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07.10.2025 à 18:25

Les Italiens en lutte pour Gaza

Marina Forti
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Depuis le lundi 22 septembre, l’Italie est le théâtre d’une mobilisation exceptionnelle contre les exactions commises à Gaza. Une grève générale a mobilisé près d’un demi-million de personnes, tandis que sous le mot d’ordre blocchiamo tutto – « bloquons tout » -, des rassemblements ont eu lieu dans au moins soixante-quinze municipalités, entraînant la fermeture des écoles, […]
Texte intégral (2379 mots)

Depuis le lundi 22 septembre, l’Italie est le théâtre d’une mobilisation exceptionnelle contre les exactions commises à Gaza. Une grève générale a mobilisé près d’un demi-million de personnes, tandis que sous le mot d’ordre blocchiamo tutto – « bloquons tout » -, des rassemblements ont eu lieu dans au moins soixante-quinze municipalités, entraînant la fermeture des écoles, la paralysie du trafic ferroviaire et le blocage des axes routiers et portuaires. Les plus fortes mobilisations ont été observées dans les grandes métropoles, notamment à Rome, où quelque 100 000 manifestants, selon les organisateurs, ont occupé la gare centrale avant de défiler dans les rues. Retour sur l’un des plus vastes mouvements de protestation d’Europe en faveur de la Palestine.

À l’origine de la mobilisation, plusieurs syndicats locaux ont appelé à une rupture immédiate de la coopération commerciale et militaire entre l’Italie et Israël. Au Parlement, Riccardo Ricciardi, député du Mouvement 5 étoiles, a salué les manifestations comme une tentative de « restaurer l’honneur de l’Italie ». En revanche, les ministres du parti au pouvoir, Fratelli d’Italia, ont exprimé leur soutien aux forces de l’ordre, qui ont eu recours à des gaz lacrymogènes, du gaz poivré et des canons à eau pour disperser les foules.

Depuis New York, où elle assistait à l’Assemblée générale des Nations unies, la Première ministre Giorgia Meloni a condamné les incidents survenus à la gare centrale de Milan. Son gouvernement fait face à une pression populaire croissante ; encore largement symbolique, elle témoigne d’un malaise grandissant au sein de la société italienne.

Ce débrayage national s’inscrit dans le prolongement d’une mobilisation initiée par les dockers de Gênes, l’un des ports les plus stratégiques d’Europe, en soutien à la flottille civile Global Sumud. Partie de plusieurs ports méditerranéens le mois dernier, cette initiative vise à briser le blocus imposé par Israël sur la bande de Gaza. En signe de solidarité, les travailleurs portuaires liguriens ont menacé de bloquer le départ des porte-conteneurs à destination d’Israël, alors même que la flottille a été la cible de plusieurs attaques de drones. En réponse, Mme Meloni a ordonné l’envoi de navires militaires italiens, embarquant à leur bord des citoyens – dont certains responsables politiques. Elle a toutefois qualifié leur mission de « gratuite, dangereuse et irresponsable » et a exhorté les militants à remettre leur cargaison à Chypre.

« Si nous perdons le contact avec les bateaux, ne serait-ce que vingt minutes, nous fermons toute l’Europe », a lancé Riccardo Rudino, figure du Collectif des travailleurs du port autonome de Gênes (CALP), devant une foule de 40 000 personnes réunies un samedi soir d’août aux abords du port. Ce cri d’alerte résume l’intensité d’une mobilisation qui dépasse les revendications locales. Dès la fin juillet, l’association humanitaire Music for Peace, basée à Gênes, s’est engagée dans la coordination de la flotte locale qui participerait à la flottille Global Sumud ; le CALP a été l’une des premières organisations à la rejoindre, suivi par les syndicats et les groupes communautaires locaux. La mobilisation qui a suivi, sous la chaleur du mois d’août, a largement dépassé les attentes des organisateurs.

En appelant les habitants de Gênes à fournir 40 tonnes de vivres pour les quatre navires en partance, ils ont déclenché un élan de solidarité spectaculaire : ce sont finalement 300 tonnes qui ont afflué, bien au-delà des capacités de transport. Près de 40 000 personnes – dans une ville de 560 000 habitants – ont rejoint le cortège, dans ce qui s’est révélé être la plus grande manifestation depuis le sommet du G8 de 2001. Sur la Piazza De Ferrari, la maire Silvia Salis a évoqué avec émotion l’héritage de la résistance antifasciste de Gênes, tandis qu’un représentant de la Curie romaine saluait l’événement comme la preuve que « la ville croit qu’un autre monde est possible ».

