10.10.2025 à 21:17
(New York, 10 octobre 2025) – Microsoft devrait suspendre les contrats commerciaux qui contribuent à de graves violations des droits humains et à des crimes internationaux commis par l'armée israélienne et d'autres organismes gouvernementaux de ce pays, ont conjointement déclaré Human Rights Watch, Amnesty International, Access Now et trois autres organisations de défense des droits humains dans une lettre précédemment envoyée en privé à Microsoft et rendue publique aujourd'hui.
Début août 2025, une enquête menée conjointement par The Guardian et deux autres autres médias, +972 Magazine et Sikha Mekomit (Local Call), a révélé que l’agence israélienne de renseignement militaire « Unité 8200 » (« Unit 8200 ») utilisait les services cloud Azure de Microsoft pour stocker et traiter de nombreuses interceptions quotidiennes de communications téléphoniques de Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie. Le 25 septembre, Microsoft a annoncé avoir suspendu et désactivé certains abonnements et services précédemment fournis à l’armée israélienne, notamment en matière de technologies de stockage cloud et d'intelligence artificielle (IA), à la suite de son examen des allégations contenues dans l’article du Guardian.
« Microsoft a fait un premier pas important en restreignant la capacité d’une unité de l'armée israélienne à utiliser certaines technologies dans le cadre de sa répression contre les Palestiniens », a déclaré Deborah Brown, directrice adjointe du programme Technologies et droits humains à Human Rights Watch. « Microsoft devrait aussi revoir de manière exhaustive ses relations commerciales avec les autorités israéliennes, et prendre d’autres mesures afin de s'assurer que son infrastructure cloud, sa technologie d'IA, ses logiciels et matériels informatiques, ainsi que ses autres outils et services ne contribuent pas à l'extermination des Palestiniens et à d'autres violations graves commises par Israël. »
Microsoft a fait part de son intention de répondre à la lettre conjointe des six organisations vers la fin du mois d'octobre, après avoir achevé une enquête interne devant aboutir à ses propres recommandations.
Microsoft aurait de nombreuses raisons de renforcer sa diligence raisonnable (« due diligence ») en matière de droits humains dans le cadre de ses activités commerciales avec les autorités israéliennes, compte tenu de la longue durée de l'occupation et de la répression des Palestiniens par Israël ; cela fait plusieurs années que des rapports publiés par des organisations de défense des droits humains, les Nations Unies et des médias évoquent le risque que les entreprises technologiques contribuent aux violations, a observé Human Rights Watch.
Ainsi que l’ont montré de précédentes recherches menées par Human Rights Watch, l'utilisation par les forces israéliennes de systèmes basés sur les données et de technologies d'intelligence artificielle, notamment à des fins de surveillance et pour orienter les décisions militaires à Gaza, soulève de graves préoccupations au regard du droit de la guerre ; ces inquiétudes concernent en particulier le principe de distinction entre les cibles militaires et les civils, et la nécessité de prendre toutes les précautions possibles pour minimiser les dommages causés aux civils.
Human Rights Watch et cinq organisations partenaires ont transmis leur courrier à Microsoft le 26 septembre. Les six organisations ont indiqué que la décision de Microsoft de désactiver certains abonnements et services précédemment fournis à l’armée israélienne, en réponse à l'article du Guardian, était une mesure positive. Les organisations ont demandé à Microsoft d’aller plus loin en réexaminant tous ses contrats avec l'armée israélienne et d'autres autorités gouvernementales, afin de suspendre tout autre service ou la vente de produits susceptibles de contribuer à des violations des droits humains par ces entités, et, le cas échéant, à mettre fin aux relations commerciales dans de tels contextes.
Human Rights Watch a constaté que les autorités israéliennes ont commis ces dernières années des actes de nettoyage ethnique, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, notamment l'extermination, l'apartheid et la persécution, ainsi que des actes de génocide contre les Palestiniens, et ont bafoué des ordonnances contraignantes émises par la Cour internationale de justice (CIJ).
L'enquête menée par The Guardian et les deux autres médias a révélé que le système de surveillance de masse israélien, s’appuyant sur la technologie d’Azure, contient des millions d'enregistrements d'appels téléphoniques mobiles. Selon des sources anonymes au sein de l'Unité 8200, les autorités israéliennes ont utilisé ces données pour rechercher et identifier des cibles à bombarder à Gaza, en plus des outils basés sur l'intelligence artificielle utilisés pour ce ciblage. Les autorités israéliennes auraient également utilisé ces informations en Cisjordanie occupée pour « faire chanter des personnes, les placer en détention, voire justifier leur meurtre a posteriori ». Microsoft a indiqué que sa propre enquête, toujours en cours, a permis de recueillir « des éléments de preuve qui corroborent certains éléments de l’article du Guardian ».
La surveillance étendue et omniprésente de l'ensemble de la population palestinienne par Israël est bien documentée et a joué un rôle déterminant dans les crimes contre l'humanité d'apartheid et de persécution commis à l'encontre des Palestiniens. Les autorités israéliennes ont utilisé la surveillance de masse et l'extraction coercitive des données personnelles des Palestiniens pour permettre, faciliter et même accélérer la commission d'autres crimes internationaux, notamment des actes de génocide, des crimes contre l'humanité, y compris l'extermination, et des crimes de guerre, dont des frappes aériennes menées en violation des lois de la guerre.
Les attaques israéliennes contre Gaza ont entraîné la mort de plus de 67 000 Palestiniens, dont au moins 20 000 enfants, et détruit la majorité des écoles, hôpitaux, maisons et infrastructures civiles de ce territoire.
En vertu des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, que Microsoft approuve publiquement, les entreprises ont la responsabilité d'éviter de causer ou de contribuer à des violations des droits humains et de « prévenir les risques liés aux droits […] que présentent leurs activités et relations commerciales ». Dans les contextes de conflit, le risque de violations graves des droits humains est accru et, par conséquent, la « diligence raisonnable » des entreprises devrait être renforcée à cet égard.
À ce jour, Microsoft n'a pas révélé publiquement si l’entreprise a exercé une « diligence raisonnable » accrue en matière de droits à Gaza ou en Cisjordanie, ou cherché à mettre fin à tout lien éventuel avec des violations. Avant sa déclaration du 25 septembre, Microsoft n'avait fait aucun commentaire public sur sa décision de limiter ses relations commerciales avec les autorités israéliennes, compte tenu du risque d’implication dans des violations des droits humains. En mai 2025, une précédente étude commandée par Microsoft sur l'utilisation de ses produits par l'armée israélienne avait alors conclu qu'il n'y avait « à ce jour aucune preuve que les technologies Azure et IA de Microsoft aient été utilisées pour cibler ou nuire à des personnes dans le conflit à Gaza ».
Dans leur lettre conjointe, les six organisations ont soulevé des questions concernant la portée de l’actuelle étude menée par Microsoft, et l'application de ses propres politiques relatives à l'utilisation responsable des outils d’IA, dans le contexte du conflit qui était alors toujours en cours à Gaza.
« Il n'y a pas de temps à perdre : Microsoft devrait prendre des mesures décisives pour s'assurer que l’entreprise ne tire pas profit des graves violations des droits humains commises à l'encontre des Palestiniens », a conclu Deborah Brown.
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10.10.2025 à 21:15
Le 6 octobre, les autorités burkinabè ont libéré Rasmané Zinaba et Bassirou Badjo, deux membres du groupe OR de l’organisation de la société civile Balai Citoyen, qui avaient été enrôlés illégalement dans l’armée après avoir critiqué la junte militaire.
Leur libération est une évolution encourageante, non pas sans précédent, dans un pays où le gouvernement viole de plus en plus les droits humains depuis le coup d'État militaire de 2022. Mais elle rappelle également que d'autres détracteurs sont toujours en détention et que peu de choses empêche les autorités de continuer à abuser du décret de « mobilisation générale », une loi d'urgence extrêmement restrictive.
Ce décret, promulgué en avril 2023 dans le cadre d'un plan plus large de lutte contre les groupes armés islamistes, confère au président des pouvoirs étendus pour combattre l'insurrection, notamment en enrôlant des civils sans procédure régulière. La junte a utilisé cette loi pour réprimer l'opposition politique, les médias et les voix dissidentes, et pour enrôler illégalement des détracteurs, des journalistes, des activistes de la société civile, des procureurs et des juges.
En novembre 2023, les forces de sécurité burkinabè ont notifié Rasmané Zinaba et Bassirou Badjo, parmi une douzaine d'autres journalistes, activistes et membres de partis d'opposition, qu'ils allaient être enrôlés dans l’armée. En décembre 2023, un tribunal de Ouagadougou, la capitale, a jugé que les ordres concernant Rasmané Zinaba et Bassirou Badjo étaient illégaux et a ordonné aux autorités de suspendre ces ordres.
Les autorités ont néanmoins détenu arbitrairement les deux activistes en février 2024. Balai Citoyen a déposé une plainte auprès de la police, mais aucune suite n'a été donnée. En juin et juillet 2024, Rasmané Zinaba et Bassirou Badjo sont apparus dans deux vidéos diffusées à la télévision nationale, vêtus d'uniformes militaires, tenant des fusils d'assaut Kalachnikov et faisant l'éloge de l'armée.
Les gouvernements ont le droit de recruter des civils adultes pour la défense nationale, mais la conscription doit être effectuée de manière à informer les conscrits potentiels de la durée du service militaire, et à leur donner la possibilité de contester leur obligation de l’effectuer.
D'autres militants restent détenus sur la base d'accusations fabriquées de toutes pièces, notamment Guy Hervé Kam, éminent avocat et membre fondateur de Balai Citoyen. D'autres sont toujours portés disparus, comme le journaliste d'investigation Serge Oulon.
Les autorités burkinabè devraient libérer immédiatement et sans condition toutes les personnes détenues arbitrairement, et cesser d'utiliser la conscription pour réprimer les journalistes et les détracteurs de la junte.
10.10.2025 à 18:31
(Jérusalem) – Le gouvernement israélien et le Hamas se sont mis d’accord, le 9 octobre, sur la première phase du « Plan global pour mettre fin au conflit à Gaza » du gouvernement américain. Ce plan prévoit un cessez-le-feu, la libération des otages israéliens et d’autres à Gaza ainsi que des Palestiniens détenus en Israël, une augmentation de l’acheminement de l'aide humanitaire à Gaza et le retrait progressif de l'armée israélienne de certaines zones de Gaza.
Balkees Jarrah, directrice par intérim de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch, a fait à ce sujet la déclaration suivante :
L'annonce du cessez-le-feu du 9 octobre offre la perspective d'un répit dont ont désespérément besoin les civils palestiniens de Gaza qui depuis deux ans subissent des meurtres illégaux, la famine, les déplacements forcés et la destruction de leurs biens, ainsi que les otages israéliens et les détenus palestiniens et leurs familles.
Cependant, les Palestiniens de Gaza continueront de souffrir et de mourir tant qu’Israël maintiendra son blocus illégal de la bande de Gaza, notamment en restreignant l’accès des Nations Unies et d’autres organisations humanitaires chargées d’acheminer l’aide à grande échelle dont la population a désespérément besoin. Il est également essentiel qu’Israël assure le rétablissement immédiat des services de base tels que l’électricité, l’eau et les soins de santé, faute de quoi les Palestiniens continueront de mourir de malnutrition, de déshydratation et de maladies.
Ce n’est pas le moment de relâcher les efforts. Les gouvernements ne devraient pas attendre l’entrée en vigueur du plan américain pour prendre des mesures urgentes visant à prévenir de nouvelles violations des droits fondamentaux des Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie, notamment en imposant un embargo sur les armes au gouvernement israélien et des sanctions ciblées contre les responsables israéliens impliqués de manière crédible dans les abus en cours.
