18.11.2025 à 16:14
Human Rights Watch
Le 17 novembre, le Tribunal pénal international du Bangladesh a déclaré Sheikh Hasina, ancienne Première ministre, et Asaduzzaman Khan Kamal, ancien ministre de l'Intérieur, coupables de crimes contre l'humanité commis lors de la répression violente des manifestations d’étudiants en 2024, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.
Tous deux ont été jugés par contumace, sans être représentés par un avocat de leur choix, et condamnés à mort, ce qui soulève de graves préoccupations en matière de droits humains. La troisième personne accusée dans cette affaire, l’ex-directeur de la police Chowdhury Abdullah Al-Mamun, est actuellement en détention et a témoigné à charge ; sa peine a été réduite à cinq ans de prison.
« Des sentiments de colère et de détresse à l'égard du régime répressif de Sheikh Hasina perdurent au Bangladesh, mais toutes les procédures pénales devraient respecter les normes internationales en matière de procès équitable », a déclaré Meenakshi Ganguly, directrice adjointe de la division Asie à Human Rights Watch. « Les responsables des violations horribles commises sous l'administration Hasina devraient certes être traduits en justice mais dans le cadre d’enquêtes impartiales et de procès crédibles. »
Les autorités bangladaises ont commis de graves violations des droits humains au cours des trois semaines de manifestations qui ont eu lieu en juillet et août 2024, et qui ont mené a la chute du gouvernement Hasina. Selon un rapport des Nations Unies, les manifestations et la répression ont fait environ 1 400 morts, pour la plupart des manifestants abattus par les forces de sécurité.
Les responsables des abus devraient être traduits en justice de manière appropriée, mais les poursuites n'ont pas respecté les normes internationales en matière de procès équitable, notamment en ce qui concerne la possibilité de présenter une défense et d'interroger les témoins à charge, ainsi que le droit d'être représenté par un avocat de son choix. Les condamnations à mort exacerbent les inquiétudes quant à l'équité du procès.
Les trois accusés étaient poursuivis pour avoir incité les forces de sécurité et les partisans de la Ligue Awami de Sheikh Hasina à mener des attaques généralisées et systématiques contre les manifestants, et pour avoir ordonné l'utilisation de drones, d'hélicoptères et d'armes létales contre des manifestants non armés. Ils étaient également accusés de ne pas avoir empêché les atrocités ou pris de mesures punitives dans trois cas spécifiques d'homicides illégaux commis par les forces de sécurité.
L'accusation a présenté 54 témoins. Environ la moitié d'entre eux ont fourni des témoignages d'experts, tandis que les autres étaient des victimes, ou des membres de leurs familles.
Les preuves contre Sheikh Hasina comprenaient des enregistrements audio de conversations avec des fonctionnaires dans lesquelles elle semblait ordonner l'utilisation d'armes létales. Bien que l'avocat commis d'office pour défendre Sheikh Hasina et Asaduzzaman Khan Kamal, qui n'avait reçu aucune instruction des accusés, ait pu contre-interroger les témoins, il n'a présenté aucun témoin pour contester les allégations.
Les procès par contumace portent fondamentalement atteinte au droit à un procès équitable tel qu'énoncé dans l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), et qui est essentiel à la légitimité d'une procédure judiciaire. Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, qui veille au respect du PIDCP, a affirmé dans son Observation no 32 : « Tous les procès en matière pénale … doivent en principe faire l’objet d’une procédure orale et publique », permettant à l’accusé de comparaître en personne ou d’être représenté par un avocat, de présenter ses propres preuves et d’interroger des témoins.
Dans leur décision de 453 pages, les juges ont déclaré que l'article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), qui définit les crimes contre l'humanité, avait servi de base à la procédure du tribunal et que les témoignages des victimes avaient étayé sa conclusion de crimes contre l'humanité. Les juges ont également déclaré que, bien que Sheikh Hasina ait récemment imputé la responsabilité des « défaillances disciplinaires » à des « forces de sécurité sur le terrain » dans des interviews, elle avait également accepté sa « responsabilité en tant que dirigeante ».
