29.04.2025 à 16:10
Alors que Donald Trump accélère le désengagement de Washington à l’international et érige des barrières budgétaires le long de ses frontières, l’étude des bouleversements intérieurs étatsuniens passe au second plan, en dépit de leur importance. Le nouveau locataire de la Maison-Blanche remanie les institutions et préfère la fidélité du candidat à son expérience, un choix qui suscite de vives critiques. L’exemple du nouveau « Director General of the Foreign Service » est éloquent en la matière et inquiète le corps diplomatique qui n’est plus en capacité d’exprimer son mécontentement. Il y a eu tellement de changements vertigineux dans la politique étrangère américaine depuis l’entrée en fonction de Donald Trump en janvier dernier. Le président a lancé une guerre commerciale mondiale, semble avoir plus ou moins abandonné l’Ukraine, est passé à l’offensive contre les immigrants. Donald Trump et son acolyte Elon Musk ont eu un impact dramatique sur l’infrastructure de la diplomatie américaine, fermant l’USAID, réduisant les budgets et le personnel consacrés aux affaires étrangères, coupant les liens avec des organisations internationales comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il est difficile de suivre tout cela. Il est encore plus difficile de suivre le travail de sape à l’intérieur de nos institutions. Le président fixe les grandes lignes d’une politique étrangère pour le moins transgressive. En même temps, ses fidèles sont également très concentrés sur les détails. Prenons un exemple au Département de l’État. Je parierais que vous n’avez pas entendu parler du « Director General of the Foreign Service ». Contrairement à de nombreux autres fonctionnaires de haut niveau au sein du ministère, à commencer par le secrétaire d’État, le « Director General (DG) » a un travail tourné vers l’intérieur. C’est un de ces postes qui n’attirent pas beaucoup d’attention en dehors du « Beltway ». Ce responsable n’en est pas moins l’un des dirigeants chargés […]
L’article Miner la politique étrangère américaine, un diplomate à la fois est apparu en premier sur IRIS.
Alors que Donald Trump accélère le désengagement de Washington à l’international et érige des barrières budgétaires le long de ses frontières, l’étude des bouleversements intérieurs étatsuniens passe au second plan, en dépit de leur importance. Le nouveau locataire de la Maison-Blanche remanie les institutions et préfère la fidélité du candidat à son expérience, un choix qui suscite de vives critiques. L’exemple du nouveau « Director General of the Foreign Service » est éloquent en la matière et inquiète le corps diplomatique qui n’est plus en capacité d’exprimer son mécontentement.
Il y a eu tellement de changements vertigineux dans la politique étrangère américaine depuis l’entrée en fonction de Donald Trump en janvier dernier. Le président a lancé une guerre commerciale mondiale, semble avoir plus ou moins abandonné l’Ukraine, est passé à l’offensive contre les immigrants. Donald Trump et son acolyte Elon Musk ont eu un impact dramatique sur l’infrastructure de la diplomatie américaine, fermant l’USAID, réduisant les budgets et le personnel consacrés aux affaires étrangères, coupant les liens avec des organisations internationales comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il est difficile de suivre tout cela.
Il est encore plus difficile de suivre le travail de sape à l’intérieur de nos institutions. Le président fixe les grandes lignes d’une politique étrangère pour le moins transgressive. En même temps, ses fidèles sont également très concentrés sur les détails. Prenons un exemple au Département de l’État.
Je parierais que vous n’avez pas entendu parler du « Director General of the Foreign Service ». Contrairement à de nombreux autres fonctionnaires de haut niveau au sein du ministère, à commencer par le secrétaire d’État, le « Director General (DG) » a un travail tourné vers l’intérieur. C’est un de ces postes qui n’attirent pas beaucoup d’attention en dehors du « Beltway ». Ce responsable n’en est pas moins l’un des dirigeants chargés de déterminer les grandes lignes de notre diplomatie.
Le directeur général est officiellement le chef des ressources humaines du département d’État, mais le travail implique bien plus que cela. Il fixe la politique globale du personnel, supervise le recrutement de nouveaux diplomates, aide à identifier les officiers pour les postes les plus importants, gère les crises et les évacuations à l’étranger, résout les conflits de travail, et agit essentiellement comme chef du corps diplomatique américain. Il n’est pas exagéré de dire que c’est le directeur général qui dirige le service diplomatique. Selon la loi, le DG doit être issu des rangs des agents professionnels du « Foreign Service » et, selon la tradition, le DG est toujours un officier de très haut rang avec au moins une mission d’ambassadeur à son actif. La liste des anciens DG comprend un grand nombre des diplomates de carrière les plus accomplis du département d’État.
