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28.11.2025 à 13:00
(Nairobi) – Les inquiétudes concernant les irrégularités, l’ingérence politique et les pressions sécuritaires risquent de mettre en question la crédibilité et le caractère inclusif d’élections cruciales en République centrafricaine, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Le scrutin, prévu pour le 28 décembre, comprendra des élections présidentielle et législatives, mais aussi des élections municipales pour la première fois depuis des décennies.
« Les élections en République centrafricaine détermineront la trajectoire politique du pays pour les années à venir », a déclaré Lewis Mudge, directeur pour l'Afrique centrale à Human Rights Watch. « Malgré des progrès tangibles vers l'établissement de la paix, les obstacles à la participation de l'opposition, le dysfonctionnement administratif et les craintes d'un retour à la répression pourraient priver de leurs droits électoraux de larges pans de la population. »
Ces élections seront tenues à la suite du référendum constitutionnel très controversé de 2023, qui a supprimé la limitation du nombre de mandats présidentiels et a ainsi ouvert la voie à un maintien au pouvoir du président Faustin-Archange Touadéra pour une durée indéfinie. La période officielle de campagne doit débuter le 13 décembre.
Deux des personnalités politiques les plus éminentes du pays, les anciens premiers ministres Anicet-Georges Dologuélé et Henri-Marie Dondra, ont été empêchés de se présenter à l’élection présidentielle jusqu'au 14 novembre, date à laquelle le Conseil constitutionnel a décidé de les autoriser à se porter candidats. Cette décision tardive s'inscrit dans une tendance manifeste à des manœuvres administratives qui ont entravé de façon disproportionnée les politiciens de l'opposition tout en favorisant le parti au pouvoir, le Mouvement Cœurs Unis (MCU), a déclaré Human Rights Watch.
Les deux politiciens susmentionnés sont largement considérés comme les seuls adversaires crédibles à Faustin-Archange Touadéra. « Nous avons été dans les faits retardés pendant que le MCU se mobilisait », a déclaré Anicet-Georges Dologuélé à Human Rights Watch. Leur admission tardive dans la course soulève des questions quant à l’aspect équitable du choix présenté aux électeurs, a déclaré Human Rights Watch.
Ces développements interviennent alors que des doutes croissants subsistent quant à la capacité de l'Autorité Nationale des Élections à organiser le scrutin. Des défaillances dans la planification logistique, des listes électorales incomplètes et un personnel insuffisamment formé pour travailler dans les bureaux de vote, en particulier en dehors de Bangui, la capitale, sont des problèmes potentiels.
À Bangui, des activistes de la société civile ont fait part de leur inquiétude quant à la capacité des quelque 6 700 bureaux de vote à ouvrir à temps, voire à ouvrir tout court. Les électeurs ruraux, déjà entravés par l'insécurité et des moyens de transport limités, pourraient se retrouver dans les faits exclus. Ce manque de préparation non seulement sape la confiance dans le processus, mais fait également craindre que les chiffres de participation ne soient fortement biaisés en faveur de la capitale.
Le gouvernement a cherché à renforcer la confiance dans les élections en signant une série d'accords de paix avec divers groupes armés. Ces accords, qui éludent la question de la reddition de comptes pour les violations des droits humains et les potentiels crimes de guerre commis dans le passé, ont néanmoins créé des conditions de stabilité qui n'avaient pas été observées depuis des années. Cependant, plusieurs activistes de la société civile, journalistes, responsables de l'ONU et diplomates s'interrogent sur la durabilité de ces accords de paix, notamment celui signé le 19 novembre avec le Mouvement patriotique pour la Centrafrique (MPC).
Au cours de la dernière décennie, de nombreuses déclarations de paix ont rapidement échoué, les promesses de désarmement, d'inclusion politique ou de partage des ressources n'ayant pas été tenues. Un journaliste a déclaré à Human Rights Watch : « Les groupes armés ont été achetés pour garantir la tenue des élections. Le désarmement est devenu une arnaque… Nous verrons très probablement ces groupes reprendre leurs attaques une fois que l'argent sera épuisé… [jusqu'à] la prochaine série d'élections. »
Sans véritables efforts de désarmement, les accords actuels serviront davantage de gestes symboliques renforçant l'impunité que de mécanismes pour une stabilité durable, a déclaré Human Rights Watch.
L'environnement politique inégalitaire a incité de nombreux partis d'opposition à appeler à un boycott total des élections. Les dirigeants du Bloc républicain pour la défense de la Constitution (BRDC), une coalition d'opposition, ont déclaré à Human Rights Watch qu'ils étaient préoccupés par l'obstruction des candidats, par les lacunes administratives des autorités électorales et par le monopole du gouvernement sur les médias et les ressources de l'État.
Ce boycott, ainsi que les retards subis par Anicet-Georges Dologuélé et Henri-Marie Dondra, ouvriront très probablement la voie à un parlement dominé par le parti actuellement au pouvoir. Une législature sans une vraie surveillance par l'opposition risque de compromettre des institutions déjà faibles, a déclaré Human Rights Watch. « Nous avons besoin de contrôles sur l'exécutif », a expliqué un homme politique à Human Rights Watch. « Je crains que ces élections, déjà biaisées, ne constituent un test pour les principes de responsabilité démocratique. »
Une certaine rhétorique xénophobe en ligne suscite également des inquiétudes. Anicet-Georges Dologuélé a dû renoncer à sa nationalité française pour se porter candidat à l’élection présidentielle, car les personnes occupant des fonctions élevées ne sont pas autorisées à avoir aussi la citoyenneté d'un autre pays. Néanmoins, certains groupes associés au parti au pouvoir diffusent des déclarations en ligne pour débattre de « qui est un vrai Centrafricain », visant l'opposition. Au moment du référendum constitutionnel de 2023, les attaques en ligne contre ses opposants se sont intensifiées avant le vote.
Henri-Marie Dondra a déclaré à Human Rights Watch qu'en plus d'autres contraintes, deux de ses frères avaient été arrêtés, et l'un d'eux est toujours en détention provisoire sans inculpation, apparemment pour des raisons politiques.
Les élections se tiendront dans le contexte d'une réduction prévue de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA). Cette mission, qui a pour mandat de protéger les civils et de surveiller les violations des droits humains, ainsi que de soutenir les élections, devrait réduire sa présence, en partie en raison des contraintes budgétaires pesant sur les opérations de maintien de la paix de l'ONU et du souhait de certains États membres de voir leurs responsabilités transférées aux autorités nationales.
Une présence réduite de l'ONU pourrait exposer les communautés, en particulier celles dans les régions touchées par le conflit, à la contrainte et aux représailles des milices si les accords de paix ne sont pas respectés. Certains diplomates à Bangui ont déclaré à Human Rights Watch que la Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) et l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), qui pourraient surveiller les élections, n’ont toujours pas été confirmées un mois avant le scrutin et ne seront très probablement pas en mesure d'effectuer une surveillance en dehors de Bangui.
Malgré ces préoccupations, des activistes de la société civile et des journalistes font état de certaines améliorations. « La situation est meilleure qu’il y a quelques années, la répression s'est atténuée », a déclaré un journaliste à Human Rights Watch. « Cependant, nous devons rester vigilants. Une fois qu'il aura consolidé son contrôle total sur le parlement et les administrations municipales, le MCU contrôlera la manière dont nous discutons de la politique gouvernementale, de la sécurité et du développement. » Les autorités devraient veiller à ce que les journalistes et les activistes puissent continuer à exercer librement leur travail sans craindre de représailles ou de répression, a déclaré Human Rights Watch.
À un mois des élections, le gouvernement devrait lever tous les obstacles à la participation de l'opposition et garantir un accès égal à la campagne électorale et aux médias. Les autorités devraient libérer les personnes détenues sans fondement juridique crédible, y compris le frère d’Henri-Marie Dondra. Les partenaires internationaux de la République centrafricaine devraient surveiller le respect des normes internationales lors des élections, et la réduction de la présence des forces de maintien de la paix devrait être reconsidérée si les groupes armés attaquent à nouveau des civils.
« La République centrafricaine se trouve à un carrefour, et des élections crédibles ne pourront avoir lieu tant que des préoccupations légitimes ne sont pas prises en compte », a conclu Lewis Mudge. « La voie vers la stabilité du pays dépend de processus politiques inclusifs et compétitifs qui reflètent la volonté de toutes les communautés, et pas seulement de celles qui ont accès au pouvoir. »
27.11.2025 à 06:00
(Beyrouth, 27 novembre 2025) – Les autorités houthies au Yémen ont arrêté des dizaines d'opposants politiques, y compris des dirigeants de plusieurs partis politiques, depuis juillet 2025 ; certains cas pourraient constituer des disparitions forcées, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
Au moins 70 personnes liées à la Congrégation yéménite pour la réforme, connue sous le nom de parti Islah, ont été arrêtées en moins de 24 heures dans le gouvernorat de Dhamar, le 28 octobre.
Ces dernières arrestations s'inscrivent dans le cadre d'une campagne plus large menée depuis un an et demi, qui vise les membres de la société civile, le personnel des Nations Unies, des employés d’organisations non gouvernementales, des personnalités du monde des d'affaires et même des personnes parmi les autorités houthies. Au moins 59 membres du personnel des Nations Unies sont toujours détenus sans pouvoir consulter d'avocat et avec un accès limité, voire inexistant, à leur famille. Parallèlement, les Houthis multiplient les accusations douteuses d'espionnage contre les personnes qu'ils ont arrêtées, notamment dans le cadre d'un récent procès inéquitable contre 21 personnes, dont 17 ont été condamnées à mort. Beaucoup d'entre elles ont été accusées d'espionnage sans avoir eu accès à une procédure régulière.
« Plutôt que de répondre aux besoins urgents des Yéménites dans les territoires qu’ils contrôlent, les Houthis semblent avoir le réflexe de détenir toute personne qu'ils considèrent comme une menace pour leur mouvement », a déclaré Niku Jafarnia, chercheuse sur le Yémen et Bahreïn à Human Rights Watch. « Ils devraient immédiatement libérer toutes les personnes détenues arbitrairement, protéger plutôt les droits des personnes vivant dans les zones sous leur contrôle, et répondre à leurs besoins. »
Human Rights Watch a mené des entretiens avec 13 personnes, dont des proches des détenus, des journalistes et des membres de la société civile qui ont suivi ces affaires. Les chercheurs ont également examiné des documents liés aux détentions, notamment des déclarations de partis politiques, des actes d'accusation officiels et des listes de détenus.
Les Houthis détiennent des personnes affiliées à des partis politiques d'opposition depuis leur prise de contrôle de Sanaa, la capitale du Yémen, en 2014. Cependant, ils ont intensifié ces arrestations au cours des derniers mois. Un porte-parole d'Islah, Adnan al-Odaini, a déclaré à Human Rights Watch que la campagne contre ce parti avait commencé après que les forces houthies eurent tenté d'arrêter le cheikh Saleh Hantos dans la province de Rayma, avant de le tuer le 1er juillet 2025. Les Houthis avaient accusé le cheikh Hantos, un érudit religieux âgé de plus de 70 ans et membre d'Islah, d'« adopter des positions alignées sur celles des États-Unis et d'Israël et de nuire aux activités populaires et officielles soutenant la résistance palestinienne ».
Le 3 août, les autorités houthies ont arrêté Rami Abdulwahab, un responsable du Parti socialiste arabe Baas. Le 20 août, les Houthis ont arrêté Ghazi al-Ahwal, secrétaire général du Congrès général du peuple, le parti politique affilié à l'ancien président Ali Abdullah Saleh. Le 25 septembre, ils ont arrêté Aaidh al-Sayadi, secrétaire adjoint du Parti socialiste yéménite dans le gouvernorat de Dhamar.
Les proches d'Abdulwahab et d'al-Sayadi ont déclaré que les deux hommes n'avaient pas été autorisés à recevoir la visite de leur famille ni à désigner des avocats pour les représenter.
Les arrestations du 28 octobre à Dhamar ont porté à plus de 200 le nombre total de membres du parti Islah détenus, a déclaré le parti dans un communiqué. La plupart des personnes récemment arrêtées n'étaient pas des responsables du parti, mais des fonctionnaires, des enseignants et des personnalités sociales, a déclaré Najeeb al-Sheghdari, secrétaire général de l'Organisation Musawah pour les droits humains et les libertés.
Le fils d'un des détenus du parti Islah a déclaré à Human Rights Watch que son père avait été enlevé dans sa voiture par des hommes armés et masqués à Dhamar en novembre. Le jeune homme, ainsi que les familles de six autres détenus, ont déclaré que les Houthis n'avaient pas présenté de mandats d'arrêt ni communiqué où ils emmenaient leurs proches. Les familles ne connaissent pas les charges retenues contre leurs proches ni leur lieu de détention et n'ont pas pu communiquer avec eux, ce qui équivaut à une disparition forcée.
Human Rights Watch a déjà documenté des cas où les Houthis ont arrêté et fait disparaître de force des dizaines de personnes en raison de leur affiliation politique, notamment en avril 2020, lorsqu'ils ont arrêté 25 membres du parti Islah à Dhamar.
En juin 2024, la Cour pénale spécialisée a condamné à mort 44 personnes détenues en 2020, dont 16 jugées par contumace, et 5 autres à des peines de prison, a rapporté le site Musawah. Aucune d'entre elles n'a eu accès à un avocat.
Un proche de l'une des personnes condamnées à mort a déclaré que la famille avait tenté de désigner Abdulmajeed Sabra, un éminent avocat de Sanaa, pour défendre son dossier, mais que le juge « a refusé de lui remettre une copie du dossier, ne lui a pas permis de s'exprimer et lui a demandé à plusieurs reprises de se taire ». Lorsque Sabra a voulu voulu exprimer une objection, a poursuivi le proche, « le juge lui avait ordonné de quitter la salle d'audience ». Le 25 septembre 2025, des hommes armés houthis ont effectué une descente dans le bureau de Sabra à Sanaa, et l'ont emmené de force vers un lieu secret.
Dans son rapport d’octobre 2025, le Groupe d'experts des Nations Unies sur le Yémen a observé ceci : « Le pouvoir judiciaire [sous les Houthis] a été instrumentalisé pour réprimer les voix dissidentes et la liberté d’expression. Le parquet spécialisé de Sanaa a inculpé des centaines de personnes pour trahison et espionnage. » Le rapport ajoute : « Souvent, les personnes sont détenues sans qu’aucun mandat d’arrêt ne leur soit présenté, sans qu’aucune inculpation officielle ne leur soit communiquée et sans que la possibilité d’avoir accès à un avocat et au dossier ne leur soit donnée. Nombre d’entre elles sont maintenues en détention pendant de longues périodes sans procès ni contrôle judiciaire. »
Human Rights Watch et d'autres organisations, dont l'ancien Groupe d'experts éminents des Nations Unies sur le Yémen, ont documenté le recours à la torture par les Houthis pour obtenir des informations ou des aveux.
Arrêter une personne sans mandat et sans chefs d'accusation clairs constitue une violation de l'article 132 du Code de procédure pénale yéménite. Interroger une personne accusée d'un crime sans la présence de son avocat constitue une violation de l'article 181. La loi prévoit également, en vertu de l'article 6, que « toute déclaration dont il est prouvé qu'elle a été faite par un accusé ou un témoin sous l'influence de tels actes [torture, traitements inhumains, dommages physiques ou psychologiques] est nulle et non avenue et ne peut être prise en considération ». La détention d'une personne sans fondement juridique ou, dans le cadre d'une procédure pénale, sans qu'elle soit rapidement mise en accusation, constitue une violation tant du droit yéménite que du droit international des droits humains.
« Les Houthis devraient libérer immédiatement toutes les personnes détenues arbitrairement uniquement en raison de leurs affiliations politiques », a conclu Niku Jafarnia. « Ils devraient également libérer les autres personnes détenues arbitrairement, notamment celles qui sont détenues pour avoir commémoré la révolution du 26 septembre, les journalistes, les avocats et des dizaines d'employés des Nations Unies et de la société civile. »
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25.11.2025 à 14:52
En février 2026, cela fera 80 ans que les Nations Unies ont choisi leur tout premier Secrétaire général, un homme. Depuis lors, les huit autres personnes ayant occupé ce poste étaient tous des hommes. Il est grand temps qu'une femme occupe ces fonctions.
António Guterres, l'actuel Secrétaire général, terminera son mandat en décembre 2026. Les tractations pour désigner son successeur sont déjà bien engagées. Une campagne est également en cours, menée par 1 for 8 Billion, pour que le·la prochain·e Secrétaire général·e soit une femme. Plusieurs femmes se sont portées candidates.
Nous sommes au cours d’une crise mondiale des droits humains, en particulier pour les femmes. L'ONU a estimé en 2022 qu'au rythme actuel, il faudrait 300 ans pour parvenir à l'égalité des genres. Mais même cela semble désormais trop optimiste. En 2025, l'ONU signalait qu'un quart des pays connaissaient un recul des droits des femmes.
L'autoritarisme est en hausse et la misogynie est un outil couramment utilisé par les dirigeants autoritaires. Les conflits atteignent également des niveaux jamais vus depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au cours des dix dernières années, le nombre de femmes et de filles vivant dans des zones de conflit a augmenté de 50 %, avec des conséquences dévastatrices, notamment l'exacerbation des inégalités entre les genres.
La pleine participation des femmes à toutes les prises de décision est un principe fondamental de l'ONU. Adoptée en 2000, la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité a établi que les femmes devaient participer pleinement, en toute sécurité, sur un pied d'égalité et de manière significative à toutes les discussions concernant l'avenir de leur pays, notamment lors des pourparlers de paix. En 2024, le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a publié des orientations sur la manière dont les pays peuvent parvenir à la parité entre les genres dans la prise de décision et sur les raisons pour lesquelles ils y sont tenus.
La participation des femmes est cruciale, car elles représentent la moitié de la population. Elle est également particulièrement nécessaire en cette période de conflits croissants ; des recherches montrent que lorsque les femmes sont pleinement impliquées, les processus de paix aboutissent plus souvent à des accords, et que ces accords ont plus de chances d'être mis en œuvre.
