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28.04.2025 à 12:59

Quand les adolescents deviennent des entrepreneurs…

Christel Tessier Dargent, Maître de Conférences, Université Jean Monnet, Saint-Etienne, IAE Saint-Etienne

Ils ont entre 10 et 18 ans et se sont lancés très jeunes dans l’entrepreneuriat… Phénomène de mode ou vague de fond ? Quels sont les risques et les opportunités pour ces adolescents ?
Texte intégral (1889 mots)
Ce qui est encore vu comme un épiphénomène en France est plus développé au Royaume-Uni, où 6 800 entreprises ont été enregistrées par des entrepreneurs-adolescents, âgés de 16 à 19 ans. Chay_Tee/Shutterstock

Ils ont entre 10 et 18 ans, vivent en France et se sont lancés très jeunes dans l’entrepreneuriat… Phénomène de mode ou vague de fond ? Quels sont les risques et les opportunités pour ces adolescents-entrepreneurs ?


Mineurs, ils développent leur business « sous les radars ». L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) ne donne pas de chiffres sur les moins de 18 ans qui dirigent une entreprise, même s’ils sont la coqueluche des médias.

Ils choisissent, par exemple, de s’émanciper à 16 ans, pour devenir micro-entrepreneurs, un statut aux obligations réduites, adapté à une petite activité sans risque, mais à forte valeur ajoutée. Alternative : sans être émancipés, enregistrer une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) ou société par actions simplifiée unipersonnelle (Sasu, avec l’autorisation de leurs parents, formes plus classiques d’entreprise permettant un développement rapide et la gestion d’actifs plus importants.

Zone grise

Les plus jeunes gèrent leurs affaires dans une zone grise, recourant à des proches, souvent leurs parents comme prête-noms, ou opérant temporairement en économie informelle. Ce qui semble encore un épiphénomène en France représente une tendance plus marquée dans les pays anglo-saxons.

Au Royaume-Uni, le nombre d’adolescents-entrepreneurs, âgés de 16 à 19 ans, a été multiplié par huit entre 2009 et 2020 : 6 800 entreprises ont été enregistrées, avec une augmentation de 20 % pendant la pandémie de Covid. Aux États-Unis, on estime à deux millions le nombre d’entrepreneurs adolescents (même si, là encore, les statistiques manquent de rigueur), avec d’éclatantes success stories.

À l’autre extrême du spectre, l’entrepreneuriat dit de nécessité représente pour les personnes vulnérables, dont certains adolescents dans des contextes socio-économiques difficiles, un moyen de survie face à la pauvreté.

Dispositifs d’éducation entrepreneuriale

Pour les pouvoirs publics, l’entrepreneuriat apparaît ainsi comme un outil permettant de réduire le chômage des jeunes, mais aussi d’offrir aux nouvelles générations les moyens de relever les défis du monde contemporain. En France, où souffle depuis le début du XXIe siècle un esprit entrepreneurial inédit, de nombreux dispositifs encouragent l’entrepreneuriat des étudiants. Le programme Pépite, lancé en 2014, a pour vocation de sensibiliser à la culture entrepreneuriale sur les campus français et d’accompagner les étudiants-entrepreneurs dans leurs projets.

Certains chercheurs mentionnent l’intérêt de dispositifs d’éducation entrepreneuriale dès le primaire et le secondaire. La France est actuellement classée parmi les pays les moins en pointe sur le sujet, à l’instar de l’Allemagne et du Japon.

Les premiers de la classe : la Finlande, les Pays-Bas, la Norvège, le Qatar et les Émirats arabes unis caracolent en tête


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Une recherche réalisée auprès d’une trentaine d’entrepreneurs ayant développé leurs entreprises avant leur majorité nous éclaire sur l’intérêt, mais aussi sur les limites de ces initiatives. Elle a été présentée dans le cadre de la conférence RENT 2025.

Les vingt-cinq informants de cette étude, dont seulement deux jeunes femmes, habitent aux quatre coins de la France. Ils ont entre 13 et 17 ans. Ils ont lancé leurs projets dans le numérique, mais aussi dans la mode, l’ameublement ou l’artisanat.

Digital natives

Nous parlons bien d’adolescents entrepreneurs. Il ne s’agit pas de vente de limonade sur le trottoir ou de bijoux en pâte Fimo à des copines de classe, mais bien de produits innovants, de recrutements de personnel et de revenus à cinq chiffres… Une aventure pour laquelle il a fallu convaincre des parents, souvent inquiets et qui encouragent la poursuite d’études en parallèle.

Des parents disposant parfois d’un capital financier et social propice à soutenir les ambitions de leur progéniture, mais rarement entrepreneurs eux-mêmes.


À lire aussi : Les youtubeurs stars : des entrepreneurs créatifs et innovants


Dans ce contexte, il faut souligner le rôle prépondérant de la digitalisation comme facilitateur externe pour ces digital natives. Les « enfants du numérique » s’emparent aisément de ces technologies qui leur offrent de nouvelles façons de faire, de nouvelles opportunités d’affaires et des modèles commerciaux innovants.

Un jeune entrepreneur résume :

« J’ai trouvé l’idée [un site comparateur de prix] sur Internet, je me suis formé sur YouTube, et j’ai lancé mon entreprise sur un ordi dans ma chambre. »

Comme l’évoque un autre informant :

« Avec le numérique, ce qui compte, ce n’est pas l’âge, mais l’expérience. »

Souvent autodidactes, ils se détournent de l’éducation traditionnelle, jugée peu pertinente et partiellement obsolète. Ils lui préfèrent une formation ciblée via des sites dénichés sur le web : codage, IA, marketing digital, rédaction de statuts juridiques, etc. Les plateformes leur permettent de recruter aisément des free-lancers à travers le monde.

Les investissements initiaux prennent souvent la forme de financements participatifs. Le travail à distance leur permet de masquer leur jeune âge et de construire une légitimité sur la seule base de l’expertise développée.

Leur maîtrise des réseaux sociaux permet un personal branding efficace et la création d’un solide écosystème entrepreneurial virtuel. Ce monde numérique se prolonge dans le monde réel, où se crée une solidarité entre pairs qui pallie l’absence de structures institutionnelles.

Risques et problématiques

Les risques et problématiques, évoqués de façon très transparente par ces entrepreneurs-adolescents sont importants. L’un explique :

« Pour ne pas bosser gratuitement, je récupérais des enveloppes de cash dans le métro. »

Un autre complète :

« Il m’a fallu trois mois pour obtenir un statut, personne ne [me] connaissait. »

L’absence de légitimité et la discrimination liée à la perception négative du jeune âge sont répandues, notamment auprès des clients et investisseurs.

