécurité des opérations de la mission de l'ONU, et approuve toute demande de renforts onusiens.
Play Video« Le gouvernement du Soudan du Sud continue de faire preuve d'un mépris affligeant envers les civils, en larguant des barils enflammés par voie aérienne », a conclu Nyagoah Tut Pur. « La communauté internationale devrait faire pression sur le gouvernement pour qu'il mette fin à ces attaques illégales, et pour qu’il prenne plutôt des mesures concrètes pour protéger la vie des civils. »
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LaLibre.be
09.04.2025 à 22:13
(Beyrouth, 9 avril 2025) – Les autorités iraniennes s’apprêtent à exécuter des sentences d’amputation de doigts, dès le 11 avril, à l’encontre de trois hommes emprisonnés pour vol après des procès manifestement iniques, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Tous les États membres des Nations Unies devraient demander d’urgence à l’Iran de respecter ses obligations en matière de droits humains, et de révoquer immédiatement ces peines.
Une source bien informée a déclaré à Human Rights Watch que le 13 mars, le bureau chargé de l’exécution des peines dans la prison centrale d’Oroumieh dans la province iranienne d’Azerbaïdjan-Occidental a convoqué les trois prisonniers. Les trois hommes – Hadi Rostami (38 ans), Mehdi Sharifian (42 ans) et Mehdi Shahivand (29 ans) – ont chacun reçu une lettre du bureau du procureur les informant que leurs peines seraient exécutées dès le 11 avril.
« L’amputation est une forme de torture, tout simplement. Pourtant, l’Iran persiste à infliger des peines cruelles et inhumaines qui vont à l’encontre de ses obligations en matière de droits humains », a déclaré Bahar Saba, chercheuse senior sur l’Iran à Human Rights Watch. « Tous les individus responsables d’ordonner et d’exécuter des actes de torture, comme une amputation, y compris les professionnels de la santé qui y participent, seraient passibles de poursuites pénales en vertu du droit international. »
Les autorités ont prévu que chacun des trois prisonniers subisse une amputation de quatre doigts. Ceci fait suite à l’horrible amputation des doigts de deux frères, Mehrdad Teimouri et Shahab Teimouri, également dans la prison centrale d’Oroumieh, en octobre 2024. Au moins deux autres détenus de la même prison risquent de subir de telles amputations. En vertu des lois iraniennes, les amputations sont en principe effectuées sans anesthésie.
Les autorités iraniennes ont arrêté les trois hommes en août 2017, et les ont accusés d’avoir fait irruption dans plusieurs maisons et volé des coffres-forts. En novembre 2019, à la suite d’un procès d'une iniquité flagrante, la Section 1 du Tribunal pénal de la province d’Azerbaïdjan-Occidental a reconnu les hommes coupables de vol. La cour a condamné les trois à l’amputation de quatre doigts de leur main droite d’une manière telle qu’il ne reste « que la paume et le pouce ».
Les éléments de preuve suggèrent fortement que le procès était entaché d’une iniquité flagrante. Selon les éléments du dossier examinés par Human Rights Watch et des sources bien informées, les hommes n’ont pas eu accès à des avocats pendant la phase d’enquête et n’ont vu un avocat que deux fois : une fois lorsqu’ils ont signé les documents concernant leur détention, et une fois lors d’une audience au tribunal. Les hommes ont également déclaré que les autorités les avaient torturés et maltraités lorsqu’ils étaient détenus par l’unité d’enquête de la police (« Agahi ») à Oroumieh. Les sources indiquent que les autorités ont forcé les hommes à faire des déclarations en guise d’aveux en les battant, en les fouettant et en les suspendant par les mains et les poignets. Les trois hommes ont par la suite rétracté leurs aveux, mais le tribunal s’est fondé sur les déclarations auto-incriminantes faites sous la torture, pour les condamner.
Hadi Rostami a déposé des plaintes pour torture à plusieurs reprises auprès de hauts responsables judiciaires. Human Rights Watch a examiné deux lettres qu’il a écrites, adressées en septembre 2020 et décembre 2022 respectivement aux chefs de la magistrature iranienne et du département de la justice dans la province d’Azerbaïdjan-Occidental.
Hadi Rostami a déclaré dans ses lettres qu’il avait d’abord réfuté les accusations, mais que des policiers l’ont torturé et lui ont infligé d’autres mauvais traitements dont des passages à tabac. Il a ajouté qu’ils l’ont ensuite forcé à signer une feuille blanche qui a par la suite contenu des déclarations incriminantes, qui lui ont été attribuées lorsqu’il a été présenté aux fonctionnaires du ministère public.