L'ONU a la responsabilité de garantir la participation des femmes et l'égalité des genres. Les objectifs de développement durable de l'ONU exhortent les pays à « mettre fin à toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et des filles partout dans le monde » d'ici 2030.
Ces efforts devraient inclure le processus de sélection du/de la Secrétaire général·e des Nations Unies. Tous les États membres devraient présenter et soutenir des candidates avec une solide expérience dans le domaine des droits humains. Une fois constitué un groupe de candidat·e·s diversifié, les États membres devraient sélectionner le·la candidat·e le plus qualifié·e. En ces temps périlleux, nous ne pouvons-nous permettre d'avoir un club exclusivement masculin à la tête des Nations Unies.
25.11.2025 à 07:00
(Abuja, 25 novembre 2025) – Les autorités nigérianes devraient agir d’urgence pour assurer la libération des élèves et des enseignants récemment enlevés dans le nord-ouest du pays et prendre des mesures concrètes pour protéger les écoles et les communautés contre de nouvelles attaques, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Les groupes responsables des enlèvements devraient immédiatement libérer les élèves et les enseignants détenus.
Le 18 novembre, 25 écolières ont été enlevées par des hommes armés non identifiés à l'école secondaire publique pour filles de Maga, dans l'État de Kebbi. Trois jours plus tard, le 21 novembre, au moins 303 élèves (filles et garçons) et 12 enseignants ont été enlevés à l'école primaire et secondaire catholique St. Mary's de Papiri, dans l'État du Niger.
« Ces enlèvements massifs dans des écoles mettent une fois de plus en évidence le ciblage délibéré des élèves, des enseignants et des écoles alors que la situation sécuritaire continue de se détériorer au Nigeria », a déclaré Anietie Ewang, chercheuse sur le Nigeria à Human Rights Watch. « L'aggravation de la crise met en lumière l'incapacité du gouvernement à protéger les communautés vulnérables. »
Aucun groupe n'a revendiqué la responsabilité de ces attaques. Ces dernières années, le Nigeria a été en proie à des attaques violentes et à des enlèvements perpétrés par des gangs criminels communément appelés « bandits ». Ces groupes ont procédé à des enlèvements contre rançon, notamment d’élèves des régions du nord-ouest et du centre du Nigeria. Le 18 novembre, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM, ou Jama'at Nusrat al-Islam wa al-Muslimeen, NIM), lié à Al-Qaïda et actif dans tout le Sahel, a revendiqué la responsabilité d'une attaque contre une patrouille militaire menée dans l'État de Kwara le 29 octobre ; il s’agissait apparemment de sa première incursion sur le territoire nigérian.
Human Rights Watch a mené des entretiens avec les parents de deux des filles enlevées dans l'État de Kebbi. Isa Nazifi, le père de Khadija Nazifi, une élève de 13 ans qui figurait parmi les personnes enlevées, a déclaré : « J'ai immédiatement pris une moto et je me suis précipité à l'école, où j'ai trouvé ma deuxième fille, également élève dans cette école. Elle m'a dit que Khadija avait été enlevée. Nous sommes extrêmement inquiets. Ma femme est en larmes. Je resterai ici à l'école jusqu'à ce que ma fille revienne. Si je rentre à la maison sans elle, que vais-je dire à ma famille ? »
Malam Sani Zimri, dont la fille, Salima Sani Zimri, est une lycéenne qui a également été enlevée, a déclaré avoir entendu des rumeurs provenant d'autres parents concernant une possible attaque de bandits au cours de la semaine ayant précédé l'incident : « Nous avions repris confiance après avoir vu des militaires surveiller la zone, mais nous avons réalisé qu'il n'y avait aucun agent de sécurité sur place pendant les trois heures qu'a duré l'incident. »
En 2014, l'enlèvement d'écolières à Chibok, dans l'État de Borno par le groupe islamiste armé Boko Haram avait provoqué l'indignation mondiale. Depuis lors, une série d'enlèvements dans des écoles du nord du Nigeria a laissé des familles traumatisées et des communautés entières vivant dans la crainte que si leurs enfants allaient à l'école, ils ne rentrent jamais à la maison. En 2016, Human Rights Watch a rapporté que Boko Haram avait également enlevé plus de 300 enfants de l'école primaire Zanna Mobarti à Damasak, dans l'État de Borno, en 2015.
En décembre 2020, plus de 300 garçons ont été kidnappés dans un internat à Kankara, dans l'État de Katsina. Début 2021, des élèves ont de nouveau été enlevés lors d'incidents majeurs à Kagara, dans l'État du Niger, et à Jangebe, dans l'État de Zamfara, suivis par l'enlèvement de plus de 100 élèves du lycée baptiste Bethel dans l'État de Kaduna. La vague d'enlèvements s'est poursuivie en 2024 avec l'enlèvement d'élèves dans des écoles à Kuriga, dans l'État de Kaduna, et à Gidan Bakuso, dans l'État de Sokoto.
Les autorités nigérianes n'ont pas tiré les leçons des attaques précédentes pour mettre en place des systèmes d'alerte précoce et d'autres mesures susceptibles de prévenir ces atrocités, a déclaré Human Rights Watch.
En réponse aux récents enlèvements, le gouvernement a promis de secourir les élèves kidnappées et de traduire les responsables en justice. Le président Bola Tinubu a ordonné aux agences de sécurité d'agir rapidement pour ramener les filles, tout en exhortant les communautés locales à partager leurs renseignements.
Les autorités ont également fermé 47 écoles secondaires fédérales connues sous le nom de Federal Unity Colleges, et certains États, dont Katsina, Taraba et Niger, ont également fermé des écoles ou restreint les activités scolaires, en particulier dans les internats. Si ces mesures visent à protéger les élèves, elles ont perturbé l'éducation de milliers d'enfants, les privant d'accès à l'éducation et du soutien social et psychologique que leur apportent les écoles. Sans mesures concrètes visant à offrir d'autres possibilités d'apprentissage afin d'assurer la continuité de leur éducation, les élèves risquent de prendre du retard scolaire et de subir des revers à long terme dans leur développement.
Le Nigeria est l’un des pays signataires de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, qui engage le gouvernement à prendre des mesures concrètes pour protéger l'éducation en période de conflit et d'insécurité. Pourtant, les enlèvements se poursuivent à grande échelle, à un rythme sans relâche. Le 19 novembre, le Sénat nigérian a ordonné une enquête approfondie sur la mise en œuvre du Fonds pour la sécurité des écoles du gouvernement, demandant pourquoi les fonds destinés à la protection des écoles n'avaient pas permis d'empêcher les attaques récurrentes. Le gouvernement devrait agir d’urgence pour faire avancer une proposition visant à introduire une législation afin de mettre en œuvre la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, a déclaré Human Rights Watch.
« Les enfants nigérians ont le droit d'aller à l'école sans craindre pour leur vie », a conclu Aniete Ewang. « Les autorités nigérianes devraient donner la priorité à la libération en toute sécurité des enfants et des enseignants kidnappés, et traduire en justice les responsables. »
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24.11.2025 à 22:54
(Washington) – L'intensification des pressions politiques exercées sur les autorités électorales au Honduras y menace le droit des citoyens de voter lors d'élections libres et équitables, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
Des élections générales seront tenues au Honduras le 30 novembre, afin d’élire le ou la président-e, les 128 membres du Congrès national et les 20 députés honduriens du Parlement centraméricain. Ces dernières semaines, le bureau du Procureur général a ouvert des enquêtes pénales visant les hautes autorités électorales. Parallèlement, l'impasse au sein du Conseil national électoral (Consejo Nacional Electoral, CNE) a retardé à plusieurs reprises l'attribution des contrats pour l'organisation des élections. Les allégations de fraude formulées par la présidente Xiomara Castro, ainsi que par des membres des partis d'opposition, sapent également la crédibilité du processus électoral.
« Les allégations de fraude potentielle, les mesures agressives prises par les procureurs et l'armée, et l'impasse politique au sein de l'autorité électorale menacent le droit des Honduriens à participer à des élections libres et équitables », a déclaré Juanita Goebertus, directrice de la division Amériques à Human Rights Watch. « Les missions internationales d'observation électorale devraient suivre de près le processus et faire pression sur les autorités honduriennes pour garantir que les conditions électorales soient libres et équitables. »
Depuis 2019, l'autorité électorale est divisée entre le Tribunal de justice électorale (Tribunal de Justicia Electoral, TJE), la plus haute autorité en matière de justice électorale, et le CNE, qui administre le processus électoral. Ces deux institutions sont composées de trois membres principaux, élus à la majorité des deux tiers au Congrès. La nomination des membres du conseil et du tribunal résulte d'un accord politique entre les trois principaux partis du pays – Partido Nacional, Partido Liberal et Partido Libre – permettant à chacun d’entre eux d’obtenir un siège dans chaque organe. Ces derniers mois, les tensions entre les membres du conseil ont toutefois paralysé le CNE.
Le 29 octobre, le procureur général Johel Zelaya a annoncé l'ouverture d'une enquête sur Cossette López, membre du conseil issue du parti Nacional, l'accusant d'avoir comploté pour manipuler les résultats électoraux. Zelaya a cité un enregistrement audio, que Cossette López affirme avoir été manipulé. La présidente Xiomara Castro a qualifié les enregistrements contestés de « complot criminel visant à provoquer un coup d'État électoral ».
Le 10 novembre, les procureurs ont ouvert une enquête contre deux juges du tribunal, les accusant d'avoir agi illégalement en approuvant une résolution alors que seuls deux des trois juges étaient présents.
Le 9 novembre, le Conseil a testé son système national de transmission des résultats préliminaires des élections le soir même du scrutin. Le conseiller Marlon Ochoa, du parti Libre, a déclaré que le test avait échoué et qu'il existait « une conspiration contre le processus électoral au sein même de l'organe électoral ».
Le chef d'état-major interarmées a demandé au Conseil de fournir à l'armée une copie du relevé des votes présidentiels le jour du scrutin. Ana Paola Hall, présidente du Conseil, a déclaré avoir rejeté cette demande. L'armée a le devoir constitutionnel de soutenir le transport du matériel électoral le jour du scrutin, mais n'a aucune autorité pour accéder aux résultats, les compter, les transmettre ou les examiner.
Le 20 novembre, les forces armées ont déposé une plainte auprès du bureau du procureur général afin d'engager une action pénale pour diffamation contre Cossette López.
Dans ce contexte de méfiance croissante et d'allégations de fraude, le rôle des missions d'observation électorale indépendantes nationales et internationales sera essentiel pour préserver la crédibilité du processus, a déclaré Human Rights Watch.
La mission d'observation de l'Organisation des États américains a exprimé son inquiétude face aux « actions et déclarations fréquentes – pratiquement quotidiennes – qui génèrent de l'incertitude et déstabilisent le processus électoral » et a fait part de ses préoccupations concernant « l'intervention judiciaire excessive » dans les élections. L'Union européenne a également déployé une mission d'observation électorale au Honduras. Le 18 novembre, l'UE a exprimé son inquiétude face aux développements susceptibles de compromettre les institutions électorales du Honduras à l'approche des élections, déclarant que les autorités et les partis politiques devaient veiller à ce que les organes électoraux puissent fonctionner de manière indépendante et transparente.
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24.11.2025 à 22:40
Mise à jour 25/11/25 : Le 24 novembre, Mustapha Djemali et Abderrazek Krimi ont été condamnés chacun à deux ans de prison ; ils ont ensuite été libérés, ayant déjà effectué l’essentiel de cette peine durant leur détention à ce jour, la période restante étant assortie d’un sursis. Les trois autres accusés, jugés lors du même procès, ont été acquittés.
(Beyrouth) – Cinq employés du Conseil tunisien pour les réfugiés seront jugés à partir du 24 novembre, dans un contexte de répression généralisée des organisations de la société civile en Tunisie, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les autorités tunisiennes devraient abandonner les accusations infondées retenues contre ces employés, remettre en liberté deux d’entre eux qui sont en détention et cesser de criminaliser le travail légitime des organisations indépendantes.
Les autorités tunisiennes ont dissous le Conseil, gelé ses comptes en banque et poursuivent en justice six de ses employés pour leur travail d’assistance aux demandeurs d’asile et aux réfugiés effectué en partenariat avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Parmi ces six personnes figurent le fondateur et directeur du Conseil, Mustapha Djemali, et son chef de projet, Abderrazek Krimi. Ils sont passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à 23 ans de prison s’ils sont déclarés coupables de l’accusation infondée d’avoir facilité les entrées et les séjours clandestins d’étrangers en Tunisie. L’un de ces six employés n’est pas encore en jugement, en l’attente de l’issue de démarches effectuées devant la Cour de Cassation.
« Le Conseil tunisien pour les réfugiés a effectué un travail essentiel de protection de réfugiés et de demandeurs d’asile, opérant légalement avec des organisations internationales accréditées en Tunisie », a déclaré Bassam Khawaja, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Faire d’une organisation humanitaire la cible d’actions en justice abusives revient à criminaliser un travail d’assistance crucial et prive les demandeurs d'asile d’un soutien dont ils ont désespérément besoin. »
Le procès, devant le Tribunal de première instance de Tunis, est le premier à être intenté à une organisation de la société civile depuis les arrestations de plusieurs employés d’organisations non gouvernementales effectuées entre mai et décembre 2024. Il survient dans le contexte d’une répression sans précédent de l’espace civique en Tunisie.
Le Conseil tunisien pour les réfugiés (CTR), créé en 2016, avait pour tâche d’effectuer l’examen initial des demandes d’asile pour le HCR. Il fournissait également des hébergements d’urgence et de l'assistance médicale aux réfugiés et aux demandeurs d’asile.
Le 2 mai 2024, le CTR a publié un appel d’offres adressé à des hôtels tunisiens pour ces services, provoquant une vive polémique sur les réseaux sociaux et parmi les parlementaires, dans un contexte de répression anti-migrants. Le lendemain, la police a perquisitionné le siège du CTR à Tunis, fermé l’organisation et arrêté Djemali. Le 4 mai, elle a arrêté Krimi. Tous deux sont depuis lors en détention préventive dans l’attente du procès.
Le 7 mai 2024, un porte-parole du tribunal a indiqué que le bureau du procureur de la République avait inculpé les dirigeants d’une organisation (non nommée) pour avoir « constitué une association criminelle dans le but d’aider des personnes à entrer en Tunisie » illégalement. Cette accusation est liée à un « appel d’offres à des établissements hôteliers tunisiens en vue de l'hébergement de migrants africains », lequel a été publié « sans coordination avec les autorités administratives et chargées de la sécurité. »
Le même jour, un juge d’instruction a ordonné que Djemali et Krimi soient détenus pendant la durée de l'enquête concernant les accusations, en vertu des articles 38, 39 et 41 de la Loi n°. 40 de 1975, d'avoir « renseigné, conçu, facilité ou aidé … l’entrée ou la sortie clandestine d’une personne du territoire tunisien », « hébergé les personnes entrant dans le territoire tunisien ou le quittant clandestinement » et « participé à une entente ou formé une organisation » dans le but de commettre ces infractions. Entre mai et juin 2024, les autorités ont également gelé les comptes en banque du CTR, de Djemali et de Krimi.
Le 30 avril 2025, le juge d’instruction a officiellement inculpé les six employés aux termes de la loi de 1975. Le 3 juin, la Chambre d’accusation a alourdi les inculpations en y incluant les dispositions de l’article 42 de la loi, qui, à lui seul, rend passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison.
Human Rights Watch a examiné l’ordonnance du juge et a conclu que les chefs d’accusation étaient uniquement basés sur le travail légitime du Conseil, lequel opérait légalement en Tunisie et était financé presque exclusivement par le HCR.
Bien que les bénéficiaires du travail du CTR étaient des demandeurs d’asile et des réfugiés recensés par le HCR en Tunisie, le juge d’instruction a considéré que les activités de l'organisation consistaient en l’apport d’une aide à des migrants dépourvus de statut légal « pour assurer leur installation dans le pays ». L’ordonnance fait référence à des activités telles que la fourniture d’un hébergement et d’une allocation en espèces à des réfugiés et demandeurs d’asile, qui sont des prestations ordinaires du HCR dans de nombreux pays, souvent effectuées par l’intermédiaire de partenaires.
Djemali, âgé de 81 ans et doté d’une double nationalité suisse et tunisienne, n’a été entendu qu’une seule fois par le juge d’instruction lors de sa détention préventive. Selon sa famille, il est atteint de la maladie de Horton, une inflammation des artères, et depuis septembre 2024 les autorités de la prison ne lui ont pas fourni les médicaments dont il a besoin malgré plusieurs demandes. La famille a précisé que le juge avait rejeté six demandes de remise en liberté provisoire, depuis le début de sa détenion.
Ces poursuites en justice abusives et la fermeture du CTR s’inscrivent dans le cadre d’une répression généralisée de la société civile en Tunisie, a déclaré Human Rights Watch. Entre mai et décembre 2024, les forces de sécurité ont également arrêté au moins six autres employés d'organisations non gouvernementales en rapport avec leur travail consistant à combattre les discriminations ou aider des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants. Parmi eux figurent Saadia Mosbah, une militante bien connue des droits humains et présidente de l’association anti-raciste Mnemty (Mon rêve) ; Abdellah Saïd, président de l’association Les Enfants de la Lune ; Saloua Ghrissa, présidente de l’Association pour la promotion du droit à la différence ; ainsi que trois employés anciens et actuels de l’organisation Terre d’Asile Tunisie. Toutes ces personnes ont été maintenues depuis lors en détention préventive.
Les autorités ont virtuellement mis fin à l’aide et à la protection des réfugiés et des demandeurs d'asile en Tunisie. En plus d’avoir pris pour cible et fermé des organisations humanitaires, en juin 2024 les autorités ont ordonné au HCR de suspendre ses opérations de traitement des demandes d'asile sous prétexte que la Tunisie cherche à se doter d’un système national régissant le droit d’asile. Le pays ne dispose toujours pas d’un cadre juridique national concernant le droit d’asile. Il en résulte que les demandeurs d’asile en Tunisie se retrouvent dans une impasse juridique, sans accès à une protection internationale, ce qui les expose au risque d’une arrestation et d’une expulsion arbitraires.
