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13.08.2025 à 17:25

Biodiversité : Pourquoi ce mot est souvent mal compris

Thierry Gauquelin, Professeur émérite, Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE), Aix-Marseille Université (AMU)

Né à la fin des années 1980, ce mot a immédiatement connu un grand succès. Mais ce qu'il désigne est bien plus vaste qu’on ne le pense souvent.
Texte intégral (4097 mots)

Créé à la fin des années 1980, ce mot a immédiatement connu un grand succès. Mais ce qu’il désigne est bien plus vaste qu’on ne le pense souvent. Aujourd’hui, de nouvelles notions émergent également pour nous permettre de mieux penser la diversité du vivant, telles que la biodiversité fantôme ou la biodiversité potentielle.


Demandez à un enfant de huit ans, à un homme politique ou à une mère de famille, quel organisme symbolise, pour eux, la biodiversité… À coup sûr, ce sera un animal et plutôt un gros animal. Ce sera le panda, le koala, la baleine, l’ours, ou le loup, présent aujourd’hui dans nombre de départements français. Ce sera rarement un arbre, même si la déforestation ou les coupes rases sont dans tous les esprits, et, encore plus rarement, une fleur… Jamais un insecte, une araignée, un ver, une bactérie ou un champignon microscopique… qui, pourtant, constituent 99 % de cette biodiversité.

Raconter l’évolution de ce terme, c’est donc à la fois évoquer un grand succès, mais aussi des incompréhensions et certaines limites.

Mais pour prendre la mesure de tout cela, commençons par revenir sur ses débuts.

Biodiversité, un terme récent 

Le terme « biodiversité », traduction de l’anglais biodiversity, est issu de la contraction de deux mots « diversité biologique » (biological diversity). Il est relativement récent et date seulement de la fin des années 1980, mais il a connu depuis un intérêt croissant.

Ainsi, en 2012, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystèmiques (IPBES), équivalent pour la biodiversité du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), a été lancée par le programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE).

L’IPBES a publié, en moins de quinze ans, nombre de rapports dont, par exemple, en 2023, un rapport sur les espèces exotiques envahissantes (EEE) qui constituent l’une des cinq principales pressions sur la biodiversité.

Courbe montrant l’évolution de l’utilisation du mot biodiversité dans la base des livres disponibles sur Google Books
Courbe montrant l’évolution de l’utilisation du mot « biodiversité » dans la base des livres disponibles sur Google Books. Capture d’écran de l’outil Google Ngram, Fourni par l'auteur

La progression spectaculaire de l’utilisation de ce terme depuis sa création témoigne de l’intérêt croissant pour cette notion, notamment depuis le sommet de la Terre de Rio en 1992 où la biodiversité et sa préservation ont été considérées comme un des enjeux principaux du développement durable.

L’herbe de la Pampa (Cortaderia selloana), une espèce exotique envahissante, dans le Pays Basque
L’herbe de la pampa (Cortaderia selloana), une espèce exotique envahissante, dans le Pays basque. Fourni par l'auteur

Les trois principaux niveaux d’organisation de la biodiversité

Mais dès qu’on s’intéresse à ce que cette notion tâche de décrire, on voit rapidement qu’il existe différents critères complémentaires pour mesurer la richesse du monde vivant, avec, au moins, trois niveaux de biodiversité retenus par les scientifiques. :

  • la diversité spécifique, soit la richesse en espèces d’un écosystème, d’une région, d’un pays donné. Elle correspond, par exemple concernant les espèces de plantes natives, à près de 5 000 espèces pour la France hexagonale contre seulement 1 700 pour la Grande-Bretagne.

  • la diversité génétique, soit la diversité des gènes au sein d’une même espèce. C’est, par exemple, la très faible diversité génétique de la population de lynx boréal de France, issue de quelques réintroductions à partir des Carpates slovaques.

  • la diversité des écosystèmes, soit la diversité, sur un territoire donné, des communautés d’êtres vivants (la biocénose) en interaction avec leur environnement (le biotope). Ces interactions constituent aussi un autre niveau de biodiversité, tant elles façonnent le fonctionnement de ces écosystèmes.

Ces différents niveaux tranchent avec la représentation que peuvent se faire nos concitoyens de cette biodiversité, souvent limitée à la diversité spécifique, mais surtout à une fraction particulière de cette biodiversité, celle qui entretient des relations privilégiées ou affectives avec l’être humain. Ces espèces sont d’ailleurs aussi celles que l’on voit incarnée dans les principaux organismes de défense de la nature, par exemple le panda du WWF. Mais c’est un peu l’arbre qui cache la forêt.

Une biodiversité trop mal connue… concentrée dans les sols et dans les océans

Car, à ce jour, seulement environ 2 millions d’espèces ont pu être inventoriées alors qu’on estime qu’il en existe entre 8 millions et 20 millions.


À lire aussi : Combien y a-t-il d’espèces sur la planète ? La réponse n’est pas si simple


Cette méconnaissance affligeante et paradoxale, à une époque où l’on veut conquérir Mars, est liée au fait que cette biodiversité se trouve pour une grande partie dans deux endroits, les sols, d’une part, et les océans, d’autre part. Soit deux milieux encore trop peu investigués et, pourtant, recélant l’essentiel de la biodiversité spécifique de notre planète.

Concernant les sols, si l’on s’intéresse simplement à sa faune, on sait qu’elle correspond à environ 80 % de la biodiversité animale. Plus de 100 000 espèces ont déjà été identifiées (notamment les collemboles, les acariens, les vers de terre…), alors qu’il n’existe que 4 500 espèces de mammifères. Mais, rien que pour les nématodes, ces vers microscopiques au rôle capital pour le fonctionnement du sol, il y aurait en réalité entre 300 000 et 500 000 espèces.

Il faut aussi avoir en tête tous les micro-organismes (bactéries et champignons) dont on ne connaît environ qu’un pour cent des espèces et dont on peut retrouver un milliard d’individus dans un seul gramme de sol forestier.

Ainsi, dans une forêt, et d’autant plus dans une forêt tempérée où la biodiversité floristique reste faible, c’est donc bien dans le sol que cette biodiversité, pour l’essentielle cachée, s’exprime.

Elle demeure, enfin, indispensable au fonctionnement des écosystèmes, indispensable au fonctionnement de la planète, marqué par les échanges de matière et d’énergie.

Fourni par l'auteur

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Darwin, en 1881, nous disait à propos des vers de terre qu’il avait beaucoup étudiés, on le sait peu :

« Dieu sait comment s’obtient la fertilité du sol, et il en a confié le secret aux vers de terre. »

Il ajoutait ensuite :

« Il est permis de douter qu’il y ait beaucoup d’autres animaux qui aient joué dans l’histoire du globe un rôle aussi important que ces créatures d’une organisation si inférieure. »

Concernant la biodiversité des océans, et notamment celle des écosystèmes profonds, il est frappant de voir à quel point les chiffres avancés restent très approximatifs. On connaît moins la biodiversité, notamment marine, de notre planète que les étoiles dans notre univers.