« Quand nous avons dit que nous allions tout bloquer, ce n’était pas des paroles en l’air. C’est ce que nous ferons », affirme Riccardo Rudino que j’ai rencontré quelques jours après la marche. « Chaque année, 13 ou 14 000 conteneurs de marchandises diverses quittent le port de Gênes à destination d’Israël. Mais s’ils arrêtent la flottille, pas un clou ne sortira d’ici. » Depuis le début du conflit à Gaza en octobre 2023, les travailleurs portuaires de Gênes se sont engagés dans une mobilisation constante, répondant à l’appel des syndicats palestiniens à entraver les livraisons d’armes vers Israël. L’affrontement le plus récent a eu lieu en juillet de cette année, lorsque les dockers italiens sont parvenus à empêcher l’accostage du Cosco Shipping Pisces, un cargo transportant du matériel en provenance de Singapour à destination d’Israël. Ce navire avait déjà été refoulé par les travailleurs du port du Pirée, en Grèce, avant que le syndicat des dockers grecs ne transmette l’alerte à leurs homologues italiens.

« Le blocage des ports ne date pas d’hier », rappelle Riccardo Rudino, soulignant la longue tradition d’actions coordonnées entre dockers européens. En 2019, les travailleurs du port du Havre, dans le nord de la France, ont refusé de charger des canons Caesar de fabrication française à bord du Bahri Yanbu, un cargo à destination de l’Arabie saoudite. Redoutant que les armes soient acheminées par voie terrestre vers Gênes, où le navire devait également faire escale, des militants français ont alerté le Réseau italien pour le désarmement. Le collectif des travailleurs du port autonome de Gênes a aussitôt réagi, empêchant toute cargaison militaire.

Si les obusiers ne sont pas arrivés, le navire saoudien devait néanmoins embarquer des générateurs électriques produits par l’entreprise italienne Teknel. Ceux-ci avaient été déclarés à usage civil, mais des vérifications ont révélé que le navire était autorisé à exporter des armes et que sa cargaison aurait pu être destinée à la Garde nationale saoudienne, alors engagée dans une guerre au Yémen. S’appuyant sur une loi italienne de 1990 interdisant la fourniture d’armes à des pays en guerre, les dockers de Gênes ont refusé de charger les équipements. Face à cette opposition, l’entreprise Teknel a renoncé à l’expédition, et le navire a quitté le port sans sa cargaison — qui atteindra néanmoins l’Arabie saoudite via Venise. Cet épisode a marqué un tournant : il a poussé les travailleurs portuaires de Ligurie à renforcer leurs liens avec les dockers européens, donnant ainsi naissance à un réseau anti-guerre transnational dédié à la surveillance et à la perturbation du commerce mondial des armes.

Les dockers de Gênes, surnommés les camalli, incarnent une tradition séculaire d’auto-organisation et de militantisme ouvrier. Dès 1889, à l’heure où les sociétés d’aide mutuelle se multipliaient, ils fondaient la première coopérative moderne de travailleurs portuaires de la ville. Au début du XXᵉ siècle, une série de grèves emblématiques mit fin à un système de travail journalier jugé arbitraire et injuste. Après la Seconde Guerre mondiale, cette dynamique s’est institutionnalisée avec la création de la Compagnia Unica Lavoratori Merci Varie (CULMV), chargée de la formation et de la protection des dockers. Les compagnies maritimes furent dès lors contraintes de recourir aux membres de la CULMV, plutôt que d’embaucher directement une main-d’œuvre souvent précaire et sous-payée.

Bien qu’il s’agisse d’une association de gestion de l’emploi plutôt que d’un syndicat à proprement parler, la Compagnia a longtemps été une institution clé dans le domaine de l’organisation politique et de la sensibilisation au sens large. Dans l’après-guerre, ses dirigeants et ses membres étaient majoritairement affiliés à la CGIL, le puissant syndicat à dominante communiste, et votaient massivement pour le Parti communiste italien. Au-delà de la défense de leurs propres conditions de travail, les camalli ont joué un rôle actif dans les mouvements de résistance nationale, incarnant une tradition militante profondément enracinée dans l’histoire sociale italienne.

En juin 1960, les dockers de Gênes se sont joints à l’occupation des places publiques pour empêcher le congrès du Mouvement social italien — formation néo-fasciste considérée comme l’ancêtre du parti de Giorgia Meloni — de se tenir dans leur ville. Le soulèvement, marqué par des affrontements violents avec les forces de l’ordre, a précipité la chute du gouvernement de coalition de droite dirigé par Fernando Tambroni. Ce moment fondateur illustre l’engagement politique des camalli, qui ne se limite pas aux luttes locales. Leur histoire est aussi celle d’une solidarité internationale active : en 1973, ils affrétèrent un navire rempli de vivres et de marchandises à destination de la République démocratique du Viêt Nam, un geste devenu légendaire à Gênes. Ils ont également bloqué des cargos destinés aux troupes américaines en Indochine, à la dictature de Pinochet au Chili, et ont participé au boycott contre l’Afrique du Sud sous l’apartheid.