Il est essentiel que justice soit faite et que les responsables des violations graves des droits humains commises par le gouvernement Hasina, notamment les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires et la torture, soient amenés à rendre des comptes, a déclaré Human Rights Watch. Cependant, les autorités bangladaises ont depuis longtemps, y compris sous le gouvernement Hasina, l'habitude d'intenter des procès pour des motifs politiques, notamment devant le Tribunal pénal international du pays, afin d'arrêter et de détenir arbitrairement, de poursuivre injustement et, dans certains cas, d'exécuter des opposants politiques.
Ces pratiques se sont poursuivies sous le gouvernement intérimaire dirigé par Muhammad Yunus, mis en place en août 2024 après la fuite de Sheikh Hasina vers l'Inde, pays voisin.
Le Tribunal pénal international est un tribunal national créé par Sheikh Hasina en 2010, à l'origine pour juger les crimes contre l'humanité commis pendant le mouvement d'indépendance du Bangladesh en 1971. Sous le régime de Sheikh Hasina, les procédures du tribunal ont à plusieurs reprises enfreint les normes internationales en matière de procès équitable et ont abouti à des condamnations à mort. Human Rights Watch s'oppose à la peine de mort en toutes circonstances en raison de sa cruauté inhérente.
Si le gouvernement Yunus n'a pas aboli la peine de mort, il a modifié la loi sur les crimes internationaux (tribunaux) en novembre 2024 afin de rapprocher les dispositions relatives à la responsabilité du commandement et aux crimes contre l'humanité du Statut de Rome de la CPI. Les modifications énumèrent spécifiquement les disparitions forcées comme un crime.
Cependant, de nouveaux amendements adoptés en 2025 ont conféré au tribunal des pouvoirs étendus pour poursuivre et démanteler des organisations politiques, ce qui pourrait être utilisé pour violer les normes internationales en matière de procédure régulière et de liberté d'association. Dans le verdict du procès Hasina, le tribunal n'a pas statué sur le démantèlement de la Ligue Awami, mais a déclaré que le gouvernement devait confisquer les biens de Sheikh Hasina et d’Asaduzzaman Khan Kamal pour indemniser les victimes. Sheikh Hasina est également accusé dans trois autres affaires devant le tribunal, deux liées à des disparitions forcées pendant son mandat et une liée à des massacres en 2013.
Le gouvernement Yunus devrait adopter des mesures visant à garantir la protection des droits fondamentaux des accusés, a déclaré Human Rights Watch. Les articles 47(3) et 47A de la Constitution du Bangladesh privent spécifiquement les personnes accusées de crimes internationaux, tels que les crimes contre l'humanité, des droits fondamentaux qui sont par ailleurs garantis aux accusés. Il s'agit notamment du droit à la protection de la loi (article 31), des garanties d'un procès équitable (article 35) et du droit de saisir la Cour suprême en cas de violation des droits fondamentaux (article 44). Le gouvernement bangladais devrait garantir à tous les accusés un accès égal aux recours constitutionnels et imposer un moratoire sur la peine de mort avec un plan visant à l'abolir complètement.
Le gouvernement devrait répondre à toute manifestation conformément aux Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois, a déclaré Human Rights Watch. Les dirigeants de la Ligue Awami devraient décourager la violence de la part des partisans de la Ligue qui s'opposent au verdict du tribunal.
Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et le gouvernement bangladais ont signé en juillet 2025 un protocole d'accord de trois ans visant à ouvrir une mission dans le pays « afin de soutenir la promotion et la protection des droits humains ». Le gouvernement intérimaire, qui s'est engagé à organiser des élections en février 2026, devrait également solliciter l'aide internationale pour garantir des procès équitables. Une telle aide nécessitera un moratoire sur la peine capitale.
À la suite des verdicts de culpabilité, le ministère des Affaires étrangères du Bangladesh a demandé au gouvernement indien de procéder au renvoi de Sheikh Hasina et d’Asaduzzaman Khan Kamal vers le Bangladesh, en invoquant un accord d'extradition entre les deux pays. Les autorités indiennes devraient soutenir les efforts de justice au Bangladesh, mais toute demande d'extradition devrait permettre aux personnes recherchées de contester l'extradition dans le cadre d'une procédure judiciaire en Inde qui respecte les normes d'équité. Aucune personne ne devrait être extradée vers un pays où elle risque d'être jugée dans le cadre d'un procès qui ne respecte pas les normes internationales en matière d'équité, et qui pourrait aboutir comme dans ce cas à la peine de mort.