Les gouvernements devraient également réclamer justice pour les atrocités commises en toute impunité au cours des deux dernières années, notamment les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité perpétrés par le Hamas le 7 octobre et les jours suivants, ainsi que les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les actes de génocide commis par les autorités israéliennes à Gaza. De plus, ils devraient soutenir la Cour pénale internationale et s’attaquer aux causes profondes, notamment les crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution commis par Israël à l’encontre des Palestiniens.
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09.10.2025 à 06:00
Le 13 octobre, le tribunal d’Evry, en région parisienne, jugera Dilnur Reyhan, éminente universitaire et militante française ouïghoure, présidente de l'Institut ouïghour d'Europe, pour « dégradation de biens appartenant à autrui ».
Trois employés de l'ambassade de Chine à Paris ont porté plainte contre Dilnur Reyhan pour avoir participé à un acte de protestation contre le gouvernement chinois lors de la Fête de l’Humanité, en septembre 2022. Au cours du festival, elle aurait jeté de la peinture rouge sur un kakémono de l'ambassade, ce qui, selon l'un des plaignants, lui aurait coûté 25 euros pour le nettoyage de ses chaussures.
Le gouvernement chinois a affirmé que Dilnur Reyhan avait causé des « dommages matériels » et qu'il s'agissait d'une « attaque raciste », un chef d’accusation qui a ensuite été abandonné. Dilnur Reyhan protestait publiquement contre les crimes commis par le gouvernement chinois à l'encontre des Ouïghours dans le nord-ouest de la Chine, notamment des détentions et emprisonnements arbitraires de masse, des actes de torture, des disparitions forcées, une surveillance de masse, des persécutions culturelles et religieuses, la séparation des familles et le travail forcé. Human Rights Watch et d'autres organisations ont conclu que certains de ces actes constituaient des crimes contre l'humanité.
« Pour l'ambassade de Chine, l'objectif n'est pas de gagner ou de perdre le procès, mais de m'imposer un coût psychologique et financier [afin de] faire taire [mes] critiques », a déclaré Dilnur Reyhan lors d'une audience en mars. « Je ne devrais pas être poursuivie par les tribunaux français, mais plutôt protégée contre les tentatives de la Chine de me faire taire. »
Le procureur avait initialement rejeté la plainte du gouvernement chinois en 2023. Mais il l'a rouverte en appel un mois après la visite officielle du président chinois Xi Jinping en France en mai 2024 et les manifestations de centaines d'Ouïghours, de Tibétains et d'autres personnes. Une audience prévue en mars 2025 a été reportée au mois d'octobre, les représentants de l'ambassade chinoise et ses employés ne s’étant pas présentés.
Ces dernières années, le gouvernement chinois a intensifié son harcèlement à l'encontre de ses détracteurs à l'étranger et des membres de la diaspora, des abus commis au-delà des frontières chinoises appelés « répression transnationale ». Par exemple, en juillet, les autorités chinoises ont arrêté une étudiante chinoise, Tara Zhang Yadi, pour le crime grave d'« incitation au séparatisme », simplement parce qu'elle défendait les droits des Tibétains pendant ses études à Paris.
Toute personne en France devrait pouvoir manifester pacifiquement contre la Chine et d'autres gouvernements abusifs sans craindre d'être poursuivie pour cela. Les autorités françaises devraient abandonner les poursuites contre Dilnur Reyhan et plutôt se concentrer sur les violations des droits humains de la Chine.
08.10.2025 à 21:55
(Beyrouth) – Un tribunal tunisien a condamné un homme à mort la semaine dernière pour des publications pacifiques sur Facebook, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Cet homme a bénéficié d’une grâce présidentielle quelques jours plus tard, mais il s’agit-là d’un verdict sans précédent pour l’expression non violente d’opinions en Tunisie. Les autorités tunisiennes devraient cesser d’arrêter et de poursuivre en justice des personnes qui ne font que faire valoir leur droit à la liberté d’expression.
Selon sa famille, Saber Ben Chouchane, 51 ans, a été arrêté le 22 janvier 2024, alors qu’il se rendait à un rendez-vous médical. Le 1er octobre 2025, le Tribunal de première instance de Nabeul l’a condamné à mort à cause de ses publications sur Facebook. Ben Chouchane a été remis en liberté le 7 octobre, à la suite d’une grâce présidentielle accordée après que sa condamnation ait suscité l'indignation publique en Tunisie.
« La répression de la liberté d’expression par les autorités tunisiennes a atteint un niveau sans précédent avec cette condamnation à mort d’un citoyen ayant exprimé son mécontentement sur les réseaux sociaux », a déclaré Bassam Khawaja, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Même suivi d’une grâce présidentielle, ce verdict choquant transmet un message glaçant à tous les Tunisiens selon lequel aucune critique ne sera tolérée de la part de qui que ce soit, sous quelque forme que ce soit. »
Saber Ben Chouchane est père de trois enfants et vit dans le gouvernorat de Nabeul. Il a été maintenu en détention préventive dans l’attente d’un procès pendant une période supérieure aux 14 mois maximum autorisés par la loi tunisienne. Selon sa famille, il s’est vu priver de soins médicaux pendant sa détention, bien que souffrant d’une blessure antérieure à son arrestation qui nécessitait un suivi médical.
Saber Ben Chouchane a été déclaré coupable aux termes de l’article 72 du Code pénal, qui prévoit la peine de mort pour « tentative de changer la forme du gouvernement. » Il a également été reconnu coupable en vertu de l’article 67 pour avoir « offensé le chef de l’État », ainsi que de l'article 24 du Décret-loi 54 sur la cybercriminalité pour avoir « diffusé de fausses nouvelles », ont déclaré à Human Rights Watch ses avocats, Leila Haddad et Oussama Bouthelja. La chambre criminelle du tribunal de Nabeul, composée de cinq juges, a opté pour la sentence la plus sévère possible.
C’est la premier cas connu de peine de mort prononcée pour des faits d’expression pacifique en Tunisie, a déclaré Human Rights Watch.
Human Rights Watch a examiné les publications Facebook de Saber Ben Chouchane qui avaient été mises en ligne quelques jours avant son arrestation et a déterminé qu’elles constituent des formes d’expression pacifique, protégées par le droit international en matière de droits humains. Sur l’un d’eux, Ben Chouchane apparaît sur une photo prise lors d’une manifestation à Tunis, avec une pancarte appelant à la libération des prisonniers politiques. Il avait précédemment republié des messages appelant les Tunisiens à descendre dans la rue pour s’opposer à la « confiscation de la révolution », ainsi qu’un appel à une manifestation pour exiger la remise en liberté des prisonniers politiques à la date anniversaire de la révolution tunisienne de 2011.
À la suite du coup de force du président Kais Saied en juillet 2021, les autorités ont fortement accru leur répression de la dissidence. Elles ont restreint de plus en plus la liberté d’expression en poursuivant en justice et en emprisonnant de nombreuses personnes, notamment des utilisateurs de réseaux sociaux, des journalistes, des activistes et des avocats, pour leurs déclarations dans les médias ou en ligne.
Les autorités tunisiennes ont eu systématiquement recours aux détentions arbitraires pour les infractions relatives à la liberté d’expression, et ont en fait la pierre angulaire de leur politique répressive. Elles ont fait usage de chefs d’inculpation sans fondement relatifs à la sûreté de l’État et au terrorisme, y compris certains qui sont passibles de la peine de mort, pour cibler les opposants politiques et activistes, museler les personnes jugées critiques et priver les Tunisiens de leurs droits civils et politiques. Depuis 2022, Saied et son gouvernement ont aussi systématiquement sapé l’indépendance du système judiciaire, l’instrumentalisant pour emprisonner ou réduire au silence les critiques et opposants les plus en vue du président.
Au moins une douzaine de dissidents ont été jugés cette année sur la base d’accusations qui auraient pu leur valoir la peine de mort, et ont été condamnés à de lourdes peines de prison.
Bien que la Tunisie ait observé de facto un moratoire sur les exécutions depuis 1991, les tribunaux continuent de prononcer des peines capitales. Selon Amnesty International, les tribunaux tunisiens ont imposé plus de 12 peines de mort en 2024, portant le nombre total des personnes en Tunisie qui sont notoirement sous le coup d’une condamnation à mort à 148 à la fin de cette année-là.
Human Rights Watch s’oppose par principe à la peine de mort dans tous les pays et en toutes circonstances, car cette forme de punition est inhumaine, unique par sa cruauté et son caractère irréversible, et universellement entachée d’arbitraire, de préjugés et d’erreurs.
La Tunisie est un État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) des Nations Unies et à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui garantissent les droits aux libertés d’expression et de réunion, à un procès équitable et à être à l’abri de toute arrestation ou détention arbitraire.
« Une telle sentence totalement injustifiable est une réponse scandaleuse aux critiques pacifiques exprimées en ligne et ne sert qu’à discréditer davantage le système judiciaire tunisien », a conclu Bassam Khawaja. « Le fait que Saber Ben Chouchane ait reçu une grâce présidentielle presque immédiate démontre bien la nature extrême de la sentence, le degré de déconnexion des réalités auquel est parvenu le système judiciaire et combien ce verdict était embarrassant pour la Tunisie. »
08.10.2025 à 18:36
(Beyrouth) – Les humoristes ayant participé au Festival d’humour de Riyad (« Riyadh Comedy Festival 2025 »), en Arabie saoudite, n'ont pas saisi cette occasion pour appeler les autorités saoudiennes à libérer les dissidents, journalistes et défenseurs des droits humains injustement détenus, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Le site web du festival, qui a débuté le 26 septembre et s’achèvera le 9 octobre, souligne la participation de « plus de 50 légendes mondiales du stand-up ».
Peu avant l’ouverture du festival, Human Rights Watch avait appelé les humoristes y participant à demander la libération de Waleed Abu al-Khair, défenseur des droits humains emprisonné, et de Manahel al-Otaibi, professeure de fitness et militante des droits des femmes qui est également en prison. Aucun humoriste ne semble l'avoir fait publiquement.
« Human Rights Watch n'avait pas appelé les humoristes à boycotter le Festival de l'humour de Riyad, mais leur avait simplement demandé d'exprimer leur soutien à la liberté d'expression en appelant à la libération d’activistes saoudiens injustement emprisonnés », a déclaré Joey Shea, chercheuse sur l'Arabie saoudite à Human Rights Watch. « Aziz Ansari et d'autres humoristes ont généreusement proposé de reverser une partie de leurs cachets à des organisations de défense des droits humains comme Human Rights Watch ; nous ne pouvons pas accepter ces fonds, mais il n'est pas trop tard pour eux d'appeler à la libération des activistes saoudiens détenus. »
Le 6 octobre, en tant qu’invité de l'émission Jimmy Kimmel Live, Aziz Ansari a affirmé qu’il partageait les « préoccupations » soulevées par diverses personnes (à 9:01 de la vidéo) et a exprimé son intention de reverser une partie de son cachet à des organisations qui défendent « des causes qui soutiennent la liberté de la presse et les droits humains », citant Reporters sans frontières et Human Rights Watch. De même, l’humoriste Jessica Kirson, qui a également participé au festival de Riyad, a déclaré qu'elle reverserait l'intégralité de ses cachets à une organisation de défense des droits humains.
Le Festival de l'humour de Riyad s'inscrit dans la stratégie du gouvernement saoudien visant à blanchir son bilan déplorable en matière de droits humains, et les humoristes y participant avaient une certaine responsabilité d'éviter de redorer le blason du gouvernement. Le 19 septembre, Human Rights Watch avait écrit aux agents et manageurs de plusieurs humoristes ayant annoncé leur participation au festival, afin de proposer une réunion au sujet de la crise des droits humains en Arabie saoudite, mais n’avait toutefois reçu aucune réponse.