Comme dans bien d’autres secteurs, les mutations technologiques et sociales ont profondément bouleversé le monde portuaire au cours des dernières décennies, redéfinissant les rapports de force. L’essor du transport maritime par conteneurs a transformé la logistique du commerce international, tandis que la mécanisation des quais a drastiquement réduit les besoins en main-d’œuvre : à Gênes, on comptait 8 000 dockers dans les années 1970, contre à peine 1 000 deux décennies plus tard. Dans les années 1990, la vague de privatisations qui a déferlé sur l’Italie a ouvert les docks liguriens aux entreprises privées, auxquelles les autorités portuaires — devenues de facto des propriétaires publics — louaient désormais les terminaux. Ce nouveau cadre réglementaire autorise les « opérateurs de terminaux » à recruter leur propre personnel, fragilisant le statut de la Compagnia Unica (CULMV). Pourtant, celle-ci continue de jouer un rôle central : lors des pics d’activité, les entreprises privées doivent encore faire appel à ses membres.

Aujourd’hui, le port de Gênes emploie environ 3 400 personnes, dont 2 300 dockers chargés du chargement et du déchargement des marchandises (la moitié d’entre eux sont associés au CULMV). L’emploi est stable et relativement protégé ; le CULMV garantit aux entreprises privées une certaine flexibilité et empêche ainsi la propagation du travail temporaire et mal rémunéré, qui sévit dans d’autres secteurs. « Nous avons des appareils portables et des ordinateurs, mais en fin de compte, le travail consiste toujours à charger et décharger les navires », explique Riccardo Rudino : « Dans un port de cette taille, le travail humain continue de compter ». « En ville, les dockers sont encore considérés avec beaucoup de respect », me dit Riccardo Degl’Innocenti, chercheur indépendant qui travaille sur l’histoire des docks.

Le Collectif des travailleurs portuaires autonomes est très conscient du pouvoir organisationnel et stratégique qu’il conserve, en particulier compte tenu de l’importance mondiale de son travail (Weapon Watch, un centre de recherche basé à Gênes, décrit les ports comme « le cœur du système militaro-industriel mondial ») ; et il est fier de son histoire de lutte collective. « Comme nos pères et nos grands-pères, nous ne voulons pas être complices du trafic d’armes » , me dit Rudino ; il utilise le mot « trafic” » explique-t-il, parce que ce commerce viole les réglementations italiennes et internationales, sans parler des principes d’humanité et de solidarité.

Le week-end dernier, Gênes a accueilli la première réunion internationale du Coordinamento Internazionale dei Portuali, une alliance nouvellement constituée rassemblant des dockers venus de Marseille, Athènes, Tanger et d’autres ports stratégiques. Convoquée par le syndicat italien USB, cette assemblée de deux jours a réuni des délégués de syndicats portuaires d’Europe, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, avec pour objectif de coordonner les actions visant à entraver les exportations d’armes vers Israël. Face aux attaques de drones subies par la flottille humanitaire, les participants ont également travaillé à l’élaboration d’une stratégie commune de riposte.

Les dockers ne se contentent pas de bloquer les cargaisons : certains ont embarqué à bord des navires de la flottille en direction de Gaza. Début septembre, une réunion publique organisée par le CALP et le syndicat USB au club des travailleurs de l’autorité portuaire de Gênes a permis de préparer la grève générale. À cette occasion, une liaison vidéo a été établie avec l’un des bateaux en mer.

Sur grand écran, apparaît le visage souriant mais épuisé d’un jeune volontaire. « Bonjour à tous », lance-t-il. « Bonjour José », répondent en chœur des dizaines de voix, sous les applaudissements. Jose Nivoi est un travailleur portuaire et membre de la CALP. « Le moral est bon. Savoir que vous nous suivez nous aide », a-t-il dit à la foule. Un travailleur du port de Livourne a déclaré au micro : « Nous nous mobilisons non seulement par solidarité avec le peuple palestinien martyrisé, mais aussi à cause de la colère que nous ressentons ». Un autre ouvrier a ajouté : « espérons que ce soit le début d’un automne bien chaud ».

Article originellement publié sur Sidecar – New Left Review sous le titre « In Genoa », traduit par Alexandra Knez pour Le Vent Se Lève.