À lire aussi : Les premières images d’un calamar colossal dans les fonds marins prises par des scientifiques


À ce propos, Evelyne Beaulieu, l’héroïne océanographe du dernier prodigieux roman de Richard Powers, Un jeu sans fin (2025), s’exclame, après une plongée dans l’archipel indonésien Raja Ampat :

« C’est presque absurde des compter les espèces. Rien que pour les cnidaires, il y a sans doute au moins un millier de variétés, dont un bon nombre qu’aucun humain n’a jamais vu. Combien d’espèces encore à découvrir ? Autant qu’on en veut ! Je pourrais passer ma vie à donner à des créatures ton nom et le mien. »

La diversité génétique

La diversité génétique demeure, ensuite, la deuxième manière d’aborder la biodiversité.

Elle est fondamentale à considérer, étant garante de la résilience des espèces comme des écosystèmes. Dans une forêt de hêtres présentant une diversité génétique importante des individus, ce sont bien les arbres qui génétiquement présentent la meilleure résistance aux aléas climatiques ou aux ravageurs qui permettront à cette forêt de survivre.

Si, à l’inverse, la forêt ou le plus souvent la plantation est constituée d’individus présentant un patrimoine génétique identique, une sécheresse exceptionnelle ou encore une attaque parasitaire affectant un arbre les affecterait tous et mettra en péril l’ensemble de la plantation.


À lire aussi : Changement climatique : la diversité génétique à l’origine de l’adaptation des arbres ?


Tous les chênes pubescents à feuillage dit marcescent de Provence n’ont pas conservé leurs feuilles mortes en hiver : conditions stationnelles différentes ou diversité génétique ? Fourni par l'auteur

La diversité des écosystèmes

Les écosystèmes sont également définis comme des ensembles où des organismes vivants (la biocénose) se trouvent en interaction avec leur environnement physique (le biotope) dans un espace délimité.

Écosystèmes et biodiversité sont ainsi indissociables, d’une part, parce que la diversité d’écosystèmes va de pair avec la diversité spécifique, mais surtout, d’autre part, parce que les interactions qui définissent ces écosystèmes se réalisent au travers des organismes vivants constituant cette même biodiversité spécifique. Maintenir dans un espace donné des écosystèmes diversifiés, c’est en même temps favoriser la biodiversité et le fonctionnement de chacun de ces écosystèmes.

Les paysages méditerranéens du sud de la France présentent ainsi une diversité d’écosystèmes où se côtoient pelouses sèches, garrigue ou maquis, forêts de pins, forêts de chênes verts, blancs ou liège, s’inscrivant tous dans une dynamique successionnelle, auxquels s’ajoutent oliveraies, champs de céréales ou de légumineuses, etc.

Raoul Dufy, Vue des remparts de Saint-Paul-de-Vence, 1919 : une diversité d’écosystèmes
Raoul Dufy, Vue des remparts de Saint-Paul-de-Vence, 1919 : une diversité d’écosystèmes.

Pallier le manque de connaissances ?

Pour dépasser la difficulté à inventorier complètement et partout ces différentes facettes de la biodiversité, le concept d’une biodiversité potentielle a été développé. Des forestiers ont ainsi mis au point l’indice de biodiversité potentielle (IBP), un outil scientifique particulièrement intéressant et pédagogique permettant d’évaluer le potentiel d’accueil d’un peuplement forestier par les êtres vivants (faune, flore, champignons), sans préjuger de la biodiversité réelle qui ne pourrait être évaluée qu’avec des inventaires complexes, non réalisables en routine.

La forêt d’exception de la Sainte-Baume en Provence : un IBP très élevé. Fourni par l'auteur

Cet IBP permet donc d’identifier les points d’amélioration possibles lors des interventions sylvicoles. Cet indicateur indirect et « composite », repose sur la notation d’un ensemble de dix facteurs qui permettent d’estimer les capacités d’accueil de biodiversité de la forêt.

Ainsi sera notée, par exemple, la présence ou non dans l’écosystème forestier de différentes strates de végétation, de très gros arbres, d’arbres morts sur pied ou au sol, mais aussi de cavités, de blessures, d’excroissances se trouvant au niveau des arbres et susceptibles d’abriter des organismes très divers, des coléoptères aux chiroptères.

La forêt de pins maritimes des Landes (Nouvelle-Aquitaine) : un IBP faible. Fourni par l'auteur

Enfin, cette biodiversité peut aussi s’exprimer au travers de la biodiversité fantôme, c’est-à-dire la biodiversité des espèces qui pourraient naturellement occuper un environnement du fait de leurs exigences écologiques, mais qui en sont absentes du fait des activités humaines.

De fait, chaque écosystème a, par les caractéristiques climatiques, géographiques, géologiques de son biotope, un potentiel de biodiversité – potentiel entravé par la main de l’être humain, ancienne ou récente. Dans les régions fortement affectées par les activités humaines, les écosystèmes ne contiennent que 20 % des espèces qui pourraient s’y établir, contre 35 % dans les régions les moins impactées ; un écart causé par la fragmentation des habitats qui favorise la part de la diversité fantôme.

Inventoriée, cachée, potentielle ou fantôme, la biodiversité n’en reste pas moins la clé du fonctionnement des écosystèmes et la clé de notre résilience au changement climatique.

En témoignent toutes les publications scientifiques qui s’accumulent montrant l’importance de cette diversité pour nos efforts d’atténuation et d’adaptation. De plus en plus menacée dans toutes ses composantes sur la planète, la biodiversité doit donc, plus que jamais, être explorée et décrite, notamment là où elle est la plus riche mais la moins connue.

The Conversation

Thierry Gauquelin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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13.08.2025 à 17:22

Qu’est-ce que le « trait de côte » des cartes géographiques ?

Eric Chaumillon, Chercheur en géologie marine, La Rochelle Université

Il ne s’agit pas d’une référence immuable au cours du temps et le changement climatique, sans surprise, vient encore compliquer la donne.
Texte intégral (1342 mots)

On pense bien connaître le trait de côte des cartes géographiques. Sa définition est pourtant plus complexe qu’il n’y paraît, car il ne s’agit pas d’une référence immuable au cours du temps. Le changement climatique, sans surprise, vient encore compliquer la donne.


Tout le monde pense connaître le trait de côte qui est représenté sur les cartes géographiques. Il occupe une place importante dans nos représentations et semble correspondre à une ligne de référence stable dans le temps. Nous allons voir qu’il n’en est rien.

Commençons par le définir. Selon le service hydrographique et océanographique de la Marine nationale (SHOM) et l’Institut géographique national (IGN), il s’agit de la « limite de laisse » (c’est-à-dire, jusqu’où peuvent s’accumuler les débris déposés par la mer) des plus hautes mers, dans le cas d’une marée astronomique de coefficient 120 et dans des conditions météorologiques normales (pas de vent du large et pas de dépression atmosphérique susceptible d’élever le niveau de la mer).

Il faut encore ajouter à ces conditions « pas de fortes vagues », car elles peuvent aussi faire s’élever le niveau de l’eau. De façon pragmatique toutefois, on peut se limiter aux marées hautes de vives-eaux dans des conditions météorologiques normales pour définir le trait de côte.

Les marées de grandes vives-eaux se produisant selon un cycle lunaire de 28 jours et les très grandes vives-eaux se produisant lors des équinoxes deux fois par an (en mars et en septembre).

