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Humans Right Watch enquête sur les violations des droits humains commises à travers le monde

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17.11.2025 à 07:00

Protéger les civils contre les armes explosives

Human Rights Watch
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Click to expand Image Des Palestiniens marchaient parmi les décombres d'immeubles résidentiels détruits par des frappes israéliennes dans le quartier de Sheikh Radwan, situé dans le nord de la ville de Gaza, le 13 octobre 2025.  © 2025 Sipa via AP Images Les gouvernements devraient donner suite à leurs récents engagements politiques visant à protéger les civils contre les bombardements et les tirs d'artillerie qui dévastent des villes et villages à travers le monde.Les civils constituent la grande majorité des victimes causées par l'utilisation d'armes explosives dans des zones peuplées – telles que les bombes aériennes, les roquettes, les missiles, les projectiles d'artillerie et les obus de mortier.Les gouvernements devraient renforcer la protection des civils dans la pratique en adoptant des mesures fortes pour mettre en œuvre leurs engagements. Ils devraient établir des normes humanitaires qui influencent non seulement les autres pays ayant approuvé la Déclaration de Dublin formulant ces engagements, mais aussi ceux en proie à des conflits armés et qui ne l'ont pas encore fait.

(San José, 17 novembre 2025) – Les gouvernements devraient donner suite à leurs récents engagements politiques visant à protéger les civils contre les bombardements et les tirs d'artillerie qui dévastent des villes et villages à travers le monde, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch dans un rapport publié en collaboration avec la Clinique internationale des droits humains de la faculté de droit de Harvard.

17 novembre 2025 Strengthening Civilian Protection

Le rapport de 37 pages, intitulé « Strengthening Civilian Protection: Principles for Implementing the Declaration on Explosive Weapons in Populated Areas » (« Renforcer la protection des civils : Principes pour la mise en œuvre de la Déclaration sur les armes explosives dans des zones peuplées »), énonce sept principes directeurs adressés aux pays ayant approuvé la Déclaration politique sur l'utilisation des armes explosives dans les zones peuplées, afin de les aider à mettre leurs engagements en pratique. Les civils constituent la grande majorité des victimes causées par l'utilisation d'armes explosives en zones peuplées (« explosive weapons in populated areas », ou EWIPA) ; il s’agit notamment de bombes aériennes, de roquettes, de missiles, de projectiles d'artillerie et d’obus de mortier. Ces armes transforment des zones urbaines en ruines, détruisent les infrastructures et endommagent l'environnement et le patrimoine culturel.

« Dans des pays en situation de guerre, l’utilisation d’armes explosives dans des zones peuplées tue, blesse et traumatise des civils, perturbe l'accès aux services essentiels et provoque des déplacements massifs d’habitants », a déclaré Bonnie Docherty, conseillère principale sur les questions d’armes auprès de Human Rights Watch, chargée de cours de droit à la Harvard Human Rights Clinic et auteure principale du rapport. « Les dommages considérables récemment documentés en Ukraine, à Gaza, en République démocratique du Congo et ailleurs montrent que les gouvernements devraient intensifier leurs efforts pour mettre en œuvre leurs engagements visant à protéger les civils contre cette méthode de guerre. »

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La Déclaration, adoptée à Dublin en 2022, est un instrument international non contraignant qui vise à empêcher l'utilisation d'armes explosives dans des villes et villages, et à remédier aux effets dévastateurs sur les civils. Les pays signataires et les autres parties prenantes concernées se réuniront à San José, au Costa Rica, du 18 au 20 novembre, à l'occasion de la deuxième conférence internationale au sujet de la Déclaration, afin d'encourager une adhésion plus large, d'examiner et de renforcer les efforts de mise en œuvre, et de définir les prochaines étapes.

Selon la Déclaration, les pays signataires s’engagent à prendre des mesures pour mieux protéger les civils, notamment en approuvant « la restriction ou l'abstention, le cas échéant, de l'utilisation d'armes explosives dans les zones peuplées », et à venir en aide aux victimes des dommages déjà causés. Les pays signataires s’engagent aussi à collecter et partager publiquement des données sur l'utilisation et les effets des armes explosives, afin qu’elles soient analysées en vue de tirer des enseignements permettant d'améliorer la protection des civils à l'avenir.