05.10.2025 à 22:11

L’alliance franco-ottomane, une entente méconnue au fil des siècles

Elias Saib-Wiel
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Structurante du règne de François Iᵉʳ (1515-1547) au Directoire (1795-1799), l’alliance franco-ottomane fut l’une des plus longues de l’histoire de France. Sujette à un véritable oubli mémoriel, lorsqu'elle n'est pas circonscrite au règne du vainqueur de Marignan, cette entente constitue un contrepoint au narratif du « choc des civilisations ». Lors d’un débat télévisé, Éric Zemmour a été jusqu’à la qualifier de « folie » et de « pétage de plomb ». L’éditorialiste s’opposait alors à la vision de l’historien Jacques Bainville, dont le polémiste revendique pourtant la filiation intellectuelle, qui dans son Histoire de France, faisait de la Turquie « un allié inespéré contre l’empire germanique ». Retour sur l’alliance entre le Lys et le Croissant, qui devait influencer durablement la diplomatie française.
Texte intégral (4391 mots)

Structurante du règne de François Iᵉʳ (1515-1547) au Directoire (1795-1799), l’alliance franco-ottomane fut l’une des plus longues de l’histoire de France. Sujette à un véritable oubli mémoriel, lorsqu’elle n’est pas circonscrite au règne du vainqueur de Marignan, cette entente constitue un contrepoint au narratif du « choc des civilisations ». Lors d’un débat télévisé, Éric Zemmour a été jusqu’à la qualifier de « folie » et de « pétage de plomb ». L’éditorialiste s’opposait alors à la vision de l’historien Jacques Bainville, dont le polémiste revendique pourtant la filiation intellectuelle, qui dans son Histoire de France, faisait de la Turquie « un allié inespéré contre l’empire germanique ». Retour sur l’alliance entre le Lys et le Croissant, qui devait influencer durablement la diplomatie française.

« Chaque État a son prince, et chaque prince a ses intérêts particuliers. » Par ces mots, le pape Pie II (1458-1464) témoignait de l’émergence de la primauté du réalisme politique sur l’idéal de la croisade en exprimant sa déception face à l’absence de volonté des souverains chrétiens de guerroyer et de cesser tout commerce avec les Ottomans. À rebours d’un quelconque choc des civilisations, les intérêts politiques et économiques propres à chaque puissance s’affirmaient dans la détermination des relations entre l’Occident chrétien et l’Islam. Le siècle qui suivit fut non seulement le théâtre de l’expansion de la puissance turque en Europe, mais également de la création d’une alliance entre le sultan de Constantinople et le « très chrétien » roi de France.

Une alliance de revers contre les Habsbourg

Le contexte accompagnant l’établissement de l’alliance franco-ottomane est marqué par l’expansion rapide de l’Empire ottoman en Méditerranée et dans les Balkans. La progression de cet empire musulman en Europe fut l’objet de nombreuses craintes et appels à la croisade. Initialement, les rois de France exploitèrent régulièrement cette fièvre au XVᵉ siècle et début XVIᵉ, sans pour autant mener d’actions d’envergure contre le sultan. Ce fut notamment le cas de François Iᵉʳ, lorsque celui-ci se présenta à l’élection impériale du Saint-Empire romain germanique en 1519. Les promesses de croisades opportunes présentées par le Français aux princes allemands ne surent cependant pas les convaincre, et la couronne impériale fut attribuée à Charles Quint de la dynastie autrichienne des Habsbourg.

Celle-ci s’additionnait entre autres aux couronnes d’Espagne, d’Autriche, de Naples, de Sicile. Charles Quint encerclait ainsi le Royaume de France par ses possessions, devenant une menace de premier plan par ses velléités hégémoniques. Qui plus est, Habsbourg et Valois nourrissaient des ambitions contradictoires, notamment en Italie et en Bourgogne.

Pour pallier ce péril, François Iᵉʳ tenta de nouer des alliances de revers avec les royaumes de Pologne et de Hongrie, sans succès. C’est alors qu’il se résout à traiter avec Soliman le Magnifique. La correspondance entre Paris et Constantinople connut un tournant décisif en 1525.

Cette année-là, l’armée française dirigée par son roi subit une cinglante défaite à la bataille de Pavie face aux troupes de impériales, au point que François Iᵉʳ lui-même fut fait prisonnier. Le traité de Madrid de 1526, permettant la libération du roi en l’échange de concessions territoriales majeures, fut aussitôt contesté par le souverain lors de son retour en France, car signé sous la contrainte. Face à cette situation explosive, Louise de Savoie, régente du royaume, envoya une ambassade secrète à Constantinople. Celle-ci avait pour mission de proposer à Soliman d’attaquer la Hongrie, à la frontière orientale des possessions de Charles Quint, tandis que les Français devaient attaquer à l’ouest les territoires de l’empereur.

En ces temps-ci que des empereurs soient défaits et prisonniers, il n’y a rien-là qui doive surprendre. Que votre cœur se réconforte ! que votre âme ne se laisse point abattre ! »i écrivit-il au roi. Qui plus est, la position de demandeur des Français arrangea le sultan, qui se concevait comme le plus grand monarque du monde.