L’inexistence de structures d’accompagnement est un frein pour conseiller le jeune dans le développement de son projet, ainsi que la méconnaissance des dispositifs existants par les administrations. Un informant confirme :

« Impossible de se former sur la fiscalité, la comptabilité. Aucune structure n’est prévue pour nous, aucun conseil. »

Surtout, ils rencontrent des difficultés à maintenir une bonne santé physique et mentale face au stress et à la lourde charge de travail. L’un d’eux l’explique :

« Je bossais cent heures par semaine, enfermé dans ma chambre. J’ai dû arrêter le lycée. Je n’avais même plus le temps de faire du sport. »

Cette pression est accentuée pour beaucoup par la nécessité de poursuivre une scolarité classique en parallèle de l’activité entrepreneuriale, contrairement aux artistes ou sportifs de haut niveau par exemple. Le sport étude, un modèle pour ces entrepreneurs-adolescents ?

« Les journaux racontent n’importe quoi, les influenceurs, ça n’est pas de l’entrepreneuriat, c’est de l’argent facile. »

Serial entrepreneurs

Presque tous les jeunes entrepreneurs interrogés sont devenus des serial entrepreneurs. Ils perçoivent que cette période de la vie est propice à la création d’entreprise, compte tenu de leur peu de charges financières ou de responsabilités annexes, alors qu’ils débordent d’énergie, d’idées, d’insouciance et d’ambition.

Ces entrepreneurs-adolescents poursuivent avec détermination leur trajectoire entrepreneuriale. Les points positifs dans cette aventure adolescente sont légion. Ils apprécient l’autonomie financière acquise très tôt, la possibilité de passer à l’action, de s’adonner à leur passion ou de répondre à un besoin qu’ils ont souvent eux-mêmes éprouvé.

Deux caractéristiques frappantes : la confiance en soi et le fort sentiment d’auto-efficacité développés par ces adolescents. Contrairement à leurs aînés, ils ont un rapport décomplexé à l’échec, même s’ils ont une gestion « de bons pères de famille ». L’un d’eux confirme :

« La réussite, c’est d’abord beaucoup d’échecs ; ça accélère le processus d’apprentissage. »

Peu d’entre eux, cependant, expriment une sensibilité environnementale, alors que cette tendance se développe ensuite.

Enfin, il est marquant de constater que les jeunes femmes sont très sous-représentées dans l’échantillon français : phénomène culturel, discrimination additionnelle, barrière du digital ? Ces deux questions mériteraient d’être approfondies.

The Conversation

Christel Tessier Dargent a reçu des financements de Université Jean Monnet.

28.04.2025 à 12:59

Quand la transformation numérique vire au fiasco : le facteur humain ignoré

Nadia-Yin Yu, Assistant Professor of Organizational Behavior and Human Resource Management, Neoma Business School

Former, écouter, impliquer sont trois moments importants pour réussir une transformation numérique. Mais les moyens à mobiliser diffèrent selon les situations.
Texte intégral (1984 mots)

Pour être une réussite, la mise en place de nouveaux outils numériques doit être accompagnée, très en amont. Former, écouter, impliquer sont trois moments importants, mais les moyens à mobiliser diffèrent selon les situations. Les résultats de l’étude menée dans la police et dans une université le rappellent.


Dans de nombreuses entreprises, la mise en place d’un nouveau système informatique est perçue comme une avancée organisationnelle incontournable, répondant à des objectifs stratégiques : améliorer la performance, moderniser les processus, ou encore renforcer la sécurité. Pourtant, dans plus de 75 % des cas, ces projets échouent partiellement ou totalement. Une sous-estimation des réactions humaines face au changement est souvent en cause.

Depuis la pandémie de Covid-19, les organisations ont été poussées à adopter rapidement, et parfois à marche forcée, de nouveaux outils numériques. Si ces technologies sont censées améliorer l’efficacité et moderniser les pratiques, elles viennent souvent perturber les routines des employés, suscitant de l’incompréhension, du stress, voire du rejet. Il en résulte notamment une mauvaise utilisation des outils, une baisse de productivité, des frustrations… et de futurs projets abandonnés.

Alors, comment aider les utilisateurs à s’approprier ces nouvelles technologies ?

C’est à cette question que notre recherche tente de répondre. Elle est basée sur un modèle psychologique appelé le Coping Model of User Adaptation. Ce modèle explore la façon dont les utilisateurs réagissent – mentalement, émotionnellement et concrètement – lorsqu’on leur impose ou propose un nouvel outil technologique. Et surtout, comment les organisations peuvent-elles intervenir au bon moment et de la bonne façon pour rendre cette transition plus fluide et efficace.


À lire aussi : Transformation numérique : comment ne pas manquer la phase qui s’ouvre dans le travail ?


De l’importance d’intervenir dès l’amont

La mise en place d’un nouveau système informatique se déroule en plusieurs étapes : une phase de préparation (avant le déploiement) et une phase d’implémentation (après la mise en service). Pourtant, la majorité des recherches s’est concentrée sur la manière dont les utilisateurs réagissent une fois l’outil en place, en négligeant ce qui se joue en amont. Or, les perceptions initiales peuvent largement conditionner la suite.

Un exemple notable est l’échec de Quibi en présence d’un financement massif et d’un contenu soutenu par des célébrités en raison d’un mauvais positionnement avant le lancement et d’un manque de valeur ajoutée claire pour les utilisateurs dans un marché du streaming saturé.

Le caractère obligatoire ou volontaire de l’usage constitue également un élément très important, car cela change profondément la manière dont les individus s’y adaptent. Les stratégies de « coping » – c’est-à-dire les manières de faire face au changement – ne sont pas les mêmes selon que l’on agit sous contrainte ou par choix.

Des interventions adaptées aux besoins

Chaque étape de la mise en place d’une nouvelle technologie appelle des actions spécifiques de la part du management. Une intervention efficace ne peut se limiter à une simple formation ou à une annonce ponctuelle. Elle doit s’inscrire dans un processus continu et adapté aux besoins des utilisateurs.


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Dans la phase de préparation, avant même que la technologie ne soit déployée, la formation joue un rôle essentiel. Elle permet de réduire l’incertitude, d’atténuer les craintes et de créer des attentes positives. En parallèle, impliquer les utilisateurs dans le développement ou la sélection de l’outil favorise leur engagement. Cette participation renforce leur sentiment de contrôle et augmente les chances d’appropriation, notamment dans les contextes où l’usage de la technologie reste volontaire.

Le démarrage, une phase critique

Une fois l’outil mis en place, d’autres leviers deviennent prioritaires. L’accompagnement dans les premiers temps est crucial : les utilisateurs doivent pouvoir s’appuyer sur un support accessible et des retours constructifs pour surmonter les difficultés initiales. En outre, le sentiment de justice perçue dans le processus de changement joue un rôle important. Les utilisateurs doivent sentir que les décisions sont cohérentes, transparentes et équitables, sans quoi la défiance peut s’installer.