Or, ce mois-ci, la Maison-Blanche a nommé Lew Olowski au poste de directeur général, à titre intérimaire. Avocat spécialisé dans la « sécurité nationale », il entretient des liens avec des médias et organisations de droite comme le Daily Caller et la Federalist Society. Il a servi dans la première administration Trump au département de la Sécurité intérieure. Lew Olowski remplit, à peine, les conditions requises pour assumer son nouveau poste à force d’une seule affectation en tant que diplomate junior délivrant des visas dans la mission américaine en Chine. Très fidèle à Donald Trump, Lew Olowski apporte une sensibilité chrétienne à l’affichage. Sa première sortie publique dans ce poste a été un discours qu’il a prononcé devant les nouveaux agents diplomatiques, très commenté dans les médias. Parmi les citations notables de la conférence, il y avait celle-ci, commentant le serment que les officiers venaient de prêter à la Constitution américaine : « Les serments et les paroles sont différents », a-t-il déclaré. « Les mots sont pour parler. Les dauphins peuvent parler. Les serments sont des engagements. Les animaux ne font pas d’engagement. Seuls Dieu et l’Homme peuvent faire des engagements ». Oui, cela parait tout aussi étrange en anglais qu’en français.
Il n’est pas surprenant que la réaction du « Foreign Service » ait été moins qu’enthousiaste. L’American Foreign Service Association (AFSA), essentiellement le syndicat des diplomates de carrière, a même publié un communiqué de presse critiquant sévèrement la nomination de Lew Olowski.
Cette nomination est problématique à bien des égards. Premièrement, il n’a ni l’expérience ni le respect de ses collègues nécessaires pour occuper ce poste essentiel. Cet officier non titulaire, qui n’aura qu’une seule mission à l’étranger, fera partie du processus de sélection des futurs ambassadeurs et hauts fonctionnaires, s’occupera des problèmes de personnel sensibles, et organisera les évacuations des ambassades dans les zones de guerre. Comme l’AFSA l’a dit dans son commentaire sur sa nomination, faire de Lew Olowski DG « reviendrait à placer un officier militaire subalterne, qui n’a pas encore fait une période de commandement, à la tête du système de personnel du Pentagone. Cela sape la structure, la discipline et les normes qui sont essentielles au maintien d’une main d’œuvre efficace en matière de sécurité nationale. »
Deuxièmement, la nomination « par intérim » de Lew Olowski contourne effectivement la surveillance du Congrès que la constitution exige pour des postes clés comme celui-ci. Le directeur général doit être confirmé par le Sénat ; le titre temporaire de « haut fonctionnaire du bureau » qu’il porte n’a pas besoin d’être confirmé. Les républicains du Congrès voteraient presque certainement pour Lew Olowski, mais l’affectation temporaire qu’il a lui permet d’éviter les réunions avec les sénateurs et les audiences de la Commission des affaires étrangères, parfois éprouvantes, qui font partie du processus de confirmation. Les démocrates n’ont pas eu l’occasion de l’interroger ou de vérifier son expérience.
Troisièmement, il procédera à une rupture avec des partenaires légitimes. Bien qu’elle ne soit pas nominalement un syndicat, l’AFSA a longtemps joué un rôle formel dans les questions de personnel. La relation entre l’AFSA et le bureau du DG est parfois coopérative, parfois plus conflictuelle, mais l’organisation est une voix essentielle pour les diplomates américains. En mars, le président Trump a publié un décret refusant aux employés fédéraux des agences de « sécurité nationale » le droit à la représentation. L’AFSA n’a donc plus de rôle officiellement reconnu, et Lew Olowski décidera des questions de travail sans la contribution du syndicat.
Rien de tout cela n’est un accident. L’administration Trump a toujours cherché à mettre les fonctionnaires au pas. La nomination de Lew Oleski envoie un message très fort au service extérieur : « Votre expérience et votre expertise sont sans importance, votre loyauté politique est bien plus importante que vos conseils politiques ou votre connaissance des pays étrangers, nous ne sommes pas intéressés par un dialogue équitable avec les hommes et les femmes qui travaillent au département d’État. »
Retrouvez régulièrement les éditos de Jeff Hawkins, ancien diplomate américain, chercheur associé à l’IRIS, pour ses Carnets d’un vétéran du State Department.