Les autorités tunisiennes ont également pris pour cible plusieurs autres organisations de la société civile en ouvrant des enquêtes financières ou pénales à leur encontre, en renforçant leur supervision administrative et financière et en leur infligeant des restrictions bancaires arbitraires et des suspensions temporaires. Depuis juillet, au moins 15 associations enregistrées en Tunisie ont été frappées d’un ordre de suspension par un tribunal, certaines sans notification appropriée.
La Tunisie est un État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui garantissent les droits à la liberté d'association, à ne pas être l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire, et à un procès équitable.
La Charte africaine protège également le droit de chercher et d’obtenir un asile contre les persécutions et la Constitution tunisienne de 2022 garantit le droit à l’asile politique. La Tunisie est aussi un État partie aux conventions sur les réfugiés de l’ONU de 1951 et de l’Organisation de l’unité africaine de 1969, qui protègent les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile. Cela inclut une interdiction de punir des personnes pour une entrée ou un séjour clandestin pourvu que ces personnes se soient rapidement présentées aux autorités, ainsi que l’interdiction absolue du refoulement — c’est-à-dire le renvoi vers un lieu où elles risquent de subir des persécutions.
« Au lieu de criminaliser le travail des organisations humanitaires et d’emprisonner les défenseurs des droits humains sous des prétextes fallacieux, les autorités tunisiennes devraient travailler main dans la main avec la société civile pour le bénéfice de tous dans le pays », a affirmé Bassam Khawaja. « La répression généralisée de la société civile cause du tort non seulement aux employés des organisations visées mais aussi aux nombreuses personnes qui bénéficient de leur travail. »
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Info Migrants
24.11.2025 à 06:00
(New York) – Philippe Bolopion, un ancien journaliste ayant ensuite occupé de hautes fonctions à Human Rights Watch pendant 13 ans, lors desquels il a mené d’importantes activités de plaidoyer au sujet d’atrocités commises dans des zones de conflit, a été nommé Directeur exécutif de Human Rights Watch, a annoncé l’organisation aujourd’hui. Philippe Bolopion avait précédemment gravi les échelons à Human Rights Watch pendant plus d’une décennie, y occupant plusieurs postes à haute responsabilité.
« La nomination de Philippe est un excellent choix. Il possède la vision stratégique, la force du leadership, la capacité de bien représenter Human Rights Watch en toutes circonstances, ainsi que les valeurs et la personnalité qui lui permettront de développer l'organisation », a déclaré Kenneth Roth, ex-Directeur exécutif de Human Rights Watch.
Philippe Bolopion a commencé sa carrière comme reporter au Kosovo. Il y a couvert les violences ethniques brutales commises dans cette province, les opérations de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies et la chute du président serbe Slobodan Milosevic, alors accusé de crimes de guerre. De 2000 à 2010, il a été le correspondant principal au siège de l’ONU à New York pour plusieurs médias français, notamment Radio France Internationale (RFI), le quotidien de référence français Le Monde et la chaîne d’information France 24.
« Human Rights Watch a un rôle essentiel à jouer pour amener les auteurs de crimes à rendre des comptes et pour promouvoir la paix et la justice, et je suis convaincu que Philippe sera un défenseur déterminé des victimes de violations des droits humains qui saura se faire entendre dans le monde entier », a déclaré le Dr Denis Mukwege, lauréat du prix Nobel de la paix et membre des Elders. « Philippe était un journaliste bien connu à RFI au sujet des questions africaines, et il a ensuite efficacement mené des actions de plaidoyer lors de nombreuses crises qui ont touché le continent africain. »
En tant que journaliste, Philippe Bolopion a couvert les principales crises de l’époque, y compris celle qui a mené à la guerre en Irak ; il a été envoyé spécial au Darfour, dans la bande de Gaza, au Liban, en Haïti, au Sri Lanka et en République démocratique du Congo. Il est l’auteur de l’ouvrage « Guantanamo : Le bagne du bout du monde », un récit saisissant de sa visite du centre de détention militaire américain, auquel peu d’autres journalistes ont eu accès, et où il a rapidement conclu que le traitement de plusieurs prisonniers constituait une forme de torture.
« Le travail de Philippe en tant que journaliste a été caractérisé par ses reportages méticuleux et percutants. Il est profondément déterminé à dénoncer les injustices et à s’assurer que les détenteurs de pouvoir soient tenus de rendre des comptes », a déclaré Natalie Nougayrède, ancienne directrice du journal Le Monde. « Philippe est un défenseur intrépide des principes fondamentaux, vif et agile. À la tête de Human Rights Watch, il apportera tout son talent et son énergie à la lutte pour les droits humains, une tâche qui est aujourd’hui plus urgente que jamais. »
En 2010, après avoir couvert pendant une décennie les efforts de l’ONU pour mettre fin aux atrocités de masse et à divers conflits, Philippe Bolopion a rejoint Human Rights Watch afin de mieux concrétiser sur la scène mondiale son engagement en faveur des droits humains. Il a d’abord travaillé en tant que Directeur du plaidoyer auprès de l’ONU, puis a été nommé Directeur adjoint chargé du plaidoyer mondial en 2016. Dans le cadre de ces responsabilités, il a ardemment défendu les droits des personnes piégées dans des crises majeures, au Myanmar, au Burundi, au Soudan du Sud, en République centrafricaine, au Cameroun et au Mali, contribuant souvent aux activités de plaidoyer et de recherche sur le terrain.
Philippe Bolopion a notamment plaidé pour le déploiement d’une mission internationale de maintien de la paix en République centrafricaine, dénoncé les ventes d’armes à l’Arabie saoudite par des pays occidentaux malgré le risque qu’elles soient utilisées lors de crimes de guerre au Yémen, et contribué à la création avec des partenaires locaux et internationaux d’une coalition dénonçant l’oppression systématique des Palestiniens par le gouvernement israélien. Il a aussi codirigé la campagne qui a permis d’empêcher l’obtention par la Russie d’un siège au Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Tout au long de cette période, Philippe Bolopion a été une voix puissante dans les médias pour la défense des victimes de violations des droits humains à travers le monde.
Plus récemment, Philippe Bolopion avait rejoint la société française de gestion d’actifs TOBAM, pour participer au lancement d’une stratégie d’investissement mettant en lumière les coûts élevés que les régimes autoritaires représentent pour les investisseurs.
« J’ai pu observer l’approche percutante de Philippe en matière de leadership à l’égard de plusieurs questions importantes des droits humains en Afrique, notamment en République centrafricaine où ses activités de plaidoyer ont contribué aux enquêtes du Procureur de la Cour pénale internationale pour traduire en justice des chefs de milices ; c’est précisément ce dont Human Rights Watch a besoin en ce moment », a déclaré Mausi Segun, directrice de la division Afrique à Human Rights Watch. « Je suis enthousiasmée par la perspective de ce que l’organisation peut accomplir, en ce moment où la jouissance des droits humains n’est guère qu’un mirage pour de nombreuses personnes à travers le monde. »
Philippe Bolopion accède à la direction de Human Rights Watch à un moment marqué par d’importants défis. La démocratie est en recul dans une large partie du monde depuis deux décennies, les normes relatives aux droits humains et durement acquises risquent d’être érodées, et des atrocités massives sont commises au Soudan, à Gaza, en Ukraine et ailleurs. Parmi les tâches prioritaires de Philippe Bolopion figureront la mobilisation de nouvelles ressources et le renforcement du rôle unique et de l’impact de Human Rights Watch, qui s’appuie sur divers outils : des enquêtes innovantes et rigoureuses, des rapports et communiqués qui affirment des faits permettant de démentir la propagande, ainsi que des campagnes de plaidoyer pragmatiques, visant à augmenter le coût des abus commis par des acteurs puissants.
« Le mouvement des droits humains fait face à une forte tempête : la Chine et la Russie poursuivent de manière effrontée leur stratégie d’affaiblir les droits à l’échelle mondiale, pendant que l’administration Trump s’attaque aux piliers de la démocratie américaine, avec des effets dévastateurs pour l’écosystème mondial des droits humains », a affirmé Philippe Bolopion. « Human Rights Watch est dans une position unique pour faire face à ce défi en dépit du vacarme, en affirmant les faits, en dénonçant les crimes, en alertant le public et en faisant pression sur les détenteurs de pouvoir afin que les auteurs d’abus soient tenus responsables. »
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Articles
RTS.ch (itw de Ph. Bolopion) audio
20.11.2025 à 22:42
Le sommet des Nations Unies sur le climat de cette année (COP30) se tient actuellement à Belém, aux portes de l’Amazonie brésilienne. Le président Luiz Inácio Lula da Silva a inauguré le sommet en annonçant un fonds d’investissement mondial destiné à rémunérer les pays possédant des forêts tropicales pour le fait de conserver les arbres sur pied. Les peuples autochtones ont fait sentir leur présence à la COP30 depuis le début, exigeant la reconnaissance de leurs contributions en tant que défenseurs de l’environnement.
Ces événements ont placé les milieux forestiers au cœur de la COP30, et suscité l’espoir qu’elle ferait progresser les efforts de protection des forêts critiques pour le climat et des communautés dont elles permettent la subsistance.
À l’échelle nationale, un élan a été observé. Cette semaine, le Brésil a terminé le processus de reconnaissance juridique officielle de quatre territoires autochtones.
Dans l’un d’eux, situé dans l’État de Mato Grosso, des fermiers illégaux menacent de gagner du terrain sur la forêt et de la convertir en pâturages. Cette nouvelle a redonné espoir aux Manokis, le groupe autochtone dont c’est le territoire. « Nous prendrons place dans notre territoire la tête haute, sans peur, comme nos ancêtres nous l’ont appris », a déclaré Giovani Tapura, un chef du peuple autochtone manoki, à Human Rights Watch.
Le Brésil a également annoncé qu’il avait avancé dans le processus de reconnaissance officielle des frontières de 23 autres territoires. Il a été clairement démontré, surtout dans la région amazonienne, que les territoires de peuples autochtones et d’ascendance africaine qui sont délimités connaissent moins de déforestation que des zones comparables.
Mais jusqu’ici, les négociations actuelles au sein de la conférence sur le climat n’ont pas abordé la question des engagements à mettre fin à la déforestation et à respecter les droits des peuples de la forêt.
La dernière version de travail du document final de la COP30 ne contient pas de feuille de route pour les forêts, alors que les pays avaient précédemment convenu de faire cesser et d’inverser les pertes forestières d’ici 2030.
Le document final de la COP30 devrait comprendre un engagement de la part des gouvernements à entamer immédiatement des travaux sur une feuille de route assortie d’échéances, visant à endiguer la perte de surface forestière et à lutter contre la dégradation des forêts.
Toute feuille de route destinée à la préservation des forêts devrait par ailleurs exprimer un engagement explicite à faire progresser le respect des droits fonciers des peuples autochtones et des communautés locales. En pratique, cela se traduirait par la reconnaissance légale des droits fonciers coutumiers, la lutte contre l’invasion illégale des territoires traditionnels, le renforcement de la gouvernance des terres gérées en commun et l’investissement dans des moyens de subsistance durables pour les communautés traditionnelles. Cette feuille de route devrait appeler explicitement à financer une conservation pilotée par les communautés.
La COP30 devrait marquer un tournant pour la protection des forêts critiques pour le climat. Les gouvernements devraient mettre au point une feuille de route afin de mettre fin à la déforestation, et faire progresser le respect des droits.
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20.11.2025 à 06:01
(Jérusalem) – Le déplacement forcé par le gouvernement israélien des populations de trois camps de réfugiés de Cisjordanie en janvier et février 2025 a constitué des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Les 32 000 personnes déplacées par ces opérations n’ont pas été autorisées à retourner dans leurs domiciles, dont beaucoup ont été délibérément démolis par les forces israéliennes.
20 novembre 2025 “All My Dreams Have Been Erased”Ce rapport de 105 pages, intitulé « ‘All My Dreams Have Been Erased’: Israel’s Forced Displacement of Palestinians in the West Bank » (« ‘Tous mes rêves ont été effacés’ : Déplacement forcé par Israël de Palestiniens en Cisjordanie »), détaille l’« Opération Mur de fer » (« Operation Iron Wall »), une opération militaire israélienne touchant les camps de réfugiés de Jénine, Tulkarem et Nour Chams, qui a commencé le 21 janvier 2025, quelques jours après l’annonce d’un cessez-le-feu temporaire à Gaza. Les forces israéliennes ont abruptement ordonné aux civils de quitter leur domicile, notamment à travers des haut-parleurs montés sur des drones. Des témoins ont déclaré que les soldats quadrillaient les camps en faisant brutalement irruption dans les domiciles, en saccageant les propriétés, en interrogeant les habitants et finalement en forçant toutes les familles à partir.
« Les autorités israéliennes, début 2025, ont chassé 32 000 Palestiniens de leurs foyers situés dans des camps de réfugiés en Cisjordanie, sans aucun égard pour les protections du droit international, et ne les ont pas autorisés à revenir », a déclaré Nadia Hardman, chercheuse senior auprès de la division Droits des réfugiés et migrants à Human Rights Watch. « Alors que l’attention du monde était tournée vers Gaza, les forces israéliennes ont commis en Cisjordanie des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des actes de nettoyage ethnique qui devraient faire l’objet d’enquêtes et de poursuites. »
Human Rights Watch a mené des entretiens avec 31 réfugiés palestiniens qui vivaient dans trois camps, a analysé des images satellite et a consulté les ordres de démolition de l’armée israélienne confirmant les destructions généralisées. Les chercheurs ont également analysé et vérifié des vidéos et des photographies des opérations militaires israéliennes.
Click to expand Image Carte de la Cisjordanie, montrant l’emplacement des camps de réfugiés de Jénine, Nour Chams et Tulkarem, dans le nord du territoire. © 2025 Human Rights WatchLe 21 janvier, les forces israéliennes ont pris d’assaut le camp de réfugiés de Jénine en déployant des hélicoptères Apache, des drones, des bulldozers et des véhicules blindés pour appuyer des centaines de soldats d’infanterie qui forçaient les gens à sortir de chez eux. Des habitants ont témoigné à Human Rights Watch qu’ils avaient vu des bulldozers démolir des bâtiments pendant qu’on les expulsait. Des opérations similaires ont eu lieu dans le camp de réfugiés de Tulkarem le 27 janvier et dans le camp voisin de Nour Chams le 9 février.
L’armée israélienne n’a fourni aucun abri ni aucune aide humanitaire aux habitants déplacés. Beaucoup ont cherché refuge dans les foyers déjà surpeuplés de parents ou d’amis, ou bien se sont tournés vers les mosquées, les écoles et les associations caritatives.
Une femme de 54 ans a témoigné que les soldats israéliens « criaient et jetaient des objets dans tous les sens [...] On aurait dit une scène de film – certains avaient des masques et ils portaient toutes sortes d’armes.Un des soldats a dit : ‘Vous n’avez plus de maison ici. Vous devez vous en aller.’ »
Depuis ces descentes, les autorités israéliennes ont refusé aux habitants le droit de retourner dans les camps, même en l’absence d’opérations militaires actives à proximité. Les soldats israéliens ont tiré sur des personnes qui tentaient de se rendre chez elles, et seul un petit nombre d’habitants ont été autorisés à récupérer leurs possessions. L’armée a rasé et dégagé des espaces au bulldozer, apparemment pour créer des chemins d’accès aux camps plus larges, et a bloqué toutes les entrées.
En analysant l’imagerie satellitaire, Human Rights Watch a constaté que six mois plus tard, plus de 850 domiciles ou autres bâtiments avaient été détruits ou gravement endommagés dans l’ensemble des trois camps. L’évaluation s’est concentrée uniquement sur des zones de destruction massive comprenant des bâtiments détruits et lourdement endommagés, souvent à cause de l’élargissement d’allées et de routes dans ces camps au bâti dense.
November 15, 2024: © 2025 Planet Labs PBC. July 24, 2025: © 2025 Planet Labs PBC
Deux images satellite montrant le camp de réfugiés de Jénine en Cisjordanie le 15 novembre 2024 (avant les opérations israéliennes de janvier 2025), et le 24 juillet 2025 (après ces opérations qui ont détruit une grande partie du camp). Le contour en pointillé indique la limite du camp, selon les données du Bureau central palestinien des statistiques (BCPS). © 2025 Planet Labs PBC (images satellite)/HRW (graphisme).
Une évaluation préliminaire d’images satellite par le Centre satellitaire des Nations Unies, menée à partir d’octobre 2025, a permis de conclure que 1 460 bâtiments avaient subi des dégâts dans les trois camps, dont 652 qui montraient des signes de dommages modérés.
L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UN Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East, UNRWA) a établi ces trois camps au début des années 1950, afin d’y loger les Palestiniens qui avaient été expulsés de leurs domiciles ou forcés à fuir après la création d’Israël en 1948. Ces réfugiés – les personnes déplacées et ensuite leurs descendants – y ont vécu depuis cette époque.
L’article 49 de la Quatrième Convention de Genève, applicable aux territoires occupés, interdit de déplacer des civils, sauf temporairement pour des raisons militaires impératives ou pour la sécurité de la population. Les civils déplacés ont droit à la protection et à un relogement approprié. La puissance occupante doit assurer le retour des personnes déplacées dès que les hostilités ont cessé dans la zone.
Des responsables de l’armée israélienne ont affirmé, dans une lettre adressée à Human Rights Watch, que l’opération Iron Wall avait été initiée « à la lumière de la menace sécuritaire représentée par ces camps et la présence grandissante d’éléments terroristes en leur sein ». Cependant, il ne semble pas que les autorités israéliennes aient tenté d’établir que leur seule option possible était l’expulsion complète de la population civile afin d’atteindre leur objectif militaire ou d’expliquer pourquoi elles avaient empêché les habitants de revenir, a constaté Human Rights Watch.
Les responsables israéliens n’ont pas répondu aux questions de Human Rights Watch, demandant si Israël autoriserait les Palestiniens à revenir et à quelle date. Bezalel Smotrich, ministre des Finances qui est aussi co-ministre au ministère de la Défense, a déclaré en février que si les habitants du camp « continuaient leurs actes de terrorisme », les camps « seraient des ruines inhabitables » et que « leurs habitants seraient forcés à migrer et refaire leur vie dans d’autres pays ».