« Les victimes de graves violations des droits humains commises sous le gouvernement Hasina ont besoin de justice et de réparations dans le cadre de procédures véritablement indépendantes et équitables », a conclu Meenakshi Ganguly. « Garantir la justice signifie également protéger les droits des accusés, y compris en abolissant la peine de mort, qui est intrinsèquement cruelle et irréversible. »
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18.11.2025 à 06:01
Human Rights Watch
(Paris) – Le département français d’outre-mer de Mayotte, territoire insulaire de l’océan Indien et ancienne colonie française, ne garantit pas l’accès à l’éducation pour tous les enfants, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. En décembre 2024, le cyclone dévastateur Chido, a aggravé les défaillances de longue date du système éducatif mahorais, que les efforts de reconstruction n’ont pas permis de corriger un an plus tard.
18 novembre 2025 Une exception néfasteLe rapport de 77 pages, intitulé « Une exception néfaste : les manquements persistants de la France au droit à l’éducation à Mayotte », révèle que de nombreuses communes imposent des obstacles importants et arbitraires à l’inscription scolaire, notamment en exigeant des documents non prévus par la loi. Les enfants scolarisés se retrouvent souvent dans des écoles surpeuplées ne disposant pas des équipements nécessaires pour répondre à leurs besoins fondamentaux, notamment l’accès à l’eau potable, à des installations sanitaires, à une alimentation adéquate et à un environnement d’apprentissage sûr. Les enfants vivant dans des bidonvilles ainsi que ceux issus de familles migrantes sont particulièrement affectés.
« Il est choquant que des milliers d’enfants à Mayotte soient privés d’école, et que ceux qui y accèdent soient confrontés à des conditions d’apprentissage indignes », a déclaré Elvire Fondacci, chargée de plaidoyer à Human Rights Watch. « Tous les enfants de Mayotte devraient pouvoir exercer leur droit à l’éducation sur un pied d’égalité avec les enfants du reste de la France. »
Mayotte est l’un des 13 territoires d’outre-mer de la France, tous d’anciennes colonies françaises. C’est le département le plus pauvre de France et l’une des régions les plus défavorisées de l’Union européenne. Plus de 75 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Les autorités n’assurent pas une gestion de l’arrivée de migrants en provenance de l’État voisin des Comores et de demandeurs d’asile venus de pays d’Afrique centrale et orientale respectueuse des droits humains.
Human Rights Watch a interviewé plus de 40 enfants, ainsi que des parents, des représentants des autorités, des enseignants, des universitaires et des membres d’associations locales qui apportent du soutien aux enfants.
Dans de nombreuses communes, les enfants et leurs familles sont confrontés à des exigences d’inscription onéreuses et illégales, qui retardent ou empêchent leur accès à l’école. Certaines n’acceptent que des actes de naissance datant de moins de trois mois ; d’autres exigent un justificatif de sécurité sociale en cours de validité, une attestation de la Caisse d’allocations familiales (CAF), des avis d’imposition récents des parents et du propriétaire du domicile, voire la présence physique de ce dernier lors de l’inscription. Ces obstacles visent en partie à réguler les taux de scolarisation, ont déclaré des responsables politiques locaux à Human Rights Watch.
La négligence du gouvernement français à l’égard de Mayotte reflète l’héritage persistant du colonialisme qui a laissé l’archipel dans un état de sous-développement chronique. Le système éducatif de Mayotte est confronté depuis des années à un manque de salles de classe et d’enseignants. Mayotte affiche les pires résultats scolaires de France. L’enseignement est souvent mal adapté pour la plupart des élèves dont le français est une seconde langue.
Pour pallier le manque de salles de classe, de nombreuses écoles fonctionnent selon un système de rotation, ce qui signifie que les enfants ne suivent les cours qu’une partie de la journée, recevant parfois moins d’heures d’enseignement que ce qui est requis par les normes nationales. Certaines communes auraient également refusé de construire de nouvelles écoles, craignant qu’elles ne profitent principalement aux enfants de migrants.
