01.10.2025 à 21:19
(New York) – Les coupures d’Internet infligées par les talibans portent gravement atteinte aux droits et aux moyens de subsistance des personnes de tout l’Afghanistan, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Ces interruptions, qui ont commencé mi-septembre 2025 et ont été étendues à l’ensemble du pays à la fin du mois, ont entravé l’accès aux services éducatifs, commerciaux, médiatiques et médicaux.
Des représentants des talibans ont affirmé qu’ils avaient décidé de couper Internet afin de prévenir les « comportements immoraux », en bloquant initialement les connexions par fibre optique dans plusieurs provinces du nord. Cette coupure s’est étendue à la capitale, Kaboul, le 29 septembre à 17 heures, avec la suspension aussi bien de la des connexions par fibre optique que via les réseaux de téléphonie mobile. Proton VPN a indiqué le 30 septembre qu’Internet était complètement coupé dans tout le pays.
« La décision des talibans de couper l’accès à Internet menace la subsistance de millions d’Afghans et les prive de leurs droits fondamentaux à l’éducation, aux soins médicaux et à l’information », a déclaré Fereshta Abbasi, chercheuse sur l’Afghanistan à Human Rights Watch. « Les talibans devraient abandonner leurs argumentations infondées et cesser de couper Internet. »
Lorsque le black-out a commencé à Kaboul, les entreprises ont rapporté des perturbations, tandis que les vols en direction et en provenance de Kaboul étaient annulés, ont rapporté les médias.
Les élèves et étudiant·e·s accédant à l’éducation via Internet – en particulier les filles et les femmes déjà privées d’enseignement secondaire et supérieur par les politiques des talibans qui les bannissent largement de l’éducation – se sont rendu compte qu’il leur était impossible de se connecter aux cours. Le 29 septembre, une personne enseignant dans un cursus universitaire en ligne a confié à Human Rights Watch que sur 28 étudiant·e·s suivant ces cours, dont 18 femmes en Afghanistan, seulement neuf avaient pu y assister.
Les coupures isolent encore davantage les femmes et les filles en venant rompre un des derniers moyens qui leur reste pour apprendre, travailler en ligne, accéder à l’information et à tous les services qui dépendent d’une connectivité numérique. Des activistes ont témoigné que ce blocage portait atteinte à leurs efforts pour soutenir leurs communautés, sachant que les initiatives dirigées par des femmes et les services destinés aux femmes et aux filles étaient particulièrement affectés.
Des journalistes couvrant l’Afghanistan ont rapporté qu’ils ne pouvaient plus passer d’appels locaux et internationaux, car la coupure affectait autant les réseaux mobiles que la fibre, y compris les plateformes comme WhatsApp et Signal. Il est même difficile de documenter l’impact de la coupure, puisqu’il est impossible de joindre qui que ce soit à l’intérieur du pays tant qu’Internet et les téléphones sont hors service.
Les organisations d’aide humanitaire ont déclaré que le black-out freinerait leurs interventions en Afghanistan, qui dépendent de la connectivité Internet pour joindre les personnes, se coordonner et apporter l’aide. Indrika Ratwatte, le coordonnateur humanitaire des Nations Unies en Afghanistan, a déclaré que les coupures affectaient le travail quotidien et l’apport d’aides vitales : « C’est une nouvelle crise qui vient s’ajouter aux crises existantes ; et ce sont les vies des Afghan·e·s qui seront impactées. »
L’accès à Internet est largement reconnu comme un facteur indispensable facilitant la réalisation de divers droits humains. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a rapporté les effets dramatiques des coupures d’Internet, notamment l’impact sur la liberté d’expression, la participation politique, la sûreté publique, l’éducation, le travail et la santé, ainsi que l’exacerbation d’inégalités sociales, économiques et de genre préexistantes. Les coupures restreignent encore davantage l’accès des femmes et des filles à des aides et des informations cruciales, notamment les services médicaux d’urgence. Le HCDH et le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies ont appelé les gouvernements à se garder d’imposer de telles coupures.
« Les Afghan·e·s étaient déjà coupé·e·s du monde extérieur, mais à présent elles et ils sont complètement isolé·e·s », a conclu Fereshta Abbasi. « Plus les coupures d’Internet par les talibans durent, plus les conséquences seront nocives pour la population et pour le pays. »
01.10.2025 à 18:54
Mardi, l'ancien Premier ministre Moussa Mara se tenait calmement debout au tribunal de Bamako, la capitale du Mali, tandis que les juges rejetaient la demande de mise en liberté provisoire déposée par ses avocats. Le parquet a plutôt requis une peine de deux ans de prison, une mesure qui résume la répression menée par la junte militaire contre l'opposition politique et la dissidence.
Les forces de sécurité ont arrêté Moussa Mara, premier ministre pendant huit mois entre 2014 et 2015, le 1er août, à la suite d'un message qu'il avait publié sur les réseaux sociaux exprimant sa solidarité avec des prisonniers politiques maliens et promettant de leur rendre justice.
Les autorités ont accusé Moussa Mara d'avoir porté atteinte au crédit de l'État, d'opposition à l'autorité légitime, d'incitation au trouble à l’ordre public et de publication et diffusion de fausses nouvelles. Son procès s'est ouvert le 29 septembre devant un tribunal de lutte contre la cybercriminalité et le verdict est attendu pour le 27 octobre. De sérieuses inquiétudes subsistent quant à l'équité de son procès.