Le transfert forcé des Palestiniens des camps a constitué une forme de nettoyage ethnique – un terme non juridique décrivant l’éloignement illégal d’une zone d’un groupe ethnique ou religieux, par un autre groupe ethnique ou religieux.
Les descentes ont été menés alors que l’attention internationale était concentrée sur Gaza, où les autorités israéliennes ont commis des crimes de guerre, un nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité – dont le déplacement forcé et l’extermination –, ainsi que des actes de génocide.
Depuis les attaques du 7 octobre 2023 dirigées par le Hamas dans le sud d’Israël, les forces israéliennes ont tué près de 1 000 Palestiniens en Cisjordanie. Les autorités israéliennes ont de plus en plus employé la détention administrative sans inculpation ni procès, les démolitions de domiciles palestiniens et la construction de colonies illégales, tandis que la violence de la part de colons soutenus par l’État et la torture de détenus palestiniens sont elles aussi en augmentation. Le déplacement forcé et les autres actes de répression à l’encontre des Palestiniens en Cisjordanie s’inscrivent dans les crimes contre l’humanité commis par Israël que sont l’apartheid et la persécution.
Les hauts responsables israéliens devraient faire l’objet d’enquêtes pour les opérations menées dans les camps de réfugiés et, si leur responsabilité est établie, dûment poursuivis pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, notamment en vertu de la responsabilité du commandement. Parmi les personnes sur lesquelles il convient d’enquêter figurent le major-général Avi Bluth, le commandant du Commandement central qui était chargé des opérations militaires en Cisjordanie et qui a supervisé les descentes dans les camps et les ordres de démolition, les lieutenants-généraux Herzi Halevi et Eyal Zamir, qui tous deux ont occupé la fonction de chef d’état-major de l’armée israélienne, le ministre de la Défense Israel Katz, le ministre des Finances Bezalel Smotrich, qui a aussi le statut de co-ministre au ministère de la Défense et qui siège au cabinet de sécurité, ainsi que le Premier ministre Benyamin Netanyahou.
Le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), ainsi que, à travers le principe de compétence universelle, les autorités judiciaires nationales de divers pays, devraient enquêter sur les responsables israéliens dont l’implication dans les atrocités commises en Cisjordanie est crédible, notamment en vertu de la responsabilité du commandement.
Les gouvernements devraient imposer des sanctions ciblées à Avi Bluth, Eyal Zamir, Bezalel Smotrich, Israel Katz, Benyamin Netanyahou et aux autres responsables israéliens impliqués dans les graves abus actuellement commis dans le Territoire palestinien occupé. Ils devraient également presser les autorités israéliennes de mettre fin à leurs politiques répressives, imposer un embargo sur les armes, suspendre leurs accords commerciaux préférentiels avec Israël, interdire le commerce avec les colonies illégales et appliquer les mandats d’arrêt de la CPI.
« L’escalade d’abus commis par Israël en Cisjordanie soulignent pourquoi les autres gouvernements, en dépit du fragile cessez-le-feu à Gaza, devraient agir d’ urgence pour empêcher les autorités israéliennes d’accentuer leur répression à l’encontre des Palestiniens », a conclu Nadia Hardman. « Ils devraient infliger des sanctions ciblées au Premier ministre, Benyamin Netanyahou, au ministre de la Défense, Israel Katz, et aux autres hauts fonctionnaires israéliens responsables de crimes graves envers les Palestiniens ; ils devraient aussi appliquer tous les mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale. »
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Zonebourse/Reuters Boursorama/Reuters
Mediapart (itw Nadia Hardman) Entrevue
Euronews / vidéo Courrier international/AFP
Ouest France OLJ BFMTV (vidéo) RTS.ch
Fil sur X : https://x.com/hrw_fr/status/1991525346295111924
20.11.2025 à 06:00
(Beyrouth) – La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) devrait agir fermement pour remédier à la crise grave et prolongée des droits humains en Égypte suite à son examen de la situation des droits dans ce pays, ont déclaré aujourd'hui 22 organisations. La Commission a constaté que l'Égypte violait de nombreux articles de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, mais n'a adopté aucune résolution sur l'Égypte depuis 2015, malgré la grave détérioration de la situation des droits humains dans le pays et la destruction quasi totale de l'espace civique.
La Commission africaine a examiné la situation de l’Égypte lors de sa 85ème session en octobre, lors de laquelle le gouvernement égyptien a présenté un rapport couvrant la période de 2019 à 2024. Ce rapport contenait toutefois des descriptions fallacieuses de la situation des droits humains en Égypte, et un déni catégorique des violations. La Rapporteure spéciale de la Commission pour l'Égypte a également présenté un rapport qui passait sous silence les violations généralisées et reprenait en grande partie le discours officiel.
« Le gouvernement égyptien a dressé un tableau idyllique masquant la grave crise des droits humains en Égypte, tandis que la Rapporteure spéciale de la Commission africaine a repris certains de ses récits sans les examiner, les amplifiant dangereusement », a déclaré Mohamed Lotfy, directeur exécutif de l’ONG Commission égyptienne pour les droits et les libertés (Egyptian Commission for Rights and Freedoms, ECRF). « Ces déformations de la réalité rendent d'autant plus crucial pour la Commission de s'attaquer fermement à la crise des droits humains en Égypte, la pire depuis des décennies. »
Des violations flagrantes et systématiques des droits humains en Égypte ont été largement documentées dans de nombreux rapports d'organisations de défense des droits humains égyptiennes et internationales indépendantes, de mécanismes des droits humains africains et des Nations Unies, et même du Conseil national des droits de l’homme nommé par le gouvernement, selon les 22 organisations signataires.
Le gouvernment égyptien a affirmé dans son rapport qu'il ne détient aucun journaliste ni prisonnier d'opinion et que les restrictions imposées aux organisations indépendantes, telles que l'interdiction de mener et de publier des études sans autorisation, visent à garantir la « transparence et l’objectivité ».
Lors des sessions publiques, la Rapporteure de la CADHP sur l’Égypte a rarement évoqué la grave crise des droits humains et les allégations de violations généralisées. Elle a affirmé que l’élection présidentielle de 2023 s’est déroulée dans un environnement « pacifique » et « compétitif », contredisant des preuves bien documentées de répression, des poursuites visant des candidats potentiels et des membres de leur famille, et la criminalisation effective en Égypte des rassemblements, des expressions et des associations.
La Rapporteure a demandé au gouvernement égyptien d’accueillir une session de la CADHP en Égypte, sans toutefois soulever d’inquiétude quant à la surveillance généralisée, aux exactions commises par les forces de sécurité et à la répression des manifestants. La répression est exposée depuis longtemps, notamment pendant la session de la Commission africaine de 2019 à Charm el-Cheikh, ainsi qu’avant et pendant la COP27, la Conférence sur le changement climatique de l’ONU, en Égypte en 2022.
En décembre 2024, la Rapporteure de la CADHP a effectué une visite officielle non annoncée en Égypte, qu'elle a qualifiée de « visite d'information (de familiarisation) et de plaidoyer ». Cependant, elle n'a apparemment rencontré aucune organisation indépendante de défense des droits humains avant, pendant ou après cette visite. En mai 2025, la Rapporteure a publié un rapport au sujet de sa visite, désormais indisponible sur le site internet de la Commission, reprenant sans contestation les arguments du gouvernement, notamment que « toute personne accusée dans une affaire pénale a droit à tous les droits stipulés dans les conventions internationales, en particulier au droit à la défense ». De nombreuses organisations internationales et égyptiennes de défense des droits humains ont exprimé publiquement et dans des lettres adressées à la CADHP, leurs préoccupations concernant la visite et le rapport de la Rapporteure.
Au cours de la période couverte par l’examen de la Commission, le gouvernement égyptien a adopté une politique de tolérance zéro à l'égard de la dissidence, a virtuellement éliminé l’espace public, et a effectivement criminalisé les droits à la liberté d'expression, de réunion, et d’association. Des dizaines de milliers d’activistes, de journalistes, de défenseur-e-s des droits humains, d’activistes pour les droits des femmes, de pmanifestants pacifiques, de syndicalistes, et d’universitaires ont été détenus ou poursuivis simplement pour avoir exercé leurs droits. Le gouvernement a harcelé, détenu et poursuivi en justice des membres de la famille de ses détracteurs, dont certain-e-s vivant à l’étranger.
Les amendements constitutionnels abusifs et dangereux introduits en 2019 ont gravement porté atteinte à l'indépendance du pouvoir judiciaire ainsi qu’à l'État de droit, et ont renforcé l'influence de l'armée sur la vie publique et politique de manière inédite. De nouvelles lois ont encore davantage restreint les droits fondamentaux, comme la loi de 2019 sur les associations et la loi de 2024 sur l'asile. Le gouvernement n'a pas procédé à une réforme significative des lois abusives existantes, telles que la loi de 2013 limitant les réunions pacifiques, la loi de 2018 sur la cybercriminalité, la loi de 2018 sur la réglementation des médias et les lois antiterroristes de 2015.
Le gouvernement a également manqué à ses obligations en matière de droits socio-économiques. Les dépenses d'éducation ont été réduites à leur plus bas niveau depuis de nombreuses années. Le budget alloué par le gouvernement aux soins de santé est bien inférieur au minimum constitutionnel et aux normes internationales. Les programmes d'aide financière couvrent moins d'un tiers des personnes vivant dans la pauvreté ou à proximité du seuil de pauvreté, même selon les chiffres officiels.
La grave crise des droits humains en Égypte a justifié l'adoption de quatre résolutions de la CADHP depuis 2013. Ces résolutions dénoncent des violations telles que « les restrictions sévères imposées aux journalistes et aux professionnels des médias, leurs arrestations, détentions et assassinats arbitraires dans l'exercice de leur profession », ainsi que « le mépris des normes régionales et internationales relatives au droit à un procès équitable et l'imposition illégale de condamnations à mort en masse ». Le gouvernement égyptien n'a pas mis en œuvre la grande majorité des recommandations formulées dans ces résolutions. Des organisations internationales et égyptiennes ont rencontré plusieurs membres de la Commission africaine lors de sa 85ème session afin de soulever ces préoccupations en matière de droits humains. Plusieurs de ces membres ont fait part de leurs inquiétudes dans leurs interventions publiques.
L’Égypte a également manqué à son obligation de mettre en œuvre plusieurs décisions finales de la Commission constatant son non-respect de ses obligations au titre de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, notamment trois décisions adoptées durant la période examinée depuis 2019.
Selon les 22 organisations soussignées, la CADHP devrait prendre des mesures fermes et décisives pour mettre en lumière la crise des droits humains qui sévit en Égypte, et pour protéger les droits des Égyptiens. La Commission devrait veiller à ce que son examen et ses observations finales comprennent une évaluation factuelle de la crise des droits humains en Égypte ainsi que publier des déclarations publiques, des appels urgents et des lettres au gouvernement dénonçant les violations systématiques ainsi que la nécessité d’abroger et de modifier les lois abusives.
Compte tenu du manquement du gouvernement à mettre en œuvre les résolutions précédentes de la Commission concernant l’Égypte, celle-ci devrait adopter une nouvelle résolution demandant des enquêtes sur les violations, la reddition des comptes et des réparations pour les victimes. La Commission africaine devrait également établir un mécanisme de suivi, conformément à son article 112, afin de contrôler la mise en œuvre des recommandations par l’Égypte et de dialoguer avec les victimes, la société civile et l’État sur des mesures correctives concrètes. La Commission, par l’intermédiaire de son Groupe de travail sur la communication, doit remédier d’urgence au manquement de l’Égypte à mettre en œuvre les mesures correctives ordonnées dans les décisions finales relatives à des cas individuels et saisir le Conseil exécutif de l’Union africaine.
La CADHP devrait se prévaloir de son mandat d’alerte précoce, en vertu de l’article 58 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, pour attirer l’attention du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine sur la détérioration de la situation des droits humains en Égypte, notamment sur le risque de violations massives liées à l’impunité dans les détentions et les opérations antiterroristes.
La CADHP devrait s’engager publiquement à surveiller et à dénoncer toute menace ou restriction de ce type. Elle devrait veiller à ce que toute visite dans le pays comprenne des consultations approfondies avec les victimes d’abus et les organisations égyptiennes et internationales de défense des droits humains, ainsi que des garanties crédibles de confidentialité et de sécurité, fournies par le gouvernement, pour toutes les personnes concernées.
Si une session devait se tenir en Égypte, la CADHP devrait exiger du gouvernement des garanties concrètes quant au respect et à la protection de la sécurité et des libertés de tous les participants et des médias. Les participants doivent pouvoir entrer librement sur le territoire et le gouvernement ne doit exercer aucune sanction ni représailles en cas de participation à la session. Les organisations égyptiennes exprimant des critiques devrait pouvoir y accéder sans intimidation ni représailles.
« La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples dispose de nombreux outils pour mettre en lumière et remédier à la situation catastrophique des droits humains en Égypte et aux violations flagrantes qui y sont commises », a conclu Amr Magdi, chercheur senior auprès de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « À tout le moins, la Commission devrait veiller à ce que les affirmations du gouvernement égyptien soient rigoureusement examinées. »
Organisations signataires :
Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS) - Institut du Caire pour les études sur les droits de l'hommeCommittee for Justice (Comité pour la Justice)DAWNEgyptian Commission for Rights and FreedomsEgyptian Front for Human Rights (Front égyptien pour les droits humains)Egyptian Human Rights Forum (EHRF)Egyptian Initiative for Personal Rights (EIPR) - Initiative égyptienne pour les droits personnelsEgyptWide for Human RightsEl Nadim CenterEuromed Rights NetworkFédération internationale pour les droits humains (FIDH), dans le cadre de l'Observatoire pour la protection des défenseur-e-s des droits humainsHraak for Change and Youth EmpowermentHuman Rights WatchHuMENA for Human Rights and Civic EngagementInternational-Lawyers.OrgLaw and Democracy Support Foundation e.V. (LDSF)Ligue tunisienne des droits de l’hommeOrganisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de l'Observatoire pour la protection des défenseur-e-s des droits humainsREDRESSRefugees Platform in Egypt - RPESinai Foundation for Human Rights (Fondation Sinaï pour les droits humains)Their Right – To Defend Prisoners of Conscience19.11.2025 à 22:15
(New York, 19 novembre 2025) – Les forces de sécurité népalaises ont fait usage d'une force disproportionnée contre les manifestations menées par des jeunes le 8 septembre, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Le gouvernement provisoire dirigé par l'ancienne présidente de la Cour suprême Sushila Karki, nommée à ce poste après que le Premier ministre a été contraint de démissionner en raison des manifestations, devrait enquêter sur l'usage excessif de la force ainsi que sur les incendies criminels et les attaques collectives contre des personnes et des bâtiments le lendemain, le 9 septembre ; les enquêtes devraient aussi porter sur les personnes qui auraient ordonné des actes illégaux.
Human Rights Watch a constaté que, le 8 septembre, lors d'une manifestation de jeunes membres de la « génération Z » tenue dans la capitale, Katmandou, la police a tiré sans discernement sur des manifestants à plusieurs reprises pendant trois heures, tuant 17 personnes qui protestaient contre la corruption politique et l'interdiction des réseaux sociaux imposée quatre jours plus tôt. Cela a déclenché une deuxième journée de violence le 9 septembre, mais les forces de sécurité semblent n'avoir pas réagi lorsque des groupes de personnes, dont certaines n'étaient apparemment pas liées à la manifestation de la génération Z, ont incendié des bâtiments gouvernementaux importants, agressé des politiciens, des journalistes et d'autres personnes, et attaqué des écoles, des entreprises et des médias.
« Les récentes violences au Népal ont donné lieu à de graves violations des droits humains, et les responsables devraient être traduits en justice, qu'il s'agisse des forces de sécurité ou d'acteurs politiques », a déclaré Meenakshi Ganguly, directrice adjointe de la division Asie à Human Rights Watch. « Le gouvernement devrait veiller à ce que les enquêtes soient indépendantes, limitées dans le temps et transparentes, et à ce qu'aucune personne reconnue coupable d'avoir enfreint la loi ne soit injustement protégée contre des poursuites judiciaires appropriées. »
Le gouvernement de Sushila Karki a créé une commission d'enquête judiciaire chargée d'enquêter sur la mort d'au moins 76 personnes tuées dans tout le pays au cours des deux jours de violence, dont environ 47 à Katmandou, parmi lesquelles trois policiers. Le gouvernement Karki devrait reconnaître et s'attaquer à la corruption et à l'incapacité à garantir les droits, tels qu'un niveau de vie adéquat, qui ont déclenché les manifestations de jeunes, a déclaré Human Rights Watch.
Human Rights Watch a mené des entretiens avec 52 témoins, victimes, journalistes, professionnels de santé, politiciens, membres de l' e et sources proches des forces de sécurité ; vérifié des photographies et des vidéos publiées sur les réseaux sociaux ou partagées avec des chercheurs ; et visité des hôpitaux et les lieux des manifestations et des incendies criminels. Les recherches se sont concentrées sur Katmandou.
Le 8 septembre, entre 12 h 30 et 16 h environ, la police a utilisé la force meurtrière pour disperser des jeunes qui s'étaient rassemblés autour du parlement, tirant sur des personnes à la tête, à la poitrine et à l'abdomen. Les témoignages et les images analysées ne montrent pas de danger grave et imminent pour la vie qui justifierait l'usage intentionnel de la force meurtrière.
Les participants, informés de la manifestation sur les réseaux sociaux, notamment sur la plateforme de communication Discord, ont commencé à se rassembler vers 9 heures, et à 11 heures, la foule avait considérablement grossi. Alors que les manifestants avançaient vers le Parlement, certains ont franchi la seule barricade érigée dans une rue menant au Parlement. La police a utilisé des gaz lacrymogènes, des canons à eau et des matraques pour les disperser. Les manifestants se sont rassemblés en grand nombre autour de l'entrée principale du Parlement. Certains ont jeté des pierres sur la police. Vers 12 h 30, le gouvernement a décrété un couvre-feu dans la zone, mais les manifestants et les journalistes interrogés par Human Rights Watch n'avaient pas eu connaissance de cette annonce.