Entre accumulation de sédiments et érosion

Le trait de côte est situé à l’interface entre l’atmosphère, l’hydrosphère (mers et océans) et la lithosphère (les roches et les sédiments), ce qui en fait un lieu extrêmement dynamique. Le trait de côte peut reculer, quand il y a une érosion des roches ou des sédiments, ou avancer, quand les sédiments s’accumulent.

Par conséquent il est nécessaire de le mesurer fréquemment. Il existe tout un arsenal de techniques, depuis l’utilisation des cartes anciennes, l’interprétation des photographies aériennes et des images satellitaires, les mesures par laser aéroporté, les mesures topographiques sur le terrain et les mesures par drones.

Les évolutions des côtes sont très variables et impliquent de nombreux mécanismes. En France, selon des estimations du CEREMA, 19 % du trait de côte est en recul.

Un indicateur très sensible aux variations du niveau de la mer

Le principal problème est que l’évolution du trait de côte est très sensible aux variations du niveau de la mer. En raison du réchauffement climatique d’origine humaine, la mer monte, du fait de la fonte des glaces continentales et de la dilation thermique des océans, et ce phénomène s’accélère.

Pour les côtes sableuses, cela conduit à une aggravation des phénomènes d’érosion déjà existants. Avec l’élévation du niveau des mers, des côtes stables, voire même des côtes en accrétion pourraient changer de régime et subir une érosion chronique. Sur un horizon de quelques décennies, il est impossible de généraliser, car la position du trait de côte dépend aussi des apports sédimentaires qui sont très variables d’une région à une autre.

Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) estime que d’ici 2050, 5 200 logements et 1 400 locaux d’activité pourraient être affectés par le recul du trait de côte, pour un coût total de 1,2 milliard d’euros. La dynamique et le recul du trait de côte sont un sujet majeur, dont l’intérêt dépasse les seuls cercles spécialisés, avec des implications très concrètes, notamment en matière de droit de la construction. En premier lieu parce que le trait de côte est utile pour définir le domaine public maritime (DPM).

Ses limites ont été précisées en 1681 par une ordonnance de Colbert qui précise que le DPM naturel ne peut être cédé et qu’une occupation ou une utilisation prolongée par des particuliers qui se succèdent sur cette zone ne leur confère aucun droit réel ou droit de propriété.

Protéger le trait de côte sans construire des digues

La législation française relative au trait de côte a récemment évolué. En témoigne par exemple la loi Climat et résilience de 2021, qui renforce l’adaptation des territoires littoraux. La stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte insiste sur la mise en place de solutions durables pour préserver le littoral, tout en assurant la préservation des personnes et des biens.

Concrètement, comment faire ? L’approche la plus connue est la défense de côte en dur, souvent en béton ou en roches. Cette stratégie est chère, nécessite un entretien, elle est inesthétique et entraîne une forte dégradation, voire une disparition, des écosystèmes littoraux. Surtout, on ne pourrait généraliser cette stratégie sur les milliers de kilomètres de côtes en France et dans le monde (on parle de 500 000 km de côte).

Sans rentrer dans le détail de toutes les solutions existantes, on peut noter que la communauté scientifique qui étudie les littoraux appelle à davantage recourir aux solutions fondées sur la nature (SFN). En simplifiant, on peut dire qu’il s’agit de tirer parti des propriétés des écosystèmes sains pour protéger les personnes, tout en protégeant la biodiversité.

Ces approches ont fait leurs preuves, particulièrement en ce qui concerne les prés salés, les mangroves ou les barrières sédimentaires en général (constituées par la plage sous-marine, la plage et la dune). On peut assimiler ces écosystèmes littoraux à des « zones tampons » qui absorbent l’énergie des vagues et limitent les hauteurs d’eau tout en préservant la biodiversité et les paysages.


La série « L’envers des mots » est réalisée avec le soutien de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France du ministère de la Culture.

The Conversation

Eric Chaumillon a reçu des financements de l'ANR et du Département de Charente-Maritime.

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12.08.2025 à 17:11

Mégafeux : Sommes-nous entrés dans une nouvelle ère ?

Pierre Cilluffo Grimaldi, Maître de conférences, Sorbonne Université

Chaque été arrive désormais avec de nouvelles images de milliers d’hectares qui partent en fumée. Si ces mégafeux menacent la vie humaine et les écosystèmes, ils bouleversent aussi nos imaginaires.
Texte intégral (1953 mots)

Chaque été arrive désormais avec de nouvelles images de milliers d’hectares qui partent en fumée. Si ces mégafeux, comme on les appelle aujourd’hui, menacent la vie humaine et les écosystèmes, ils bouleversent aussi nos imaginaires sociaux et climatiques.


C’est un terme qui s’est progressivement imposé dans le langage courant et dans nos imaginaires. Celui de « mégafeu ». Il semble décrire une version extrême d’un phénomène déjà spectaculaire dont nous sommes de plus en plus témoins. Il serait apparu pour la première fois en 2013 dans la bouche d’un homme pourtant habitué à côtoyer les flammes : l’Américain Jerry Williams, qui travaille au service gouvernemental des forêts des États-Unis. Selon lui, le mégafeu, ne serait pas seulement un immense incendie, mais surtout un feu au comportement jamais observé auparavant par les spécialistes et par les riverains qui en sont victimes.

Le terme, depuis, n’en finit pas d’embraser les livres et journaux comme en témoigne la spectaculaire courbe de ses occurrences depuis 2014, en anglais, mais aussi en français.

Car ces incendies ne cessent de survenir, du Brésil au Canada, en passant par l’Australie, la Californie ou la Sibérie, et semblent chaque fois battre de nouveaux records. Ainsi, le département de l’Aude vient tout juste de subir des flammes aux ravages sans précédent depuis cinquante ans pour le pourtour méditerranéen français. Ces mégafeux n’ont pas fini non plus de se multiplier. Une étude de Harvard prévoit ainsi le doublement voir le triplement des mégafeux d’ici 2050 aux États-Unis.

Ces mégafeux, dont nous pouvons tous aujourd’hui observer les images ou constater les immenses dégâts provoquent des chocs sans précédent.

Un habitant de Gironde confiait par exemple, un an après les incendies qui ont décimé les forêts de pin de son terrain familial et de tout son département, être perdu sans la forêt familière qui entourait sa maison et redouter, désormais, chaque nouvel été. Les flammes semblent ainsi avoir provoqué ce que l’on appelle un « choc moral ».

Le choc moral est un événement ou une information imprévisible qui génère un sentiment viscéral d’indignation ou de malaise moral chez un individu, au point de l’inciter à agir politiquement, même s’il n’est pas déjà intégré à un réseau militant. Il s’agit d’une réaction émotive et cognitive à une violation perçue du quotidien et sa norme, nécessitant une reconstruction de sa vision du monde.

Sans en être aussi directement touchés, ces mégafeux peuvent tous perturber nos imaginaires, réactiver des mythologies, voici comment.

L’enfer dantesque des mégafeux

Face à la puissance des images de mégafeux ravageant des milliers d’arbres, l’esprit humain peut être tenté de chercher dans le passé et ses mythes des repères pour donner du sens à ces catastrophes.