Enfin, il est indispensable d’adapter ces interventions au contexte dans lequel la technologie est introduite. Dans un cadre obligatoire, où les utilisateurs n’ont pas le choix, ils ont tendance à mobiliser des ressources collectives pour faire face au changement : entraide, discussions entre collègues, apprentissage en groupe. Le rôle du management est alors de soutenir ces dynamiques collaboratives.

À l’inverse, dans un cadre volontaire, l’adaptation se fait souvent de manière plus individuelle, en fonction des préférences et des besoins de chacun. Ici, la souplesse, la clarté des bénéfices et la reconnaissance du libre arbitre sont des facteurs clés de réussite.

Pour tester notre modèle, nous avons mené deux études de terrain dans des contextes très différents. Dans le premier cas, nous avons observé une situation d’usage obligatoire, au sein d’une organisation policière en Asie. Dans le second, il s’agissait d’un usage volontaire, dans une université asiatique.

Résolution rapide des problèmes

Dans le contexte obligatoire, les agents de police devaient passer d’un ancien système de communication (appelé CCII) à une version plus récente et plus performante (CCIII). Ce nouvel outil offrait des fonctionnalités avancées, conçues pour améliorer la prise de décision et l’efficacité opérationnelle. Pour accompagner ce changement, plusieurs dispositifs avaient été mis en place : des formations, des mises à jour techniques et un suivi par le biais de retours d’expérience.

Les résultats des enquêtes menées avant et après l’introduction du système ont montré que la formation avait un impact direct sur la manière dont les agents percevaient l’utilité et la facilité d’utilisation du nouvel outil. Le soutien managérial pendant la période de transition – notamment la prise en compte des retours et la résolution rapide des problèmes – a également renforcé leur évaluation positive de la technologie.

Dans le contexte volontaire, les étudiants d’une université avaient la possibilité d’adopter Microsoft 365, qui proposait de nouveaux outils collaboratifs comme Teams, Word en ligne ou encore Excel avec accès à des solutions et des outils dans le cloud. L’ancien système restait disponible, et chaque étudiant pouvait choisir de migrer ou non. Là encore, des formations avaient été proposées, accompagnées de temps d’échange et d’améliorations techniques successives. Les données recueillies un mois avant et un mois après le déploiement ont montré que la participation des étudiants en amont – lorsqu’ils ont pu tester ou donner leur avis – jouait un rôle décisif dans leur perception de l’utilité et de la simplicité d’usage. Dans ce cas, c’est surtout le sentiment de justice dans la manière dont le changement a été mis en œuvre qui a influencé l’adoption.

Ces deux études illustrent clairement que les leviers efficaces varient selon le contexte. La formation et le traitement des retours sont essentiels quand l’usage est imposé. La participation et la transparence sont prioritaires quand l’adoption repose sur un choix individuel.

BFM 2021.

Avoir ou ne pas avoir un chaperon

Ces deux études de terrain confirment qu’il n’existe pas de recette unique pour réussir l’implémentation d’une nouvelle technologie. Tout dépend du contexte d’usage, du moment dans le processus et de la manière dont les utilisateurs sont accompagnés.

Dans les situations où l’usage est obligatoire, il est crucial de miser sur des stratégies collectives d’adaptation. La formation, l’accompagnement continu et l’écoute active des retours permettent aux utilisateurs de mieux comprendre l’outil, d’en percevoir l’utilité, et de maintenir leur performance malgré les bouleversements initiaux. Ce type de soutien favorise une forme de « chaperonage » communautaire, où l’entraide entre collègues joue également un rôle clé.

Les premières impressions comptent

Dans les contextes volontaires, l’approche doit être différente. Les utilisateurs ont besoin de sentir qu’ils gardent le contrôle. Leur engagement passe alors par la participation en amont, la clarté des bénéfices et une mise en œuvre perçue comme juste et respectueuse. Ici, l’adaptation est plus individuelle, portée par le sens que chacun donne à la technologie dans son propre cadre de travail ou d’étude.

Nos résultats montrent également que les premières impressions comptent. Les croyances formées avant l’introduction d’un outil ont tendance à se maintenir dans le temps. Dans un usage obligatoire, c’est l’utilité perçue qui pèse le plus sur la suite de l’expérience. En revanche, dans un usage volontaire, c’est la facilité d’usage initiale qui influence davantage l’adoption. Mieux vaut donc agir tôt pour installer un regard positif sur la technologie. Par ailleurs, une utilisation approfondie des fonctionnalités peut atténuer les baisses de performance souvent observées après le déploiement et améliorer la satisfaction au travail.

La réussite de l’adoption d’une nouvelle technologie ne repose pas sur ses seules qualités techniques. Cela dépend surtout de la manière dont elle est introduite, expliquée et accompagnée. Former, écouter, impliquer : ces trois dimensions, si elles sont bien calibrées au contexte, peuvent faire la différence entre un échec coûteux et une transition réussie.

The Conversation

Nadia-Yin Yu est une professeur de NEOMA Business School. Les auteurs de l'article de recherche original incluent Yue (Katherine) Feng de Hong Kong Polytechnic University, Kar Yan Tam et Michael C. Lai de Hong Kong University of Science and Technology.

28.04.2025 à 12:59

Startup ou grands groupes ? Une culture d’entreprise moins éloignée qu’il n’y paraît

Yeonsin Ahn, Professeur assistant, stratégie et politique d'entreprise, HEC Paris Business School

Entre grands groupes et start-ups les cultures d’entreprise n’auraient rien à voir. D’un côté, process rigides et contrôle. De l’autre, agilité et autonomie.  Et pourtant…
Texte intégral (1332 mots)

Entre grands groupes et start-ups les cultures d’entreprise n’auraient rien à voir. D’un côté, process rigides et contrôle ; de l’autre, agilité et autonomie. Et pourtant…


Même s’il gagnait un salaire à six chiffres, en travaillant comme vice-président de l’ingénierie sur le logiciel de vidéoconférence Cisco WebEx, Eric Yuan n’était vraiment pas heureux chez Cisco Systems. « Aller au bureau pour travailler ne me faisait pas envie », a-t-il déclaré à CNBC Make It en 2019.

Yuan n’était pas satisfait de la culture d’entreprise de Cisco, où les nouvelles idées étaient souvent rejetées et où tout changement prenait du temps à se mettre en place. Ainsi, lorsqu’il a suggéré de construire à partir de zéro une nouvelle plateforme vidéo adaptée aux mobiles, l’idée a été rejetée par la direction de l’entreprise. Frustré par tant de résistance au changement, Yuan a finalement quitté l’entreprise en 2011 pour fonder Zoom, dont la valeur a augmenté de façon astronomique pendant les années de pandémie de Covid. Zoom est alors devenue une des applications de référence pour le travail à distance.