Vers 13 h, « la situation a vraiment dégénéré », a déclaré un journaliste qui a entendu des coups de feu et s'est réfugié avec un collègue près du mur d'enceinte du Parlement. Il a ajouté : « Une balle a sifflé entre moi et l’autre journaliste. » Aucun des témoins interrogés n'a entendu d'avertissement avant que la police ne recoure à la force meurtrière.
Les tirs de la police se sont poursuivis par intermittence pendant des heures. Vers 13 h 40, la police a tiré sur une étudiante universitaire de 20 ans, la blessant à l'épaule. « Quand j'ai été touchée, il n'y avait aucune violence », a déclaré l'étudiante. « Tout était très calme. Ils ont commencé à tirer sans crier gare. » Son chirurgien a confirmé ses blessures.
Dans l'après-midi et dans la soirée du 8 septembre, un manifestant a déclaré qu'une unité de police qu'il a identifiée comme étant la Force spéciale l'avait arrêté avec 33 autres personnes dans l'enceinte du Parlement. Il a déclaré qu'ils avaient été battus et menacés. Ils n'ont été libérés que l'après-midi suivant.
Le 9 septembre, des manifestants à travers la ville ont attaqué des commissariats de police, pillé des armes et forcé les policiers à fuir. Trois policiers ont été tués lors d'attaques de foules, ont déclaré des responsables de la police et des médecins légistes qui ont procédé aux autopsies. Dans de nombreux endroits, des membres du public ont participé spontanément à des incendies criminels et à d'autres attaques.
La foule a violemment battu des politiciens et incendié leurs maisons. Certains, dont le Premier ministre de l'époque, ont dû être secourus par hélicoptère militaire. Des bâtiments gouvernementaux clés, notamment le Parlement, le palais présidentiel, les bureaux fédéraux et la Cour suprême, ont été incendiés. Des écoles, des hôtels et des propriétés privées ont également été incendiés. Des milliers de prisonniers ont été libérés après des attaques contre des prisons.
Plusieurs témoins ont affirmé que certaines attaques de la foule étaient sélectives et se sont interrogés sur les raisons pour lesquelles les forces de sécurité de l' e n'avaient pas fait davantage pour les arrêter. « Les attaques étaient très ciblées », a déclaré un homme d'affaires, soulignant que les entreprises voisines étaient généralement épargnées. De nombreux témoins ont déclaré que les forces de sécurité étaient largement absentes alors que les incendies criminels se propageaient dans la ville le 9 septembre, ne parvenant pas à protéger les personnes et les biens attaqués.
Les témoins et les analystes interrogés par Human Rights Watch ou cités dans les médias ont déclaré qu'ils soupçonnaient que les violences avaient pu être influencées par des « infiltrés » affiliés à divers mouvements politiques. Les autorités judiciaires pénales devraient enquêter sur toute allégation crédible d'actes criminels ayant contribué aux violences, a déclaré Human Rights Watch.
Le Premier ministre K.P. Sharma Oli a démissionné dans l'après-midi du 9 septembre. Le soir même, le président Ram Chandra Poudel a publié une déclaration appelant au calme. Les incendies criminels se sont poursuivis jusqu'à environ 22 heures, heure à laquelle l'armée a été déployée. Le chef de l'armée, Ashok Raj Sigdel, a convoqué des membres éminents du mouvement Gen Z, ainsi que certains politiciens, pour discuter. Le 12 septembre, après avoir consulté leurs partisans sur la plateforme Discord, les représentants de « Gen Z » ont conclu un accord avec le président pour dissoudre le Parlement et nommer Karki à la tête d'un gouvernement intérimaire chargé d'organiser de nouvelles élections.
Des pathologistes de la morgue de Katmandou, qui a reçu 47 corps en deux jours, ont déclaré à Human Rights Watch qu'ils avaient déterminé que 35 décès étaient dus à des « blessures par balle tirée à grande vitesse » à la tête, au cou, à la poitrine ou à l'abdomen. Le personnel de divers hôpitaux a déclaré avoir reçu des centaines de patients blessés.
La police est entrée dans l'enceinte d'un hôpital le 8 septembre et a chargé le personnel et les patients à coups de matraque, blessant un membre du personnel, a déclaré un responsable de l'hôpital. Les manifestants ont attaqué des ambulances pendant les deux jours. Des journalistes ont été blessés par des projectiles à impact cinétique tirés par la police le 8 septembre et des manifestants ont attaqué les locaux des médias le 9 septembre.
Un haut responsable de la police à la retraite a déclaré que la police n'avait pas respecté les procédures relatives à la dispersion des manifestations et à l'usage de la force meurtrière. Les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu interdisent l'usage des armes à feu, sauf en cas de menace imminente de mort ou de blessure grave. L'usage intentionnel et meurtrier des armes à feu n'est autorisé que lorsqu'il est strictement inévitable pour protéger des vies. En vertu de la loi népalaise, les forces de sécurité, même lorsqu'elles sont autorisées à recourir à la force meurtrière pour rétablir l'ordre, doivent émettre des avertissements et éviter les décès.
La commission créée pour enquêter sur les événements des 8 et 9 septembre devrait examiner le rôle des forces de sécurité, les allégations crédibles d'infiltration et les actes criminels ayant contribué à la violence, a déclaré Human Rights Watch. Au 10 novembre, la police avait arrêté 423 personnes présumées responsables des violences du 9 septembre, mais aucune mesure n'avait été prise à l'encontre des agents qui avaient illégalement ouvert le feu sur les manifestants le 8 septembre.
« Les autorités devraient reconnaître que l'impunité généralisée dont ont bénéficié les auteurs de violations des droits humains dans le passé a contribué à rendre possible les violences perpétrées en septembre au Népal », a conclu Meenakshi Ganguly. « Il est essentiel d’inverser la tendance des gouvernements successifs au Népal à enterrer les enquêtes et à retarder les poursuites, depuis des décennies, et à reformer plutôt le secteur de la sécurité en veillant a l’obligation de rendre des comptes. »
Suite détaillée en anglais.
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18.11.2025 à 19:50
Une nuit calme dans le désert au nord du Mali a tourné au drame lorsqu'un drone apparemment déployé par l’armée a tiré une munition explosive sur une tente, tuant toute une famille. Cette frappe est un exemple récent des opérations militaires maliennes qui tuent des civils, et pourrait constituer un crime de guerre.
La frappe du 13 novembre, vers 21 h 30, sur le village de Tangatta, dans la région de Tombouctou dans le nord du Mali, a tué sept civils, dont cinq enfants âgés de 7 à 15 ans, issus de la même famille touareg, selon des médias et un témoin interrogé par Human Rights Watch. L'attaque a déplacé tous les autres habitants du village.
Un enseignant de 45 ans qui a survécu à l'attaque m'a raconté au téléphone qu'il avait vu dans le ciel un drone avec une lumière, puis avait entendu une forte explosion. Il a déclaré avoir trouvé les corps des parents et de leurs cinq enfants. « Six des corps étaient carbonisés », a-t-il déclaré. « Le corps du père n'était pas carbonisé, mais présentait des blessures visibles au visage et à la jambe gauche. Nous les avons enterrés dans deux tombes, la mère avec les enfants dans l'une, et le père dans l'autre. »
L'enseignant a déclaré que l'armée malienne faisait voler des drones au-dessus de Tangatta « tous les jours », car le Front de libération de l'Azawad (FLA), une coalition de groupes armés touaregs, et le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM ou Jama'at Nusrat al-Islam wa al-Muslimeen, JNIM), lié à Al-Qaïda, opèrent dans la région. Aucun homme armé n'était toutefois présent au moment de la frappe, a-t-il déclaré.
Les hostilités dans le nord du Mali se sont intensifiées depuis janvier 2023, lorsque les autorités militaires maliennes ont mis fin à un accord de paix conclu en 2015 avec les groupes armés touaregs. Dans le même temps, le GSIM a renforcé son contrôle sur l'ensemble du pays, assiégeant Bamako, la capitale, et coupant l'approvisionnement en carburant.
Cette récente frappe n'est pas un incident isolé. Les forces maliennes ont déjà mené des attaques de drones qui ont fait de nombreuses victimes civiles. Le lendemain de l'incident de Tangatta, une autre frappe de drone dans le village d'Albouhera, non loin de là, aurait tué deux femmes et deux enfants en bas âge.
En vertu du droit de la guerre, les civils ne doivent jamais être pris pour cible. Toutes les parties à un conflit armé doivent prendre toutes les précautions possibles pour éviter de nuire aux civils et aux biens civils. Les violations graves, telles que les attaques qui ne font pas de distinction entre civils et combattants, constituent des crimes de guerre si elles sont commises de manière délibérée ou imprudente.
Les autorités maliennes devraient mener d'urgence une enquête impartiale sur l'attaque de Tangatta et traduire les responsables en justice. Elles devraient rapidement verser une indemnisation adéquate aux proches des victimes, et devraient cesser de mener des frappes de drones illégales.
18.11.2025 à 16:14
Le 17 novembre, le Tribunal pénal international du Bangladesh a déclaré Sheikh Hasina, ancienne Première ministre, et Asaduzzaman Khan Kamal, ancien ministre de l'Intérieur, coupables de crimes contre l'humanité commis lors de la répression violente des manifestations d’étudiants en 2024, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.
Tous deux ont été jugés par contumace, sans être représentés par un avocat de leur choix, et condamnés à mort, ce qui soulève de graves préoccupations en matière de droits humains. La troisième personne accusée dans cette affaire, l’ex-directeur de la police Chowdhury Abdullah Al-Mamun, est actuellement en détention et a témoigné à charge ; sa peine a été réduite à cinq ans de prison.
« Des sentiments de colère et de détresse à l'égard du régime répressif de Sheikh Hasina perdurent au Bangladesh, mais toutes les procédures pénales devraient respecter les normes internationales en matière de procès équitable », a déclaré Meenakshi Ganguly, directrice adjointe de la division Asie à Human Rights Watch. « Les responsables des violations horribles commises sous l'administration Hasina devraient certes être traduits en justice mais dans le cadre d’enquêtes impartiales et de procès crédibles. »
Les autorités bangladaises ont commis de graves violations des droits humains au cours des trois semaines de manifestations qui ont eu lieu en juillet et août 2024, et qui ont mené a la chute du gouvernement Hasina. Selon un rapport des Nations Unies, les manifestations et la répression ont fait environ 1 400 morts, pour la plupart des manifestants abattus par les forces de sécurité.
Les responsables des abus devraient être traduits en justice de manière appropriée, mais les poursuites n'ont pas respecté les normes internationales en matière de procès équitable, notamment en ce qui concerne la possibilité de présenter une défense et d'interroger les témoins à charge, ainsi que le droit d'être représenté par un avocat de son choix. Les condamnations à mort exacerbent les inquiétudes quant à l'équité du procès.
Les trois accusés étaient poursuivis pour avoir incité les forces de sécurité et les partisans de la Ligue Awami de Sheikh Hasina à mener des attaques généralisées et systématiques contre les manifestants, et pour avoir ordonné l'utilisation de drones, d'hélicoptères et d'armes létales contre des manifestants non armés. Ils étaient également accusés de ne pas avoir empêché les atrocités ou pris de mesures punitives dans trois cas spécifiques d'homicides illégaux commis par les forces de sécurité.
L'accusation a présenté 54 témoins. Environ la moitié d'entre eux ont fourni des témoignages d'experts, tandis que les autres étaient des victimes, ou des membres de leurs familles.
Les preuves contre Sheikh Hasina comprenaient des enregistrements audio de conversations avec des fonctionnaires dans lesquelles elle semblait ordonner l'utilisation d'armes létales. Bien que l'avocat commis d'office pour défendre Sheikh Hasina et Asaduzzaman Khan Kamal, qui n'avait reçu aucune instruction des accusés, ait pu contre-interroger les témoins, il n'a présenté aucun témoin pour contester les allégations.
Les procès par contumace portent fondamentalement atteinte au droit à un procès équitable tel qu'énoncé dans l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), et qui est essentiel à la légitimité d'une procédure judiciaire. Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, qui veille au respect du PIDCP, a affirmé dans son Observation no 32 : « Tous les procès en matière pénale … doivent en principe faire l’objet d’une procédure orale et publique », permettant à l’accusé de comparaître en personne ou d’être représenté par un avocat, de présenter ses propres preuves et d’interroger des témoins.
Dans leur décision de 453 pages, les juges ont déclaré que l'article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), qui définit les crimes contre l'humanité, avait servi de base à la procédure du tribunal et que les témoignages des victimes avaient étayé sa conclusion de crimes contre l'humanité. Les juges ont également déclaré que, bien que Sheikh Hasina ait récemment imputé la responsabilité des « défaillances disciplinaires » à des « forces de sécurité sur le terrain » dans des interviews, elle avait également accepté sa « responsabilité en tant que dirigeante ».
Il est essentiel que justice soit faite et que les responsables des violations graves des droits humains commises par le gouvernement Hasina, notamment les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires et la torture, soient amenés à rendre des comptes, a déclaré Human Rights Watch. Cependant, les autorités bangladaises ont depuis longtemps, y compris sous le gouvernement Hasina, l'habitude d'intenter des procès pour des motifs politiques, notamment devant le Tribunal pénal international du pays, afin d'arrêter et de détenir arbitrairement, de poursuivre injustement et, dans certains cas, d'exécuter des opposants politiques.
Ces pratiques se sont poursuivies sous le gouvernement intérimaire dirigé par Muhammad Yunus, mis en place en août 2024 après la fuite de Sheikh Hasina vers l'Inde, pays voisin.
Le Tribunal pénal international est un tribunal national créé par Sheikh Hasina en 2010, à l'origine pour juger les crimes contre l'humanité commis pendant le mouvement d'indépendance du Bangladesh en 1971. Sous le régime de Sheikh Hasina, les procédures du tribunal ont à plusieurs reprises enfreint les normes internationales en matière de procès équitable et ont abouti à des condamnations à mort. Human Rights Watch s'oppose à la peine de mort en toutes circonstances en raison de sa cruauté inhérente.
Si le gouvernement Yunus n'a pas aboli la peine de mort, il a modifié la loi sur les crimes internationaux (tribunaux) en novembre 2024 afin de rapprocher les dispositions relatives à la responsabilité du commandement et aux crimes contre l'humanité du Statut de Rome de la CPI. Les modifications énumèrent spécifiquement les disparitions forcées comme un crime.
Cependant, de nouveaux amendements adoptés en 2025 ont conféré au tribunal des pouvoirs étendus pour poursuivre et démanteler des organisations politiques, ce qui pourrait être utilisé pour violer les normes internationales en matière de procédure régulière et de liberté d'association. Dans le verdict du procès Hasina, le tribunal n'a pas statué sur le démantèlement de la Ligue Awami, mais a déclaré que le gouvernement devait confisquer les biens de Sheikh Hasina et d’Asaduzzaman Khan Kamal pour indemniser les victimes. Sheikh Hasina est également accusé dans trois autres affaires devant le tribunal, deux liées à des disparitions forcées pendant son mandat et une liée à des massacres en 2013.
Le gouvernement Yunus devrait adopter des mesures visant à garantir la protection des droits fondamentaux des accusés, a déclaré Human Rights Watch. Les articles 47(3) et 47A de la Constitution du Bangladesh privent spécifiquement les personnes accusées de crimes internationaux, tels que les crimes contre l'humanité, des droits fondamentaux qui sont par ailleurs garantis aux accusés. Il s'agit notamment du droit à la protection de la loi (article 31), des garanties d'un procès équitable (article 35) et du droit de saisir la Cour suprême en cas de violation des droits fondamentaux (article 44). Le gouvernement bangladais devrait garantir à tous les accusés un accès égal aux recours constitutionnels et imposer un moratoire sur la peine de mort avec un plan visant à l'abolir complètement.
Le gouvernement devrait répondre à toute manifestation conformément aux Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois, a déclaré Human Rights Watch. Les dirigeants de la Ligue Awami devraient décourager la violence de la part des partisans de la Ligue qui s'opposent au verdict du tribunal.
Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et le gouvernement bangladais ont signé en juillet 2025 un protocole d'accord de trois ans visant à ouvrir une mission dans le pays « afin de soutenir la promotion et la protection des droits humains ». Le gouvernement intérimaire, qui s'est engagé à organiser des élections en février 2026, devrait également solliciter l'aide internationale pour garantir des procès équitables. Une telle aide nécessitera un moratoire sur la peine capitale.
À la suite des verdicts de culpabilité, le ministère des Affaires étrangères du Bangladesh a demandé au gouvernement indien de procéder au renvoi de Sheikh Hasina et d’Asaduzzaman Khan Kamal vers le Bangladesh, en invoquant un accord d'extradition entre les deux pays. Les autorités indiennes devraient soutenir les efforts de justice au Bangladesh, mais toute demande d'extradition devrait permettre aux personnes recherchées de contester l'extradition dans le cadre d'une procédure judiciaire en Inde qui respecte les normes d'équité. Aucune personne ne devrait être extradée vers un pays où elle risque d'être jugée dans le cadre d'un procès qui ne respecte pas les normes internationales en matière d'équité, et qui pourrait aboutir comme dans ce cas à la peine de mort.
« Les victimes de graves violations des droits humains commises sous le gouvernement Hasina ont besoin de justice et de réparations dans le cadre de procédures véritablement indépendantes et équitables », a conclu Meenakshi Ganguly. « Garantir la justice signifie également protéger les droits des accusés, y compris en abolissant la peine de mort, qui est intrinsèquement cruelle et irréversible. »
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18.11.2025 à 06:01
(Paris) – Le département français d’outre-mer de Mayotte, territoire insulaire de l’océan Indien et ancienne colonie française, ne garantit pas l’accès à l’éducation pour tous les enfants, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. En décembre 2024, le cyclone dévastateur Chido, a aggravé les défaillances de longue date du système éducatif mahorais, que les efforts de reconstruction n’ont pas permis de corriger un an plus tard.