L’humoriste Louis C.K. a déclaré que les autorités saoudiennes lui avaient indiqué au préalable qu'il n'y avait que deux restrictions sur ce dont il pourrait parler sur scène : « leur religion et leur gouvernement ». Il a ajouté : « Je n'ai pas de blagues sur ces deux sujets. ».
Le 27 septembre, l’humoriste Atsuko Okatsuka a publié des captures d'écran montrant des extraits du contrat proposé pour se produire au festival, ajoutant qu’elle avait décliné cette proposition. D'après les captures d'écran, il était interdit aux artistes d’exprimer « tout contenu considéré comme dégradant, diffamatoire ou susceptible de jeter le discrédit » sur le Royaume d'Arabie saoudite, notamment par le biais de propos « méprisants, scandaleux, embarrassants ou prêtant au ridicule ». Les contenus concernant la famille royale saoudienne ou toute religion étaient également interdits.
Les artistes qui envisagent de se produire en Arabie saoudite devraient refuser toute clause contractuelle explicite ou implicite restreignant leur capacité à s'exprimer en public ou en privé au sujet d’abus, allant au-delà des exigences habituelles en matière de confidentialité, a déclaré Human Rights Watch.
« Il est plus facile de parler ici [en Arabie saoudite] qu'aux États-Unis », a déclaré Dave Chappelle lors de son spectacle à Riyad, le 27 septembre. Il n’a fait aucun commentaire public sur les violations des droits humains commises en Arabie saoudite.
L'humoriste Jessica Kirson a exprimé ses regrets quant à sa participation au festival de Riyad. « Cette décision pèse lourdement sur mon cœur depuis lors. Je tiens à exprimer mes sincères regrets de m’être produite sur scène, sous [la supervision d’]un gouvernement qui continue de violer les droits humains fondamentaux », a-t-elle affirmé. Elle a ajouté : « J'espérais que cela aiderait les personnes LGBTQ+ en Arabie saoudite à se sentir reconnues et valorisées. Je suis reconnaissante d'avoir pu faire cela. À ma connaissance, je suis la première humoriste ouvertement gay à en parler sur scène en Arabie saoudite. »
La création d'une industrie du divertissement par le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a été menée parallèlement à certaines avancées à l’égard des droits des femmes et des jeunes. Bien que ces changements soient importants et de grande envergure, ils ont également contribué à masquer les graves restrictions des droits civils et politiques depuis que « MBS » est devenu prince héritier en 2017, a déclaré Human Rights Watch. Alors même que certains médias internationaux saluaient l'émergence de cette industrie des loisirs, les autorités saoudiennes procédaient simultanément à des vagues d'arrestations arbitraires de dissidents, d’activistes, d'intellectuels et même de membres de la famille royale.
Le festival de Riyad s'est déroulé partiellement lors du septième anniversaire du meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, commis le 2 octobre 2018 au consulat saoudien d'Istanbul et commandité par l'État saoudien, et quelques mois après l'exécution par les autorités saoudiennes de Turki al-Jasser, éminent écrivain et journaliste saoudien, pour divers « crimes terroristes » le 14 juin. Le gouvernement a divulgué peu de détails sur la détention, le procès et l'exécution d'al-Jasser, et il semble qu'il ait été condamné à la peine capitale en raison de ses discours et commentaires pacifiques.
« Les humoristes qui se sont rendus à Riyad pourraient toujours appeler les autorités saoudiennes à libérer Manahel al-Otaibi et Waleed Abu al-Khair », a observé Joey Shea. « La pression publique exercée par ces célèbres artistes qui disent défendre la liberté d'expression pourrait contribuer à obtenir la remise en liberté de ces deux personnes. »
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06.10.2025 à 18:32
(Genève) — Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a adopté le 6 octobre une résolution historique créant un mécanisme indépendant chargé d’enquêter sur les violations des droits passées et en cours en Afghanistan, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. La résolution avise les talibans et tous les autres auteurs de crimes graves commis dans ce pays que des preuves de ces crimes sont recueillies et traitées, en vue de traduire les responsables en justice.
La résolution, soumise suite à une initiative de l’Union européenne, a été adoptée par consensus. Ce mécanisme devrait mettre l’accent sur les exactions commises par les talibans à l’encontre des femmes et des filles, qui constituent des actes de persécution fondée sur le sexe. Cet organe recueillera et préservera les preuves des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et d’autres violations graves des droits humains, identifiera leurs auteurs et préparera des dossiers qui pourront être utilisés pour étayer les poursuites judiciaires devant les tribunaux nationaux et internationaux. En outre, cette résolution proroge le mandat du rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme en Afghanistan, dont le suivi et les rapports, essentiels, complètent le travail du nouveau mécanisme.
« Les États membres du Conseil des droits de l’homme de l’ONU ont affirmé avec force leur détermination à faire en sorte que les auteurs des graves crimes internationaux commis en Afghanistan, aujourd’hui ou par le passé, soient un jour traduits en justice », a déclaré Fereshta Abbasi, chercheuse sur l’Afghanistan à Human Rights Watch « Il est essentiel que le nouveau mécanisme soit rapidement opérationnel afin qu’il puisse commencer à recueillir, préparer et préserver les preuves, et constituer des dossiers sur les auteurs de crimes internationaux en Afghanistan. »
La résolution constitue une réponse aux appels d’organisations afghanes et internationales de défense des droits humains à aborder le problème de l’impunité enracinée en Afghanistan. En août 2025, une coalition menée par HRD+, un réseau de défenseurs des droits humains afghan, avec le soutien de 108 organisations afghanes et internationales, a réémis un appel à instaurer le mécanisme d’enquête après quatre années de campagne. L’année précédente, des experts de l’ONU et des pays de diverses régions se sont joints à des groupes de la société civile pour exhorter l’UE à prendre cette mesure.
Le mécanisme d’enquête, conformément à son mandat et à la pratique de deux mécanismes similaires sur la Syrie et le Myanmar, devrait adopter une approche globale pour enquêter sur les crimes internationaux. Tous les individus responsables de l’application des édits et des politiques talibanes portant atteinte aux droits et violant le droit international, comme la loi sur la propagation de la vertu et la prévention du vice, feront l’objet d’une enquête, et les preuves seront recueillies, préservées et préparées en vue de poursuites futures.
Le mécanisme devrait permettre d’enquêter sur les actions des dirigeants talibans, des directeurs provinciaux, des gouverneurs et d’autres fonctionnaires responsables, par exemple, d’actes de torture et d’autres mauvais traitements infligés à des personnes en détention. Il visera également les fonctionnaires à l’origine des mesures privatives de droits pour les femmes et les filles, notamment en matière d’éducation, de soins de santé et de liberté de circulation, ce qui constitue une persécution fondée sur le sexe.
Le champ d’application du mécanisme d’enquête ne se limite pas aux abus commis par les talibans, mais couvre également ceux commis par des fonctionnaires de l’ancien gouvernement, des chefs de guerre, des membres des forces internationales, des groupes armés non étatiques et d’autres auteurs d’abus et de violations graves en Afghanistan.
« L’Union européenne a fait preuve d’un leadership de principe en proposant cette résolution en faveur d’un mécanisme d’enquête sur l’Afghanistan », a déclaré Fereshta Abbasi. « En adoptant cette résolution par consensus, les États membres du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies ont dénoncé avec force les doubles standards en matière de justice ou de hiérarchie des victimes, et ont démontré la détermination croissante de la communauté internationale à faire en sorte que les auteurs de crimes internationaux rendent compte de leurs actes. »
Le Secrétaire général des Nations Unies a été invité à rendre d’urgence le mécanisme d’enquête opérationnel, en faisant en sorte qu’il puisse commencer à travailler sur son mandat principal malgré la crise financière que traversent actuellement les Nations Unies. La création du mécanisme est particulièrement urgente en ce qui concerne les femmes et les filles, que le régime des talibans soumet à tant de restrictions chaque jour.
La Cour pénale internationale (CPI) a délivré des mandats d’arrêt à l’encontre de deux hauts responsables talibans accusés de persécution sexiste, un crime contre l’humanité. La résolution demande que le nouveau mécanisme coopère étroitement avec la CPI, notamment à la lumière des sanctions pesant sur les fonctionnaires des États-Unis, ainsi qu’avec les personnes cherchant à obtenir justice devant la Cour. Elle condamne en outre « les attaques et les menaces contre la Cour, les fonctionnaires élus, le personnel et ceux qui coopèrent avec la Cour ».
« Les membres du Conseil des droits de l’homme de l’ONU ont envoyé un message clair aux victimes, à leurs familles et à tous ceux qui luttent courageusement pour la justice en Afghanistan : leurs voix ont été entendues et leurs souffrances ne sont ni invisibles ni effaçables », a conclu Fereshta Abbasi. « Le Secrétaire général des Nations Unies devrait veiller à ce que le mécanisme d’enquête soit rapidement mis en place, et les États membres des Nations Unies devraient veiller à ce que des fonds soient mis à disposition pour que le mécanisme puisse commencer son travail ».
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Articles
Le Monde J. de Montréal Mediapart/AFP OLJ
Zonebourse/Reuters
06.10.2025 à 15:00
(La Haye) – La première condamnation par la Cour pénale internationale (CPI) d’un ancien chef de milice « janjawid » pour des crimes graves dans la région du Darfour, au Soudan, met en lumière la nécessité d’une action internationale pour garantir l’obligation de rendre des comptes pour les crimes commis dans tout le pays, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Le 6 octobre, les juges de la CPI ont reconnu Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman (également connu sous le nom d’Ali Kosheib) coupable de 27 chefs d’accusation impliquant des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis en 2003 et 2004 dans quatre villages – Kodoum, Bindisi, Mukjar et Deleig – du Darfour-Occidental. Les juges ont par ailleurs émis une décision fixant le calendrier de la procédure qui aboutira au prononcé de la peine.
« Cette condamnation prononcée par la CPI pour des crimes graves commis au Darfour était attendue depuis longtemps ; elle apporte aux victimes et aux communautés terrorisées par les janjawids la première opportunité de justice devant ce tribunal », a déclaré Liz Evenson, directrice du programme Justice internationale à Human Rights Watch. « Dans le contexte du conflit qui perdure au Soudan, engendrant de nouvelles générations de victimes et aggravant les souffrances des personnes ciblées par le passé, ce verdict devrait inciter les États à agir afin de faire progresser la justice par tous les moyens. »
Plusieurs autres affaires concernant des crimes commis au Darfour entre 2003 et 2008 ont été présentées devant la CPI. Elles sont le résultat d’une enquête qui avait fait suite à la saisine du Procureur de la Cour, en 2005, par le Conseil de sécurité des Nations Unies au sujet de la situation du Darfour.
Le gouvernement soudanais d’Omar el-Béchir avait mis en place les milices dites « janjawids », qui se tenaient aux côtés des forces gouvernementales, lors d’une contre-insurrection brutale contre les groupes rebelles, pour se livrer à une campagne de nettoyage ethnique systématique.
Cette campagne ciblait les civils des groupes ethniques Fur, Massalit et Zaghawa, au sein desquels t les rebelles recrutaient des combattants. À cette époque où le regard de la communauté internationale était rivé sur la région, la saisine de la part du Conseil de sécurité de l’ONU – première du genre – est venue valider le mandat essentiel de la Cour, deux ans seulement après qu’elle avait commencé à fonctionner.
Dans un rapport de 2005, Human Rights Watch avait appelé la CPI à enquêter sur Ali Kosheib pour ses crimes présumés commis dans le Darfour. Les juges de la CPI ont émis un premier mandat d’arrêt contre Ali Kosheib en 2007, mais il est resté en cavale pendant plus de dix ans. En 2013, Human Rights Watch a documenté son implication dans la destruction de la ville d’Abou Jaradil et des villages environnants dans le Darfour-Central. Un deuxième mandat de la CPI a été rendu public après qu’Ali Kosheib s’est rendu et a été placé sous la garde de la CPI en juin 2020.
