09.10.2025 à 14:07
L'Union européenne est en train de totalement vider de sa substance la directive sur le devoir de vigilance des multinationales, pourtant adoptée et entrée en vigueur en 2024. Le résultat des pressions de l'administration Trump et d'une campagne de lobbying orchestrée par le géant pétrolier ExxonMobil.
Le lobbying paie. C'est d'une certaine façon la conclusion que l'on peut tirer de l'enquête de l'ONG néerlandaise Somo contre la directive. « ExxonMobil ne cache pas considérer cette loi (…)
L'Union européenne est en train de totalement vider de sa substance la directive sur le devoir de vigilance des multinationales, pourtant adoptée et entrée en vigueur en 2024. Le résultat des pressions de l'administration Trump et d'une campagne de lobbying orchestrée par le géant pétrolier ExxonMobil.
Le lobbying paie. C'est d'une certaine façon la conclusion que l'on peut tirer de l'enquête de l'ONG néerlandaise Somo, publiée le 2 octobre dernier. David Ollivier de Leth et Lily Versteeg ont analysé la stratégie de lobbying mise en place par l'entreprise étatsunienne ExxonMobil pour faire dérailler une loi européenne sur le climat et les droits humains, la CS3D (Corporate Sustainability Due Diligence Directive, ou « directive sur le devoir de vigilance des entreprises »). Celle-ci rend les multinationales responsables de leurs impacts sur la société et l'environnement résultant de leurs activités, y compris au niveau de leurs filiales et sous-traitants. En coordination avec l'administration Trump et d'autres lobbys américains, le géant pétrolier est en train de faire de faire céder toutes les digues du côté de la Commission européenne, qui envisage désormais – après en avoir considérablement réduit la portée – que la directive ne s'applique pas aux firmes étatsuniennes.
Cette fameuse « CS3D » avait fini par entrer en vigueur en mai 2024 à l'issue d'une longue bataille de lobbying qui avaient vu ses ambitions plusieurs fois revues à la baisse (lire notre enquête). À l'époque, le géant du pétrole étatsunien avait déjà pris position contre la directive. « ExxonMobil ne cache pas considérer cette loi comme une menace pour ses profits et son modèle économique », expliquent les chercheurs de Somo. Mais c'est après son adoption que la première entreprise pétrolière mondiale a véritablement entamé sa campagne de lobbying. « Entre mars 2024 et juillet 2025, ExxonMobil s'est entretenue au moins sept fois avec la Commission européenne pour discuter de son agenda de simplification », révèle leur enquête.
Car le vent a tourné à Bruxelles depuis la prise de fonction de la nouvelle Commission européenne, en décembre 2024. Ursula von der Leyen, réélue pour un second mandat, a érigé la « simplification » comme objectif premier de sa politique économique, comme nous l'expliquions dans un précédent article. Quelques mois plus tard, elle proposait, via la directive Omnibus I, de repousser l'application de la CS3D et de réduire son champ d'application. Bien qu'elle n'ait pas encore été définitivement validée dans tous ses détails, la loi Omnibus devrait largement répondre aux souhaits d'ExxonMobil.
Le groupe pétrolier a utilisé quatre moyens de lobbying différents pour faire entendre son point de vue : des entretiens directs auprès des décideurs politiques européens et américains, la mobilisation d'associations d'entreprises dont elle est membre, le sponsoring d'événements médiatiques et le financement de think tanks. « ExxonMobil dispose du treizième budget de lobbying parmi toutes les entreprises qui font pression sur les institutions européennes, avec des dépenses comprises entre 3,5 et 4 millions d'euros en 2024 », détaille Somo.
D'après leur analyse du registre de la transparence, une base de données européenne qui répertorie les organisations qui veulent influencer le processus législatif, ExxonMobil est aussi l'entité de lobbying « la plus active auprès du Parlement européen ». Au moins 18 entrevues ont eu lieu entre l'entreprise pétrolière et des députés européens, membres des groupes centriste, de droite et d'extrême-droite. Ses représentants se sont aussi entretenus avec les présidents du Conseil et du Parlement européen, et avec Ursula von der Leyen, via le groupe de lobbying étatsunien AmCham EU (Chambre de commerce des États-Unis auprès de l'UE). La major pétrolière est également allée se plaindre dans les États-membres, auprès du cabinet du chancelier allemand, Friedrich Merz, du gouvernement néerlandais, et du Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis.