Human Rights Watch et la Harvard Human Rights Clinic exhortent les gouvernements à suivre sept principes directeurs afin de mettre en œuvre efficacement les engagements énoncés dans la Déclaration. Ces principes s'appliquent à tous les pays, quelle que soit la structure de leur gouvernement ou la taille de leur armée.

Les pays signataires de la Déclaration devraient prendre les mesures suivantes : (1) traiter de manière exhaustive les conséquences humanitaires de l'utilisation d'armes explosives dans les zones peuplées ; (2) élaborer des normes progressives de protection des civils qui vont au-delà du droit international humanitaire existant ; (3) collaborer avec un large éventail d'acteurs ; (4) veiller à ce que toutes les décisions soient fondées sur des données pertinentes ; (5) faire preuve de transparence dans leurs efforts de mise en œuvre ; (6) intégrer leurs engagements dans leurs lois et politiques nationales ; et (7) promouvoir la Déclaration et ses normes au-delà des pays signataires. 

Le rapport « Renforcer la protection des civils » fait suite à un précédent rapport de 2022 intitulé « Safeguarding Civilians: A Humanitarian Interpretation of the Political Declaration on the Use of Explosive Weapons in Populated Areas » (« Protéger les civils : Une interprétation humanitaire de la Déclaration politique sur l'utilisation des armes explosives dans les zones peuplées »), copublié par Human Rights Watch et la Harvard Human Rights Clinic, qui examinait l'interprétation des dispositions de la Déclaration. 

Human Rights Watch a cofondé le Réseau international sur les armes explosives (International Network on Explosive Weapons, INEW), une coalition d'organisations de la société civile qui a contribué à la rédaction de la Déclaration. Le réseau INEW et deux organisations partenaires de la société civile, la Fondation pour la paix et la démocratie (Fundación para la paz y la democracia, FUNPADEM) et l’ONG Sécurité humaine en Amérique latine et dans les Caraïbes (Seguridad Humana en América Latina y el Caribe, SEHLAC), organiseront un forum sur la protection des civils, ouvert à tous les délégués, le premier jour de la conférence de San José.

« Les gouvernements qui adoptent des mesures fortes fondées sur des principes communs peuvent contribuer à maximiser le potentiel de la Déclaration en tant qu'outil de protection des civils », a conclu Bonnie Docherty. « Ils peuvent établir des normes qui influencent non seulement les autres pays ayant déjà approuvé les engagements qu’elle contient, mais aussi ceux qui sont en proie à un conflit armé et qui ne l'ont pas encore fait. »

…………..

17.11.2025 à 01:00

Myanmar : Des élections peu crédibles et organisées de manière frauduleuse

Human Rights Watch
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Click to expand Image Une affiche montrant le président du Parti de la solidarité et du développement de l’Union (USDP), soutenu par l'armée du Myanmar, était visible dans une rue de Yangon, le 27 octobre 2025, avant la tenue d’élections organisées par la junte dans des conditions peu équitables. © 2025 STR/AFP via Getty Images

(Bangkok) – Les gouvernements étrangers devraient rejeter le projet de la junte du Myanmar d’organiser des élections entre fin décembre 2025 et janvier 2026, car celles-ci ne seront ni libres, ni équitables, ni inclusives, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Depuis le coup d’État militaire de février 2021, la junte a systématiquement démantelé l’état de droit et les tentatives de mise en place de systèmes démocratiques, et a intensifié la répression et la violence à l’approche des élections.

La junte a annoncé que les deux premières phases des élections auront lieu le 28 décembre et le 11 janvier. Depuis le coup d’État, la junte a interdit des dizaines de partis politiques et emprisonné environ 30 000 prisonniers politiques, dont près d’une centaine de personnes en application d’une loi électorale draconienne adoptée en juillet dernier. Le général Min Aung Hlaing, chef de la junte, a reconnu que les élections ne se tiendraient pas dans toutes les communes, du fait de combats incessants avec des groupes armés d’opposition, qui se caractérisent par des crimes de guerre commis par l’armée.