Or ces gigantesques incendies s’attaquent à un lieu familier de nos imaginaires en Occident, celui de la forêt, qui, rappelle le chercheur américain Robert Harrison,

« représente un monde à part, opaque, qui a permis à cette civilisation de se dépayser, de s’enchanter, de se terrifier, de se mettre en question, en somme de projeter dans les ombres de la forêt ses plus secrètes, ses plus profondes angoisses ».

C’est donc un lieu familier de nos imaginaires, parfois même un éden naturel qui se consume et dont nous sommes de nouveau chassés par les flammes de l’enfer.

Les images d’une forêt ravagée par les flammes provoquent ainsi la rencontre de plusieurs symboles puissants dans nos esprits. Car le feu, lui, détient une valeur on ne peut plus forte dans les mythes et cultures dont nous sommes les descendants. C’est le feu qui symbolise la porte d’entrée de l’enfer avec une valeur apocalyptique, c’est le feu du châtiment qui revient dans les cercles de l’Enfer, de Dante. Il est aussi un « feu barrière » ou une « barrière de feu » entre deux mondes dans nos mythes judéo-chrétiens. Car ce sont encore des flammes qui interdisent à Adam et Ève de retourner au jardin d’Éden, après avoir été chassés du paradis terrestre pour avoir mangé le fruit défendu.

Les pompiers et habitants, plus concrètement, parlent eux plutôt de « front de flamme » qui irradie et détruit la végétation et nous prive d’une forêt qui ne sera bientôt plus que cendres.

Le débordement du feu prométhéen

Mais les mégafeux convoquent aussi un autre mythe qui hante nos imaginaires, celui de la dérive du feu prométhéen.

Prométhée est connu dans la mythologie grecque pour avoir dérobé le feu sacré de l’Olympe afin d’en faire don aux humains. C’est ici un feu utile mythologiquement au développement de la civilisation permettant de développer les industries, de cuisiner mais qui est aussi décrit comme imprévisible et risqué par nature dans les mains humaines.

En effet, une fois volé par l’être humain, il acquiert des caractéristiques contraires au feu naturel des volcans ou du soleil qui animent le monde dans une certaine stabilité naturelle. En le dérobant, l’humain s’arroge un pouvoir de transformation inédit, mais cette capacité porte en elle une forme de contradiction.

Loin de participer aux cycles naturels, le feu fabriqué, maîtrisé ou amplifié par les sociétés industrielles et modernes perturbe profondément les équilibres écologiques. Il devient une force dévastatrice à l’image des mégafeux contemporains qui dérèglent les cycles naturels, menace la stabilité même des environnements et de nos modes de vie. À cet égard, on peut rappeler aussi qu’en France, ces dernières décennies, les feux de forêt ont été neuf fois sur dix, déclenchés par une main humaine, qu’elle soit criminelle ou accidentelle.

Le retour de la figure de Néron au pouvoir ?

On peut aussi noter que, jamais avant aujourd’hui, l’être humain n’a eu autant de force grâce à l’exploitation de l’énergie du feu. C’est celle-ci qui lui a permis de développer la technique qui a façonné, par exemple, le moteur thermique.

Et pourtant, la technique reste limitée pour lutter contre les mégafeux, surtout quand on manque de Canadairs par choix politique et par mépris de l’historicité des alertes… La situation actuelle semble à cet égard préoccupante.

Outre-Atlantique devant les mégafeux amazoniens de 2020, on a aussi vu la figure de Néron mobilisée pour contester les politiques d’inaction environnementale du climatosceptique Jaïr Bolsonaro, alors président du Brésil. L’ONG Greenpeace a même construit une statue de Bolsonaro grimée en cet empereur romain pour alerter sur le sort de la forêt incendiée. Cette figure n’est pas anodine. Elle rappelle une légende tenace selon laquelle la folie de l’empereur romain Néron serait responsable du terrible incendie qui toucha Rome en 64 de notre ère. Si les sources historiques latines ne permettent guère d’établir sa culpabilité, nous sommes cependant sûrs de l’opportunisme politique de Néron désignant à l’époque directement, en bouc émissaire, la minorité chrétienne de Rome comme coupable.

Greenpeace érige une statue de Bolsonaro sur les terres incendiées au Brésil.

La brûlure du « choc moral »

Les images de mégafeux demeurent d’autant plus traumatiques pour les populations qu’elles nous obligent à changer de regard sur une nature jugée maîtrisable, qu’on scrute désormais impuissants, subir des pertes irréversibles pour le paysage, les forêts, le vivant tout entier. Ainsi, les feux ravagent aussi nos imaginaires écologiques. On peut ressentir face à ces paysages détruits par les flammes un choc moral, au sens du sociologue James Jasper soit une réaction viscérale bousculant la perception de l’ordre présent du monde et appelant à l’action.

Néanmoins, cette brûlure du choc moral peut s’éteindre aussi rapidement sans relais d’opinions et actions collectives dès les premières années de « l’après ». On peut alors voir s’installer une nouvelle norme où les mégafeux ne surprennent plus. Car il existe une forme d’amnésie environnementale sur les effets du dérèglement climatique. En 2019, des chercheurs américains ont ainsi analysé 2 milliards de tweets en relation avec le changement climatique. Cette analyse quantitative remarquable par son ampleur a montré qu’en moyenne, nos impressions sur le dérèglement climatique se basaient sur notre expérience récente des deux à huit dernières années.

Bienvenus dans le pyrocène

En France, devant les images de cette nature brûlée dans l’Aude, le concept de « pyrocène » de la philosophe Joëlle Zask prend tout son sens. Il sert à caractériser et à décrire cette nouvelle ère définie par la prédominance et la multiplication des mégafeux. Autrement dit, le pyrocène succéderait à l’anthropocène, marquant une époque où le feu devient un agent central des transformations écologiques et climatiques.

Politiquement, cette ère du feu impose une reconfiguration de notre relation à la nature, car il s’agit d’apprendre à vivre avec ces feux extrêmes et non plus simplement de les combattre directement comme jadis. Cette nouvelle donne appelle ainsi à une « culture du feu » qui intégrerait ces réalités dans nos politiques (habitations et PLU, coupe-feu naturel, gestion des forêts, adaptation des territoires à la crise, agriculture régénératrice…), nos modes de vie (vacances, consommations…). Mais sommes-nous collectivement prêts à cela ?

The Conversation

Pierre Cilluffo Grimaldi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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11.08.2025 à 16:20

République centrafricaine : les énergies renouvelables peuvent-elles contribuer à la stabilité ?

Romain Esmenjaud, Docteur du Graduate Institute, chercheur associé à l’Institut Français de Géopolitique (IFG - Laboratoire de recherche de l’Université Paris 8, Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)

Sophie Rutenbar, Visiting Scholar au Center on International Cooperation, New York University

En République centrafricaine, l’un des pays les moins électrifiés du monde, une transition vers les énergies renouvelables aurait de multiples effets bénéfiques, y compris en termes sécuritaires.
Texte intégral (2138 mots)

Depuis le renversement en 2013 du président François Bozizé, la République centrafricaine est plongée dans une grave crise politique et sécuritaire. Dans ce pays, qui est l’un des moins électrifiés au monde, une transition vers les énergies renouvelables permettrait de promouvoir le développement et la stabilité. L’ONU, présente par le biais de la Minusca, forte de 18 000 personnes, pourrait donner l’exemple.