L'action d'ExxonMobil ne s'est pas limitée aux couloirs des institutions européennes. En septembre 2024, plus d'une soixantaine de députés et de sénateurs étatsuniens ont signé une lettre « anti-CS3D » adressée au président Joe Biden, l'appelant à « retarder […] ou modifier substantiellement la directive »-. « Parmi les 66 membres du Congrès signataires de la lettre, 64 ont reçu des dons du Comité politique d'action d'ExxonMobil, pour un total de 700 000 dollars », révèlent les deux chercheurs.
Le patron d'ExxonMobil, Darren Woods, s'est également directement plaint auprès de Donald Trump, lors de deux réunions, en janvier et mars 2025. Et d'après Somo, leur parole a été entendue par l'exécutif étatsunien, et notamment son secrétaire à l'Énergie Chris Wright, qui affirmait en septembre 2025 que l'UE devait engager des « modifications massives » de la CS3D pour ne pas nuire aux entreprises pétrolières étatsuniennes. Un soutien de taille pour ExxonMobil, qui en plus de cette pression diplomatique, a menacé à plusieurs reprises de geler les 20 milliards de dollars qu'elle prévoit d'investir dans les technologies bas-carbone en Europe.
La multinationale a également investi le champ médiatique pour relayer son argumentaire, par exemple en sponsorisant des événements. En mars 2025, ExxonMobil était l'unique sponsor d'une conférence du Financial Times intitulée Tackling Europe's Red Tape Challenge (en français, « Relever le défi de la bureaucratie en Europe »). L'entreprise a également sponsorisé la Competitive Europe Week (en français, « Semaine de la compétitivité européenne »), organisée par le média Politico en octobre 2024. À chaque fois, le président d'ExxonMobil Europe, Philippe Ducom, a pu dérouler ses arguments contre la CS3D devant de nombreux décideurs politiques européens.
Plus classiquement, la multinationale a utilisé les think tanks qu'elle finance pour porter son message, comme l'European Roundtable on Climate and Sustainable Transition (ERCST), notamment par le biais de publications, de forums ou de conférences auxquels ont assisté de nombreux officiels européens.
Parce que le débat démocratique mérite mieux que la com' du CAC 40.
Faites un donAprès des mois de lobbying acharné, ExxonMobil devrait voir ses vœux concrétisés. Son influence auprès des décideurs politiques « excède largement celle de groupes d'intérêts publics, comme les organisations non-gouvernementales ou les syndicats », déplore Somo. L'enquête dénonce la « capitulation » du Parlement européen, et notamment du Parti populaire européen (droite) et de Renew (centre) face aux intérêts d'un « petit mais puissant groupe de multinationales ». Dont la tactique ressemble, selon l'ONG, à celle mise en place par l'industrie du tabac, mais contre laquelle l'UE s'est dotée d'un principe très simple : l'encadrement très strict des contacts avec les lobbyistes de ce secteur. « Ceux qui causent le problème ne peuvent pas faire partie de la solution. »
Une règle que l'UE devrait élargir au plus vite au secteur pétrolier, car ExxonMobil compte bien poursuivre sa campagne de lobbying pour faire annuler d'autres normes européennes, comme la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD, « directive sur le reporting de durabilité des entreprises »). Celle-ci oblige les grandes entreprises à rendre publique les conséquences de leurs activités sur l'environnement et la société.
La Commission européenne vient d'annoncer qu'elle comptait sortir les entreprises non-européennes du champ d'application de cette directive, cédant ainsi aux ultimatums de l'administration Trump. D'après le Financial Times, c'était précisément il y a quelques jours l'objet d'une demande très officielle adressée par l'administration américaine à Bruxelles. Les entreprises étatsuniennes, dont ExxonMobil, estiment que ces directives vont les exposer « à un risque accru de poursuites judiciaires ». Ce serait renoncement supplémentaire de la part de l'exécutif européen, dans ce qui s'apparente de plus en plus à un démantèlement total des législations du Green Deal mises en place depuis 2021.
09.10.2025 à 07:00
Plus discret qu'un Elon Musk sur ses accointances politiques, le fondateur d'Oracle Larry Ellison est en train de se construire un véritable empire médiatique outre-Atlantique avec l'acquisition du groupe Paramount et ses chaînes de télévision, et peut-être demain de TikTok US et Warner. Une force de frappe qu'il pourrait mettre au service de ses intérêts économiques – le développement de l'IA et de la surveillance en particulier – et de ses amis Donald Trump, Tony Blair et Benjamin (…)
- Extrême Tech / États-Unis, Concentration et oligopoles, Oracle, liberté d'expression et de la presse, numérique, données, pouvoir des entreprisesPlus discret qu'un Elon Musk sur ses accointances politiques, le fondateur d'Oracle Larry Ellison est en train de se construire un véritable empire médiatique outre-Atlantique avec l'acquisition du groupe Paramount et ses chaînes de télévision, et peut-être demain de TikTok US et Warner. Une force de frappe qu'il pourrait mettre au service de ses intérêts économiques – le développement de l'IA et de la surveillance en particulier – et de ses amis Donald Trump, Tony Blair et Benjamin Netanyahu.