Les enfants sont également exposés à des dangers sur le chemin de l’école, des groupes de jeunes jetant des pierres sur les bus scolaires, souvent motivés par des rivalités entre quartiers. Ces attaques découragent certains élèves qui n’ont pas d’autre moyen de transport pour se rendre à l’école.
Contrairement à la France hexagonale, où les repas chauds sont la norme, la plupart des écoles de Mayotte ne proposent qu’une collation qui constitue pour de nombreux élèves leur seul repas de la journée. Les enfants dont les familles n’ont pas les moyens de payer ne mangent pas.
« Si on n’a pas payé la cantine, on ne mange pas », a déclaré un garçon scolarisé, « c'est très difficile d’aller à l’école quand on a faim. »
En décembre 2024, le cyclone dévastateur Chido a causé des dégâts considérables aux habitations, aux écoles et à d’autres infrastructures, aggravant encore la pression sur le système éducatif de Mayotte. L’archipel a également été confronté à une sécheresse prolongée, provoquant des pénuries d’eau qui ont parfois conduit à la fermeture temporaire d’écoles.
En vertu de la loi française, l’éducation est gratuite, obligatoire entre 3 et 16 ans et doit être accessible à tous les enfants présents sur le territoire français. Pourtant, une étude réalisée en 2023 par l'Université Paris Nanterre a révélé que près de 9 % des enfants en âge d’être scolarisés à Mayotte, soit environ 9 000 enfants, ne l’étaient pas.
Mayotte affiche également le taux de croissance démographique le plus élevé de France, estimé à près de 4 % par an, ce qui contribue à exercer une forte pression sur le logement, l’éducation et les services publics. Des milliers d’enfants à Mayotte vivent dans des logements de fortune dépourvus d’accès à l’eau courante, à l’électricité ou d’installations sanitaires. Le sous-développement de Mayotte et les disparités socio-économiques qui en résultent reflètent l’incapacité de la France à faire face aux conséquences de son héritage colonial.
Les autorités nationales et locales n’ont pas efficacement remédié aux problèmes de logement précaire, d’alimentation insuffisante, de santé, de protection sociale et de chômage auxquels sont confrontés de nombreux habitants de l’archipel.
Les lois qui s’appliquent uniquement à Mayotte, notamment les dispositions restrictives en matière de citoyenneté, contribuent à marginaliser davantage des enfants et des familles qui, pour beaucoup, vivent sur l’île depuis toujours.
La France a l’obligation de répondre aux besoins fondamentaux de toutes les personnes présentes sur son territoire, et de garantir le droit à l’éducation pour tous les enfants sans discrimination.
Les communes de Mayotte devraient appliquer strictement le code de l’éducation en n’exigeant que les documents prévus par la loi. La préfecture, représentante de l’Etat à Mayotte, devrait veiller au strict respect de la loi, a déclaré Human Rights Watch.
Les autorités et le législateur français devraient abroger les lois spécifiques à Mayotte ayant des répercussions néfastes sur les droits fondamentaux, y compris ceux des enfants, notamment les législations relatives aux titres de séjour, à la protection sociale et au droit du travail.
Les restrictions d’accès à la citoyenneté devraient être révisées afin de lever les obstacles arbitraires à l’exercice des droits fondamentaux des enfants. « Le gouvernement français devrait agir de toute urgence pour que chaque enfant à Mayotte puisse aller à l'école à temps plein, dans des conditions dignes, avec un accès à la nourriture, à l’eau et à la sécurité », a déclaré Elvire Fondacci.
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Articles
Libération FranceInfo
Mayotte-Hebdo Journal de Mayotte
18.11.2025 à 05:00
Human Rights Watch
(Nairobi) – L'armée malienne et des milices alliées ont tué au moins 31 civils et incendié des maisons les 2 et 13 octobre dans deux villages de la région de Ségou, qui est en proie à des conflits, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.