« Les élections factices organisées par de la junte au Myanmar sont une tentative désespérée d’obtenir une légitimité internationale après près de cinq ans de répression militaire brutale », a déclaré Elaine Pearson, directrice de la division Asie à Human Rights Watch. « Les gouvernements qui accorderaient une quelconque crédibilité à ces élections signaleraient un manque total de soutien à la mise en place au Myanmar d’un régime démocratique civil respectueux des droits humains. »

Le 29 juillet, la junte a promulgué la loi sur la Prévention de l’obstruction, de la perturbation et du sabotage des élections générales démocratiques multipartites, qui criminalise la critique des élections en interdisant tout discours, toute organisation ou toute manifestation qui perturberait une partie quelconque du processus électoral. Les contrevenants encourent jusqu’à 20 ans de prison et la peine de mort.

Depuis le mois d’août, les autorités de la junte ont arrêté 94 personnes en vertu de cette nouvelle loi, dont au moins 4 enfants, pour leurs activités sur les réseaux sociaux, la distribution d’autocollants et de tracts, la prononciation de discours et d’autres actes présumés d’« ingérence » et de « perturbation » du processus électoral. Le 9 septembre, un homme a été condamné à sept ans de travaux forcés à Taunggyi, dans l’État de Shan, pour avoir publié sur Facebook un message critiquant la junte. Le 29 octobre, les cinéastes Zambu Htun Thet Lwin et Aung Chan Lu ont été arrêtés pour avoir aimé (via le symbole « like ») un message Facebook critiquant un film de propagande électorale.

Depuis février 2022, les autorités ont arrêté près de 2 000 personnes pour leur soutien à l’opposition ou pour avoir critiqué l’armée sur Internet, dans le cadre d’une répression menée par la junte contre les libertés d’expression, de la presse et de réunion.

Une grande partie du pays est en proie à la contestation ou contrôlée par l’opposition et l’armée n’est pas en mesure d’exercer un contrôle territorial suffisant pour organiser des élections crédibles, a déclaré Human Rights Watch. Le recensement national organisé en octobre 2024 pour établir les listes électorales n’a été mené à bien que dans 145 des 330 municipalités du pays, soit moins de la moitié. En septembre, la Commission électorale de l’Union a déclaré que le vote ne se tiendrait pas dans 56 communes jugées « non propices », tandis que les deux tours annoncés jusqu’à présent ne couvrent que 202 municipalités.

Pour reprendre des territoires à la résistance armée avant les élections, l’armée a notamment eu recours à des frappes aériennes répétées contre des civils et des infrastructures civiles, qui constituent des crimes de guerre. La Chine et la Russie, principaux fournisseurs d’avions et d’armes de la junte, soutiennent toutes deux la tenue de ces élections. Les deux pays soutiennent la junte depuis longtemps et bloquent toute action internationale contre les atrocités commises par l’armée au Conseil de sécurité des Nations Unies.

Les abus commis par l’armée et l’escalade du conflit ont provoqué le déplacement interne de plus de 3,5 millions de personnes et contraint quelques 20 millions de personnes à recourir à l’aide humanitaire. Des médias indépendants et des groupes de la société civile ont rapporté que les autorités de la junte avaient fait pression sur des personnes déplacées et des prisonniers pour qu’ils aillent voter, et avaient multiplié les barrages routiers et la surveillance numérique.

Le coup d’État de 2021 a mis fin à une transition démocratique hésitante et limitée menée par la Ligue nationale pour la démocratie (LND) d’Aung San Suu Kyi. Lors des élections générales de novembre 2020, la LND a remporté 82 % des sièges disputés, battant largement le Parti de la solidarité et du développement de l’Union (USDP), allié de l’armée. En réponse, l’armée a allégué des fraudes électorales généralisées, un argument sans fondement rejeté par la Commission électorale de l’Union et les observateurs électoraux internationaux et nationaux.