Les accusations semblent à première vue violer le droit à la liberté d'expression. « Ces accusations n'ont rien à voir avec le message publié par Mara sur X », a déclaré un membre de son équipe de défense. « Il s'agit d'un procès contre le droit à la liberté d'expression », a ajouté le bâtonnier Mounkaïla Yayé, un autre membre de l'équipe de la défense de Moussa Mara. « Cela peut créer un précédent dangereux. »
Depuis son arrivée au pouvoir lors d’un coup d'État en 2021, la junte militaire dirigée par le général Assimi Goïta a réprimé l'opposition politique et l'espace civique et médiatique au Mali, interdisant tous les partis politiques et intimidant, emprisonnant ou faisant disparaître de force des journalistes et des activistes des droits humains. Le général Goïta a consolidé son pouvoir sans tenir d’élections, retardant le retour à un régime civil démocratique.
La junte a également ignoré les appels à tenir les auteurs d’abus responsables de leurs actes, et n'a pas respecté ses obligations juridiques internationales d'enquêter sur les violations graves des droits commises par les forces de sécurité et de traduire les responsables en justice. En janvier, le Mali, ainsi que le Burkina Faso et le Niger, ont officiellement quitté la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), privant ainsi leurs citoyens de la possibilité de réclamer justice pour des violations des droits humains devant la Cour de justice de la CEDEAO. En septembre, ces trois pays ont également annoncé leur intention de se retirer du traité de la Cour pénale internationale, une décision qui compromettra aussi l'accès à la justice pour les victimes d’atrocités de masse.
L'arrestation de Moussa Mara montre que même exprimer sa solidarité avec les personnes réprimées est maintenant interdit au Mali. Elle montre également l'intolérance de la junte à l'égard de toute dissidence. Les autorités maliennes devraient immédiatement abandonner toutes les charges retenues contre Moussa Mara et le libérer, relâcher aussi tous les autres prisonniers détenus arbitrairement, et respecter le droit à la liberté d'expression.
30.09.2025 à 21:57
La semaine dernière, les talibans ont ordonné l'interdiction d'Internet dans plusieurs provinces du nord de l'Afghanistan. Le 30 septembre, ils ont complètement coupé l'accès à Internet, tant mobile que par fibre optique, dans tout le pays.
Les talibans affirment que cette interdiction vise à « prévenir l'immoralité ». En Afghanistan, les autorités utilisent depuis longtemps le prétexte de la « moralité » comme un outil d'oppression appliqué principalement envers les femmes et les filles, qui sont traditionnellement considérées comme les garantes de la dignité, de la fierté et de l'honneur de leur famille. Les femmes et les filles afghanes ont été définies essentiellement dans le cadre de leur relation aux hommes : en tant que mère, sœur, épouse ou fille d'un homme. Lorsque les talibans parlent d'« immoralité », cela signifie souvent pour eux une « immoralité » causée, perçue ou encouragée par les femmes, ou parfois la corruption de certains hommes provoquée par des femmes.
L'interdiction d'Internet est un nouveau moyen pour les talibans de contrôler les femmes et les filles. Depuis leur prise de contrôle de l'Afghanistan en août 2021, les talibans ont déjà sévèrement restreint l’accès des femmes aux espaces physiques ou elles pourraient exprimer une résistance, qu’il s’agisse des rues, des universités ou des lieux de travail.
En conséquence, les femmes qui ont accès à Internet s'en servent pour résister à ce que de nombreux experts appellent « l'apartheid de genre » imposé par les talibans. Les militantes utilisent Internet pour documenter les abus et entrer en contact avec d’autres activistes à l'étranger, alors que la communauté internationale accorde moins d’attention aux abus.
L’Internet offre également aux filles et aux femmes un moyen de poursuivre leur éducation, les talibans leur ayant interdit de poursuivre leur scolarité au-delà de la sixième année. Pour beaucoup d’entre elles, la perte d’accès aux cours en ligne est une source d'immense détresse. Les organisations qui proposent des cours en ligne craignent que les élèves et étudiantes afghanes ne perdent ainsi leur dernier moyen d'accéder à l'éducation, et de maintenir un contact avec le monde extérieur.
Une amie que j’ai connue au lycée, « Meena » (pseudonyme), gérait jusqu’à récemment un site de vente de vêtements en ligne en Afghanistan. « Les talibans imposeraient un apartheid numérique de genre, s'ils trouvaient un moyen de couper l'accès à Internet uniquement pour les femmes », m'a-t-elle dit la semaine dernière. Meena a ajouté que la perte d'accès à Internet lui ferait perdre des sources de revenus essentielles, nuirait à son autonomie et à son identité, et couperait ses liens avec d’autres personnes en Afghanistan, ainsi qu’à l'étranger.
Je n'ai pas réussi à joindre à nouveau Meena depuis que les talibans ont complètement déconnecté le pays.
Les coupures d’Internet imposées par les talibans ne visent pas seulement à contrôler politiquement la société afghane ; elles reflètent également un acte délibéré d'autoritarisme patriarcal. Elles nuisent aux femmes et aux filles qui étaient déjà systématiquement réduites au silence, sapant davantage encore leur capacité à étudier ou à percevoir un revenu ; elles ébranlent leur sentiment d'identité et d'appartenance à une communauté, et toute possibilité de mobiliser la résistance féministe.
Les talibans devraient d’urgence de lever leur interdiction d’Internet, qui constitue lien vital des Afghanes avec le monde extérieur.
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