Des fondateurs marqués par leur passé

On pourrait penser que les fondateurs qui, comme Yuan, ont exprimé leur mécontentement à l’égard de la culture de leurs anciens employeurs créeraient de nouvelles entreprises avec des valeurs très différentes. Cependant, nous avons constaté qu’en moyenne, les fondateurs sont enclins à reproduire la culture de leur ancien employeur dans leur nouvelle entreprise, qu’ils en soient conscients ou non.

L’histoire de Yuan semble emblématique car elle combine les préjugés que beaucoup de gens se font aussi bien du géant de la technologie que de la start-up agile. Pourtant, nos recherches ont montré que cette distinction n’est en fait pas si claire.


À lire aussi : Les start-up, moins cool qu’elles n’en ont l’air


Nous avons aussi montré que plus de la moitié des fondateurs de start-ups technologiques états-uniennes ont une expérience antérieure dans une entreprise, souvent dans des géants comme Google ou Meta. La culture du travail dans ces grandes organisations n’est pas toujours aussi facile à oublier, lorsque les entrepreneurs se lancent à leur tour.

Pour notre recherche, nous avons identifié 30 items pour définir les différents types de cultures d’entreprise.

Il s’agit, par exemple, de l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, du travail d’équipe, de l’autorité, de l’innovation ou encore de la place occupée par la rémunération ou le rapport au client dans la culture… Des recherches antérieures avaient montré que les fondateurs de start-ups transfèrent des connaissances et des technologies acquises précédemment dans leur vie professionnelle. Nos recherches montrent empiriquement qu’ils en transfèrent également la culture du travail.

Difficile d’échapper à une culture familière

Trois conditions favorisant un tel transfert ont été identifiées :

  • la durée de l’emploi : plus les fondateurs sont restés longtemps dans une organisation avant de créer la leur, plus ils sont susceptibles d’avoir transféré sa culture à leur nouvelle start-up. La raison en est simple : cette culture leur est très familière ;

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  • la congruence de la culture : ce terme désigne le degré de cohérence des différents éléments qui constituent la culture de départ. Par exemple, dans notre échantillon se trouve une plateforme de services de localisation basée sur le cloud dont la culture est très cohérente. L’entreprise a trois éléments culturels très importants : elle est adaptative, orientée vers le client et exigeante. Ces éléments pointent constamment vers une culture de réactivité client. Nos données comprennent également une plateforme de vêtements de commerce électronique avec deux éléments culturels – l’orientation vers la croissance et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée – qui, étant mal alignés dans leurs significations, réduisent la congruence de sa culture. Nous avons constaté que plus la culture d’une organisation mère est congruente en interne – et donc, plus elle est facile à comprendre et à apprendre –, plus il est probable que les fondateurs transfèrent ses éléments à leurs nouvelles entreprises ;

  • la typicité de la culture : plus une organisation est atypique – c’est-à-dire plus elle se démarque des autres dans son domaine –, plus il est probable que sa culture soit transférée à la start-up. Quand la culture est atypique, les employés identifient plus facilement les éléments de cette culture et, par conséquent, s’en souviennent mieux et les intègrent davantage une fois qu’ils ont fondé leur start-up. Parce qu’une culture atypique singularise davantage une entreprise, les employés prennent davantage conscience que l’organisation les a choisis et qu’ils ont choisi d’y travailler. Cela crée un attachement cognitif chez l’employé envers l’organisation, qui va aussi augmenter la façon dont il intègre sa culture.

Dans notre étude, « l’atypicité » culturelle de chaque start-up a été mesurée en calculant les distances culturelles entre toutes les organisations d’une même catégorie de produits pour une année donnée. Si les fondateurs de start-ups sont souvent persuadés que leur culture d’entreprise est unique en son genre, nous avons constaté que ce n’était pas toujours le cas. Les fondateurs ont tendance à reproduire la culture de leurs anciens employeurs parce qu’ils sont habitués à cette façon de travailler.

De fausses perceptions ?

De nombreux étudiants me disent qu’ils sont attirés par des environnements de travail plus créatifs et innovants, ce qu’ils associent souvent aux start-ups plutôt qu’aux entreprises traditionnelles et établies. Mais nos recherches suggèrent que cette perception pourrait ne pas être tout à fait exacte.

De même, les demandeurs d’emploi à la recherche de cultures uniques ou avant-gardistes pourront être surpris d’apprendre que les environnements des start-ups ressemblent plus souvent qu’on ne le dit à ceux des grandes entreprises technologiques.

Et, pour les fondateurs, notamment ceux qui ont quitté leurs postes précédents en raison de cultures d’entreprise frustrantes, les résultats de cette recherche peuvent être un signal d’alarme, pour qu’ils prennent conscience d’à quel point il est facile de recréer involontairement les environnements qu’ils avaient voulu quitter et ne pas reproduire.

The Conversation

Yeonsin Ahn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

28.04.2025 à 12:59

Innovation frugale : comment les entreprises font plus avec moins

Dennys Eduardo Rossetto, Associate Professor of Global Innovation and Entrepreneurship, SKEMA Business School

Quelles sont les questions à se poser avant de débuter un programme d’innovation sociale ? Comment procéder ? Avec qui ? Autant d'interrogations auxquelles répond cet article.
Texte intégral (1648 mots)
Ce ventilateur, mis au point par la Nasa pour les patients atteints de coronavirus, a été développé selon les principes de l’innovation frugale. Nasa/JPL-Caltech, CC BY-SA

Quelles sont les questions à se poser avant de débuter un programme d’innovation sociale ? Comment procéder ? Avec qui ? Autant d'interrogations auxquelles répond cet article.


La pandémie de Covid-19 a mis en lumière les défis sans précédent des systèmes de santé du monde entier et, en corollaire, leurs innovations. Parmi elles, le Nasa ventilator project. Ces respirateurs à faible coût sont produits en seulement trente-sept jours, avec une licence de production disponible dans le monde entier.

Cette invention illustre le pouvoir de l’innovation frugale. Elle pourrait être définie comme « la capacité à faire plus avec moins », afin d’apporter une valeur essentielle dans un monde où les limites planétaires sont dépassées. Pour les entreprises, c’est un moyen de rester compétitives et de prospérer dans un environnement aux ressources limitées. L’innovation frugale s’étend à des groupes de clients non desservis, tout en garantissant une « excellence abordable » ; ce qui ne signifie pas nécessairement des produits bon marché, mais des produits qui offrent une valeur ajoutée.

L’innovation frugale ne s’embarrasse pas de complexité inutile. Loin d’être l’apanage des marchés émergents, elle présente un intérêt à l’échelle mondiale. Pour mieux la comprendre, nous avons mené un travail de recherche en étudiant plus de 1 000 entreprises au Brésil, en Inde et aux États-Unis.

Pour les entreprises, un modèle est proposé :

  • Focus sur l’essentiel : évaluer la simplicité de conception de ses produits et supprimer les fonctionnalités non essentielles.