Ainsi en aout 1526, les Turcs furent victorieux à la bataille de Mohács contre les Hongrois, repoussant leurs frontières aux portes de Vienne. Obligeant les Habsbourg à mobiliser leurs troupes sur deux fronts, plutôt que de les masser sur les frontières françaises, cette situation conforta la position de la France en Europe.

Les années qui suivirent furent témoins d’un renforcement crescendo de la relation franco-ottomane. Tout d’abord en 1528 par le renouvellement d’avantages commerciaux accordés aux Français en Égypte, préexistant à l’annexion du pays par la Porte. À la suite de nombreux échanges d’ambassades temporaires, les relations furent définitivement consolidées en 1535, avec l’établissement d’une ambassade permanente de la France à Istanbul, une des premières de ce genre. L’année suivante fut marquée par un premier projet de Capitulations, un acte juridique organisant la présence commerciale française en Orient et les relations entre les deux nations.

Malgré les contraintes géographiques, logistiques et géopolitiques, certaines opérations militaires furent menées par les deux puissances. Français et Ottomans assiégèrent conjointement Nice, ville relevant du duc de Savoie, vassal de Charles Quint, ce qui déboucha sur le stationnement de la flotte turque à Toulon pendant tout l’hiver 1543-1544. Si d’autres opérations communes, notamment navales, furent menées sous le règne de François Iᵉʳ et de son successeur Henri II (1547-1559), le but premier de l’entente fut dissuasif et défensif.

L’alliance n’en était pas moins scandaleuse pour nombre de princes européens, accusant la France d’avoir « introduit l’infidèle au cœur de la chrétienté ». François Iᵉʳ puis ses successeurs répondirent à cette propagande par une argumentation basée sur l’équilibre des puissances. Ainsi s’exprimait-il lors d’une entrevue avec l’ambassadeur de Venise : « Je ne puis nier que je désire vivement voir le Turc puissant, non pas pour son propre avantage, car c’est un infidèle et nous sommes chrétiens ; mais pour tenir l’empereur en dépense, le diminuer grâce à un si grand ennemi, et donner plus de sécurité à tous les autres souverains »ii.

La politique d’équilibre, cynique et pragmatique, déjouant les velléités hégémoniques des Habsbourg en laissant planer la menace d’une attaque sur deux fronts, assurait le roi de France dans sa souveraineté.

L’inversion du rapport de force sous Louis XIV

Cette configuration géostratégique fut de nouveau exploitée sous Louis XIV (1643-1715). Versailles, en pleine politique des Réunions, consistant en l’annexion des territoires frontaliers en temps de paix, notamment Strasbourg (1681), était aux prises avec Vienne. L’alliance de revers reprenait tout son sens, et les deux parties la revivifièrent après un froid diplomatique au début du règne. Le Bourbon soutint financièrement le prince pro-turc Thököly contre les Habsbourg en Hongrie, de concert avec Constantinople. Il encouragea par la suite le sultan Mehmed IV dans ses projets d’engagement militaire en pays magyar.

Les échanges entre l’empire ottoman et le royaume de France contribuèrent à l’extension de son réseau diplomatique, et furent décisifs dans le développement de la science « orientaliste »

Le grand vizir menant les opérations dépassa cependant le cadre de sa mission en entreprenant le siège de Vienne en 1683, où il échoua. Ce siège, compromettant Louis XIV devant la chrétienté du fait de son amitié avec le sultan, fut le point de départ d’une série de défaites ottomanes dans les Balkans face à la Sainte Ligue menée par l’Autriche. Le recul ottoman, symbolisé par la prise de Belgrade en 1688, fut tel que la conquête de Constantinople était envisagée, aussi bien au Topkapi stambouliote qu’au Hofburg viennois. Le spectre d’une Autriche écrasant les Ottomans était redouté à Versailles. Une prééminence de la monarchie autrichienne dans les Balkans risquait non seulement de rehausser sa place dans le concert des nations, mais également, une fois la paix signée avec les Turcs, de concentrer ses forces contre la France. Cette crainte fut par ailleurs exploitée par le grand vizir turc, avertissant le Roi-Soleil d’une possible paix avec l’Autriche, pour mieux l’inciter à attaquer.

Cette éventualité fut une des raisons ayant poussé Louis XIV à entrer en guerre contre l’Autriche en 1688. La décision, point de départ de la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697), permit aux armées turques de connaitre quelques années de répit, et de reprendre une partie du terrain perdu, notamment Belgrade (1690). Ainsi, sous le règne de Louis XIV, l’alliance de revers changea de nature. Là où la France était en position de demandeur et de protégée sous les Valois, elle devint demandée et protectrice. L’Empire ottoman devint par la suite de plus en plus dépendant de l’alliance française, si bien qu’une fois la paix signée entre Français et Autrichiens (1697), la situation ottomane devint précaire. Le sultan fut contraint de signer le traité de Karlowitz (1699), consacrant son recul, non-inéluctable et limité, dans les Balkans.

