24.06.2025 à 20:00
Human Rights Watch
(Johannesburg, 24 juin 2025) – Un groupe armé lié à l'État islamique (EI) a multiplié les enlèvements d'enfants dans la province de Cabo Delgado, dans le nord du Mozambique, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. La plupart des enfants enlevés sont utilisés pour transporter des biens pillés, effectuer d’autres types de travail forcé ou participer aux combats ; des filles sont soumises à des mariages forcés.
Des organisations de la société civile mozambicaine et le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) ont signalé une hausse du nombre de ces enlèvements. Le groupe armé, connu localement sous le nom d'Al-Chabab, a libéré certains enfants enlevés plus tôt cette année, mais d’autres enfants sont toujours portés disparus ; ceux qui sont retournés dans leurs communautés peinent à se réintégrer.
« La hausse du nombre d’enlèvements d'enfants à Cabo Delgado s’ajoute aux horreurs du conflit au Mozambique », a déclaré Ashwanee Budoo-Scholtz, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch. « Al-Chabab devrait épargner les enfants dans le cadre du conflit, et libérer immédiatement ceux qui ont été enlevés. »
En mai et juin 2025, Human Rights Watch a mené au Mozambique des entretiens avec neuf personnes, dont des habitants de Cabo Delgado, des journalistes, des militants de la société civile et un responsable de l'ONU, qui ont tous exprimé leur inquiétude face à la recrudescence des enlèvements. « Ces derniers jours, au moins 120 enfants ont été enlevés », a déclaré Abudo Gafuro, directeur exécutif de Kwendeleya, une organisation mozambicaine qui surveille les attaques et apporte un soutien aux victimes.
Le 23 janvier 2025, Al-Chabab a attaqué le village de Mumu, dans le district de Mocímboa da Praia, et a enlevé quatre filles et trois garçons. Lors du retrait ultérieur d'Al-Chabab, deux enfants ont été libérés, mais cinq sont toujours portés disparus. En mars, le groupe armé a enlevé six enfants à Chibau, afin de les forcer à transporter des biens pillés ; quatre ont été libérés le lendemain. Le 3 mai, Al-Chabab a enlevé une fille dans le village de Ntotwe, dans le district de Mocímboa da Praia. Le 11 mai, ce groupe armé a enlevé six filles et deux garçons près du village de Magaia, dans le district de Muidumbe.
Lorsque les combattants d'Al-Chabab « pénètrent ou attaquent certaines zones, ils ont tendance à enlever des enfants », a déclaré Augusta Iaquite, coordinatrice de l'Association mozambicaine des femmes du secteur juridique (Associação Moçambicana das Mulheres de Carreira Jurídica, AMMCJ) à Cabo Delgado. « Ils les emmènent pour les former et pour en faire ensuite leurs propres combattants. »
Lorsque des enfants enlevés sont libérés et retournent dans leur communauté, il n’y a que peu de ressources pour les aider à se réinsérer, a déclaré Human Rights Watch. « Ce pays a besoin d'une stratégie claire sur les mesures à prendre lorsqu'un enfant, en particulier s'il a été secouru, revient [dans sa communauté] », a déclaré Benilde Nhalivilo, directrice exécutive du Forum de la société civile pour les droits de l'enfant (Fórum da Sociedade Civil para os Direitos das Crianças, ROSC).
Les organisations de la société civile ont appelé le gouvernement mozambicain à respecter les obligations du pays en vertu du droit national et international, et mieux protéger les enfants de ce pays.
La Constitution du Mozambique et la Loi pour la promotion et la protection des droits de l'enfant de 2008 stipulent que l'État a le devoir de protéger les enfants contre toute forme de violence, d'exploitation et de maltraitance. En outre, le Mozambique est un État partie à divers instruments juridiques internationaux et africains garantissant les droits de l'enfant, notamment la Convention de l’ONU relative aux droits de l'enfant et la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant. Ces deux textes interdisent explicitement l'enlèvement, le recrutement et l'exploitation des enfants. Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés et ratifié par le Mozambique en 2004, interdit aux groupes armés non étatiques de recruter ou d'utiliser des enfants âgés de moins de 18 ans.