Les juges ont reconnu Ali Kosheib coupable de chefs d’inculpation tels que le meurtre, le viol, la direction intentionnelle d’une attaque vers la population civile, le pillage, la destruction des biens d’un adversaire, le transfert forcé d’une population, l’atteinte à la dignité de la personne, la persécution, le traitement cruel et d’autres actes inhumains.
Ce verdict a été prononcé plus de deux ans après le début du conflit actuel au Soudan entre les Forces armées soudanaises (FAS) et les Forces de soutien rapide (FSR), un groupe paramilitaire né d’un effort du gouvernement visant à intégrer les janjawid dans une structure formelle.
Les deux camps ont commis des crimes de guerre, comme l’exécution de détenus et la mutilation de leurs cadavres, ainsi que d’autres graves violations du droit international humanitaire, notamment dans les États de Khartoum, du Darfour du Nord, d’Al-Djazirah, du Kordofan du Sud et du Kordofan-Occidental, a constaté Human Rights Watch.
Les FSR ont commis des crimes contre l’humanité, en particulier une campagne de nettoyage ethnique, dans le Darfour-Occidental en 2023, dirigée contre l’ethnie massalit et d’autres communautés non arabophones, ainsi que des violences sexuelles généralisées à Khartoum, la capitale, depuis 2023. Les FSR et leurs alliés ont par ailleurs violé des dizaines de femmes et de filles dans un contexte d’esclavage sexuel dans le Kordofan du Sud depuis septembre 2023.
Le bureau du Procureur de la CPI a indiqué en janvier 2025 qu’il prévoyait d’émettre des mandats d’arrêt fondés sur ses investigations actuelles sur les crimes commis depuis avril 2023 dans le Darfour-Occidental. Le mandat de la CPI demeure limité au Darfour, en vertu de la saisine du Conseil de sécurité.
La Mission indépendante d’établissement des faits pour le Soudan appuyée par l’ONU, ainsi que la Mission conjointe d’établissement des faits en République du Soudan de l’Union africaine, sont mandatées pour enquêter sur les violations commises actuellement au Soudan, mais sans l’autorité de lancer des poursuites judiciaires. Dans le conflit actuel, aucun organe international ne peut juger les crimes internationaux commis dans les régions autres que le Darfour.
Afin de ne pas laisser leurs auteurs impunis, les États devraient appuyer le travail actuel de la CPI, tout en soutenant des solutions judiciaires globales pilotées par le peuple soudanais afin de traiter des crimes commis depuis avril 2023, a déclaré Human Rights Watch. Il conviendrait notamment de chercher à étendre la juridiction de la CPI à l’ensemble du Soudan, d’œuvrer en faveur d’un mécanisme judiciaire internationalisé compétent pour le Soudan et d’encourager les procès qui pourraient se tenir devant les tribunaux d’autres pays en vertu du principe de compétence universelle.
Ce verdict intervient alors que la CPI fait face à de sérieuses menaces de parties opposées à la l’obligation de rendre des comptes pour des violations de droits, dont l’actuelle administration Trump aux États-Unis. Même si les États-Unis n’ont jamais adhéré à la Cour, ce pays s’est clairement positionné en faveur de l’enquête au Darfour, quelle que soit l’administration au pouvoir. Des membres éminents du Congrès ont applaudi le travail de la CPI au Darfour et les États-Unis ont apporté un soutien financier important aux efforts visant à documenter les crimes internationaux graves au Soudan.
L’administration Trump, s’efforçant d’entraver le travail de la Cour en Palestine, a infligé des sanctions aux responsables de la CPI, à une expert onusienne des droits humains et à trois groupes palestiniens de défense des droits humains. Ces sanctions menacent le travail de la Cour, y compris au Soudan, où les victimes attendent la justice depuis plus de vingt ans.
Le verdict contre Ali Kosheib est un rappel fondamental de l’importance de la CPI en tant que tribunal permanent de dernière instance, lorsque toutes les autres voies judiciaires sont bloquées, a déclaré Human Rights Watch.
Les États devraient fermement condamner les tentatives des États-Unis de nuire à la Cour, accentuer leur engagement à coopérer avec la CPI et à la soutenir – notamment en appliquant les mandats d’arrêt et en veillant à ce que la Cour dispose des financements nécessaires – et appeler à annuler le programme de sanctions américain.
Des habitants du Darfour, ainsi que des activistes du Soudan et de toute l’Afrique, ont longtemps plaidé en faveur de la reddition d’Ali Kosheib et des autres suspects de la CPI. Des communautés locales et des habitants du Darfour déplacés au Soudan ont manifesté pour réclamer qu’Ali Kosheib rende des comptes devant la justice et organisé des veillées en mémoire des victimes des agressions dont il était présumé coupable.
L’ancien président soudanais, Omar el-Béchir, et deux autres anciens hauts responsables soudanais recherchés par la CPI, dont Ahmed Haroun, qui était ministre d’État aux affaires humanitaires et gouverneur de l’État du Kordofan du Sud, n’ont toujours pas été remis à la CPI. Les autorités soudanaises devraient immédiatement remettre el-Béchir et les autres suspects à la CPI, a déclaré Human Rights Watch.
« Les deux parties au conflit au Soudan continuent à commettre dans tout le pays des atrocités qui sont alimentées par l’impunité généralisée et font des milliers de victimes », a conclu Liz Evenson. « Les pays membres de la CPI et les gouvernements soutenant la justice devraient exprimer clairement leur soutien à la CPI et s’engager publiquement à explorer tous les moyens de lutter contre l’impunité au Soudan, afin que les victimes des crimes d’aujourd’hui n’aient pas à attendre deux décennies pour obtenir justice. »
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Articles
Le Monde
06.10.2025 à 06:00
(Jérusalem) – Le « Plan global pour mettre fin au conflit à Gaza » du président des États-Unis, Donald Trump, annoncé le 29 septembre, ne peut se substituer aux mesures urgentes que devraient prendre d’autres États pour protéger les civils et soutenir la justice après deux ans de graves abus en Israël et en Palestine, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Ce plan en vingt points n’aborde pas directement les questions relatives aux droits humains, ni celle de l’obligation de rendre des comptes pour les graves crimes commis le 7 octobre 2023 et par la suite. Les autres gouvernements devraient prendre des mesures immédiates, dont des embargos sur les ventes d’armes, l’imposition de sanctions ciblées et l’appui à la Cour pénale internationale (CPI), conformément à leurs obligations juridiques internationales de prévenir et de faire cesser les violations commises par les parties au conflit, indépendamment de l’avancée ou non du plan Trump.
« Les deux années écoulées depuis le 7 octobre 2023 ont été marquées par un torrent apparemment incessant d’atrocités contre les civils, commises sans relâche et en toute impunité », a déclaré Omar Shakir, directeur pour Israël et la Palestine à Human Rights Watch. « Les autres gouvernements ne devraient pas attendre l’adoption du plan Trump, ni de tout autre plan, pour agir afin d’empêcher que les personnes les plus en danger ne subissent de nouvelles souffrances. »
Les crimes atroces commis en Israël et en Palestine au cours des deux dernières années ont eu des répercussions dévastatrices sur les civils : des milliers de personnes ont été tuées, mutilées, affamées, déplacées de force, illégalement retenues en otages ou placées en détention, des villes et des quartiers ont été rasés, et d’innombrables communautés et vies humaines ont été dévastées, a déclaré Human Rights Watch.
Au cours des attaques du 7 octobre 2023, des combattants du Hamas et d’autres groupes armés palestiniens ont abattu plusieurs centaines de civils, lors d’un festival de musique et à leurs domiciles, dans une vingtaine de communautés du sud d’Israël. Des centaines de civils ont été pris en otages et beaucoup sont toujours détenus, y compris des personnes affamées dans des tunnels. Dans son rapport de juillet 2024, Human Rights Watch a conclu que des groupes armés palestiniens avaient commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, y compris des meurtres et l’emprisonnement illégal de personnes.
Click to expand Image Des photos d'otages israéliens détenus à Gaza étaient exposées sur le sol lors d'une manifestation organisée par leurs familles à Tel Aviv, le 27 septembre 2025. © 2025 Jack Guez/AFP via Getty ImagesLes gouvernements ayant de l’influence sur le Hamas et les autres groupes armés palestiniens devraient faire pression pour obtenir la libération rapide des civils israéliens retenus en otages, un crime de guerre toujours en cours, a déclaré Human Rights Watch.
À Gaza, les forces israéliennes ont tué des dizaines de milliers de Palestiniens, pour la plupart des civils ; elles ont décimé des familles entières et tué chaque jour, en moyenne, l’équivalent de toute une classe d’enfants. Les opérations militaires à Gaza ont laissé la plus grande partie du territoire en ruine, rasant des quartiers et des villes entières et endommageant gravement – voire détruisant – la majorité des domiciles, des établissements scolaires, des hôpitaux et des infrastructures civiles. Les autorités israéliennes ont causé une famine, employant la privation de nourriture comme arme de guerre et forçant presque toute la population à se déplacer à plusieurs reprises.
Les Nations Unies, les organisations de défense des droits humains et les médias ont régulièrement publié des informations sur les actions des autorités israéliennes ayant gravement violé le droit international à Gaza. Human Rights Watch a documenté de nombreuses violations des lois de la guerre qui constituent des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, dont celui d’extermination, et des actes de génocide, ainsi que la violation d’ordonnances contraignantes de la Cour internationale de Justice.
En Cisjordanie, des centaines de Palestiniens ont été tués ou blessés, et des milliers d’autres ont été détenus, beaucoup sans jugement ni inculpation ; des dizaines de milliers d’habitants ont été déplacés, surtout par les forces israéliennes, mais aussi par des colons israéliens.
L’étendue des destructions à Gaza et les schémas des attaques ont démontré le dédain du gouvernement israélien vis-à-vis de ses obligations fondamentales en vertu du droit international. Le non-respect de ces normes a des répercussions qui vont bien au-delà d’Israël et de la Palestine. Si des États puissants ou leurs alliés bafouent le droit international humanitaire sans qu’il n’y ait de conséquences, ils portent atteinte à la crédibilité de tout le système juridique, et affaiblissent les protections pour les civils dans les conflits armés partout dans le monde, a déclaré Human Rights Watch.
Tous les États devraient agir pour prévenir de nouvelles atrocités et faire respecter l’universalité des droits humains. Ils devraient prendre des mesures pour faire cesser les abus en cours, appuyer des enquêtes crédibles et une véritable lutte contre l’impunité des responsables ; notamment les mesures suivantes :
Exhorter les autorités israéliennes à lever immédiatement et sans conditions les lourdes restrictions illégales qui entravent l’arrivée de l’aide humanitaire à Gaza.Exhorter le Hamas et les autres groupes armés palestiniens à libérer sans conditions tous les civils retenus en otages.Suspendre l’aide militaire et les transferts d’armes vers Israël, ainsi que vers le Hamas et les autres groupes armés palestiniens.Infliger des sanctions ciblées, notamment des interdictions de voyager et des gels des avoirs, aux responsables israéliens et aux autres personnes dont il est crédible de penser qu’elles sont impliquées dans les graves violations en cours.Suspendre les accords commerciaux préférentiels avec Israël et interdire le commerce avec les colonies illégales.Exprimer publiquement son soutien en faveur de la CPI et condamner fermement les tentatives d’intimider ses responsables et les personnes coopérant avec la Cour ou d’interférer avec son travail ; s’engager à soutenir l’application des mandats d’arrêts de la CPI.« La répression croissante sur le terrain, au cours des décennies où se succédaient divers “processus de paix”, devrait avoir clairement prouvé qu’il est insensé de compter uniquement sur des plans de paix pour mettre fin aux graves abus », a conclu Omar Shakir. « Les États devraient urgemment prendre des mesures concrètes pour protéger les plus de deux millions de Palestiniens de Gaza, ainsi que les otages israéliens. »
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03.10.2025 à 16:55
La situation effroyable à Gaza, où les civils palestiniens sont confrontés à l'extermination et au nettoyage ethnique par les forces israéliennes, a été au centre des débats lors de la semaine de haut niveau de l'Assemblée générale des Nations Unies (AGNU). Outre la reconnaissance de l'État palestinien, notamment par la France, le Royaume-Uni, l'Australie et le Canada, les États ont pris des engagements importants en matière de droits humains et de reddition des comptes, qui ont été adoptés à une large majorité par l'AGNU et doivent maintenant être respectés.