L’apport environnemental des énergies renouvelables n’est plus à démontrer. En Afrique subsaharienne, elles représentent un moyen idéal et peu onéreux d’accroître l’accès à l’électricité sans augmenter l’empreinte carbone des pays de la région.

Le projet Powering Peace, co-piloté par le Stimson Center et Energy Peace Partners met en évidence un autre atout de ces énergies : celui de pouvoir contribuer à la stabilité dans les pays en sortie de crise.

Des rapports consacrés à la République démocratique du Congo, au Mali, à la Somalie et au Soudan du Sud ont abordé le rôle que les opérations de paix de l’ONU pouvaient jouer en appui du développement des renouvelables.

En assurant leur approvisionnement grâce à ces énergies, ces opérations peuvent non seulement briser leur dépendance à l’égard de générateurs diesel – une option coûteuse et inefficace d’un point de vue opérationnel –, mais aussi introduire des nouvelles infrastructures énergétiques dans les zones qui en ont le plus besoin. Un récent rapport évoque des avantages similaires dans le cas de la République centrafricaine (RCA).

France 24, 13 avril 2025.

À l’origine de la crise centrafricaine, des périphéries délaissées

Plus de dix ans après le début de la crise née du renversement en 2013 du président François Bozizé par la coalition Séléka, la RCA semble connaître une accalmie sécuritaire. Depuis l’échec, début 2021, de la tentative de prise de Bangui par une nouvelle coalition de groupes armés, les rebelles ont été repoussés dans les zones frontalières sous la pression des forces armées centrafricaines, fortement appuyées par les mercenaires du groupe paramilitaire russe Wagner.


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L’amélioration de la situation reste toutefois très relative et les causes profondes de la crise restent à traiter. L’une d’elles est la marginalisation des régions périphériques. Traditionnellement délaissées par les élites banguissoises, ces zones restent largement dépourvues d’infrastructures et de services publics (routes, écoles, hôpitaux, etc.). C’est le cas notamment dans le nord-est, berceau de nombreux groupes armés, où se sont diffusés un sentiment d’abandon et l’impression que la violence est l’unique moyen de faire entendre ses revendications.

À la demande des groupes armés, l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en RCA de février 2019 reconnaissait d’ailleurs la nécessité de « corriger les inégalités qui affectent les communautés et les régions qui ont été lésées par le passé ».


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Développer les renouvelables pour lutter contre la marginalisation des périphéries

L’accès à l’électricité est un exemple frappant de la pauvreté du pays en infrastructures, mais aussi du caractère inéquitable de leur répartition. La RCA a l’un des taux d’électrification les plus bas du monde (17,6 %), mais il est encore bien plus faible en dehors de la capitale, notamment dans le nord-est, le nord-ouest ou le sud-est, où les infrastructures électriques sont quasi inexistantes.

Comme souligné dans le Plan national de développement 2024-2028, publié en septembre 2024, les renouvelables constituent un excellent outil pour renforcer l’accès à l’électricité sur l’ensemble du territoire, notamment à travers l’installation de réseaux locaux décentralisés.

Les principales sources d’énergie utilisées aujourd’hui dans le pays sont, elles, sources de problèmes : la déforestation dans le cas de la biomasse et un approvisionnement très incertain dans le cas du carburant (qui alimente les générateurs).

La RCA dispose déjà de sources d’énergie renouvelable grâce aux infrastructures hydroélectriques de Boali, opérationnelles depuis 1954, qui représentent près de la moitié du mix électrique national. Depuis 2023, plusieurs champs de panneaux solaires ont également vu le jour.

Mais les leviers d’amélioration demeurent très nombreux, tout particulièrement si l’on souhaite assurer un développement équilibré du point de vue géographique.

De nouveaux projets énergétiques – solaires et hydrauliques – sont envisagés dans la région de Bangui, dans le centre, dans l’ouest et dans le sud-ouest du pays. Il s’agit de régions où les besoins sont importants, car elles sont très peuplées, mais ce sont aussi celles qui sont déjà les mieux dotées. D’autres zones, comme le nord-est, qui bénéficie d’un fort ensoleillement et donc d’un potentiel élevé en énergie photovoltaïque, mériteraient une attention accrue.

TV5 Monde, 16 mars 2025.

Prioriser les régions traditionnellement délaissées permettrait de répondre aux revendications portées par les mouvements d’opposition, politiques comme armés. Surtout, l’accès à l’électricité permet de dynamiser l’activité, de créer de multiples opportunités pour les locaux et d’amorcer un cercle économique vertueux de nature à limiter les capacités de recrutement des groupes armés.

Étant donné que le nord-est héberge une partie importante de la minorité musulmane, déployer des installations dans cette zone contribuerait aussi à apaiser les tensions intercommunautaires et religieuses qui ont alimenté le conflit.

In fine, l’installation de renouvelables peut donc aider à lutter contre l’une des causes profondes du conflit : la marginalisation des périphéries.

Les multiples avantages d’une transition vers les énergies renouvelables

Comme dans les autres crises mentionnées précédemment, l’ONU peut jouer un rôle clé en faveur du déploiement des renouvelables, notamment à travers la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en RCA (Minusca).

En mettant en œuvre une transition vers les énergies vertes pour son propre approvisionnement, l’opération pourrait tout d’abord faire évoluer le mix électrique du pays dans son ensemble. Comptant près de 18 000 personnels, la Minusca consomme pas moins d’un cinquième du carburant et près d’un quart de l’électricité du pays.

Alors que son approvisionnement repose aujourd’hui sur les renouvelables à hauteur de 3 % seulement, la Minusca vise un triplement de ce taux d’ici à fin 2025 (8 à 9 %). Plusieurs bases ont été équipées de panneaux solaires, mais la marge de progression reste très importante si la mission souhaite atteindre l’objectif de 80 % fixé dans le plan d’action Climat 2020-2030, adopté par le secrétaire général de l’ONU en 2019.

Une transition vers les renouvelables présente des avantages opérationnels pour la Minusca. Presque entièrement dépendante de générateurs diesel, la mission fait face à des défis logistiques majeurs pour l’approvisionnement en carburant de ses nombreuses bases, particulièrement celles situées en zones instables et éloignées de la capitale. Limiter les besoins en matière de sécurisation de ses convois libérerait ainsi d’importants effectifs pour des tâches primordiales comme la protection des civils.


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Des infrastructures bénéficiant aux populations locales : un levier de consolidation de la paix pour la Minusca

Du fait de sa présence sur l’ensemble du territoire, la Minusca est dans une position unique pour déployer des infrastructures énergétiques au profit des populations locales, y compris dans les zones périphériques (et instables). Elle pourrait s’inspirer de l’exemple de Baidoa en Somalie, où l’ONU a financé l’installation de panneaux solaires alimentant la base locale et bénéficiant également aux populations environnantes.