  • Réduction des coûts : rationaliser les processus internes pour améliorer l’efficacité.

  • Engagement durable et local : exploiter les ressources locales et conclure des partenariats pour créer davantage de valeur ajoutée.

Focus sur l’essentiel

Mettre l’accent sur l’essentiel, en enlevant les fonctionnements non indispensables, est la clé de l’innovation frugale. En fournissant des solutions fiables qui répondent efficacement à des besoins primaires, les entreprises parviennent à augmenter la satisfaction des clients.

Par exemple, la voiture Tata Nano offrait un moyen de locomotion simple mais efficace à 1 500 euros. Initialement conçue comme un véhicule abordable pour le marché indien, elle a démontré son intérêt dans les pays développés, avec les enjeux de durabilité et de réduction des coûts.

Voiture Tata Nano dans les rues de Colombo au Sri Lanka
La voiture Tata Nano à 1 500 €, emblématique de l’innovation frugale, s’est révélée être un échec. ArtKonovalov/Shutterstock

Pourtant, la Tata Nano a été un échec commercial dans les pays développés. Pourquoi ?

Essentiellement à cause des perceptions négatives héritées de son image de « voiture la moins chère ». Ce positionnement a fait douter les consommateurs de sa qualité, sans compter le statut social peu flatteur associé. Des rapports ont fait état de problèmes de sécurité et dissuadé les acheteurs potentiels. Après une baisse des ventes, sa production a été arrêtée.

Réduction des coûts

La réduction des coûts permet de conserver les fonctionnalités essentielles, tout en optimisant l’utilisation des ressources et en minimisant les dépenses. Elle passe par la rationalisation des processus et l’exploitation des matériaux locaux.


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En Inde, la jambe de Jaipur est une prothèse à 50 euros conçue à partir de matériaux disponibles localement, notamment du plastique. L’objectif : devenir accessible aux amputés à faibles revenus, dans un pays aux 10 millions de personnes vivant avec une infirmité.

Autre enjeu, celui des électrocardiogrammes (ECG) au pays de Gandhi. L’entreprise GE Healthcare a créé un appareil portable ECG à bas prix, le Max 400. Au lieu de concevoir une nouvelle imprimante à partir de zéro, l’équipe Recherche & développement (R&D) a adapté une imprimante déjà utilisée dans les bus pour imprimer les tickets. Le pari est réussi. Le produit permet de proposer un diagnostic fiable, pour un coût modeste, et de facto rendre la santé plus abordable.

Toutefois, si les coûts sont réduits au détriment des fonctionnalités essentielles ou de la qualité, l’innovation frugale peut conduire à des produits de qualité médiocre.

L’enjeu ? Trouver un équilibre entre la réduction des coûts et la fiabilité.

Engagement durable et local

L’innovation frugale vise également à s’appuyer sur les ressources, les populations et les spécificités locales.

Au Brésil, la marque de cosmétiques Natura a su s’adapter en se tournant vers les matières premières locales et les populations locales. Le groupe est à la 4e place du secteur derrière le Français L’Oréal, l’Américain Procter&Gamble et l’Anglo-Néerlandais Unilever. L’entreprise travaille notamment avec plus 4 000 familles de fournisseurs, en évitant les intermédiaires. Elle compose certains de ses produits avec l’ucuuba, le fruit d’un arbre amazonien connu sous le nom de muscadier fou (Virola surinamensis).

Adopter l’innovation frugale renforce donc la résilience et la capacité d’adaptation des organisations dans n’importe quel pays du monde.

Les managers qui souhaiteraient miser sur l’innovation frugale doivent, avant toute chose, évaluer les ressources de leur entreprise. Pour ce faire, il faut se poser les questions suivantes : la simplicité de conception est-elle une priorité de votre entreprise ? Vos processus sont-ils rationalisés en vue de réduire les déchets ? Exploitez-vous les ressources locales efficacement ?

En adoptant, par exemple, des listes de vérification qui passent en revue les fonctionnalités essentielles, la rentabilité et les possibilités de collaboration, les managers peuvent identifier les domaines à améliorer et optimiser le déploiement des ressources…

En somme, l’innovation frugale ne se limite pas à une stratégie économique ; elle représente une voie d’avenir pour répondre aux grands défis sociaux et environnementaux, en conciliant efficacité, inclusion et durabilité.

The Conversation

Dennys Eduardo Rossetto ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

27.04.2025 à 17:21

Euthanasie, suicide assisté : dix points de vigilance éthique à considérer

Emmanuel Hirsch, Professeur émérite d'éthique médicale, Université Paris-Saclay

Le 27 mai 2025, le suffrage des députés sera sollicité pour deux propositions de lois relatives à la fin de vie. Retour sur dix points de vigilance éthique à prendre en compte durant les débats.
Texte intégral (3494 mots)

Le 27 mai 2025, le suffrage des députés sera sollicité pour deux propositions de lois relatives à la fin de vie : l’une en faveur de l’euthanasie et du suicide assisté, l’autre à propos des soins palliatifs et d’accompagnement. Retour sur dix points de vigilance éthique à prendre en compte durant les débats.


1. L’obligation du médecin de ne pas entraver une demande de mort provoquée

Au cours de son audition le 2 avril 2025 par la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, le président du Conseil national de l’ordre des médecins s’est dit favorable à ce que la fonction du médecin puisse en certaines circonstances justifier qu’il pratique une euthanasie.

Pour respecter la personne dans ses droits et la prémunir de toute souffrance, le Code de déontologie médicale qui avait évolué, notamment en tenant compte des deux dernières lois relatives aux droits des malades en fin de vie (2005, 2016), préconisait déjà les conditions de recours à la sédation, y compris « profonde et continue maintenue jusqu’au décès ».

Il évoluera désormais du point de vue de ses principes. Le médecin n’aura pas l’autorité de contester la demande de la personne qui solliciterait son assistance pour abréger sa vie, au risque d’être poursuivi pour « délit d’entrave » s’il était amené à y faire obstacle.

La clause de conscience lui sera cependant accordée, alors que le Code de santé publique intégrera l’euthanasie et le suicide médicalement assisté aux devoirs et aux bonnes pratiques du professionnel de santé comme s’agissant d’un traitement indifférencié (qui fera l’objet d’enseignements universitaires). Toutefois, une question se pose : qu’en est-il d’une clause de conscience dès lors que la loi, avec sa transposition dans la déontologie, érige de nouvelles normes ?

Dans la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, la personne peut exprimer son refus d’un traitement ou de sa poursuite. Sa volonté doit être respectée par le médecin. Son obligation est alors de l’informer des conséquences de sa décision et de maintenir la relation médicale selon ce que la personne souhaite.