Le 29 septembre, le président américain Donald Trump a publié son « Plan global pour mettre fin au conflit à Gaza » en 20 points, qui fait l’impasse sur les droits humains et la justice. Mais, quoi qu’il en soit, les États ne devraient pas attendre l'adoption d'un plan de paix pour respecter leurs engagements en matière de droits. Ils devraient prendre des mesures immédiates, en utilisant leur influence en tant que parties à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, pour faire cesser l'escalade des atrocités du gouvernement israélien contre les Palestinien·ne·s en Cisjordanie et à Gaza.
Les gouvernements devraient suspendre les transferts d'armes vers Israël et leurs accords commerciaux préférentiels, interdire le commerce avec les colonies illégales et adopter des sanctions ciblées contre les dirigeants israéliens responsables de crimes contre les civils palestiniens.
Tous les gouvernements devraient faire en sorte que les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, notamment l'extermination, l'apartheid et la persécution, et les actes de génocide des autorités israéliennes ne restent pas impunis. Ils devraient également demander des comptes pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, notamment les meurtres et les emprisonnements illégaux, commis par des groupes armés palestiniens contre des Israélien·ne·s lors des attaques du 7 octobre 2023 et les prises d'otages.
Ils devraient se mobiliser pour la Cour pénale internationale (CPI), qui lutte contre l'impunité des crimes d’atrocité à l'échelle mondiale, et condamner et agir pour contrer les sanctions américaines contre les juges et les fonctionnaires de la CPI, des organisations palestiniennes renommées de défense des droits humains et une experte des Nations unies.
Les États ont approuvé la résolution de l'AGNU avant une conférence de haut niveau qui a marqué l'expiration du délai fixé à septembre 2025 pour que les États se conforment à un avis consultatif historique rendu en juillet 2024 par la Cour internationale de justice sur les conséquences juridiques des politiques et pratiques d'Israël dans le Territoire palestinien occupé.
Ce vote ne peut se limiter à un geste symbolique sans lendemain alors que les autorités israéliennes étendent leurs colonies illégales et continuent de déplacer et d'exterminer les Palestinien·ne·s. Le respect de leurs droits fondamentaux ne saurait dépendre de la conclusion d'un accord sur un plan de paix. Les Etats devraient agir d’urgence pour permettre la justice et en finir avec l’impunité.
02.10.2025 à 22:30
(Washington, 2 octobre 2025) – Les discours prononcés par le président des États-Unis Donald Trump et par le Secrétaire à la Défense Pete Hegseth devant des hauts responsables militaires le 30 septembre suscitent de graves inquiétudes quant à la volonté de l'administration de déployer des forces de combat lors de missions de maintien de l'ordre à l’intérieur du pays, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Si elles étaient mises en œuvre, ces propositions constitueraient une violation flagrante du droit américain et risqueraient d'entraîner des violations généralisées des droits humains.
Dans son discours prononcé à la base des Marines de Quantico, en Virginie, le président Trump a affirmé que l'armée américaine devrait être utilisée sur le territoire national pour faire face à une « guerre émanant de l’intérieur » (« a war from within »), ajoutant que les villes américaines pourraient servir ainsi de « terrains d'entraînement » pour les forces armées. Ce discours fait suite à l'utilisation illégale de la force létale par l'administration Trump contre des bateaux vénézuéliens, et a été prononcé quelques jours après la publication par la Maison Blanche d'un mémorandum sur la nécessité d'enquêter sur de présumés liens entre des organisations de la société civile et des « complots terroristes ».
« L'administration Trump affirme d'abord que l'armée devrait devenir plus létale tout en étant moins tenue de rendre des comptes, et menace ensuite de déployer des troupes dans des villes américaines dans une démonstration de force », a déclaré Tanya Greene, directrice du programme États-Unis à Human Rights Watch. « C'est une recette pour un désastre. »
Plusieurs lois américaines régissent la démarcation claire entre l'armée américaine et les forces de l'ordre nationales. La loi Posse Comitatus interdit le recours à l'armée ou à l'armée de l'air américaines pour faire respecter la loi nationale, sauf autorisation expresse du Congrès américain. L'administration Trump a néanmoins déployé des forces dans les villes américaines en s'appuyant sur un ensemble d'autorités contestées, notamment un mémorandum présidentiel visant à fédéraliser les unités de la Garde nationale et des arguments invoquant la nécessité de protéger les biens fédéraux ou les « fonctions fédérales ». La légalité de ces mesures a été vivement contestée.
Dans son discours, Pete Hegseth a évoqué sa volonté de mettre en place des mesures visant à parvenir à une « létalité maximale » de l’armée, à abaisser les normes en matière de fautes professionnelles et à modifier certaines règles d'engagement militaire qu’il a qualifiées de « politiquement correctes ». Qu'il mette ou non ces plans à exécution, un tel discours risque de créer un environnement propice aux violations des droits humains et rend la perspective d'un déploiement illégal sur le territoire national encore plus alarmante, a déclaré Human Rights Watch.
Si le droit international relatif aux droits humains n'interdit pas aux États d'utiliser l'armée dans le cadre de missions de maintien de l'ordre, les forces militaires sont généralement mal adaptées à cette tâche. Les normes internationales en matière de droits humains relatives au maintien de l'ordre mettent l'accent sur la retenue et le respect des droits humains, la force et les armes à feu ne pouvant être utilisées que dans des circonstances extrêmement limitées.
Les forces militaires sont principalement formées au combat, et non à l'application efficace de la loi dans le respect des droits, et ce décalage crée un risque inhérent de violations graves. Aux États-Unis, l'un des épisodes les plus traumatisants de la guerre du Vietnam s'est produit à l'université de Kent State, dans l'Ohio, en 1970, lorsque des soldats de la Garde nationale ont ouvert le feu sur des étudiants non armés, tuant quatre d'entre eux.
Human Rights Watch a documenté des violations dans plusieurs pays à travers le monde liées à l'utilisation des forces militaires pour réprimer la dissidence ou assumer des rôles de maintien de l'ordre. Les forces militaires du Zimbabwe ont utilisé une force excessive et meurtrière pour réprimer les manifestations nationales à la mi-janvier 2019. Au Mexique, les gouvernements successifs ont fait appel à l'armée pour lutter contre la criminalité, les soldats commettant des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées et des actes de torture.
Au Brésil, les forces militaires déployées pour faire respecter la loi ont commis des abus, notamment des meurtres et des actes de torture, qui n'ont pas fait l'objet d'enquêtes ni de sanctions appropriées. Le Myanmar, l'Égypte et la Thaïlande, entre autres, ont tous mené des répressions meurtrières contre des manifestations avec leurs forces militaires.
Le projet annoncé par Pete Hegseth visant à supprimer les plaintes anonymes et à restreindre la dissidence interne réduirait au silence les lanceurs d'alerte et les victimes de harcèlement, a déclaré Human Rights Watch. De telles mesures pourraient violer les protections prévues par la législation américaine et compromettre la capacité de personnes lésées à demander réparation.
Les responsables locaux et régionaux, en particulier les gouverneurs qui ont autorité sur les forces de la Garde nationale, devraient s'élever contre toute tentative visant à transformer l'armée en une force de police nationale, a déclaré Human Rights Watch. Les dirigeants des deux partis au Congrès devraient clairement indiquer qu'ils attendent de l'armée américaine qu'elle agisse selon les normes les plus élevées de professionnalisme. Les canaux de dénonciation devraient être protégés.
« L'administration Trump a inventé une série d'affabulations absurdes qui ont déjà eu de graves conséquences sur les droits humains depuis le début de son deuxième mandat », a conclu Tanya Greene. « Il n'y a aucune raison ni aucune justification légale pour une utilisation désastreuse des forces militaires sur le sol américain. »
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02.10.2025 à 22:25
Le 17 septembre, les autorités tchadiennes ont publié un décret visant à retirer la nationalité du blogueur Makaila Nguebla et du journaliste Charfadine Galmaye Saleh. Cette mesure marque une escalade inquiétante de la répression de la dissidence. En utilisant la citoyenneté comme une arme politique, le gouvernement viole non seulement le droit international, mais franchit également une ligne qui menace les droits de deux détracteurs importants, ainsi que les fondements mêmes de la vie civique au Tchad.
Makaila Nguebla et Charfadine Galmaye Saleh sont tous deux connus pour leurs critiques à l'égard du gouvernement tchadien. Le premier est un blogueur, activiste des droits humains et ancien conseiller du président en matière de droits humains. Le deuxième est rédacteur en chef de Tchad One, un important média en ligne. Les deux hommes sont actuellement en exil pour des raisons de sécurité. Faire d'eux des exemples en tentant de les déchoir de leur citoyenneté constitue non seulement une violation de leurs droits fondamentaux, mais crée également un climat de peur pour tous les dissidents locaux. Les journalistes, les militants et les citoyens ordinaires sont contraints de peser le pour et le contre entre leur droit à la liberté d'expression et la menace existentielle de perdre leur statut, leur identité et leur sécurité en tant que citoyens.
La Déclaration universelle des droits de l'homme stipule que toute personne a droit à une nationalité qui ne doit jamais être révoquée de manière arbitraire ou d'une manière qui conduirait à l'apatridie. Cette norme juridique est renforcée par plusieurs conventions internationales et régionales africaines auxquelles le Tchad est un État partie. Pourtant, le Tchad prétend faire exactement cela. La citoyenneté n'est pas simplement un passeport ou une classification bureaucratique. Il s'agit d'un statut juridique fondamental auquel sont attachés de nombreux droits civils et politiques. Sans citoyenneté, les individus perdent une source de protection essentielle et sont exposés à des violations des droits telles que la détention arbitraire, l'ingérence dans leur vie privée et familiale, l’interdiction d'accès à leur pays et d’autres privations.
Cette mesure a été annoncée alors que la situation des droits humains au Tchad continue de se détériorer : des dirigeants de l'opposition sont condamnés à de longues peines de prison, la société civile et les journalistes sont de plus en plus réprimés, les forces de sécurité sont accusées de commettre des actes de violence en toute impunité et le président continue de consolider son pouvoir. Alors que des tentatives étaient faites pour retirer leur citoyenneté à Makaila Nguebla et Charfadine Galmaye Saleh, l'Assemblée nationale a voté la suppression de la limitation du nombre de mandats présidentiels. Qui osera maintenant s'élever contre cette décision ?
Ce que le gouvernement espère gagner à court terme en bannissant deux détracteurs coûtera cher au pays en termes de légitimité et de stabilité. Lorsque la citoyenneté devient un pion entre les mains de ceux au pouvoir, l'État de droit s'effondre et, avec lui, les perspectives d'un Tchad plus démocratique et respectueux des droits humains.
01.10.2025 à 22:22
Le jugement prononcé le 30 septembre par un tribunal militaire congolais à l'encontre de l'ancien président Joseph Kabila, incluant sa condamnation à mort, met en évidence le fragile équilibre entre l’obligation de rendre des comptes et la stabilité politique en République démocratique du Congo. Ce procès, pour des chefs d'accusation allant de la trahison aux crimes de guerre, avait toutes les caractéristiques d'une vendetta politique, menaçant à la fois l'État de droit et l'avenir démocratique du pays.