En France, il reste très peu connu du grand public. Et pourtant, Larry Ellison a brièvement dépassé Elon Musk, début septembre, pour prendre pendant quelques heures le titre d'homme le plus riche de la planète. Le milliardaire de 81 ans est l'un des poids lourds de la tech et n'a jamais caché ses sympathies trumpistes. Grâce à un décret signé par le président américain le 25 septembre dernier, son entreprise Oracle devrait gérer l'algorithme de l'application TikTok pour les utilisateurs aux États-Unis – entre 150 et 170 millions de personnes, environ un tiers de la population du pays. Ce deal qui lui donnerait la main sur une plateforme d'information aussi puissante qu'addictive ne ferait que renforcer le pouvoir d'influence de la famille Ellison, qui vient de racheter Paramount et lorgnerait aujourd'hui sur Warner. Un empire médiatique qu'il pourrait mettre au service de ses intérêts économiques, de son soutien à Israël ou de ses convictions conservatrices.
Sauf pour son style de vie (yachts démesurés, jets privés et voitures de luxe…), Larry Ellison peut sembler plus discret que d'autres milliardaires de la tech comme Jeff Bezos, Mark Zuckerberg, Elon Musk. Mais il en est proche, particulièrement de ce dernier. Il a siégé au conseil d'administration de Tesla de 2018 à 2022, et a participé au rachat de Twitter à hauteur de un milliard de dollars. Tout comme Musk, il minimise ses impôts en ne se payant qu'un dollar de salaire annuel et en finançant son train de vie par des emprunts adossés à ses actions dans ses sociétés. Sa société Oracle est d'ailleurs un donateur régulier du lobby anti-impôts « American for Tax Reform ».
S'il affiche moins ses opinions politiques que Musk et d'autres, Ellison partage leur fascination pour le transhumanisme et leur vision d'une société de surveillance et de contrôle
S'il affiche moins ostensiblement ses opinions politiques que peuvent le faire Musk et d'autres milliardaires de la tech, le nouveau magnat des médias partage leur fascination pour le transhumanisme, qualifiant la mort de concept « incompréhensible », et leur vision d'une société de surveillance et de contrôle. En 2024, il se réjouissait que dans une société où ils seraient constamment surveillés grâce à l'intelligence artificielle, les gens « adopteront un comportement exemplaire ». Début 2025, au World Government Summit de Dubaï, il appelait à la création d'une base de données unique sur les citoyens, qui rassemblerait l'ensemble des informations utiles à un gouvernement. Une dystopie dans laquelle il imagine certainement que sa société Oracle aurait toute sa place.
Larry Ellison doit sa fortune à cette entreprise qu'il a fondée en 1977 avec deux programmeurs (Bob Minor et Ed Oats), et qui est aujourd'hui l'une des vingt plus grosses au monde en termes de capitalisation boursière. Oracle commercialise des logiciels de base de données et des logiciels et équipements de cloud computing (utilisation de serveurs à distance). Le groupe affichait en 2024 53 milliards de dollars de chiffre d'affaires. Ses produits sont utilisés par des milliers d'entreprises sur tout la planète, y compris en France où la SNCF, BNP Paribas, Orange ou encore Michelin comptent parmi ses clients. Une Association des utilisateurs francophones d'Oracle revendique 1000 membres représentant 140 entreprises.
Gouvernements et services publices recourent eux aussi aux produits d'Oracle. En France, par exemple, la Caisse nationale d'allocations familiales utilise le système Oracle Intelligent Advisor pour traiter les calculs de prestations d'aides au logement et minima sociaux, tandis qu'au Royaume-Uni, plusieurs ministères (travail, environnement, justice, intérieur…) font appel aux services de la firme étatsunienne. En septembre 2025, c'est l'Agence de communication et d'information de l'OTAN qui a engagé un projet de migration de ses applications critiques vers Oracle Cloud Infrastructure, mené en partenariat avec l'entreprise française Thales.