18 novembre 2025 Une exception néfasteLe rapport de 77 pages, intitulé « Une exception néfaste : les manquements persistants de la France au droit à l’éducation à Mayotte », révèle que de nombreuses communes imposent des obstacles importants et arbitraires à l’inscription scolaire, notamment en exigeant des documents non prévus par la loi. Les enfants scolarisés se retrouvent souvent dans des écoles surpeuplées ne disposant pas des équipements nécessaires pour répondre à leurs besoins fondamentaux, notamment l’accès à l’eau potable, à des installations sanitaires, à une alimentation adéquate et à un environnement d’apprentissage sûr. Les enfants vivant dans des bidonvilles ainsi que ceux issus de familles migrantes sont particulièrement affectés.
« Il est choquant que des milliers d’enfants à Mayotte soient privés d’école, et que ceux qui y accèdent soient confrontés à des conditions d’apprentissage indignes », a déclaré Elvire Fondacci, chargée de plaidoyer à Human Rights Watch. « Tous les enfants de Mayotte devraient pouvoir exercer leur droit à l’éducation sur un pied d’égalité avec les enfants du reste de la France. »
Mayotte est l’un des 13 territoires d’outre-mer de la France, tous d’anciennes colonies françaises. C’est le département le plus pauvre de France et l’une des régions les plus défavorisées de l’Union européenne. Plus de 75 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Les autorités n’assurent pas une gestion de l’arrivée de migrants en provenance de l’État voisin des Comores et de demandeurs d’asile venus de pays d’Afrique centrale et orientale respectueuse des droits humains.
Human Rights Watch a interviewé plus de 40 enfants, ainsi que des parents, des représentants des autorités, des enseignants, des universitaires et des membres d’associations locales qui apportent du soutien aux enfants.
Dans de nombreuses communes, les enfants et leurs familles sont confrontés à des exigences d’inscription onéreuses et illégales, qui retardent ou empêchent leur accès à l’école. Certaines n’acceptent que des actes de naissance datant de moins de trois mois ; d’autres exigent un justificatif de sécurité sociale en cours de validité, une attestation de la Caisse d’allocations familiales (CAF), des avis d’imposition récents des parents et du propriétaire du domicile, voire la présence physique de ce dernier lors de l’inscription. Ces obstacles visent en partie à réguler les taux de scolarisation, ont déclaré des responsables politiques locaux à Human Rights Watch.
La négligence du gouvernement français à l’égard de Mayotte reflète l’héritage persistant du colonialisme qui a laissé l’archipel dans un état de sous-développement chronique. Le système éducatif de Mayotte est confronté depuis des années à un manque de salles de classe et d’enseignants. Mayotte affiche les pires résultats scolaires de France. L’enseignement est souvent mal adapté pour la plupart des élèves dont le français est une seconde langue.
Pour pallier le manque de salles de classe, de nombreuses écoles fonctionnent selon un système de rotation, ce qui signifie que les enfants ne suivent les cours qu’une partie de la journée, recevant parfois moins d’heures d’enseignement que ce qui est requis par les normes nationales. Certaines communes auraient également refusé de construire de nouvelles écoles, craignant qu’elles ne profitent principalement aux enfants de migrants.
Les enfants sont également exposés à des dangers sur le chemin de l’école, des groupes de jeunes jetant des pierres sur les bus scolaires, souvent motivés par des rivalités entre quartiers. Ces attaques découragent certains élèves qui n’ont pas d’autre moyen de transport pour se rendre à l’école.
Contrairement à la France hexagonale, où les repas chauds sont la norme, la plupart des écoles de Mayotte ne proposent qu’une collation qui constitue pour de nombreux élèves leur seul repas de la journée. Les enfants dont les familles n’ont pas les moyens de payer ne mangent pas.
« Si on n’a pas payé la cantine, on ne mange pas », a déclaré un garçon scolarisé, « c'est très difficile d’aller à l’école quand on a faim. »
En décembre 2024, le cyclone dévastateur Chido a causé des dégâts considérables aux habitations, aux écoles et à d’autres infrastructures, aggravant encore la pression sur le système éducatif de Mayotte. L’archipel a également été confronté à une sécheresse prolongée, provoquant des pénuries d’eau qui ont parfois conduit à la fermeture temporaire d’écoles.
En vertu de la loi française, l’éducation est gratuite, obligatoire entre 3 et 16 ans et doit être accessible à tous les enfants présents sur le territoire français. Pourtant, une étude réalisée en 2023 par l'Université Paris Nanterre a révélé que près de 9 % des enfants en âge d’être scolarisés à Mayotte, soit environ 9 000 enfants, ne l’étaient pas.
Mayotte affiche également le taux de croissance démographique le plus élevé de France, estimé à près de 4 % par an, ce qui contribue à exercer une forte pression sur le logement, l’éducation et les services publics. Des milliers d’enfants à Mayotte vivent dans des logements de fortune dépourvus d’accès à l’eau courante, à l’électricité ou d’installations sanitaires. Le sous-développement de Mayotte et les disparités socio-économiques qui en résultent reflètent l’incapacité de la France à faire face aux conséquences de son héritage colonial.
Les autorités nationales et locales n’ont pas efficacement remédié aux problèmes de logement précaire, d’alimentation insuffisante, de santé, de protection sociale et de chômage auxquels sont confrontés de nombreux habitants de l’archipel.
Les lois qui s’appliquent uniquement à Mayotte, notamment les dispositions restrictives en matière de citoyenneté, contribuent à marginaliser davantage des enfants et des familles qui, pour beaucoup, vivent sur l’île depuis toujours.
La France a l’obligation de répondre aux besoins fondamentaux de toutes les personnes présentes sur son territoire, et de garantir le droit à l’éducation pour tous les enfants sans discrimination.
Les communes de Mayotte devraient appliquer strictement le code de l’éducation en n’exigeant que les documents prévus par la loi. La préfecture, représentante de l’Etat à Mayotte, devrait veiller au strict respect de la loi, a déclaré Human Rights Watch.
Les autorités et le législateur français devraient abroger les lois spécifiques à Mayotte ayant des répercussions néfastes sur les droits fondamentaux, y compris ceux des enfants, notamment les législations relatives aux titres de séjour, à la protection sociale et au droit du travail.
Les restrictions d’accès à la citoyenneté devraient être révisées afin de lever les obstacles arbitraires à l’exercice des droits fondamentaux des enfants. « Le gouvernement français devrait agir de toute urgence pour que chaque enfant à Mayotte puisse aller à l'école à temps plein, dans des conditions dignes, avec un accès à la nourriture, à l’eau et à la sécurité », a déclaré Elvire Fondacci.
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Articles
Libération FranceInfo
Mayotte-Hebdo Journal de Mayotte
18.11.2025 à 05:00
(Nairobi) – L'armée malienne et des milices alliées ont tué au moins 31 civils et incendié des maisons les 2 et 13 octobre dans deux villages de la région de Ségou, qui est en proie à des conflits, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.
Le 2 octobre, les forces armées maliennes et des milices dozos, des milices composées essentiellement de personnes issues de l’ethnie bambara qui participent à des opérations de contre-insurrection depuis une décennie, ont tué au moins 21 hommes et ont incendié au moins 10 maisons dans le village de Kamona. Le 13 octobre, ces forces ont tué 9 hommes et une femme dans le village de Balle, situé à environ 55 kilomètres de là. Les deux villages sont situés dans une région du centre du Mali contrôlée par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM ou Jama'at Nusrat al-Islam wa al-Muslimeen, JNIM), lié à Al-Qaïda. Des témoins ont déclaré que des soldats et des milices dozos ont sommairement exécuté les villageois après les avoir accusés de collaborer avec le GSIM.
« Les massacres d'octobre dans la région de Ségou ne sont que les dernières atrocités attribuées à l'armée malienne et à ses milices alliées », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « Les autorités maliennes devraient mener une enquête crédible et impartiale sur ces meurtres, et traduire les responsables en justice dans le cadre de procès équitables. »
Human Rights Watch a mené des entretiens par téléphone en octobre avec 10 personnes ayant connaissance des incidents, dont 5 témoins et 5 chefs de communauté, activistes de la société civile et journalistes. Le 8 novembre, Human Rights Watch a écrit aux ministres de la Justice et de la Défense du Mali pour leur faire part de ses conclusions et poser certaines questions, mais n'a reçu aucune réponse à l’heure de la publication de ce communiqué.
Les témoins ont déclaré avoir identifié les soldats à leurs tenues de camouflage, et les Dozos à leurs vêtements traditionnels et aux amulettes qu'ils portaient autour du cou.
Le 2 octobre, vers 10 heures du matin, des soldats à bord d'au moins sept pick-ups et trois véhicules blindés, ainsi que des miliciens dozos à moto, sont entrés dans Kamona et ont commencé à rechercher les hommes du village. Les témoins ont déclaré que les combattants du GSIM avaient alerté les habitants de l'arrivée de l'armée, ce qui a poussé de nombreux habitants à fuir.
« Ceux qui n'ont pas pu fuir ont été rassemblés et exécutés », a déclaré un survivant à Human Rights Watch.
Des témoins ont déclaré que les combattants du GSIM avaient fui le village avant l'arrivée de l'armée, et qu'il n'y avait pas eu d'affrontement entre les deux camps.
Les témoins pensent que ces meurtres, corroborés par des rapports des médias, sont liés aux récentes attaques commises par le GSIM dans la région de Ségou, notamment une attaque qui a détruit l'usine sucrière de Siribala le 8 août.
Les villageois ont ensuite trouvé 17 corps sous un arbre dans le village, et quatre autres corps au nord de Kamona. Ils ont expliqué que les soldats avaient incendié au moins 10 huttes et 3 hangars appartenant à des habitants de l'ethnie peule.
Un berger de 40 ans qui s'était caché dans une maison abandonnée avec sa fille de 9 ans a déclaré que lorsque les assaillants sont partis, vers 16 heures, il a trouvé les 17 corps. « Les gens avaient été criblés de balles », a-t-il déclaré. « L'un d'eux avait la tête complètement fracassée. J'ai également vu plusieurs douilles de balles à côté des corps. »
Un autre homme, âgé de 39 ans, a déclaré avoir aidé à enterrer les corps. « Nous avons creusé une fosse commune sous l'arbre et y avons déposé les [corps des] 17 hommes », a-t-il déclaré. « Plus au nord, nous avons trouvé quatre autres corps. Tous avaient reçus des balles dans le ventre et dans la tête, nous avons donc creusé une autre fosse, les y avons déposés et les avons recouverts de sable. »
Les villageois ont fourni une liste des 21 victimes, toutes des hommes âgés de 20 à 65 ans. Ils pensent que les soldats ont tué d'autres personnes lors de cette attaque. « Nous avons entendu dire qu'au moins 15 autres hommes avaient été tués dans la brousse ce jour-là », a déclaré un villageois. « Mais nous ne sommes pas allés vérifier, car nous avions peur que l’armée revienne. »
Le 13 octobre, vers 13 heures, des soldats maliens à bord de cinq pick-ups et des miliciens dozos à bord d'au moins 30 motos sont entrés dans le village de Balle, provoquant la fuite de certains habitants. « Je ne me suis pas enfui immédiatement, mais lorsque j'ai vu les soldats faire du porte-à-porte et gifler et donner des coups de pied aux hommes, je me suis enfui », a déclaré un homme de 24 ans. « Depuis ma cachette, j'ai entendu des coups de feu. »
Des témoins ont déclaré que les soldats et les miliciens dozos ont tué 10 civils, dont une femme de 55 ans, et neuf hommes, âgés de 22 à 67 ans, et ont volé au moins 100 vaches.
Un homme de 33 ans a déclaré qu'après l'attaque, il a trouvé les 10 corps au milieu du village. « Ils étaient les uns à côté des autres, criblés de balles », a-t-il déclaré. « Certains avaient les jambes et les bras cassés. »
La fille de la femme qui a été tuée, elle-même âgée de 21 ans, a déclaré que sa mère avait crié en s’adressant aux soldats, les accusant d'avoir maltraité les villageois. « Elle s'est dirigée vers les soldats », a-t-elle déclaré. « Ils l'ont alors emmenée là où les hommes avaient été rassemblés, et l'ont abattue. »
Dans un communiqué daté du 14 octobre, le chef d'État-Major Général des Armées du Mali a déclaré que le 13 octobre, des soldats avaient mené une opération de « reconnaissance offensive » autour de Balle, qui avait « permis la neutralisation d'une vingtaine de terroristes » et la saisie de matériel militaire.
Des témoins et des habitants ont déclaré que Balle était depuis plusieurs années sous le contrôle du GSIM. « Nous payons la zakat [taxe islamique] chaque année », a déclaré un homme. « S’il y a des disputes, ce sont les djihadistes qui les règlent. Il n'y a ni soldats, ni gendarmes, ni policiers ici. Par conséquent, l'armée présume que nous sommes des combattants du GSIM. L'armée ne fait pas de distinction entre eux et nous. »
Depuis 2012, les gouvernements maliens successifs ont mené des conflits armés contre divers groupes armés islamistes. Les hostilités ont causé la mort de milliers de civils, et ont contraint plus de 402 000 personnes à se déplacer. Human Rights Watch a documenté des abus graves commis par les forces armées maliennes et ses milices et groupes mercenaires alliés lors d'opérations de contre-insurrection, ainsi que des atrocités commises par le GSIM et d'autres groupes armés.
Les attaques militaires contre des civils dans la région de Ségou ont eu lieu après que le GSIM a commencé à assiéger Bamako, la capitale du Mali, début septembre. Le siège a coupé l'approvisionnement en carburant de Bamako et a incité la junte militaire à fermer temporairement toutes les écoles et universités du pays.
Toutes les parties au conflit armé au Mali sont tenues de respecter le droit international humanitaire, notamment l'article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et le droit de la guerre coutumier. Le droit de la guerre interdit les attaques dirigées contre des civils, ainsi que le meurtre, les traitements cruels et la torture de toute personne en détention. Les personnes qui commettent des violations graves des lois de la guerre avec une intention criminelle ou qui en sont responsables en vertu de leur responsabilité de commandement peuvent être poursuivies pour crimes de guerre.
Bien que le Mali se soit retiré de la Cour pénale internationale (CPI) en septembre, le pays reste un État partie au Statut de Rome de la Cour jusqu'en septembre 2026. En janvier 2013, la Cour a ouvert une enquête sur les crimes de guerre présumés commis au Mali depuis 2012.
L'Union africaine (UA) s’est en grande partie abstenue de réagir efficacement à l'aggravation du conflit au Mali, malgré son mandat de promotion de la paix et de la sécurité, a déclaré Human Rights Watch. Alors que la situation sécuritaire s'est détériorée ces derniers mois, le Conseil de paix et de sécurité de l'UA n’a rien fait au-delà de publier des déclarations communiquant son inquiétude au sujet de cette situation.
« Le Conseil de paix et de sécurité de l'UA devrait faire de ce conflit au Mali une priorité », a conclu Ilaria Allegrozzi. « Il devrait régulièrement organiser des réunions d'information, renforcer les efforts diplomatiques et coordonner les actions régionales et internationales afin de renforcer la reddition des comptes pour les abus commis par toutes les parties. »
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Articles
Le Parisien/AFP RFI
17.11.2025 à 07:00
(San José, 17 novembre 2025) – Les gouvernements devraient donner suite à leurs récents engagements politiques visant à protéger les civils contre les bombardements et les tirs d'artillerie qui dévastent des villes et villages à travers le monde, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch dans un rapport publié en collaboration avec la Clinique internationale des droits humains de la faculté de droit de Harvard.
17 novembre 2025 Strengthening Civilian ProtectionLe rapport de 37 pages, intitulé « Strengthening Civilian Protection: Principles for Implementing the Declaration on Explosive Weapons in Populated Areas » (« Renforcer la protection des civils : Principes pour la mise en œuvre de la Déclaration sur les armes explosives dans des zones peuplées »), énonce sept principes directeurs adressés aux pays ayant approuvé la Déclaration politique sur l'utilisation des armes explosives dans les zones peuplées, afin de les aider à mettre leurs engagements en pratique. Les civils constituent la grande majorité des victimes causées par l'utilisation d'armes explosives en zones peuplées (« explosive weapons in populated areas », ou EWIPA) ; il s’agit notamment de bombes aériennes, de roquettes, de missiles, de projectiles d'artillerie et d’obus de mortier. Ces armes transforment des zones urbaines en ruines, détruisent les infrastructures et endommagent l'environnement et le patrimoine culturel.
« Dans des pays en situation de guerre, l’utilisation d’armes explosives dans des zones peuplées tue, blesse et traumatise des civils, perturbe l'accès aux services essentiels et provoque des déplacements massifs d’habitants », a déclaré Bonnie Docherty, conseillère principale sur les questions d’armes auprès de Human Rights Watch, chargée de cours de droit à la Harvard Human Rights Clinic et auteure principale du rapport. « Les dommages considérables récemment documentés en Ukraine, à Gaza, en République démocratique du Congo et ailleurs montrent que les gouvernements devraient intensifier leurs efforts pour mettre en œuvre leurs engagements visant à protéger les civils contre cette méthode de guerre. »
Play VideoLa Déclaration, adoptée à Dublin en 2022, est un instrument international non contraignant qui vise à empêcher l'utilisation d'armes explosives dans des villes et villages, et à remédier aux effets dévastateurs sur les civils. Les pays signataires et les autres parties prenantes concernées se réuniront à San José, au Costa Rica, du 18 au 20 novembre, à l'occasion de la deuxième conférence internationale au sujet de la Déclaration, afin d'encourager une adhésion plus large, d'examiner et de renforcer les efforts de mise en œuvre, et de définir les prochaines étapes.
Selon la Déclaration, les pays signataires s’engagent à prendre des mesures pour mieux protéger les civils, notamment en approuvant « la restriction ou l'abstention, le cas échéant, de l'utilisation d'armes explosives dans les zones peuplées », et à venir en aide aux victimes des dommages déjà causés. Les pays signataires s’engagent aussi à collecter et partager publiquement des données sur l'utilisation et les effets des armes explosives, afin qu’elles soient analysées en vue de tirer des enseignements permettant d'améliorer la protection des civils à l'avenir.
Human Rights Watch et la Harvard Human Rights Clinic exhortent les gouvernements à suivre sept principes directeurs afin de mettre en œuvre efficacement les engagements énoncés dans la Déclaration. Ces principes s'appliquent à tous les pays, quelle que soit la structure de leur gouvernement ou la taille de leur armée.