La France estimait donc toujours l’alliance turque garante de l’équilibre des puissances face aux velléités expansionnistes de l’Autriche, mais également d’un nouvel acteur, l’Empire russe. Louis XV poursuivit la politique d’alliance ottomane, en soutenant l’Empire ottoman lors de ses conflits avec ces deux empires. La paix de Belgrade (1739), conclue entre Vienne et Constantinople et arbitrée par la France, permit à Istanbul, alors qu’il n’en avait pas fait la conquête, de récupérer certains territoires anciennement conquis par Vienne.

L’alliance au défi de la Question d’Orient

Louis XV soutint également le sultan lors de la guerre russo-turque (1768-1774). Cependant, cette guerre fut un succès éclatant de la tsarine Catherine II, ouvrant à l’Empire russe les portes de la Crimée. La souveraine émit pour la première fois une proposition de partage de l’Empire ottoman. Le traité de Koutchouk-Kaïnardji (1774) fut le premier acte de ce qui fut appelé plus tard la Question d’Orient, portant sur l’avenir même de l’Empire ottoman face à la double tenaille des impérialismes et des nationalismes désirant son recul, voir sa chute. Cette question ne devait être définitivement tranchée qu’après le premier conflit mondial, avec l’instauration de la République de Turquie (1923).

La politique extérieure de la France devait s’adapter à cette nouvelle situation, où l’Empire ottoman n’était plus perçu comme une menace pour la chrétienté, mais comme un « objet politique périssable »iii. Le Royaume de France devait-il rester fidèle à sa politique traditionnelle d’alliance avec l’Empire et assurer sa pérennité, ou au contraire précipiter son partage avec d’autres puissances, notamment la Russie ? Le roi Louis XVI (1774-1792), malgré une vive opposition, fit le choix du maintien de l’alliance. Il nomma notamment le comte de Vergennes, ayant occupé le poste d’ambassadeur à Constantinople pendant treize ans, ministre des Affaires étrangères (1774-1787).

L’ambassadeur Charles Gravier de Vergennes en costume turc, emblème des interactions culturelles entre les deux royaumes, dépeint par Antoine Favray (1766).

La Révolution française, l’Ancien Régime décapité, la République proclamée, et la lutte contre le despotisme déclarée, ne marqua pas pour autant la fin de l’alliance ottomane, bien au contraire. La Convention puis le Directoire maintinrent dans un premier temps des relations avec le sultan en parfaite continuité avec la diplomatie royale. Une première ambassade permanente ottomane fut installée à Paris en 1796, et la République envoya des instructeurs militaires français en Turquie pour former les généraux ottomans.

Cette diplomatie prit brutalement fin en 1798, lors de la campagne d’Égypte, territoire ottoman, menée par Bonaparte. L’opération, dirigée contre l’Angleterre plus que contre le sultan, devant lui couper la route des Indes, fut considérée comme une violation de la souveraineté ottomane. Malgré la tentative du général corse de faire passer l’expédition dans le sillage de la légitimité ottomane contre le pouvoir local mamelouk, le sultan déclara la guerre à la République française en septembre 1798, marquant la fin d’une alliance pluriséculaire.

Le XIXᵉ siècle fut le théâtre de relations ambivalentes entre Paris et la Porte, marquées par les rebondissements de la question d’Orient, bien loin de la politique d’alliance des rois de France. Néanmoins, les siècles de relations d’alliance entre le Lys et le Croissant amenèrent à la constitution d’une tradition diplomatique particulière, ayant marqué la mémoire des contemporains.

Une amitié consacrée en droit : les Capitulations

Les rapports entre Français et Ottomans disposaient d’un cadre normatif général, les Capitulations. Généralement assimilées à des traités, elles consistaient plus exactement en des concessions unilatérales du Grand Turc aux français. Ces textes tiraient également leur originalité de leur principe de renouvellement après l’avènement de chaque sultan, ces derniers ne s’engageant qu’en leur nom propre. Les Ottomans concevaient en effet ce traité comme une traduction de l’amitié entre le plus grand monarque du monde et un souverain étranger, le second devant solliciter le premier pour l’obtenir. Ce modèle de tractations diplomatiques déstabilisa les diplomates français, et peut partiellement expliquer le décalage temporel entre le premier projet de Capitulations, datant de 1536, et le premier traité entré en vigueur en 1569.

Dans la pratique, les Capitulations ne résultaient pas moins de négociations, parfois houleuses, entre l’ambassadeur de France et le grand vizir, dans le but d’obtenir le renouvellement et l’extension des avantages de la France dans l’Orient ottoman. Le renouvellement des Capitulations s’est en effet avéré un avantage certain pour étendre les concessions ottomanes offertes aux marchands et représentants français. De dix-huit articles en 1569, les Capitulations en comprirent quatre-vingt-cinq en 1740. Ces concessions, au départ essentiellement commerciales, disposèrent d’un volet religieux de plus en plus prégnant.