Désormais, le refus de soin pourrait être accompagné de l’obligation impartie au médecin de donner suite à une demande de mort provoquée, ne serait-ce qu’en indiquant un confrère susceptible de la satisfaire si lui-même s’y refuse (une liste des médecins pratiquant l’acte légal devrait dans ce cas être établie). L’engagement du soin est dès lors doté d’une autre signification.

L’avis n°1 du Collectif Démocratie, éthique et solidarités, publié le 3 avril 2025, présente une analyse détaillée des impacts de la proposition de loi relative à la fin de vie rédigée notamment par des universitaires, des professionnels, des personnes malades et des membres représentatifs de la société civile.

2. La délibération collégiale face au droit de la personne à décider

La collégialité s’est imposée dans le processus décisionnel notamment d’arrêt et de limitation de traitements actifs en réanimation, d’un soin estimé disproportionné ou comme relevant d’une obstination déraisonnable, ainsi que dans l’indication d’une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès.

Qu’en sera-t-il de ce dispositif d’examen contradictoire d’une demande de mort médicalisée qui a priori devra être considérée recevable dès lors que la personne invoque une souffrance insupportable, sans du reste être contrainte de la formaliser par écrit ?

Qu’en sera-t-il de la pertinence des éléments d’arbitrage de la décision intervenant sur un temps limité à 15 jours, sans recours systématique aux éclairages d’un psychiatre et sans validation par un magistrat, ne serait-ce que du respect des formes (l’avis n° 63 du Comité consultatif national d’éthique énonçait que « le juge resterait bien entendu maître de la décision [« d’exception d’euthanasie »]) ? Sur ce point, les maladies mentales justifient une attention spécifique, pas seulement du point de vue de la faculté de jugement de la personne, mais aussi de l’accessibilité au suivi et aux traitements adaptés.

Qu’en sera-t-il des modalités de l’exercice individuel d’une délibération autorisant l’acte létal approuvé en conscience par un médecin ? Quelles compétences et quelle expertise mobilisera-t-il, à la suite de quelle formation et sous quel contrôle ?

3. Une extension de la fonction des directives anticipées

Les directives anticipées pourraient porter sur l’expression d’une demande d’euthanasie ou de suicide assisté. Déjà si peu rédigées, tant anticiper s’avère délicat, ces directives de mort anticipées assigneront la personne au dilemme d’avoir à se prononcer sur un choix qui jusqu’à présent ne s’imposait pas à elle.

Qu’en sera-t-il du respect de la volonté de la personne si son autonomie décisionnelle et sa capacité d’expression sont compromises au terme de sa vie ? Comment un soignant pourra-t-il encore adopter la juste position entre devoir de protection d’une personne et obligation de s’en dégager dès lors qu’est exprimée la volonté d’une mort provoquée ? Ne conviendrait-il pas d’assurer un accompagnement approprié à la rédaction d’une demande d’euthanasie, bénéficiant d’informations personnalisées ?

La fonction de la personne de confiance susceptible d’être consultée à propos d’un acte létal sera-t-elle requalifiée ? N’aurait-on pas à reconnaître une position aux proches de la personne qui, dans la rédaction actuelle de la proposition de loi, sont exclus de toute forme de consultation dans le processus décisionnel ? Quel en sera l’impact sur leur propre souffrance et leur deuil ?

Si s’imposait le modèle d’une mort digne, parce que maîtrisée, indolore et médicalisée, comprendra-t-on encore demain la volonté de vivre sa vie y compris en des circonstances considérées par certains « indignes d’être vécues » ?

4. Devoir d’anticipation et risque de discriminations

Un neurologue, un psychiatre ou un cancérologue devra-t-il d’emblée intégrer à la planification concertée des soins, l’option de l’acte létal ? Conviendra-t-il d’anticiper cette éventualité dès l’annonce de la maladie, ou alors en situation d’aggravation posant comme inévitable une mort à échéance rapprochée ?

Pour éviter tout risque de discrimination, les règles de bioéthique interdisent d’établir la liste des affections « d’une particulière gravité ». Dès lors ne serait-il pas pernicieux d’énoncer des repères indicatifs d’un pronostic vital en phase avancée ou terminale ?

Cet échelonnage n’inciterait-il pas à justifier le renoncement de la poursuite d’un traitement, voire d’un soin, dès lors que leurs coûts induits en fin de vie pourraient être estimés disproportionnés au regard de leur intérêt pour la personne, ou du point de vue de la justice sociale ou intergénérationnelle ?

5. Pronostic vital engagé

Le pronostic vital engagé en phase avancée ou terminale est l’un des cinq critères déterminant l’éligibilité de la demande d’euthanasie ou de suicide assisté formulée par la personne.

Rappelons que cette dernière devra « être âgée d’au moins dix-huit ans, de nationalité française ou résidant de façon stable ou régulière en France », « présenter une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable [selon elle] lorsqu’elle a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement », enfin « être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée. »

Au cours de l’audition par la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale le 2 avril 2025, le président du comité d’éthique de l’Académie nationale de médecine a cependant considéré que ce pronostic vital devait être posé sur « la phase avancée et terminale, non de manière alternative ».

Nombre de personnes atteintes de maladies chroniques bénéficient en effet aujourd’hui de traitements permettant une qualité de vie dans la durée, y compris en phase avancée d’évolution de leur pathologie. Certaines personnes atteintes d’une maladie au pronostic péjoratif défient les prédictions néfastes, alors que d’autres ne survivent pas alors que leur pronostic vital ne semblait pas engagé.

Une distinction explicite et incontestable doit donc circonscrire le strict cadre d’application, en derniers recours, d’une loi favorable à la mort provoquée. C’est-à-dire si les souffrances sont incontrôlables, et que l’échéance imminente du décès peut être anticipée selon des éléments de prévisibilité probants (ce qu’à ce jour aucune donnée scientifique ne permet d’affirmer avec certitude). La Haute Autorité de santé doit rendre un avis à ce propos. Si les souffrances s’avèrent « réfractaires » à la suite de l’interruption des traitements sur décision de la personne, la justification de l’acte létal n’est-elle pas relativisée ?

6. Droit optionnel aux soins palliatifs

En situation de décision complexe, la culture palliative s’est imposée pour étayer les arbitrages et proposer des lignes de conduite lorsque les circonstances ne permettent plus de poursuivre une stratégie thérapeutique à visée curative, sans abolir pour autant l’accès à d’autres modalités d’accompagnement soignant.

Il est évident que le dispositif d’accès de tous aux soins palliatifs ou même aux consultations douleur est d’une complexité organisationnelle et d’un coût sans rapport avec la décision d’accéder à l’usage d’une substance létale.