Il est incontestable que la RD Congo a connu des violations catastrophiques des droits humains sous différents gouvernements successifs et que les anciens hauts fonctionnaires devraient répondre de leurs méfaits. Les forces de sécurité gouvernementales ont commis de nombreux abus pendant les 18 années au pouvoir de Joseph Kabila. Human Rights Watch et d'autres organisations ont appelé à plusieurs reprises à ce que justice soit rendue. Cependant, la reddition de comptes perd tout son sens lorsqu'elle se fait à travers des processus qui s'apparentent à des simulacres de procès.
Le tribunal militaire a jugé Joseph Kabila par contumace et sans la présence d’un avocat de la défense, en violation du droit à un procès équitable prévu par le droit international relatif aux droits humains. La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP), dans son interprétation de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, a déclaré que les tribunaux militaires « ne devraient en aucun cas avoir compétence sur les civils ».
Le moment choisi pour ce procès est également suspect. Joseph Kabila reste une figure majeure de la politique congolaise, et le président Félix Tshisekedi pourrait le considérer comme une menace politique alors que le gouvernement lutte contre le groupe armé M23 soutenu par le Rwanda, dans l'est de la RD Congo. Plus tôt cette année, après le retour de Joseph Kabila du territoire contrôlé par les rebelles et ses critiques publiques à l'égard du président congolais, les autorités ont tenté de faire taire le débat public sur l'ancien président.
Les poursuites judiciaires précipitées et d’une flagrante iniquité à l'encontre de Joseph Kabila ressemblent moins à une quête de justice qu'à une stratégie calculée visant à éliminer un adversaire politique, remettant en question l'intégrité de l'ensemble du système judiciaire congolais.
Cette question dépasse largement le cas de Joseph Kabila lui-même. Refuser à un ancien président une procédure équitable envoie un message effrayant, laissant entendre que d'autres opposants politiques pourraient subir le même traitement. Ce procès indique que le droit à un procès équitable est conditionnel, dispensable lorsqu'il dérange, sapant le principe même de l'égalité devant la loi.
Le jugement, dont la peine de mort, prononcé à l'encontre de Joseph Kabila met en évidence la nécessité pour la RD Congo de mettre en place des institutions suffisamment solides pour traduire en justice les responsables d'abus passés et présents, et de cesser d'utiliser les tribunaux pour régler des comptes politiques. En RD Congo, où les notions de stabilité et de réel progrès démocratique restent des aspirations, le procès de Joseph Kabila n'est pas un triomphe de la justice : c’est plutôt un signal d'alarme qui annonce une dérive autoritaire de plus en plus marquée.
01.10.2025 à 21:19
(New York) – Les coupures d’Internet infligées par les talibans portent gravement atteinte aux droits et aux moyens de subsistance des personnes de tout l’Afghanistan, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Ces interruptions, qui ont commencé mi-septembre 2025 et ont été étendues à l’ensemble du pays à la fin du mois, ont entravé l’accès aux services éducatifs, commerciaux, médiatiques et médicaux.
Des représentants des talibans ont affirmé qu’ils avaient décidé de couper Internet afin de prévenir les « comportements immoraux », en bloquant initialement les connexions par fibre optique dans plusieurs provinces du nord. Cette coupure s’est étendue à la capitale, Kaboul, le 29 septembre à 17 heures, avec la suspension aussi bien de la des connexions par fibre optique que via les réseaux de téléphonie mobile. Proton VPN a indiqué le 30 septembre qu’Internet était complètement coupé dans tout le pays.
« La décision des talibans de couper l’accès à Internet menace la subsistance de millions d’Afghans et les prive de leurs droits fondamentaux à l’éducation, aux soins médicaux et à l’information », a déclaré Fereshta Abbasi, chercheuse sur l’Afghanistan à Human Rights Watch. « Les talibans devraient abandonner leurs argumentations infondées et cesser de couper Internet. »
Lorsque le black-out a commencé à Kaboul, les entreprises ont rapporté des perturbations, tandis que les vols en direction et en provenance de Kaboul étaient annulés, ont rapporté les médias.
Les élèves et étudiant·e·s accédant à l’éducation via Internet – en particulier les filles et les femmes déjà privées d’enseignement secondaire et supérieur par les politiques des talibans qui les bannissent largement de l’éducation – se sont rendu compte qu’il leur était impossible de se connecter aux cours. Le 29 septembre, une personne enseignant dans un cursus universitaire en ligne a confié à Human Rights Watch que sur 28 étudiant·e·s suivant ces cours, dont 18 femmes en Afghanistan, seulement neuf avaient pu y assister.
Les coupures isolent encore davantage les femmes et les filles en venant rompre un des derniers moyens qui leur reste pour apprendre, travailler en ligne, accéder à l’information et à tous les services qui dépendent d’une connectivité numérique. Des activistes ont témoigné que ce blocage portait atteinte à leurs efforts pour soutenir leurs communautés, sachant que les initiatives dirigées par des femmes et les services destinés aux femmes et aux filles étaient particulièrement affectés.
Des journalistes couvrant l’Afghanistan ont rapporté qu’ils ne pouvaient plus passer d’appels locaux et internationaux, car la coupure affectait autant les réseaux mobiles que la fibre, y compris les plateformes comme WhatsApp et Signal. Il est même difficile de documenter l’impact de la coupure, puisqu’il est impossible de joindre qui que ce soit à l’intérieur du pays tant qu’Internet et les téléphones sont hors service.
Les organisations d’aide humanitaire ont déclaré que le black-out freinerait leurs interventions en Afghanistan, qui dépendent de la connectivité Internet pour joindre les personnes, se coordonner et apporter l’aide. Indrika Ratwatte, le coordonnateur humanitaire des Nations Unies en Afghanistan, a déclaré que les coupures affectaient le travail quotidien et l’apport d’aides vitales : « C’est une nouvelle crise qui vient s’ajouter aux crises existantes ; et ce sont les vies des Afghan·e·s qui seront impactées. »
L’accès à Internet est largement reconnu comme un facteur indispensable facilitant la réalisation de divers droits humains. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a rapporté les effets dramatiques des coupures d’Internet, notamment l’impact sur la liberté d’expression, la participation politique, la sûreté publique, l’éducation, le travail et la santé, ainsi que l’exacerbation d’inégalités sociales, économiques et de genre préexistantes. Les coupures restreignent encore davantage l’accès des femmes et des filles à des aides et des informations cruciales, notamment les services médicaux d’urgence. Le HCDH et le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies ont appelé les gouvernements à se garder d’imposer de telles coupures.
« Les Afghan·e·s étaient déjà coupé·e·s du monde extérieur, mais à présent elles et ils sont complètement isolé·e·s », a conclu Fereshta Abbasi. « Plus les coupures d’Internet par les talibans durent, plus les conséquences seront nocives pour la population et pour le pays. »
01.10.2025 à 18:54
Mardi, l'ancien Premier ministre Moussa Mara se tenait calmement debout au tribunal de Bamako, la capitale du Mali, tandis que les juges rejetaient la demande de mise en liberté provisoire déposée par ses avocats. Le parquet a plutôt requis une peine de deux ans de prison, une mesure qui résume la répression menée par la junte militaire contre l'opposition politique et la dissidence.
Les forces de sécurité ont arrêté Moussa Mara, premier ministre pendant huit mois entre 2014 et 2015, le 1er août, à la suite d'un message qu'il avait publié sur les réseaux sociaux exprimant sa solidarité avec des prisonniers politiques maliens et promettant de leur rendre justice.
Les autorités ont accusé Moussa Mara d'avoir porté atteinte au crédit de l'État, d'opposition à l'autorité légitime, d'incitation au trouble à l’ordre public et de publication et diffusion de fausses nouvelles. Son procès s'est ouvert le 29 septembre devant un tribunal de lutte contre la cybercriminalité et le verdict est attendu pour le 27 octobre. De sérieuses inquiétudes subsistent quant à l'équité de son procès.
Les accusations semblent à première vue violer le droit à la liberté d'expression. « Ces accusations n'ont rien à voir avec le message publié par Mara sur X », a déclaré un membre de son équipe de défense. « Il s'agit d'un procès contre le droit à la liberté d'expression », a ajouté le bâtonnier Mounkaïla Yayé, un autre membre de l'équipe de la défense de Moussa Mara. « Cela peut créer un précédent dangereux. »
Depuis son arrivée au pouvoir lors d’un coup d'État en 2021, la junte militaire dirigée par le général Assimi Goïta a réprimé l'opposition politique et l'espace civique et médiatique au Mali, interdisant tous les partis politiques et intimidant, emprisonnant ou faisant disparaître de force des journalistes et des activistes des droits humains. Le général Goïta a consolidé son pouvoir sans tenir d’élections, retardant le retour à un régime civil démocratique.
La junte a également ignoré les appels à tenir les auteurs d’abus responsables de leurs actes, et n'a pas respecté ses obligations juridiques internationales d'enquêter sur les violations graves des droits commises par les forces de sécurité et de traduire les responsables en justice. En janvier, le Mali, ainsi que le Burkina Faso et le Niger, ont officiellement quitté la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), privant ainsi leurs citoyens de la possibilité de réclamer justice pour des violations des droits humains devant la Cour de justice de la CEDEAO. En septembre, ces trois pays ont également annoncé leur intention de se retirer du traité de la Cour pénale internationale, une décision qui compromettra aussi l'accès à la justice pour les victimes d’atrocités de masse.
L'arrestation de Moussa Mara montre que même exprimer sa solidarité avec les personnes réprimées est maintenant interdit au Mali. Elle montre également l'intolérance de la junte à l'égard de toute dissidence. Les autorités maliennes devraient immédiatement abandonner toutes les charges retenues contre Moussa Mara et le libérer, relâcher aussi tous les autres prisonniers détenus arbitrairement, et respecter le droit à la liberté d'expression.
30.09.2025 à 21:57
La semaine dernière, les talibans ont ordonné l'interdiction d'Internet dans plusieurs provinces du nord de l'Afghanistan. Le 30 septembre, ils ont complètement coupé l'accès à Internet, tant mobile que par fibre optique, dans tout le pays.
Les talibans affirment que cette interdiction vise à « prévenir l'immoralité ». En Afghanistan, les autorités utilisent depuis longtemps le prétexte de la « moralité » comme un outil d'oppression appliqué principalement envers les femmes et les filles, qui sont traditionnellement considérées comme les garantes de la dignité, de la fierté et de l'honneur de leur famille. Les femmes et les filles afghanes ont été définies essentiellement dans le cadre de leur relation aux hommes : en tant que mère, sœur, épouse ou fille d'un homme. Lorsque les talibans parlent d'« immoralité », cela signifie souvent pour eux une « immoralité » causée, perçue ou encouragée par les femmes, ou parfois la corruption de certains hommes provoquée par des femmes.
L'interdiction d'Internet est un nouveau moyen pour les talibans de contrôler les femmes et les filles. Depuis leur prise de contrôle de l'Afghanistan en août 2021, les talibans ont déjà sévèrement restreint l’accès des femmes aux espaces physiques ou elles pourraient exprimer une résistance, qu’il s’agisse des rues, des universités ou des lieux de travail.
En conséquence, les femmes qui ont accès à Internet s'en servent pour résister à ce que de nombreux experts appellent « l'apartheid de genre » imposé par les talibans. Les militantes utilisent Internet pour documenter les abus et entrer en contact avec d’autres activistes à l'étranger, alors que la communauté internationale accorde moins d’attention aux abus.
L’Internet offre également aux filles et aux femmes un moyen de poursuivre leur éducation, les talibans leur ayant interdit de poursuivre leur scolarité au-delà de la sixième année. Pour beaucoup d’entre elles, la perte d’accès aux cours en ligne est une source d'immense détresse. Les organisations qui proposent des cours en ligne craignent que les élèves et étudiantes afghanes ne perdent ainsi leur dernier moyen d'accéder à l'éducation, et de maintenir un contact avec le monde extérieur.