L’article Miner la politique étrangère américaine, un diplomate à la fois est apparu en premier sur IRIS.
29.04.2025 à 15:06
Depuis le renouveau des Jeux olympiques modernes, le sport s’est imposé comme un élément à part entière des dynamiques géopolitiques mondiales. Dès lors, il devient un prisme d’étude qui vient compléter les grilles de lecture traditionnelles des relations internationales. Outil diplomatique, il met en exergue les prises de position des acteurs concernés par les enjeux et les intérêts que suscite le sport. Dans cette perspective, les athlètes, moteurs de leur discipline, occupent naturellement le devant de la scène et deviennent les porte-étendards des revendications politiques et sociales qu’ils décident de soutenir. Carole Gomez, chercheuse spécialisée en sociologie et géopolitique du sport à l’Université de Lausanne répond à nos questions : 00:10 On parle de géopolitique du sport, quels sont les liens entre les pratiques sportives et les relations internationales ? 01:05 Dans quelle mesure l’évolution de la géopolitique du sport depuis quelques années nous permet-elle d’établir un constat réaliste des relations internationales actuelles ? 04:09 Comment a évolué la prise en compte de la voix des athlètes dans le sport ? Comment le sport est-il devenu un outil de revendication ? Cette vidéo a été réalisée à l’occasion de la 2e édition des Rencontres géoéconomiques et géopolitiques organisées par l’IRIS et @NEOMAbsWebTV , en partenariat avec Diplomatie Magazine, le 1er avril 2025.
L’article Le rôle des athlètes dans la géopolitique du sport est apparu en premier sur IRIS.
Depuis le renouveau des Jeux olympiques modernes, le sport s’est imposé comme un élément à part entière des dynamiques géopolitiques mondiales. Dès lors, il devient un prisme d’étude qui vient compléter les grilles de lecture traditionnelles des relations internationales. Outil diplomatique, il met en exergue les prises de position des acteurs concernés par les enjeux et les intérêts que suscite le sport. Dans cette perspective, les athlètes, moteurs de leur discipline, occupent naturellement le devant de la scène et deviennent les porte-étendards des revendications politiques et sociales qu’ils décident de soutenir.
Carole Gomez, chercheuse spécialisée en sociologie et géopolitique du sport à l’Université de Lausanne répond à nos questions :
00:10 On parle de géopolitique du sport, quels sont les liens entre les pratiques sportives et les relations internationales ?
01:05 Dans quelle mesure l’évolution de la géopolitique du sport depuis quelques années nous permet-elle d’établir un constat réaliste des relations internationales actuelles ?
04:09 Comment a évolué la prise en compte de la voix des athlètes dans le sport ? Comment le sport est-il devenu un outil de revendication ?
Cette vidéo a été réalisée à l’occasion de la 2e édition des Rencontres géoéconomiques et géopolitiques organisées par l’IRIS et @NEOMAbsWebTV , en partenariat avec Diplomatie Magazine, le 1er avril 2025.
L’article Le rôle des athlètes dans la géopolitique du sport est apparu en premier sur IRIS.
28.04.2025 à 17:31
La République italienne a suspendu toutes ses activités officielles jusqu’aux obsèques du Saint-Père, qui ont eu lieu ce samedi. Si le pape François était le guide spirituel des catholiques du monde entier, il était aussi le chef d’État du plus petit pays au monde, situé au cœur même de Rome : le Vatican. Les relations entre l’Italie et le Saint-Siège sont anciennes et complexes, mêlant spiritualité, politique, histoire et intérêts (parfois divergents). Depuis l’unification italienne au XIXe siècle, ces liens ont été marqués par des tensions – notamment la question territoriale – jusqu’à la signature des accords du Latran en 1929. Malgré des divergences idéologiques parfois profondes, l’Église et l’État italien n’ont jamais véritablement rompu le dialogue, preuve de l’influence durable du catholicisme dans la société italienne. Les accords du Latran, socle de la relation entre les deux États Les accords du Latran, signés le 11 février 1929 par Benito Mussolini, le Saint-Siège et le cardinal Gasparri pour le pape Pie XI, constituent un tournant majeur dans les relations entre les deux entités. Ils viennent clore la « question romaine », ouverte en 1870 lorsque les troupes italiennes ont annexé Rome et mis fin aux États pontificaux. Par la suite et pendant près de 60 ans, les papes avaient refusé de reconnaître la légitimité du nouvel État italien. Les accords du Latran stabilisent les rapports entre les deux pays sur trois axes majeurs : d’abord un traité politique, par lequel l’Italie reconnaît l’indépendance et la souveraineté de l’État de la Cité du Vatican, nouvellement créé. Ce traité garantit également à l’Église une série de privilèges, notamment l’extraterritorialité pour certaines basiliques majeures et résidences (comme le Latran, Sainte-Marie-Majeure ou Castel Gandolfo), ainsi qu’une totale immunité pour les autorités ecclésiastiques sur ces sites. Les accords prévoient aussi une convention financière, à travers laquelle l’Italie […]
L’article Italie-Vatican : entre proximité institutionnelle et fractures idéologiques est apparu en premier sur IRIS.