Au moment où le service public hospitalier subit une crise qui entrave les politiques de prévention (y compris du suicide), le recours aux traitements et au suivi médical routiniers, que le secteur médico-social est, pour nombre d’établissements, en situation de fragilité économique, que les professionnels sont démotivés par des annonces paradoxales qui les inquiètent au point d’envisager de renoncer à poursuivre leur carrière, est-il crédible d’affirmer que chaque citoyen bénéficiera de la possibilité d’exercer son droit optionnel de décider librement entre fin de vie accompagnée par des soins palliatifs et mort programmée ?

Quels encadrements assurent aujourd’hui l’expression d’un choix autonome, dans un contexte de pratiques dégradées imposant des arbitrages aléatoires ?

7. Justice sociale

Notre impréparation aux circonstances humaines de la maladie chronique, aux situations de handicap et de dépendance induit des maltraitances. Les conditions du « mal mourir » et du « long mourir », tout particulièrement en établissement, influent sur la revendication d’un « bien mourir » dans un cadre conforme à de justes aspirations à la dignité.

Doit-on pour autant se résigner à admettre, sans y apporter les évolutions indispensables, le constat de carences institutionnalisées à l’égard des plus vulnérables, y compris au domicile qui parfois ajoute à l’isolement des maltraitances y compris dans les négligences de l’accompagnement ?

Consacre-t-on l’attention qui s’impose aux causes des injustices socio-économiques qui s’accentuent dans le parcours de maladie, du vieillissement ou en situation de handicap ? Les personnes des plus vulnérables dans notre société bénéficient-elles d’un environnement qui les prémunisse du risque d’être, plus que d’autres, et sans affirmer un libre-choix, soumises aux procédures d’une anticipation de la mort faute d’être en mesure d’assumer de manière autonome leur souveraineté sur leur vie ?

8. Poser des repères

Que certains médecins considèrent en conscience leur engagement jusque dans la responsabilité de consentir à abréger la vie d’une personne sur demande, justifie que des repères soient posés. En effet, les équivoques risquent d’être préjudiciables à l’intérêt direct de la personne malade par nature en situation de haute vulnérabilité.

De même, la représentation des valeurs attachées à la tradition et à la culture médicale pourrait être entachée de soupçons dès lors que l’évolution des pratiques serait comprise comme de nature à relativiser la rigueur des engagements. Le dernier acte de soin doit être un soin.

L’aide à mourir serait légitimée par l’État comme un acte d’ultime compassion, distinct d’une pratique soignante, en cas de circonstances exceptionnelles de souffrances réfractaires défiant les capacités d’assurer la continuité d’un soin consenti par la personne.

9. Éthique médicale

Dans sa version actuelle, l’article 38 du Code de déontologie médicale précise que

« le médecin doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments, assurer par des soins et mesures appropriés la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage. Il n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort. »

Comment repenser, renouveler et énoncer l’éthique médicale, dès lors que le Code de santé publique transposera une demande sociétale de mort médicalement provoquée, bouleversant un des principes essentiels de la déontologie, celui de ne pas nuire ?

Des recherches scientifiques s’imposent à propos de l’anticipation de l’impact des pratiques légalisées de l’euthanasie et du suicide assisté sur l’éthique des pratiques médicales et soignantes. Elles devront être produites dans l’évaluation des conditions d’application de la loi si elle est votée et concerneraient :

  • l’application d’une législation par nature normative à des circonstances individuelles singulières ;

  • les critères mobilisés dans le processus décisionnel, l’analyse des procédures collégiales et les critères d’arbitrage ;

  • les dilemmes décisionnels au sein d’une équipe soignante ;

  • les dispositifs de protection des personnes plus vulnérables du fait notamment de leur incapacité décisionnelle ou des conséquences de maladies mentales ;

  • la relation entre les compétences au sein d’une équipe en termes de prévention de la douleur, de soins de support, de soins palliatifs et l’incidence des demandes de mort provoquée ;

  • la relation de confiance entre la personne malade, ses proches et l’équipe soignante :

  • les risques de discriminations accentués par des facteurs socioculturels ou socio-économiques ;

  • les modalités de l’engagement thérapeutique dans le contexte des thérapeutiques innovantes coûteuses.

10. Une législation fragile pour des enjeux essentiels

La loi relative à la fin de vie conclura un processus en cinq étapes (1999, 2002, 2005, 2016) débuté par le vote de la loi visant à garantir de droit à l’accès aux soins palliatifs. À la suite d’un processus d’élaboration mené sur plus de vingt-cinq ans que le législateur pourrait envisager le dernier acte de libéralisation de l’accès à la mort médicalement provoquée.

S’il en était ainsi, et sans être certain à ce jour du contenu du texte de loi sur lequel le Parlement se prononcera, la loyauté contraint cependant à admettre que les pays qui ont légalisé l’euthanasie ne sont pas parvenus à maintenir dans la durée les règles d’encadrement qu’ils s’étaient initialement fixées. Il serait sage de reconnaître que la France ne fera pas mieux qu’eux.

Les critères restrictifs énoncés et parfois discutés ne résisteront pas mieux à l’épreuve du temps que ceux érigés comme repères affirmés intangibles depuis 1994 dans le cadre des lois relatives à la bioéthique. L’acceptabilité démocratique des pratiques médicalisées de l’euthanasie et du suicide assisté dépendra donc :

(1) de notre capacité à en contrôler la mise en œuvre dans un cadre indépendant, fixant les règles d’une évaluation publique renouvelée à échéance de trois ans et adossée à des études scientifiques pluridisciplinaires ;

(2) d’une procédure de décision collégiale rigoureusement définie, instruite et validée a priori par un magistrat ;

(3) de la proposition d’un dispositif dédié pour accompagner la personne dans sa décision en amont et en aval de la sollicitation d’un médecin, avec, selon son choix, la faculté d’y associer un proche ;

(4) d’une évaluation des conséquences péjoratives, selon de critères établis a priori, de l’application de cette loi, imposant si nécessaire un moratoire afin d’apporter les correctifs qui s’imposeraient ;

(5) d’un service public de santé fonctionnel, disposant des compétences et des moyens requis, en mesure de favoriser l’exercice d’un choix délibéré d’accès aux soins palliatifs ou de mort anticipée selon les critères établis par le législateur, et non par défaut, sans exposer la personne en situation de vulnérabilité ou de précarité à un risque de discrimination ;

(6) d’un dispositif adapté aux conditions de la pratique d’un acte létal à domicile, justifiant la disponibilité de professionnels dans un contexte de pénurie, et des règles de contrôle spécifiques de la validation de la procédure ;

(7) de leurs conséquences sur la fonction même d’un établissement de santé (notamment spécialisé en psychiatrie et dans la prévention du suicide) ou du médico-social (notamment accueillant des personnes en situation de handicaps), ainsi que sur les valeurs engagées et la cohésion d’une équipe opposée à intervenir. À ce propos le recours à une clause de conscience « collective » est évoqué.