Le développement exponentiel des activités d'Oracle dans les infrastructures cloud a fait bondir la fortune de Larry Ellison, actionnaire à environ 40 % de la société,. De nouveaux contrats avec des géants de la tech, dont OpenAI, ont également contribué à faire flamber l'action de l'entreprise. Oracle est également l'un des associés du projet Stargate, porté par Donald Trump dès son arrivée au pouvoir : un plan d'investissement de 500 milliards de dollars dans des infrastructures d'IA.
Oracle a créé une base de données de recrues potentielles pour la future administration républicaine, dans le cadre du Project 2025
Faut-il y voir une récompense du soutien de Larry Ellison au nouveau président américain ? S'il n'a pas été un supporter de la première heure, il semble aujourd'hui entretenir d'excellents rapports avec Donald Trump, qu'il rencontrerait régulièrement à Mar-a-Lago. Safra Catz, la vice-présidente du conseil d'administration d'Oracle et sa directrice générale jusqu'en septembre 2025, a fait partie de l'équipe de transition de Trump dès sa première élection en 2016. En 2022, selon OpenSecrets, Larry Ellison a été le onzième plus gros donateur individuel à des candidats conservateurs (avec plus de 31 millions de dollars). En 2023, Oracle a créé une base de données de recrues potentielles pour la future administration républicaine, dans le cadre du « Project 2025 » de la Heritage Foundation (lire notre article). La société est également membre de l'American Legislative Exchange Council, un puissant lobby conservateur qui propose des lois clés en main pour démanteler le droit du travail, s'opposer aux régulations environnementales, privatiser l'éducation, ou contre les droits des personne LGBT.
Donald Trump n'est pas la seule personnalité politique avec qui Larry Ellison entretient des relations cordiales. Le milliardaire américain s'est rapproché de Tony Blair, et aurait contribué à hauteur d'au moins 257 millions de livres sterling (294 millions d'euros) à son Tony Blair Institute for Global Change (TBI), via la Fondation Larry Ellison. Une enquête de The Lighthouse Reports révèle des liens extrêmement étroits entre le TBI, dont la mission affichée est d'aider les nations et les gouvernements à s'intégrer dans la mondialisation et faire face aux défis du monde actuel, et Oracle. D'anciens salariés de l'institut témoignent d'intrusions dans leur travail et de pressions pour promouvoir les produits d'Oracle dans les pays sur lesquels ils travaillaient. Présent dans 45 pays, le think tank de Tony Blair se positionne en faveur du développement massif de l'intelligence artificielle, fond de commerce de son méga-donateur.
Ellison aurait même offert en 2021 au premier ministre israélien un siège au conseil d'administration d'Oracle
La proposition américaine de confier la future gouvernance de Gaza à Tony Blair n'en paraît qu'encore plus inquiétante. Larry Ellison est en effet aussi un soutien indéfectible d'Israël, et un proche de longue date de Benjamin Netanyahu. Selon le média israélien Haaretz, il aurait même offert en 2021 au premier ministre israélien un siège au conseil d'administration d'Oracle – offre qu'il a déclinée – après l'avoir accueilli sur son île privée à Hawaï. En 2017, Ellison a versé plus de 16 millions de dollars à Friends of Israel Defence Force, association qui collecte des fonds pour les soldats israéliens. Selon des témoignages recueillis dans Responsible Statecraft, une publication du think tank américain Quincy Institute, des employés d'Oracle questionnant le soutien inconditionnel de l'entreprise à la politique israélienne auraient été orientés vers des services de santé mentale. La vice-présidente et ex-DG d'Oracle Safra Catz a aussi la nationalité israélienne et soutient la politique actuelle de l'État hébreu. Sa sœur est membre du conseil d'administration de l'American Israeli Public Affairs Committee Leadership, le plus important lobby pro-israélien aux États-Unis.
Parce que le débat démocratique mérite mieux que la com' du CAC 40.
Faites un donCes positionnements et ces alliances prennent encore plus de relief depuis que Larry Ellison a commencé à se construire un véritable empire dans les médias, la production de contenus et la diffusion. En plus de sa participation à TikTok US – encore en négociation –, il a aidé au rachat de Paramount par son fils, déjà propriétaire de la société de production Skydance. Les deux entreprises ont été fusionnées dans un conglomérat dirigé par David. Présent dans le cinéma, la télévision (MTV, CBS...), l'édition et les médias numériques, ce nouveau groupe pourrait devenir un outil au service de leur idéologie et diverses accointances politiques.