Les autorités ont rejeté toutes ces plaintes et n’ont pas mené d’enquêtes promptes, indépendantes, transparentes et approfondies comme l’exige le droit international. La Cour suprême iranienne, dans un verdict examiné par Human Rights Watch, a reconnu que Rostami avait fait des allégations de torture et informé les autorités judiciaires que ses déclarations auto-incriminantes avaient été obtenues sous la torture ; la Cour a néanmoins confirmé les peines d’amputation, sans ordonner une enquête sur les allégations.
Selon Amnesty International, les autorités ont également soumis Hadi Rostami à des tortures en février 2021 en lui infligeant une peine de 60 coups de fouet pour avoir « perturbé l’ordre dans la prison », en entamant une grève de la faim.
Les trois hommes ont passé huit ans en prison, en devant écouter des menaces répétées selon lesquelles les autorités procéderaient aux amputations ; ces menaces constituent en soi une forme de torture ou d’autres mauvais traitements. Dans une lettre de novembre 2024, les hommes ont décrit l’angoisse mentale qu’ils avaient vécue, tout comme leurs familles, comme un « cauchemar horrible qui pourrait devenir réalité à tout moment ». Dans une lettre publiée en mars 2025 par le Réseau des droits humains du Kurdistan (Kurdistan Human Rights Network), Hadi Rostami a de nouveau lancé un appel à la communauté internationale et aux organisations de défense des droits humains pour qu’elles prennent des mesures urgentes afin de mettre fin à ces châtiments inhumains et cruels.
Au moins deux autres détenus de la prison centrale d’Urmia, Kasra Karami et Morteza Esmaeilian, ont été condamnés a des peines d’amputation des doigts.
L’Iran reste parmi la poignée de pays qui maintiennent, imposent et appliquent des peines corporelles. En vertu du droit international, les châtiments cruels et inhumains tels que la flagellation et l’amputation sont strictement interdits. Tous les États parties à la Convention contre la torture sont tenus de poursuivre ou d’extrader toute personne soupçonnée de torture sur leur territoire, a déclaré Human Rights Watch.
La législation iranienne régissant l’exécution des peines de mort et des châtiments corporels exige la présence de professionnels de la santé sur le lieu où les amputations sont effectuées. Les amputations, en vertu de la loi, sont effectuées sans anesthésie, sauf s’il est estimé que leur mise en œuvre sans anesthésie locale ou générale entraînerait des lésions excessives par rapport à ce qui a été ordonné par le juge.
En vertu des codes d’éthique pour les professionnels de la santé, y compris la Déclaration de Tokyo de l’Association médicale mondiale, publiée en 1975, il est interdit aux médecins et autres praticiens médicaux d’approuver, de tolérer ou de participer à la torture et à d’autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Un médecin « ne devra jamais fournir les locaux, instruments, substances, ou faire état de ses connaissances pour faciliter l’emploi de la torture ou autre procédé cruel, inhumain ou dégradant » ni être présent lors de tels actes. Tout comme des fonctionnaires impliqués dans des actes de torture, les médecins qui participent à ces actes peuvent être tenus pénalement responsables.
Tous les États membres de l’ONU devraient condamner fermement les peines d’amputation et autres formes de châtiments corporels et prendre des mesures pour les empêcher, a déclaré Human Rights Watch. Les pays qui reconnaissent le principe de compétence universelle devraient enquêter sur toute personne soupçonnée d’avoir commis des actes de torture, y compris ceux qui sont autorisés par le système judiciaire iranien, comme les amputations et les flagellations, et engager des poursuites pénales contre ces personnes.
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09.04.2025 à 21:58
(Bangkok) – Les autorités thaïlandaises devraient immédiatement libérer Paul Chambers, éminent spécialiste des études thaïlandaises, et abandonner les accusations infondées portées contre lui, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
Le 8 avril, Paul Chambers a été arrêté par la police de la province de Phitsanulok, en vertu d'un mandat d'arrêt daté du 31 mars et basé sur des accusations de lèse-majesté (insulte envers la monarchie) et de cybercriminalité. Le tribunal provincial de Phitsanulok a rejeté sa demande de libération sous caution, invoquant le risque accru de fuite, en raison de sa citoyenneté américaine et le fait que les infractions présumées sont passibles de lourdes peines. Chambers est actuellement en détention provisoire à la prison provinciale de Phitsanulok.