Aux premières heures du 1er février 2021, alors que le nouveau parlement devait siéger pour la première fois, l’armée a arrêté le président Win Myint, Aung San Suu Kyi et de nombreux autres ministres, députés et administrateurs régionaux de la LND, privant les citoyens du Myanmar de leur droit, en vertu de droit international, de choisir librement leur propre gouvernement.

Dans les mois qui ont suivi le coup d’État, la junte a arrêté au moins 197 ministres et membres du Parlement ainsi que 154 responsables de la Commission électorale de l’Union. Suu Kyi et Win Myint purgent respectivement des peines de 27 et 8 ans de prison pour une série d’accusations fabriquées de toutes pièces.

En janvier 2023, la junte a promulgué une nouvelle loi sur l’enregistrement des partis politiques visant à empêcher les principaux membres de la LND de participer aux élections, en violation des normes internationales relatives au droit des partis politiques à s’organiser et à celui de leurs candidats à se présenter aux élections. En mars de la même année, la junte a annoncé que la LND faisait partie des 40 partis politiques et autres groupes dissous pour ne pas s’être enregistrés conformément à la nouvelle loi. La junte a dissous quatre autres partis en septembre 2025 pour non-respect des exigences prévues par la loi.

La junte avait auparavant déclaré que le gouvernement d’union nationale de l’opposition et son organe parlementaire, le Comité représentant Pyidaungsu Hluttaw, étaient des « organisations terroristes ». Les groupes d’opposition ont clairement indiqué qu’ils s’opposaient à toute élection organisée sous le régime de la junte.

Après le coup d’État, la junte a remplacé la Commission électorale civile de l’Union par un organe nommé par l’armée. L’Union européenne a sanctionné l’actuel président, Than Soe, nommé le 31 juillet 2025, ainsi que d’autres membres de la commission nommés par la junte pour être « directement impliqué dans des actions portant atteinte à la démocratie et à l’état de droit au Myanmar ». Avant le coup d’État, Than Soe dirigeait le bloc militaire à la chambre haute du Parlement. En vertu de la Constitution de 2008, l’armée nomme 25 % des sièges parlementaires.

Le 31 juillet, en prévision des élections, la junte a annoncé la création d’une Commission pour la sécurité et la paix de l’État en remplacement du Conseil d’administration de l’État en place depuis le coup d’État. Elle a également déclaré un nouvel état d’urgence et la loi martiale dans 63 municipalités des États de Chin, Kachin, Karen (Kayin), Karenni (Kayah), Rakhine et Shan, ainsi que dans les régions de Magway, Mandalay et Sagaing, et les a prolongés de 90 jours supplémentaires le 31 octobre. Ces ordonnances, qui visent principalement les municipalités contrôlées par l’opposition, transfèrent « les pouvoirs et les responsabilités desdites municipalités au commandant en chef ».

En novembre 2024, le procureur de la Cour pénale internationale a requis un mandat d’arrêt contre le commandant en chef Min Aung Hlaing pour crimes contre l’humanité présumés commis en 2017.

La junte a cherché à écraser toute opposition politique, à faire échouer toute tentative d’instauration d’un régime civil démocratique et à légitimer un état contrôlé par l’armée, a déclaré Human Rights Watch. Elle a préparé le terrain pour des élections dominées par l’USDP, soutenu par l’armée. Bien que la période officielle de campagne de 60 jours n’ait débuté que le 28 octobre, la campagne du parti mandaté par l’armée était déjà bien avancée. La junte aurait en outre interdit les cortèges électoraux.

Lors du sommet de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) en octobre, le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, a appelé à un « retour crédible à un régime civil » au Myanmar, en déclarant : « Je ne pense pas que quiconque puisse être convaincu que ces élections seront libres et équitables. » Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, a qualifié la tenue du scrutin en décembre d’« inconcevable ».

Si l’ASEAN a souligné que la paix et le dialogue politique « doivent précéder les élections », l’organisme régional ne dispose pas des outils nécessaires pour empêcher les États membres individuels de fournir de l’aide technique ou un soutien bilatéral.