Les pays signataires de la Déclaration devraient prendre les mesures suivantes : (1) traiter de manière exhaustive les conséquences humanitaires de l'utilisation d'armes explosives dans les zones peuplées ; (2) élaborer des normes progressives de protection des civils qui vont au-delà du droit international humanitaire existant ; (3) collaborer avec un large éventail d'acteurs ; (4) veiller à ce que toutes les décisions soient fondées sur des données pertinentes ; (5) faire preuve de transparence dans leurs efforts de mise en œuvre ; (6) intégrer leurs engagements dans leurs lois et politiques nationales ; et (7) promouvoir la Déclaration et ses normes au-delà des pays signataires.
Le rapport « Renforcer la protection des civils » fait suite à un précédent rapport de 2022 intitulé « Safeguarding Civilians: A Humanitarian Interpretation of the Political Declaration on the Use of Explosive Weapons in Populated Areas » (« Protéger les civils : Une interprétation humanitaire de la Déclaration politique sur l'utilisation des armes explosives dans les zones peuplées »), copublié par Human Rights Watch et la Harvard Human Rights Clinic, qui examinait l'interprétation des dispositions de la Déclaration.
Human Rights Watch a cofondé le Réseau international sur les armes explosives (International Network on Explosive Weapons, INEW), une coalition d'organisations de la société civile qui a contribué à la rédaction de la Déclaration. Le réseau INEW et deux organisations partenaires de la société civile, la Fondation pour la paix et la démocratie (Fundación para la paz y la democracia, FUNPADEM) et l’ONG Sécurité humaine en Amérique latine et dans les Caraïbes (Seguridad Humana en América Latina y el Caribe, SEHLAC), organiseront un forum sur la protection des civils, ouvert à tous les délégués, le premier jour de la conférence de San José.
« Les gouvernements qui adoptent des mesures fortes fondées sur des principes communs peuvent contribuer à maximiser le potentiel de la Déclaration en tant qu'outil de protection des civils », a conclu Bonnie Docherty. « Ils peuvent établir des normes qui influencent non seulement les autres pays ayant déjà approuvé les engagements qu’elle contient, mais aussi ceux qui sont en proie à un conflit armé et qui ne l'ont pas encore fait. »
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17.11.2025 à 01:00
(Bangkok) – Les gouvernements étrangers devraient rejeter le projet de la junte du Myanmar d’organiser des élections entre fin décembre 2025 et janvier 2026, car celles-ci ne seront ni libres, ni équitables, ni inclusives, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Depuis le coup d’État militaire de février 2021, la junte a systématiquement démantelé l’état de droit et les tentatives de mise en place de systèmes démocratiques, et a intensifié la répression et la violence à l’approche des élections.
La junte a annoncé que les deux premières phases des élections auront lieu le 28 décembre et le 11 janvier. Depuis le coup d’État, la junte a interdit des dizaines de partis politiques et emprisonné environ 30 000 prisonniers politiques, dont près d’une centaine de personnes en application d’une loi électorale draconienne adoptée en juillet dernier. Le général Min Aung Hlaing, chef de la junte, a reconnu que les élections ne se tiendraient pas dans toutes les communes, du fait de combats incessants avec des groupes armés d’opposition, qui se caractérisent par des crimes de guerre commis par l’armée.
« Les élections factices organisées par de la junte au Myanmar sont une tentative désespérée d’obtenir une légitimité internationale après près de cinq ans de répression militaire brutale », a déclaré Elaine Pearson, directrice de la division Asie à Human Rights Watch. « Les gouvernements qui accorderaient une quelconque crédibilité à ces élections signaleraient un manque total de soutien à la mise en place au Myanmar d’un régime démocratique civil respectueux des droits humains. »
Le 29 juillet, la junte a promulgué la loi sur la Prévention de l’obstruction, de la perturbation et du sabotage des élections générales démocratiques multipartites, qui criminalise la critique des élections en interdisant tout discours, toute organisation ou toute manifestation qui perturberait une partie quelconque du processus électoral. Les contrevenants encourent jusqu’à 20 ans de prison et la peine de mort.
Depuis le mois d’août, les autorités de la junte ont arrêté 94 personnes en vertu de cette nouvelle loi, dont au moins 4 enfants, pour leurs activités sur les réseaux sociaux, la distribution d’autocollants et de tracts, la prononciation de discours et d’autres actes présumés d’« ingérence » et de « perturbation » du processus électoral. Le 9 septembre, un homme a été condamné à sept ans de travaux forcés à Taunggyi, dans l’État de Shan, pour avoir publié sur Facebook un message critiquant la junte. Le 29 octobre, les cinéastes Zambu Htun Thet Lwin et Aung Chan Lu ont été arrêtés pour avoir aimé (via le symbole « like ») un message Facebook critiquant un film de propagande électorale.
Depuis février 2022, les autorités ont arrêté près de 2 000 personnes pour leur soutien à l’opposition ou pour avoir critiqué l’armée sur Internet, dans le cadre d’une répression menée par la junte contre les libertés d’expression, de la presse et de réunion.
Une grande partie du pays est en proie à la contestation ou contrôlée par l’opposition et l’armée n’est pas en mesure d’exercer un contrôle territorial suffisant pour organiser des élections crédibles, a déclaré Human Rights Watch. Le recensement national organisé en octobre 2024 pour établir les listes électorales n’a été mené à bien que dans 145 des 330 municipalités du pays, soit moins de la moitié. En septembre, la Commission électorale de l’Union a déclaré que le vote ne se tiendrait pas dans 56 communes jugées « non propices », tandis que les deux tours annoncés jusqu’à présent ne couvrent que 202 municipalités.
Pour reprendre des territoires à la résistance armée avant les élections, l’armée a notamment eu recours à des frappes aériennes répétées contre des civils et des infrastructures civiles, qui constituent des crimes de guerre. La Chine et la Russie, principaux fournisseurs d’avions et d’armes de la junte, soutiennent toutes deux la tenue de ces élections. Les deux pays soutiennent la junte depuis longtemps et bloquent toute action internationale contre les atrocités commises par l’armée au Conseil de sécurité des Nations Unies.
Les abus commis par l’armée et l’escalade du conflit ont provoqué le déplacement interne de plus de 3,5 millions de personnes et contraint quelques 20 millions de personnes à recourir à l’aide humanitaire. Des médias indépendants et des groupes de la société civile ont rapporté que les autorités de la junte avaient fait pression sur des personnes déplacées et des prisonniers pour qu’ils aillent voter, et avaient multiplié les barrages routiers et la surveillance numérique.
Le coup d’État de 2021 a mis fin à une transition démocratique hésitante et limitée menée par la Ligue nationale pour la démocratie (LND) d’Aung San Suu Kyi. Lors des élections générales de novembre 2020, la LND a remporté 82 % des sièges disputés, battant largement le Parti de la solidarité et du développement de l’Union (USDP), allié de l’armée. En réponse, l’armée a allégué des fraudes électorales généralisées, un argument sans fondement rejeté par la Commission électorale de l’Union et les observateurs électoraux internationaux et nationaux.
Aux premières heures du 1er février 2021, alors que le nouveau parlement devait siéger pour la première fois, l’armée a arrêté le président Win Myint, Aung San Suu Kyi et de nombreux autres ministres, députés et administrateurs régionaux de la LND, privant les citoyens du Myanmar de leur droit, en vertu de droit international, de choisir librement leur propre gouvernement.
Dans les mois qui ont suivi le coup d’État, la junte a arrêté au moins 197 ministres et membres du Parlement ainsi que 154 responsables de la Commission électorale de l’Union. Suu Kyi et Win Myint purgent respectivement des peines de 27 et 8 ans de prison pour une série d’accusations fabriquées de toutes pièces.
En janvier 2023, la junte a promulgué une nouvelle loi sur l’enregistrement des partis politiques visant à empêcher les principaux membres de la LND de participer aux élections, en violation des normes internationales relatives au droit des partis politiques à s’organiser et à celui de leurs candidats à se présenter aux élections. En mars de la même année, la junte a annoncé que la LND faisait partie des 40 partis politiques et autres groupes dissous pour ne pas s’être enregistrés conformément à la nouvelle loi. La junte a dissous quatre autres partis en septembre 2025 pour non-respect des exigences prévues par la loi.
La junte avait auparavant déclaré que le gouvernement d’union nationale de l’opposition et son organe parlementaire, le Comité représentant Pyidaungsu Hluttaw, étaient des « organisations terroristes ». Les groupes d’opposition ont clairement indiqué qu’ils s’opposaient à toute élection organisée sous le régime de la junte.
Après le coup d’État, la junte a remplacé la Commission électorale civile de l’Union par un organe nommé par l’armée. L’Union européenne a sanctionné l’actuel président, Than Soe, nommé le 31 juillet 2025, ainsi que d’autres membres de la commission nommés par la junte pour être « directement impliqué dans des actions portant atteinte à la démocratie et à l’état de droit au Myanmar ». Avant le coup d’État, Than Soe dirigeait le bloc militaire à la chambre haute du Parlement. En vertu de la Constitution de 2008, l’armée nomme 25 % des sièges parlementaires.
Le 31 juillet, en prévision des élections, la junte a annoncé la création d’une Commission pour la sécurité et la paix de l’État en remplacement du Conseil d’administration de l’État en place depuis le coup d’État. Elle a également déclaré un nouvel état d’urgence et la loi martiale dans 63 municipalités des États de Chin, Kachin, Karen (Kayin), Karenni (Kayah), Rakhine et Shan, ainsi que dans les régions de Magway, Mandalay et Sagaing, et les a prolongés de 90 jours supplémentaires le 31 octobre. Ces ordonnances, qui visent principalement les municipalités contrôlées par l’opposition, transfèrent « les pouvoirs et les responsabilités desdites municipalités au commandant en chef ».
En novembre 2024, le procureur de la Cour pénale internationale a requis un mandat d’arrêt contre le commandant en chef Min Aung Hlaing pour crimes contre l’humanité présumés commis en 2017.
La junte a cherché à écraser toute opposition politique, à faire échouer toute tentative d’instauration d’un régime civil démocratique et à légitimer un état contrôlé par l’armée, a déclaré Human Rights Watch. Elle a préparé le terrain pour des élections dominées par l’USDP, soutenu par l’armée. Bien que la période officielle de campagne de 60 jours n’ait débuté que le 28 octobre, la campagne du parti mandaté par l’armée était déjà bien avancée. La junte aurait en outre interdit les cortèges électoraux.
Lors du sommet de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) en octobre, le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, a appelé à un « retour crédible à un régime civil » au Myanmar, en déclarant : « Je ne pense pas que quiconque puisse être convaincu que ces élections seront libres et équitables. » Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, a qualifié la tenue du scrutin en décembre d’« inconcevable ».
Si l’ASEAN a souligné que la paix et le dialogue politique « doivent précéder les élections », l’organisme régional ne dispose pas des outils nécessaires pour empêcher les États membres individuels de fournir de l’aide technique ou un soutien bilatéral.
« La Malaisie, le Japon et les autres gouvernements asiatiques qui ont clairement indiqué que ces élections étaient préjudiciables aux citoyens du Myanmar devraient exhorter leurs voisins à faire de même », a conclu Elaine Pearson. « Pour contrebalancer le soutien apporté par la Chine, la Russie et d’autres pays favorables au scrutin, il faudrait envoyer un message clair et catégorique indiquant que ces élections illégitimes ne feront que renforcer la descente du Myanmar dans la violence, la répression et le pouvoir autocratique. »
14.11.2025 à 16:30
(Beyrouth) – Un tribunal tunisien doit entendre en appel, le 17 novembre 2025, 37 personnes injustement condamnées en avril à de lourdes peines de prison dans le cadre d’une affaire de « complot » aux motifs politiques, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Parmi elles, quatre personnes sont en grève de la faim, dont une qui, d’après ses avocats, a subi des violences physiques en prison le 11 novembre.
Les accusés ont été inculpés en vertu de nombreux articles du Code pénal tunisien et de la loi antiterroriste de 2015, de comploter en vue de déstabiliser le pays. Ayant examiné les documents judiciaires de l’affaire, Human Rights Watch a constaté que ces accusations étaient injustifiées et qu’elles n’étaient pas fondées sur des éléments de preuve crédibles. Le tribunal devrait immédiatement casser les condamnations abusives et libérer tous les détenus, a déclaré Human Rights Watch.
« Toute cette affaire n’est qu’une mascarade, des accusations infondées au processus judiciaire dépourvu des garanties d’un procès équitable », a déclaré Bassam Khawaja, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Les autorités devraient mettre fin à ce simulacre de justice, qui s’inscrit dans une répression plus globale de toute forme de critique ou de dissidence. »
Le 19 avril, le Tribunal de première instance de Tunis avait condamné les 37 personnes, dont des opposants du président Saied, des activistes, des avocats et des chercheurs, à des peines de prison comprises entre 4 et 66 ans pour « complot contre la sûreté de l’État » et actes de nature terroriste. Elles avaient été reconnues coupables après seulement trois audiences, sans bénéficier des protections d'une procédure régulière. Trois autres accusés n’ont toujours pas été jugés en raison de procédures en cours devant la Cour de cassation.
Le 24 octobre, des avocats de la défense ont appris que la première audience se tiendrait à distance, par vidéoconférence, le 27 octobre. Les accusés actuellement en détention n’en ont été informés que le jour même de l’audience, tandis que les autres accusés n’ont pas reçu de convocation, a confié une avocate à Human Rights Watch. Le 27 octobre, l’audience a été reportée au 17 novembre.
Jaouhar Ben Mbarek, un activiste politique condamné en avril à 18 ans de prison, a commencé une grève de la faim le 29 octobre pour protester contre sa détention arbitraire. Il n’a pas reçu de soins médicaux appropriés en détention, a déclaré sa sœur et avocate Dalila Msaddek. La Ligue tunisienne des droits de l’homme et plusieurs avocats ont fait part de leur inquiétude au sujet de son état de santé, ce que les autorités carcérales ont nié. Dans une vidéo publiée sur Facebook, Msaddek a déclaré que le 11 novembre, son frère avait été emmené dans une zone sans caméras de surveillance de la prison de Belli pour y être passé à tabac par six autres détenus et cinq gardiens. Il a des ecchymoses sur le corps et une côte cassée, a-t-elle déclaré.
L’homme politique Issam Chebbi et l’avocat Ridha Belhaj, qui se sont vu infliger la même peine que Ben Mbarek, ont également commencé une grève de la faim, respectivement les 7 et 8 novembre. L’activiste politique Abdelhamid Jelassi, qui a été condamné à treize ans de prison, a lui aussi débuté une grève de la faim le 10 novembre.
Le procès d’avril s’était tenu sans les principaux accusés, ce qui les a privés d’une réelle opportunité de présenter leur défense. Le Tribunal de première instance de Tunis et le procureur avaient avancé qu’il existait un « danger réel » et jugé certains accusés par vidéoconférence. La plupart des accusés ont refusé d’être jugés par écran interposé.
Les autorités judiciaires prévoient de mener la procédure d’appel à nouveau par vidéoconférence, d’après le comité de défense. La pratique des audiences à distance est intrinsèquement abusive puisqu’elle viole le droit des détenus à être physiquement présents devant un juge qui pourra évaluer la légalité de leur détention ainsi que leur santé. Le droit international relatif aux droits humains, comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, proclame que toute personne a le droit d’être présente à son procès.
Douze accusés sont actuellement en détention. Certains demeurent en liberté en Tunisie tandis que d’autres, qui sont à l’étranger, ont été jugés par contumace. Nombre de ceux qui ont été condamnés avaient été arrêtés au départ en février 2023 et placés de façon abusive en détention provisoire pendant plus de deux ans, bien au-delà de la durée maximale de 14 mois autorisée par la loi tunisienne. La majorité d’entre eux n’ont été présentés qu’une seule fois devant un juge d’instruction pendant cette période.
Le gouvernement a lancé des représailles contre les avocats de la défense de cette affaire, ce qui porte encore plus atteinte aux droits des accusés à une procédure régulière, a déclaré Human Rights Watch. Le 21 avril, Ahmed Souad, un avocat défendant certains des accusés, a été arrêté et inculpé de terrorisme et de « diffusion de fausses informations », en vertu des lois sur le contreterrorisme et la cybercriminalité, pour avoir mis en doute l’indépendance de la justice à la suite du procès. Son procès s’est tenu en son absence, n’a duré que quelques minutes et le juge a délibéré sans entendre les plaidoiries des avocats Le 31 octobre, il a été condamné à cinq ans de prison et à trois ans de surveillance administrative.
Dalila Msaddek doit quant à elle comparaître devant un tribunal de Tunis le 25 novembre pour avoir pris la défense de ses clients au cours d’une interview radiophonique en 2023. Elle est accusée de « diffusion de fausses informations » et de traitement indu de données personnelles, en vertu des lois sur la cybercriminalité et la protection des données personnelles.
En mai 2023, Ayachi Hammami, qui était auparavant un des avocats de la défense de l’affaire, est venu s’ajouter aux accusés et a été condamné en avril à huit ans de prison.
Depuis que le président Saied a pris le contrôle des institutions de l’État tunisien, le 25 juillet 2021, les autorités ont fortement accru leur répression de la dissidence.
Depuis début 2023, elles ont accentué les arrestations et détentions arbitraires de personnes issues de tout l’éventail politique qui sont perçues comme critiques envers le gouvernement. Les atteintes répétées des autorités à l’encontre du pouvoir judiciaire, en particulier le démantèlement du Conseil supérieur de la magistrature par Kais Saied, ont gravement diminué son indépendance et mis en péril le droit des Tunisiens à un procès équitable.
La Tunisie est un État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui garantissent le droit à la liberté d’expression et de réunion, à un procès équitable et à ne pas subir d’arrestation ou de détention arbitraires.