Une amie que j’ai connue au lycée, « Meena » (pseudonyme), gérait jusqu’à récemment un site de vente de vêtements en ligne en Afghanistan. « Les talibans imposeraient un apartheid numérique de genre, s'ils trouvaient un moyen de couper l'accès à Internet uniquement pour les femmes », m'a-t-elle dit la semaine dernière. Meena a ajouté que la perte d'accès à Internet lui ferait perdre des sources de revenus essentielles, nuirait à son autonomie et à son identité, et couperait ses liens avec d’autres personnes en Afghanistan, ainsi qu’à l'étranger.
Je n'ai pas réussi à joindre à nouveau Meena depuis que les talibans ont complètement déconnecté le pays.
Les coupures d’Internet imposées par les talibans ne visent pas seulement à contrôler politiquement la société afghane ; elles reflètent également un acte délibéré d'autoritarisme patriarcal. Elles nuisent aux femmes et aux filles qui étaient déjà systématiquement réduites au silence, sapant davantage encore leur capacité à étudier ou à percevoir un revenu ; elles ébranlent leur sentiment d'identité et d'appartenance à une communauté, et toute possibilité de mobiliser la résistance féministe.
Les talibans devraient d’urgence de lever leur interdiction d’Internet, qui constitue lien vital des Afghanes avec le monde extérieur.
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29.09.2025 à 17:54
(Berlin, 29 septembre 2025) – Les autorités tadjikes ont injustement emprisonné un avocat défenseur des droits humains pendant 10 ans pour avoir exercé ses droits fondamentaux, ont déclaré aujourd'hui 11 organisations. Buzurgmehr Yorov purge une peine de 23 ans de prison pour avoir représenté des leaders de l'opposition politique.
Les autorités tadjikes devraient annuler la condamnation de Buzurgmehr Yorov et la peine prononcée contre lui, et le libérer immédiatement. Elles devraient également libérer tous les autres prisonniers, y compris d’autres avocats, qui sont détenus de manière arbitraire et injustifiée pour avoir exercé pacifiquement leurs droits.
Âgé de 54 ans, Buzurgmehr Yorov s'est forgé au Tadjikistan une réputation d'intrépide avocat des droits humains après avoir accepté de défendre des personnes poursuivies par le gouvernement sur la base de motifs politiques, dans le cadre d’affaires médiatisées. Début septembre 2015, Yorov avait commencé à représenter plusieurs membres du Parti de la renaissance islamique du Tadjikistan. Ce parti était l'un des rares partis d'opposition officiellement enregistrés dans le pays, mais il a été qualifié d'« organisation terroriste » et interdit en septembre 2015.
Le 28 septembre 2015, la police a arrêté Buzurgmehr Yorov, et a effectué sans mandat une perquisition de son cabinet d'avocat et de son domicile ; il a ensuite été inculpé de falsification, de fraude, d'« incitation à l'hostilité nationale, raciale, locale ou religieuse » et d'extrémisme. Ces accusations semblent avoir été motivées par une interview accordée par Yorov peu avant son arrestation, dans laquelle il déclarait qu'un de ses clients avait affirmé avoir été torturé pendant sa détention provisoire, et appelait une coalition d'avocats à se joindre à lui pour défendre les membres détenus du Parti de la renaissance islamique.
Buzurgmehr Yorov a été maintenu en détention provisoire pendant huit mois, lors desquels il a été battu et détenu à l'isolement. Le 6 octobre 2016, à l'issue d'un procès entaché de violations des règles de procédure régulière, il a été condamné à 23 ans de prison. À deux reprises, en 2019 et 2021, sa peine a été réduite dans le cadre d'amnisties générales. Cependant, les autorités ont ensuite porté de nouvelles accusations fallacieuses contre lui, la dernière fois en juillet 2023. Les condamnations qui ont suivi ont à nouveau prolongé sa peine et repoussé sa date de libération prévue à septembre 2043 ; il aura alors 72 ans.
Tout comme le premier procès de Buzurgmehr Yorov, les procès qui ont suivi ont été entachés de nombreuses violations des règles de procédure régulière, notamment l'interdiction de communiquer librement avec son avocat afin d’être correctement représenté, ou de présenter sa propre défense.
Buzurgmehr Yorov a été gravement maltraité en prison, notamment par des actes de torture, et a été détenu au secret. Les autorités ont restreint les visites de sa femme, et auraient fait pression sur sa famille pour qu'elle s’abstienne d’actions exigeant sa libération. En mai 2019, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a publié un avis déclarant que la détention et le traitement de Yorov par le Tadjikistan violaient le droit international, et appelant à le « libérer immédiatement ». Cependant, Buzurgmehr Yorov demeure en prison.
La détention et les mauvais traitements infligés à Buzurgmehr Yorov s’inscrivent dans le cadre d'une crise des droits humains au Tadjikistan. Sous le régime du président Emomali Rahmon, au pouvoir depuis plusieurs décennies, l'état de droit a été affaibli dans le pays et les autorités ont accru leur répression. Ce déclin s'est accéléré après novembre 2021, lorsque les autorités ont lancé une campagne violente pour réprimer les manifestations dans la région autonome du Gorno-Badakhshan, agissant contre la société civile et supprimant les médias indépendants dans cette région.
Au cours des dernières années, des dizaines d'avocats, d’activistes civiques, de journalistes, de leaders communautaires et d'autres personnes ont été arrêtés et persécutés au Tadjikistan sur la base de motifs politiques ; parmi ces personnes figurentles journalistes Ulfatkhonim Mamadshoeva, Mamadsulton Mavlonazarov et Ruhshona Khakimova, ainsi que le défenseur des droits humains Manuchehr Kholiknazarov.
Les autorités tadjikes devraient libérer Buzurgmehr Yorov ainsi que tous les autres prisonniers incarcérés pour des motifs politiques, immédiatement et sans condition. Le gouvernement devrait respecter ses obligations en vertu du droit international, selon lesquelles il devrait protéger la capacité de chaque personne à exercer librement et pacifiquement ses droits humains.
Les partenaires internationaux du Tadjikistan, dans le cadre de leurs liens diplomatiques bilatéraux et multilatéraux avec ce pays, devraient soulever le cas de Buzurgmehr Yorov et insister sur sa libération.
Organisations signataires
Amnesty InternationalAramintaCIVICUS : World Alliance for Citizen Participation (Alliance mondiale pour la participation citoyenne)Civil Rights Defenders (Défenseurs des droits civils)Freedom NowHelsinki Foundation for Human Rights (HFHR - Fondation Helsinki pour les droits de humains)Human Rights WatchInternational Bar Association’s Human Rights Institute (IBAHRI - Institut des droits humains de l'Association internationale du barreauInternational Partnership for Human Rights (Partenariat international pour les droits humains)Lawyers for Lawyers (L4L -Avocats pour avocats)Norwegian Helsinki Committee (Comité norvégien d'Helsinki)…………………..
29.09.2025 à 09:00
(Nairobi) – Le gouvernement tanzanien a intensifié sa répression politique, ce qui suscite de graves inquiétudes quant à la transparence et à la régularité des élections générales prévues le 29 octobre, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Les autorités ont exercé leur répression contre des opposants politiques et des personnes ayant critiqué le parti au pouvoir, muselé les médias et ont failli à leur devoir de garantir l’indépendance de la commission électorale.
« Les autorités tanzaniennes devraient prendre des mesures immédiates pour protéger l’intégrité des élections du 29 octobre, dont la transparence est gravement menacée », a déclaré Nomathamsanqa Masiko-Mpaka, chercheuse auprès de la division Afrique à Human Rights Watch. « Elles devraient cesser de museler les voix dissidentes et les médias, et entreprendre des réformes significatives permettant la tenue d’élections libres, justes et crédibles. »
De juillet à septembre 2025, Human Rights Watch a mené des entretiens par téléphone ou en personne avec 24 personnes – 16 activistes de la société civile, avocats, leaders religieux, universitaires, journalistes et membres de partis d’opposition, ainsi que 8 victimes de violations –en Tanzanie continentale et dans l’archipel de Zanzibar. Le 19 septembre, Human Rights Watch a transmis à la Police tanzanienne, à la Commission électorale nationale indépendante, à l’Autorité de régulation des communications et au ministère tanzanien des Affaires étrangères des courriers résumant ses conclusions et sollicitant davantage d’informations, mais n’a reçu aucune réponse à ce jour.
« Le droit à la vie des personnes qui expriment des opinions différentes de celles du gouvernement est menacé », a déclaré à Human Rights Watch un leader religieux, qui a affirmé avoir été agressé en raison de son activisme. « Les gens devraient pouvoir critiquer le gouvernement. Cela ne devrait pas mettre leur vie en danger. Il y a des enlèvements, des disparitions et des meurtres inexpliqués. Et on ne peut pas obtenir d’explications de la part du gouvernement. »
Human Rights Watch a documenté 10 cas d’agressions, de harcèlement, d’enlèvement et de torture à motivation politique, ainsi que l’impact des restrictions sévères imposées aux médias traditionnels et aux réseaux sociaux.
Dans l’un de ces cas, le 2 mai, des individus non identifiés ont agressé et enlevé Mpaluka Nyagali (surnommé « Mdude »), un activiste de l’opposition bien connu ; cela s’est passé à son domicile à Mbeya, dans le sud-ouest de la Tanzanie, ainsi que l’a expliqué sa femme aux médias. Le 9 juillet, la Haute Cour de Mbeya a rejeté la requête en habeas corpus (recours judiciaire contestant la légalité d’une détention) déposée par sa femme ; aucune information sur le sort de Mdude n’a été divulguée. La police a nié toute implication dans son enlèvement.
Le 16 juin, à Dar es Salaam, des agresseurs non identifiés ont frappé Japhet Matarra, un activiste ayant souvent critiqué le gouvernement sur X, avec une barre métallique jusqu'à ce qu'il perde connaissance. Une source crédible a expliqué à Human Rights Watch que Japhet Matarra se trouvait ce jour-là dans une chambre d’hôpital, dans l’attente d’une intervention chirurgicale, quand des hommes déguisés en médecins ont fait irruption dans sa chambre et l'ont agressé. Japhet Matarra s’est mis à crier, et ses agresseurs ont pris la fuite. Des photographies examinées ultérieurement par Human Rights Watch montraient des blessures à sa mâchoire ; plus d'un mois après l'agression, il avait encore du mal à parler.
Les recherches de Human Rights Watch ont corroboré les conclusions d'organisations tanzaniennes de défense des droits humains. Le Centre juridique et des droits humains (Legal and Human Rights Centre, LHRC) a recensé une centaine de cas d'enlèvements et de disparitions forcées entre 2015 et février 2025. La Coalition tanzanienne des défenseurs des droits humains (Tanzania Human Rights Defenders Coalition, THRDC) a recensé 48 attaques contre des défenseurs des droits humains, des activistes et d'autres personnes en 2024.
En juin, la police a réagi au nombre croissant de personnes disparues en publiant une déclaration comprenant les noms de plusieurs personnes qu'elle accusait d'avoir orchestré leurs propres enlèvements. La liste excluait toutefois de nombreux cas très médiatisés de membres de l’opposition et de la société civile, renforçant les inquiétudes quant à la crédibilité et à l’impartialité des enquêtes gouvernementales.