« La Malaisie, le Japon et les autres gouvernements asiatiques qui ont clairement indiqué que ces élections étaient préjudiciables aux citoyens du Myanmar devraient exhorter leurs voisins à faire de même », a conclu Elaine Pearson. « Pour contrebalancer le soutien apporté par la Chine, la Russie et d’autres pays favorables au scrutin, il faudrait envoyer un message clair et catégorique indiquant que ces élections illégitimes ne feront que renforcer la descente du Myanmar dans la violence, la répression et le pouvoir autocratique. »

14.11.2025 à 16:30

Tunisie : Les condamnations injustes dans l’affaire du « complot » devraient être annulées

Human Rights Watch
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Click to expand Image Dix personnes jugées et condamnées à l’issue du procès de « l’affaire du complot » le 19 avril 2025 à Tunis, en Tunisie. De nombreuses autres personnes ont aussi été condamnées par le Tribunal de première instance. EN HAUT (de gauche à droite) : Noureddine Bhiri, Khayam Turki, Abdelhamid Jelassi, Ghazi Chaouachi et Lazhar Akremi. EN BAS (de gauche à droite) : Ridha Belhaj, Issam Chebbi, Chaima Issa, Jaouhar Ben Mbarek et Said Ferjani.  © Privé

(Beyrouth) – Un tribunal tunisien doit entendre en appel, le 17 novembre 2025, 37 personnes injustement condamnées en avril à de lourdes peines de prison dans le cadre d’une affaire de « complot » aux motifs politiques, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Parmi elles, quatre personnes sont en grève de la faim, dont une qui, d’après ses avocats, a subi des violences physiques en prison le 11 novembre.

Les accusés ont été inculpés en vertu de nombreux articles du Code pénal tunisien et de la loi antiterroriste de 2015, de comploter en vue de déstabiliser le pays. Ayant examiné les documents judiciaires de l’affaire, Human Rights Watch a constaté que ces accusations étaient injustifiées et qu’elles n’étaient pas fondées sur des éléments de preuve crédibles. Le tribunal devrait immédiatement casser les condamnations abusives et libérer tous les détenus, a déclaré Human Rights Watch.

« Toute cette affaire n’est qu’une mascarade, des accusations infondées au processus judiciaire dépourvu des garanties d’un procès équitable », a déclaré Bassam Khawaja, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Les autorités devraient mettre fin à ce simulacre de justice, qui s’inscrit dans une répression plus globale de toute forme de critique ou de dissidence. »

Le 19 avril, le Tribunal de première instance de Tunis avait condamné les 37 personnes, dont des opposants du président Saied, des activistes, des avocats et des chercheurs, à des peines de prison comprises entre 4 et 66 ans pour « complot contre la sûreté de l’État » et actes de nature terroriste. Elles avaient été reconnues coupables après seulement trois audiences, sans bénéficier des protections d'une procédure régulière. Trois autres accusés n’ont toujours pas été jugés en raison de procédures en cours devant la Cour de cassation.

Le 24 octobre, des avocats de la défense ont appris que la première audience se tiendrait à distance, par vidéoconférence, le 27 octobre. Les accusés actuellement en détention n’en ont été informés que le jour même de l’audience, tandis que les autres accusés n’ont pas reçu de convocation, a confié une avocate à Human Rights Watch. Le 27 octobre, l’audience a été reportée au 17 novembre.

Jaouhar Ben Mbarek, un activiste politique condamné en avril à 18 ans de prison, a commencé une grève de la faim le 29 octobre pour protester contre sa détention arbitraire. Il n’a pas reçu de soins médicaux appropriés en détention, a déclaré sa sœur et avocate Dalila Msaddek. La Ligue tunisienne des droits de l’homme et plusieurs avocats ont fait part de leur inquiétude au sujet de son état de santé, ce que les autorités carcérales ont nié. Dans une vidéo publiée sur Facebook, Msaddek a déclaré que le 11 novembre, son frère avait été emmené dans une zone sans caméras de surveillance de la prison de Belli pour y être passé à tabac par six autres détenus et cinq gardiens. Il a des ecchymoses sur le corps et une côte cassée, a-t-elle déclaré.