En vertu du droit international humanitaire coutumier et du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, les enfants ont droit à une protection particulière ; le recrutement ou l'utilisation d'enfants de moins de 15 ans pour participer activement à des hostilités constitue un crime de guerre.
Les autorités mozambicaines devraient s'efforcer de prévenir de nouveaux enlèvements, d'enquêter sur les cas existants, de poursuivre équitablement les responsables et d'assurer un soutien adéquat aux victimes, a déclaré Human Rights Watch. Les enfants secourus ont besoin de soins médicaux, d'une assistance psychosociale et de mécanismes de réinsertion qui assurent leur protection et leur bien-être.
« Le gouvernement mozambicain devrait prendre des mesures concrètes pour protéger les enfants et empêcher les groupes armés de les utiliser dans le cadre du conflit », a conclu Ashwanee Budoo-Scholtz. « Il devrait aussi garantir la mise en place de mesures de réinsertion solides, afin que les enfants ne soient pas davantage ostracisés, suite à leur retour dans leur communauté. »
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Médias
TV5Monde AfricaRadio/AFP Vidéo
Euronews
24.06.2025 à 10:20
Human Rights Watch
En Guinée, tôt samedi matin, au moins une demi-douzaine d'hommes lourdement armés se sont introduits au domicile de Mohamed Traoré, éminent avocat et ancien bâtonnier de l’ordre des avocats de Guinée, l'ont agressé lui et sa fille, puis l'ont forcé à monter dans une voiture et l'ont emmené. Mohamed Traoré avait publiquement critiqué la junte militaire, au pouvoir depuis septembre 2021.
Après son enlèvement dans la capitale du pays, Conakry, Mohamed Traoré a été retrouvé quelques heures plus tard, présentant de nombreuses traces de torture, à Bangouyah, à environ 170 kilomètres de là, par des habitants de la ville. Le Barreau de Guinée a indiqué qu'il était soigné dans un établissement de santé.
L'enlèvement et l'agression de Mohamed Traoré s'inscrivent dans une série d'attaques menées par les forces de sécurité gouvernementales contre des détracteurs de la junte, des dissidents et des opposants politiques.
Lundi, en réponse à cette attaque, les avocats du Barreau de Guinée ont adopté une série de mesures, notamment le boycott de toutes les audiences pendant deux semaines et le retrait de tous les avocats siégeant dans les institutions de transition mises en place par la junte depuis le coup d'État. Ils ont également annoncé qu'ils allaient porter plainte.
Dans un communiqué du 21 juin, le Barreau de Guinée a déclaré que pendant sa captivité, Mohamed Traoré avait été « fouetté » jusqu'à 500 fois, que son visage avait été « couvert de force à l’aide d'un habit dans une tentative manifeste de l'asphyxier » et que ses ravisseurs l'avaient menacé de mort.
Cette attaque pourrait constituer une mesure de représailles suite à la démission de Mohamed Traoré du Conseil national de transition (CNT), principal organe de transition de la junte, au sein duquel il occupait le poste de conseiller depuis 2022. Mohamed Traoré avait annoncé sa démission en janvier, invoquant le non-respect par le CNT du délai fixé pour le retour à un régime civil en Guinée, précédemment annoncé pour le 31 décembre 2024.
L'expiration de ce délai a déclenché des manifestations de l'opposition qui ont paralysé Conakry en janvier. À la suite des manifestations, les autorités ont annoncé un nouveau calendrier électoral. Le 1er avril, le chef militaire guinéen, Mamady Doumbouya, a fixé au 21 septembre 2025 la date d'un nécessaire référendum constitutionnel. Le 12 mai, le Premier ministre Amadou Oury Bah a annoncé que l’élection présidentielle aurait lieu en décembre 2025.
Depuis sa prise du pouvoir, la junte a réprimé l'opposition politique, les médias et la dissidence pacifique. Elle a suspendu des médias indépendants, arrêté arbitrairement des journalistes et fait disparaître de force et aurait torturé d'éminents militants politiques.