Les Ottomans offrirent notamment un droit de bannière aux Français. Tout Européen, pèlerin ou commerçant, dont le souverain ne disposait pas de relations avec la Porte, devait se rendre dans l’Empire sous le pavillon du royaume des lys. La protection des pèlerins français et des religieux catholiques officiant à Bethléem et Jérusalem, puis des ordres jésuites et capucins, fut affirmée. Ces nouvelles normes permirent à Louis XIV de s’autoproclamer « protecteur de la religion en Orient », mais plus important encore, de nouer avec les communautés chrétiennes d’Orient des contacts privilégiés, et de constituer à travers elles un réseau d’influence.

Louis XV reçoit l’ambassadeur ottoman Mehemet Effendi le 21 mars 1721 aux Tuilleries – Collection MAS Estampes anciennes, Paris

L’augmentation du nombre de clauses s’explique également par la concurrence féroce que représentaient les marchands anglais et hollandais au Levant. Si les Français avaient acquis une place prépondérante sur ce marché au XVIᵉ siècle, l’Angleterre et les Pays-Bas obtinrent rapidement des Capitulations du même type. Qui plus est, la taxation des négociants de ces nations devint inférieure à celle des Français, 3% contre 5%. La reconquête de la primauté française parmi les Européens devant la Porte devint une priorité pour les rois Bourbons et fut finalement atteinte sous Louis XIV, et confirmée sous Louis XV. Les Capitulations concédées à ce dernier en 1740, au lendemain de son arbitrage pro-ottoman de la paix de Belgrade, furent les plus avantageuses jamais obtenues mais surtout perpétuelles. Ainsi, ce texte fut appliqué sans besoin de renouvellement, jusqu’en 1914. L’enjeu commercial de l’alliance est une des explications de sa longévité.

Constitution d’un réseau diplomatique original

Si cette situation traduisait un rapport de force favorable à la France sur les autres puissances, elle n’aurait pu exister sans une présence diplomatique française dans l’Orient turc. Dès le règne de Henri II, les consuls de France s’établirent dans les échelles du Levant, les ports où les navires français étaient autorisés à commercer. Ces consuls, devant garantir avec les officiers ottomans le bon respect des Capitulations, pouvaient obtenir des commandements du Sultan, des ordres augmentant ou précisant davantage les dispositions des concessions.

Ambassadeurs, consuls et marchands étaient secondés par un personnel original, les drogmans. Ces traducteurs étaient indispensables dans l’Empire ottoman, le sultan et sa chancellerie se refusant à l’emploi d’autres langues que le turc, l’arabe, et le persan. Recrutés aussi bien par le pouvoir ottoman que par les représentations européennes dans l’Empire, les drogmans étaient initialement des sujets musulmans convertis de la Porte. Cette allégeance, favorisant le sultan dans ses relations avec les Européens, poussa Colbert, ministre de Louis XIV, à fonder l’École des jeunes de langue en 1669, formant ses propres drogmans français, à la demande des commerçants marseillais. Réformée en 1721, accordant la gratuité des cours aux sujets du roi de France, l’École offrait une formation à cheval entre Paris et Constantinople en langues occidentales et orientales.

L’activité des drogmans ne se limitait cependant pas à la traduction. Par leur monopole de la maitrise des langues, leur concours était nécessaire à toute négociation entre sujets ottomans et sujets français. De ce fait, ils devinrent des interlocuteurs privilégiés avec les personnalités locales et l’administration, bien utiles pour défendre les intérêts de leurs compatriotes. Le drogman pouvait également mener des missions extraordinaires pour le compte du sultan, y compris accompagner ses armées en cas de guerre en Europe. Enfin, ce personnel fut décisif dans la création de la science « orientaliste ». Les jeunes de langues furent notamment mis à contribution dans la traduction d’ouvrages savants turcs, arabes et persans en français. De leur côté, les drogmans furent les auteurs de nombreuses études et œuvres sur leur pays de résidence. Véritables traits d’union entre Occident et Orient, les drogmans furent, comme l’écrivait Lamartine, « l’Orient lui-même personnifié dans les Européens qui se font des deux pays pour mieux servir leur nation ».

Le déploiement de ce personnel diplomatique avait entre autres pour finalité de maintenir la primauté de la relation franco-ottomane sur les autres.