En permettant le développement de services de base et de nouvelles activités économiques, ce projet a contribué à la consolidation de la paix au niveau local et au-delà. Les infrastructures installées représentent aussi un héritage positif que la mission peut laisser à son départ.

La capacité de la mission à initier ce genre de projets reste limitée par son mandat (protection des civils, appui au processus de paix et à la livraison de l’aide humanitaire, etc.) et ses ressources (financières et humaines, y compris un nombre réduit d’ingénieurs). Il est donc essentiel qu’elle collabore avec les autres partenaires internationaux, dont l’ensemble des agences des Nations unies, les institutions financières internationales et régionales, et les pays donateurs.

L’impact à long terme des renouvelables requiert aussi le développement d’une expertise locale afin d’assurer le maintien en état des infrastructures. En dépit de ces défis, ces énergies présentent aujourd’hui un potentiel sous-exploité et qu’il est important d’ajouter à la « boîte à outils » des gestionnaires de crise en RCA et au-delà.


Cet article a été coécrit avec Dave Mozersky, président et co-fondateur d’Energy Peace Partners.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

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10.08.2025 à 12:04

Chantier de l’A69 : rendre la nature malléable à notre volonté (humaine)

Rémy Conche, Docteur en sciences de gestion, Université Paris Dauphine – PSL

Le chantier de l’A69 représente une tentative de mettre le monde à notre disposition. Plus particulièrement deux de ses dimensions : l’espace, par l’ingénierie, et le temps, par la gestion de projet.
Texte intégral (1784 mots)
Greta Thunberg, venue soutenir les opposants à la construction de l’A69, qui relie Toulouse à Castres (10 février 2024). AgenceDyF/Shutterstock

Le chantier de l’A69 représente une énième tentative de « mettre le monde à notre disposition », de le rendre façonnable par la seule volonté humaine. Plus particulièrement deux de ses dimensions : l’espace, par l’ingénierie, et le temps, par la gestion de projet.


Le chantier controversé de l’A69, visant à créer une liaison autoroutière Toulouse-Castres, a repris ce mois de juillet. Le chantier avait été interrompu en février par le tribunal administratif de Toulouse qui avait annulé son autorisation environnementale. Le tribunal ne reconnaissait pas la « raison impérative d’intérêt public majeur » (RIIPM) qui permettait à cette opération de déroger à la réglementation relative aux espèces protégées.

En mars, la Cour d’appel administrative de Toulouse a décidé, à la suite de la saisine de l’État, de suspendre temporairement l’exécution de la décision de première instance. Le chantier pourra être finalisé avant que l’affaire ne trouve son dénouement juridique. En parallèle, un groupe de sénateurs de centre droit, mêlant l’Union centriste, Les Républicains (LR) et quelques indépendants, a déposé un projet de loi au Sénat. Celle-ci vise à valider les autorisations environnementales auparavant annulées. Ce texte retravaillé en commission mixte paritaire reste à voter.

En quelques chiffres, ce chantier vise à créer une autoroute 2x2 voies de 53 kilomètres et 200 ouvrages d’art pour un montant total estimé à 513 millions d’euros. L’autoroute sera ensuite exploitée dans le cadre d’une concession de cinquante-cinq ans. Les détracteurs de ce projet ont attiré l’attention du public sur son impact environnemental qui s’étendra sur 400 hectares et affectera 150 espèces protégées.

Mise à disposition du monde

L’enjeu ici n’est pas de juger de la pertinence de ce projet, sujet qui a déjà fait l’objet d’une multitude d’articles et de prises de parole. Mais plutôt de souligner en quoi celui-ci est révélateur de notre « rapport au monde » pour reprendre les termes du sociologue Hartmut Rosa. Dans son essai Rendre le monde indisponible, Rosa définit notre rapport au monde comme cherchant toujours la « mise à disposition » de ce dernier. Chacune de nos actions peut se comprendre comme une manière de « connaître », d’ atteindre », de « conquérir », de « dominer » ou d’« utiliser » le monde.

Le chantier de l’A69 illustre cette volonté de « mise à disposition », de rendre façonnable, malléable, la nature telle que l’être humain le souhaite. Dans le cadre du projet de loi visant à relancer les travaux de l’A69, le sénateur de Haute-Garonne Pierre Médevielle (groupe Les Indépendants, Républiques et Territoires, LIRT) a fustigé devant ses pairs les raisonnements « hors-sol » des détracteurs de l’A69. L’usage de cette expression dans ce contexte paraît surprenant, car ces derniers ont souligné les importants mouvements de terre que ce projet nécessitera : de l’ordre de 5 850 000 m3 de déblais et 5 330 000 m3 de remblais.

Ces raisonnements hors-sol attirent paradoxalement notre attention sur l’une des nombreuses mises à disposition opérées par ces travaux : celle du sol.

Mise à disposition des espaces

L’économiste et mathématicien Nelo Magalhães a montré, même s’il n’use pas ces concepts, dans Accumuler du béton, tracer des routes, une histoire environnementale des grandes infrastructures, comment l’A69 pouvait être appréhendée comme un projet de « mise à disposition » des espaces.

La mécanisation des travaux d’infrastructure a permis aux ingénieurs et projeteurs de réaliser des tracés faisant fi des reliefs qui doivent s’adapter aux infrastructures souhaitées. La stabilisation mécanique (c’est-à-dire, adjonction de matériaux de carrière) et chimique (c’est-à-dire, adjonction d’un liant hydraulique) ont permis la mise à disposition des sols. À cette mécanisation s’est ajoutée une « abstraction des sols ». La construction des autoroutes est pensée indépendamment de la qualité de ces derniers.

Cette volonté de « mettre à disposition » des reliefs, des sols et in fine des territoires (en les désenclavant) n’est pas sans conséquence. Hartmut Rosa parle du monde rendu disponible comme un monde qui se « dérobe » devient « illisible », « muet », à la fois « menacé et menaçant », et donc au bout du compte « constitutivement indisponible ».

Mise à disposition du temps

Les chantiers de construction, non seulement ceux de grandes infrastructures, mais aussi d’ouvrages beaucoup plus ordinaires comme des centres commerciaux, des bureaux ou des hôtels, ne dérogent pas à ce rapport au monde. Et la « mise à disposition » qu’ils opèrent ne se limite pas aux espaces. Elle se décline sur le temps.


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Cette mise à disposition s’opère au travers des principes de la gestion de projet, définie comme une discipline destinée à agir sur le temps. L’acteur projet se doit de veiller scrupuleusement au triptyque coût, qualité, délai, de Roger Atkinson. C’est bien la notion de délai qui fait du temps un élément central de cette pratique. Elle est a fortiori d’autant plus importante que la vitesse est considérée comme un atout déterminant dans un environnement économique toujours plus concurrentiel. L’évaluation de l’avancement dans le temps est une manière de surveiller ses marges.

La bonne gestion du temps est rendue possible par sa transformation en quantité, autrement appelée sa « fongibilisation » – qui se consomme par l’usage. La recherche s’accorde sur l’idée que la gestion de projet, comme discipline reposant sur des standards, comme ceux du PMBOK, s’appuie sur une conception « quantitative et objective du temps », selon la chercheuse Julie Delisle. Cette conception rend possibles d’innombrables pratiques très concrètes concourant à l’optimisation de son usage. Parmi les plus connues, on peut citer la réalisation de diagrammes de Gantt.