Le gouvernement a aussi accru sa répression contre les partis d'opposition et leurs membres. En avril, les autorités ont arrêté Tundu Lissu, le leader du principal parti d'opposition, le Chadema (Chama Cha Demokrasia na Maendeleo en swahili - Parti pour la démocratie et le progrès), lors d'un rassemblement. Il fait l’objet d’un procès sur la base d’accusations fallacieuses, notamment de haute trahison, un crime passible de la peine de mort. Un membre du Chadema ayant assisté à quelques audiences du procès de Tundu Lissu a déclaré : « À plusieurs reprises, notamment lorsque je me rends aux audiences du procès de notre président [Lissu], je suis harcelé : on m'empêche d'entrer dans le tribunal, on me frappe. »
Un autre membre d'un parti d'opposition a déclaré : « Je ne me sens pas en sécurité en tant que politicien en Tanzanie. Je ne me sens pas libre de critiquer le gouvernement… Nous sommes constamment harcelés par la police. »
En avril, la Commission électorale nationale indépendante (Independent National Electoral Commission, INEC), qui, malgré son nom, est nommée par le président et dont les décisions ne peuvent être contestées en justice, a exclu le Chadema des élections, pour non-signature du controversé code de conduite électoral. Puis en juin, le Tribunal de grande instance de la Tanzanie a suspendu toutes les activités politiques du Chadema, suite à un autre différend. En septembre, la commission électorale a disqualifié Luhaga Mpina, en tant que candidat de l'Alliance pour le changement et la transparence (Alliance for Change and Transparency, ACT-Wazalendo) à l’élection présidentielle.
En juin, au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, le représentant du gouvernement de la présidente Samia Suluhu a souligné l’engagement de la Tanzanie à respecter les droits humains et les principes démocratiques, notamment lors la période électorale. Toutefois, depuis son discours, le gouvernement n'a toujours pas mis en œuvre les réformes nécessaires.
Les décisions de la commission électorale excluant la participation de partis d'opposition et de leurs candidats à l’élection présidentielle a de fait éliminé toute concurrence au parti au pouvoir, le CCM (Chama Cha Mapinduzi en swahili - Parti de la Révolution), a indiqué Human Rights Watch,
Le gouvernement a poursuivi sa répression envers les médias avant les élections, restreignant la liberté d'expression et d'information, et aggravant le climat d’intimidation subi par les organes de presse et autres médias.
Ces derniers mois, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP), des experts des Nations Unies en matière de droits humains, ainsi que le Parlement européen ont également exprimé leurs préoccupations concernant le climat politique en Tanzanie avant les élections. Ces institutions ont dénoncé la répression des rassemblements et des manifestations pacifiques, les disparitions forcées, la torture et les arrestations arbitraires, les restrictions d'accès à l'information et à la liberté d'expression, ainsi que le blocage des réseaux sociaux.
« La disqualification de candidats à la présidence et de partis politiques par la commission électorale soulève la question : les élections en Tanzanie reflèteront-elles la volonté des électeurs ? », a observé Nomathamsanqa Masiko-Mpaka. « Le gouvernement devrait cesser immédiatement de réprimer l'opposition politique ; il devrait aussi mener des enquêtes impartiales sur les agressions et les enlèvements de défenseurs des droits humains, de membres de l'opposition, d'avocats et de leaders religieux, et garantir l'indépendance de la commission électorale. »
Suite plus détaillée en anglais, au sujet de la répression préélectorale en Tanzanie.
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Articles
Six Actualités
26.09.2025 à 23:59
(Washington) – Le mémorandum signé le 25 septembre par le président des États-Unis, Donald Trump, qui ordonne aux forces de l'ordre d'enquêter sur un prétendu complot visant à fomenter la violence politique dans ce pays, constitue une grave menace pour les droits humains et les institutions démocratiques, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le président Trump a ordonné aux agences fédérales de rechercher activement des liens entre d’une part des organisations philanthropiques et des groupes d'activistes, et d’autre part des efforts décrits en termes vagues, visant à fomenter la violence, l'intimidation et la répression de la liberté d'expression.
« L'ordre du président Trump mobilisant les forces de l'ordre fédérales pour enquêter sur des présumés opposants à son administration est une déformation de la réalité », a déclaré Federico Borello, directeur exécutif par intérim de Human Rights Watch. « Il invente un complot inexistant pour justifier la répression de la liberté d’exprimer des opinions et des idées au sein de divers camps politiques aux États-Unis. »
Le mémorandum du président Trump évoque une forte hausse de la violence politique aux États-Unis, attisée par des « campagnes sophistiquées et organisées d'intimidation, de radicalisation, de menaces et de violence » visant à réprimer la liberté d'expression et à imposer des changements de politiques. Cependant, aucune preuve n’est fournie pour étayer ces allégations. Selon le mémorandum, ces « campagnes » sont liées à des mouvements « autoproclamés “anti-fascistes” » ayant conçu une « stratégie globale pour atteindre leurs objectifs politiques par la radicalisation et par l'intimidation violente ». Dans ce cas aussi, aucune preuve n'est fournie pour corroborer cette affirmation.
Sur cette base, le mémorandum du président Trump affirme qu'un nombre important d'acteurs de la société civile et du secteur philanthropique pourraient être impliqués dans ces « campagnes », de diverses manières non précisées. Dans ce document, le président ordonne aux forces de l'ordre et aux autorités fiscales de prioriser les enquêtes sur les crimes et autres infractions liés à ces prétendus complots. Le mémorandum demande spécifiquement que soient menées des enquêtes sur les organisations philanthropiques et non gouvernementales.
Le directeur du FBI, Kash Patel, présent lors de la signature du mémorandum, a annoncé des plans visant des organisations et des individus. Patel a déclaré que les forces de l'ordre allaient « suivre la trace de l’argent » (« follow the money ») et « pourchasser » ainsi ces « terroristes internes » (« domestic terrorists »).
Ce mémorandum a été rendu public peu après la publication par les médias, également le 25 septembre, d’articles selon lesquels le département de la Justice américain envisagerait la possibilité de poursuivre en justice la Fondation Open Society (« Fondation pour une société ouverte »). Cette fondation, créée par le philanthrope George Soros, soutient divers groupes de militants des droits civils et organisations de défense des droits humains, dont Human Rights Watch. George Soros est depuis longtemps une cible de la vindicte politique de l'administration Trump.
« Lorsque le président américain viole les droits fondamentaux et les principes démocratiques dans son propre pays, cela risque d’être perçu comme un feu vert par des dictateurs partout dans le monde », a observé Federico Borello. « Les gouvernements préoccupés devraient dénoncer publiquement les graves atteintes aux droits civils et politiques aux États-Unis, et exhorter l'administration Trump à changer de cap. »
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26.09.2025 à 19:16
(New York) – Le Conseil de sécurité des Nations Unies devrait rapidement autoriser une mission internationale pour faire face à l’intensification de la violence en Haïti, et veiller à ce qu’elle dispose de fonds et de personnel suffisants, ainsi que de garanties solides en matière de droits humains, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.
Les groupes criminels en Haïti ont consolidé et étendu leur contrôle territorial au-delà de la capitale, intensifiant la violence dans des régions du pays qui étaient auparavant considérées comme plus sûres; le Conseil examine actuellement la possibilité de transformer la mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) dirigée par le Kenya en une « Force de répression des gangs » (Gang Suppression Force, GSF). Depuis son déploiement en juin 2024, la mission MSS est confrontée à de graves pénuries de personnel et de financement, qui l'ont empêchée de remplir pleinement son mandat.
« Le temps presse pour empêcher Haïti de tomber entièrement entre les mains de criminels », a déclaré Nathalye Cotrino, chercheuse senior auprès de la division Amériques à Human Rights Watch. « L’ONU a la possibilité de contribuer de manière significative à la résolution de la crise en Haïti en veillant rapidement à ce que toute force, qu’il s’agisse de la MSS ou de la GSF proposée, dispose d’un personnel et d’un financement suffisants, soit tenue de rendre des comptes et soit dotée de solides garanties en matière de droits humains. »
Selon Human Rights Watch, le moyen le plus efficace d’y parvenir serait que le Conseil fasse de toute opération internationale qu’il autorise en Haïti une mission à part entière des Nations Unies.
La violence en Haïti continue de s’intensifier, avec au moins 3 137 personnes tuées au cours du premier semestre 2025, selon l’ONU. Les groupes criminels contrôlent la quasi-totalité de la capitale haïtienne, se sont étendus à trois autres départements et ont considérablement perturbé la provision de services essentiels et d’aide humanitaire dans tout le pays. 1,4 million de personnes ont été déplacées, et la moitié de la population est confrontée à une insécurité alimentaire aiguë.
Les États-Unis et le Panama, s’appuyant sur les recommandations formulées par le Secrétaire général des Nations Unies en février 2025, ont diffusé un projet de résolution visant à transformer la MMAS en une « force de répression des gangs ». Cette force serait composée de 5 500 policiers, militaires et civils, autorisés à opérer de manière indépendante ou aux côtés de la police nationale haïtienne, ce qui représente deux changements importants par rapport à l’effectif actuel de la MMAS, composé d’environ 1 000 personnes, principalement des policiers, qui ne peuvent opérer qu’en soutien à la police haïtienne.
Un nouveau Bureau d’appui des Nations Unies en Haïti (UN Support Office in Haiti, UNSOH) soutiendrait la GSF. Ce bureau fournirait également une assistance logistique et technique aux acteurs déjà présents dans le pays, notamment le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), la Police nationale haïtienne et les forces armées haïtiennes, et assurerait la coordination avec l’Organisation des États américains (OEA).
Cependant, si la proposition concernant la GSF ne remédie pas à de sérieuses lacunes en matière de financement, de personnel et de garanties des droits humains, cela risquerait de reproduire les échecs qui ont miné l’efficacité de la mission actuelle, a déclaré Human Rights Watch.
Toute mission de soutien à la sécurité en Haïti devrait être soutenue par un financement prévisible et durable. Des ressources prévisibles pour couvrir les salaires et les coûts opérationnels sont essentielles pour éviter les lacunes qui ont paralysé le MMAS, et des engagements fermes pour la contribution de troupes sont nécessaires pour garantir que la force soit pleinement opérationnelle et capable de répondre aux puissants groupes criminels en Haïti.
Le nouveau bureau UNSOH devrait également disposer de ressources suffisantes pour fournir tout l’équipement nécessaire grâce au système de contributions obligatoires de l’ONU, c’est-à-dire l’argent que les pays membres de l’ONU sont tenus de verser pour financer les opérations de l’ONU.
Si elle est créée, la GSF devrait mettre en place un processus de sélection rigoureux, conforme aux normes de l’ONU, et dispenser une formation en droits humains à l’ensemble du personnel, avant le déploiement et pendant la mission. La formation devrait couvrir des questions telles que l’usage de la force, la violence basée sur le genre, la protection des enfants et la prévention de l’exploitation sexuelle.
Tout nouveau membre du personnel devrait satisfaire à ces normes, se conformer pleinement à la politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme (HRDDP) des Nations Unies et s’abstenir de s’engager avec ou de soutenir toute unité, tout commandant ou toute entité impliquée de manière crédible dans des violations graves des droits humains ou dans une collusion avec des organisations criminelles.
La MMAS a fait des progrès dans la mise en place de mécanismes de surveillance et de plainte, dans l’application de directives de protection de la population et dans le déploiement d’une ligne d’assistance téléphonique gratuite accessible 24/7 afin de faciliter le signalement des faits par les victimes et les lanceurs d’alerte. Ces garanties devraient être incluses dans toute nouvelle mission. Toute mission devrait aussi inclure un mécanisme de redevabilité indépendant, avec la participation de la société civile haïtienne et des groupes communautaires.
La mission devrait avoir pour mandat de collaborer avec les unités judiciaires spécialisées afin de garantir que les crimes les plus graves, notamment les massacres, les violences sexuelles et autres violations graves des droits humains, fassent l’objet de poursuites adéquates. La mission et les agences pertinentes des Nations Unies devraient également soutenir la mise en place rapide de ces unités afin de garantir des poursuites en temps opportun.
« Cela fait deux ans que les autorités haïtiennes ont demandé l’aide de la communauté internationale pour lutter contre la violence criminelle, et jusqu’à présent, cette aide est loin d’être suffisante », a conclu Nathalye Cotrino.