La République italienne a suspendu toutes ses activités officielles jusqu’aux obsèques du Saint-Père, qui ont eu lieu ce samedi. Si le pape François était le guide spirituel des catholiques du monde entier, il était aussi le chef d’État du plus petit pays au monde, situé au cœur même de Rome : le Vatican. Les relations entre l’Italie et le Saint-Siège sont anciennes et complexes, mêlant spiritualité, politique, histoire et intérêts (parfois divergents). Depuis l’unification italienne au XIXe siècle, ces liens ont été marqués par des tensions – notamment la question territoriale – jusqu’à la signature des accords du Latran en 1929. Malgré des divergences idéologiques parfois profondes, l’Église et l’État italien n’ont jamais véritablement rompu le dialogue, preuve de l’influence durable du catholicisme dans la société italienne.
Les accords du Latran, socle de la relation entre les deux États
Les accords du Latran, signés le 11 février 1929 par Benito Mussolini, le Saint-Siège et le cardinal Gasparri pour le pape Pie XI, constituent un tournant majeur dans les relations entre les deux entités. Ils viennent clore la « question romaine », ouverte en 1870 lorsque les troupes italiennes ont annexé Rome et mis fin aux États pontificaux. Par la suite et pendant près de 60 ans, les papes avaient refusé de reconnaître la légitimité du nouvel État italien.
Les accords du Latran stabilisent les rapports entre les deux pays sur trois axes majeurs : d’abord un traité politique, par lequel l’Italie reconnaît l’indépendance et la souveraineté de l’État de la Cité du Vatican, nouvellement créé. Ce traité garantit également à l’Église une série de privilèges, notamment l’extraterritorialité pour certaines basiliques majeures et résidences (comme le Latran, Sainte-Marie-Majeure ou Castel Gandolfo), ainsi qu’une totale immunité pour les autorités ecclésiastiques sur ces sites. Les accords prévoient aussi une convention financière, à travers laquelle l’Italie s’engage à indemniser le Saint-Siège pour la perte des États pontificaux. Le Vatican reçoit à ce titre une compensation de 1,75 milliard de lires (en partie en espèces, en partie en obligations d’État), ce qui permet à l’État pontifical de constituer une base financière solide. Enfin, un concordat religieux, qui établit le catholicisme comme religion d’État et qui confère à l’Église un rôle prépondérant dans la société italienne, encore aujourd’hui.
Ces accords marquent une alliance stratégique entre l’Église et le régime fasciste. En échange de la reconnaissance du Vatican, BenitoMussolini obtient le soutien tacite de l’Église, qui voit dans le régime un rempart contre le communisme. L’Église gagne en revanche un statut institutionnel puissant dans l’Italie unifiée. Un mariage de raison et d’intérêt plus qu’un réel accord politique voulu par les deux parties. Malgré la chute du fascisme et le retour de la république en 1946, les accords du Latran restent en vigueur. Aujourd’hui encore, ils constituent le cadre juridique des relations entre le Saint-Siège et l’État italien.
Une Église toujours influente dans l’Italie contemporaine
Les accords du Latran ont été révisés : depuis 1984, le catholicisme n’est plus religion d’État en Italie. Toutefois, l’influence de l’Église demeure significative. L’enseignement religieux, bien que facultatif, est encore proposé dans les collèges et lycées. Plusieurs lois italiennes reflètent encore cette influence.