Multiplication des critiques

Dès le XVIᵉ siècle, Soliman le Magnifique donna un traitement de faveur au roi de France. Il fut ainsi désigné comme « Empereur de France, gloire des princes de la religion de Jésus »iv, titre exclusif pour un prince étranger. Même l’empereur du Saint-Empire n’était désigné que comme « roi de Vienne ». Ce traitement de faveur n’était pas isolé. L’ambassadeur de France à Constantinople put notamment accompagner et conseiller en personne Soliman lors d’une campagne contre la Perse, un privilège exceptionnel. Le représentant de la France qui plus était reçu par le Grand Vizir ottoman à égal dignité, privilège désigné comme l’honneur du sofa. Lorsque cette exclusivité fut retirée à l’ambassadeur Nointel sous Louis XIV, l’incident provoqua une crise diplomatique, et fut finalement réinstauré.

À partir du XVIIᵉ siècle, la préséance française s’appuyait sur un véritable récit historique, basé sur l’antériorité de la relation franco-ottomane sur les autres, quitte à parfois tordre les faits. Ainsi les ambassadeurs pouvaient affirmer l’antériorité des Capitulations de 1536 sur celles établies par les autres puissances chrétiennes. Il n’en était cependant rien. Des traités de capitulations avaient été signés dès le XIVᵉ siècle avec des républiques italiennes, tandis que les premières capitulations franco-ottomanes n’entrèrent en vigueur qu’en 1569. Ce discours fit pourtant recette, et la dernière Capitulation franco-ottomane évoque « une amitié plus confiante et plus sincère qu’avec tous les autres rois » et la « préséance »v des ambassadeurs français sur les autres. Ces insistances ne peuvent se résumer en une question d’orgueil de monarque, mais étaient révélatrices du rapport de force entre nations européennes au sein de l’Empire, et avec lui.

Cette volonté affichée de préséance française sur les nations chrétiennes contrastait avec de nombreuses critiques de l’alliance par les officiers royaux. Rien que sous Henri IV, trois projets de conquête de l’Empire ottoman par la France furent établis, le plus complet étant l’œuvre de Sully, principal conseiller du Bon Roi Henri. Sous Louis XIV, Gravier d’Ortières, menant une mission d’espionnage et d’exploration des Dardanelles et Constantinople, rendit un projet détaillé de conquête de l’Empire, ce dernier découlant manifestement des fantasmes personnels de l’officier français plutôt que d’une réelle ambition du souverain.

La question des rapports franco-ottomans fut également soulevée par l’opinion publique naissante au XVIIIᵉ siècle, à la faveur de la défaite turque en Crimée. De véritables controverses éditoriales suivirent cet évènement, opposant les partisans du maintien de l’alliance ottomane, et les interventionnistes, prônant un partage de l’Empire. La description de l’Empire ottoman, notamment forgée par Montesquieu, en un pouvoir anarchique et despotique, favorisa sa critique dans le contexte des Lumières. Le philhellénisme naissant avait également ses adeptes en France. Malgré des succès éditoriaux anti-ottomans incontestables précédant de la Révolution, la Iᵉʳᵉ République, à travers son Comité de salut public, offrait, selon ses déclarations, « avec son alliance la plus heureuse des occasions de relever l’éclat de l’Empire ottoman et d’assurer le succès de ses armes contre des ennemis perfides qui ne cessaient de le menacer. » et reconnaissait « l’amitié fondée sur une habitude de plusieurs siècles, sur les intérêts naturels et immuables des deux nations ».vi

En fin de compte, les multiples critiques ne scellèrent pas le sort de l’alliance ancestrale, contrairement aux bouleversements apportés par les guerres révolutionnaires, ainsi que les vicissitudes de la puissance ottomane à l‘heure de l’épineuse Question d’Orient.

Cette coopération de longue durée, unique et originale dans son histoire, permit à la France d’affermir sa place au sein du concert des nations et sa présence dans le monde. Elle créa de même un environnement propice aux échanges commerciaux et scientifiques, tout comme à la fondation d’institutions et de pratiques diplomatiques dont l’héritage est toujours prégnant. Son étude et son analyse, à l’heure de l’affirmation de la multipolarité, et de débats sur le rôle de la France à l’international, pourraient nourrir et inspirer la réflexion stratégique française au XXIème siècle.

Notes :

1 Déclaration du comité de salut public en Nivose an II, cité par Jean-François Figeac dans La France et l’Orient, de Louis XV à Emmanuel Macron (Paris, 2002).

2 Expression de Jean-François Figeac (ibid).

3 Mohammed Arkoun (dir), Histoire de l’islam et des musulmans en France du Moyen Age à nos jours, Paris, 2006.

4 tiré des Capitulations ou Traités anciens et nouveaux, entre la cour de France et la Porte ottomane, renouvelés & augmentés l’an de J.C. 1740, & de l’Égire 1153 .

5 cité par Jean François Solnon dans L’Empire Ottoman et l’Europe: XIVe-XXe siècle

6 Voir Mohammed Arkoun (ibid).

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