La règle de droit, si elle intégrait dans les prochains mois la mort médicalement provoquée, devra être adossée à l’exercice inconditionnel de l’esprit de discernement, ainsi qu’à l’exigence d’une approche personnalisée et relationnelle attachée au respect des valeurs d’humanité et aux droits fondamentaux de la personne. Assigné à la réflexion et à la démarche à la fois politique, éthique et juridique, ce devoir est aussi un défi.


Pour aller plus loin :

- Emmanuel Hirsch est l’auteur des ouvrages « Fins de la vie. Les devoirs d’une démocratie », collectif, et « Anatomie de la bienveillance. Réinventer une éthique de l’hospitalité », coll. éditions du Cerf, à paraître en mai 2025.

The Conversation

Emmanuel Hirsch ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

27.04.2025 à 10:42

Sanctions : un contournement coûteux pour la Russie

Charlotte Emlinger, Économiste, CEPII

Kevin Lefebvre, Économiste, CEPII

La Russie parvient toujours à se procurer les biens sur lesquels des sanctions ont été promulguées, mais ces biens sont plus chers et, souvent, de moindre qualité.
Texte intégral (2492 mots)

Les sanctions promulguées à l’encontre de la Russie depuis février 2022 sont souvent contournées. Pour autant, elles n’ont pas été inefficaces car la Russie est contrainte de payer bien plus cher pour ses importations, notamment celles de biens utilisés sur le champ de bataille.


L’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 a conduit les pays occidentaux à imposer à Moscou un ensemble de sanctions. L’Union européenne (UE) a ainsi restreint ses exportations vers la Russie pour plus de 2 000 produits sur les 4 646 exportés avant la guerre. Ces sanctions touchent des biens de consommation finale, des produits intermédiaires et des équipements avancés. Parmi ces derniers, 20 % sont des biens à double usage, ayant des applications à la fois civiles et militaires, comme les hélicoptères ou les équipements de communication radio.

Graphique 1 : Évolution des importations en Russie entre janvier 2020 et novembre 2023, par type de produits. Sources : Calculs des auteurs à partir de Global Trade Tracker et du Journal officiel de l’UE, Fourni par l'auteur

Après le début de la guerre et l’imposition des sanctions, les importations russes ont connu une baisse de 16 %. Cette réduction masque une chute de 64 % des importations en provenance de pays imposant des sanctions et, dans le même temps, une augmentation de 58 % des importations en provenance des autres pays.


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Dans ce contexte, la présence sur le champ de bataille de drones et de missiles russes contenant des composants occidentaux, tels que des processeurs, des cartes mémoires ou des amplificateurs, pose la question de l’efficacité des sanctions. Malgré les restrictions, la Russie a en effet continué à s’approvisionner en produits sanctionnés, et leurs importations ont même augmenté de 34 % grâce à une diversion du commerce (Graphique 1), la Chine remplaçant largement l’UE comme principal fournisseur de ces produits (Graphique 2).

Ainsi, un tiers des produits sanctionnés par l’UE ont été entièrement compensés par d’autres fournisseurs, cette proportion atteignant même deux tiers pour la liste restreinte des produits à double usage et des technologies avancées exploitées par l’armée russe sur le champ de bataille en Ukraine.

Graphique 2 : Évolution des importations en Russie de produits sanctionnés, par origine. Sources : Calculs des auteurs à partir de Global Trade Tracker et du Journal officiel de l’UE, Fourni par l'auteur

À titre d’exemple, alors que l’UE était le principal fournisseur de radios de communication importées par la Russie en janvier 2021, pour un montant de 3,4 millions de dollars, contre 0,66 million de dollars pour les importations en provenance de Chine, la chute des exportations de l’UE à partir de 2022 a largement été compensée par l’explosion des exportations chinoises sur cette période (Graphique 3).

Graphique 3 : Évolution des importations russes de radios de communication. Sources : Calculs des auteurs à partir de Global Trade Tracker, Fourni par l'auteur

Si le contournement des sanctions a permis à la Russie de continuer à se procurer des biens critiques, cela ne signifie pas pour autant que les sanctions ont été inefficaces. Car ce contournement des sanctions occidentales a un coût : depuis la guerre (février 2022), le prix des importations russes (toutes origines confondues) a augmenté de 13 % de plus en moyenne que celui des importations du reste du monde (à produits et origines identiques), mais de 22 % en provenance des pays qui n’ont pas imposé de sanctions et de 122 % pour les produits stratégiques.

Ce renchérissement des importations russes provient en partie de la hausse des coûts de transport et d’assurance vers la Russie - de 3 % de plus qu’ailleurs depuis la guerre - du fait des sanctions commerciales et financières. Elle est néanmoins loin d’être le seul facteur explicatif de l’inflation à l’entrée du marché russe.

Graphique 4 : Indice de prix des importations russes et coût de transport et d’assurance. Calculs des auteurs à partir de Global Trade Tracker, Fourni par l'auteur

À la suite des restrictions commerciales, certains pays comme la Turquie ou l’Arménie ont servi d’intermédiaires pour acheminer des biens sanctionnés vers la Russie. Ces réexportations, loin d’être négligeables pour certains produits stratégiques comme les radios de communication (Graphique 5), ne constituent pourtant pas, d’après notre récente étude, un facteur majeur de la hausse des prix observée à l’entrée du marché russe.

Graphique 5 : Réexportations arméniennes de radios de communication. Calculs des auteurs à partir de Global Trade Tracker, Fourni par l'auteur

Reste l’augmentation des marges des exportateurs : les prix des importations russes, nets des coûts de fret, ont en effet crû de 9 % de plus qu’ailleurs en moyenne depuis la guerre, avec une augmentation particulièrement marquée - de 45 % - pour les produits stratégiques. Les fournisseurs de la Russie ont ainsi pu profiter de la réduction de la concurrence sur le marché russe et exploiter sa dépendance pour augmenter leurs marges.

Par ailleurs, il y a toutes les raisons de penser que les nouveaux fournisseurs exportent des produits de moindre qualité, puisque ces origines étaient, avant la guerre, en moyenne moins chères que celles des pays qui ont imposé des sanctions. La Russie importait peu depuis ces pays avant 2022, ce qui suggère que le changement de fournisseur est une option de second choix.

Les restrictions occidentales à l’exportation ont donc atteint un de leurs objectifs en rendant l’approvisionnement de la Russie en biens stratégiques non seulement plus difficile et plus coûteux, mais aussi de moindre qualité.

Alors que les performances de l’économie russe (faible déficit public, faible dette publique, excédent commercial…) défient les prédictions, l’inflation se stabilise à un haut niveau, dépassant 10 % début 2025. Si la hausse des dépenses militaires et la pénurie de main-d’œuvre expliquent une partie de cette augmentation, les sanctions commerciales, à travers leur effet sur le prix des importations, contribuent également à nourrir cette hausse du niveau général des prix.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

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