« Les partenaires internationaux de la Tunisie devraient faire entendre leur voix face à ce déni de justice flagrant et ces atteintes à l’état de droit », a conclu Bassam Khawaja. « Ils devraient exhorter les autorités tunisiennes à cesser leur répression, annuler ces condamnations et garantir des procès équitables. »
14.11.2025 à 02:00
(Bangkok) – Le renforcement de la coopération entre les autorités thaïlandaises et vietnamiennes expose les réfugiés et les demandeurs d'asile vietnamiens en Thaïlande à un risque accru de retour forcé au Vietnam, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. En facilitant les abus transfrontaliers commis par le Vietnam, une forme de répression transnationale, les autorités thaïlandaises violent les protections prévues par le droit international des réfugiés.
La police thaïlandaise a mené plusieurs opérations à grande échelle en 2025, arrêtant des dizaines de ressortissants vietnamiens, dont beaucoup sont reconnus par les Nations Unies comme réfugiés et demandeurs d'asile. Bon nombre des personnes arrêtées ont déclaré avoir rencontré des fonctionnaires vietnamiens dans des prisons ou des centres de détention pour immigrants, ainsi que lors de réunions d'enregistrement avec les autorités thaïlandaises chargées de l'immigration.
« Les exilés vietnamiens sont confrontés à une insécurité croissante en Thaïlande », a déclaré John Sifton, directeur du plaidoyer auprès de la division Asie à Human Rights Watch. « Les autorités thaïlandaises devraient immédiatement cesser de détenir des réfugiés vietnamiens, et de coopérer avec la police vietnamienne qui cherche à obtenir leur renvoi vers ce pays. »
Human Rights Watch a mené des entretiens avec 34 réfugiés et demandeurs d'asile vietnamiens à Bangkok entre juillet et octobre 2025, dont sept personnes ayant précédemment milité pour les droits humains au Vietnam, trois proches de prisonniers politiques, ainsi que plus de 20 membres des communautés Montagnard et Hmong qui ont été victimes de persécution au Vietnam en raison de leurs croyances religieuses ou de leur participation à des manifestations. Presque tous ont été reconnus comme réfugiés par l'agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ou sont enregistrés auprès des Nations Unies en tant que demandeurs d'asile, et attendent un entretien pour déterminer leur statut.
La plupart des Vietnamiens exilés interrogés ont déclaré que la crainte d'être arrêtés, enlevés ou extradés vers leur pays s'était accrue au cours des deux dernières années, en raison des nombreuses visites d’autorités vietnamiennes dans des centres de rétention de migrants en Thaïlande. Ils ont également cité l'enlèvement, en avril 2023, du journaliste dissident Duong Van Thai, 42 ans, réfugié enregistré auprès du HCR qui avait fui le Vietnam en 2019 et attendait d'être réinstallé dans un pays tiers. Des hommes non identifiés l'ont ramené de force au Vietnam et, fin octobre 2024, après un procès à huis clos d'une journée, un tribunal vietnamien l'a condamné à 12 ans de prison pour avoir publié des informations « visant à s'opposer à la République socialiste du Vietnam ». L'inquiétude des exilés s'est encore accrue après que les autorités thaïlandaises, aidées par des agents de sécurité vietnamiens, ont arrêté le dissident Y Quynh Bdap en juin 2024. Le gouvernement vietnamien a qualifié l’organisation de défense des droits humains qu’il a cofondée, Montagnards Stand for Justice, de groupe « terroriste ».
En 2025, notamment au cours des mois de février, mars, avril, juillet et octobre, la police thaïlandaise a mené plusieurs opérations visant les exilés vietnamiens. Bon nombre des personnes arrêtées sont des Montagnards ou des Hmong originaires des hauts plateaux du centre du Vietnam, dont la plupart sont reconnus par le HCR comme réfugiés ou demandeurs d'asile et dont la demande est en cours de traitement. Plusieurs Montagnards et Hmong détenus entre février et avril ont fait des déclarations concordantes après leur libération, affirmant que des policiers vietnamiens les ayant rencontrés dans des centres thaïlandais les avait pressés d'accepter de retourner au Vietnam, et les avait ensuite harcelés lors de réunions avec des autorités thaïlandaises de l'immigration.
De nombreux réfugiés ont déclaré que la police vietnamienne avait rendu visite à leurs proches au Vietnam au cours de l'année dernière, leur disant qu'elle avait localisé leurs proches en Thaïlande et qu'elle s'apprêtait à les faire revenir.
Plusieurs organisations de défense des droits humains en Thaïlande ont interrogé des détenus et des exilés libérés qui corroborent ces conclusions, et ont envoyé des rapports privés aux responsables de l'ONU contenant des allégations d'abus.
La police thaïlandaise détient régulièrement des individus reconnus comme réfugiés par le HCR, notamment originaires du Vietnam, du Cambodge et du Myanmar, et les maintient en détention jusqu'à ce qu'ils versent une caution ; la plupart des réfugiés et des défenseurs des droits des migrants considèrent de telles sommes comme un pot-de-vin. En juillet dernier, Human Rights Watch a publié un rapport indiquant que la police thaïlandaise arrêtait régulièrement des demandeurs d'asile et des migrants originaires du Myanmar, et leur demandait des pots-de-vin. Un autre rapport de Human Rights Watch a documenté le fait que les autorités thaïlandaises aidaient des gouvernements étrangers à cibler des réfugiés.
Le gouvernement thaïlandais est tenu de respecter le principe de non-refoulement, inscrit dans le droit international, qui interdit aux pays de renvoyer une personne vers un lieu où elle courrait un risque réel de persécution, de torture ou d'autres mauvais traitements graves, d'une menace pour sa vie ou d'autres violations graves des droits humains comparables. Le refoulement est interdit par la Convention des Nations Unies contre la torture, à laquelle la Thaïlande est un État partie, ainsi que par le droit international coutumier. L'interdiction du refoulement est inscrite dans la loi thaïlandaise de 2023 sur la prévention et la répression de la torture et des disparitions forcées.
Le Vietnam et la Thaïlande semblent avoir convenu de coopérer plus étroitement et d'échanger des informations sur les réfugiés vietnamiens, en particulier ceux qui sont en détention, depuis le début de l'année 2024, lorsque les deux pays ont entamé des négociations en vue d'un traité d'extradition. En mai 2025, le Premier ministre vietnamien Pham Minh Chinh et le Premier ministre thaïlandais de l'époque, Paetongtarn Shinawatra, ont signé un accord global dans lequel ils « ont convenu de renforcer la coopération législative et judiciaire et se sont engagés à mettre en œuvre efficacement les accords signés entre les deux pays sur la prévention et la lutte contre la criminalité, le transfert des personnes condamnées et la coopération dans l'exécution des peines pénales ».
En juillet, plusieurs experts des droits humains des Nations Unies ont envoyé des lettres aux gouvernements du Vietnam et de la Thaïlande pour demander des informations sur bon nombre de ces cas. Les experts des Nations Unies ont déclaré qu'« il y a lieu de craindre que le gouvernement vietnamien échange des informations avec le gouvernement thaïlandais afin d'identifier les membres vietnamiens de la communauté Montagnard, en vue de leur rapatriement forcé au Vietnam, y compris ceux qui sont reconnus comme réfugiés par le HCR et dont la réinstallation dans des pays tiers est envisagée ».
Les experts se sont également déclarés alarmés par les incidents signalés de « représailles et d'intimidation » à l'encontre de défenseurs des droits humains en exil en Thaïlande et par les « restrictions excessives » imposées aux organisations de la diaspora, qu'ils ont jugées « destinées à décourager davantage la coopération avec les Nations Unies » et à empêcher les personnes de fournir des informations à l'ONU.
Les pays qui ont déjà réinstallé des réfugiés vietnamiens, tels que l'Australie, le Canada, l'Allemagne et d'autres États européens, devraient envisager d'augmenter leur réinstallation des personnes gravement menacées, a déclaré Human Rights Watch. Les États-Unis ont pratiquement suspendu leurs programmes de réinstallation des réfugiés, y compris pour les réfugiés en Thaïlande.
« La Thaïlande coopère actuellement avec le Vietnam, et se rend complice de sa répression transnationale menée à l'encontre de personnes exilées en Thaïlande », a conclu John Sifton. « Les gouvernements étrangers devraient accélérer la réinstallation de réfugiés qui sont en danger en Thaïlande, et exhorter le gouvernement à empêcher l'ingérence du Vietnam dans les affaires relatives aux réfugiés. »
Suite détaillée en anglais.
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13.11.2025 à 00:00
(Istanbul, le 13 novembre 2025) – Les autorités turques restreignent de plus en plus la possibilité pour des Ouïghours qui cherchent à se protéger du gouvernement chinois de résider légalement en Turquie, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport rendu public aujourd’hui.
12 novembre 2025 Protected No MoreCe rapport de 51 pages, intitulé « Protected No More: Uyghurs in Türkiye » (« Sans protection désormais : les Ouïghours en Turquie »), révèle que l’accès au statut de protection internationale qui était accordé en Turquie aux Ouïghours, ainsi que le traitement préférentiel dont ils bénéficiaient dans le cadre du système turc d’immigration, sont en passe d’être annulés du fait que désormais, les autorités inscrivent arbitrairement dans leurs dossiers de police et d’immigration des « codes de restriction », les définissant comme constituant une « menace pour la sécurité publique ». Le gouvernement place des Ouïghours en détention dans des conditions inhumaines et dégradantes et les force à signer des formulaires de retour volontaire, les exposant au risque d’être expulsés vers des pays tiers qui disposent d’accords d’extradition avec la Chine.
« Jusqu’à récemment, les Ouïghours ayant fui la répression dans leur pays se sentaient en sécurité en Turquie mais, alors que les relations de ce pays avec la Chine se réchauffent et que le gouvernement Erdoğan applique une politique restrictive envers les réfugiés et les migrants, beaucoup d’entre eux sont en proie à l’inquiétude », a déclaré Elaine Pearson, directrice de la division Asie à Human Rights Watch. « Certains Ouïghours affirment qu’ils n’osent plus quitter leur domicile de peur d’être arrêtés et envoyés dans des centres de déportation, tandis que d’autres entament un exode périlleux vers d’autres pays, en quête de sécurité. »
Human Rights Watch a mené des entretiens avec 13 Ouïghours, 6 avocats et un responsable gouvernemental turc ayant une bonne connaissance de cette question, et a étudié les politiques et des documents du gouvernement turc, tels que des décisions d’expulsion, les dossiers de certaines affaires et des circulaires d’ordres. Human Rights Watch a également examiné les dossiers publiquement disponibles de 33 Ouïghours qui ont été détenus dans des centres de déportation avant leur expulsion entre décembre 2018 et octobre 2025.
« Désormais, du fait que je n’ai pas de document légal, j’ai peur de sortir de chez moi, même pour aller faire des courses, car je ne veux pas me retrouver de nouveau au centre de déportation », a déclaré un Ouïghour dont le permis de résidence a été arbitrairement annulé par les autorités turques.
Dans le cadre de cette politique restrictive de l’immigration, les Ouïghours, comme d’autres réfugiés et migrants en Turquie, se voient souvent affecter un « code de restriction » (en général le code « G87 ») qui peut mener à toute une série de conséquences négatives et souvent désastreuses. Parmi celles-ci figurent le rejet des demandes de statut de protection internationale ou d'un autre statut ouvrant droit à un permis de résidence, ainsi que le déni de citoyenneté. De fait, les Ouïghours en Turquie sont devenus des « migrants irréguliers » et certains finissent par faire l’objet d’un ordre d’expulsion. Lorsqu’ils ont affaire avec des agents de police ou d’immigration pour quelque raison que ce soit, ils peuvent être envoyés dans un centre de déportation en vue de leur expulsion.
Les Ouïghours et les avocats que Human Rights Watch interrogés ont affirmé que les Ouïghours étaient soumis à de mauvais traitements dans les centres de détention et souvent à des pressions pour qu’ils signent des formulaires de retour volontaire, permettant leur rapatriement ou leur renvoi vers un pays tiers. Au moins trois des Ouïghours interrogés avaient signé ce formulaire et l’un d’eux a été expulsé vers les Émirats arabes unis (EAU), bien que ce pays dispose d’un traité d’extradition avec la Chine.
Human Rights Watch a transmis deux courriers au président de l’Organisme turc chargé de la gestion des migrations, datés respectivement du 23 septembre et du 27 octobre 2025, sollicitant ses commentaires au sujet des constatations figurant dans le rapport, ainsi que des informations sur le statut des Ouïghours en Turquie ; toutefois, Human Rights Watch n’a reçu aucune réponse.
L'apposition de codes de restriction est liée à la Loi turque n° 6458 sur les étrangers et la protection internationale. La manière dont ces codes de restriction sont apposés et leur justification ne sont pas claires et, dans la pratique, leur utilisation semble beaucoup plus généralisée que ce que la loi prévoyait. Ils sont souvent imposés sans justification raisonnable, sans preuves concrètes ou sans lien clair avec de possibles infractions.
Selon la loi turque, les particuliers peuvent faire appel d’une décision d’expulsion. Human Rights Watch a examiné cinq décisions judiciaires de 2024 et de 2025 relatives à des appels de décisions d’expulsion interjetés par des Ouïghours. Dans chaque cas, le tribunal a approuvé l'ordre d’expulsion sans préciser ce que les intéressés avaient fait qui puisse constituer la prétendue menace pour l’ordre et la sécurité publique. Détail inquiétant, dans chacun de ces cas, le tribunal a affirmé que l’interdiction du refoulement n’était pas applicable, arguant que le demandeur ouïghour n’avait pas établi qu’il serait exposé au risque de subir de mauvais traitements et des tortures s’il était renvoyé en Chine. Un avocat qui a souvent plaidé dans de telles procédures d’appel a indiqué que les juges émettent souvent « une décision négative [c’est-à-dire rejettent un appel] quand ils voient des codes de restriction, afin de ne prendre aucun risque. »
Le gouvernement turc est tenu de respecter le principe du non-refoulement contenu dans le droit international, qui interdit aux États de renvoyer toute personne dans un lieu où elle courrait un risque réel de persécution, de torture ou d’autres mauvais traitements graves, de menaces pour sa vie, ou d’autres graves violations comparables de ses droits humains.
Une simple plainte déposée par un voisin ou le fait d’être impliqué dans une affaire criminelle — même si on est ensuite acquitté — peut entraîner la décision d’imposer un code de restriction. Les autorités turques se basent également, pour imposer ces codes, sur des renseignements fournis par d’autres gouvernements. Dans certains cas, le gouvernement chinois a lui-même fait circuler des listes de personnes qu’il considère comme des « terroristes », terme qu’il associe à l'activisme pacifique ou avec l’expression publique de l’identité ouïghoure au Xinjiang.
Depuis 2017, le gouvernement chinois soumet les Ouïghours à des graves violations des droits humains que Human Rights Watch et des experts juridiques indépendants considèrent comme constituant des crimes contre l’humanité. S’ils sont renvoyés en Chine, et particulièrement en provenance d’un pays comme la Turquie que le gouvernement chinois considère comme « sensible », les Ouïghours risquent de subir des mises en détention, des interrogatoires, des tortures et d’autres traitements cruels, inhumains et dégradants.
« Le gouvernement turc devrait respecter le principe de non-refoulement, cesser immédiatement toutes les expulsions d’Ouïghours vers des pays tiers et les reconnaître plutôt a priori comme des réfugiés », a conclu Elaine Pearson. « Les autres gouvernements devraient cesser de transférer des Ouïghours vers la Turquie, puisque ce pays ne peut plus être considéré comme sûr pour eux, et devraient envisager d’accueillir eux-mêmes des réfugiés ouïghours ayant dû quitter la Turquie. »
Citations sélectionnées :« J’ai été traité comme si j’étais coupable. J’ai passé un an en détention.... J’ai essayé plusieurs fois de faire renouveler mon permis de résidence mais sans succès. Le bureau d’immigration m'a dit que j’avais 10 jours pour quitter le pays, après m’avoir informé que ma dernière demande de renouvellement de mon permis de résidence avait été rejetée. C’est alors que j’ai décidé de quitter le pays. J’avais mon passeport chinois, donc j’ai fait une réservation sur un vol vers un pays tiers qui me servirait d’étape pour aller en Europe afin d’être en sécurité. Les autorités turques m’ont arrêté à l’aéroport et m’ont imposé une interdiction d’entrée de deux ans. »
– Un Ouïghour qui a été arrêté arbitrairement par les autorités turques à cause d’un code de restriction et qui a ultérieurement quitté la Turquie. Juin 2025.
« Les conditions étaient très mauvaises. Dans un cas, le lieu de détention n’a pas fourni de nourriture adéquate pendant neuf jours de suite. Dans un centre de déportation, j’ai dormi pendant une semaine à même le sol en ciment et je partageais une unique couverture avec deux autres personnes. Il y avait 20 personnes dans une petite cellule où il n’y avait aucun sens de l’hygiène. J’ai vu des gens qui étaient infestés de poux. »
– Un Ouïghour qui a passé plusieurs mois dans divers centres de déportation. Mai 2025.
« Dans certains cas, quelqu’un qui a une conversation téléphonique avec une personne considérée comme suspecte peut se voir imposer un code. Par exemple, il y avait un Ouïghour qui était détenu pour des soupçons de ‘terrorisme’, mais qui a été remis en liberté sans conditions pour manque de preuves. Toutefois, pendant l’enquête, tous ceux qui avaient eu une conversation téléphonique avec cette personne ont reçu un code G87. »
– Un avocat qui s’occupe des dossiers de Ouïghours. Juillet 2025.
« Il y a de nombreux cas dans lesquels le gouvernement a annulé les permis de résidence à long terme de Ouïghours et leur a donné [à la place] un permis de résidence humanitaire. La décision est arbitraire. Et les permis de résidence humanitaires de certains de mes clients sont aussi parfois annulés ou non renouvelés. Dans de telles situations, les gens peuvent être détenus dans ces centres pour des durées allant jusqu’à un an. Ensuite, ils seront relâchés sans statut légal. Puis, au bout de quelques jours, un autre poste de contrôle policier peut les conduire de nouveau dans un centre de détention. C’est un … terrible cercle vicieux pour ceux qui ne possèdent pas les documents appropriés. De plus en plus, la Turquie est devenue un lieu invivable pour les Ouïghours. »
– Un avocat qui s’occupe des dossiers de Ouïghours. Juin 2025.
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