Mais de même que la « mise à disposition » des sols prétendument permise par leur stabilisation conduit à leur imperméabilisation et les rend finalement indisponibles pour des milliers d’années, la mise à disposition du temps « participe à l’accélération et à la pénurie de ce dernier », explique Julie Delisle. Quand bien même la gestion de projet n’a jamais été aussi raffinée dans les chantiers, ces derniers n’ont jamais connu autant de retards. Songeons notamment au chantier de l’EPR de Flamanville et à tant d’autres qui sont autant de preuves de l’inefficacité d’un rapport au temps de l’ordre de la « mise à disposition ».

De la « mise à disposition » au « faire avec »

Pour Nelo Magalhães dont nous évoquions les travaux plus haut, l’une des solutions les plus viables dans une optique environnementale est « l’écologie du démantèlement », c’est-à-dire « apprendre à hériter et à fermer ».

Pour notre part, il nous semble essentiel de porter attention à l’échelle micro, celle des acteurs, de leurs pratiques et de leurs interactions quotidiennes. Cette attention pourrait permettre non pas de « mettre à disposition », mais de « faire avec », c’est-à-dire d’« accepter certaines limites qui contraignent la satisfaction de nos désirs individuels de liberté ou de consommation », selon le professeur en littérature Yves Citton.

Il s’agirait non de s’imposer, mais de tenir compte de la multiplicité des temporalités dans un projet, ou de la multiplicité des acteurs, possiblement non humains, au sein d’un écosystème. Cette attention micro pourrait être le point de départ d’élaboration de pratiques relevant du « faire avec » aux conséquences à terme macro (à l'échelle de la société, des normes).

Certaines initiatives comme le Comprehensive Accounting in Respect of Ecology, dite la comptabilité CARE, relèvent selon nous d’une telle démarche. En tant que système comptable, cet outil influe sur les pratiques quotidiennes, dont les implications peuvent devenir à terme macro-économiques si son usage se diffuse. Ce qui rendrait impossibles certaines activités économiques ne tenant pas compte des enjeux environnementaux.

The Conversation

CONCHE Rémy est maître d'œuvre et responsable de la recherche au sein de l'entreprise CICAD, filiale du groupe INGEROP, un cabinet d'ingénierie du secteur de la construction.

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10.08.2025 à 11:39

La géothermie, plus écologique et économe que la climatisation classique pour rafraîchir

Benjamin Brigaud, Professeur en géologie et géothermie, Université Paris-Saclay

La géothermie aussi peut produire du froid, de manière beaucoup plus économe que les climatiseurs classiques et avec un impact écologique réduit, sans rejeter de chaleur en ville.
Texte intégral (2475 mots)

La géothermie évoque généralement la production de chaleur, mais elle peut également rafraîchir ou produire du froid. Et cela de manière beaucoup plus économe que les climatiseurs classiques et avec un impact écologique réduit. Non seulement il s’agit d’une solution bas carbone, mais elle ne rejette pas de chaleur dans l’air extérieur et ne contribue donc pas à l’effet d’îlot de chaleur urbain, à l’origine de la surchauffe des villes en période de canicule.


La vague de chaleur de fin juin et de début juillet 2025, où 38 °C ont été mesurés à Paris, rappelle que le refroidissement des bâtiments sera un enjeu crucial pour le confort et la sécurité de leurs occupants dans les prochaines années et décennies. Cela fait les beaux jours de la climatisation : en France, la fraction des ménages possédant un climatiseur est passée de 5 % en 2005 à 25 % en 2020.

Mais se tourner vers les climatiseurs pour refroidir nos bâtiments pose question : ces appareils consomment beaucoup d’électricité.

À l’échelle mondiale, le refroidissement représentait, en 2016, 18,5 % de la consommation totale d’électricité dans les bâtiments, contre 13 % seulement en 1990. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) table d’ailleurs sur une forte augmentation du nombre de climatiseurs à l’échelle mondiale, avec un taux d’équipement des ménages qui devrait passer de 30 % en 2016 à plus de 60 % en 2050. Elle anticipe également que la climatisation pourrait devenir l’un des principaux contributeurs de la demande mondiale d’électricité dans les prochaines décennies.

L’autre inconvénient des climatiseurs est que, pour produire du froid, ils rejettent de la chaleur à l’extérieur – ce qui contribue localement à la surchauffe urbaine.

À titre d’exemple, à Paris, les climatiseurs sont typiquement de petits équipements de ce type, de 6 à 70 kW par unité. Il a été démontré que leur utilisation pourrait augmenter de 0,5 à 2 °C la température à Paris en été, amplifiant ainsi l’effet d’îlot de chaleur urbain bien connu dans les villes. Lors des vagues de chaleur, ce microclimat sera d’autant plus exacerbé que le nombre de canicules par an va augmenter dans le futur, passant de neuf recensés à Paris entre 1960 et 1990 où la température maximale a atteint 38 °C, à potentiellement une par an à l’horizon 2100.

Une solution pour refroidir les bâtiments sans surchauffer l’air extérieur alentour serait de mobiliser la fraîcheur de notre sous-sol. La géothermie représente ainsi une piste sérieuse non seulement pour le chauffage à la saison froide, mais également pour le confort d’été.


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Une solution économique qui ne génère pas d’îlot de chaleur

À quelques mètres de profondeur, en France, le sous-sol se trouve à une température constante de 12 °C toute l’année. Puis en moyenne, la température augmente en fonction de la profondeur, d’environ 3,5 °C tous les 100 mètres. À 100 mètres de profondeur, cette température est donc de 15/16 °C, et à 200 mètres de profondeur, elle est d’environ 20 °C. À moins de 200 mètres, le sous-sol représente donc une source de fraîcheur, si on vise une température inférieure à 20 °C.

Cette fraîcheur est abondante, mobilisable quasiment partout sur notre territoire, et peut être ainsi produite localement. C’est une solution de refroidissement bas carbone et économe, non intermittente et quasiment inépuisable. La solution serait donc de mieux utiliser cette source de fraîcheur en été, et inversement, de chaleur en hiver.

Mobiliser la fraîcheur du sous-sol pour produire du froid et rafraîchir les bâtiments est une solution technique mature, déjà déployée un peu partout dans le monde. Elle consiste à transférer des calories du sous-sol aux bâtiments par l’intermédiaire d’un ou plusieurs forages de quelques mètres à une centaine de mètres de profondeur, alimentant une pompe à chaleur géothermique (PACg). Cette géothermie est appelée « géothermie de surface », avec des forages d’une profondeur inférieure à 200 mètres.

Comment fonctionne une pompe à chaleur géothermique ?

À l’heure actuelle, cette technologie est surtout utilisée pour le chauffage. Pourtant, si la PACg est réversible, elle permet également de produire du froid en été. Or, ce type de pompe à chaleur (PAC) est pour l’instant utilisée de manière négligeable en France.

Pour le chauffage par PACg, relevant de la géothermie de surface classique, deux techniques sont principalement mises en œuvre.