L’homme politique Issam Chebbi et l’avocat Ridha Belhaj, qui se sont vu infliger la même peine que Ben Mbarek, ont également commencé une grève de la faim, respectivement les 7 et 8 novembre. L’activiste politique Abdelhamid Jelassi, qui a été condamné à treize ans de prison, a lui aussi débuté une grève de la faim le 10 novembre.

Le procès d’avril s’était tenu sans les principaux accusés, ce qui les a privés d’une réelle opportunité de présenter leur défense. Le Tribunal de première instance de Tunis et le procureur avaient avancé qu’il existait un « danger réel » et jugé certains accusés par vidéoconférence. La plupart des accusés ont refusé d’être jugés par écran interposé. 

Les autorités judiciaires prévoient de mener la procédure d’appel à nouveau par vidéoconférence, d’après le comité de défense. La pratique des audiences à distance est intrinsèquement abusive puisqu’elle viole le droit des détenus à être physiquement présents devant un juge qui pourra évaluer la légalité de leur détention ainsi que leur santé. Le droit international relatif aux droits humains, comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, proclame que toute personne a le droit d’être présente à son procès.

Douze accusés sont actuellement en détention. Certains demeurent en liberté en Tunisie tandis que d’autres, qui sont à l’étranger, ont été jugés par contumace. Nombre de ceux qui ont été condamnés avaient été arrêtés au départ en février 2023 et placés de façon abusive en détention provisoire pendant plus de deux ans, bien au-delà de la durée maximale de 14 mois autorisée par la loi tunisienne. La majorité d’entre eux n’ont été présentés qu’une seule fois devant un juge d’instruction pendant cette période. 

Le gouvernement a lancé des représailles contre les avocats de la défense de cette affaire, ce qui porte encore plus atteinte aux droits des accusés à une procédure régulière, a déclaré Human Rights Watch. Le 21 avril, Ahmed Souad, un avocat défendant certains des accusés, a été arrêté et inculpé de terrorisme et de « diffusion de fausses informations », en vertu des lois sur le contreterrorisme et la cybercriminalité, pour avoir mis en doute l’indépendance de la justice à la suite du procès. Son procès s’est tenu en son absence, n’a duré que quelques minutes et le juge a délibéré sans entendre les plaidoiries des avocats Le 31 octobre, il a été condamné à cinq ans de prison et à trois ans de surveillance administrative.

Dalila Msaddek doit quant à elle comparaître devant un tribunal de Tunis le 25 novembre pour avoir pris la défense de ses clients au cours d’une interview radiophonique en 2023. Elle est accusée de « diffusion de fausses informations » et de traitement indu de données personnelles, en vertu des lois sur la cybercriminalité et la protection des données personnelles.

En mai 2023, Ayachi Hammami, qui était auparavant un des avocats de la défense de l’affaire, est venu s’ajouter aux accusés et a été condamné en avril à huit ans de prison.

Depuis que le président Saied a pris le contrôle des institutions de l’État tunisien, le 25 juillet 2021, les autorités ont fortement accru leur répression de la dissidence. 

Depuis début 2023, elles ont accentué les arrestations et détentions arbitraires de personnes issues de tout l’éventail politique qui sont perçues comme critiques envers le gouvernement. Les atteintes répétées des autorités à l’encontre du pouvoir judiciaire, en particulier le démantèlement du Conseil supérieur de la magistrature par Kais Saied, ont gravement diminué son indépendance et mis en péril le droit des Tunisiens à un procès équitable.

La Tunisie est un État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui garantissent le droit à la liberté d’expression et de réunion, à un procès équitable et à ne pas subir d’arrestation ou de détention arbitraires.

« Les partenaires internationaux de la Tunisie devraient faire entendre leur voix face à ce déni de justice flagrant et ces atteintes à l’état de droit », a conclu Bassam Khawaja. « Ils devraient exhorter les autorités tunisiennes à cesser leur répression, annuler ces condamnations et garantir des procès équitables. »

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