Les autorités guinéennes devraient mener dans les meilleurs délais une enquête crédible et impartiale sur l’enlèvement et la torture de Mohamed Traoré. Elles devraient également dénoncer publiquement les abus commis à l'encontre des détracteurs et des opposants, et veiller à ce que leurs auteurs soient traduits en justice.
23.06.2025 à 20:28
Human Rights Watch
Samedi dernier, dans le cadre d’une grâce présidentielle, les autorités du Bélarus ont libéré 14 prisonniers qui étaient incarcérés à la suite de poursuites à caractère politique, et les ont transférés en Lituanie, pays voisin. Parmi les prisonniers libérés figurent l'éminent opposant politique Siarhei Tsikhanouski, ainsi que des activistes et des journalistes indépendants.
Parmi les personnes libérées, certaines détiennent des passeports de pays étrangers, dont les États-Unis, la Lettonie, l'Estonie, la Pologne, la Suède et le Japon.
Plus de 1 000 prisonniers politiques demeurent toutefois derrière les barreaux au Bélarus.
Siarhei Tsikhanouski, un blogueur populaire qui comptait se présenter comme candidat à l’élection présidentielle d’août 2020 au Bélarus, a été arrêté en mai 2020, quelques mois avant la tenue du scrutin. Son épouse, Sviatlana Tsikhanouskaya, s'est alors présentée à sa place à l’élection présidentielle, qu’elle aurait remportée selon de nombreux observateurs ; mais dans un contexte de trucage, le président Alexandre Loukachenko a été annoncé comme le vainqueur, réélu à son poste qu’il occupe depuis 1994. Depuis, Sviatlana Tsikhanouskaya, réfugiée en Lituanie, est devenue une dirigeante de l'opposition en exil et une fervente défenseure de son mari, qui fut condamné à 19 ans et 6 mois de prison sur la base d’accusations criminelles fallacieuses.
La libération des 14 prisonniers a été annoncée lors de la visite à Minsk, la capitale du Bélarus, de Keith Kellogg, Envoyé spécial des États-Unis pour l’Ukraine et la Russie ; cette libération a apparemment été négociée par Washington.
Une vidéo montrant l’embrassade entre Sviatlana et Sirhei après cinq ans de séparation est profondément émouvante. Mais les familles d'au moins 1 177 autres prisonniers politiques n'ont pas eu la chance de telles retrouvailles avec leurs proches, toujours incarcérés.
Depuis juillet 2024, Loukachenko a libéré 314 prisonniers politiques, apparemment dans l’espoir d’améliorer ses relations avec l'Union européenne et les États-Unis. Cependant, la répression politique se poursuit en Bélarus, où les prisonniers sont régulièrement victimes de mauvais traitements, et parfois de détention au secret.
Sirhei Tsikhanouski et d'autres prisonniers libérés ont évoqué l'isolement prolongé, les pressions psychologiques et d’autres traitements cruels subis dans les prisons biélorusses. Les enfants de Sirhei Tsikhanouski ne l'ont pas immédiatement reconnu en raison de son importante perte de poids, conséquence de la malnutrition derrière les barreaux.
Parmi les personnes toujours emprisonnées et isolées du monde figurent Ales Bialiatski, co-lauréat du prix Nobel de la paix et fondateur de l'organisation de défense des droits humains Viasna, l'opposante Maria Kalesnikava et le journaliste Ihar Losik. Certains prisonniers politiques sont morts derrière les barreaux, y compris en raison de la privation de soins médicaux adéquats.
Nous ignorons encore ce qu’Alexandre Loukachenko a reçu ou espère recevoir en échange de la libération de Sirhei Tsikhanouski et des 13 autres prisonniers. Mais la vie de personnes ne devrait pas être une monnaie d'échange pour des marchandages politiques. Les autorités biélorusses devraient libérer immédiatement toutes les personnes poursuivies simplement pour avoir exercé leurs droits humains, et tenté de faire valoir leurs libertés.
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