La première (illustration de droite sur le schéma ci-contre) consiste à capter de l’eau souterraine à environ 12 à 15 °C pour produire du chaud. Comme des calories sont prélevées dans cette eau pour le chauffage, de l’eau plus froide (d’une température comprise entre 5 et 10 °C) est alors réinjectée à la même profondeur dans un autre forage localisé à plusieurs dizaines de mètres. On parle alors de doublet géothermique sur nappe phréatique, c’est-à-dire utilisant l’eau souterraine.

La deuxième technique (illustration de gauche sur le schéma ci-dessus) est celle de la PACg sur sonde géothermique verticale. Elle consiste à placer dans un trou de forage, à une profondeur de quelques mètres à une centaine de mètres, une sonde géothermique. Celle-ci est généralement constituée d’un tube en U en polyéthylène haute densité et contenant un fluide caloporteur constitué d’eau glycolée. Comme le fluide caloporteur est réinjecté à une température d’environ 0 °C, le sous-sol se refroidit de quelques degrés en profondeur, typiquement de 3 °C à 1 mètre du forage, ce qui reste suffisant pour réchauffer le fluide caloporteur qui alimente la PACg.

Les deux techniques permettent toutes deux d’alimenter une PACg, dont le coefficient de performance (COP) est généralement de 4 à 5. C’est-à-dire que pour 1 kWh d’électricité consommé par la PACg, 4 à 5 kWh de chaud ou de froid seront restitués. C’est beaucoup plus efficace que de capter l’air chaud extérieur pour alimenter une PAC aérothermique (PACa) – c’est-à-dire, fonctionnant à l’air – pour produire du froid. De plus, la chaleur émise par la PACg est injectée dans le sous-sol, et non dans l’air extérieur comme avec une PACa, évitant de créer des îlots de chaleur urbains (ICU).

Une autre technique est celle du « géocooling ». La fraîcheur du sous-sol est alors directement utilisée dans les réseaux de ventilation et de refroidissement du bâtiment (plancher/plafond rafraîchissant, ventilo-convecteur, centrale de traitement de l’air…), sans alimenter de PACg. Il s’agit alors d’un rafraîchissement dit passif dans la mesure où il ne consomme quasiment pas d’électricité, hormis les pompes de circulation du fluide caloporteur dans le sous-sol et le bâtiment. Il se caractérise par des coefficients de performance imbattables : de 30 à 50 ! C’est-à-dire, pour 1 kWh consommé, 30 à 50 kWh de fraîcheur peuvent être restitués.


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Stocker de la chaleur dans le sous-sol pour l’hiver

Un autre avantage de la géothermie pour le refroidissement des bâtiments est que la chaleur évacuée dans le sous-sol en été par la PACg peut être bien utile quelques mois plus tard, à la saison froide. En effet, cela permet de réchauffer localement le sous-sol de quelques degrés autour des sondes, ou encore de réinjecter de l’eau plus chaude (jusqu’à 25 °C) directement dans l’aquifère, ce qui permet de stocker de la chaleur.

Comme il s’agit d’une pompe à chaleur réversible, on peut inverser le système entre l’été et l’hiver. On peut alors « récupérer » en été les calories perdues en hiver, ce qui permet d’augmenter le rendement annuel de l’installation géothermique.

Ce stockage de chaleur peut encore être amplifié par l’ajout de ressources supplémentaires, comme des panneaux solaires thermiques (l’eau chauffée peut être directement réinjectée dans les puits) ou photovoltaïques (l’électricité produite en excès la journée en été alimente alors une résistance qui chauffe de l’eau). Dans le cas de bâtiments industriels, on peut aussi récupérer la chaleur dite fatale, produite par les procédés industriels (par exemple, par les data centers) pour chauffer l’eau réinjectée dans les puits.

Il s’agit donc de réchauffer le sous-sol de manière active, soit en réinjectant l’eau chaude (à environ 40-50 °C) directement dans la nappe phréatique, soit dans le sous-sol via les sondes géothermiques. Cette géothermie « réversible », avec un couplage du chauffage en hiver et rafraîchissement en été, est le grand avantage de cette ressource, d’autant plus que ce couplage permet l’optimisation des systèmes de chauffage et de rafraîchissement.

Ambitions politiques et potentiel inexploité

Invité le 29 juin 2025 lors du Grand Jury RTL-Le Figaro-Public Sénat-M6, le premier ministre François Bayrou a rappelé que la géothermie permet de rafraîchir en économisant plus de 90 % de l’électricité. Lorsqu’il était haut-commissaire au plan, il avait lui-même reconnu l’intérêt de développer la géothermie de surface (à moins de 200 mètres de profondeur) pour chauffer et refroidir des bâtiments.

François Bayrou, premier ministre, invité du Grand Jury RTL-Le Figaro-Public Sénat-M6, le 29 juin 2025 (passage à 00:37:00).

Lors de sa visite au centre opérationnel de gestion des crises du ministère de l’intérieur le 1er juillet 2025, la ministre de la transition écologique Agnès Pannier-Runacher rappelait l’enjeu à rafraîchir sans renvoyer de la chaleur à l’extérieur.

Malgré son potentiel, la géothermie pour le chauffage (hors production d’électricité) n’a produit qu’un million de térajoules (TJ) en 2020, soit seulement 0,17 % de la production annuelle mondiale d’énergie, qui s’élevait à 580 millions de TJ. En France, la géothermie a produit 7 térawattheures (TWh) de chaleur en 2023 : 2,3 TWh pour la géothermie profonde et 4,7 TWh pour la géothermie de surface (utilisée pour les PACg)… soit 0,49 % des 1 420 TWh d’énergie produite en France en 2023.

Dans notre pays, les PACg ne représentent aujourd’hui que 2 % du parc des PAC. Le coût de leur installation peut être un frein : il représente le double de celui d’une chaudière à gaz. Mais une fois amorti, leur coût de fonctionnement est très faible, et même inférieur au coût d’exploitation d’une pompe à chaleur à air (PACa).

L’installation d’une PACg peut également s’avérer complexe, car elle nécessite de forer le sous-sol avant de mettre en place le système de chauffage et climatisation. Peu de professionnels maîtrisent cette technologie ou la proposent spontanément, elle est souvent mise en œuvre à l’initiative du propriétaire.

Il y a un vrai sujet sur comment développer la géothermie et la rendre plus incitative. Nul doute que les prochaines années seront charnières pour mieux développer la filière. Le 28 juillet 2025, le ministère de l’économie a présenté ses sept mesures pour accélérer le développement d’une énergie renouvelable et locale. Par exemple, simplifier les démarches administratives et améliorer la communication sur la géothermie.

Une autre des mesures vise également à réduire les délais de confidentialité de certaines données d’explorations géologiques : aujourd’hui, les entreprises qui font des forages pour étudier le sous-sol doivent garder leurs résultats confidentiels pendant 10 ans. Cela permettrait de les valoriser plus rapidement pour lancer de nouveaux projets de géothermie tout en réduisant les coûts d’exploitation.

The Conversation

Benjamin Brigaud est également membre de l'Institut universitaire de France (IUF). Il a reçu divers financements publics, de l’Université Paris-Saclay, de l'Institut universitaire de France et de l’Agence nationale de la recherche (ANR-22-EXSS-0011).

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