La première est celle sur le blasphème qui constituait un délit (article 724 du Code pénal) jusqu’en 1999. Désormais considéré comme une simple infraction passible d’une amende (entre 51 et 309€). Il n’est que très rarement sanctionné, car dans certaines régions (comme la Vénétie) le blasphème fait partie du langage courant et son contrôle est quasi impossible. Toutefois, dans le monde du sport, la règle est plus appliquée : l’article 37 du code de justice sportive prévoit une suspension d’un match pour tout joueur surpris en train de blasphémer sur le terrain, à condition qu’un enregistrement audio en atteste. Ce fut le cas de Davide Lanzafame en 2010, premier footballeur sanctionné pour cette raison.
La seconde concerne l’objection de conscience, notamment dans le domaine médical. Cette disposition permet aux praticiens de refuser de réaliser certains actes, comme l’avortement. Dans certaines régions (comme la Calabre), le taux de médecins objecteurs dépasse 90 %, rendant l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) très difficile et obligeant les femmes à se déplacer vers d’autres régions. Cette réalité provoque un déséquilibre majeur dans la planification hospitalière. Le même phénomène est observé pour la distribution de la pilule du lendemain, parfois introuvable dans certaines communes, faute de médecins enclins à la prescrire.
Enfin, le Vatican bénéficie de conditions fiscales très avantageuses en Italie. L’Église ne paie pas de taxe foncière sur ses propriétés immobilières, bien que la réforme de 2012 ait limité cette exonération. Par ailleurs, chaque contribuable italien doit reverser 0,8 % de ses impôts à une organisation de son choix. En l’absence de précision, ce montant est attribué par défaut à l’Église catholique, qui a ainsi perçu près d’un milliard d’euros en 2024. Sur le plan administratif, l’Église conserve une certaine autorité : les mariages religieux sont légalement reconnus, au même titre que les unions civiles célébrées en mairie.
Tensions politiques et divergences idéologiques
Le pape François a régulièrement fait des déclarations opposées au gouvernement italien, sur plusieurs sujets. Sur la question migratoire, il affirmait : « Dieu est avec les migrants, les rejeter est un péché grave », une déclaration en totale contradiction avec la rhétorique de la droite souverainiste, qui dénonce une supposée « substitution ethnique et culturelle », selon les mots de Giorgia Meloni. De même, François a défendu une posture neutre dans la guerre en Ukraine, appelant à la paix, et s’est montré solidaire de la population de Gaza dans le conflit israélo-palestinien, contrastant avec la ligne dure du gouvernement italien.
Dans ce contexte, la droite souverainiste italienne n’a d’autre solution que de défendre les valeurs de la religion chrétienne sous un prisme civilisationnel. Matteo Salvini, en 2021, affirmait que le pape François « n’était pas [son] pape », lui préférant Benoît XVI, plus conservateur. Pour Giorgia Meloni, c’est plus la défense des traditions chrétiennes qui importe, même si la figure du Pape ne peut pas être totalement évincée.
Les funérailles du pape François ont ouvert une autre polémique en Italie. La date de la cérémonie coïncide avec l’une des fêtes nationales italiennes, la libération du fascisme. Le ministre de la Protection civile, Nello Musumeci, a appelé les Italiens à fêter ce jour « avec la modération et la sobriété que les circonstances imposent ». Une manière, pour certains, de limiter les manifestations anti-fascistes dans le pays, sous le couvert des funérailles du pape Bergoglio.
Une élection papale aux enjeux politiques majeurs
Le choix du successeur de François aura un impact réel en Italie. Un pape progressiste renforcerait l’opposition morale à la ligne Meloni, tandis qu’un pontife plus conservateur pourrait favoriser un rapprochement. Giorgia Meloni, adepte du choc idéologique, pourrait tirer parti d’un pape réformateur pour renforcer son propre positionnement. Dans un pays où l’identité religieuse reste un levier politique, la personnalité du futur pontife peut devenir un enjeu de politique intérieure, instrumentalisé par les différentes forces partisanes pour légitimer ou contester les orientations gouvernementales. Dans tous les cas, les deux États devront composer, comme ils l’ont toujours fait, avec leurs convergences comme leurs désaccords, pour préserver un équilibre au cœur de la péninsule italienne.
L’article Italie-Vatican : entre proximité institutionnelle et fractures idéologiques est apparu en premier sur IRIS.