« Les autorités thaïlandaises utilisent depuis longtemps la loi sur le crime de lèse-majesté de manière abusive contre les citoyens thaïlandais, mais semblent désormais prêtes à violer aussi les droits des étrangers », a déclaré Elaine Pearson, directrice de la division Asie à Human Rights Watch. « Les poursuites infondées contre Paul Chambers constituent une grave menace pour la liberté académique et la liberté d'expression en Thaïlande. »
Paul Chambers est réputé pour ses recherches sur les relations entre les autorités civiles et militaires en Thaïlande et au-delà, en Asie du Sud-Est. Il enseigne au Centre d'études communautaires de l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) à l'Université Naresuan, dans la province de Phitsanulok.
Les poursuites contre Paul Chambers font suite à une plainte déposée par l'armée thaïlandaise, l'accusant d'être responsable d'un texte publicitaire annonçant un webinaire universitaire sur les forces de sécurité thaïlandaises en octobre 2024 ; l'armée accusait ce texte de critiquer la monarchie. Chambers était l'intervenant lors de ce webinaire, organisé par l'Institut d'études de l'Asie du Sud-Est de Singapour. Il est également accusé d'avoir porté atteinte à la sécurité nationale en diffusant des informations déformées ou fausses en ligne.
Paul Chambers a nié toutes les accusations, affirmant n'avoir ni rédigé ni publié ce texte.
Des groupes royalistes et ultraconservateurs ciblent Paul Chambers depuis de nombreuses années, notamment en diffusant des campagnes de désinformation et de haine en ligne, et en faisant pression sur les autorités thaïlandaises pour qu'elles révoquent son visa et le fassent expulser de l'université.
L'article 112 du Code pénal thaïlandais, relatif au crime de lèse-majesté, prévoit une peine pouvant aller jusqu'à 15 ans de prison. L'article 14 de la Loi sur la cybercriminalité de 2007 (Computer Crime Act) prévoit une peine pouvant aller jusqu'à cinq ans de prison.
Le nombre d’affaires relative au crime de lèse-majesté en Thaïlande est en forte augmentation. Ces dernières années, les autorités thaïlandaises ont poursuivi au moins 272 personnes accusées du crime de lèse-majesté. Les personnes arrêtées, dont beaucoup pour avoir écrit ou republié des informations sur les réseaux sociaux, ont souvent été maintenues en détention prolongée sans possibilité de libération sous caution. En mai 2024, l’activiste antimonarchique Netiporn Sanesangkhom, 28 ans, est décédé des suites d'un arrêt cardiaque, alors qu’il était en détention provisoire après avoir été accusé du crime de lèse-majesté.
Le recours accru à la loi sur le crime de lèse-majesté a rendu plus difficile pour la police, les procureurs, les juges et les autres autorités de remettre en question le bien-fondé des allégations de lèse-majesté, de crainte d'être eux-mêmes accusés de déloyauté envers la monarchie, a déclaré Human Rights Watch.
À ce jour, la Première ministre Paetongtarn Shinawatra n'a pas encore concrétisé sa promesse, faite lors de sa campagne électorale de 2023, d’engager un débat parlementaire sur des mesures visant à empêcher l'utilisation des accusations du crime de lèse-majesté comme outil politique, et à libérer sous caution les activistes et dissidents pro-démocratie détenus dans ce contexte.
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par la Thaïlande, protège le droit à la liberté d'expression. L'Observation générale n° 34 du Comité des droits de l'homme des Nations Unies, l'organe international d'experts chargé de surveiller le respect de ce pacte, indique que les lois telles que celles relatives au « crime de lèse-majesté », parmi d’autres, « ne [doivent] pas prévoir des peines plus sévères uniquement en raison de l’identité de la personne qui peut avoir été visée » et que les gouvernements « ne devraient pas interdire la critique des institutions ». En outre, « [les] États parties ne doivent pas interdire la critique à l’égard d’institutions … »
En octobre 2011, Frank La Rue, alors Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d'expression, a déclaré : « La menace d'une longue peine de prison et le caractère vague de l'expression de propos diffamants, d'insultes ou de menaces contre la monarchie, encouragent l'autocensure et étouffent d'importants débats d'intérêts public, mettant en danger la liberté d'expression et d'opinion. »
« Les gouvernements préoccupés et les agences des Nations Unies devraient faire comprendre aux autorités thaïlandaises que poursuivre des universitaires s'exprimant sur des sujets d'actualité aurait un impact extrêmement négatif sur la réputation de la Thaïlande », a conclu Elaine Pearson. « En tant que nouveau membre du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, le gouvernement thaïlandais devrait prendre des mesures concrètes pour promouvoir les droits humains plutôt que de les compromettre. »
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