Le 2 octobre, les forces armées maliennes et des milices dozos, des milices composées essentiellement de personnes issues de l’ethnie bambara qui participent à des opérations de contre-insurrection depuis une décennie, ont tué au moins 21 hommes et ont incendié au moins 10 maisons dans le village de Kamona. Le 13 octobre, ces forces ont tué 9 hommes et une femme dans le village de Balle, situé à environ 55 kilomètres de là. Les deux villages sont situés dans une région du centre du Mali contrôlée par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM ou Jama'at Nusrat al-Islam wa al-Muslimeen, JNIM), lié à Al-Qaïda. Des témoins ont déclaré que des soldats et des milices dozos ont sommairement exécuté les villageois après les avoir accusés de collaborer avec le GSIM.
« Les massacres d'octobre dans la région de Ségou ne sont que les dernières atrocités attribuées à l'armée malienne et à ses milices alliées », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « Les autorités maliennes devraient mener une enquête crédible et impartiale sur ces meurtres, et traduire les responsables en justice dans le cadre de procès équitables. »
Human Rights Watch a mené des entretiens par téléphone en octobre avec 10 personnes ayant connaissance des incidents, dont 5 témoins et 5 chefs de communauté, activistes de la société civile et journalistes. Le 8 novembre, Human Rights Watch a écrit aux ministres de la Justice et de la Défense du Mali pour leur faire part de ses conclusions et poser certaines questions, mais n'a reçu aucune réponse à l’heure de la publication de ce communiqué.
Les témoins ont déclaré avoir identifié les soldats à leurs tenues de camouflage, et les Dozos à leurs vêtements traditionnels et aux amulettes qu'ils portaient autour du cou.
Le 2 octobre, vers 10 heures du matin, des soldats à bord d'au moins sept pick-ups et trois véhicules blindés, ainsi que des miliciens dozos à moto, sont entrés dans Kamona et ont commencé à rechercher les hommes du village. Les témoins ont déclaré que les combattants du GSIM avaient alerté les habitants de l'arrivée de l'armée, ce qui a poussé de nombreux habitants à fuir.
« Ceux qui n'ont pas pu fuir ont été rassemblés et exécutés », a déclaré un survivant à Human Rights Watch.
Des témoins ont déclaré que les combattants du GSIM avaient fui le village avant l'arrivée de l'armée, et qu'il n'y avait pas eu d'affrontement entre les deux camps.
Les témoins pensent que ces meurtres, corroborés par des rapports des médias, sont liés aux récentes attaques commises par le GSIM dans la région de Ségou, notamment une attaque qui a détruit l'usine sucrière de Siribala le 8 août.
Les villageois ont ensuite trouvé 17 corps sous un arbre dans le village, et quatre autres corps au nord de Kamona. Ils ont expliqué que les soldats avaient incendié au moins 10 huttes et 3 hangars appartenant à des habitants de l'ethnie peule.
Un berger de 40 ans qui s'était caché dans une maison abandonnée avec sa fille de 9 ans a déclaré que lorsque les assaillants sont partis, vers 16 heures, il a trouvé les 17 corps. « Les gens avaient été criblés de balles », a-t-il déclaré. « L'un d'eux avait la tête complètement fracassée. J'ai également vu plusieurs douilles de balles à côté des corps. »
Un autre homme, âgé de 39 ans, a déclaré avoir aidé à enterrer les corps. « Nous avons creusé une fosse commune sous l'arbre et y avons déposé les [corps des] 17 hommes », a-t-il déclaré. « Plus au nord, nous avons trouvé quatre autres corps. Tous avaient reçus des balles dans le ventre et dans la tête, nous avons donc creusé une autre fosse, les y avons déposés et les avons recouverts de sable. »
Les villageois ont fourni une liste des 21 victimes, toutes des hommes âgés de 20 à 65 ans. Ils pensent que les soldats ont tué d'autres personnes lors de cette attaque. « Nous avons entendu dire qu'au moins 15 autres hommes avaient été tués dans la brousse ce jour-là », a déclaré un villageois. « Mais nous ne sommes pas allés vérifier, car nous avions peur que l’armée revienne. »
Le 13 octobre, vers 13 heures, des soldats maliens à bord de cinq pick-ups et des miliciens dozos à bord d'au moins 30 motos sont entrés dans le village de Balle, provoquant la fuite de certains habitants. « Je ne me suis pas enfui immédiatement, mais lorsque j'ai vu les soldats faire du porte-à-porte et gifler et donner des coups de pied aux hommes, je me suis enfui », a déclaré un homme de 24 ans. « Depuis ma cachette, j'ai entendu des coups de feu. »
Des témoins ont déclaré que les soldats et les miliciens dozos ont tué 10 civils, dont une femme de 55 ans, et neuf hommes, âgés de 22 à 67 ans, et ont volé au moins 100 vaches.