La chaîne CBS de Paramount était depuis longtemps dans le collimateur de Donald Trump
CBS était depuis longtemps dans le collimateur de Donald Trump. Avant sa fusion avec Skydance, Paramount avait déjà accepté de verser 16 millions d'euros au président pour régler un contentieux avec lui, Trump accusant la chaîne d'avoir favorisé Kamala Harris dans une émission. Le « Late Show » de Stephen Colbert, qui se moquait ouvertement du chef de l'État, a aussi été annulé par CBS. Après la fusion, la chaîne a nommé un nouveau médiateur en la personne de Kenneth Weinstein. Celui-ci a été le directeur du Hudson Institute, partenaire du réseau Atlas (lire notre enquëte), et ambassadeur du Japon pour la précédente administration Trump. C'est lui qui aura à traiter les plaintes sur la couverture de l'actualité par la chaîne. Mais celles émanant des Républicains et des soutiens d'Israël devraient diminuer, puisque la la journaliste pro-israélienne et anti-« woke » Bari Weiss vient d'être nommée rédactrice en chef de CBS.
Un mois après la fusion Skydance-Paramount, un article du Wall Street Journal suggérait que le groupe pourrait également racheter Warner Bros. Si cette fusion était confirmée, le nouveau groupe pourrait rapprocher les plateformes de streaming HBO et Paramount+ (environ 200 millions d'abonnés à eux deux), aurait la main sur deux des cinq studios majeurs de production cinématographique aux États-Unis et contrôlerait de nombreuses chaînes de télévision, dont CNN – elle aussi détestée par Donald Trump. Une concentration de pouvoir médiatique et culturelle qui n'augure rien de bon pour le débat public et la démocratie américaine.
08.10.2025 à 08:56
Selon les calculs du Financial Times, la valeur totale des accords signés depuis le début de l'année par OpenAI avec d'autres géants du secteur comme Oracle, le fabricant de puces Nvidia et récemment AMD atteint désormais les 1000 milliards de dollars.
Ces contrats lui donnent accès à 20 GW de puissance de calcul, soit l'équivalent de 20 réacteurs nucléaires. Et ce, alors que l'entreprise derrière ChatGPT est encore très loin d'être profitable. Malgré le nombre croissant d'utilisateurs de (…)
Selon les calculs du Financial Times, la valeur totale des accords signés depuis le début de l'année par OpenAI avec d'autres géants du secteur comme Oracle, le fabricant de puces Nvidia et récemment AMD atteint désormais les 1000 milliards de dollars.
Ces contrats lui donnent accès à 20 GW de puissance de calcul, soit l'équivalent de 20 réacteurs nucléaires. Et ce, alors que l'entreprise derrière ChatGPT est encore très loin d'être profitable. Malgré le nombre croissant d'utilisateurs de son « chatbot », ses revenus actuels représentent seulement aujourd'hui une fraction du billion de dollars qu'elle prétend mettre sur la table. Au premier semestre 2025, le chiffre d'affaires d'OpenAI était de 4,3 milliards de dollars, pour une perte de... 13,5 milliards de dollars, due à ses investissements tous azimuts. C'est un pari massif sur le développement de l'IA et sa profitabilité future.
Ce pari lie OpenAI à tous les autres géants du secteur, concepteurs de puces comme Nvidia et AMD, fournisseurs de services cloud ou de logiciels comme Google, Amazon ou Oracle, sans oublier Microsoft, son partenaire historique et principal financeur. Beaucoup des accords signés par OpenAI sont d'ailleurs circulaires. Celui signé avec Nvidia prévoit que cette dernière entreprise prenne 10% du capital d'OpenAI, ce qui lui permettra de disposer de la trésorerie nécessaire pour acheter... des puces Nvidia. Le deal récemment annoncé avec AMD stipule qu'OpenAI pourra acheter des actions de son fournisseur à un prix infime et les revendre pour lever des fonds. Or, à l'annonce de cet accord, le cours des actions de AMD a augmenté en flèche... ce qui pourrait permettre à OpenAI de trouver du cash en les revendant.
Bref, la stratégie agressive de développement d'OpenAI se nourrit largement de l'euphorie boursière suscitée par l'IA, dans une sorte de spirale auto-entretenue, en étirant au maximum les paramètres de la rationalité financière (sans parler de la rationalité écologique, au vu des besoins énergétiques sous-jacents). De nombreuses voix commencent à évoquer la formation d'une bulle spéculative prête à exploser.
La dernière fois que l'industrie avait eu recours à des tels accords circulaires, c'était juste avant l'explosion de la bulle « dot com » de l'an 2000. Et beaucoup de grands noms de la Silicon Valley pourraient être entraînés dans la tourmente.