Un homme de 33 ans a déclaré qu'après l'attaque, il a trouvé les 10 corps au milieu du village. « Ils étaient les uns à côté des autres, criblés de balles », a-t-il déclaré. « Certains avaient les jambes et les bras cassés. »
La fille de la femme qui a été tuée, elle-même âgée de 21 ans, a déclaré que sa mère avait crié en s’adressant aux soldats, les accusant d'avoir maltraité les villageois. « Elle s'est dirigée vers les soldats », a-t-elle déclaré. « Ils l'ont alors emmenée là où les hommes avaient été rassemblés, et l'ont abattue. »
Dans un communiqué daté du 14 octobre, le chef d'État-Major Général des Armées du Mali a déclaré que le 13 octobre, des soldats avaient mené une opération de « reconnaissance offensive » autour de Balle, qui avait « permis la neutralisation d'une vingtaine de terroristes » et la saisie de matériel militaire.
Des témoins et des habitants ont déclaré que Balle était depuis plusieurs années sous le contrôle du GSIM. « Nous payons la zakat [taxe islamique] chaque année », a déclaré un homme. « S’il y a des disputes, ce sont les djihadistes qui les règlent. Il n'y a ni soldats, ni gendarmes, ni policiers ici. Par conséquent, l'armée présume que nous sommes des combattants du GSIM. L'armée ne fait pas de distinction entre eux et nous. »
Depuis 2012, les gouvernements maliens successifs ont mené des conflits armés contre divers groupes armés islamistes. Les hostilités ont causé la mort de milliers de civils, et ont contraint plus de 402 000 personnes à se déplacer. Human Rights Watch a documenté des abus graves commis par les forces armées maliennes et ses milices et groupes mercenaires alliés lors d'opérations de contre-insurrection, ainsi que des atrocités commises par le GSIM et d'autres groupes armés.
Les attaques militaires contre des civils dans la région de Ségou ont eu lieu après que le GSIM a commencé à assiéger Bamako, la capitale du Mali, début septembre. Le siège a coupé l'approvisionnement en carburant de Bamako et a incité la junte militaire à fermer temporairement toutes les écoles et universités du pays.
Toutes les parties au conflit armé au Mali sont tenues de respecter le droit international humanitaire, notamment l'article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et le droit de la guerre coutumier. Le droit de la guerre interdit les attaques dirigées contre des civils, ainsi que le meurtre, les traitements cruels et la torture de toute personne en détention. Les personnes qui commettent des violations graves des lois de la guerre avec une intention criminelle ou qui en sont responsables en vertu de leur responsabilité de commandement peuvent être poursuivies pour crimes de guerre.
Bien que le Mali se soit retiré de la Cour pénale internationale (CPI) en septembre, le pays reste un État partie au Statut de Rome de la Cour jusqu'en septembre 2026. En janvier 2013, la Cour a ouvert une enquête sur les crimes de guerre présumés commis au Mali depuis 2012.
L'Union africaine (UA) s’est en grande partie abstenue de réagir efficacement à l'aggravation du conflit au Mali, malgré son mandat de promotion de la paix et de la sécurité, a déclaré Human Rights Watch. Alors que la situation sécuritaire s'est détériorée ces derniers mois, le Conseil de paix et de sécurité de l'UA n’a rien fait au-delà de publier des déclarations communiquant son inquiétude au sujet de cette situation.
« Le Conseil de paix et de sécurité de l'UA devrait faire de ce conflit au Mali une priorité », a conclu Ilaria Allegrozzi. « Il devrait régulièrement organiser des réunions d'information, renforcer les efforts diplomatiques et coordonner les actions régionales et internationales afin de renforcer la reddition des comptes pour les abus commis par toutes les parties. »
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Le Parisien/AFP RFI